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"En êtes-vous bien sûre ?" Difficultés d’accès à la contraception définitive en France

mis en ligne le 30 mars 2022 - Fanny Sabbah , Nicolas Bonanni

« Souvent femme varie, bien fol qui s’y fie », dit le proverbe. C’est le préjugé auquel sont confrontées les femmes qui demandent à leur médecin une stérilisation, pourtant autorisée par la loi sans restriction.

J’oubliais ma pilule systématiquement, sans compter les migraines, la prise de poids : ce n’était pas pour moi. L’anneau vaginal était contraignant. Le préservatif ? J’ai fini par développer une allergie. Et puis il faut dire ce qui est, les sensations ne sont pas top pendant les rapports. Enfin, le stérilet, méthode fiable, mais règles abondantes, douloureuses, saignements entre les règles. » Les galères contraceptives d’Anna, c’est la rengaine de bien des femmes. Mais Anna en a marre. « Voilà pourquoi j’ai décidé, à 36 ans, de me tourner vers la contraception définitive. Je ne veux plus d’enfants – j’en ai trois – et j’ai envie de vivre librement ma sexualité sans penser contraception. J’ai parlé de la stérilisation à mon médecin, à ma sage-femme, à ma gynécologue. Ils m’ont tous regardée avec des yeux ronds comme si je venais d’une autre planète et ont tout fait pour que je change d’avis. » 4 % des Françaises ont adopté ce mode de contraception, un taux relativement élevé quand on sait que les trois quarts des femmes ne connaissent même pas son existence [1]. Anna a beau avoir pris sa décision, elle ne fait pas partie de ces 4 %, puisqu’elle n’a pas encore réussi à faire aboutir sa demande. Pourtant, depuis 2001 [voir encadré page suivante], la stérilisation volontaire est considérée par la loi comme un contraceptif comme les autres, et autorisée à toute personne majeure. Nous sommes allés à la rencontre de femmes qui galèrent pour avoir accès à la contraception qu’elles ont choisie.

L’accident de trop

Olya, 30 ans, sans enfant, s’est fait stériliser il y a quelques mois. « J’ai toujours vécu la fécondité comme un fardeau , nous explique-t-elle. J’avais envie de tranquillité, puis je n’avais pas trouvé de moyen de contraception idéal. J’avais pris la pilule plusieurs années, et ensuite un stérilet, mais tu ne peux pas oublier la fécondité, tu y penses. Depuis que j’étais ado, je m’étais dit qu’à 35 ans, si je ne voulais toujours pas d’enfant, je me ferais stériliser. Mais j’ai mal vécu un avortement il y a quelques années, alors j’ai avancé la date. » L’« accident » de trop est souvent le déclencheur. Marie, trentenaire sans enfant, raconte : « Ce qui m’a décidée à passer le cap (…), c’est une grossesse, alors que j’étais sous stérilet. J’ai fait un déni de grossesse et pour finir une IVG. Je pense avoir fait le tour des techniques de contraception, et je veux l’assurance que ça n’arrive pas une nouvelle fois. »
Chaque année, en France, 40 000 femmes obtiennent une contraception définitive, contre seulement 2 000 hommes : l’impact de la fécondité sur le corps et le poids des traditions font que la contraception est encore une « affaire de femme » [2]. Les motivations des patientes sont diverses : pas – ou plus – envie d’enfants, rejet de la contraception hormonale et de ses effets secondaires, peur de l’oubli de pilule qui, en nécessitant une régularité exemplaire, « programme l’accident » [3]. Plus fort encore : l’envie de se débarrasser du « souci » de la fertilité, de ne plus scruter son corps tous les mois pour y détecter de possibles signes de grossesse, ne plus angoisser à chaque jour de retard de règles…

Politique contraceptive en échec

Depuis décembre 1967, la loi Neuwirth permet aux femmes de maîtriser leur fécondité en accédant à la contraception. De nos jours en France, une femme sur deux en âge de procréer utilise la pilule [4]. Cette libéralisation partielle de la contraception s’appuie en fait sur un modèle figé. Préservatif en début de vie sexuelle, puis contraception hormonale, et enfin stérilet quand les couples ont eu le nombre d’enfants souhaité. Mais l’échec est patent. Sergine Heckel, gynécologue à l’hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc de Lyon, rappelle : « Une grossesse sur trois est non désirée, et un tiers de ces grossesses non désirées débouchent sur une IVG. » La France a l’un des taux d’IVG les plus élevés d’Europe (même si ce taux dépend aussi des conditions d’accès à l’IVG, et que donc un taux bas ne veut pas forcément dire que les femmes maîtrisent leur contraception). « Dans la culture du gynécologue médical français, analyse-t-elle, le mythe de la pilule demeure. On commence à en revenir un peu, mais notre modèle contraceptif ne change pas, malgré ses échecs relatifs. » En 2013, la ministre de la Santé elle-même dénonçait cette situation : « Il y a en France un choix privilégié pour la pilule, il est ancien et culturel. Pourtant, même si elle reste un bon moyen de contraception, il faut expliquer aux femmes qu’il (…) en existe d’autres, peut-être mieux adaptés à leur vie et à leur organisation quotidienne. » [5] Autant de raisons d’intégrer pleinement la stérilisation au panel contraceptif.

Les médecins se défilent

La stérilisation fait officiellement partie des moyens de contraception disponibles. Avant 2001, malgré une interdiction légale stricte datant du « Code Napoléon » et rappelée par la loi de « bioéthique » en 1994, la stérilisation était pratiquée dans les faits. Mais les patientes étaient soumises à l’arbitraire médical, au gré du médecin qui pratiquait ou non l’intervention selon ses critères propres. Le même flou permettant également de multiples abus, notamment sur des personnes handicapées (dont le consentement en matière de contraception n’est pas forcément demandé, et ce jusqu’à aujourd’hui). En 2001, le cadre législatif autorisant et encadrant la contraception définitive est enfin posé, l’ouvrant à toute personne majeure, sans condition médicale, de nombre d’enfants ou d’accord du conjoint. Pour le docteur Heckel, cette loi est le fruit d’« une décision politique suite à la demande de l’Europe [le Conseil de l’Europe demandait depuis 1975 à ses membres de rendre la stérilisation accessible], mais aussi une nécessité médicale devant le non-encadrement des pratiques ».

Mais pour celles qui font ce choix, le parcours est plus compliqué que prévu. Une enquête de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) montre que 7 % des gynécologues français ne connaissent pas la loi et pensent qu’une contre-indication thérapeutique à la grossesse est nécessaire. 7 % d’entre eux se déclarent également contre le principe même de la stérilisation. Parmi ceux la pratiquant, 43 % se gardent le droit de refuser sur critères d’âge et de nombre d’enfants. Un quart d’entre eux demandent ou exigent la signature du conjoint pour l’intervention [6]. Pour eux, ce n’est même pas la peine d’imaginer une stérilisation si l’on n’a pas de conjoint à présenter au médecin…

Une bonne couche de paternalisme

Aujourd’hui encore, les gynécologues ont tendance à considérer cette contraception comme un dernier recours. Toutes les raisons sont bonnes pour décourager les patientes. Fanny raconte : « Vous n’avez pas le droit. Vous risquez de le regretter le jour où vous vous séparerez de votre conjoint. Et s’il arrivait “quelque chose” à vos enfants ? Si votre futur [hypothétique] nouveau conjoint voulait des enfants ? Ça pourrait briser votre couple. Rappelez-vous : vous avez la vie devant vous ! Et si vous vouliez refaire votre vie ? [“vivre” et “faire des enfants” seraient donc synonymes ?] Je suis désolé, mais je ne peux pas vous faire ça. Ce serait dommage, une jolie jeune femme comme vous ! [petite tape amicale sur l’épaule pour encourager la patiente à sortir de cette “mauvaise passe”] Surtout : il faut que vous soyez dans une situation psychologique stable. Et avec vos enfants, ça va ? Ça ne vous plaît pas d’être mère ? » La patiente ne sait plus si on la considère comme une jeune écervelée qui ne sait pas ce qu’elle demande ou (si elle a déjà des enfants) comme une mère suspecte, malsaine.

« J’ai commencé à faire des démarches pour une stérilisation volontaire à 28 ans, lorsque j’attendais mon deuxième enfant, se souvient Fanny. Le gynécologue de la maternité m’a dit qu’on en parlerait après l’accouchement. Je suis retournée le voir un an après la naissance. Il était excédé. Il m’a dit qu’il ne voulait pas en entendre parler, qu’il n’avait pas le droit de le faire et que personne ne me le ferait. Depuis, je me heurte à des refus systématiques. Durant ces quatre ans, pas un gynécologue (hormis un interne qui ne pouvait pas la pratiquer) n’a pris en compte ma demande ni même donné d’informations sur la procédure. »

Olya, elle, a réussi à sauter les obstacles. Sur un groupe Facebook où hommes et femmes s’échangent leurs galères autour de la stérilisation volontaire, elle trouve le nom d’une gynécologue. Après un rendez-vous d’information où sa demande est sérieusement entendue pour la première fois, elle signe un formulaire de consentement, puis, au terme des quatre mois de délai de réflexion, bénéficie d’une intervention.

« En France, les gynécologues qui pratiquent cet acte sans critères d’âge ou d’enfants se comptent sur les doigts d’une main », souligne le docteur Heckel. Car même parmi les praticiens qui effectuent des contraceptions définitives, un grand nombre invoquent encore les « scores d’aide à la décision » de Lerat et Lopes, élaborés avant le vote de la loi de 2001. Ils permettent de calculer soi-disant scientifiquement si la patiente est « apte » à la contraception définitive, selon ses âge, nombre d’enfants, nombre d’IVG, difficultés à la contraception, problèmes médicaux… [7] Aucune valeur légale n’est attachée à ces travaux, qui permettent au médecin de cacher un refus idéologique derrière un outil « scientifique ». Car un praticien a le droit, selon une clause de conscience prévue par la loi, de refuser de pratiquer l’intervention, mais il est tenu de fournir à la patiente l’information sur cette technique et de l’adresser à un confrère. Une obligation qui n’est quasiment jamais respectée par les gynécologues qui refusent d’intervenir eux-mêmes. La clause de conscience est instrumentalisée pour opposer un refus strict aux patientes. Combien de femmes, mal informées, abandonnent devant ces obstacles ? Impossible de le dire [8].

Au pouvoir des blouses blanches, créant des situations quasi désespérées, ne reste à opposer que la force des luttes. « Ces démarches ont été épuisantes. C’est un véritable parcours du combattant  ! constate Fanny. Sans culture féministe, je crois que je me serais découragée très vite. Mais au bout d’un moment, j’ai eu l’impression que ma demande me dépassait un peu, c’est vite devenu une sorte de lutte [pour] disposer de mes droits et de mon corps. »

Non je ne regrette rien

« Les patientes qui demandent une contraception non réversible ne sont pas bêtes, nous explique le docteur Heckel. Quand elles choisissent leur contraception, elles prennent en compte leur âge, le fait d’être en couple ou non… Elles savent qu’un couple sur trois divorce. Et elles en ont marre d’être confrontées à des gynécologues “distributeurs de contraception” et d’être traitées comme du bétail sans qu’on respecte leurs choix. » En imaginant une médecine plus respectueuse, on se prend à rêver de médecins qui au lieu d’opposer des refus stricts aideraient leurs patientes à évaluer si elles ne veulent plus d’enfant ou bien si elles sont dans un cas de « conjugopathie » (relation difficile avec le conjoint) ou d’instabilité psychologique.

Comme le docteur Heckel le montre, les patientes sont très peu nombreuses à regretter leur choix. Et si les femmes jeunes ont plus de risques de changer d’avis, en revanche le fait de ne pas avoir eu d’enfant avant la stérilisation n’augmente pas leurs chances de manifester des regrets [9]. L’essentiel est d’avoir atteint le nombre d’enfants que l’on souhaite (qui peut être nul) et d’être sûre de vouloir que son corps ne soit plus fécond. En un mot : d’avoir fait le « deuil » de la fertilité.

Dan a bénéficié d’une stérilisation en 1990. À 33 ans, avec trois enfants, elle a eu la chance de rencontrer un chirurgien particulièrement à l’écoute, après avoir frappé à de nombreuses portes. « Après toutes ces années, je n’ai jamais regretté. C’était vraiment chouette pour moi, j’aurais pu me reposer la question quand j’ai rencontré mon nouveau conjoint, mais non ! C’était une décision profonde, mûrie et réfléchie. C’est mon corps, ma vie, mon choix. Il y a quelques années, j’ai été ménopausée. Mes copines ont très mal vécu cette période de leur vie : elles prenaient conscience de la fin de leur fécondité, ça y est, c’était concret, même si elles n’avaient pas eu d’enfant depuis quinze ans. (…) Mais moi j’avais déjà fait ce chemin, j’avais déjà eu cette réflexion ! C’était fort ! »

« Un enfant, si je veux, 
quand je veux ! »

Si le slogan féministe des années 1970 s’est largement traduit par une amélioration de l’accès à la contraception et à l’IVG, la société n’a pas entendu le « si je veux ». Féminité, fécondité et maternité sont confondues en France. Contrairement à certains pays de tradition protestante d’Europe du Nord, la vision catholique du corps, rejetant toute « modification » corporelle au sens très large, imprègne encore beaucoup de consciences, rétives à l’idée de stérilisation définitive. « Le pays étant marqué par une politique historiquement très nataliste, le rapport à la natalité et à la fécondité a toujours été très valorisé, déclare dans L’Humanité la socio-démographe Nathalie Bajos. Il suffit de voir à quel point le gouvernement se gargarise d’avoir le meilleur taux de natalité en Europe pour comprendre pourquoi le manque de reconnaissance sociale vis-à-vis des femmes sans enfants reste extrêmement fort. » [10] En France, seules 10 % des femmes n’auront pas d’enfant au terme de leur vie, par choix ou par contrainte, alors qu’en Allemagne par exemple elles sont 29 %. Pour Olya, « il y a encore du boulot pour que les gens acceptent que ne pas vouloir d’enfant, ce n’est pas grave, ce n’est pas une pathologie ». Malaises et jugements : la contraception définitive demeure perçue comme une amputation plus que comme un choix de vie.
C’est un acte médical qui n’est ni vital ni thérapeutique. En cela, il peut être comparée à la chirurgie esthétique : il s’agit d’une atteinte irréversible à l’intégrité du corps. Pourtant, la chirurgie esthétique n’a jamais été interdite, et seuls quatorze jours de réflexion sont imposés aux candidats et candidates. Le cadre juridique continue de traiter différemment les organes reproducteurs et le reste du corps. À qui a-t-on déjà demandé l’accord de son conjoint pour un implant mammaire ?
Ajoutons que le tabou de la stérilisation volontaire est lié à l’histoire chargée des politiques de stérilisation forcée, qui nourrit encore l’inconscient collectif, celui des médecins comme celui de la société tout entière. Utilisée pour « l’hygiène sociale et raciale » depuis le début du XXe siècle, la stérilisation contrainte et systématique sur personnes handicapées ou « socialement déviantes » a été largement mise en œuvre à travers le monde [11], par le régime nazi notamment, mais aussi par exemple en Suède jusqu’en 1976 et en Suisse jusqu’en 1985.

Droit à l’enfant versus 
droit à ne pas en avoir ?

En septembre 2017, Bayer retire de la vente en Europe la méthode Essure, qui proposait l’obturation des trompes, à ne pas confondre avec leur ligature [voir encadré p. 170]. Cette décision intervient notamment après des campagnes relayant des problèmes majeurs à la suite d’interventions, liés au mauvais suivi des patientes aux États-Unis, selon la gynécologue-obstétricienne à la maternité des Lilas Marie-Laure Brival. « Des critiques qui pourraient compliquer encore le droit et l’accès à la contraception définitive », s’inquiétait-elle lors de notre rencontre en juin 2016. A contrario, l’accès à une contraception irréversible fiable ne pourrait-il pas être amélioré en créant dans chaque département un « relais contraception définitive », qui rendrait effectif ce droit ?

La demande d’enfant des couples infertiles, bénéficiant d’une grande empathie sociale et de moyens, est à comparer avec l’invisibilité complète des gens qui n’en veulent pas ou plus. Droit à l’enfant versus droit à ne pas en avoir ? Pour que chacun et chacune puisse avoir une vraie maîtrise de sa fécondité, un renforcement des moyens est en effet nécessaire, mais ce sont aussi les préjugés d’une société entière qu’il faudra faire bouger [12]

En pratique

Depuis la loi du 4 juillet 2001, relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, la stérilisation volontaire est ouverte à toute personne majeure, sans condition médicale, de nombre d’enfants ou d’accord du conjoint. 
L’acte est remboursé à 100 % par 
la Sécurité sociale.

Il est utile de bien se renseigner sur les médecins, très peu nombreux, respectant le cadre légal et le choix de la patiente. Sur Internet, on trouve des listes de gynécologues effectuant des stérilisations volontaires. Malheureusement, beaucoup ne pratiquent pas une stérilisation réellement ouverte à toutes. De même, de nombreux gynécologues peuvent dire au téléphone qu’ils ne sont pas contre a priori, mais reçoivent 
la patiente uniquement pour la décourager.
La stérilisation volontaire consiste à empêcher l’ovule d’accéder à l’utérus en lui barrant la route. Devenu inutile, 
il est absorbé par l’organisme. 
La seule méthode disponible actuellement en France est la ligature des trompes de Fallope. Elle se pratique sous anesthésie générale. Les règles continuent normalement et on ne constate aucun effet secondaire hormonal – pas de diminution de la libido notamment.

Rendez-moi ma testostérone !

La pilule, emblème des conquêtes féministes des années 1970, semble aujourd’hui poser autant de problèmes qu’elle n’en résout. Bloquant l’ovulation, elle dérègle le système hormonal, 
ce qui entraîne, selon les femmes, prise de poids, acné, modification de l’humeur… Sans compter l’impact de la pilule sur la fertilité des femmes, et la pollution provoquée par le déversement massif d’hormones de synthèse dans le milieu naturel, induit par les urines chargées de ces molécules. Parmi ses multiples effets secondaires, on parle bien peu de la diminution (jusqu’à 50 %) 
de la fabrication de testostérone par les ovaires. Une protéine contenue dans les pilules contraceptives, la SHBG, inhibe la fonction de la testostérone. Les pilules de troisième génération ont même un effet supplémentaire anti-testostérone recherché volontairement pour combattre l’acné ou la pilosité. Or cette hormone soutient – y compris chez les femmes – la réceptivité sexuelle (attention au désir de l’autre) et l’imaginaire érotique… entre autres [13] ! La diminution du taux de testostérone active se traduit aussi par une perte de vitalité et une diminution de la masse musculaire et de la forme physique. Quant à la SHBG, des études montrent un lien direct entre un taux élevé et les troubles sexuels.

Pour Beatriz Preciado, qui a pris de la testostérone et en a décrit les effets dans Testo junkie, la pilule (qui est, en volume, la substance la plus vendue par les laboratoires mondiaux depuis la fin des années 1940) est le « panoptique comestible », un dispositif de contrôle du corps et du psychisme des femmes. Combien de signes diagnostiqués comme troubles psychiques sont en fait des conséquences physiologiques de la prise de la pilule ? Cinquante ans après avoir gagné la bataille de la fécondité contrôlée, les interrogations montent sur la prise massive d’hormones par toute une génération de femmes.

[1Enquête Harris de 2011, citée par Gaëlle Robin, « La stérilisation, un tabou très français », Le Figaro Madame, 21/02/2013. Un taux à comparer aux 13 % anglais, 14 % suisses et 10,5 % espagnols (Population Reference Bureau, « Family Planning Worldwide, 2008 Data Sheet », prb.org).

[2Nous n’avons pas enquêté sur la contraception définitive masculine.

[3Lire Beatriz Preciado, Testo junkie. Sexe, drogue et biopolitique, Grasset, 2008.

[4Contre 8 % au niveau mondial et 18 % dans les pays occidentaux. Voir Population
Reference Bureau, op. cit.

[5Marisol Touraine lors d’une conférence de presse donnée le 15 mai 2013 (Bruno Martrette, « Contraception : Marisol Touraine veut donner le choix », pourquoidocteur.fr).

[6Enquête Steri-Gyn (FNCGM, 2007).

[7Pour exemple, il faudrait avoir 38 ans, trois enfants, des difficultés de contraception et avoir subi une IVG pour avoir un score suffisant. Mais restera encore le jugement du médecin sur votre stabilité affective et psychologique.

[8Ainsi, seules 4 % des femmes bénéficiant de cette technique ont moins de 35 ans, un chiffre dû notamment aux réticences des médecins.

[9Sergine Heckel, « La contraception définitive et le risque de regrets », Assises de la FNCGM, Toulouse, juin 2015.

[10L’Humanité du 4 juillet 2011.

[11Lire André Pichot, La Société pure. De Darwin à Hitler, Flammarion, 2000.

[12À ce sujet, lire « La stérilisation », Spirale, n°68, 2013 (cairn.info).

[13Lire Sophie Bramly, « La testostérone, moteur de la libido des femmes », 8 janvier 2013, terrafemina.com.


)

Paru dans 
la revue Z n°10
"Bonnes femmes, mauvais genre" – Marseille – 2016.

Le 8 mars 2016, pour la Journée internationale des droits des femmes, l’humoriste Jean-Marie Bigard, auteur d’un célèbre sketch sur le « lâcher de salopes », se produisait à Marseille en clôture du « Festi’femmes », organisé par une ancienne adjointe à la culture de la ville. Que penser du fait que ce genre d’événement soit si souvent porté par des femmes – blanches et bourgeoises, proches des notables ? Est-ce un hasard si cela se passe dans la grande ville qui compte le plus de pauvres en France ? Les Marseillaises sont de celles qui sont si bas, paraît-il, qu’il est légitime de les écraser. Qu’est-ce que ça coûte, de mépriser la vulgarité des « cagoles », descendantes de ces Italiennes travaillant à l’usine, si exploitées qu’elles survivaient en se prostituant le week-end ? Qu’est-ce qu’on risque, à mépriser les choix des femmes voilées, qui sont déjà, du fait de la ségrégation et des inégalités, parmi les plus dominées ?
Ce dixième numéro consacré au sexisme en régime capitaliste propose une plongée dans les luttes de femmes, individuelles et collectives : de celles qui affrontent le paternalisme et les stéréotypes pour arracher ce qui leur est dû ; celles qui déploient une inventivité foisonnante pour réinvestir leurs corps et transmettre leurs savoirs...
Sur fond de dominations de race et de classe, Z vous embarque dans le travail féminin invisible, les marches de nuit, l’afroféminisme, la résistance des combattantes kurdes, le quotidien des militantes de quartiers populaires, la galère de la garde des minots.
Le texte que vous venez de lire est issu du dossier sur le corps des femmes face au pouvoir médical. Dès la puberté, les femmes fréquentent les gynécologues. Depuis la chasse aux sorcières de la fin du Moyen-Âge, leur dépendance aux médecins s’est ancrée au cours des siècles avec le remplacement des accoucheuses par des obstétriciens puis la surmédicalisation de la procréation.
Si l’évolution du champ médical a inversé certaines tendances – réduction drastique des morts en couche - les cabinets gynécologiques ou les hôpitaux réservent encore aux femmes de dures expériences : humiliations feutrées, gestes déplacés, diagnostics erronés, culpabilisation... Comment se positionner face à une institution campée dans ses hiérarchies, baignée de sexisme et captive de sa croyance dans le progrès technologique ?
Prendre le droit de disposer de nos corps, c’est aussi, et surtout, le prendre au corps médical. Ne plus subir les décisions mais les comprendre. Retrouver la transmission étouffée des vécus et des savoirs entre femmes et entre générations. Et avoir le choix.



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