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Points de vue sur le sexisme
mis en ligne le 11 août 2008 - Emma Goldman , Nancy Antisexist , Non Fides
L’ancrage du sexisme (Non Fides)
Le sexisme, c’est l’action de discriminer et de poser sur les genres des distinctions morales ou axiologiques (qui établissent une hiérarchie entre les valeurs d’un point de vue éthique et/ou esthétique). Il y a le sexisme qui consiste à différencier ou catégoriser deux personnes selon leurs sexes, à établir des différences autres que purement biologiques entre les hommes et les femmes. Il y a aussi le sexisme qui consiste à nier toute forme d’égalité entre les sexes sous prétexte d’une prétendue infériorité biologique de la femme ou -plus rarement- de l’homme. Or, porter un jugement de valeur sur un organe génital ou des données biologiques est hors propos, il ne s’agit la que d’opinions personnelles travesties en données scientifiques. En effet, dire « je préfère le rouge au noir » est purement subjectif et lutter pour que la science et la société acceptent que le rouge soit « mieux » (jugement de valeur) que le noir en faisant passer des opinions subjectives pour des preuves objectives est contraire à toute raison. Les sexistes qui s’appuient sur des « données scientifiques » pour affirmer l’infériorité de la femme sont donc des imposteurs qui tentent de faire passer des vessies pour des lanternes.
Pourtant c’est bien à travers la science que se sont légitimées à travers les ages les idées sexistes.
Prenons par exemple le cas du développement de la craniométrie au XIXe siècle. Paul Broca (1824-1880), professeur de chirurgie clinique à la faculté de médecine fonda en 1859 la Société anthropologique de Paris avec laquelle il fit avancer l’anthropométrie craniale en développant de nouveaux instruments de mesure et de nouveaux indices numériques. Cependant une des prétendues découverte de Broca fut que l’intelligence des êtres se mesurait à la taille de leurs cerveaux. La femme ayant un cerveau plus petit que celui de l’homme, vous pouvez aisément imaginer les conclusions du scientifique qui aujourd’hui servent encore de « preuve » aux idéologues du sexisme et aux racistes (puisque des « preuves » de l’infériorité des noirs seront également fournies). Il est aujourd’hui établi malgré l’acharnement de nombreux réactionnaires que la taille du cerveau et le degré d’intelligence n’ont aucun rapport et que le poids du cerveau a plus à voir avec la masse corporelle qu’avec les facultés intellectuelles. Les exemples de ce type sont légions dans l’histoire des sciences [1]. Pourtant, aussi fausses soient-elles, ces idées reçues fabriquées par les esprits scientifiques du passé perdurent et sont loin de disparaître, notamment à cause d’un retour du religieux infectieux à propagation rapide. Il est de notre devoir de prévenir et de combattre la réaction, qui devient de plus en plus dangereuse au fur et à mesure que math et physique rencontrent métaphysique.
C’est sous le drapeau de la science que l’on impose aux hommes comme aux femmes, un modèle de comportement en nous faisant croire qu’il s’agit de « natures » différentes. Or, ce n’est qu’une construction sociale séculairement ancrée dans nos cultures. Il serait temps de se demander pourquoi les parents et les institutions scolaires continuent de mettre entre les mains des jeunes filles des poupées à habiller et coiffer ou de la dînettes à ranger comme pour habituer la femme à ranger la vaisselle, à devenir esthéticienne, à aimer ça (ou plutôt, apprendre à aimer ça). Pourquoi les garçons eux, n’ont accès qu’à des jeux de violences, des figurines musclées, des armes en plastique et des super héros militarisés ?
C’est parce que le sexisme commence au berceau qu’il est si prononcé. Une des solutions pour l’enrayer est de prendre le problème à la base et de transformer ce que l’on appelle aujourd’hui « l’éducation », qui est en fait le conditionnement/formatage, par une véritable éducation égalitaire (ou les garçons et les filles sont égaux), solidaire (ou l’entraide ne se manifeste pas seulement qu’entre filles ou entre garçons) et fraternelle (ou les différences sexuelles deviennent moteur de curiosité, d’érotisme, de sensualité ou d’instruction plutôt que de haine ou de mépris). Les enfants doivent êtres instruits de façon à ce que pour eux, « homme » et « femme » soient reconnus comme des genres sexuels et non comme des rôles sociaux auxquels ils devront se conformer sans réfléchir aux conséquences morales de ces constructions sociologiques.
Pourtant, le sentiment que les femmes ont tout acquis grâce aux luttes féministes de ces quarante dernières années (contraception, parité, divorce etc.) est largement répandu. En effet, certaines luttes ont abouties à des « droits », mais saurait-on se satisfaire de quelques couches de vernis superficielles dans les manuels juridiques ou dans le vocabulaire légal alors que le fond rance de nos cultures est toujours imprégné de sexisme, et surtout de misogynie ?
Certains progrès sont à remarquer mais les fondement des modèles homme/femme traditionnels n’ont jamais été véritablement remis en question à grande échelle ou par de larges groupes sociaux. Les sciences naturelles, la philosophie, l’Histoire, l’anthropologie ne devraient elles pas aujourd’hui servir à détruire les idées reçues concernant l’infériorité des femmes ? Comment se fait il que des personnages comme Eric Zemmour ou Alain Soral ont aujourd’hui encore droit de cité ? comment se fait il que les étudiants en philosophie (ou de toutes autres sciences humaines) soient abreuvés de philosophie masculine tandis que la qualité des travaux de philosophes telles que Hannah Arendt, Judith Butler, Simone De Beauvoir ou Voltayrine de Cleyre ne sont plus à prouver et pourtant majoritairement mis à la trappe ? Comment se fait il que dans les débats historiques moderne l’on ne reconnaisse toujours pas le sexisme comme élément moteur de certaines périodes et évènements historiques ?
Le sexisme recouvre ainsi des traditions, des comportements et des idéologies qui posent une différence de statut et de dignité entre l’homme et la femme. Dans la mesure où le sexisme définit le rapport hiérarchique ou non des deux sexes, c’est une forme de catégorisation sociale, morale, politique, religieuse, philosophique, économique, qui impose des normes de comportements aux deux sexes, et dont les deux sexes peuvent également souffrir ou jouir (selon leur position hiérarchique).
Abattons les rôles genrés !
Les deux sexes sont deux sexes, pas deux rôles construits socialement !
Le cas des « chasses aux sorcières », deux siècles de sexocide (Non Fides)
C’est sur un fond de troubles que paraît en 1486, directement inspiré par la bulle papale Summis desiderantes affectibus d’Innocent VIII, le Malleus maleficarum. Ses auteurs, les inquisiteurs Henry Institoris et Jacques Sprenger, ont le sentiment de vivre la désintégration d’un monde :
« Au milieu d’un siècle qui s’écroule, l’hérésie des sorcières, attaquant par d’innombrables assauts, réalise en chacune de ses oeuvres, son incarnation totale »
Ce livre se révèle être l’un des éléments déclencheurs des deux vagues de persécutions des sorcières perpétrées par l’Inquisition et par les différents parlements. Ils y font une lecture démonologique centrée sur le maléfice, puis anthropologique et sexologique accablant la femme, accusée d’être la complice de Satan. La théologie s’est alors muée (mais est-t-elle fondamentalement différente aujourd’hui ?) en une idéologie amalgamant hérésie, folie et frénésie sexuelle. Le modèle démonologique de « la femme au diable » est né, aussitôt pris en charge par l’imprimerie, c’est-à-dire véhiculé par une abondante littérature d’où se détache le traité de Jean Bodin Démonomanie des sorciers (1580).
Dans les premières sociétés néolithiques matriarcales, la femme avait socialement, le rôle le plus important. A l’ère chrétienne, les religions et croyances anciennes sont le diable de la nouvelle et c’est pourquoi le christianisme associa les femmes à des rôles maléfiques. Ce qui explique la prépondérance sur les bûchers des sorcières sur les sorciers. la chasse aux sorcières fut donc la répression des croyances ancestrales des cultures populaires par le pouvoir religieux augmentée d’un vaste mouvement de répression de la sexualité féminine et même, de la femme ensoi. A tel point que certains historiens parlent d’un « gynocide » ou encore d’un « sexocide » selon l’écrivaine Françoise d’Eaubonne dans Le sexocide des sorcières (1999). La phrase de Michelet extraite de son plaidoyer La Sorcière (1862), illustre bien l’ampleur de la persécution dont elles ont fait l’objet :
« pour un sorcier, dix mille sorcières »
Démontrant l’acharnement des inquisiteurs à juger et parfois brûler des femmes plutôt que des hommes, car entre 70 et 80% des condamnés au bûcher étaient des femmes. La sorcellerie serait donc en partie due à une misogynie tenace autant dans la culture populaire que dans la culture savante, principale responsable de cette extermination. Elles y sont rendues coupables, comme dans la bible avec la figure d’Eve, de la dénaturation de l’être humain en général, et de l’homme en particulier. Il apparaît souvent, au cours des procès du tribunal de l’Inquisition, une dimension sexuelle importante. Ces faits sont à mettre en relation avec les valeurs socioculturelles que l’Eglise et l’Etat tentent d’implanter dans l’esprit des ruraux et dans les fondements de la culture populaire. A travers la persécution des femmes s’exprime une répression plus générale de la sexualité. Les missionnaires de la réforme catholique combattent la relative liberté des mœurs qui existait dans les campagnes avant 1550. Ils imposent au monde paysan des « freins sexuels » efficaces. Les « aveux » extorqués par la torture aux prétendues sorcières peuvent être interprétés par rapport à cette lutte puritaine bien réelle. La copulation avec Satan, ou avec des démons, rappelle la survivance dans le monde rural des « fiançailles à l’essai », des concubinages, que veulent extirper de la culture populaire les autorités. Le sabbat, cette « fête sacrilège », n’est que la transposition diabolique des fêtes populaires multiples qui débouchaient fréquemment, l’ivresse aidant, sur des débordements sexuels. En fait, les multiples péchés imputés aux sorcières résultent d’une insatisfaction profonde des missionnaires devant la résistance d’une conduite sexuelle paysanne qui ne se coule pas suffisamment dans le moule théorique véhiculé par la réforme catholique du concile de Trente. Les procès en sorcellerie, dans ce contexte, permettent de culpabiliser les foules en reliant au diable la femme et la sexualité hors mariage. Dans le Malleus Maleficarum qui inspira ces vagues de répressions, les femmes sont l’emblème de la luxure. Avec elles, la sorcellerie prend la forme d’une débauche sexuelle : orgies, accouplements contre nature avec le diable, la sorcière est succube, fécondable par le diable et susceptible de donner naissance à des êtres démoniaques en transgressant les lois chrétiennes de la procréation. Les sorcières révèlent également en creux les angoisses sexuelles profondes de l’imaginaire masculin : elles sont supposées sectionner le membre viril des hommes à des fins rituelles, attenter à leur puissance sexuelle, ou encore, comme dans certains récits, engloutir des hommes par leur vagin (n’est-ce pas typiquement freudien ?).
Nombres d’historiens, et principalement Jules Michelet (1798-1874) dans La Sorcière, affirment que la pratique de la sorcellerie était l’expression d’une marginalisation volontaire, d’un refus de l’impérialisme religieux et d’une rébellion antisociale. Une révolte naïve de la culture populaire rurale contre les oppressions de l’Eglise et des élites urbaines et savantes, car c’est majoritairement dans les zones géographiques en cours de christianisation et dans lesquelles le pouvoir religieux était faible, dans les zones tardivement conquises, éloignées des centres de décisions et aux confins de la chrétienté qu’ont proliférés ces marginaux rebelles hostiles aux efforts de normalisation, d’intégration et d’acculturation déployés par la réforme catholique et le pouvoir monarchique. En effet, l’impiété est à l’époque baroque, un acte de rébellion. La sorcellerie peut donc être vue comme la réaction de la marginale qui sait son mode d’existence et sa liberté menacés par un nouvel ordre des choses imposé par les autorités religieuses. Loin de la considérer comme la manifestation d’un obscurantisme archaïque ou comme d’absurdes superstitions, Michelet voit dans la sorcellerie à la fois la conséquence de la misère des « temps du désespoir » et l’expression d’une révolte. La naissance, en réaction a l’impérialisme du dogme chrétien, d’une contre-culture féminine ancrée dans le paganisme -à qui l’Eglise et l’Inquisition font la guerre- pour mieux rejeter l’ordre moral chrétien. Seulement, nous pouvons voir que pour l’Eglise et les monarques européens, la plus grande menace est tout simplement la femme.
Le pouvoir, les hommes et parfois même les femmes aiment voir le genre féminin comme la raison de leurs malheurs.
Comme si la femme portait en elle le germe de la subversion.
La Grèce antique, une civilisation misogyne (Non Fides)
« Qui se fie à une femme se fie aux voleurs. » (Hésiode, Travaux, v. 375)
Plus connue aujourd’hui pour son héritage culturel (Aristophane, Sophocle…), scientifique (Pythagore, Thalès, Euclide…) politique (la démocratie, l’aristocratie, la tyrannie…) et philosophique (Platon, Aristote, Xénophon, Héraclite…), la Grèce antique était une société profondément misogyne. Les femmes n’y avaient que des devoirs et étaient toute leur vie soumises à une autorité masculine : le père, le mari, le frère et/ou le fils. Elles sortaient peu de chez elles et ne pouvaient pas disposer librement de leur fortune qui était gérée par une des autorités masculine citées plus tôt.
Athènes était une démocratie, le peuple y exerçait le pouvoir et tous, riches ou pauvres, pouvaient voter à condition d’être Athénien de père et de mère, de ne pas faire partie des esclaves et d’être un homme, car à Athènes les femmes ne faisaient pas de politique. Une jeune fille athénienne de bonne famille « vivait sous une stricte surveillance ; elle devait voir le moins de choses possible, en entendre le moins possible, poser le moins de questions possible » (extrait de l’Économique de Xénophon). Les jeunes filles et les femmes participaient pourtant activement à la vie religieuse de leur cité. Pour certaines, les fêtes et les cérémonies étaient les seules véritables occasions de sortir de la maison, et la religion était le seul domaine où elles pouvaient exercer officiellement des fonctions importantes. La principale mission des femmes était de faire des enfants, ce dont se plaint Médée, l’héroïne d’une pièce de théâtre écrite au Ve siècle avant JC par le poète grec Euripide :
« Nous sommes, nous autres femmes, la créature la plus misérable. […] Ils disent de nous que nous vivons une vie sans danger à la maison tandis qu’ils combattent avec la lance. Piètre raisonnement : je préférerais lutter trois fois sous un bouclier que d’accoucher une seule. »
Dans les plus anciens récits légendaires de la Grèce antique, les rôles de héros sont réservés aux hommes… Les femmes, elles, doivent se contenter d’être des mères, des sœurs, des épouses ou des filles de héros. L’histoire de la création du Génos Guneikon (la "race des femmes") nous est racontée par le poète grec du VIIIe siècle avant JC, Hésiode.
"Zeus, qui gronde dans les nuées, pour le grand malheur des hommes mortels a créé les femmes"
Pourtant, à la même époque en Égypte, les femmes jouissait des mêmes droits que leurs époux, elles pouvaient posséder des biens et il est même arrivé plusieurs fois que l’Égypte soit gouvernée par une reine. Dans la démocratie athénienne, le « féminin » est assuré par l’éphèbe et l’éromène. Des poètes comiques se demanderont pourquoi Zeus obligea l’homme à passer par la femme pour avoir des fils au lieu de se contenter d’une offrande à son autel. Cependant, c’est une société ou les taches ménagères sont accomplies par les esclaves, l’éducation par des pédagogues et où la sexualité est plus souvent pratiquée entre hommes lorsque le but n’est pas la procréation. Ce qui semble justifier dans la pensée grecque la gynophobie explicite des systèmes sociaux grecs, dans lesquels la femme ne sert finalement qu’à la reproduction des mâles. La soumission des femmes est un fait établi qui ne sera quasiment jamais remis en question. Les exemples littéraires sont nombreux, dans la tragédie Antigone de Sophocle, Créon déclare que si une femme ose se dresser, il faut l’écraser. Ou encore la mort de l’amazone abattue par Achille sous les hourras des hoplites : « Apprends-lui donc à se conduire comme une femme ! ». Que dire également du fait qu’aujourd’hui l’étude de la philosophie antique se résume aux noms de Platon, Aristote, Xénophon et autres philosophes mâles et non pas aux noms de la cinquantaine de femmes philosophes de l’antiquité gréco-romaine récemment redécouvertes avec parfois de très grands noms comme Hypatie. Il s’agit d’un soucis patriarcal de néantisation de la femme et du féminin de l’histoire de l’humanité.
L’anarchisme et la question sexuelle (Emma Goldman)
L’ouvrier, dont les muscles et la force sont tellement admirés par la pâle et chétive progéniture bourgeoise, mais dont le travail suffit à peine à lui maintenir la tête hors de l’eau, se marie seulement pour avoir à la maison une femme et une ménagère, qui, réduite en esclavage du matin au soir, doit concentrer ses efforts pour maintenir au plus bas le niveau des dépenses. Elle est tellement usée par ses efforts continuels pour permettre au misérable salaire de son mari de les faire vivre tous les deux qu’elle en devient irritable et n’est très vite plus en mesure de répondre aux demandes d’affection de son mari et maître qui, hélas ! Arrive assez vite à la conclusion que ses plans ont échoués et se met donc à penser que son mariage est un échec.
Une spirale de plus en plus forte
Les dépenses allant en augmentant au lieu de diminuer, la femme, qui a perdu la force qu’elle avait au début du mariage, commence à se sentir trahie, et les soucis et la crainte de la famine ont raison de sa beauté peu de temps après son mariage. Elle se décourage, déprime, néglige son travail domestique, et comme il n’y a aucun lien d’amour ni d’affection entre elle et son mari qui leur permettrait de faire face à la misère et à la pauvreté de leurs vies, au lieu de s’accrocher l’un à l’autre, ils deviennent deux étrangers l’un à l’autre, de plus en plus attentifs à leurs fautes respectives.
Au contraire du millionnaire, l’homme ne peut s’évader vers son club, mais il va au bar noyer sa misère dans un verre de bière ou de whisky. La partenaire malheureuse de cette misère, trop honnète pour chercher du réconfort dans d’autres bras, et trop pauvre pour s’autoriser une quelconque distraction ou loisir, reste dans cet environnement sordide et à peine entretenu qu’elle appelle sa maison, à pleurer amèrement sur la folie qui a fait d’elle la femme d’un pauvre.
Et pourtant, il n’y a aucun moyen qu’ils ne se séparent.
Mais ils doivent faire avec
Si exaspérants que soient les liens avec lesquels l’Église et l’État les ont enchainés l’un à l’autre, ils ne peuvent être brisés, sauf si les deux personnes décident de leur permettre d’être rompus.
Et quand la Loi a suffisamment pitié pour défaire leurs liens, c’est que tous les détails de leur vie privée ont été mis à jour. La femme est condamnée par l’opinion publique et sa vie toute entière est ruinée. La peur de cette disgrâce l’entraine souvent à plier sous le poids des contraintes de la vie maritale sans oser émettre une seule plainte contre le monstrueux système qui l’a brisée comme tant de ses soeurs.
Les bourgeois endurent ce système pour éviter le scandale, les pauvres pour épargner leurs enfants et par peur de l’opinion publique. Leurs vies ne sont que mensonge et hypocrisie.
La femme qui vend ses faveurs est libre de quitter quand elle veut l’homme qui les achète, tandis que « la femme respectable » ne peut se libérer d’une union qui l’humilie.
Toutes les unions artificielles qui ne sont pas consacrées par l’amour relèvent de la prostitution, qu’elles soient sanctionnées ou non par l’Eglise et la société. De telles unions ne peuvent avoir qu’une influence dégradante à la fois sur la morale et la santé de la société.
Le coupable, c’est le système
Ce système qui force les femmes à vendre leur féminité et leur indépendance au plus offrant n’est qu’une ramification du même système infernal qui permet à quelques uns de vivre sur les richesses produitent par leurs semblables, dont 99 % doivent travailler et se réduire en esclavage du matin au soir pour un salaire à peine suffisant à leur survie, cependant que les fruits de leur travail sont absorbés par une minorité de vampires désoeuvrés qui vivent entourés de tout ce que le monde compte de plus luxueux .
Arrêtons nous un moment à la contemplation de ces deux images du système social en vigueur au XIXème siècle.
Regardons les maisons bourgeoises, ces endroits magnifiques dont la vente du seul ameublement pourrait subvenir aux besoins de centaines d’hommes et de femmes . Regardez les soirées et les diners des enfants de ces bourgeois, dont un seul plat aurait suffit à nourrir des centaines d’affamés pour qui un repas d’eau et de pain est un luxe. Regardez ces fanatiques de la mode, passer leur temps à inventer de nouveaux moyens de s’amuser : sorties au théâtre, bals, concerts, yachting, courant d’une partie à l’autre du globe dans une recherche folle de gaieté et plaisirs. Et alors tournez vous un moment et regardez ceux qui produisent la richesse qui paie ces divertissement excessifs et artificiels.
L’autre côté du miroir
Regardez les, entassés dans des caves sombres et humides où jamais n’arrive le moindre souffle d’air frais, vêtus de guenilles, trainant leur misère du berceau au tombeau, leurs enfants vagabondant dans les rues, nus, affamés, sans personne pour leur adresser la moindre parole d’amour ni leur offrir la moindre tendresse, grandissant dans l’ignorance et la superstition, maudissant le jour de leur naissance.
Regardez-les, ces deux images ! Vous les moralistes et les philantropes, et dites moi qui doit être blâmé pour cela ! Ceux qui sont conduit à se prostituer, légalement ou pas, ou bien ceux qui conduisent leurs victimes à tant de désespoir ?
Le problème, ce n’est pas la prostitution, mais la société elle-même, ce système injuste porté par la propriété privée, l’Etat et l’Eglise. Ce système du vol légalisé, du meurtre et du viol de la femme innocente et de l’enfant sans espoir.
Le remède au fléau
Tant que nous ne nous serons pas débarrassés de ce monstre, nous n’arriverons pas à bout de ce qui gangrène le Sénat et les administrations, les demeures des bourgeois comme les masures des pauvres. L’humanité doit être consciente de ses forces et de ses capacités, elle doit se libérer pour commencer une nouvelle vie, meilleure et plus noble.
La prostitution ne sera jamais détruite par les méthodes du révérend Parkhurst et des autres réformateurs. Elle existera tant que le système actuel le nourrirra.
La femme ne sera autonome et indépendante que lorsque ces réformateurs uniront leurs efforts avec ceux qui luttent pour abolir le système qui engendre le crime sous toutes ses formes et en construire un basé sur l’égalité totale, un système qui garantit à chaque homme, femme ou enfant le fruit de son travail et exactement les mêmes droits de profiter des cadeaux de la nature et d’avoir accès à la meilleure des éducations. Alors, sa santé ne sera plus affectée par l’esclavage et le labeur sans fin et, elle ne sera plus la victime de l’Homme, tandis que l’Homme ne sera plus possédé par des vices ou des passions artificielles et contraires à son bien-être.
Le rêve anarchiste
Chacun devrait entrer l’état de mariage en position de force et avec une entière confiance morale en l’autre. Chacun aimerait et estimerait l’autre, et soutiendrait son travail, pas seulement pour son propre bien-être, mais aussi parce que, étant heureux ensemble, ils désireraient le bonheur universel de tous. La progéniture de ces unions serait forte et en bonne santé morale et physique, et respecterait et honorerait ses parents, pas seulement parceque c’est son devoir, mais parceque leurs parents le méritent.La communauté toute entière prendrait en charge leur éducation et leur porterait attention, et ils seraient libres de suivre leurs penchants, et il ne serait pas nécessaire de leur apprendre la flagornerie et les techniques de base pour s’attaquer à leurs semblables. Leur objectif dans la vie serait, non pas d’acquérir du pouvoir sur leurs frêres, mais de gagner l’estime et les respect de chaque membre de la communauté.
Le divorce anarchiste
Si l’union d’un homme et d’une femme se révèlait insatisfaisante et désagréable pour eux, ils pourraient se séparer de façon douce et calme, et n’auraient pas besoin de détériorer les quelques liens du mariage en continuant une union peu agréable.
Si, au lieu de persécuter les victimes, les réformateurs d’aujourd’hui s’unissaient pour éradiquer le problème, la prostitution ne déshonorerait plus jamais l’humanité.
Supprimer une classe et en protéger une autre n’est pas que pure folie. C’est un crime. Ne détournez pas la tête, vous, hommes et femmes moralistes.
Ne vous laissez pas influencer par vos préjugés : considérez la question d’un point de vue objectif .
Au lieu de faire usage de votre force inutilement, donnez donc un coup de main à l’abolition de ce système corrompu et malade.
Si la vie maritale ne vous a pas privé-e de tout honneur et estime personnelle, si vous éprouvez de l’amour pour ceux que vous appellez vos enfants, vous devez, pour votre salut et celui des vôtres lutter pour l’émancipation et l’établissement de la vérité. Alors, et seulement alors, le mariage cessera d’être un fléau.
Contre le publisexisme
On ne naît pas fille ou garçon on le devient : le social crée des différenciations considérées comme biologiques. Tel est ainsi le cas des qualités prétendument féminines que sont la beauté, la douceur, le don de soi qui s’opposent à des valeurs dites masculines (force, virilité, réfléchi) et qui sont largement mises en avant par la publicité. La répétition d’images de femmes soumises, réduites à des corps ou à des ménagères participe de la domination masculine, tout comme la glorification de la puissance (virilisme) dans les publicités.
L’omniprésence de la publicité renforce un phénomène pernicieux qui est l’adoption par les dominées (ici les femmes) des valeurs des dominants (les hommes) : L’image de la femme moderne largement reprise et mise en avant dans les pub étant la femme sexy qui arrive à concilier tant le travail domestique que le travail à l’extérieur tout en restant « fraîche » et « belle ». Quelle femme ne s’est pas un jour réclamée de ce trio ?
L’accomplissement des femmes :
Sexy : Etre belle et à l’écoute de l’homme.
Travail domestique : Travailler gratuitement à la maison (tâches ménagères et éducation des enfants).
Activité salariée : Etre subordonnée et moins rémunérée.
En envahissant tous les domaines de la vie, à travers un processus répétitif et abrutissant, la publicité impose un format qui légitime notre mode de vie actuel en pays riche, pourtant insoutenable, tant des points de vue écologique (promotion des 4x4 et des vols charters) que social (vision sexiste et individualiste) et culturel (une beauté/uniformisation).
Voilà pourquoi nous pensons que la pub est dangereuse !
Ni à prendre ni à vendre, les femmes ne sont pas des objets !
Rendons aux publisexistes leurs coups de pub !
Tract des Collectif anti-pub et Collectif anti-patriarcat (antipat at ml.free.fr & antipub59 at no-log.org)
Colères de femmes
Ou comment on devient une sale féministe (par Nancy Antisexist)
On me dit que ma colère n’est pas constructive, qu’elle n’est pas légitime ; que tout analyser en terme de rapports de genre et de domination sexiste est réducteur.
Oui, je suis en colère. Je suis révoltée parce que depuis toute petite, on m’a appris la soumission. On m’a expliqué que je devais être douce et compréhensive, ne pas m’énerver, ne jamais être violente. Parce qu’on m’a forcé à rentrer tout ça en moi, à subir les agressions et à ne pas broncher.
Je suis en colère parce que tous les jours, je suis renvoyée à mon rôle de femme, à ma place de femme. Femmes qui doivent gérer le quotidien, femmes qui ont le sens des responsabilités, femmes qui doivent toujours être capables de s’exprimer posément, femmes à qui tant d’activités sont interdites, parce qu’elles sont masculines.
Je suis en colère parce que je suis une bizarrerie : femme qui boit, qui crie, qui bricole, qui se bat. Parce que j’ai été contrainte d’adopter les codes masculins pour pouvoir exister dans des espaces publics, parce que j’ai été obligée de me battre pour être écoutée, crue, prise au sérieux, reconnue. Parce que je ne suis pas une femme, puisque je n’ai pas le comportement attendu d’une femme ; que je ne suis pas un homme, parce qu’il me manque une bite. Du coup, je suis la chieuse, l’emmerdeuse.
Je suis en colère parce que je me croyais forte. Et que j’ai laissé un homme me soumettre, m’humilier, me culpabiliser. Parce que je n’ai jamais voulu regarder cette situation de domination, parce que je ne voulais pas me voir comme la victime.
Je suis en colère parce que je n’ai pas le droit d’exprimer cette colère, parce que la femme qui s’insurge de ce qu’elle subit exagère toujours, va trop loin, est antimec. Je suis en colère parce qu’être féministe est un stigmate infamant. Parce que quand on gueule, c’est encore nous qui sommes jugées. Parce que c’est nous les hystériques, les lesbiennes, les mal baisées, les folles.
Je suis en colère parce que je parle avec des femmes, que nous avons toutes la même histoire, que cette histoire est celle du patriarcat et que la dénoncer nous expose à la répression de ceux qui n’y ont pas intérêt. Je suis en colère parce que l’homme arrive toujours à se faire passer pour la victime : victime de sa compagne qui l’a quitté, victimes des sales féministes qui l’oppresse par leurs blagues, victime de son conditionnement. Alors que merde, c’est nous femmes qui trinquons !
Je suis en colère parce que j’ai peur des hommes. De ce qu’ils peuvent faire subir, à moi ou à d’autres femmes. Parce qu’aujourd’hui il n’y a qu’en non-mixité que je me sens en confiance. Parce que oui, c’est dommage, mais que je n’ai simplement pas d’autre choix.
Je suis en colère parce que même quand des mecs réfléchissent à ces questions, c’est encore à nous, femmes, de les prendre par la main, de leur expliquer, de comprendre leurs doutes, de leur demander de prendre position, de les inciter à s’organiser.
Je suis en colère parce que dans tous les cas c’est à la femme de porter. De porter son histoire, les violences qu’elle subit, de porter la critique, les attaques antiféministes, le déni de sa rage. De porter la responsabilité de toujours réexpliquer.
Je suis en colère parce que je ne veux plus compatir. Je ne veux plus m’interroger des heures sur comment expliquer sans renvoyer un truc agressif ou blessant aux hommes. Je ne veux pas m’excuser d’être en colère.
Ce que nous exigeons, c’est d’être enfin entendues et reconnues, en tant que femmes, en tant que féministes, en tant que catégorie socialement opprimée.
Que crève le patriarcat. Maintenant, tout de suite.
[1] Pour approfondir la question : lire La Mal-mesure de l’homme de Stephen Jay Gould dans lequel l’auteur s’attèle à la remise en cause profonde des théories sur l’intelligence qui ont permis la fondation de multiples préjugés racistes et sexistes.
Cette brochure contient également deux affiches qui ne sont visibles que dans la version PDF à imprimer.
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