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Evian 2003 : Il faut éliminer le G8 (mais pas seulement)
Récits, réflexions et communiqués
mis en ligne le 8 décembre 2003 - anonymes , Direct ! AIT , Zanzara athée
Contre-sommet du G8 à Evian : Du gaz dans l’eau minérale et de l’eau dans le vin rouge (et noir)...
(...)
Bref récit des évènements :
Les 1er, 2 et 3 juin a eu lieu à Evian un énième sommet du G8. La tenue de ce sommet a provoqué l’organisation d’un contre-sommet "altermondialiste". Comme d’hab, le dispositif policier et militaire déployé autour de cette réunion à huis clos des grandes puissances planétaires fut énorme. Des dizaines d’avions de combats, d’hélicos, de caméras, des dizaines de compagnies de CRS, des dizaines d’escadrons de gendarmerie mobile, des drones aériens de surveillance (et même un dirigeable équipé d’un œil perçant...), des RG à foison, des flics en civil, des policiers déguisés en journalistes et des journalistes au comportement policier... Une zone d’exclusion fut établie à 25 kilomètres tout autour d’Evian : toute manif y était interdite. Un véritable état de siège...
Le gouvernement autorisa les manifestations et concentrations sur la région d’Annemasse, petite ville située à une distance respectable d’Evian. De manière au minimum tacite, le mouvement altermondialiste officiel s’engagea à ne pas tenter de pénétrer massivement dans la zone d’exclusion légale. L’aéroport d’Annemasse et des champs attenant furent mis à la disposition des altermondialistes pour y installer leurs campements, forums et logistique. Les organisations anars nationales réunies au sein de la CLAAAC G8 (Convergence des Luttes Anti-Autoritaires et Anti-Capitalistes G8, à savoir Alternative Libertaire, le réseau NO PASARAN, La Fédération Anarchiste, l’Organisation Communiste Libertaire, La CNT-F pour ne citer que les françaises...) négocièrent apparemment avec les réformistes l’existence d’un espace autonome, propre au mouvement libertaire.
Pour accueillir les manifestantEs, 2 villages furent organisés : le Village Intergalactique (VIG) rassemblant la gauche de la gauche et le Village Alternatif Anticapitaliste et Anti-Guerre (VAAAG). Adossé au VAAAG, on trouvait aussi un petit campement féministe non-mixte ("Le point G") et un peu à l’écart du VIG, le petit campement du Mouvement Immigration Banlieues (MIB) et celui d’"étudiants en lutte" refusant de s’inscrire dans un village plutôt que dans l’autre.
Le VAAAG, où nous avons résidé, alimenté en eau et électricité, comportait 2 espaces, un réservé aux chapiteaux, concerts, débats, tables de presse et l’autre réservé plus spécifiquement au camping, aux "cantines" végétariennes qui assuraient la bouffe (il y avait même un four à pain monté sur remorque), buvettes... La partie camping était divisée en quartiers gérés par des AG journalières et matinales.
Le VAAAG a été complètement rempli durant le week-end du 31 mai au 1er juin. On y trouvait une majorité d’anars, des radicaux/radicales, des teuffeurs/euses, des curieux/euses...
Pour notre part, nous sommes arrivés au VAAAG le samedi. Nous ne parlerons donc pas de ce qui s’y est passé les jours précédents. Nous signalons juste au passage que le jeudi 29 une manif festive a eu lieu à Annemasse, des débats et forums de discussion sur plein de thèmes ont eu lieu également du jeudi au samedi.
Le samedi midi, une manif est partie du VAAAG en direction d’Annemasse pour perturber la tenue d’une conférence du PS, réunissant Hollande et Campdessus (un ancien ponte français du FMI), sur le thème d’une "autre mondialisation est possible". La provocation était double : récupération politicienne du thème de l’antimondialisation par un parti social-libéral et participation d’un ex-membre distingué du FMI. La manif a fini par mal tourner suite au gazage des manifestantEs par le Service d’Ordre musclé du PS. Les gens ont riposté en pétant les vitres de la salle de conférence. Les CRS sont alors intervenus et ont dégagé la foule, ce qui a donné lieu à quelques incidents. Le cortège a ensuite été refoulé jusqu’au camp par des tirs de lacrymos. L’action policière a été peu offensive, le gouvernement cherchant visiblement à ne pas mettre d’huile sur le feu en cette période d’agitation sociale.
En fin d’après-midi, s’est tenu une réunion ouverte d’information sur la grande manif prévue le lendemain. Le cartel d’organisation composant la CLAAAC G8 y a exposé sa conception de la manif à venir, une conception fort classique : manif "familiale et populaire", cortège organisé (embryon de SO, banderoles, animation sono, distribution de tracts... ).
Ces organisations ont clairement dit que le cortège ne devait pas servir "de porte-avions permettant le décollage et le repli d’actions violentes". La place du cortège libertaire fut négociée avec les réformards. Une partie de ceux-ci souhaitaient que toute personne masquée soit isolée voire maîtrisée et remise à la police en cas de comportement "violent".
Ce point litigieux (y compris pour une partie des réformistes) fut refusé par la CLAAAC qui décida d’accepter au sein du cortège des gens masqués... à condition qu’ils n’agissent pas.
La journée du dimanche débuta très tôt (4H du mat) par une opération de blocage d’un carrefour routier en bordure de la zone d’exclusion. L’objectif : empêcher le passage de traducteurs, membres des services diplomatiques et protocolaires... Le cortège fut finalement bloqué par les CRS, des barricades furent érigées et enflammées. La police tira des lacrymos et des grenades offensives pendant plusieurs heures pour tenter de disperser ce blocage.
Dans les villages, les cortèges s’ébranlèrent vers 10H en direction du centre d’Annemasse. Le cortège libertaire était assez important (2500-3000 personnes) et bruyant, hostile aux médias, plutôt joyeux. La manif, qui devait regrouper au moins 20 000 personnes (c’est difficile à évaluer), finit par rejoindre Genève et par faire sa jonction avec le grand cortège suisse. Quelques petits groupes autonomes sur le trajet taguaient les plaques de bois qui recouvraient les vitrines, détournaient ou dégradaient les panneaux publicitaires. Nous nous retrouvâmes, après un bref passage dans quelques avenues genevoises, des dizaines et des dizaines de milliers... sur une sorte de périphérique encaissé et déprimant. Une station service fut attaquée par quelques dizaines de radicaux/radicales qui la pillèrent ensuite dans la joie et la bonne humeur, ce qui provoqua un vent de panique parmi les organisateurs de la CLAAAC qui se dissocièrent au micro de cette action et firent presser le pas au cortège anar. Pendant ce temps là, une foule citoyenniste, outrée par tant de verre brisé et par la distribution gratuite de menues marchandises à l’origine payantes, huait depuis les ponts qui surplombaient le périph. Nous continuâmes notre périple sur ce putain de périph, repassâmes coté français par un poste frontière désert avant de revenir par l’autoroute vers Annemasse où nous fumes canaliséEs discrètement par la police qui nous interdisait ainsi le centre-ville. Gentiment, nous finîmes par regagner les villages.
Dès la fin d’après-midi, de nombreux/euses manifestantEs firent leurs bagages, pendant qu’arrivaient des nouvelles sur l’importante répression menée à Lausanne. En fin d’après-midi, une AG a lieu sur le tas, au milieu du VAAAG, sans sonorisation, difficilement audible, avec des traductions peu efficaces, sans ordre du jour. Y rode une sorte paranoïa. Des villages de Lausanne ayant été attaqués et gazés - après que des militantEs offensifs/ives s’y soient retranchéEs - beaucoup craignent qu’il en soit de même coté français. Plusieurs propositions émergent : monter en convoi manifester sur Genève (ou au minimum aux portes de l’Etat Suisse, au poste frontière le plus proche), organiser un pique-nique sur la place de la mairie d’Annemasse ou bien ne rien faire du tout par crainte de la répression.
Des informations arrivaient au compte goutte. Les très nombreuses personnes interpellées à Lausanne semblaient être relâchées progressivement tandis qu’à Genève, un squat était apparemment encerclé par la police.
Aucune décision formelle ne pu finalement être prise et l’AG se termina sur la proposition tonitruante de quelques individus de descendre sur la place de la mairie à Annemasse. Ce fut le dernier mot de l’AG et donc ce qui fut fait, faute de vote.
Un embryon de cortège se rassembla chaotiquement à la sortie du VAAAG. Rajoutant à la confusion ambiante, des membres de la CLAAAC interviennent sur le tas et sur le tard pour tenter de dissuader les manifestantEs d’aller en ville. Ils jouent sur la peur, la libération de la plupart des interpelléEs coté suisse. Les gens continuent à sortir du VAAAG et du VIG aussi et à s’amasser. Le cortège finit donc par s’ébranler dans une ambiance tendue. Tout le monde craint des incidents. Après un parcours tortueux et improvisé, marqué à un moment donné par un face à face nerveux avec les CRS, la manif finit par atteindre la place de la mairie. Elle en repartira au bout d’une bonne heure de pique-nique et d’AG foireuse initiée par des trotskistes en mal de récup.
Le lundi, il ne reste plus grand monde sur le VAAAG. Les organisations sont désormais absentes et la plupart de leurs militantEs ont quitté les lieux après la manifestation médiatique du dimanche. Un certain nombre de personnes décident de passer en Suisse, certainEs pour une manif sur la marchandisation de l’eau en face du siège de l’OMC, d’autres pour une manifestation non autorisée contre la répression. Cette seconde manif tourne mal. Le cortège est coincé sur un pont par des flics anti-émeutes suisses, mais aussi allemands et français (prêtés au gouvernement suisse qui en manquait). On demande aux gens de sortir au milieu d’une haie de flics en déclinant leur identité. Illes refusent. Gazages et arrosages par canons à eau (allemands prêtés à la Suisse). Les habitantEs gueulent. Des altermondialistes redescenduEs de différents villages suisses rejoignent les alentours. Rapidement, devant la répression manifeste et disproportionnée, des incidents éclatent. Les balles en plastiques fusent. Coté français, après une période de confusion nous finissons par apprendre que les manifestantEs bloquéEs à Genève sont autorisés à rejoindre une place où ils vont pouvoir se disperser sans harcèlement policier. Il s’agit alors de rapatrier les résidentEs du VAAAG et du VIG. Le convoi tarde à s’ébranler sous l’impulsion d’une équipe légale très frileuse, seule réelle structure à fonctionner encore sur le camp et cherchant à retarder les départs afin de les encadrer entre autres par peur que des habitantEs rejoignent les zones émeutières. Le convoi finit par rejoindre la place. Le départ se fait de manière précipitée suite à l’arrivée sur la place d’un nouveau cortège. La Legal Team craint des incidents et presse la manœuvre. Faute de place une dizaine de personnes demeurent sur les lieux. Interpellé sur la nécessité d’un second convoi, un des responsables de l’équipe légale hurle : "On y va. Tant pis. Y’aura pas de deuxième convoi".
Heureusement, un autre petit convoi arrive rapidement en provenance du VIG et emmène les derniers des mohicans... Nous repartons dans notre région le lendemain.
(...)
Anonyme
[Note de Zanzara athée : A la suite de ce texte se trouvent « Un bilan mitigé » qui revient avec un regard critique plus approfondi sur les quelques jours de l’existence du VAAAG (fonctionnement pratique du village, les assemblées générales et la "démocratie directe", les manifs et actions, le légalisme affiché de la CLAAAC G8, etc.) et « A propos de la passivité des manifestantEs » (sur les questions de l’expérience, de l’auto-organisation, de la peur de la répression, etc.). Ceci n’est donc que la première partie d’un texte anonyme, publié dans son intégralité dans le journal " Solidarité " n°13, de juin 2003 (journal du Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen, BP 257, 14013 Caen cedex, Fr. - s.ia at laposte.net). La version intégrale du texte est disponible en leur écrivant ou en contactant zanzara at squat.net.]
Le G8 vu de Lausanne - Des questions à propos de la violence
La "violence" a été, une fois encore, le principal centre d’intérêt des manifestations altermondialistes contre le G8. Non pas la violence que fabrique quotidiennement le système capitaliste, non pas les guerres, en Irak ou ailleurs, mais la violence de certains manifestants cagoulés qui s’en prennent aux vitrines des commerces, des banques, etc.
Pour Micheline Spoerri, la cheffe de la police genevoise, il s’agit d’une "nouvelle forme de criminalité urbaine". Un analyste militaire affirme que "le Black Bloc n’est rien d’autre qu’une bande armée temporaire, planifiant soigneusement des actions de type militaire" [1]. Toujours à propos des gens du Black Bloc "la vedette altermondialiste vaudoise" [2] déclare qu’"au lieu de permettre l’auto-émancipation, leurs pratiques autoritaires et militaristes sont aliénantes : elles légitiment (...) l’attitude ultra répressive des forces de police" [3]. Bref, face à un tel unanimisme, on pourrait se demander tout d’abord si ces personnes se sont donné le mot ; ensuite, si elles ont le sens de la mesure ; et enfin, si elles ne cherchent pas un bouc émissaire.
Car enfin, dans notre société, les déprédations, les altercations et les bagarres sont fréquentes. Tout le monde sait que la plupart des grands rassemblements sont accompagnés de casse ou d’affrontements. Cela arrive aussi lors de manifestations sportives... Durant les deux semaines qui ont suivi le G8, trois jeunes gens ont été tués à coups de couteau en Suisse romande. Quelqu’un a-t-il fait la moindre comparaison entre ces faits divers tragiques et la "violence" contre les biens en marge des manifs ?
Signalons en passant que la violence policière ne subit pas le même dénigrement que celle des "casseurs". Même si elle a été critiquée à l’occasion des manifestations contre le G8, il y a toujours des voix pour la justifier ou la féliciter. Après que Martin Shaw ait été grièvement blessé en faisant une chute de 20 mètres, parce qu’un policier a sectionné la corde à laquelle il était suspendu, on a vu le médecin chef des urgences banaliser la gravité de ses blessures et des journalistes ironiser autour de sa personnalité. Quant à la police genevoise, elle pu, sans trop faire de vagues, envahir l’Usine (un lieu alternatif) pour y réaliser des arrestations, ou frapper indistinctement des manifestants pacifiques et des passants, sans que cela ne fasse trop de vagues.
La violence comme enjeu
C’est donc avant tout la "violence" des "casseurs" qui provoque la réprobation, tant de la part des autorités que de la part des organisateurs des manifestations officielles contre le G8. Et cette violence justifierait celle de la police... Essayons de comprendre le pourquoi de cette convergence.
L’Etat voit dans la casse une atteinte à son pouvoir, une remise en question de son exclusivité quant à l’usage légitime de la violence. Lorsque les débordements sont incontrôlés, sa capacité à gérer les situations engendrées par les sommets internationaux est remise en question, avec tout ce que cela implique comme contre-publicité sur le plan international, comme vis-à-vis de certains électeurs.
Quant aux altermondialistes, ils rejettent avec véhémence la "violence" des "casseurs" parce qu’elle trouble et pollue leurs discours politiques. Ces discours souvent abstraits, éloignés de la réalité quotidienne de la majorité, intéressent beaucoup moins la presse et le public que les anecdotes sur les vitrines cassées, les incendies ou les bagarres avec les flics. C’est pour cela notamment qu’ils s’engagent de manière active, non pas à protéger leurs cortèges contre des provocateurs, comme ils le prétendent, mais pour encadrer et contrôler les "violents" susceptibles de les accompagner.
Le paradoxe, c’est que tout le monde pense que des violences auront lieu. Et en tout cas, on n’hésite pas à cultiver l’ambiguïté à ce propos. De la presse qui fait chauffer l’ambiance durant les mois qui précèdent les manifs, aux autorités qui mettent en place des dispositifs extravagants, en passant par les altermondialistes dont les diverses tendances font de la surenchère. Quand on a l’immense ambition de remettre en question les "maîtres du monde" et que l’on sait que les manifestations ne pourront que, dans le meilleur des cas, perturber leur réunion, on crée des frustrations. Il est logique que des personnes en révolte, que la société appauvrit et marginalise, ne soient pas patientes, ni vraiment motivées par les actions symboliques prévues au programme, et qu’elles imaginent spontanément ou non d’autres choses à faire. Donc, la "violence" faisait partie, dès le départ, des ingrédients prévisibles du voisinage du G8. C’est pourquoi il faut s’intéresser au traitement politique qui l’a accompagnée. Nous pensons que lors de ce genre de manifestations, les enjeux locaux prennent le pas sur le reste. Et que, conscients de la chose, plusieurs des acteurs en présence prennent leurs dispositions pour exploiter ce phénomène à leur avantage. Ayant été aux premières loges dans l’une des localités concernées, nous allons illustrer cette question avec un cas précis.
L’exemple lausannois
Reliée à Evian par de vénérables bateaux de plaisance, à 15 kilomètres à vol d’oiseau de l’autre côté du lac Léman, s’étale la bonne ville de Lausanne chef-lieu du canton de Vaud. L’annonce de la tenue du sommet du G8 ne pouvait laisser indifférentes les diverses forces de la gauche locale. Depuis des mois, cette affaire avait jeté au deuxième plan les autres questions politiques et sociales (expulsions de demandeurs d’asile et de sans papiers, licenciements massifs, projet du président suisse de retarder l’âge de la retraite de 65 à 67 ans... on en passe et des meilleurs).
Parmi les diverses péripéties, il y eut ce vote du Conseil communal (parlement municipal) demandant, ni plus, ni moins, l’annulation du G8 ! Un coup de pub pas cher et sans risque, pour la majorité rose-rouge-verte... Et qui n’empêchera pas, le moment venu, son plus haut magistrat, le syndic (maire) Daniel Brelaz des Verts, d’aller sabrer le champagne avec le prince hériter d’Arabie Saoudite et le président Lula... logés dans un cinq étoiles de la ville.
Mais n’allons pas trop vite en besogne. À côté d’ATTAC et des gauchistes habituels, nous avons dans notre bonne ville une gauche de la gauche assez curieuse qui n’allait pas manquer de faire parler d’elle. En janvier, prétendant voler la vedette à ses collègues genevois et annemassiens, le député ex-communiste [4] Josef Zisyadis, au nom des altermondialistes lausannois, qualifiait Lausanne de "candidate naturelle" pour les manifestations contre le G8, soulignant "l’image positive" que la ville pourrait en tirer. En écho, les manchettes des journaux titraient : 300 000 manifestants à Lausanne... [5]
Epargnons-nous quelques épisodes de ce feuilleton, pour en venir au coup de théâtre du 1er mai [voir plus loin le texte du Simili black bloc]. À la fin du cortège officiel, une "action symbolique" dégénère provoquant de la casse à la terrasse d’un grand hôtel. Il n’en faut pas plus pour que le député Zisyadis retourne sa veste, appelle à l’annulation des manifs lausannoises à l’exception des forums de discussion et de l’opération feu au lac (un feu de joie allumé le jour venu par les pompiers du cru). Raison invoquée : le comité d’organisation n’a pas les moyens d’assurer la sécurité et d’empêcher la violence. Si celle-ci se produit, cela justifierait a posteriori les millions dépensés pour assurer la sécurité des délégations du G8 logées à Lausanne et les toutes nouvelles tenues policières. Raison officieuse : c’est mauvais pour les élections nationales de cet automne, quiconque cherche à se faire élire doit viser l’ordre et la paix civile, et caresser dans le sens du poil ses alliés socialistes... Et si la manif lausannoise était un flop ? Autant se montrer à Genève.
Bref, à côté de quelques communistes restés fidèles au comité vaudois anti-G8 et de 3 ou 4 ex(?)-trotskistes, la responsabilité de l’organisation des manifestations locales allait revenir aux "libertaires" locaux, pour la plus grande joie des journaux qui nous ont servi, pendant des jours et des jours, de passionnants dossiers sur ces curieux oiseaux. Entre un article intitulé "Le fossé des générations anarchistes" insinuant que le leader ne tenait pas ses troupes [6] et l’interview déjà citée du bonhomme à propos du Black Bloc, chacun a pu étancher sa curiosité et se donner le petit frisson en prévision de la venue des sauvages à Lausanne.
Mais contre toute attente, les "libertaires" lausannois allaient réussir là où les altermondialistes genevois allaient échouer, c’est-à-dire à éviter la casse au centre ville. Après la première manif du jeudi 29 mai, la police cantonale se félicitait même de "la collaboration du service d’autoprotection [de la manif], appelé les "poulettes"(sic !), qui a permis d’éviter tout débordement" [7].
Débordements il y eut tout de même, le dimanche 1er juin aux aurores, mais lors d’une manif non prévue. Et aussi des arrestations massives (environ 400 personnes) dans un camping mis à disposition par les autorités politiques, sur une zone au bord de l’autoroute, bien délimitée et comme prévue à cet effet. Commentant en direct ces arrestations à la télévision locale, un responsable altermondialiste local déclarait : "nous avions négocié des frappes chirurgicales, mais là c’est un tapis de bombes" montrant jusqu’où allait la collaboration...
Tant de questions nous trottent dans la tête. Pourquoi certains ont-ils tellement tenu à jouer les gentils animateurs des manifs lausannoises, contrôlant tout ce qui pouvait l’être ? Ces manifs préparées, contrôlées, encadrées, malgré la démission des principaux leaders de la gauche locale furent une chance pour le gouvernement vaudois. Le chef de la police avait d’ailleurs annoncé qu’il parlerait aux interlocuteurs anti-G8 tant qu’il y en aurait et quels qu’ils soient. Il n’a pas eu à le regretter. L’organisation de manifestations de rue et autres activités à Lausanne n’a-t-elle pas favorisé une dispersion bienvenue des manifestants sur plusieurs sites ? Ce qui ne pouvait qu’être favorable à un contrôle accru (technique développée à l’occasion du World Economic Forum où les manifestants ont été bloqués dans plusieurs gares sur la route de Davos). En tout cas, les délégations officielles des pays du Tiers Monde installées dans la zone interdite (le port de plaisance) de la ville n’ont vu aucun manifestant.
Finalement, à Lausanne, les enjeux politiques étaient bien moins importants qu’à Genève (ville internationale, siège de l’OMC, de l’ONU, etc.) et on pouvait laisser se débrouiller le personnel politique subalterne.
Genève, la Suisse, la France et le reste...
Difficile de savoir aujourd’hui quel impact les événements du G8 auront sur l’avenir de Genève. Ce qui est sûr, c’est que les différentes forces politiques n’ont pas manqué de croiser le fer au lendemain des événements, s’accusant mutuellement d’avoir favorisé la casse ou d’avoir été incapable de l’empêcher. On a entendu des militants de gauche affirmer que la cheffe de la police avait fait exprès de dégarnir le centre ville de ses policiers, ne respectant pas les accords passés à ce propos, et réclamer sa démission. Et celle-ci accuser le tout nouveau ministre socialiste d’avoir saboté son travail en intervenant personnellement auprès des policiers en action. Bref, ce n’était plus le consensus propre en ordre à la suisse. À un moment donné, le gouvernement genevois a semblé vaciller. Et des règlements de comptes pourraient bien avoir lieu. Déjà certains des dirigeants du Forum social lémanique, qui ont le statut de fonctionnaire, sont menacés de sanctions. Le droit de manifester a momentanément été suspendu et il sera désormais soumis à autorisation obligatoire... D’une part, on s’agite dans la perspective des prochaines échéances électorales, de l’autre on profite du contexte pour renforcer et réorganiser les dispositifs répressifs.
Même schéma au niveau Suisse, où la question de la création d’une police fédérale est revenue sur le tapis alors que depuis plusieurs décennies, c’est un serpent de mer qui n’arrive pas à passer la rampe du fédéralisme. À ce niveau, il est évident que ce n’est pas le "black bloc" ou la "violence" qui, en tant que tels, produiraient la répression. Ce sont les promoteurs d’une société encore plus policière qui profitent des opportunités qui s’offrent à eux pour faire passer leurs projets.
Depuis longtemps, nous nous posons des questions sur le sens et l’efficacité des manifestations altermondialistes qui se reproduisent lors de sommets internationaux. Il est certes sympathique à nos yeux de contester les chefs des gouvernements qui prétendent décider de notre avenir. Mais cela pose des problèmes de priorité pour les personnes qui essaient de lutter là où elles vivent. Alors qu’un mouvement gréviste secouait depuis des semaines la France, il est difficile de ne pas considérer la grande manifestation du 1er juin à Genève et Annemasse et toutes les activités qui l’ont accompagnée autrement que comme un gaspillage d’énergie militante, énergie qui a pu manquer pour obtenir une victoire sur les questions de la réforme des retraites et de la précarisation au sein de l’éducation nationale.
Les radicalités qui s’expriment en vase clos dans les forums ou les villages alternatifs ne devraient-elles accorder la priorité à d’autres objectifs, comme celui de favoriser des structures permettant aux grévistes, par exemple, de dépasser les blocages récurrents des syndicats majoritaires qui finissent toujours par trahir les luttes.
Après les premières mobilisations contre le G8 et les autres sommets, les "maîtres du monde" avaient choisi de se réfugier dans des régions éloignées comme au Qatar ou dans les Rocheuses. En organisant un G8 à Evian, en plein centre de l’Europe, ne montrent-ils pas qu’ils ne font plus grand cas de ceux qui les contestent ? Ou mieux encore, qu’ils savent désormais bien gérer ces protestations et qu’ils se donnent les moyens répressifs de faire face à toute éventualité. Il se pourrait bien que de part et d’autre on soit entré dans une routine, une ritualisation de la contestation et de son contrôle, dont la "violence" des casseurs ne serait qu’un moment un peu plus exaltant que le reste.
Direct ! AIT, Lausanne, juin 2003
[Texte trouvé sur le site de Direct !]
Manifs anti-G8 à Lausanne : face aux mensonges médiatiques, des blacks & pinks témoignent et revendiquent
Ce communiqué a été réalisé par un-e participant-e au pink bloc et un-e participant-e au black bloc, blocs formés le dimanche 1er juin 2003 à Lausanne, dans le but de perturber le sommet du G8 et ses complices.
Attention ! Ce communiqué n’a valeur que de témoignage individuel et subjectif et ne devrait en aucun cas être pris comme une parole collective ou un communiqué du pink and silver bloc ou du black bloc. Il s’emploie notamment à dénoncer un certain nombre de mensonges hystériques des médias et des leaders de la gauche réformiste, ainsi qu’à expliquer les actions menées à Lausanne en les contextualisant et en redonnant les objectifs politiques. Il ne devrait être pris comme une relation exacte et objective des faits, mais s’efforce dans la mesure du possible de recouper et vérifier différents témoignages individuels.
Le contexte :
Lausanne était avec Genève et Anemasse un des trois points clefs de blocage et de perturbation du G8 : une partie des délégations de divers pays et personnels techniques y étaient logés. D’autre part, le parcours entre Genève et Evian par Annemasse devait être massivement bloqué par les manifs et il avait donc été décidé d’acheminer un grand nombre des délégué-e-s de Genève à Lausanne par la route jusqu’au port d’embarquement d’Ouchy, pointe sud de Lausanne, depuis lequel illes seraient ensuite acheminé-e-s en bateau jusqu’à Evian en traversant le lac Léman. Pour ce faire, l’autoroute entre Genève et Lausanne devait être fermée et n’être utilisée que pour des convois spéciaux et escortés de policiers. La zone sud d’Annemasse bordant Ouchy avait été déclarée zone rouge, barricadée et protégée. Les délégations pouvaient arriver de Genève, et de Lausanne à Ouchy par seulement quelques voies d’accès, en passant soit par l’ouest, soit par le centre, soit par l’est de la ville.
Suite aux initiatives des militant-e-s anti-G8 lausannois-es, deux camps avaient été mis en place. L’un, la bourdonette, installé par les autorités, l’autre, le "oulala c’village", un projet anticapitaliste et antipatriarcal squatté et autogéré sur les plages du lac, avec des structures médicales, Indymedia, un espace queer et de la musique. Des actions et manifestations avaient déjà eu lieu tout au long de la semaine précédant l’ouverture du sommet du G8 ainsi que des ateliers de simulation de manifestation, orientés autour des tactiques de blocages non-violents. Contrairement aux manifestations organisées par la gauche institutionelle à Lausanne et réduites à une contestation purement informative et symbolique du G8, les manifestations illégales de blocage prévues pour le matin s’étaient données en commun des objectifs concrets de perturbation maximale du G8 :
– bloquer ou retarder par des tactiques diverses l’arrivée des délégations et personnels techniques à Evian,
– obliger les délégué-e-s du G8 à faire face directement à la contestation,
– continuer le travail de sensibilisation et de dialogue avec la population.
Avec pour une partie des manifestant-e-s, un objectif secondaire :
– se réapproprier, détourner ou saboter des enseignes, bureaux, symboles, bâtiments, hôtels, commerces liés à l’organisation du G8 ou représentant les intérêts des Etats, banques et multinationales qui se cachent derrière le G8 et dévastent le monde et la vie de celles et ceux qui l’habitent. Ceci dans le but de créer une pression politique et économique directe et de déconstruire collectivement les structures de domination et de contrôle.
A Lausanne, il avait été décidé pour ce faire d’utiliser une diversité de tactiques de blocages et d’actions et d’avoir différents blocs répartis sur les différentes artères clés de la ville. Ces tactiques devaient être complémentaires, se coordonner au mieux et déjouer la répression en agissant en plusieurs points en même temps.
Il y avait notamment :
– un pink and silver bloc (bloc rose et argent) : cette tactique est née lors du sommet du FMI et de la Banque Mondiale à Prague [septembre 2000], où elle avait connu un grand succès et permis à une partie des manifestant-e-s d’arriver jusqu’au centre de congrès. Elle a été réutilisée dans un grand nombre de manifestations et actions directes depuis, et se base sur une résistance festive, rythmée et colorée. Elle vise à promouvoir le queer (dépassement des genres sociaux masculin et féminin et de l’oppression patriarcale) et le travestissement. Elle recherche et intègre une diversité de modes d’action au sein même du cortège, mais essaie souvent de détourner et de saboter avec humour et élégance les armes du système et ses modes d’oppression. Elle cherche à dépasser les fausses limites entre violence et non-violence. Elle se veut offensive, mais dans des rapports de force souvent inégalitaires, ne court pas systématiquement la confrontation directe et la montée en pression. Elle viserait plutôt à neutraliser les forces policières par des stratégies d’évitement et de mouvements constants. Le pink bloc se retrouve dans le slogan "si je ne peux pas danser, ce n’est pas ma révolution" et créé souvent à son passage une atmosphère conviviale et énergique aussi bien pour les manifestant-e-s que pour les passant-e-s. Le pink bloc n’a pas de leader ni de représentant-e-s mais se base sur un ensemble de groupes affinitaires : samba, créateur-euses de barricades, danseur-euses, détourneur-euses de mobilier urbain, équipe légale, médicale, équipe de médias indépendants. Ces groupes affinitaires étant des petits groupes de personnes qui se connaissent mutuellement, se font confiance et se donnent des objectifs particuliers d’actions et des techniques de protection du groupe face à la police. Ils avaient prévu au sein du cortège de communiquer et de se coordonner par divers moyens : signes, drapeaux, réunions de délégué-e-s des groupes affinitaires dits "spokes council", musique. Ces signes sont conventionnels à chaque manif et leur évolution est constante. Chaque groupe peut décider à n’importe quel moment de s’autonomiser du bloc.
– un black bloc (bloc noir), constitué de personnes masquées et habillées en noir pour empêcher l’identification et la répression policière. Il se base sur des tactiques offensives de blocage, barricades, enfoncement des cordons policiers et création de dommages économiques. Il recherche parfois pour parvenir à ces objectifs ou pour se défendre la confrontation avec la police, mais ne s’attaque en dehors de cela qu’aux biens matériels et pas aux personnes, ni à leurs maisons d’ailleurs. Comme le pink bloc, il est constitué de petits groupes affinitaires, autonomes et solidaires, sans "chef" ni "meneurs". Cette tactique s’est vue pratiquée traditionellement par une partie des groupes autonomes et antifas allemands, et s’est vue redynamisée par des groupes anarchistes lors du contre-sommet de Seattle [fin novembre-début décembre 1999] où elle a très fortement contribué, en parallèle aux blocages non-violents, à empêcher l’ouverture du sommet. On la retrouve depuis un peu partout en Europe.
– un bloc "critical mass" (masse critique), cortège cycliste, issu des manifestations pro-cyclistes, anti-pétrole et anti-voiture. Il permet de bloquer ou ralentir la circulation, en regroupant un grand nombre de personnes à vélo ou d’autres moyens de locomotion non-polluants et en prenant toute la largeur de la route. Lors des manifestations massives contre le centre financier de Londres, le 18 juin 1999, une critical mass avait activement paralysé la circulation.
– différents projets de blocages "non-violents" par petits groupes : escalades, enchaînement à des blocs de béton sur l’autoroute, sit-in, traversée du lac en radeaux auto-construits pour atteindre Evian...
L’organisation de ces actions et leur coordination se passaient notamment par des assemblées permettant à tout-e un-e chacun-e de s’intégrer et de s’impliquer dans la réflexion stratégique large. Au delà de cette structure globale décidée de manière ouverte et collective, nous étions bien sûr dans un cadre fortement écouté et surveillé par la police, et un certain nombre de groupes affinitaires devaient garder leurs objectifs concrets secrets afin de se donner une meilleure chance de réussite. A Lausanne semblait présider la volonté de casser les fausses frontières imposées par les médias et partis de gauche entre violence et non-violence, et d’obtenir une grande diversité d’actions dans un respect solidaire des choix de chacun-e. Par ailleurs, il s’agissait clairement de cortèges d’action directe, agissant indépendamment des grandes marches citoyennes.
Récit des événements :
Le dimanche 1er juin, jour de l’ouverture du sommet, à 6h30 du matin et donc avant l’arrivée des premières délégations, environ deux milles personnes se sont d’abord rejointes à l’ouest de la ville, près du camp de la bourdonnette, avec en tête de cortège, le pink bloc, puis le black bloc. Après un début de marche commune, les deux blocs se sont séparés au rond point d’une des arrivées de l’autoroute de Genève sur Lausanne. Le pink bloc (environ 1500 personnes) a alors continué sur la ville au son de la samba en longeant les zone jaunes et rouges, pendant que le black bloc (environ 500 personnes) bloquait ce rond point en faisant tomber un arbre sur la route à l’aide de tronçonneuses, en démontant des palissades en métal et barrières de sécurité de l’autoroute et en enflammant des barricades.
Le pink bloc s’était donné comme objectif complémentaire de bloquer les artères est de la ville menant à l’embarcadère d’Ouchy. Le long de la zone rouge, les forces de police étaient encore assez peu nombreuses et semblaient prises au dépourvu et désorientées par cette offensive matinale et décentralisée. Si bien que de manière presque inespérée, il nous fut facile de rejoindre et de bloquer une des principales voies d’accès à Ouchy, ou quelques minutes encore auparavant, passaient des délégations. Le blocage dura un moment et comme à chaque artère le long de notre route, des barricades furent érigées par des manifestant-e-s.
Répondant aux tentatives de passage à travers un cordon défendant la zone jaune, la police envoya de premiers jets d’eau. Apprenant que le black bloc était repoussé en direction du pink bloc par la police et souhaitant garder une certaine autonomie entre les deux groupes, le cortège se remit en mouvement pour laisser éventuellement ce carrefour aux prochains. Le but était alors d’atteindre la dernière grande artère d’arrivée possible pour les délégations du G8, à l’est de la ville.
A divers moments dans le pink bloc, de rapides réunions de porte-paroles des groupes affinitaires pouvaient être provoquées par n’importe quel groupe et permettaient de prendre des décisions rapides et collectives sur la marche à suivre.
Sur le parcours, des signes amicaux étaient faits aux personnes pendues à leur balcon à cette heure matinale et restées à Lausanne malgré la psychose orchestrée par les médias. Des tracts réalisés et distribués auparavant à Lausanne s’étaient attachés à dénoncer les mythes sur la violence des manifestant-e-s et à expliquer que les éventuelles destructions étaient ciblées sur des structures capitalistes et politiques et ne visaient ni elles et eux, ni leurs maisons.
Toujours aussi peu nombreuses, les forces de police, qui se confrontaient plus en arrière avec le black bloc, commencèrent plusieurs fois à former des débuts de cordons pour bloquer le passage du pink bloc, mais reculèrent finalement à chaque fois à l’arrivée du cortège. Pendant ce temps, la critical mass semblait bloquer avec succès d’autres voies de circulation. D’autre part, bien en amont sur l’autoroute, un groupe d’une trentaine de personnes s’étaient enchaînées tandis qu’un autre bloquait un pont avec deux personnes ayant passé une corde sur le pont et s’étant pendues en rappel de l’un et l’autre coté de la route. Une technique utilisée déjà plusieurs fois avec succès en Angleterre et qui peut exiger quelques heures de la police pour dégager la voie sans tuer les grimpeur-euses.
Finalement, le pink bloc atteignit le croisement avec l’autoroute est où cette fois un dispositif policier beaucoup plus important entravait le passage avec des canons à eau, camions militaires, fusils à gaz lacrymogènes et à balles en caoutchouc pointés. La samba continua à jouer face à la police. Mais la tension finit par monter et la police a généreusement aspergé le cortège de grenades lacrymogènes. Divers chemins de retraite furent alors pris à travers bois et le long d’une rivière par certains groupes. Au final, tout le monde se retrouva pour un nouveau blocage de carrefour un peu plus haut, alors qu’une partie du black bloc était pris en sandwich par deux cordons de policiers qui se rapprochaient et gazaient au fur et à mesure. Il fut alors décidé d’aller leur porter secours. Au final, les deux blocs finirent par se retrouver.
Le black bloc, après avoir barricadé le premier rond point, avait décidé de bouger. Sur son parcours, un magasin Adidas, un concessionnaire Alfa Romeo, deux stations Shell et une station BP furent cassés. Certaines stations essence contenant de l’alimentation furent pillées, ainsi qu’un Migros (chaîne de supermarchés suisse). A chaque fois, les produits et aliments furent redistribués à la population aux balcons et entre les manifestant-e-s, ou utilisés comme projectiles quand le contexte s’y prêtait. Les vitrines d’une boucherie furent aussi cassées et des inscriptions "go vegan" ("devenez végétalien-ne") et "meat is murder" ("la viande est un meurtre") peintes. Une roulotte de chantier fut poussée et retournée en travers de la route pour barrer une voie d’accès. Les panneaux publicitaires et caméras de vidéosurveillance furent détruits ou utilisés pour faire des barricades. De nombreux slogans politiques furent peints sur les murs. L’hôtel de luxe "Royal Savoie" où étaient logées des délégations fut attaqué avec des fusées de détresse et des cailloux. Des robocops finirent par arriver sur les lieux et jeter des lacrymos et reçurent quelques pavés en retour. Une voiture diplomatique fut cassée. Plusieurs chantiers furent pillés, du matériel récupéré tout le long du parcours et poussé dans de grands containers, une rue dépavée au pied de biche et les pavés disposés dans les containers et caddies. Une barricade enflammée géante à base de palissades de chantier fut érigée et gardée pendant un bon moment au carrefour d’accès à Ouchy. Au moins une personne se hissa en haut d’un trépied de plusieurs mètres érigé par les manifestant-e-s et destiné à bloquer la circulation. Il est à noter que tout au long de la manifestation, ce bloc ne chercha pratiquement pas la confrontation directe avec la police, ni même à répondre aux charges et jets de lacrymos, mais resta beaucoup plus dans une logique de mouvement. Le black bloc finit par être pris en sandwich sur une route, mais parvint à s’échapper par des chemins de traverse et à rejoindre le pink bloc qui tentait de le secourir.
A ce moment-là, des communications avec les blocages de Genève et Annemasse semblèrent confirmer que le sommet et l’arrivée de plusieurs délégations, dont la délégation américaine et des groupes de traducteur-euses avaient été rétardés. Il était alors environ dix heures trente, nous avions réussi à longer toute la zone d’accès à Ouchy et l’enthousiasme général était à son comble.
Il est évidemment difficile de mesurer l’impact réel des blocages dans un contexte chaotique où les autorités s’étaient fait un point d’honneur à ne pas avouer une certaine impuissance et à ne laisser filtrer aucune perturbation. Néanmoins, il semble très vraisemblable qu’à Lausanne, l’impossibilité de sécuriser la zone d’accès à Ouchy, les différents types de blocages, barricades et les mouvements constants des blocs rendirent pendant quelques heures très difficile le passage des délégations. Ceci semble avoir été confirmé par les personnes branchées sur les ondes radios de la police.
Au final, avec une coordination sur trois villes et d’autres blocages réussis à Genève et Annemasse, ces actions furent un beau pied de nez à un dispositif de sécurité policière que les organisateurs du G8 et l’Etat suisse voulaient infaillibles - même si les médias préférèrent évidemment ne pas en parler et focaliser l’attention publique ailleurs en racontant n’importe quoi sur les soit-disant "casseurs".
Dès lors, à Lausanne, la police s’employa constamment à repousser à l’extérieur de la ville le pink et le black bloc en gazant systématiquement et en bloquant les autres artères. Le dispositif policier reconduisant le cortège était alors impressionnant avec un grand nombre de camions et canons à eau, des policiers anti-émeutes allemands venus en renfort, et des troupes des divers cantons suisses. Le nombre de policiers était plus important que le nombre de manifestant-e-s. Une dernière tentative de se lancer sur l’autoroute fut faite mais repoussée. Il était alors aussi beaucoup plus difficile de se concerter et de prendre des décisions en grand cortège. Au fur et à mesure, des groupes s’étaient dispersés ou esquivés à divers points, mais une partie du cortège finit par parvenir au campement de la bourdonette qui fut peu à peu encerclé par les forces de police. Face à cette menace, les 400 personnes présentes se réunirent en cercle, s’assirent et décidèrent qu’au vu du rapport de force, ils et elles ne pouvaient plus faire grand chose à part résister solidairement et sans provoquer de déchaînement de violence de la part de la police. Entouré-e-s par un cordon policier dans un espace restreint, le chef local de la police essaya de diviser les manifestant-e-s en demandant des responsables, puis en disant que soit les gens acceptaient de venir un par un donner leurs papiers, soit ils venaient tous nous arrêter. Tout ceci lui fut énergiquement refusé par la foule qui essaya de gagner du temps en traduisant tout en 4 langues, en posant un tas de questions bidons et en demandant l’arrivée d’observateurs neutres. Au final, plein de journalistes officiels et indépendants arrivèrent, ainsi que des observateurs agréés et l’équipe légale. Les flics ne pouvaient plus faire n’importe quoi et étaient observés et photographiés sous tous les angles. Au bout d’une heure en plein soleil, les arrestations progressives commencèrent et durèrent environ cinq heures. Tout le monde se tenait, huait la police, lui crachait au visage et de nombreuses personnes s’accrochèrent, se firent traîner et résistèrent au mieux si bien que le rythme des arrestations était extrêmement lent et fastidieux. Pendant ce temps, la police avait interdit la manif officielle qui devait se dérouler l’après-midi, mais les gens se réunirent malgré tout au centre-ville. Et une foule de plusieurs milliers de personnes décida de braver l’arrestation vers 16h.
Au bout de cinq heures interminables, l’extraordinaire bonne humeur, solidarité et détermination des personnes encerclées à la bourdonette finit par payer et la police empêtrée dans des problèmes logistiques, et après avoir réussi néanmoins à embarquer une centaine de personnes, abandonna et se retira — sous les cris de joie des restant-e-s. Il semblerait d’une part que la police n’ait pas le droit de détenir plus d’un certain nombre d’heures des personnes sans pouvoir contrôler leurs papiers, et d’autre part que l’arrivée du cortège du centre-ville à la bourdonette ait hâté leur départ.
Vers minuit, la grosse majorité des interpellé-e-s étaient relâché-e-s sans suite, à l’exception d’une dizaine de personnes. D’autre part, l’intervention policière sur le pont d’autoroute bloqué par les deux personnes en rappel faillit se solder par deux meurtres puisque malgré les avertissements des autres militant-e-s présent-e-s sur le pont, un policier vint couper la corde et provoquer la chute de vingt mètres d’une des personnes suspendues, tandis que le brin de corde de l’autre était retenu de justesse. Par un coup de chance miraculeux, il semblerait que ce militant n’ait que deux jambes et des vertèbres cassées et ne souffre pas de paralysie.
Dès le lendemain, les médias et politicien-ne-s déversèrent leurs habituels mensonges et s’employèrent à créer des mythes sur ces manifestations et les "casseurs". Mythes qu’il s’agit encore une fois de démonter :
– dans des manifestations comme celle de Lausanne, les soit-disant "casseurs" n’étaient pas des gens infiltré-e-s dans la manif cherchant à la détourner de ses buts initiaux, mais un cortège autonome menant ses propres actions en les coordonnant au mieux avec les autres blocages.
– comme à Prague lors des manifestations contre le sommet du FMI et de la Banque Mondiale, la stratégie adoptée visait à autonomiser les blocs afin que chacun puisse explorer au maximum l’impact de ses tactiques sans gêner ou contrecarrer les autres.
– les black blocs et les pink blocs sont principalement issus de mouvements anarchistes ou autonomes, autogestionnaires et anticapitalistes. Il peut arriver, comme dans n’importe quelle manif, que des policiers tentent de s’introduire dans le black bloc ou de se camoufler en black blocs, mais les actions qu’ils réalisent sont alors clairement des pièges, des provocations ou de la casse sans objectifs qu’il est possible de déjouer avec un peu de discernement. Comme n’importe quel cortège, le black bloc peut être rejoint par des personnes moins réfléchies que d’autres dans leurs objectifs et leurs pratiques, ou se livrant à des actes dangereux ou stupides. Cette réflexion ne peut s’acquérir qu’au moyen de débats et pratiques collectives renouvelées, pas par la diabolisation de certaines tactiques et franges du mouvement.
– la participation à un bloc pink ou black, le blocage d’un sommet ou la création de dommages économiques ne sont que des actes militants bien particuliers dans la vie de personnes souvent aussi impliquées constamment dans des projets locaux visant à la réappropriation et à l’autonomie culturelle, alimentaire, médiatique ou énergétique à travers des collectifs, des campagnes d’actions ou des espaces de vie ou d’activités autogérés. Leur stratégie n’est en aucun cas seulement confrontationnelle mais passe en bonne partie par des débats et diffusions d’idées sur des luttes extrêmement variées mais reliées. Ces luttes peuvent concerner aussi bien le patriarcat, la liberté de circulation et les luttes aux côtés des sans-papiers, que l’écologie radicale, l’antispécisme, la solidarité nord/sud, la propriété intellectuelle, l’usage de logiciels libres, la création de médias indépendants et de maisons d’édition, les alternatives à la psychiatrie, à l’éducation autoritaire ou l’agriculture industrielle... Il s’agit, pour beaucoup, de personnes qui s’emploient généralement à déjouer les rapports de domination et la violence du système au quotidien.
– ces personnes se coordonnent et échangent par des moyens multiples, mais évidemment moins visibles que les grandes organisations réformistes. Cette discrétion tient pour partie au refus de se doter de leaders, de héros ou de martyrs, à la volonté de privilégier des modes d’organisation égalitaires et l’autonomie d’individus et de collectivités réduites, plutôt que de viser des mouvements de masse et de moutons menés par des élites. Cette discrétion tient aussi à la répression de l’Etat qui menace constamment l’existence de ces groupes, ainsi qu’à la méfiance vis-à-vis des médias traditionnels qui de toutes façons les censurent. A part s’ils peuvent espérer hausser leurs chiffres d’affaires à coup de vitrines cassées et en parodiant leur existence et leur discours...
– s’attaquer aux biens privés n’est en aucun cas de la violence gratuite mais une tactique politique réfléchie. Ne pas se laisser faire par la police et répondre à ses attaques l’est aussi. Le black bloc ne s’attaque pas aux personnes.
– quand bien même on juge qu’ériger une barricade, détruire un objet ou un bâtiment est violent, cette violence n’est en rien comparable avec les violences qui se cachent derrière ces objets et bâtiments : la violence inouïe imposée chaque jour à des milliards de femmes, d’hommes ou d’animaux sur la planète par les institutions financières, étatiques et les entreprises capitalistes. Cette violence est par ailleurs dérisoire face à la violence exercée par la police sur les manifestant-e-s ("pacifistes" ou non) et quotidiennement sur certaines franges de la population.
– cette condamnation de la "violence" des casseur-euses est généralement propagée et entretenue, par des personnes privilégiées ayant accès à un niveau de consommation totalement dépendant de l’exploitation du reste du monde. Un niveau de consommation qu’elles ne sont absolument pas prêtes à remettre en cause, encore moins à voir quoi que ce soit venir perturber leur quotidien.
– nous avons aussi toutes et tous à divers niveaux intégré cette domination : la paranoïa sécuritaire, l’addiction à la consommation, l’aliénation par le travail, les structures hiérarchiques et diverses formes d’oppression raciste, sexiste ou homophobe. Nous nous voyons bien souvent incapables de remettre en cause réellement cet ordre coercitif et fondamentalement inégalitaire que l’on nous présente comme une démocratie. Même la gauche alter-mondialiste ou plutôt ses représentant-e-s auto-proclamé-e-s fait mine de croire que de grands spectacles inoffensifs et récupérés par le pouvoir feront autre chose que de le renforcer.
– même si le changement social passe sans nul doute en grande partie par des prises de conscience, des débats, des constructions d’alternatives à l’Etat et au capitalisme, il passe aussi par l’entretien d’un rapport de force constant : grèves, occupations, réappropriations, sabotages et créations de structures autonomes. Pas en laissant croire que ceux qui dominent le monde sont à l’écoute et vont renoncer au pouvoir et à leurs privilèges simplement parce qu’on les implore de le faire.
Face aux discours citoyennistes d’Attac, des trotskistes et de toute la gauche institutionnelle qui s’est depuis quelques années largement emparée de la dynamique des contre-sommets et l’a déjà fortement neutralisée, il est temps de rétablir quelques vérités :
– c’est bel et bien parce que des gens ont mené des actions offensives et entraîné d’importants dommages financiers et politiques que des sommets ont été bloqués, fuient et se barricadent, ou que plus une ville ne veut les accueillir, et non pas grâce à de grands étalages d’organisations politiques, à une débauche de marches pacifistes et de conférences de presse. Même si le travail d’information est encore une fois extrêmement important et complémentaire des autres actions réalisées...
– ces actions, des blocages de toutes sortes aux destructions ciblées, ont pendant quelques années déjoué les dispositifs policiers, ont été créatives et efficaces. C’est pour ces raisons qu’elles ont pu mobiliser les pratiques et l’imaginaire de centaines de milliers de personnes et qu’elles ont pu s’imposer comme une force politique majeure, comme un mouvement. Ce mouvement s’est créé sur des bases égalitaires et horizontales. C’est cette énergie et ces personnes que la gauche citoyenniste s’emploie maintenant à neutraliser et encarter dans des partis et autres structures hiérarchiques garantes de la paix sociale.
– Attac, trotskistes et consorts semblent conscients jusqu’à un certain point de leur absence totale de subversion et de créativité et sont même allés, à l’occasion de ce sommet d’Evian, jusqu’à s’arroger la pratique de camps d’actions issus de mouvements radicaux comme le No Border. Elles ont ainsi affiché hypocritement une autogestion à l’opposé de leurs pratiques d’organisation. On peut toujours espérer que les milliers de personnes ayant, par exemple, participé au village intergalactique, ne se soient pas laissées trop prendre à cette récupération et que de réelles pratiques d’autogestion demeurent et finissent par dépasser les leaders.
– il est par ailleurs heureux, malgré toute cette propagande, qu’une partie de la population garde une envie réelle de changer radicalement ce système. Malgré l’hystérie médiatique, tout le monde n’est pas aussi effrayé que les médias veulent bien le faire croire par les soi-disant "casseurs" et à Genève ces jours derniers, les émeutes furent soutenues et rejointes par une partie de la population locale et des badauds. Mais le fait que ces actions puissent être réfléchies, efficaces et soutenues par une partie des manifestant-e-s est proprement inacceptable pour les pouvoirs en place. Il leur est alors nécessaire de faire croire à un gentil mouvement inoffensif pris en otage par quelques casseurs, de créer des mythes de complots cachés, d’infiltrations néo-nazies, de manipulation policière ou des stéréotypes de jeunes gens immatures et manipulés par une poignées d’extrémistes cyniques. Il leur faut coûte que coûte chercher à entretenir une division entre "militant-e-s alter-mondialistes bon enfant" et "jeunes et méchants casseurs". En dépit de quoi, bon nombre de personnes s’apercevraient peut-être qu’il est possible de s’épanouir et de s’amuser en changeant ce système concrètement, de plein de manières différentes, sans se laisser manipuler et diriger par les partis et syndicats.
En guise de conclusion provisoire, beaucoup de gens semblaient tirer un bilan positif de la variété, de la maturité et de l’impact des actions menées à Lausanne. Reste à tirer un bilan à plus long terme de la gestion collective de la répression, de ce que retiendra la population locale de ces manifestations et des éventuels retours négatifs sur les militant-e-s locaux-locales. On peut aussi tirer un bilan plutôt enthousiasmant des pratiques d’autogestion et de rencontres popularisées par les divers campements de Lausanne et d’Annemasse. On ne peut s’empêcher néanmoins de soulever des doutes sur le fait de continuer à mener systématiquement ces actions dans le cadre de "contre-sommets" tel que celui du G8. Leur potentiel de surprise, de perturbation, leur faculté à promouvoir de nouvelles idées politiques et un discours radical est le plus souvent menacée. Les dispositifs policiers sont par ailleurs de plus en plus habitués et violents. C’est en ce sens qu’il est primordial de continuer à inventer d’autres formes de convergences, d’actions et d’autogestion, localement et au quotidien. C’est en ce sens aussi qu’il nous faut apprendre à communiquer et expliquer beaucoup plus chacune de nos actions.
Solidarité avec tou-te-s les inculpé-e-s du G8 ! N’oublions pas le travail anti-répression, il doit être maintenant l’affaire de tou-te-s celles et ceux qui étaient présent-e-s à ces manifestations. A bas toutes les prisons ! Ne croyons pas la presse bourgeoise, vivons et diffusons nous-même nos expériences et nos idées ! N’oublions pas de nous amuser et de ne pas trop nous prendre au sérieux !
Le 02 juin 2003
Un-e participant-e au pink bloc, ainsi qu’un-e participant-e au black bloc antiG8 de Lausanne (blacketpink at no-log.org)
[Texte trouvé sur http://www.ainfos.ca/fr/ainfos03822.html.]
Houmos attack !
Samedi 30 mai, lors du concert de Manu Chao organisé à l’occasion des mobilisations anti-G8, un groupe d’individuEs a balancé quelques projectiles de nourriture avariée sur scène.
Voici le communiqué qu’illes ont rédigé :
Les autres mondialistes manifestent le dimanche 1er juin. L’ensemble de la manifestation est sécurisé en accord avec les flics pour éviter toute action "terroriste" de "casseurs".
Ce soir, nous avons voulu CASSER l’ambiance en jetant des pavés de pâté végétal aux lentilles et pois chiches bio et avariés. Ainsi, nous avons voulu montrer notre dégoût face à la politique de dénonciation menée par ces autres mondialistes envers les personnes masquées en manifestation, rendant visible leur complicité avec la politique répressive mise en place.
Pourtant, des questions restent...
Est-il nécessaire qu’un service d’ordre intervienne aussi quand il y a des casseurs... d’ambiance ?
Le service d’ordre doit-il être relayé par les flics lorsqu’il y a des débordements des casseurs d’ambiance ?
Est-il nécessaire de négocier l’autogestion des manifestations avec les flics ?
Est-il nécessaire de gâcher ainsi de la nourriture bio avariée ?
La nourriture bio peut-elle détruire le mouvement bio ?
Est-il nécessaire de faire tant de kilomètres pour balancer des pavés végétaux bio ?
Est-il nécessaire de poser toutes ces questions ?
Ne devrions nous pas privilégier l’action directe, spontanée et irréfléchie ?
Nous avons choisi, nous avons agi, nous n’avons pas réfléchi.
Houmos Bloc
[Texte trouvé sur http://www.ainfos.ca/fr/ainfos03806.html.]
Communiqué de presse du simili black bloc à propos
des événements du 1er mai 2003 à Lausanne
Deux vitrines cassées et tout s’écroule ?
Jeudi 1er mai, jour symbolique de la lutte des travailleurs/euses contre l’exploitation, une Street Party s’est greffée sur le traditionnel cortège syndical pour dire non au G8.
Ayant dans l’idée de tourner en dérision l’hystérie sécuritaire sur le fameux “bloc noir”, nous avons décidé de nous déguiser en simili-black bloc et de parader à travers la ville à l’occasion du défilé du premier mai. Parmi nous, certaines personnes se sont déguisées en noir avec des autocollants “je suis très très méchante”, “violent”, “casseur” en parodiant l’image véhiculée par les médias. Tout au long du trajet de la manifestation nous nous sommes symboliquement attaqué-e-s à différentes cibles représentant le capitalisme par des actions théâtrales. A l’approche du Palace, nous avons dégainé nos pavés de mousse et les avons “violemment” projeté sur la façade de cet établissement. Alors que notre action se voulait ironique, d’autre personnes l’ont menée de manière sérieuse. Nous interprétons cette violence comme une réponse à celles que nous subissons tous et toutes à cause des politiques menées par les Etats et discutées lors des sommets tel que le G8.
Les réactions aux événements de jeudi passé soulèvent cependant quelques questions :
Que penser de l’écho médiatique disproportionné qui a suivi cet “événement”, ne mettant l’accent que sur la casse ? A part deux vitrines, la presse n’a pu illustrer “l’ultra-violence des vandales” que par un pot de fleurs cassé et quelques chaises renversées. Dans d’autres villes, cela aurait à peine donné lieu à un entrefilet. A qui profite cet écho ? Aux médias pour faire du sensationnalisme ? A la police pour justifier leur nouvel équipement ? Ou à la gauche institutionnelle pour se désolidariser des manifestations ?
Que penser du POP pour qui deux vitrines cassées semblent remettre en question leur opposition aux politiques meurtrières du G8 ? En quoi Josef Zysiadis est-il habilité à décider pour des dizaines de milliers de manifestant-e-s s’il y aura des manifs à Lausanne ou pas ? S’il ne veut plus y participer, qu’il se retire et arrête ses jérémiades !
Pourquoi vouloir faire porter le chapeau de tout ce qui peut se passer dans les manifs à quelques organisateurs/trices désigné-e-s ou autoproclamé-e-s ? Pourquoi serait-ce aux manifestant-e-s de gérer ce qui n’est que le résultat des politiques du G8 ? Contrairement à ce que souhaitent les autorités, il n’y a pas de raison selon nous pour que les opposant-e-s qui se réclament du pacifisme se muent en collabos de la répression.
Un peu de mobilier endommagé est-il plus grave aux yeux de certain-e-s que les milliers de civils tués par la croisade guerrière de Bush, Blair, Berlusconi et consorts, ou que les tonnes d’uranium appauvri utilisé dans les bombes et qui vont polluer durablement l’Afghanistan et l’Irak ? Que les politiques qui réduisent une grande partie de la planète à la famine ? Que les licenciements massifs liés à la spéculation des multinationales ? Que l’esclavagisme des travailleurs-euses migrant-e-s avec ou sans papiers ?
Toutes et tous contre le G8 !
Pas de sommet pour les tyrans !
Le Simili black bloc (simili at no-log.org)
[Texte trouvé sur http://www.ainfos.ca/fr/ainfos03711.html.]
[1] Ludovic Monnerat, dans Le Temps du 12 juin 2003.
[2] Titre octroyé à Aristides Pedraza par Le Monde du 31 mai 2003.
[3] 24 heures du 27 mars 2003.
[4] Ce monsieur rejette désormais cette épithète, mais il est toujours membre du parti ouvrier et populaire (POP) qui, depuis 1945, est l’héritier du parti communiste suisse interdit lors de la 2e guerre mondiale.
[5] Au final, les 2 principales manifestations lausannoises (jeudi et dimanche après-midi) ont rassemblé environ 6000 personnes à chaque fois.
[6] Le Temps 9 mai 2003.
[7] 24 heures du 31 mai 2003.
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