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La guerre high-tech Le nettoyage par le vide

mis en ligne le 27 mars 2011 - André Dréan

« Les cris de douleur et de peur s’élèvent dans l’air au rythme de 1 100 pieds par seconde. Après avoir circulé pendant trois secondes, ils sont parfaitement inaudibles. » Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.

Il y a près de dix ans déjà, la chute du mur de Berlin, symbole de la désagrégation du prétendu bloc communiste, suscitait d’immenses espoirs de paix au sein des populations habituées à vivre depuis des décennies sous la menace de l’holocauste nucléaire. Les hommes d’Etat se succédèrent à la tribune du conseil de sécurité de l’Onu pour affirmer que « le danger de guerre mondiale disparaissait ». En réalité, les Etats vainqueurs de la Guerre froide, en premier lieu les Etats-Unis d’Amérique, annonçaient déjà la couleur du nouvel ordre mondial qu’ils appelaient de leurs vœux : celle du sang. Il n’a pas fallu deux ans pour que les feux d’artifice qui avaient fêté la fin du Mur se transforment en fusées incendiaires dans le Golfe persique. Depuis, les conflits locaux et les opérations militaires globales n’ont pas cessé. En fait, la guerre n’a jamais été que l’un des modes d’intervention des Etats, même des plus policés d’entre eux, pour régler au même titre que la paix les antagonismes qui les opposent et, de façon générale, pour accroître l’exploitation et la domination qu’ils font peser sur leurs administrés. Il ne pouvait en être autrement pour réorganiser le monde issu de la Guerre froide.

Les justifications de la guerre sont toujours apparues aux chefs d’Etat
aussi nécessaires à la conduite des opérations militaires que les armes elles-mêmes. Pour donner leurs lettres de noblesse aux épouvantables massacres qu’ils dirigent, il leur faut bien définir quelque cause générale qui transcende la réalité sordide de la guerre, qui permette aux citoyens de s’y identifier, et de sélectionner des cibles qu’ils puissent considérer comme leurs adversaires. En Occident,
la guerre est actuellement justifiée par l’humanitaire, la cause de l’humanité, assimilée à celle de la civilisation occidentale à laquelle la barbarie de chefs d’Etat « criminels » ferait obstacle. Les interventions de l’Otan auraient donc pour objectif de porter secours aux populations qui subissent leurs exactions : tueries, tortures, viols, famines et déportations. A la noblesse des buts des Etats occidentaux
correspondrait celle des moyens mis en œuvre. La guerre high-tech aurait des vertus que ne posséderaient pas les guerres traditionnelles. La technologie de pointe permettrait ainsi de créer des armes de précision qui limiteraient les pertes civiles à rien, ce qui fut affirmé sans rire par l’Otan lors de la guerre du Golfe, ou, au pire, à quelques « dommages collatéraux », ce qu’elle est obligée de reconnaître vu la proximité du théâtre d’opérations dans les Balkans. Les « dommages collatéraux » sont la transcription du terme « bavures » dans le jargon technopolicier des statisticiens de la terreur d’Etat. De telles assimilations abusives leur permettent de cacher les objectifs réels des fameuses guerres humanitaires.

La doctrine des Trois Cercles du Pentagone, partagée par tous les états-majors, a au moins l’avantage de présenter la chose de façon brutale : dès les premières hostilités, il est nécessaire de désorienter et de terroriser les populations des pays adverses, d’anéantir les secteurs décisifs de leur économie, avant même de désorganiser leur appareil d’Etat. Les tueurs galonnés ne s’en cachent pas. Au lendemain de la guerre du Golfe, le général en chef de l’Alliance, Schwarzkopf, exultait : « Jamais aucun pays, même lors de la Seconde Guerre mondiale, n’a été bombardé comme l’Irak. » L’un des successeurs de Schwarzkopf, Nauman, affirme avec cynisme, à propos de la guerre dans les Balkans : « A la fin des opérations aériennes, la Yougoslavie sera revenue là où elle était il y a cinquante ans. » C’est-à-dire, pour le moins, à l’état de champ de ruines, dans lequel elle était au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais avec quelques nuées radioactives en plus.

En effet, en moins de vingt ans, l’industrie de la boucherie humaine a fait de grands progrès : aujourd’hui, la population est mutilée et massacrée en masse, sur place, sans qu’elle ait besoin d’endosser l’uniforme et de prendre le fusil, et, dès les premières opérations militaires, le champ de bataille englobe des pays entiers. La guerre vise plus que jamais à affamer, à écraser, à soumettre les êtres
humains, à leur faire passer le goût de la révolte et, en particulier, à parquer et à faire crever, à bref délai et à petit feu, ceux dont le capitalisme mondial n’a nul besoin aujourd’hui. Elle reste l’un des moyens privilégiés qu’il utilise pour se débarrasser de la surpopulation qui l’encombre. En Occident, tout est mis en œuvre pour réaliser le noble but humanitaire, du plus traditionnel, le blocus, au plus sophistiqué, l’arsenal issu de la technologie de pointe, mis au point au cours des deux dernières décennies par les docteurs Folamour du capital.

Depuis dix ans, le déchaînement de la puissance guerrière occidentale
a déjà généré des désastres immenses, pour certains irréversibles pendant de très longues périodes historiques. Car les complexes industriels modernes qui sont les cibles privilégiés de l’Otan constituent des Bhopal et des Tchernobyl en puissance. Leur complexité n’a d’égal que leur fragilité. Leur pilonnage acharné a des conséquences catastrophiques. De l’Irak aux Balkans, du Golfe persique au Danube, leur destruction, y compris celle des plus dangereux d’entre d’eux, comme le réacteur nucléaire d’essai proche de Bagdad, bombardé en 1991, a libéré dans le sol, dans le sous-sol, dans les fleuves et dans les mers des masses de produits chimiques et radioactifs toxiques, mutagènes et cancérigènes, pour toutes
les formes de vie planétaire, humaine et non humaine. Par suite, des régions entières autrefois très fertiles, comme la région agricole située entre le Tigre et l’Euphrate sont devenues des champs de mines stériles, où l’eau et l’air sont empoisonnés, où les plantes, les animaux et les humains sont contaminés, crèvent d’épidémies et sont l’objet de mutations catastrophiques qui sont transmises de génération en génération. Tel est le sinistre bilan des guerres humanitaires en
cours.

Le ralentissement momentané de la croissance des budgets officiels affectés aux armées, à l’aube des années 90, n’a été que le prélude à la nouvelle accélération dans la course aux armements. Derrière les phrases pompeuses sur le désarmement, tous les Etats procédaient à leur surarmement. Le marché mondial des instruments de mort n’a jamais été aussi florissant et le secteur militaire aussi omniprésent. Il est d’ailleurs impossible de le distinguer, sauf de façon artificielle, du secteur civil, surtout dans le domaine décisif des recherches et des
réalisations technologiques. Pour les Etats les plus puissants, au premier chef les Etats-Unis, il fallait mettre progressivement à la retraite les armes les plus obsolètes héritées de l’époque de la guerre froide, recycler et moderniser celles qui pouvaient l’être et, surtout, perfectionner et tester à l’échelle réelle, celles, plus sophistiquées, qui étaient concoctées dans les laboratoires.

La guerre du Golfe a inauguré, dans la plus grande discrétion, l’utilisation massive d’armes radioactives. L’Onu refuse de reconnaître qu’elles sont partie intégrante de la panoplie nucléaire. Elle réserve l’usage du terme honni aux bombes, à uranium enrichi ou à plutonium. Toutes les autres armes radioactives sont considérées, par les traités, comme armes conventionnelles. L’Onu pourrait aussi bien prétendre que les mitrailleuses ne sont plus des armes à feu dès qu’elles sont dotées de silencieux. La banalisation de l’utilisation militaire de l’atome
est facilitée par le fait que, dans l’imaginaire populaire issu de la Guerre froide, les projectiles atomiques sont assimilés aux bombes du même nom. L’immense avantage des nouvelles générations d’armes est qu’elles n’apparaissent pas sous la forme bien connue de l’inquiétant champignon vénéneux. Rien n’est plus discret que les radiations qu’elles émettent.

Depuis l’époque des mastodontes de la Guerre froide, la technoscience a réalisé de gros progrès. Elle est désormais capable de recycler, de façon très rentable, les sous-produits du fonctionnement des centrales nucléaires et des usines qui fabriquent des bombes nucléaires, jadis considérés comme des ordures à
entasser, à enfouir et à oublier au plus vite. Pendant que les lobbies réformistes amusaient la galerie, avec leurs propositions de solutions civiles pour neutraliser les déchets radioactifs, les Etats nucléaristes avaient déjà tranché : la solution militaire était la plus adaptée aux nouvelles donnes de la guerre. Les armes à uranium appauvri, systématiquement employées au cours de la dernière décennie, du Golfe aux Balkans, sans compter la Somalie et Haïti, sont ainsi l’un des
principaux produits du recyclage des poubelles nucléaires.

Les militaires occidentaux, et russes, ont été fascinés par la dureté de l’uranium appauvri. Utilisé dans le blindage des véhicules militaires, il les protège des armes antichars habituelles. Employé dans les projectiles à forte pénétration, de la balle de mitrailleuse au cône de choc du missile, il traverse sans problème les cuirasses des blindés, les murs des casemates et des abris, militaires comme civils. Le terme « appauvri » prête à confusion : il laisse entendre que l’uranium en
question n’émettrait presque pas de radiations. Il n’en est rien. L’alliage contient peu d’uranium « enrichi », susceptible de générer des réactions en chaîne quasi instantanées. C’est tout. Mais, à l’état inerte, il est déjà dangereusement radioactif. Pour nier les dégâts qu’il occasionne, les nucléaristes ressortent le mythe éculé de la non-dangerosité des faibles doses de radiation émises par les centrales, alors même que les maladies liées au nucléaire augmentent dans les régions où elles sont implantées. De plus, l’uranium appauvri brûle à l’impact avec des températures très élevées et dégage d’énormes quantités de dioxyde d’uranium très radioactif sous la forme d’aérosols, qui se dispersent sur des centaines de kilomètres carrés, puis qui pénètrent dans le sol et le sous-sol jusqu’aux nappes
phréatiques. Elles peuvent être aussi inhalées et ingérées. Pendant la guerre du Golfe, pas moins de 500 tonnes d’uranium appauvri ont été dispersées en Irak et au Koweït par les troupes de l’Alliance, y compris celles de la France. Soit, en termes de radioactivité, quatre à cinq bombes du type Hiroshima. Dans les années qui ont suivi, le taux des leucémies, des déficiences immunitaires, des cas de stérilité chez les hommes et les femmes, des malformations congénitales des nouveau-nés, etc., bref le taux des maladies d’origine nucléaire a grimpé à grande vitesse en Irak, d’autant plus vite que la population était déjà exténuée par la malnutrition et les épidémies. Les mêmes symptômes sont apparus chez les soldats onusiens qui avaient transporté et manié de telles armes et chez les membres de leurs familles. Aujourd’hui, après les Irakiens, les Somaliens, les
Bosniaques, ce sont les Serbes, les Kosovars et, de façon générale, tous les habitants des Balkans, de l’Europe centrale et méridionale qui subissent les retombées de la guerre technologique. Pas plus que le nuage de Tchernobyl, elle ne connaît de frontières. Les rêves les plus fous du docteur Folamour sont en passed’être réalisés par ses successeurs, les champions de la guerre humanitaire.

Au lendemain de la guerre du Golfe, lorsque Schwarzkopf souligna « qu’elle avait des effets bénéfiques sur l’industrie, entre autres sur l’industrie pharmaceutique », il souleva des tempêtes d’indignation morale. Au fond, il ne faisait que révéler au grand jour l’une des fonctions essentielles des boucheries initiées par les Etats capitalistes. La guerre résume, en quelque sorte, les avancées réalisées par le capital mais, en retour, elles les accélère. Elle est le ban d’essai du progrès. L’industrie de la tuerie, sous l’égide de l’Etat centralisé, est le laboratoire grandeur nature du développement de l’industrie en général. A l’aube de l’industrialisation, l’introduction du travail salarié et des machines dans l’armée permanente fut pour beaucoup dans leur généralisation à l’échelle de toute la société bourgeoise. Depuis plus de deux siècles, bien des formes d’organisation et des modes d’activité propres au capitalisme ont été anticipés et testés dans l’appareil militaire de l’Etat. En témoigne à l’évidence l’aventure du nucléaire, rejeton de la Seconde Guerre mondiale, comme source d’énergie fondamentale et modèle de gestion centralisée, militarisée et bureaucratisée de la société.

La guerre high-tech marque l’accélération du processus. Les laboratoires sponsorisés par les trusts et par les Etats, qui fabriquent les marchandises les plus diverses, des armes aux médicaments, souvent les deux à la fois, y voient l’occasion rêvée pour tester in vivo, hors des enceintes de leurs technopoles, leurs brillantes inventions et pour analyser quelles en sont les retombées militaires et civiles. Aujourd’hui, les docteurs Mengele sont légion, ils sont les hérauts de la
démocratie et leurs champs d’expérience inclut de très vastes territoires. L’Otan envoie sur les champs de bataille encore fumants, par le biais des institutions humanitaires de l’Onu, des missions charitables chargées d’étudier sur le tas les effets de toutes les merveilles avec lesquelles elle a martyrisé des populations entières, en Irak et ailleurs. La main qui assassine est aussi celle qui soigne.

Rien d’étonnant aussi que des soldats de l’Otan jouent à l’occasion le rôle peu enviable de souris de laboratoire. De retour du Golfe et de Somalie, nombre de GI ont déposé des plaintes auprès de l’administration américaine et ont manifesté sous les murs du Capitole. Ils accusaient l’armée américaine de leur avoir inoculé des substances qui les rendaient malades et qui avaient des effets dévastateurs sur leurs compagnes et sur leurs progénitures. Sous prétexte de les protéger des gaz de combat de l’armée irakienne, qu’elle s’est d’ailleurs bien gardée d’employer contre les troupes de l’Alliance, leur propre service sanitaire les avait soumis à des tests, en particulier à des vaccinations, et parfois forcés, sous la menace de la cour martiale, à prendre des drogues issues de manipulations génétiques. Pour les Etats, les êtres humains ne sont jamais que du bétail à démembrer, même lorsqu’ils combattent sous leurs couleurs.

Les deux guerres mondiales appelèrent sous les drapeaux des millions
d’hommes, arrachés du jour au lendemain à leur routine et envoyés au massacre. Leur vie, et celle de leurs proches, en fut bouleversée. Sous l’impression pénible du cataclysme d’août 1914, Rosa Luxembourg pouvait écrire : « Des millions de prolétaires de tous les pays tombent au champ de honte, du fratricide et de l’automutilation, avec aux lèvres leurs chants d’esclaves. » Mais elle soulignait aussi que, dégrisés par l’horreur de la guerre, les esclaves pouvaient se retourner contre leurs maîtres. De fait, la Première Guerre mondiale engendra des fraternisations dans les tranchées et des mutineries dans la plupart des armées belligérantes. En Europe et en Russie, des révolutions éclatèrent, menaçant l’existence même du système capitaliste. Même les grandes guerres coloniales, comme celle du Viêt-nam, firent encore appel à la conscription de masse. Il en coûta la victoire au Pentagone, lorsque les GI commencèrent à désobéir et à déserter et même, parfois, à tuer leurs propres officiers.

L’éventualité de la perte de contrôle sur les troupes reste toujours la
hantise de la hiérarchie militaire. Elle préfère commander des prétoriens sans état d’âme que des appelés parfois insoumis. Dans les pays les plus développés, l’armée connaît le même genre d’évolution que toutes les autres institutions du capital : elle est restructurée à travers la mise en œuvre d’instruments technologiques
plus sophistiqués qui nécessitent moins de main-d’œuvre qu’autrefois
mais plus qualifiée et plus disciplinée. D’où l’image du cybermercenaire bardé de prothèses, qui symbolise la guerre « post-héroïque », selon la formule ineffable des experts en communication de l’Otan, propagée par les médias.

Mais entre la représentation et la réalité, il y a encore beaucoup de différence. Même les armées de la guerre des étoiles ne sont pas composées que d’officiers technocrates. Au bas de l’échelle, il y a toujours les soutiers qui ont parfois signé pour des motifs assez peu guerriers. L’armée américaine, donnée en modèle du professionnalisme, offre ainsi aux engagés pour trois ans, sortis des quartiers misérables noirs et latinos, la possibilité de suivre des études gratis après leur démobilisation. Nombre s’y sont laissés prendre vers la fin des années 80. Ils n’imaginaient même pas qu’ils auraient à combattre. Lorsque l’intervention en Irak leur est apparue inévitable, des GI ont déserté, en particulier en Allemagne, d’autres ont refusé de partir et ils ont été envoyés menottes aux mains dans le Golfe pour y servir parfois de chair à expérimentation. A moindre
échelle, des résistances du même genre ont eu lieu ailleurs dans d’autres bataillons de fantassins de l’Otan, pas seulement dans l’armée irakienne, ou serbe, comme le prétendent les médias à la solde des états-majors occidentaux.

En Occident, la guerre en cours aggrave la soumission des citoyens au
capital, même si, à l’heure actuelle, elle ne prend pas la forme de fureur guerrière. Le pouvoir d’Etat leur rabâche qu’il n’aura plus besoin de faire appel à eux et qu’ils ne pâtiront même plus des retombées de la guerre, pas plus que les soldats qui combattent en leur nom. Pourtant, les manifestations et les doléances d’anciens et d’anciennes GI montrent qu’il n’en est rien. Les engagés volontaires du ghetto payent cher leurs illusions de promotion par l’armée. Aujourd’hui clochardisés en masse, ils crèvent à petit feu, irradiés et intoxiqués : ils représentent près de 15 % des sans-logis aux Etats-Unis. Vu l’énorme disproportion des forces militaires en présence, les troupiers de l’Otan sont bien plus mutilés et tués par leurs propres armes que par celles de l’adversaire désigné à leur vindicte. Les horreurs qu’ils infligent aux populations étrangères se retournent déjà contre
eux et leurs proches. « L’option zéro cadavres dans nos propres troupes », qui est l’une des justifications officielles de la boucherie technologique relève de la propagande de guerre mensongère. En réalité, l’automutilation a atteint des degrés inconnus jusqu’alors dans l’histoire du capitalisme.

Mais nos concitoyens préfèrent ne pas croire à l’effet boomerang de la
guerre. Les abris sont pour les autres. Eux sont à l’abri. De là leur indifférence envers les malheurs d’autrui, leurs larmes sans conséquence pour les charniers du Kosovo que leur présentent les médias, leur incrédulité envers les plaintes des vétérans du Golfe et d’ailleurs, et leur fascination morbide pour les prouesses fort peu héroïques que mènent en leur nom les cybersaigneurs de la guerre
aérienne. Leur passivité suffit bien aujourd’hui à l’Etat pour mener ses affaires. Mais demain ? Même ceux que la guerre révulse sont presque tous désorientés et font le gros dos. D’autant plus que beaucoup d’appels révolutionnaires, qui résumaient autrefois l’hostilité à l’appareil militariste de l’Etat, basé sur la conscription de masse, sont en partie dépassés par l’évolution de la structure de classe de la société capitaliste et des institutions qui sont nécessaires à sa conservation. Ainsi l’appel aux prolétaires en uniforme à retourner leurs fusils contre la hiérarchie galonnée a perdu beaucoup de son sens. Non pas que des mutineries militaires soient devenues impossibles. Mais la professionnalisation de l’armée et les armes high-tech utilisées aujourd’hui par n’importe quelle puissance militaire,
même d’envergure régionale, sont adaptées au terrorisme d’Etat. Elles
rendent vaine toute tentative de réapproppriation générale de l’arsenal du capital par ceux qu’il écrase, qu’ils soient en civil ou en uniforme.

Face à la force militaire, qui paraît sans limites et hors de portée de
toute intervention humaine, et à l’ambiance de soumission, que pas grand-chose ne trouble, rien ne semble possible. Pourtant, le colosse a des pieds d’argile. Il repose toujours sur le dos de ses ilotes salariés. La technologie n’est rien sans eux et elle a ses faiblesses. C’est pourquoi nous réaffirmons avec force, même si cela semble relever à l’heure actuelle du vain désir, que seules des poussées
révolutionnaires peuvent stopper la course guerrière à l’abîme. Bien sûr, aucun slogan révolutionnaire ne déclenchera des vagues d’insoumission, de désertion et de sabotage contre la machine de guerre. Pas plus d’ailleurs que n’importe quelle forme de refus révolutionnaire de faible ampleur, même si elle a de l’importance
pour ceux qui ne veulent pas céder aux cris stridents des sirènes guerrières. Mais, que des révoltes tant soit peu larges et radicales contre la guerre éclatent, à l’intérieur comme à l’extérieur des armées, et le beau mécanisme sera enrayé.

PS : Signalons, pour finir, les coordonnées de l’une des sources de documentation des plus fiables sur la guerre high-tech. L’International Action Center, association pacifiste d’origine américaine, aborde de manière très détaillée, quelle que soient les limites de ses leaders réformistes qui jouent au lobbying, le problème des armes sophistiquée employées depuis la guerre du Golfe, en particulier de celles à uranium appauvri.
Adresse postale : International Action Center, 39, West 14th Street, #206, New York, NY 10011, USA
Adresse mail : iacenter A iacenter . org
Adresse du site web : http://www.iacenter. org



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