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L’endométriose nous casse les ovaires
mis en ligne le 14 juin 2022 - Anonyme
L’endométriose nous casse les ovaires
L’endométriose est une maladie que l’on connaît très mal mais dont on parle beaucoup. Comme plein de difficultés liées aux personnes à utérus, tout le monde a un avis dessus, et celui du corps médical est souvent foireux. Ce que vous allez lire est une histoire (très) personnelle ayant, je l’espère, un intérêt général, ou au moins un but informatif. C’est un récit sorti de moi, donc parfois haché et rébarbatif. Il a cependant le mérite d’illustrer un parcours frustrant mais tellement banal.
Je suis une meuf cisgenre hétéra blanche de 28 ans ayant grandi dans une famille de classe moyenne. Je vis dans les alentours de Toulouse. J’ai le privilège d’avoir le temps et un peu d’argent pour me soigner et m’informer. Voici l’histoire de mon parcours médical gynéco de mes 14 ans à aujourd’hui. Je ne suis qu’une patiente éclairée qui souhaite partager ce qu’elle a vécu et appris de ce vécu.
Depuis mes premières règles, j’ai toujours eu mal. Très mal. J’ai des souvenirs de mon père qui devait venir me chercher au collège, des souvenirs de l’infirmière qui me donnait des Spasfon, me laissait me coucher un peu, et me disait de surtout bien me laver les mains (c’était son obsession). Des souvenirs d’avoir mal jusqu’à en vomir. De la gynécologue de ma mère qui me disait que c’était normal d’avoir mal. Que c’était psychologique. Mais qui, tout de même, m’a un jour prescrit un anti-inflammatoire qui fonctionnait (flurbiprofene 400). J’ai commencé à le prendre au lycée, et je le prends toujours, douze ans après. Il m’offre un répit d’une heure ou deux. Les bouillottes brûlantes aussi.
Puis il y a eu le début de ma vie sexuelle, et la prise de pilule. Plus de douleurs aussi fortes, mais l’extinction progressive de ma libido. Je me forçais à faire l’amour, pour ne pas qu’il parte. Je me forçais parce que ça faisait longtemps, quand même. J’avais l’impression que mon corps ne fonctionnait pas comme celui des autres, je me demandais si les premiers mois d’une relation menaient inexorablement vers une absence de libido. C’était moi ? C’était mon couple ?
En 2014, je change de gynécologue. Je commence à me lasser de la pilule, parfois je l’oublie et ça m’inquiète. Il me pose un implant hormonal dans le bras. Pendant six mois, j’ai des saignements trois semaines par mois. Ma flore vaginale est défoncée à force de mettre des tampons tous les jours. Je passe à la cup et je fais retirer l’implant. Je commence à m’intéresser aux effets secondaires de la prise d’hormones. Je demande à ce gynécologue de me poser un stérilet au cuivre. Il ne me prévient pas que lorsqu’on a des règles particulièrement douloureuses, ce n’est pas une bonne idée. Le stérilet, je le supporte à peine six mois. Des douleurs qui me plient en deux, m’empêchent de vivre normalement pendant au moins deux jours par mois. Des règles très abondantes qui durent presque dix jours. Je le fais retirer.
Je reprends une pilule, un peu moins dosée, mais les effets secondaires reviennent. Déprime, plus de libido. Je ne veux pas d’enfants, ce qui me frustre d’autant plus de galérer autant avec la contraception. Je réfléchis à la contraception définitive. Je déménage à Tarbes en 2016 et décide d’en parler avec la première gynécologue disponible. Erreur. Une vieille dame réactionnaire qui me dit qu’elle n’a pas le droit de me stériliser, pas avant mes 40 ans (c’est faux). Elle me trouve ingrate de critiquer la pilule pour laquelle des femmes se sont battues. Elle me dit, je m’en souviens, « Nous, on est là pour vous faire faire des bébés » et je trouve ça terrible. Elle entend tout de même que j’ai très mal pendant mes règles et me propose une solution : une pilule qui coupe les règles. Je la prends quelques mois, en effet je n’ai plus mes règles, mais j’ai un transit terrible et des sautes d’humeur conséquentes.
Pause d’hormones
On décide, avec mon copain de l’époque, d’arrêter tout. On utilisera le préservatif pendant un an. C’est un renouveau pour moi, je réapprends à connaître mon cycle, mon corps, ma libido revient. Moi qui ai toujours eu des tendances migraineuses, je réalise qu’elles étaient très accentuées par la prise d’hormones. Ça va mieux, donc. En revanche, les douleurs de règles réapparaissent, comme dans mon adolescence. Je consulte un acupuncteur, deux fois. La deuxième fois, une aiguille placée au niveau de mon ovaire droit me fait souffrir pendant plusieurs jours. J’arrête d’y aller.
Ça fait quelques années qu’on entend parler de l’endométriose et que mon entourage me suggère cette piste, donc je demande à faire des examens. Je passe une échographie et une IRM en 2017 à Tarbes, mais on ne trouve rien. En parallèle, je continue mes investigations sur la contraception définitive et prends rendez-vous avec un chirurgien gynéco de Purpan trouvé sur Gyn&co, afin de m’assurer de pouvoir en parler sans jugement. En effet, Gyn&co est un site participatif où les patient·es alimentent une liste de soignant·es bienveillant·es. Dix mois d’attente. Il m’explique que la ligature des trompes ne se fait pas sur des femmes aussi jeunes, car le corps est si bien fait que cela se reconnecte, à terme. Il me propose d’essayer l’anneau contraceptif, un dispositif non remboursé (15-20 € par mois) et, si cela ne me convient pas, de réfléchir au stérilet hormonal, qui est plus localisé et évite les effets secondaires.
Je me servirai de l’anneau pendant un peu plus de six mois, mais je fais des bêtises. J’oublie de le remettre, ou je le garde trop longtemps… Je dois même reprendre une pilule d’urgence en août 2018. Mis à part la charge mentale et financière qu’il représente, le système me convient pas mal, à mon corps surtout.
Fin 2018, je suis célibataire et j’arrête tout. Je retrouve des règles douloureuses et un syndrome prémenstruel (SPM) particulièrement handicapant. Je retourne vivre à Toulouse. En me renseignant seule, je décide d’essayer de prendre des compléments alimentaires à base de gattilier, censés minorer le SPM. Au printemps 2019, une crise me fait particulièrement peur. Je n’arrive plus à respirer, j’ai une douleur terrible derrière le nombril et jusqu’au périnée. La douleur dure quelques heures, j’hésite à aller aux urgences. Puis, ça passe. Je suis épuisée. J’arrête tout de suite le gattilier, pensant que c’est ce qui a déclenché la crise. Le mois suivant, mes règles sont normalement douloureuses, et le mois d’après, rebelote. Je suis au restaurant lorsque la crise se déclenche. Je ne peux plus manger ni parler, je ne peux plus respirer normalement et encore moins marcher. Ça dure quelques heures. Je commence à développer une peur panique de mes propres règles. Je calcule quand elles doivent arriver, j’essaie de ne rien prévoir les premiers jours. Je suis terrorisée à l’idée de revivre cette douleur. Ça me préoccupe énormément.
Je vais voir une nouvelle gynécologue qui me prescrit de nouveau une échographie et une IRM. J’en profite aussi pour lui parler de mon désir de contraception définitive. Elle m’écoute, me comprend, ne me juge pas. Elle me donne deux noms de chirurgiens avec qui en discuter. Elle m’explique aussi que ce n’est plus la ligature des trompes que l’on pratique, mais la salpingectomie. On retire en fait tout le tube qui relie les ovaires à l’utérus. Le super gynéco de Purpan avait dû oublier de mentionner ça…
Un diagnostic mais pas de réponses
Juillet 2019. L’échographe, à peine la douche posée sur mon bas-ventre, s’exclame « Ah oui ! ». J’ai des kystes d’endométriose dans les ovaires. Le diagnostic est posé. Je suis sonnée, mais soulagée. Ma gynéco, voyant l’échographie, me déconseille de me faire opérer. Elle dit que c’est délicat d’opérer les ovaires sans les endommager. Je lui refais part de mon non-désir d’enfant en disant que cela ne me dérange pas que l’on endommage mes ovaires. Mais d’après elle, cela peut causer une ménopause précoce et traumatisante. Quelques semaines plus tard, l’IRM confirme que j’ai un kyste de 5 cm dans chaque ovaire, et plusieurs petits kystes collés aux plus gros. L’échographe n’est pas d’accord avec la gynéco, il me dit que ça s’opère facilement, d’autant plus si je ne veux pas d’enfants. Personne ne peut m’expliquer pourquoi ils sont apparus d’un coup, pourquoi deux ans auparavant personne n’avait rien vu. Personne ne sait non plus pourquoi un mois j’ai mal, et le suivant ça va. Je sais que je ne suis pas la seule qui constate ce rythme. Je n’ai plus jamais eu cette douleur ressentie deux fois au printemps.
L’endométriose est une maladie chronique qui touche très majoritairement les personnes à utérus : 1,5 personne sur 10. Elle entraîne surtout des douleurs pelviennes, cycliques mais parfois chroniques, pouvant compliquer le quotidien. Elle ne se guérit pas, ce sont ses symptômes que l’on traite.
Des tissus similaires à la muqueuse utérine se placent là où ils ne devraient pas, créant des lésions qui s’innervent et se réveillent à chaque pic d’œstrogènes du cycle ovarien, et notamment au moment de la purge des règles. On peut en trouver partout dans le bassin : sur les nerfs, sur les ligaments, sur la paroi extérieure de l’utérus, dans les ovaires (endométriomes), dans la paroi utérine (adénomyose)… Ils peuvent, dans certains cas, se trouver dans la cage thoracique ou dans le cerveau. En France, on les détecte par échographie pelvienne (vaginale) et par IRM. Malheureusement, l’endométriose est très tardivement diagnostiquée et peu étudiée, et on ne sait évidemment pas à quoi elle est due. Je vous invite à lire les ouvrages en bibliographie pour comprendre les spécificités de cette maladie.
C’est une maladie qui est connue et documentée depuis l’Antiquité. Dès le ve siècle av. J.C., et même dans les travaux de Platon, on retrouve des traces de récits de douleurs et d’infertilité liées à des dysfonctions menstruelles. De « violentes contractions utérines » responsables d’un état syncopal ou convulsif. Ce sont ces descriptions qui sont à l’origine du terme « crise d’hystérie », du grec signifiant matrice ou utérus. Le mariage et les grossesses précoces (dès 14 ans) étaient considérées comme thérapeutiques, puisque l’aménorrhée (absence de règles) réduit voire supprime les douleurs… Au Moyen Âge, on constate le début d’une franche confusion entre endométriose et hystérie, alors assimilée à la possession démoniaque.
Les autopsies de la Renaissance permettent à Ambroise Paré de souligner l’implication des ligaments utérins.
Au xviie siècle, on penche de nouveau pour un trouble psychologique. Les femmes seraient punies, comme promis par la Bible. C’est cet état d’esprit qui doit être pris en compte, encore aujourd’hui, pour comprendre un tel retard de diagnostic (7 à 10 ans). La médecine est passée par le concept d’« ulcère de l’utérus », puis la théorie du reflux commence à apparaître. C’est une théorie que l’on nous sert encore aujourd’hui en France, qui consiste à dire que l’endomètre, au lieu de s’écouler normalement lors des règles, reflue par les trompes et se place dans le corps. Dans le reste du monde, on admet que cette théorie a peu de chance d’expliquer la formation de l’endométriose, puisque 90 % des personnes qui ont leurs règles ont un reflux, et que de l’endométriose a été trouvée sur des fœtus, sur des personnes ayant un utérus dysfonctionnel, ou parfois même pas d’utérus du tout. Il existe sept théories différentes expliquant le développement de la maladie. S’il se trouve qu’un médecin vous explique que l’endométriose, c’est de l’endomètre qui reflue par les trompes, n’hésitez pas à lui rappeler ce que signifie « théorie ».
Au xviiie siècle, on se farde toujours la théorie psychologique, les personnes malades étant considérées comme dérangées, la nymphomanie prédisposante et l’hystérie la cause de tous les maux. C’est pourtant à cette époque qu’un médecin écossais publie un travail portant sur « l’inflammation utérine » qui décrit toutes les caractéristiques de l’endométriose.Au siècle suivant, on parle d’« hématocèles cataméniales ». Ce n’est qu’au xxe siècle qu’il est fait mention pour la première fois du terme « endométriose », et qu’on y regroupe enfin toutes les dénominations antérieures. Après moult hystérectomies, ovariectomies, laparotomies, on préfère la cœlioscopie, plus sûre, fiable et moins invasive pour retirer les lésions chirurgicalement. Concernant la médication, les médecins préconisent aujourd’hui les traitements progestatifs qui inhibent les effets des œstrogènes, et, contre les douleurs, les anti-inflammatoires et les opiacés.
Il faut savoir que l’intensité des symptômes n’est en aucun cas relative à l’importance du développement de la maladie. Une personne peut avoir de nombreuses lésions sans aucune douleur, et une seule lésion très mal placée peut gâcher une vie.
Ma gynécologue n’a qu’une seule solution : les hormones. Elle me prescrit un traitement progestatif à prendre tous les jours. On est en août 2019. Je lui explique que je ferais tout pour ne pas reprendre d’hormones. Elle n’a pas d’autre solution, me parle elle aussi du stérilet hormonal, qui m’éviterait peut-être les effets secondaires causés par la digestion d’un comprimé. C’est plus localisé, ça agirait directement sur les muqueuses. Je rappelle que l’endométriose ne se guérit pas, le progestatif permet juste de calmer le cycle hormonal et d’éviter les pics d’œstrogènes, et donc les douleurs. On a parfois remarqué que cela réduisait la taille des kystes, mais ce n’est pas systématique. Je comprends donc que si je commence ce traitement, je devrais le prendre à vie, ou en tout cas jusqu’à ce que quelqu’un·e trouve une meilleure solution.
Je commence à me renseigner seule sur la maladie. Je lis, je parle avec des personnes concernées, des personnes qui se sont fait opérer et chez qui les lésions d’endométriose sont revenues. Des personnes qui ont beaucoup plus souffert que moi. Qui sont loin de mon petit flurbiprofen trois jours par mois, qui en sont déjà à la prise quotidienne d’opiacés pour supporter les douleurs. Cela me fait un peu relativiser et me montre aussi que je ne suis pas seule, qu’il y a toute une communauté. Des personnes obligées de se renseigner seules, de trouver des solutions alternatives car, comme moi, elles ne veulent plus d’hormones. Des personnes frustrées, en colère de voir que la recherche est au niveau zéro, que le corps médical s’en fout des douleurs de règles. Pire encore, que les médecins ne disent jamais qu’ils ne savent pas, préférant répandre de fausses informations.
À la fin de l’été, je ressens une douleur intense pendant une pénétration. C’est une douleur très ciblée, comme une électrocution, et je repousse immédiatement mon partenaire. J’angoisse en réalisant que la maladie est en train d’avoir un impact sur ma vie sexuelle. Je me procure le livre de Marie-Rose Galès, Endo & sexo, qui explique que tous les organes du pelvis évoluent dans un espace réduit et que la moindre adhérence, la moindre inflammation de l’un peut influer sur les autres. Heureusement, ça ne m’arrivera plus. Mes règles sont toujours douloureuses, mais le plus handicapant, c’est la fatigue qui va avec. Je peux dormir douze heures par nuit et être encore épuisée la journée. Je ne peux rien manger le premier jour.
Tentative homéopathique
J’ai un suivi psychologique depuis juillet, on parle beaucoup de la maladie, de mes recherches et de mes discussions avec les médecins. Je vais voir une gynécologue-homéopathe conseillée par ma psy. Je passe plus d’une heure avec elle. Elle ignore mon désir de salpingectomie en me disant que je suis trop jeune. Elle me prescrit un tas d’homéopathie, remboursée, mais aussi des compléments alimentaires, assez chers. J’en profite pour lui dire que j’ai pris du gattilier pendant un mois et que mes règles ont failli m’envoyer à l’hôpital. Elle est interloquée, disant que normalement le gattilier soulage. Elle me conseille de changer mon alimentation pour éliminer les aliments inflammatoires (sucres raffinés, produits laitiers, viande rouge), et préférer le poisson et les oléagineux. Je lui explique que j’essaie de manger majoritairement végétarien et qu’acheter du poisson me dérange un peu. Elle me rit au nez en disant que le poisson n’est pas de la viande. Elle confond fruits secs et fruits séchés. Elle me dit aussi qu’il n’y a aucune cause médicale à l’endométriose, que chacun de mes kystes est lié à un traumatisme de ma mère, de mes grands-mères, de toutes les femmes de ma famille. Elle me dit d’enquêter, de faire un arbre généalogique de toutes les fausses couches, des avortements, des enfants morts-nés. Je lui dis que je ne peux pas, et je ne veux pas. Je ne comprends pas pourquoi elle me dit ça, et pourquoi, si c’est autant lié à la maternité, elle ne trouve pas curieux que je ne veuille pas d’enfant. Elle ne m’inspire pas confiance.
J’essaie tout de même le traitement homéopathique. C’est très contraignant, je dois m’organiser un calendrier avec tel comprimé à prendre tel jour mais pas tel jour, je dois me déplacer avec toutes les boîtes de médicaments… Et en plus, je ne constate pas de grand changement, à part la douleur qui commence à déborder au-delà de la semaine de règles. J’ai mal un peu tous les matins, je sens que ça tire dans la vessie. Je tiens deux mois et décide de ne pas aller au bout du traitement.
Fin octobre, j’ai rendez-vous avec le chirurgien conseillé par ma gynéco, à la clinique Rive Gauche de Toulouse. J’arrive avec ma lettre de recommandation qui lui dit que je souhaiterais parler avec lui de la salpingectomie. Il ne l’ouvre même pas, me dit que je suis trop jeune. En revanche, il s’intéresse à l’endométriose, regarde les clichés des examens, me propose rapidement une chirurgie. Il me fait un topo très paternaliste sur les deux problèmes majeurs de l’endométriose : en premier (évidemment), l’éventuelle stérilité que ça entraîne, et en second, les douleurs. Je lui rappelle que je ne veux pas d’enfants, mais il me dit quand même que s’il m’opère, il pourra prélever des ovocytes pour plus tard, si je change d’avis. Je lui répète que cela ne m’intéresse pas. Il ne m’intéresse pas, d’ailleurs. Il est expéditif, sec, il m’agace. Je repars sans être plus avancée. Je n’ai pas osé dire qu’il n’y avait pas moyen qu’il m’ouvre sans me retirer les trompes. Je me rends compte que cette histoire de stérilisation volontaire est un bon test pour voir tout de suite à qui l’on a affaire.
Dans l’imaginaire collectif et lorsque l’on entend parler d’endométriose dans les médias, c’est toujours lié à l’infertilité. Sur 100 personnes souffrant d’infertilité, 50 % souffrent d’endométriose. C’est donc parfois un parcours compliqué vers la parentalité : les adhérences peuvent entraîner une distorsion des organes, les endométriomes abîment les ovaires, les inflammations peuvent impacter la fécondation et l’implantation de l’embryon… Certes. Pourtant, on estime que 60 à 70 % des personnes atteintes de la maladie sont fertiles et peuvent tomber enceinte spontanément. Sur les personnes restantes, la moitié pourra enfanter, généralement grâce à la PMA. Donc environ 80 % des endométriosiques peuvent avoir un enfant. Les chiffres, une question de perspective… Il est cependant facile de comprendre pourquoi c’est l’axe qu’ont choisi les associations de sensibilisation pour communiquer sur la maladie. Visiblement, nos douleurs n’intéressent personne.
À la fin de l’année, mes recherches et mes discussions me mènent à une vidéo de Vice qui présente deux femmes cisgenres qui prennent un peu de la testo de leurs copains transgenres. Elles prennent à peine un quart d’ampoule, une fois par mois, et affirment que dès la première prise, leurs douleurs liées à l’endométriose ont disparu. Elles disent n’avoir aucun effet secondaire. La vidéo est accompagnée d’un article très militant de Juliet Drouar qui affirme que le patriarcat ne nous aide pas à nous soigner et que jamais le corps médical ne consentira à faire bouffer de la testostérone à des femmes cisgenres. En effet, la femme doit rester femme avec les attributs que lui impose la société. Pas trop musclée, pas trop virile surtout. Même si cela peut sauver sa santé mentale. Je me renseigne et réalise que la testostérone sert de traitement à l’endométriose dans les pays anglo-saxons (en comprimés). Tiens, tiens. Dire que dans l’Antiquité, Dioscoride préconisait l’urine de taureau et les testicules de boucs pour traiter les douleurs…
Le retour des hormones
Je pars en vacances et me dis que je commencerai le traitement hormonal en rentrant, pour essayer. Je commence début décembre 2019 à prendre du Lutenyl 5 mg (1/jour). C’est de l’acétate de nomégestrol, un progestatif. Comme mes règles n’arrivent pas, je fais un test de grossesse fin décembre. Je comprends que ce traitement arrête les règles, ce qu’on ne m’avait même pas dit. Du coup, évidemment, plus de règles, plus de douleurs. C’est assez confortable. Début janvier 2020 arrive en revanche un état dépressif particulièrement handicapant. Je n’ai plus envie de me lever, je ne veux plus sortir, je fais des crises d’angoisse, je ne vois pas trop l’intérêt de continuer à vivre. Je recommence à avoir des migraines très souvent (deux fois par semaine) alors que depuis l’arrêt de la pilule, c’était passé à une fois par mois environ. Mon transit se dégrade rapidement, j’ai la diarrhée tout le temps. Sècheresse vaginale, plus de libido. Mais surtout, ce brouillard constant. Je suis très fatiguée, j’ai besoin de dormir beaucoup, tout le temps. J’en parle à mes ami·es, à ma famille, tout le monde me dit d’arrêter le traitement.
Un aspect très important de la maladie : l’entourage. Mes parents ont toujours été très à l’écoute de ces douleurs, mon père en particulier qui avait l’air de souffrir avec moi. Je n’ai aucun souvenir d’un·e amie ou même d’un petit copain qui ait minimisé ma douleur. Au lycée, ma meilleure amie me trouvait courageuse. Un autre ami se rappelle, aujourd’hui encore, des douleurs que je subissais au collège. Aujourd’hui, mes ami·es m’apportent des trucs à manger quand je ne peux pas sortir. Je me rends compte que j’ai beaucoup de chance en discutant avec d’autres personnes malades qui ont perdu leurs ami·es à force de refuser des sorties, qui sont confrontées à un entourage qui trouve que leur maladie prend trop de place, ou qui ont des familles dysfonctionnelles et incapables de les soutenir. C’est tellement violent. Un soir, une fille a posté sur Instagram un message extrêmement sombre sur le fait qu’elle se sentait très seule et qu’elle ne voyait franchement pas l’intérêt de vivre. J’ai passé une heure ou deux à parler avec elle, ça m’a vraiment choquée. Elle vivait seule à Paris, n’avait pas les moyens d’aller voir un·e psy, sa famille ne se rendait pas compte de sa situation. Ses ami·es l’avaient laissée tomber et elle prenait beaucoup de Codéine pour pallier les douleurs.
Début février, je vais revoir la gynéco pour lui dire que j’ai commencé le traitement et que, sans surprise, cela ne me convient pas. Je lui parle aussi de la testostérone, elle en a vaguement entendu parler mais elle ne s’y connaît pas assez. En revanche, elle me parle tout de suite des effets secondaires, d’une éventuelle virilisation. C’est marrant de constater que les effets secondaires réels que je subis à cause des hormones dites féminines ne l’émeuvent pas autant. Elle est désolée mais n’a qu’une seule alternative : le stérilet. Je n’y tiens toujours pas. Je lui propose plutôt d’essayer de réduire la prise d’hormones. Elle trouve que c’est une super idée. Une consultation inutile, donc. Le comprimé est sécable et je commence le soir même à n’en prendre que la moitié.
À peine quelques jours après, le moral va mieux, j’ai parfois quelques microdouleurs dans le bas ventre, mais c’est gérable. En revanche, j’ai très mal aux articulations. La nuit, je suis réveillée par d’importantes douleurs aux épaules, j’ai envie de m’arracher les bras. J’ai aussi très mal à la hanche, ça commence à être difficile de marcher ou de monter des escaliers. J’ai l’impression de devenir folle, j’essaie de ne pas tout mettre sur le dos des hormones, mais je n’ai rien changé d’autre dans mon quotidien. J’ai l’impression d’être hypocondriaque. Je vais voir ma médecin traitante qui me dit que j’ai une tendinite à la hanche, et qui me fait faire une prise de sang pour trouver une inflammation, pour mes épaules.
Quelques heures après, je vois mon ostéopathe qui me dit que ce n’est pas une tendinite, mais probablement la diarrhée chronique qui a décalé tout mon bassin et surtout le sacrum qui me fait beaucoup souffrir. Cinq jours après l’avoir vu, les bras vont un peu mieux mais pas la hanche. L’analyse de sang ne montre rien d’anormal. J’arrive à attraper la remplaçante de ma médecin entre deux patient·e·s pour m’en assurer, je vois bien qu’elle n’a pas le temps, je n’ose pas insister sur ce que je pourrais faire de plus (à part m’arracher les bras). Lorsque ces douleurs se calment enfin, commencent celles au genou… Ça met quelques semaines à passer. Quelques mois plus tard, je me rendrai compte que les douleurs aux articulations sont un des effets indésirables de la prise de progestatif.
Désinformation
J’attends avec impatience le prochain rendez-vous avec une chirurgienne spécialisée de l’hôpital de Rangueil. J’ai également rendez-vous au centre de la douleur de Purpan. Et je ne peux m’empêcher de me demander, chaque jour : que va-t-il se passer quand je vais arrêter le progestatif ?
Un épisode du podcast Yesss parle des règles. Yesss, c’est un podcast de témoignages de personnes qui ont répondu aux agressions du patriarcat, qui ont trouvé la force de se défendre. Je m’attends donc à un témoignage sur la lutte contre l’endométriose. Curieusement, la personne qui témoigne dit qu’elle est guérie depuis qu’elle a changé son alimentation, vu des hypnotiseurs, énergéticiens, naturopathes et psychologues. Quelques jours plus tôt, on m’envoyait la vidéo d’une comédienne qui affirmait avoir guéri en voyant une hypnothérapeuthe, en changeant son alimentation et en prenant des compléments alimentaires. Je trouve très problématique que l’on diffuse ces informations sans contexte, sans expliquer le stade de la maladie, et, surtout, sans dire que les compléments alimentaires et les consultations de spécialistes sont hors de prix. Je ne peux qu’être ravie pour elles si ça a marché, mais cela n’aide pas les personnes précaires, les personnes qui n’ont pas les ressources financières pour contourner l’allopathie (traitement médical avec médicaments). Je bénéficie de la CMU et je suis au RSA une bonne partie de l’année. La psy me coûte déjà une centaine d’euros par mois, et l’ostéopathe n’est pas remboursé, c’est 55 euros la séance. J’aimerais y aller plus souvent mais je ne peux pas me le permettre. La gynéco-homéopathe que j’ai vue en 2019 m’a pris 50 euros pour la consultation. Un·e hypnothérapeuthe, c’est environ 60 euros la séance, j’imagine qu’un·e naturopathe ça doit être dans le même ordre de prix. Ce sont des aspects qu’on ne peut pas négliger.
En diffusant ces idées, on met de côté des milliers de personnes malades, alors que l’on est déjà oublié·es par le corps médical et l’État. C’est le moment de se serrer les coudes, de parler de l’endométriose dans son ensemble, de parler de celleux qui prennent des hormones, celleux qui se sont fait opérer, celleux qui ne peuvent pas avoir d’enfants, celleux qui n’en veulent pas. C’est une maladie politique qui risque de diviser les malades. C’est aux féministes de s’emparer du sujet, d’exiger des réunions collégiales de professionnel·les de santé. Regrouper enfin gynécologues, chirurgien·nes, psychologues, hypnothérapeuthes, ostéopathes, naturopathes, et trouver une vraie solution. Il faut se rassembler entre nous, échanger nos opinions et nos expériences, ne pas affirmer que ce qui marche pour une personne marchera pour une autre. Nous sommes seul·es face à cette maladie.
Pendant le confinement de mars 2020, j’arrête le progestatif, « pour voir ». Je me dis que je le reprendrai en juin pour ne pas être embêtée pendant l’été. Je lis le livre de Marie-Rose Gales, Endométriose : Ce que les autres pays ont à nous apprendre et je comprends plein de choses. Je tique un peu en lisant que les douleurs chroniques à l’épaule droite peuvent être un symptome de lésions d’endométriose dans la cage thoracique. Mais j’oublie vite ce passage en mettant ces douleurs sur le compte d’un mauvais positionnement à l’ordinateur. Confinement oblige, mon rendez-vous au centre de la douleur (Purpan) sera repoussé d’un an (en partie à cause de moi), mais la chirurgienne de Rangueil m’appelle pour s’assurer que je peux passer le confinement sans la voir. Je la trouve sympa de demander. Je l’ai choisie car elle fait partie des chercheurs et chercheuses financé·es par l’association EndoFrance. Ses travaux portent sur le lien possible entre l’origine de l’endométriose et le système immunitaire.
Je vais la voir en juillet. Elle me reçoit avec son interne, un jeune mec cis. Je suis venue avec un article de Causette sur la testostérone et le reste de mes recherches personnelles. Ces documents et tous mes examens médicaux sont dans une chemise qui commence à être bien remplie. Elle a l’air impressionnée par mes connaissances, m’écoute bien. C’est son interne qui me tend. Il me rit au nez quand je parle de la testo, il survole Causette en m’expliquant qu’il faut bien se renseigner sur qui parle dans l’article, comme si j’étais une idiote. Je l’envoie chier gentiment. La chirurgienne m’ausculte avec respect. Elle me parle de l’opération, me dit qu’il n’y a aucun problème pour retirer les kystes. Je négocie la salpingectomie, elle accepte du bout des lèvres. C’est bon à savoir, si un jour je décide de me faire opérer.
Retour de bâton
Au fil des mois, comme j’ai repris le Lutenyl, je me désintéresse petit à petit de la question. Je fais une pause, peut-être. Je n’ai plus aucune douleur, je supporte très bien le traitement. Je n’arrête pas de le prendre à la fin de l’été comme prévu. Je ne vais plus chez la psy. Tout semble aller mieux. Je me dis que, finalement, j’étais peut-être un peu relou à condamner les hormones, peut-être que finalement, ça me convient bien. Mais qu’il faudrait quand même que je continue à me battre pour les autres. En plus, je commence à développer une peur pas possible d’arrêter le traitement. Je diabolise les douleurs, j’ai terriblement peur de mes propres règles. Tout ça me pose question lorsqu’une copine m’envoie les résultats d’une étude épidémiologique de l’ANSM (Agence nationale de santé du médicament) : une personne qui prend ce traitement plus de 6 mois a 3 fois plus de risques de développer un méningiome (tumeur des méninges).
Tout me revient en pleine tronche. C’est un médicament que je prends tous les jours, ce n’est pas un bonbon. Je dois continuer à remettre ça en question toute ma vie. Plusieurs mois passent avant que je voie ma gynéco pour lui parler de cette étude. Je rêve d’un monde idéal où un de mes médecins m’appellerait pour m’informer. Ma gynéco est au courant mais elle balaie l’affaire et me propose avec entrain une toute nouvelle pilule vendue précisément comme un traitement contre l’endométriose. Je change donc de traitement mi-décembre 2020 pour prendre Sawis (anciennement Visanne : diénogest, 2 mg). La liste des effets indésirables est longue comme le bras.
Mi-janvier, je vais enfin à mon rendez-vous au centre de la douleur. La médecin me fait comprendre que je suis beaucoup plus renseignée qu’elle. Je suis un peu déçue, mais j’étais surtout venue pour me faire prescrire un TENS. Pourtant, quelques jours après, je reçois un compte-rendu de notre rendez-vous, extrêmement précis et détaillé. Je suis presque touchée de voir qu’elle m’a vraiment écoutée et comprise.
Le TENS agit par neurostimulation électrique transcutanée. Concrètement, l’appareil délivre un courant électrique et empêche la diffusion du message de la douleur au cerveau. Il vaut mieux se faire conseiller pour l’utiliser, et de toute façon il se loue sur ordonnance en pharmacie. Il peut s’acheter aussi, c’est remboursé. La marque Livia a commercialisé un TENS aux couleurs « girly » pour soulager les douleurs de règles. Il coûte 150 €… Ne tombez pas dans le panneau.
J’attends depuis maintenant quatre mois les résultats d’une IRM que la chirurgienne de Rangueil m’avait demandé de faire. Elle m’appelle enfin et n’a pas l’air contente des résultats. Je crois qu’elle espérait que les hormones réduiraient les kystes mais c’est quasiment l’inverse. Elle me reparle d’une éventuelle intervention chirurgicale, me dit que comme je ne veux pas d’enfants c’est encore plus facile pour elle. Elle entend bien mes réticences et me dit de ne surtout pas rester dans mon coin. Elle comprend que je suis un peu perdue car je prends ces hormones qui me facilitent la vie mais que j’aimerais les arrêter… Elle me donne un nouveau rendez-vous six mois plus tard en me disant : « Une chose à la fois, on est en pleine pandémie, pas besoin de se rajouter du stress. » Vraiment, elle me plaît bien. Mais avec tous les témoignages que je lis, j’ai du mal à me laisser convaincre de me faire ouvrir. D’après le docteur Sauvanet par exemple, « moins la forme est sévère, moins le risque de récidive est important ». Il faut continuer les hormones après l’opération, et puis la récidive est systématique et c’est la loterie concernant le nombre d’années de tranquillité. On peut se faire opérer et ne pas récidiver pendant dix ans, ou avoir de nouvelles lésions après quelques mois, causées par les cicatrices de l’opération. Il faut donc prendre le temps de faire la balance bénéfices-risques, sachant qu’une cœlioscopie (méthode d’opération de l’endométriose) n’est pas non plus une promenade de santé et qu’une anesthésie générale n’est jamais anodine. Pour l’instant, je ne suis pas prête.
Fin janvier, je réalise que ça ne va pas, quelque chose cloche. Je reconnais les symptômes de l’année précédente. Je n’ai plus envie de me lever le matin, je ne ressens plus rien, je mange mal, je ne sors plus. Je me sens inintéressante, insipide. Donc je ne veux plus voir personne. C’est de plus en plus envahissant et j’ai beau en parler à mes ami·es, en rire pour minimiser, je vois bien qu’il faut que je change quelque chose au plus vite. J’ai du mal à distinguer si c’est lié à l’atmosphère ambiante (pandémie mondiale, gouvernement de plus en plus fasciste, complotistes partout, justice nulle part, réchauffement climatique…) ou à la fameuse pilule Sawis. La seule façon de le savoir, c’est de l’arrêter.
J’arrête donc le traitement mi-février. Je me rends bien compte que la dépression était la seule chose qui pouvait me convaincre d’arrêter. Si j’avais continué le Lutenyl, j’aurais pu plus facilement oublier cette histoire de tumeur au cerveau, me dire « ça ne peut pas m’arriver à moi ». Mais la dépression, vraiment, c’est pas pratique pour vivre.
Cette histoire n’a pas de conclusion. Je suis encore en plein parcours de soins, en pleine enquête et recherche. Par contre, après avoir rencontré une bonne dizaine de soignant·es différent·es, je commence à être bien accompagnée. Une étudiante de l’école d’ostéopathie de Toulouse dont le mémoire de fin d’études porte sur les douleurs d’endométriose a commencé une étude et je me suis portée volontaire pour recevoir ses soins. Je suis ouverte à la moindre piste et je fais tout ce que je peux pour diffuser l’information. La plupart des personnes malades sont dans mon cas, toujours en recherche de solutions, subissant le coût de l’une ou les effets indésirables de l’autre… J’ai appris beaucoup de choses en enquêtant sur cette maladie et je suis reconnaissante d’avoir accès à ce savoir. Il est cependant difficile de ne pas se laisser submerger par la colère ou la lassitude.
Le corps des femmes est politique. C’est lui qu’on a privé de protéines, qu’on a stressé pendant les famines, les guerres. Ce sont elles qui se sont privées pour leurs enfants, ce sont elles qu’on a violées pour montrer qui avait le pouvoir, ce sont elles encore qu’on mutile, qu’on s’échange, qu’on marie, qu’on vend et achète. Ce sont nos droits reproductifs que l’on remet en cause à chaque nouveau gouvernement réactionnaire. Et avec ces droits, nos vies, nos futurs, nos libertés, nos sexualités.
Enchaînées à la douleur
Se battre constamment contre la douleur, avoir mal pendant les rapports, avoir des problèmes de transit constants, devoir réfléchir à se faire opérer ou non, tout ça représente une charge mentale incommensurable qui peut rapidement se transformer en dépression. Et si on prend des progestatifs pour se soulager, surprise ! La dépression est là aussi. Et quand on est en dépression, on n’a pas envie de lutter, de se renseigner, de sortir, de rencontrer des gens, d’élargir nos horizons et nos opinions. Donc on reste dans son cercle vicieux de merde.
Pour moi, cette maladie est intrinsèquement liée aux luttes féministes et fait ressortir le meilleur comme le pire. Où sont les hommes trans dans la discussion ? Pourquoi les chirurgien·nes veulent absolument nous ouvrir ? Pourquoi personne ne s’intéresse à nos douleurs ? On passe des jours à souffrir et ne pas pouvoir réfléchir, c’est bien pratique pour le patriarcat. On n’a pas le temps de le détruire parce qu’on a mal et qu’on doit trouver des solutions seul·es. La testostérone est connue pour stimuler la libido et combattre l’anxiété et la dépression, renforcer la masse musculaire. Si aujourd’hui on découvre qu’elle élimine les douleurs de l’endométriose et les symptômes prémenstruels, on pourrait s’y intéresser !
Tout le monde se contredit. Il faut réduire le soja, il faut prendre du soja. Il faut opérer, il ne faut pas opérer. C’est psychologique. C’est environnemental. Il n’est mentionné nulle part que la prise d’hormones a de nombreux effets secondaires. On est trop habitué·es à en bouffer depuis des décennies pour le remettre en cause. J’ai même entendu dire que remettre en question la prise d’hormones représentait un recul pour les femmes. On est pas loin de l’ingratitude, finalement. Ne faisons rien, laissons les femmes continuer à modifier leur corps pour qu’ils correspondent toujours plus aux attentes des hommes. Détruisons chimiquement leur libido comme si c’était normal. Continuons à faire des blagues de boomers sur les femmes qui « ont la migraine » pour ne pas baiser leur mec, c’est tellement plus simple que de réfléchir au consentement.
À la mi-juin 2021, je n’ai plus de traitement hormonal, je souffre physiquement et moralement deux jours par mois. C’est relativement ok. J’explore les pistes, je fais une veille d’informations, j’y mets l’énergie que j’ai envie d’y mettre. Je suis très reconnaissante pour toutes les personnes qui se donnent tant de mal, qui informent gratuitement, qui relaient et qui souffrent en faisant tout ça.
Edit 2022
Je me suis laissée convaincre de me faire opérer. Le deal était d’enlever les endométriomes et d’arrêter la prise d’hormones avec un suivi régulier pour vérifier que les lésions ne reviennent pas. La chirurgienne a parlé de moi en commission, longuement paraît-il, pour essayer de convaincre ses collègues de me faire la salpingectomie en même temps. D’après elle, après une longue discussion, ils et elles ont décrété que c’était une forme trop rare d’endométriose (la symétrie est rare, apparemment) pour ne pas me mettre sous hormones après. Pas assez de recul pour être sûr que ça ne revienne pas trop vite. En gros, elle m’annonce qu’en plus de m’ouvrir, je vais devoir prendre des hormones à vie. Et donc, pas besoin de contraception définitive ! Elle arrive à me convaincre en me rappelant les risques de laisser de tels kystes à cet endroit (torsion, éclatement, hémorragie).
Après deux reports, je me suis fait opérer fin décembre 2021. En plus d’avoir enlevé les endométriomes, elle a trouvé des lésions sur le ligament utéro-sacré (qui relie l’utérus au sacrum), sur la paroi recto-vaginale, et sur le diaphragme (le muscle au bas de la cage thoracique). D’après elle, c’est beaucoup. Je ne suis pas du tout suprise puisque chaque lésion explique une douleur chronique articulaire que je minimisais depuis toujours. Je suis sous pilule (Opitmizette) et continue mon suivi avec elle et avec mon ostéopathe. J’ai reçu un courrier de l’ANSM m’alertant des risques de la prise de Lutenyl (avec un an de retard, donc).
La député LFI Clémentine Autain a porté, en janvier 2022 à l’Assemblée, une proposition de résolution suggérant de faire passer l’endométriose en affection longue durée (ALD). Le gouvernement Macron a souhaité rappeler aux nombreuses personnes souffrant de cette maladie qu’il pensait à nous en cette période de campagne présidentielle, sans pour autant débloquer des fonds pour la recherche ni appliquer la suggestion de Mme Autain. Ça a au moins eu le mérite de faire parler de la maladie dans les médias.
Sources
Marie-Rose Gales – Endo & Sexo
Marie-Rose Gales – Endométriose : Ce que les autres pays ont à nous apprendre
Delphine Lhuillery, Érick Petit et Éric Sauvanet – Tout sur l’endométriose
Érick Petit – Histoire de l’endométriose de l’Antiquité à nos jours
Marie-Anne Mormina – « Endométriose : les mots ne font pas peur, la réalité, si ! » https://www.huffingtonpost.fr/marie-anne-mormina/endometriose-articles_b_7741012.html
Juliet Drouar – « La testostérone, un traitement pour l’endométriose et un antidouleur ? » https://blogs.mediapart.fr/juliet-drouar/blog/201219/la-testosterone-un-traitement-pour-lendometriose-et-un-antidouleur
https://video.vice.com/fr/video/apero-testo/5df10e06274b9e3aad6b1f23
YESSS podcast http://yessspodcast.fr/yesss-13-warriors-et-regles/
Ordre national des pharmaciens http://www.ordre.pharmacien.fr/Communications/Les-actualites/Lutenyl-Luteran-et-risque-de-meningiome-rappel-des-recommandations-preliminaires-et-des-modalites-de-participation-a-la-consultation-publique
À suivre sur les réseaux :
@superendogirl
@chere.endometriose
@endometriose.neuropathique
@balance_ton_endo
Pour aller plus loin
Gyn&Co : https://gynandco.wordpress.com/
Brochure contraception définitive : https://infokiosques.net/spip.php?article1748
Article sur les lacrymos : https://www.streetpress.com/sujet/1600421388-ce-que-gaz-lacrymogenes-font-nos-uterus-femmes-police-manifestations-regles-fausses-couches
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