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Gentrification, urbanisme et mixité sociale
mis en ligne le 20 octobre 2014 - Désurbanisme , Georges Bataille , Lewis Mumford , Non Fides
Introduction au concept de gentrification
Le terme « gentrification » est un terme anglo-saxon, de « gentry », petite noblesse en anglais. Sa traduction la plus réaliste en français serait « embourgeoisement », même si celle-ci recouvre un sens galvaudé comparé au terme anglais. La gentrification est un processus urbain, par lequel le profil socio-économique des habitants d’un quartier se transforme au profit d’une couche sociale supérieure. C’est donc un processus de substitution des populations : remplacer les pauvres par les riches ou par les classes moyennes.
Conséquemment au développement sauvage du capitalisme depuis la première révolution industrielle, les villes furent de plus en plus peuplées et leurs habitants de plus en plus concentrés. Il existait cependant déjà, des segmentations géographiques, certaines zones étant frappées par la délinquance (les zones portuaires, par exemple) et d’autres occupées par les classes supérieures. Le transport étant difficile et cher, et l’appartenance se déterminant sur des critères surtout ethniques ou professionnels, riches et pauvres ont pourtant vécu côte à côte. Parfois même dans les mêmes immeubles comme en France : les riches proches du rez-de-chaussée, les pauvres sous les toits, résultat de la politique d’urbanisme haussmannienne.
Mais avec le développement technologique et industriel, les moyens de transports devenus toujours plus capables et rapides, et l’argent supplantant progressivement les autres critères de distinction et de regroupement par quartiers, la segmentation sociale des villes s’est affinée.
C’est aussi la figure du pauvre qui change entre le Moyen-Age et aujourd’hui. La figure chrétienne du mendiant, du pauvre, n’est pas sans rappeler la figure du christ à laquelle se dévouèrent les ordres mendiants et le développement du vœu de pauvreté. Or, c’est une société de plus en plus laïque et capitaliste qui laisse de moins en moins de place aux états d’âme chrétiens. Au fur et à mesure que les villes ont évolué vers un modèle plus favorable au capitalisme et à l’industrie, les représentations des pauvres dans la conscience collective ont également évolué. Vint alors la distinction entre bons et mauvais pauvres, puis peu à peu, la vision du mauvais pauvre comme unique perception. De la figure de martyr, le pauvre va peu à peu se transformer en monstre, en paria. Aussi, le développement des théories hygiénistes apparues essentiellement au cours du XIXe siècle, contribuera peu à peu à la mise au ban [1] des pauvres. Les riches pouvant alors vivre entre eux en bonne intelligence, en sécurité et dans la propreté.
Ce processus de substitution des populations est cependant très versatile. Tel endroit, hier huppé, peut laisser progressivement la place à une population plus nombreuse et plus pauvre parce que les ressources se sont taries, ou parce que les classes supérieures ont trouvé mieux ailleurs selon des critères culturels de mode. Tel autre quartier, parce qu’il dispose d’attraits naturels et que des inconvénients y ont été supprimés [2] ou que des avantages nouveaux sont apparus [3], ou parce que la classe moyenne s’est accrue et ne trouve plus de place suffisante dans les secteurs qu’elle occupait antérieurement, redevient accessible.
La gentrification se traduit aussi par une pression plus forte des nouveaux habitants sur les pouvoirs publics par le biais du vote, pour qu’ils améliorent le quartier : moins de bruit, plus de sécurité, plus d’équipements, destructions de logements massifs au profit d’un habitat de type pavillonnaire. Elle permet de garantir la solvabilité des citoyens. Le capitalisme préfère des populations qui participent au système en votant, qui consomment, participent directement ou indirectement à la chasse aux pauvres, qui travaillent et qui payent leurs impôts que des populations frappées par le chômage et la misère et qui portent en elles de fortes potentialités de trouble à l’ordre public.
La gentrification désigne donc la migration de classes aisées vers un quartier à la mode, c’est à dire regroupant un ensemble de critères chers à ces populations. Souvent, ces migrations se traduisent par une hausse brutale des expulsions immobilières [4], par la rénovation des bâtiments et par l’accroissement des valeurs immobilières entraîné par la spéculation et la hausse des loyers. Les pauvres ne peuvent plus suivre en termes de loyer et sont contraints à chercher ailleurs, dans des zones moins chères offrant moins d’avantages et plus d’inconvénients comme le fait d’être excentrées ou mal desservies par les transports.
Le processus de développement et d’expansion urbaine dans la société capitaliste procède inexorablement par l’expulsion des pauvres vers des zones moins demandées. Ce phénomène engendre souvent des révoltes sociales, surtout s’il se produit brutalement.
Combattre la gentrification ne réduira pas pour autant le capitalisme en cendre. Détruire le capitalisme, par contre, mettra un terme au processus de gentrification urbaine.
Pourtant, l’explosion sociale, les émeutes et les insurrections qui ont éclaté à travers l’histoire ont retardé ce processus. Reste maintenant à détruire le capitalisme pour l’anéantir définitivement sans se priver par ailleurs de l’attaquer au sein de ses villes.
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009).
Lettre aux villes qui s’aseptisent
Lettre à un-e voisin-e, dans un quartier genevois que l’on nettoie de squats et de toute vie "populaire".
Madame la voisine ou Monsieur le voisin
L’autre jour en me réveillant chez mes ami-e-s les occupant-e-s du 20 Grottes, une douce mélodie me léchait les tympans. Elle venait de la fenêtre ouverte, de la rue, du bâtiment d’en face, très chic, fraîchement rénové. Elle venait de votre appartement. Vous dégustiez sans doute vos croissants en chargeant votre stéréo d’ajouter un peu de beauté à votre matinée.
J’aurais pu féliciter votre bon goût. Du Yann Tiersen au réveil, quel charme ! Quelle douceur ! Quelle finesse ! De belles et longues minutes d’harmonie, d’accordéon minutieux. Des images étouffées de Montmartre sous la pluie. Yann Tiersen, le champion de la poésie quotidienne. Yann Tiersen, le pote d’Amélie Poulain.
Mais moi j’entends cette belle musique et je vous imagine vous, et j’enrage. Vous vivez dans le dernier " vieux " quartier populaire de Genève : les Grottes. Il est en train de se faire raser, sous vos yeux, sous votre fenêtre, jour après jour. On le rase comme on sait le faire de nos jours, en douceur, avec une douceur sardonique, avec un joli sourire écologiste et des jolies sérénades au " développement durable ". C’est le fameux capitalisme à visage humain, qui ne détruit plus les vieux quartiers à coups de bulldozer mais à coups de rénovations, qui n’y plante plus des tours en béton, mais des lampadaires et des pavés en plastique, et surtout, des nouveaux habitants et des nouvelles habitantes, aisé-e-s.
Les Grottes étaient une honte pour Genève. Comment ! Une ville si riche, si internationale, qui n’a pas encore fini de se standardiser ! Comment ! Une cité d’Europe Occidentale qui n’a pas encore refoulé tous ses quartiers populaires à la périphérie ! Qui en garde un juste derrière la gare ! Quelle indécence ! Nettoyez-moi bien cet immonde champignon, cet espace étrange, incongru, tout de guingois, vivant, truffé de squats. Remplissez-moi ces places de cafés, et chassez-m’en toute bouffe populaire impromptue. Uniformisez-moi la couleur de ces façades, maladroitement peintes par celles et ceux qui habitent derrière. Expulsez-moi ces squats et haussez-moi donc ces loyers. Plus rien ne doit être laissé à l’improvisation, ni aux habitant-e-s. Le service de l’urbanisme est bien plus apte que quiconque à choisir la norme qui est bonne pour tout le monde et surtout pour l’image de la ville, laissons-le faire du modélisme avec nos rues, il nous peaufinera les plus belles maquettes qui soient, et elles seront grandeur nature. Nos hôtes aux cravates satinées (et aux poches pleines) pourront enfin aller de l’O.N.U. à la banque sans risquer à aucun moment d’être surpris. La même netteté, la même aseptie, la même sécurité, la même sécheresse, couvrira tous les trottoirs qu’ils emprunteront, et ils n’auront même plus l’impression de quitter leur bureau en arpentant la rue de la Faucille. Enfin notre ville entière, de bout en bout, de Carouge à Cologny, des Pâquis à Plainpalais, sera complètement morte. Empaillée avec gloire en un mausolée pour l’élite mondiale. Vidée de substance, fignolée en façade, pour qu’il reste aux touristes quelque chose à photographier.
Voisin ou voisine, j’enrage. Parce que tu préfères aller acheter au supermarché, sous forme de musique enregistrée, cette ambiance " populaire ", " authentique ", qu’on assassine dans ton quartier. Parce que tu préfères aller au supermarché plutôt que de descendre défendre ta rue. Parce que tu consommes ce que tu pourrais vivre ou créer. Parce que tu révèles la force et le cynisme d’un système qui spectacularise, manufacture, empaquète, publicise, marchandifie la beauté qu’il ôte à la réalité. Parce que tu symbolises notre apathie, notre incapacité à nous battre dans une société qui nous apprivoise, nous berce et nous berne en nous vendant des succédanés de ce qu’elle anéantit devant nos consciences, lucides mais diverties par des préoccupations routinières, personnalisées, infiniment importantes. Le bac. Le diplôme. Le job. Le grand amour. La voiture. Les gosses. La carrière. La retraite. Le testament.
Voisine ou voisin, j’enrage maintenant parce que je suis jeune et fougueux. Mais ne t’en fais pas. Tout le monde me dit que ce n’est qu’une étape. Il paraît qu’on vieillit très très vite. Qu’en vieillissant on voit des tonnes de Grottes poignardées, on voit des Croix-Rousses, des Paniers, des centres florentins, crever par dizaines, par centaines, et on se blase, on comprend que c’est comme ça, que c’est le cours de l’Histoire, qu’on n’y peut rien. Quand je serai vieux (l’année prochaine ?) je n’arriverai pas à enrager parce que je serai comme toi, je chercherai mon petit nid dans la société, mes petites matinées sucrées dans mon studio, je paierai mes impôts et je ferai mes courses : je financerai les Etats, les armements, les autoroutes, les multinationales, la misère noire du Sud, parce que faire autrement il paraît que c’est trop compliqué quand on est des hommes, des vrais. Autant se ménager une vie pas trop extraordinaire avant que notre passivité complice ne fasse exploser la planète. Ou ne la transforme en verre. Une bille toute ronde, toute lisse, absolument sûre, complètement morte.
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009). [Publié à l’origine en 2001 à Genève.]
Chronique ordinaire de la gentrification dans le 19e arrondissement de Paris
Anciennement service municipal des pompes funèbres de Paris, le 104 rue D’Aubervilliers dans le 19e arrondissement de Paris a été restauré. Il a réouvert ses portes le 18 octobre 2008 sous le nom de « Cent quatre » pour y accueillir un projet culturel d’envergure de la mairie de Paris. Le 104, c’est plus de 200 artistes en résidence, 39.000 M2 de surface et un budget de 8 millions d’euros de subventions par an pour la mairie de Paris. C’est aussi plus d’une centaine de millions d’euros payés conjointement par la mairie (encore), mais aussi en échange de reconnaissances commerciales, par une dizaine d’investisseurs (quelques multinationales reconverties dans le mécénat comme Mitsubishi) pour financer les travaux d’envergures. L’équipe commerciale du 104 attend pour l’année 2009 un peu moins d’un million de visiteurs dans ce lieu pouvant simultanément contenir 5000 personnes, encadrés par une soixantaine de permanents.
Le 19e arrondissement est un quartier populaire comme aiment à le rappeler les centquatreux. Le quartier de Flandre où s’est installé le 104, c’est une moyenne de 20% de chômage (12% dans Paris) et 60% de logements sociaux contre 19,7% dans le reste de Paris. Selon le co-patron du 104 Frédéric Fisbach, « le Cent quatre est aussi un projet social, un microquartier ouvert sur la ville. Ainsi, à partir de 2009, on y trouvera un café, un restaurant, une maison des petits, une librairie... Dans cette “rue” occupée par des artistes, on pourra marcher, s’asseoir, discuter, consommer. On croit à l’insertion sociale par la culture et on espère que ce sera un lieu de foisonnement ».
La « culture » pourtant si chère aux élites et aux urbanistes n’apporte pas le logement décent, elle ne donne pas des papiers, elle ne donne pas à manger à la fin du mois, elle n’essuie pas la sueur et ne paye pas mieux les travailleurs exploités, ni ceux qui tentent de résister à l’enfer du travail. Leur culture ne prémunit pas contre le harcèlement policier (racket, contrôles au faciès, tabassages, arrestations, rafles, mépris…), ni contre le harcèlement des huissiers et des proprios (expulsions, saisie des biens des pauvres…), elle n’offre pas un toit à ceux qui vivent à la rue, dans les foyers. Elle n’adoucit pas le contrôle des agents de mort de l’ANPE, ni de la justice anti-pauvres. Ce n’est pas de « marcher, s’asseoir, discuter, consommer » dont nous avons besoin. Nous ne voulons pas être la caution morale de quelques bourgeois complexés par leurs ressources familiales venus chez nous comme dans un zoo humain pour s’encanailler au contact des « classes dangereuses ».
Le 104 participe d’une logique plus globale de restructuration des quartiers du Nord-Est Parisien : Chasser les pauvres au-delà du périphérique, installer de nouveaux outils de contrôle et de nouvelles populations plus « correctes ». C’est à dire payant plus d’impôts, consommant plus, bio et mieux, rentabilisant les marchés de l’immobilier et des services de luxe. Une population qui n’aura plus aucune raison (ou presque) de se révolter ou de troubler l’ordre publique. Une population qui assurera le bon déroulement de l’exploitation en achetant la paix sociale à grand coup de marchandises.
Du 104 aux quais de seine en passant par la Villette et le jardin d’Éole, ils veulent faire du 19e un quartier propre : expulsion des squats et des pauvres sous des prétextes fallacieux (insalubrité) et hausse des prix de l’immobilier repoussant les pauvres un peu plus loin dans les ghettos qui leur sont destinés, transformation des marchés populaires en marchés bio-équitables pour population aisées et soucieuses de leur bien-être, transformation du mobilier urbain en répulsif anti-SDF, tentatives d’étouffement des contestations. C’est aussi plus de caméras pour assurer ce même bien-être des nouvelles populations abreuvées tout les jours à 20h des discours sécuritaires sur le 19e, cette « zone de non-droit à feu et à sang ». Le 104 et les divers grand chantiers récents de la mairie de Paris, c’est aussi un regain de l’occupation policière du quartier, ceci afin d’assurer la pacification des rapports conflictuels que pourraient engendrer les différences de richesses entre visiteurs (du 104 par exemple) et habitants du quartiers.
Dans cette guerre sociale, le pinceau peut remplacer la matraque et la matraque peut remplacer le pinceau. Les prétendus « artistes » s’avèrent être (encore une fois) de bons alliés pour les élites économiques, ils sont appelés à grand renfort de modes préfabriquées par l’intermédiaire des médias pour tenter de nettoyer les quartiers populaires de toute possibilité d’explosions sociales. Heureusement que leur efficacité laisse souvent à désirer : les tentatives de pacification de l’espace urbain par les immenses barres HLM (les orgues de Flandre, la cité Curial...) ont toutes plus ou moins capotées, les élites sont donc passées à de nouvelles techniques plus sournoises, plus radicales : l’occupation du territoire par la « culture ». Toutefois, cela n’a jamais complètement empêché pas les gens, de ci de là, de se révolter.
Mais de quelle culture parlons nous ? cette « culture » unidimensionnelle qui n’est autre que la culture bourgeoise, se veut unique et hégémonique. Ces apôtres de la culture savante que sont la mairie de Paris, les investisseurs du 104 et les artistes, viennent dans le 19e pour apporter la bonne parole, la bonne culture, la vraie, celle qui se marchande et dont les goûts sont malléables à merci par l’économie de marché et les effets de mode marketing. Seulement, donner du pain et des jeux aux pauvres (ou fabriquer une « rue » où l’on peut admirer des artistes inspirés en plein travail) ne les empêchera pas de résister comme ils le font déjà.
Partout dans le Nord-Est Parisien des liens de solidarité se tissent, des comités de mal-logés s’organisent ; des habitants du quartier se réunissent pour empêcher les expulsions de sans-papiers et enrayer la machine à expulser ; Des guets-apens fragilisent l’occupation policière du quartier ; Des collectifs de précaires, de chômeurs, de SDF se mobilisent ; des résistances aux expulsions locatives se manifestent ; ainsi que d’innombrables autres viviers… Autant de résistances aux attaques incessantes du pouvoir. Lui faire comprendre que la cohabitation des pauvres et des riches, le mythe de la mixité sociale, ne se déroule pas au bénéfice de la figure christique du pauvre, nous ne voulons pas de cet humanisme condescendant, ni de de votre arsenal répressif.
Mais merci quand même.
« Demander est un verbe qui porte malheur. »
Louis Scutenaire - Mes inscriptions III
Alors détruisons ce qui nous détruit !
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009).
Face à la guerre aux pauvres
La rénovation n’a qu’un but : faire du fric. Elle permet de virer les pauvres pour installer des populations plus riches.
La mairie et l’état organisent la spéculation immobilière et en tirent profit au côté des promoteurs. Ils construisent spécialement pour cette nouvelle population : 104, MK2, cafés-bobos, boutiques de mode...
FLICS, POLITICIENS, ARTISTES BRANCHES, SPÉCULATEURS...
DÉGAGEONS-LES !
La Gentrification par l’art
L’avant-garde artistique est celle qui débroussaille les forets de la guerre immobilière pour les pouvoirs publics et les promoteurs. Tel est le processus de gentrification par l’art : comment faire d’un quartier populaire un quartier branché ?
● 1. Commencer par établir de grands projets municipaux, souvent culturels, comme un centre artistique.
● 2. Favoriser l’installation de commerces tertiaires adéquats, économiquement et culturellement sélectifs : boites de nuit branchées, ateliers créatifs, cafés et restaurants de cuisine créative, boutiques d’art ou de haute couture, salles de concerts, cinémas de gauche, magasins bio et détaillants de commerce équitable.
● 3. En même temps, commencer de grands chantiers publics : nouvelles places de crèche, universités, espaces associatifs citoyens, commissariats, espaces verts écologiques mais chics, systèmes de vélos en libre-service payant, construction de nouveaux axes de transports en commun.
● 4. Peut alors commencer la phase de nettoyage humain : augmentation des loyers de tout les habitats proches des chantiers cités plus haut, accélération des expulsions locatives sous divers prétextes tels que l’insalubrité, suppression du racolage par le harcèlement des putes pour permettre l’installation de bars à escort-girls, accélération aussi des expulsions de squats, adaptation du mobilier urbain pour repousser toute tentative d’oisiveté un peu plus loin, plus de surveillance technologique ou citoyenne et renforcement des effectifs de police urbaine de proximité.
● 5. Moins de pauvres et restructuration des quartiers : l’avant garde artistique peut alors servir d’appât. Favorisés, ils peuvent alors se regrouper dans un nouvel espace communautaire en traînant derrière eux la cohorte des admirateurs et de ceux qui doivent être là ou il faut être. L’admiration qu’ils suscitent parmi les masses grégaires de classe moyenne rend opérante la phase de substitution.
● 6. Phase de substitution des populations : le rêve se réalise. Les pauvres, harcelés, finissent par lever l’ancre et sont repoussés encore un peu plus aux confins des métropoles. De nouvelles populations s’installent alors, artistiques ou à la remorque des artistes. Plus enclines à « participer à la vie du quartier », c’est à dire à voter, à trier ses déchets et à prévenir la police de toute malversation. Là se trouve le jackpot urbaniste. Ces populations plus solvables et intégrées vont alors mieux consommer, et plus. Elles ne seront pas sujettes au chômage de masse et offriront une coopération sans faille aux
différentes tentacules de la machine. Bien plus dociles, leur mécontentement n’ira jamais plus loin que l’insurrection pétitionnaire ou la cyber-manif. La ville se prémunit alors des émeutes urbaines, des guet-apens sur flics et pompiers ou de tout autre acte de dé-pacification sociale.
● 7. la dernière phase est la plus délicate, car cohabitent alors des populations socialement mixtes. Cette cohabitation difficile permet alors le renforcement de l’occupation policière afin de donner confiance aux porte-feuilles des nouvelles populations.
Quand le pinceau devient le prolongement de la matraque, flics et artistes sont deux moyens complémentaires de la chasse aux pauvres, les deux faces d’une même pièce.
Extrait de Non Fides N°IV, p.46, juillet 2009.
On n’ira pas dans votre parc !
Ce tract anonyme fut diffusé à notre connaissance dans le Nord-Est de Paris en 2005/2006.
Aujourd’hui en 2009 le jardin d’éole, flambant neuf, trône à l’intérieur d’enceintes grillagées comme pour rappeler aux pauvres leur condition. Non loin du "104" rue d’Aubervilliers, il fait partie du plan d’ensemble de restructuration du Nord Est de Paris de la mairie et de ses amis : promoteurs, criminologues, artistes branchés et spéculateurs en tout genres.
A chaque arbre planté, un immeuble expulsé
Le parc « Jardin d’Eole » n’est pas un parc. Enfin pas seulement. C’est un outil de la ville de Paris pour réaménager, restructurer le nord de la capitale en générale, les quartiers de la Chapelle et de la Villette en particuliers.
Ces deux quartiers sont des cibles idéales pour la mairie de Paris parce que beaucoup d’opérations immobilières sont encore possibles et surtout trop de pauvres y habitent encore. Il faut faire de la place pour des gens qui valent le coup, pour les cadres, les artistes, les étudiants. Et puisque la place est déjà occupée, il faut trouver les moyens de la prendre.
Le parc est un de ces moyens, parce que même en travaux, il fait exploser les prix des logements dans la rue d’Aubervilliers, la rue Riquet, la rue Pajol... Dès 2005 les gens ont reçu des congés ventes (menaces d’expulsion sous six mois) qui sont aujourd’hui appliquées.
Comment la mairie fabrique « le dernier quartier à la mode » ...
La mairie a un projet plus global que relaie les associations : même si la Chapelle a échappé à son avenir olympique, Barbès doit devenir « un espace civilisé » et Stalingrad « le dernier quartier à la mode » (Bertrand Delanoë, le Monde 14 janvier 2002).
Si le parc est un moyen pour transformer le quartier, pour y installer d’autres gens, ce n’est pas le seul :
- Les anciennes pompes funèbres du 104 rue d’Aubervilliers sont transformées pour des artistes subventionnés en résidences et centre d’art contemporain.
- Le bassin de la Villette est réaménagé pour les branchés en centre commercial à ciel ouvert (cinémas MK2 et terrasses qui vont avec, péniche-concert, bateaux-mouches ... ).
Pour parfaire le nettoyage, il faut raser ou réhabiliter tous les immeubles vétustes ou insalubres. A la place ils construisent moins de logements et pour d’autres gens : à la goutte d’Or, à la Chapelle et dans le sud du 19ème, la mairie ne construit presque aucun logement HLM que tout le monde peut obtenir(PLAI), mais des centaines de faux-HLM-très-chers pour lesquels il faut au moins gagner 2000 euros (P LS). Pas de place pour les Rmistes, les smicards seuls, ceux qui travaillent au noir ou à mi-temps, ceux qui n’ont pas de papier. Rassurons-nous, ils laisseront quelques cages à lapins pour ceux qui nettoient le métro ou font la plonge.
... Et comment les associations lui préparent le terrain
Certaines associations sont complices ou à l’initiative de cette restructuration. Ce sont elles qui veulent le parc de la « cour du Maroc » et le centre d’art contemporain du 104 rue d’Aubervilliers. Elles ont délibérément évacué tout projet de logement dans la Halle Pajol pour y mettre seulement des équipements qui correspondent aux loisirs des nouvelles populations. Ce sont aussi elles qui réclament « la mixité sociale » c’est-à-dire la construction de faux-HLM-pour-riches à la place des vieux immeubles. Ce sont encore elles qui nous prennent pour des enfants à vouloir nous assister, encadrer la moindre de nos pratiques pour la convertir en activités
débiles.
Ces associations marchent avec la mairie, marchons leurs dessus.
Non aux expulsions
Le souffle d’éole suffira-t-il à se débarrasser des pauvres ?
resist.paris(at)no-log.org
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009).
L’aménagement du territoire
La société des grandes métropoles est particulièrement bien outillée pour éliminer les initiatives spontanées et l’indépendance de l’esprit.
Au dernier stade de son développement, la métropole capitaliste est devenue le ressort essentiel qui assure le fonctionnement de cet absurde système. Elle procure à ses victimes l’illusion de la puissance, de la richesse, du bonheur, l’illusion d’atteindre au plus haut point de la perfection humaine. En fait, leur vie est sans cesse menacée, leur opulence est éphémère et privée de goût, leurs loisirs sont désespérément monotones, et leur peur justifiée de la violence aveugle et d’une mort brutale pèse sur cette apparence de bonheur. Dans un monde où ils ne peuvent plus reconnaître leur œuvre, ils se sentent de plus en plus étrangers et menacés : un monde qui de plus en plus échappe au contrôle des hommes, et qui, pour l’humanité, a de moins en moins de sens.
Certes, il faut savoir détourner les yeux des sombres aspects de la réalité quotidienne pour prétendre, dans ces conditions, que la civilisation humaine a atteint son plus brillant sommet.
Mais c’est à cette attitude que les citoyens de la métropole s’entraînent chaque jour : ils ne vivent pas dans un univers réel, mais dans un monde de fantasmes, habilement machiné dans tout leur environnement, avec des placards, des images, des effets de lumière et de la pellicule impressionnée ; un monde de murs vitrés, de plexiglass, de cellophane, qui les isole de leur peine et des mortifications de la vie, - monde d’illusionnistes professionnels entourés de leurs dupes crédules. (…)
Les spectateurs ne conversent plus comme des personnes qui se rencontrent au croisement des routes, sur la place publique, autour d’une table. Par l’antenne de la radio et de la télévision, un très petits nombre d’individus interprètent à notre place, avec une adresse toute professionnelle, les mouvements d’opinion et les événements quotidiens. Ainsi les occupations les plus naturelles, les actes les plus spontanées sont l’objet d’une surveillance professionnelle et soumis à un contrôle centralisé. Des moyens de diffusion, aussi puissants que variés, donnent aux plus éphémères et aux plus médiocres ouvrages un éclat et une résonance qui dépassent de loin leurs mérites.
Lewis Mumford, La Cité à travers l’histoire, 1961.
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009).
La prévention situationnelle
La prévention situationnelle, comme sa définition, n’a pas de recoins, de fragilité, elle est bloc, évidence imposée : qu’on la retourne dans tous les sens ou qu’on prenne des éléments à droite à gauche toujours le même bloc se forme. La prévention situationnelle est le dispositif qui permet qu’une situation n’arrive pas, en l’occurrence, une situation d’insécurité. En fait, prévenir (voir venir et empêcher) toute situation d’arriver. Ceci simplement en agissant sur la structure même du bâti des villes, sur l’organisation sociale des espaces urbains, publics et privés. Elle est aussi appelée “sécurité passive” : c’est une “conception de la prévention” basée sur le “traitement de l’environnement”, visant à “favoriser l’appropriation de l’espace” pour assurer son “contrôle social naturel”. L’idéal fantasmatique d’une sociabilité lisse, sans accroche, dans laquelle on n’entretient que le minimum de rapport avec l’altérité incarnée dans “les autres”, dans laquelle tout le monde peut se reconnaître puisque impersonnelle, et où on peut se perdre à force de ne pas y trouver de sens.
Concrètement, il s’agit de penser l’insécurité comme un tout, dont tout peut en être et en être facteur, chaque élément devenant ainsi, après avoir été une part du problème une part de la solution, aussi bien matériel qu’humain, technologique ou social ; il s’agit d’habiter dans des prisons, et de réveiller le maton justicier qui sommeille en chacun de nous. Ceci avec un sourire épanoui, comme dans la pub pour cette vie-là, celle du dentifrice blanchisseur et de la bonne ambiance pendant les soldes. Concrètement, il s’agit surtout de ne rien laisser au hasard. La prévention situationnelle porte sur les conditions matérielles et les circonstances dans lesquelles un délit pourrait être commis. Pourrait être. Mais ON dispose de chiffres, de tableaux de statistiques et de relevés comportementaux qui démontrent qu’on a jamais assez raison de se méfier de ce qui pourrait arriver. De tsunami point, mais de tags ; de tempêtes pas plus mais de crottes de chien et d’injures, de déstabilisation des propriétaires et des argentés.
Une fois qu’on a eu dit que les grands ensembles pouvaient être facteurs d’insécurité, de par leur forme même, leur tristesse suintante, grise à leur horizon malade et leur ennui traîné dans les escaliers, ce qui permettait de charger la barque de leurs habitants, ON a répété à l’envi : “Vous voyez, ce n’est pas de votre faute ! C’est les cités !” Ainsi donc leur rébellion pouvait et devait être canalisée et évacuée en répondant mal à une question bien posée, elle. Cette société qui engendre les cités (mais aussi : exploite tout un chacun, ethnicise les luttes, médiatise les conflits qu’elle crée, rend justice en enfermant, relègue les femmes, finance l’armement total, courre d’échec en échec pour des politiques de toutes sortes, entre autres) a le ressorts de répondre : “Vos luttes sont justes, car avec l’urbanisme nous avons failli. Nous allons résoudre ce problème, et vos problèmes, avec, disparaîtront”. Formidable. Comme si la ville était le seul terrain de faillite, celui seul où le conflit est manifeste, celui qui pourrait ébranler la société entière. Puisque les habitants ont, d’une certaine façon, prise sur la réalité grâce à leur façon d’être ensemble au quotidien et d’habiter et et d’occuper l’espace, et que c’est là, par des émeutes de quartier, des dégradations multiples, des messages écrits sur les murs, des drapeaux accrochés aux fenêtres, des lumières filtrant de dessous les portes, que la colère peut s’exprimer, alors simplement ON reprend ce terrain en en contrôlant la moindre parcelle, à la moindre échelle.
Ainsi, les conflits qui trouvaient leur source dans l’agonie de ce monde, nous entraînant avec lui, se manifestaient sur et dans les murs des métropoles. ON a préféré y voir que les conflits trouvaient leur source dans et sur les murs des métropoles, entraînant avec eux l’agonie de ce monde.
Il suffisait donc de trouver un nouveau concept, qui fasse mouche, un concept englobant et attirant : ON l’a formalisé en premier en Angleterre dans les années 80, sur la base de principes “testés” depuis les années 70 aux Etats-Unis et au Canada. Sa diffusion ne fut pas difficile en France. Son application légale n’est pas si facile, mais quel besoin de la loi quand on est face à un mouvement inévitable, appelé de ses voeux par la société toute entière (7 personnes sur 10 se déclarent favorable à l’augmentation de la lutte contre l’insécurité, dans un sondage de 164 personnes à la sortie d’un commissariat ; et puis Le Pen a failli être président, ça veut bien dire quelque chose.)
LES GENS/LES MATONS
Organisation des habitants pour relever systématiquement les dysfonctionnements (pannes d’ascenseur, pannes de courant, absence du gardien, nettoyage mal fait...) et les dégradations (boîtes aux lettres et portes cassées, graffitis, affiches et affichettes, poubelles retournées ou brûlées...) ; présence de chiens de garde dans l’équipe de gardiennage ; organisation des flux humains pour que la fréquentation de l’espace joue un rôle de dissuasion (s’arranger pour que les riches croisent des riches, ce qui les rassurera) ; favoriser des espaces utilisables par les gens, y développer des activités (festival dans un jardin public, pelouse sur laquelle on peut marcher, théâtre de rue conventionné...). On peut même lire : “en augmentant le confort, l’accueil, la convivialité, on améliore l’ambiance urbaine et réduit le sentiment d’insécurité”. La convivialité créée par l’urbanisme n’a d’autre fin que réduire le sentiment d’insécurité. On dit ainsi aux gens : “vivez endeçà, toujours en deçà de ce que vous pouvez. L’épanouissement non, la réduction du sentiment d’insécurité oui” ; délation entre voisins facilitée et favorisée par le contact soutenu avec la police de proximité, par les dispositions des contrats locaux de sécurité, et par la récompense sociale permanente de n’importe quelle action en tant que citoyen/citoyenne...
LEURS OUTILS/LES CLES
Mise en place de gardiennage, allant le plus souvent de paire avec des dispositifs de vidéosurveillance (filmant les entrées, cours, parkings, halls, avec des caméras étanches et motorisées permettant de suivre les individus, effectuer des zooms, filmer de nuit...), ainsi que l’installation de clôtures, grilles et portes adaptées contre l’intrusion d’individus quels qu’ils soient, étrangers à la copropriété ou à la résidence ; installation de grilles autour des terrains de sport et de jeux, fermés au moins la nuit ; systèmes de fermeture de plus en plus sophistiqués, allant de la simple serrure à la clef magnétique, du digicode lumineux à l’interphone numérique, actionnables à distance s’il le faut ; mise en place d’horodateurs à carte à puce, contenant toutes les informations sur la voiture et sa propriétaire, ses allées et venues, facilitant le stationnement payant et évitant surtout aux pauvres de récupérer les pièces dans les horodateurs ; systèmes antivol et dispositifs d’alertes des véhicules automobiles, des locaux à poubelles, des locaux à vélo, des loges de gardien, du central de gardiennage, émettant un signal sonore sur place et relayé au commissariat le plus proche éventuellement...
LEURS MAISONS/LES PRISONS
Architecture des nouveaux bâtis pensée en amont du projet de construction dans le sens de la prévention situationnelle : une bonne visibilité pour l’ensemble des habitants ou usagers, sans angles morts ni endroits cachés, avec un grand dégagement visuel ; la notion de territorialité permet de décrire un sentiment d’appartenance à un espace, ceci étant rendu possible par une “lisibilité” de cet espace, intérieur et extérieur définis, entrée et sortie canalisées, public et privé délimités... un éclairage adapté (sans pénombre et sans discontinuité entre le jour et la nuit), un aménagement paysager adapté (des buissons trop petits pour s’y cacher), une signalétique donnant une identité particulière à un espace, de la végétation pour son caractère apaisant, un mobilier urbain moderne ne favorisant pas le squattage par des étrangers ; équipements matériels fixes (caméras, grilles, etc.) intégrés à l’aménagement architectural et équipements matériels fixés (dans le sens de très bien fixés) au sol ou aux murs pour ne pas pouvoir servir de projectile ou de barricade, tels que les bancs, poubelles, jeux pour enfants, tables de ping-pong en ciment, etc...
Mais de quoi avons nous peur ? De quoi devons-nous nous protéger ? Je ne vois que le déplacement dans un ailleurs qui existera toujours des échanges de toutes sortes (deals et amourettes), les incivilités se modifiant comme les insectes face à de nouveaux insecticides. Il y aura toujours cette intelligence de frapper là où ça fait mal, l’urbanisme n’y pourra rien.
La prévention situationnelle veut dire : pas d’amour, pas de secrets, pas de cabanes. Elle veut aussi dire : tuer la vie où elle existe encore, en un mot les conditions de l’insurrection.
Extrait de Désurbanisme N°19, avril-mai 2005.
La Chiourme architecturale
L’architecture est l’expression de l’être même des sociétés, de la même façon que la physionomie humaine est l’expression de l’être des individus. Toutefois, c’est surtout à des physionomies de personnages officiels (prélats, magistraux, amiraux) que cette comparaison doit être rapportée. En effet, seul l’être idéal de la société, celui qui ordonne et prohibe avec autorité, s’exprime dans les compositions architecturales proprement dites. Ainsi les grands monuments s’élèvent comme des digues, opposant la logique de la majesté et de l’autorité à tous les éléments troubles : c’est sous la forme des cathédrales et des palais que l’Église ou l’État s’adressent et imposent silence aux multitudes. Il est évident, en effet, que les monuments inspirent la sagesse sociale et souvent même une véritable crainte. La prise de la Bastille est symbolique de cet état de choses : il est difficile d’expliquer ce mouvement de foule, autrement que par l’animosité du peuple contre les monuments qui sont ses véritables maîtres.
Aussi bien, chaque fois que la composition architecturale se retrouve ailleurs que dans les monuments, que ce soit dans la physionomie, le costume, la musique ou la peinture, peut-on inférer un goût prédominant de l’autorité humaine ou divine. Les grandes compositions de certains peintres expriment la volonté de contraindre l’esprit à un idéal officiel. La disparition de la construction académique en peinture est, au contraire, la voie ouverte à l’expression (par là même à l’exaltation) des processus psychologiques les plus incompatibles avec la stabilité sociale. C’est ce qui explique en grande partie les vives réactions provoquées depuis plus d’un demi-siècle par la transformation progressive de la peinture jusque-là caractérisée par une sorte de squelette architectural dissimulé.
Il est évident d’ailleurs que l’ordonnance mathématique imposée à la pierre n’est autre que l’achèvement d’une évolution des formes terrestres, dont le sens est donné, dans l’ordre biologique, par le passage de la forme simiesque à la forme humaine, celle-ci présentant déjà tous les éléments de l’architecture. Les hommes ne représentent apparemment dans le processus morphologique, qu’une étape intermédiaire entre les singes et les grands édifices. Les formes sont devenues de plus en plus statiques, de plus en plus dominantes. Aussi bien, l’ordre humain est-il dès l’origine solidaire de l’ordre architectural, qui n’en est que le développement. Que si l’on s’en prend à l’architecture, dont les productions monumentales sont actuellement les véritables maîtres sur toute la terre, groupant à leur ombre des multitudes serviles, imposant l’admiration et l’étonnement, l’ordre et la contrainte, on s’en prend en quelque sorte à l’homme. Toute une activité terrestre actuellement, et sans doute la plus brillante dans l’ordre intellectuel, tend d’ailleurs dans un tel sens, dénonçant l’insuffisance de la prédominance humaine : ainsi, pour étrange que cela puisse sembler quand il s’agit d’une créature aussi élégante que l’être humain, une voie s’ouvre - indiquée par les peintres - vers la monstruosité bestiale ; comme s’il n’était pas d’autre chance d’échapper à la chiourme architecturale.
Georges Bataille, « Architecture », Documents, numéro 2, mai 1929.
Extrait du dossier "Gentrification, Urbanisme et mixité sociale", publié dans Non Fides N°III (2009).
B I B L I O G R A P H I E
- Mike Davis, City of quartz - Los Angeles, capitale du futur, 1990.
- L’occupation du territoire par l’art et la gentrification
- La « mixité sociale » c’est la guerre aux pauvres
- Raoul Vaneigem, Contre l’urbanisme (Commentaires contre l’urbanisme suivi de Programme élémentaire du bureau d’urbanisme unitaire)
[1] Racine, notamment, du mot banlieue.
[2] Décharges, industrie polluante, zone de délinquance...
[3] Une nouvelle industrie, une liaison rapide avec les centres économiques, présence policière renforcée, un parc qui le rend agréable, des espaces culturels pour cadres...
[4] Sous des prétextes fallacieux comme l’insalubrité
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