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Heureux·se comme un·e dauphin·e captif·ve

mis en ligne le 14 janvier 2020 - anonymes , dauphins libres

Naître au delphinarium !

L’arrivée d’un bébé est un argument de vente majeur pour l’industrie de la captivité. Ici, à Bruges, un panneau continue à annoncer les jumeaux de Roxanne alors qu’ils sont déjà morts tous les deux.

La reproduction en bassin : une pratique inutile et cruelle

L’IUCN a reconnu la nécessité d’établir des populations captives qui puissent se renouveler sans besoin d’apports extérieurs, « afin d’éviter la perte de nombreuses espèces, particulièrement celles à haut risque occupant des habitats très réduits, fragmentés et dégradés » (Mallinson, 2001).

Cependant, de nombreux delphinariums à travers le monde compensent toujours les pertes subies sur leurs stocks captifs par des animaux prélevés en milieu naturel et aucun n’a relâché d’individus nés en captivité dans la nature pour favoriser la reconstitution des populations sauvages en danger ou menacées.

Il n’existe aucun inventaire centralisé des cétacés captifs en UE, ni de registre de leur taux de survie et de reproduction en captivité.

En l’absence d’un dispositif global de notification des données sur les gestations, la mortinatalité et la mortalité néonatale des cétacés captifs, ou même sur le déplacement des individus entre les établissements, il est difficile d’évaluer l’étendue et le succès réels de la reproduction des cétacés en captivité.

Par ailleurs, la mortalité infantile chez les grands dauphins captifs, l’espèce la plus commune en captivité, est plus élevée qu’en milieu naturel. (Woodley et al., 1997).

Les grands dauphins captifs ont des taux de mortalité plus élevés que leurs homologues sauvages (Duffield and Wells, 1991) et les taux de survie annuels des grands dauphins sauvages, jeunes comme adultes, sont plus élevés que ceux relevés chez les spécimens captifs (Small et DeMaster, 1995a). Comparés aux grands dauphins, les taux de mortalité des orques captives, par rapport à leurs homologues sauvages, sont encore plus élevés (Small et DeMaster, 1995a).

Il est impossible d’obtenir des informations sur la reproduction du grand dauphin en captivité auprès du Programme sur les espèces menacées de l’EAZA, qui s’emploie à coordonner l’élevage de nombreuses espèces détenues dans les zoos de l’UE.
Ces données ne sont pas publiées par l’organisation.

En revanche, le rapport annuel de l’EAZA indique en 2004 que « la mortalité néonatale est un problème majeur, qui ne permet pas, jusqu’à présent, de maintenir les effectifs de la population ex situ totale de grands dauphins à des niveaux stables sans apports extérieurs. Malgré des investigations pathologiques poussées, le problème n’a pas pu être résolu » (Van Lint et al., 2006).

Une révision de 1998 de l’European bottlenose dolphin studbook [Registre européen d’élevage du grand dauphin] a révélé un autre problème d’importance :
« Le nombre de dauphins fondateurs, en particulier de mâles, pourrait constituer un facteur critique à la croissance de la population européenne dans le futur » (Hartmann, 2000).

Face aux échecs de reproduction en captivité et à la mort prématurée de leurs cétacés, de nombreux delphinariums à travers le monde se tournent toujours vers l’acquisition d’animaux issus de populations sauvages. Si le nombre de delphinariums en Union européenne reste stable ou augmente, les importations de nouveaux dauphins prélevés à l’état sauvage pourraient s’avérer nécessaires, en dépit de l’interdiction sur l’importation de cétacés dans l’UE à des fins principalement commerciales, imposée par le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce. [1]

Même en Europe, les « fondateurs » capturés restent indispensables, car ils semblent être les seuls à être capables de se reproduire, y compris avec un né captif. Les enfants de la deuxième génération sont rares et très fragiles.

La sexualite des dauphins captifs

* Ce chapitre a été l’un des plus modifiés en raison d’analyses qui nous semblaient sexistes ou hétéronormées (alors que les dauphins ont des pratiques bisexuelles) *

L’un des arguments favoris des delphinariums est que leurs dauphins se reproduisent parce qu’ils sont heureux.

Si chaque naissance est saluée à grand bruit médiatique, et que chaque décès précoce fait l’objet d’un silence embarrassé, il n’en demeure pas moins que cette assertion revient de façon réitérante dans la bouche des responsables de ces zoos marins.

Il faut donc insister ici sur deux points :

 En milieu naturel, la vie sexuelle des dauphins est de type promiscuitaire, permettant par exemple des coïts à plusieurs et d’incessants échanges de partenaires, à n’importe quel moment de l’année.

Même si des cycles existent- les enfants naissent au début de la belle saison – la vie sexuelle joue un rôle social essentiel chez les dauphins. Caresses et séduction sont d’excellents moyens de résoudre les conflits mais aussi, puisque chaque dauphin peut potentiellement être le parent de chaque enfant, d’assurer à n’importe quel petit une protection rapprochée.

En liberté, les pratiques sont souvent caractérisées par plusieurs mâles s’approchant d’une delphine afin de se livrer aux jeux de l’amour [2]. Une fois ceux-ci lancés, néanmoins, l’imagination des dauphins ne connaît plus de limites et la sensibilité extrême de leur peau rend leurs échanges extatiques. Les préliminaires amoureux se prolongent souvent des heures avant qu’un double ou triple coït (chaque mâle succédant l’un à l’autre) ne conclue le rapport en quelques brèves et acrobatiques secondes.

Pour éviter d’ailleurs de telles scènes n’aient lieu sous le regard des enfants pendant un spectacle, les dauphins mâles sont dûment calmés, notamment par des injections d’hormones féminines.

 En bassin, les dauphins sont amenés à résoudre sans cesse des conflits, du fait du peu d’espace offert à un nombre important d’individus confinés.

Ce qui amène souvent des bagarres sanglantes et parfois mortelles (souvenons-nous du combat entre Ivo et PlayBoy au Zoo de Duisburg, qui mena à la mort de ce dernier).

En bassin, la sexualité des dauphins est contrôlée par l’être humain et de fait, très pauvre.

Au point même qu’en l’absence de partenaires, des dresseureuses consciencieux.ses n’hésitent pas à les masturber pour calmer leurs nerfs.
On peut remarquer des exemples de dauphins ayant des pratiques qu’on ne retrouve pas en situation de liberté, comme Valentin se frottant contre son propre fils né de l’inceste, Keijo.

Cette « hypersexualité » née de la captivité peut devenir frénétique et s’assimiler à une forme de zoopsychose.

Naissance dans de l’eau chloree, un mauvais depart dans la vie…

Malgré les affirmations des industriels du secteur et malgré les recommandations émises par la CITES et telles qu’entérinées par le Règlement Européen N° 3626/82 qui exige « qu’une population viable soit assurée par l’élevage en bassin », la reproduction en bassin ne fonctionne pas comme elle devrait.

Selon Sweeney, un célèbre trafiquant de dauphins, 50% des dauphins nés captifs meurent avant l’âge d’un an, dont 23% lors du premier mois de leur vie aérienne.
Les chiffres actuels doivent être similaires, malgré les « progrès » de l’obstétrique carcérale. Les avortements et les enfants morts-nés sont également légion en captivité et rares sont les dauphins nés captifs qui atteignent la maturité ou même le stade juvénile.

Plus exceptionnelles encore sont les naissances de la deuxième génération, lorsque, à la grande joie des dresseureuses, deux dauphins nés captifs parviennent à engendrer un troisième dauphin né captif… lequel s’éteint le plus souvent au terme de quelques heures. La chose est encore très rare aujourd’hui et les services reproducteurs d’une femelle ou d’un mâle « fondateur » au moins sont requis. Le terme « fondateur » est utilisé par l’Industrie pour désigner les animaux capturés en mer.

Les causes des décès sont d’ordre éthologique. 

La cause principale de ces décès est d’ordre éthologique et environnemental.
On sait qu’en mer, les structures sociales des dauphins sont d’une extrême variété. Chez les Tursiops, l’accouchement se fait au sein d’un groupe social précis (les soeurs, les tantes, les anciennes, toutes regroupées autour d’une femelle dominante). Le delphineau est amené à la surface avec l’aide d’une autre femelle et la jeune mère apprend de sa propre mère ou d’autres amies plus âgées la manière adéquate d’élever son petit.

En mer, les dauphins vivent dans un milieu marin adapté à leurs besoins physiologiques, au sein d’une société solidaire et complexe.

Rien de tel en captivité, où les structures sociales normales n’ont plus cours.
L’allaitement est difficile à pratiquer en bassin. Le stress y règne en maître et la jeune mère ne disposait jusque il y a peu d’aucune enclave d’isolement ou d’une petite baie pour faire retraite. C’est toujours le cas au Japon et dans de nombreux pays non-occidentaux, où l’élevage est peu pratiqué puisqu’on capture à moindre frais.

Les mères se retrouvent isolées dans un bassin latéral avec leurs bébés.

Ces mises à l’écart ne peuvent cependant pas durer éternellement de sorte que le jeune dauphin encore fragile est toujours menacé de se retrouver broyé contre une paroi ou, comme cela s’est passé à Anvers, d’être englouti par une hotte aspirante et d’y mourir.

Le retard de croissance staturo-ponderal

Mal nourri, privé des stimulations sensorielles que lui aurait offert la mer libre et de tout rapport social satisfaisant pour les jeux et l’apprentissage – frères, soeurs, cousins, famille, clan, tribu – le dauphin né en captivité se développe mal, tant physiquement qu’intellectuellement.

C’est ce qu’on appelle en anglais « failure to thrive » et en français, le retard de croissance staturo-pondéral.

Dès le départ, le capital génétique du jeune dauphin est déjà affaibli, du fait des croisements incessants entre les enfants des mêmes reproducteurs et de la pratique de l’inceste, interdit en mer mais encouragé en bassin.


Les descendants de Tilikum sont finalement contraints de se reproduire entre eux

Si son alimentation lactée a sans doute été correcte, celle que le tout jeune dauphin reçoit après le sevrage n’est pas non plus adaptée à ses besoins, puisque composée essentiellement d’un menu peu varié de poissons surgelés puis dégelés.
L’espace étroit où il circule est beaucoup trop petit pour qu’il puisse pleinement développer sa musculature. L’environnement totalement nu des bassins et les exercices répétitifs ne lui permettent pas de stimuler son intelligence ni de satisfaire sa curiosité.

Le chlore présent dans l’eau affecte ses poumons, sa peau blême n’a jamais vu le soleil ou en supporte trop dans des bassins sans ombre.

Son corps est gorgé des antibiotiques dont on le gave dès la naissance.

Certains nés captifs peuvent aussi développer une hémochromatose.

Chez l’être humain, il s’agit d’une maladie héréditaire qui se caractérise par une absorption excessive du fer alimentaire, due à une anomalie génétique. Non traitée, l’hémochromatose évolue insidieusement et risque de provoquer des atteintes graves (cirrhose, cancer du foie, insuffisance cardiaque…), susceptibles d’entraîner une mort prématurée.

Chez les dauphins en revanche, cette maladie n’est pas documentée en milieu naturel.

Il s’agit d’une maladie typique de la captivité. Les cétacés et tous les mammifères marins plongent en apnée. De ce fait, leur sang contient un taux d’hémoglobine très important ainsi que davantage de myoglobine dans leurs muscles. C’est pourquoi leur sang est tellement rouge. Cela leur permet de plonger à poumons vides et de stocker un quantité énorme d’oxygène dans le sang et les muscles, bien plus qu’aucun mammifère terrestre ne pourrait le faire. C’est ainsi qu’il peuvent rester en apnée près d’une heure durant dans le cas du cachalot, qui s’oxygène d’ailleurs activement avant chacune de ses plongées.

En captivité, aucune descente en profondeur n’est possible.

Aucune apnée de longue durée ne s’impose. C’est alors sans doute que s’accumule le fer dans le sang des dauphins, en raison de son processus physiologique. L’hypothèse est avancée par le Dr Naomi Rose. Une chose est sûre, en revanche : c’est que cette maladie ne s’observe qu’en bassin.

« Alors qu’aucune augmentation de fer dans le sang n’est observée au fil de l’âge chez les dauphins sauvages, autant le taux de ferritine augmente avec les années chez les dauphins captifs ». [3]

Les derniers dauphins de Finlande étaient affectés par cette maladie du sang
Le delphineau né captif présente bientôt une musculature faible parcourue de spasmes nerveux.

Son estomac se dilate, sa pression sanguine devient excessive, ses blessures cicatrisent trop lentement.

Plus tard, s’il parvient à survivre, il présentera tout un ensemble de troubles du comportement : boulimie, hyper sexualité accompagnée de masturbations incessantes, déplacements circulaires de type autistique, sensibilité extrême au stress et à toute menace de changement dans son ordinaire pré-réglé sous la domination absolue de l’être humain.

Muet, le jeune dauphin l’est depuis son enfance : l’usage du sonar n’a pas de sens dans un bassin toujours le même dont les dauphins mémorisent aussitôt les contours. Et siffler entre soi n’a pas de sens non plus puisque rien de nouveau n’a lieu que l’on puisse commenter. Donc pas d’échanges, pas de connaissances. Juste l’imitation tragique du sifflet de son/sa dresseureuse…

Bref, le dauphin né captif devient chétif, mentalement peu stimulé et hypersensible. Une attaque foudroyante de champignons parasites l’emporte généralement au bout de quelques années…

Il est exceptionnel que sa durée de vie excède les 10-15 ans, période critique de l’adolescence, un âge où les jeunes cétacés ont besoin, comme tous les mammifères, humains y compris, de s’aventurer dans le monde extérieur, de s’éloigner un temps de leur famille et de vivre en groupes de fabuleuses aventures marines. Tout cela est impossible au delphineau né captif qui, dans le meilleur des cas, sera transporté vers un autre bassin, séparé à jamais de son « pod » (« groupe ») et soumis à un stress intense dans un nouvel environnement social promiscuitaire où il devra trouver sa place s’il l’en trouve la force.

On a vu, avec la mort du petit Aïcko, à quelle degré la violence en bassin pouvait mener. Le malheureux est mort sous les coups, littéralement, de ses co-détenus plus âgés et n’a été mis à l’abri que quelques jours avant sa mort, pourtant très prévisible.
S’il survit, le delphineau n’aura pas un sort beaucoup plus enviable.

Soit il sera finalement enlevé à sa mère pour être revendu à un lointain delphinarium, soit il restera auprès d’elle toute sa vie, situation particulièrement pénible et névrogène pour les mâles, qui quittent les leurs vers 12 ou 15 ans en milieu naturel, mais reviennent toujours dans leur familles épisodiquement (fission-fusion).

Dans les cas des orques, on sait que c’est peu avant le sevrage que le bébé est brutalement arraché à sa mère.

Quand on mesure ce que signifie la maternité chez les cétacés, il va de soi que cette séparation représente une souffrance atroce, tant pour la mère que pour l’enfant. Le plus souvent, cet enlèvement se solde chez les mères par une dépression grave, souvent soignée aux sédatifs et aux antidépresseurs.

Les morts de nouveaux-nés s’accompagnent également de « phénomènes de deuil », souvent lourds à gérer pour l’équipe médicale.

Dans les cas extrêmes de dépression, il arrive qu’une femelle tue le bébé de sa co-détenue.

Le cas est survenu au Parc Astérix et à Planète Sauvage. Dans ce dernier cas, le crime a été commis par Lucille, une delphine dépressive qui a du laisser ses deux enfants derrière elle à Harderwijk.


Mourir au delphinarium

Impossible de faire la liste ici de toutes les maladies spécifiques aux bassins qui déciment les cétacés.

Il en existe plusieurs répertoires vétérinaires mais on trouve les causes de ces décès dans les rapports d’autopsie parfois livrés par les delphinariums ou dans les études spécialisées. En revanche, une chose est sûre : pour la plupart, ces maladies sont de type nosocomial, c’est à dire causées par le milieu hospitalier aux patient.es qu’il prétend soigner.

Il en va de même des infections, des suicides ou des accidents qui adviennent aux cétacés captifs et qui sont générés par les delphinariums eux-mêmes. 

En liberté, on meurt aussi, bien sûr, mais à d’autres moments de la vie et le plus généralement lors de rencontres avec une hélice de bateaux, suite à l’ingestion de sacs en plastique, à l’empoisonnement du à la pollution ou aux infections parasitaires massives, notamment.

Nous allons passer en revue ici, de manière non-exhaustive, quelques-unes des causes de décès les plus classiques en delphinarium [4], illustrées chaque fois par un cas réel.

Tilikum et la pneumonie

« La cause principale des décès chez les mammifères marins en captivité (autres que les ours polaires) est la pneumonie. La plupart des cas de pneumonie des mammifères marins se caractérisent par une importante infection bactérienne.
La pneumonie est souvent le résultat d’une mauvaise gestion des bassins, mais quand bien même les animaux captifs sont soigneusement gérés, la mortalité liée à la pneumonie reste fréquente.

Les mammifères marins exigent une bonne qualité de l’air, y compris un taux élevé de renouvellement d’air à la surface de l’eau dans les installations couvertes. L’air tempéré ou l’acclimatation au froid est également important pour prévenir les maladies pulmonaires, même pour les espèces polaires. Les animaux acclimatés à des températures froides sont habituellement assez robustes. Cependant, la transition soudaine d’un milieu chaud à l’air froid, même dans de l’eau plus chaude, peut précipiter les pneumonies fulgurantes, en particulier chez des animaux qui se nourrissent mal ou qui sont affaiblis pour d’autres causes.

Les signes cliniques incluent la léthargie, l’anorexie, l’halitose sévère (haleine fétide), la dyspnée (difficulté respiratoire), la pyrexie (fièvre) et la leucocytose (augmentation du nombre de globules blancs dans le sang). (...) ».

Le 6 janvier 2017, SeaWorld annonçait que Tilikum, l’orque vedette du documentaire « Blackfish » qui souffrait d’une pneumonie bactérienne résistante aux médicaments, décédait dans sa piscine.

Il succombait ainsi à la cause la plus fréquente de décès chez les cétacés captifs : la pneumonie.

Sur la vidéo publiée par SeaWorld, le vétérinaire rappelle à juste titre que la pneumonie est également une cause de maladie et de décès chez les cétacés sauvages. Mais si les orques libres peuvent parfois mourir de pneumonie, la prévalence massive de cette maladie chez les cétacés captifs pose question. Comment peuvent-ils contracter une telle maladie dans l’environnement hyper protégé et médicalisé des bassins ? Et en mourir ?

Le problème avec Tilikum, comme avec tous les cétacés captifs, c’est qu’ils sont déjà bourrés d’antibiotiques depuis l’enfance.

Pour les humain.es aussi, on le sait, c’est un vrai problème :
« Le danger vient d’une sur-utilisation ou d’un mauvaise utilisation des médicaments antimicrobiens – les antibiotiques étant les principaux – un phénomène observé dans le monde entier » explique un responsable de l’OMS. 

Chez les humain.es comme dans l’agriculture et l’élevage, où les antibiotiques sont souvent massivement utilisés, non seulement pour soigner les animaux mais aussi pour favoriser leur croissance. Les bactéries super-résistantes qui se développent ainsi chez les animaux peuvent se propager chez l’être humain.e par la contamination de l’eau ou les déjections. Ils peuvent aussi voyager par les exportations de viande. Bien qu’anticipé dès les années 1950 par le découvreur de la pénicilline Alexander Fleming, la résistance antimicrobienne a atteint des niveaux de plus en plus inquiétants ces dernières années, facilitée par l’absence d’antibiotiques nouveaux ». 

Notons que c’est aussi d’une pneumonie fulgurante que Keiko est mort.
Tout comme Betty, capturée en Islande en octobre 1978, morte à Antibes le 8 septembre 1987 à l’âge de 13 ans d’une « pneumonie fulgurante » ou comme Kim2 capturé en Islande en 1982, emporté par une « septicémie et une pneumonie fulgurante » le 23 novembre 2005, à l’âge de 27 ans, ou comme Léo, mâle, né en 1975, capturé le 23 novembre 1988 au large du Guatemala, mort le 27 janvier 1992 de « pneumonie chronique sévère » au Marineland d’Antibes…

Sharkan et le bacille du pus bleu

Une mort assez commune en bassin est celle causée par le bacille pyocyanique, directement lié aux mauvaises conditions de vie et à la filtration de l’eau des bassins.

L’orque Sharkan, par exemple, bien connue pour avoir engendré Wikie et Inouk, fut capturée en Islande en octobre 1989 à l’âge de 4 ans. Elle mourut le 3 janvier 2009 d’une « septicémie due au bacille pyocyanique » à l’âge précoce de 23 ans dans sa prison du Marineland d’Antibes.

Le bacille pyocyanique est connu sous les noms de Pseudomonas aeruginosa, bacille du pus bleu ou pyo.

C’est une bactérie gram-négative du genre Pseudomonas. Elle peut, dans certaines conditions, être pathogène. Très résistante, elle est — avec d’autres bactéries à gram-négatif — de plus en plus souvent responsable d’infections nosocomiales. C’est l’une des bactéries les plus difficiles à traiter cliniquement. Le taux de mortalité atteint 50% chez les patients vulnérables (immunodéprimés). Germe ubiquitaire, vivant dans les sols et en milieu humide (nuages, robinets, bouchons), très résistant à de nombreux antiseptiques, fréquent en milieu hospitalier, entraînant l’apparition (du fait de sa résistance aux antibiotiques) de véritables souches d’hôpital.
Les formes de pathologie qu’elle engendre sont diverses : infection de l’œil, des plaies, des urines, gastro-intestinales et des poumons , des méningites d’inoculation, des septicémies comme stade terminal d’infections graves ou complication chez des malades soumis à un traitement immunodépresseur, des leucémiques, etc.

Elle induit facilement des infections systémiques chez les immunodéprimés, un état très fréquemment induit chez les cétacés captifs pour des raisons psychologiques (deuil, dépression…)

Beachie et la thrombose du sinus caverneux

La thrombose du sinus caverneux est généralement causée par une infection qui s’est propagée au-delà de la face, des sinus ou des dents.

Moins fréquemment, les infections des oreilles ou des yeux peuvent causer une thrombose du sinus caverneux. Pour contenir l’infection, le système immunitaire du corps crée un caillot pour empêcher les bactéries ou autres pathogènes de se propager. Le caillot augmente la pression à l’intérieur du cerveau.
Cette pression peut endommager le cerveau et peut finalement causer la mort. Plus rarement, la thrombose du sinus caverneux peut aussi être causée par un coup sévère infligé à la tête. Ou par une série de coups sévères, comme quand on se frappe la tête contre un mur…

« A Bruges, le dauphin Beachie est mort de façon inattendue. L’animal venait d’avoir 33 ans. Beachie provient du delphinarium néerlandais de Harderwijk. Il était présent à Bruges depuis 2010 à Bruges dans le cadre d’un programme d’élevage. L’année dernière, il est devenu le père de Moana et Ori ».

« Beachie est décédé suite à l’éclatement d’une veine dans le sinus », a déclaré Gertrude Quaghebeur, responsable de la communication au delphinarium.

« C’est difficile à repérer et vous ne voyez pas venir ce genre d’accident. Nos soignant.es de l’équipe du delphinarium de Bruges sont très touchés. Mais un dauphin dans la nature vit environ trente ans, en delphinarium, peut être encore plus ».

Ce n’était pas vraiment une surprise, en fait. Le « vieux » dauphin avait déjà subi des examens médicaux durant les mois qui ont précédé son décès – dont un scanner spectaculaire largement relayé par la presse – et ses problèmes de santé était connus depuis deux ans au moins.

Depuis son transfert au delphinarium de Bruges, Beachie se sentait seul et triste. Capturé en Floride, détenu à SeaWorld, il vivait depuis des années dans un lagon d’eau de mer aux Pays Bas en compagnie d’une bande de mâles. Il s’est retrouvé brusquement isolé dans son coin, en compagnie d’autres dauphins agressifs sous le dôme sinistre du Boudewijn Seapark. L’air qu’il y respirait n’était plus le même non plus : le vent iodé du large qui souffle sur Hardewijk fut remplacé par une atmosphère chargée en chlore suffocante sous le dôme sombre du Dolfinarium de Bruges.

Est-ce le chlore qui a causé cette thrombose du sinus ? Ou les coups désespérés que le dauphin se portait à lui-même en se jetant contre un mur ?

Le mystère restera à tout jamais entier.

Terry et la candidose

Outre les infections bactériennes comme la pneumonie, il y a les maladies fongiques, ou champignons, très répandues en bassin.

« Les mammifères marins captifs semblent particulièrement exposés aux infections fongiques. La plupart semblent être des effets secondaires du stress, des conditions environnementales ou d’autres maladies infectieuses.

Ainsi, la candidose est une maladie mycosique commune chez les cétacés captifs, générée par le stress, par une désinfection inadéquate de l’eau avec du chlore ou par un usage inconsidéré des antibiotiques. Les lésions se retrouvent généralement autour des orifices corporels.

Lors de l’autopsie, on trouve souvent des ulcères oesophagiens, en particulier dans la région de la jonction gastro-œsophagienne. Un autre champignon opportuniste, le Cryptococcus neoformans, a été diagnostiquée dans la maladie pulmonaire avancée fatale chez un dauphin »

L’orque Unna vient récemment d’en mourir à SeaWorld mais l’exemple le plus terrible d’une mort par champignon est celui de deux dauphins jadis célèbres en Flandres, car vedettes d’une bande dessinée, Terry et Skippy.

La presse de l’époque en parlait ainsi :
« Le delphinarium de Bruges vient d’enregistrer, à dix jours d’intervalle, le décès de deux de ses dauphins adultes. Ceux-ci sont morts respectivement le 1er et le 11 septembre 2000. Skippy avait 10 ans et était né à Boudewijn Seapark. Terry, pour sa part, n’avait que 16 ans. 
Le mystère le plus complet entoure pour l’instant ces décès, qui demeurent à ce jour inexpliqués.
« Des autopsies ont été effectuées à l’université de Gand », explique M. Logghe, directeur du parc d’attractions. « Mais elles n’ont rien révélé. On effectue donc maintenant des analyses complémentaires, dont on attend les résultats pour le début de la semaine prochaine. Ce n’est pas la première fois qu’on a des décès, mais c’est rare que cela puisse se produire de façon aussi rapprochée ».
Alors, qu’a-t-il bien pu se passer ?
« Ces dauphins ont arrêté soudainement de se nourrir. Trois jours après, ils étaient morts. On n’a rien pu faire ». Le show a dû être remplacé par un spectacle éducatif, le temps qu’on en sache plus. Evidemment, on imagine que ces morts suspectes vont relancer la controverse sur les delphinariums. 
« On ne parle de nous qu’en cas de décès. Mais quand il y a des choses positives à dire, là on n’entend plus nos opposants. Récemment, on a eu six dauphins nés chez nous, dont trois il y a deux ans, qui sont restés en vie ».
Des propos qui choquent les opposants aux delphinariums.
Selon le Dr Gérard Lippert, responsable de l’association belge Delphus, le décès de la femelle Terry (16 ans) serait dû principalement à la présence de levures qui auraient proliféré dans son corps au point de le transformer en « chou-fleur ». Skippy était un jeune dauphin mâle âgé de 10 ans. Il était né de Tex et Puck « au delphinarium de Bruges ».

Harley et la chute sur le beton

Les chutes hors des bassins sont plus fréquentes qu’on imagine, soit en tant que gestes de désespoir, soit pendant un exercice.

Ainsi, Harley, le plus jeune de tous les dauphins du Zoo du Minnesota, est mort dans l’après-midi du 21 janvier 2006 après avoir sauté hors de sa piscine et s’être brisé le crâne sur la bordure en béton.

Ce bébé dauphin, qui venait de fêter ses sept mois de vie, semble avoir paniqué en nageant entre les deux piscines de soins placées à l’arrière des installations, qui furent pourtant ses seules et uniques demeures depuis sa récente naissance en captivité.

Harley : son nom de baptême avait été choisi au terme d’un vaste concours regroupant plus de 10.000 participants l’an dernier – avait commencé à subir ses premiers dressages. Il s’agissait, dans le cas présent, de rejoindre la piscine ouest à partir de la piscine est, en suivant un canal central, un exercice que détestent les dauphins.

Harley n’avait pas encore participé aux shows mais tou.te.s les visiteureuses pouvaient le voir, notamment par le biais d’une Webcam installée dans son bassin. 
Pour rappel, quelques dauphins du zoo d’Anvers – dont Dolly – sont morts de manière semblable. Même pour un dauphin adulte, sauter hors du bassin n’est pas toujours sans risque. Dolly avait du être euthanasiée après s’être brisé la colonne vertébrale lors d’un show un peu trop audacieux. Mais il faut dire que le bassin du Zoo d’Anvers était particulièrement petit.

On lira d’ailleurs à propos d’Anvers l’étonnante variété de pathologies [5] qui décima les 30 dauphins sacrifiés par le zoo.

[1Source : Dolphinaria Report page 19 et 20 : http://www.ladolphinconnection.com/Rapport_WDCS_Delphinariums_UE.pdf

[2Parfois de façon non-consentie (voir l’article « Comment les dauphins font l’amour en mer » sur le site dauphinlibre.be)


Avertissement

Ces textes écrits en 2018 sont issus du site dauphinlibre.be. Nous l’avons démasculinisé, et nous avons parfois supprimé ou modifié certains passages dont le contenu nous posait problème (sexisme, manque de prise en compte d’autres oppressions et tendances homophobes par exemple) ou pour des raisons pratiques de pagination. Il est possible de retrouver l’intégralité des articles, avec leur source, leur vidéo associée (et leur sexisme) sur internet.



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