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Les chouettes-hiboux face à la répression
Etat des lieux de la répression à Bure
mis en ligne le 24 décembre 2019 - anonymes
Introduction de la brochure de novembre 2017
Au seuil de la première version de cette brochure, publiée en avril 2017, nous écrivions que, malgré une présence policière constante et des cascades de procès, nous n’avions « pas vu s’abattre de vague répressive généralisée ». De fait, si des camarades en particulier étaient bel et bien surveillé.es, fiché.es, écrasé.es d’amendes, interdit.es de territoire etc., nous n’avions en revanche pas connu d’opération policière massive à l’échelle du mouvement. Les autorités affectaient un discernement de bon ton, épargnant l’ensemble de la lutte pour mieux dresser ça et là l’épouvantail de quelques individus « extrémistes », le tout sans faire trop de vague pour ne pas – surtout pas ! – attirer l’attention sur ce qui se joue aujourd’hui à Bure.
Il n’est pas trop de dire qu’en l’espace de six mois à peine, la situation a largement changé. La semaine d’action de juin 2017, marquée par un saccage éclair de l’hôtel-restaurant de l’Andra, a d’abord donné l’occasion de maquiller la résistance antinucléaire en une « association de malfaiteurs » qui serait bien décidée à commettre des « incendies criminels », si ce n’est meurtriers. Dans les semaines qui suivirent, la militarisation du territoire s’intensifia : jusqu’à 40 patrouilles par jour devant la Maison de Résistance à la poubelle nucléaire.
Un nouveau cap a ensuite été franchi lors de la manifestation du 15 août 2017. Ce jour-là, la gendarmerie nationale dérogea à ses habitudes de temporisation, de désescalade et de sécurisation du laboratoire pour venir bloquer frontalement le cortège dès ses premiers pas, au cœur même du village de Bure. Le message était clair : répression immédiate et sans concession. La journée se termina avec de nombreux-ses blessé.es, dont l’un faillit perdre son pied dans l’explosion d’une grenade « GLI-F4 » (c’est-à-dire à la fois explosive, assourdissante et lacrymogène).
Puis vinrent le 20 septembre 2017 et ses cinq perquisitions simultanées. Ce que cela peut faire de voir ou d’imaginer des lieux familiers, lieux de vie et de lutte, de joie et de doute, saccagés et passés au peigne fin par une centaine de gendarmes, ces quelques lignes ne pourront l’exprimer. Il importe surtout ici de comprendre le tournant qui se joue, et d’en tirer des leçons.
Tout cela a quelque chose de sinistre, effrayant, démoralisant, et c’est précisément le but recherché par les autorités. La répression ne dit pas qui on est : elle cherche à le faire disparaître. A nous de ne pas nous laisser prendre à ce piège !
La répression dont il sera question dans les pages qui suivent n’est donc qu’une face de nos vies. L’autre est faite de rires, d’amitiés, de jeux, d’engueulades et de réconciliations, de constructions collectives, de semailles et de moissons, de concerts démentiels, d’espoirs fous, de solutions qui jaillissent d’elles-mêmes quand tout semble foutu… toutes ces choses qui ne tiennent ni dans le PV d’une garde-à-vue ni dans le scellé d’une perquisition.
Petit tour des affaires pénales à Bure…
Affaires passées ou en cours...
Mise en garde : La liste des répressions judiciaires ne commence, par manque d’informations, qu’en septembre 2016 et ne prend pas en compte des affaires qui ont pu avoir lieu auparavant. On a rajouté quelques dates de la lutte dans cette chronologie (commençant en 2013) en italique. Ces dates ne sont là que pour pouvoir se situer dans le temps mais n’a pas du tout vocation à « représenter la lutte » ou d’avoir une quelconque exhaustivité. Bien d’autres dates et de diversités seraient à prendre en compte.
- mai-juin 2013 - Le "débat public" sur Cigéo est perturbé puis empêché par les opposant-es
- 5-6 septembre 2014 - Festival Nuke off ! à Nancy dont manif sauvage
- 15 septembre 2014 - Manif La Java des bombes atomiques à Verdun
- 7 juin 2015 - manifestation 100.000 pas à Bure
- juillet-août 2015 - Camp anticapitaliste et antiautoritaire VMC et Camp des Ami-es de Silence ! à l’ancienne gare de Luméville
– 9 novembre 2015 - Rassemblement de soutien au procès des Anonymous à Nancy pour des attaques informatiques contre des grands projets inutiles et imposés
- 14 novembre 2015 – Déclaration de l’État d’urgence en france
- 15 novembre 2015 - Manifestation Semis radieux à Saudron
- 16-17 avril 2016 - Printemps des luttes paysannes à Luméville avec le squat d’un champ de l’ANDRA pour la culture de patates et de céréales
- 4 juin 2016 - Festival Bure Anticapitaliste à Naix-aux-Forges
- 5 juin 2016 - 200.000 pas à Bure et dans le Sud de la Meuse, Randonnées actives et mobilisations
- 19 juin 2016 - 1ère occupation du Bois Lejuc
- 7 juillet 2016 - 1ère expulsion du Bois
- 16 juillet 2016 - réoccupation du Bois
- 15 août 2016 - Destruction du Bure de merlin
– 6 septembre 2016 - Rassemblement de soutien au tribunal de Bar-le-Duc pour les deux camarades inculpés pour refus d’ADN lors de la réoccupation
– septembre 2016 : F., interpellé lors de la première expulsion du bois (juillet 2016) est jugé pour violence sur agent. On l’accuse d’avoir, au beau milieu d’un nuage de gaz lacrymogène, mordu le doigt d’un policier qui l’avait saisi par derrière en mettant la main sur sa bouche. (A lire aussi : la brochure « Kermesse, pique-nique & barricades »). six mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction de territoire. En mars 2017, Florent a décidé de transgresser publiquement la contrainte en franchissant symboliquement la frontière Haute-Marne – Meuse. (cf article associé)
– octobre 2016 : deux personnes sont jugées pour un tag réalisé sur un ancienne gare en ruine appartenant à l’Andra : « Andra gare à toi ! Tout est à nous, rien n’est à toi ! », accompagné d’une fresque magnifique (que l’agence, amatrice de beaux arts, s’est vantée de ne pas effacer !) (A lire aussi : la brochure « Le gendarme et le désert nucléaire ») Elles sont condamnées à une amende de 400€ avec sursis… assortie de 2 mois de prison avec sursis pour refus de prélèvement ADN ! Leur appel est toujours en attente d’une date de jugement. (cf article associé)
– janvier 2017 : une personne est jugée... pour le bris d’un essuie-glace ! Manque de chance, c’est celui de la voiture du commandant Dubois, et il y tient beaucoup, visiblement. Il paraît que dans ces cas là, on demande en général à son assurance de nous rembourser 40€ et puis qu’on n’en parle plus... Malheureusement, à Bure, l’essuie-glace est coté à 35h de Travaux d’Intérêts Généraux !
– janvier 2017 : deux personnes, arrêtées puis relâchées lors de la manifestation de réoccupation du bois, sont jugées pour refus de prélèvement ADN. Aucun chef d’inculpation n’est retenu contre elles pour les événements de juillet 2016, mais un délit se crée ex nihilo au cours de la procédure : l’ADN est une formidable machine à créer des chefs d’inculpation de toutes pièces contre les récalcitrants… Les deux personnes sont condamnées à 500€ d’amende (l’une avec sursis) et font appel. La plainte collective contre les mercenaires de l’ANDRA ayant violenté des opposants au cours de la manif de réoccupation a été classée sans suite.
– janvier 2017 : une personne devait être jugée pour un tag contre l’ANDRA mais son procès est renvoyé à une date inconnue.
- 23 janvier 2017 (+ la semaine d’après) : L’Andra envoie des engins et des policiers dans la forêt du bois Lejuc pour prétendre effectuer la remise en état demandé par l’ordonnance. Opérations bloquées.
- 14-18 février 2017 - Déclare ta flamme à l’ANDRA dont "Manif manif manif" le 18
– février-avril 2017 : Sven est jugé pour l’occupation du Bois Lejus : il a en effet accepté de mettre son nom sur la boîte aux lettres et de se déclarer habitant du bois, pour nous permettre l’accès à des procédures juridiques plus équitables. Au terme d’une longue procédure riche en rebondissements, le Bois Lejus est finalement déclaré expulsable le 26 avril mais ne prendra effet qu’à partir du 7 juillet 2017 à cause d’une erreur matérielle.
– 6 mars 2017 : une personne est jugée pour une affaire d’attaque informatique contre les « Grands projets inutiles », déclenchée suite au meurtre de Rémi Fraisse à Sivens. Mais puisqu’il s’agit de son deuxième procès pour les mêmes faits (intenté par une instance différente), il obtient la relaxe : non bis in idem, on ne peut pas être jugé deux fois pour le même délit. Le parquet fait appel. (cf article associé)
– 27 mars 2017 - Franchissement symbolique de la frontière Meuse-Haute-Marne contre l’interdiction de territoire d’un camarade interdit de Meuse
– 24 avril 2017 : la même personne est jugée et condamnée en appel de son premier procès pour attaque informatique contre les GPII (amende et sursis).
- 18 mai 2017 - Rassemblement à Mandres contre la délibération du conseil municipal pour l’échange du Bois avec l’Andra
- 20 mai 2017 - Manif 300.000 pas contre Cigéo à Saint-Dizier
– 6 juin 2017 : une personne est jugée pour rébellion et dégradation en réunion lors de la « manif manif manif » du 18 février. Rappelons-nous qu’en l’espace de cinq jours, les 14, 16 et 18 du mois, pas moins de trois cortèges joyeux et offensifs s’en sont pris directement aux locaux de l’ANDRA ! Résultat : quatre mois de sursis et 500€ de dommages et intérêts. (A lire aussi : la brochure « ’Sachez que je n’attends rien de votre institution’ : déclaration d’un ami saboteur devant la cour chargée de le juger »)
– 21 juin 2017 – Manif jusqu’à l’hôtel restaurant de l’ANDRA, dans lequel il y a eu un départ de feu, affaire très médiatisée.
– 25 juillet 2017 : une personne est embarquée pour « Refus d’obtempérer à l’ordre d’enlever un objet entravant la circulation sur une voie publique » : elle jouait de l’accordéon sur la route devant la Maison de Résistance. Elle écope d’une amende.
- 11-13 août 2017 - Festival Les Bure’lesques à Biencourt-Couvertpuis
- 15 août 2017 - Manif "En marche contre le tombeau nucléaire" de Bure à Saudron
– Septembre 2017 : une personne est jugée pour refus de signalétique et relaxée.
– 12 septembre 2017 : Après un premier renvoi le 2 mai, un agriculteur qui s’était vu confisquer tracteur et bétaillère lors de l’expulsion de juillet 2016, est jugé pour complicité dans la première occupation du Bois Lejus. Il écope de deux mois de prison avec sursis et se fait restituer son matériel qu’à ce moment. (cf article associé tiré de la brochure « Entretien avec Jean-Pierre, agriculteur en lutte contre Cigéo ») .
– 20 septembre 2017 : cinq lieux de vie (aussi bien des lieux collectifs que des appartements privés) sont perquisitionnés simultanément. Trois enquêtes sont invoquées : le « saccage » de l’hôtel-restaurant de l’Andra au mois de juin, la manifestation du 15 août, des infractions à la législation sur les stupéfiants, la manifestation du 18 février rajoutée en cours de perquisition. (cf. p.22) A cette date on apprend l’existence d’un dossier d’instruction pour « association de malfaiteurs ».
– 9 octobre 2017 : une personne est condamnée à 180€ d’amende pour « dissimulation du visage » et « transport d’arme » (et non pas port d’arme !) : elle transportait dans son sac une hachette pour couper du bois !
– 24 octobre 2017 : un ami paysan est jugé pour un « outrage à agent » prononcé le 14 juillet. Le procureur, Olivier Glady, demande rien de moins que trois mois de prison avec sursis ! Le juge, Fabien Parmentier met 1 mois avec sursis et 450 euros pour dommages et intérêts. (cf article associé)
– 2 novembre 2017 : un militant antinucléaire est arrêté alors qu’il se rendait à vélo du bois à la Maison, et immédiatement placé en détention à Fleury-Mérogis pour de petits délits antérieurs. (Un de ses procès aura lieu le 8 mars)
– novembre 2017 : une personne pour outrage, rébellion et violence sur agent (arrêtée arbitrairement dans une manifestation contre la loi travail où elle a été ciblée comme opposante à Cigéo) –> sept mois de prison avec sursis et plus de 3000€ de dommages et intérêts. Appel le 6 septembre à Nancy.
– novembre 2017 : une personne, arrêtée en février 2017, est convoquée pour « diffamation » (pour avoir raconté publiquement les circonstances particulièrement violentes de son interpellation) –> le procès est annulé pour vice de forme et requalifié sous un nouveau chef le 13 février (cf. plus bas)
– 16 Janvier 2018 : une personne est jugée suite à son interpellation, tirée du lit par les gendarmes pendant la perquisition de la maison de la résistance. C’est un renvoie du procès du 7 novembre. Le procureur : Olivier Glady, le juge Kevin Le Fur. Condamnation à 1 mois ferme pour refus de test d’alcoolémie et « rébellion » pour la personne emmenée lors de la perquisition de septembre 2017. (cf article associé)
– 13 février 2018 :
• Procès au TGI de Bar le duc d’une personne pour « injure à l’honneur » (pour avoir raconté publiquement les circonstances particulièrement violentes de son interpellation), condamnée à payer 800 euros d’amende (pour le commandent Dubois – le gradé qui coordonne l’action des flics contre les opposant-es à la poubelle atomique - et pour l’Etat) et 1000 euros de frais. (cf article associé)
• Procès de deux personnes accusées de « dégradation volontaire du mur de l’ANDRA en réunion » et refus de signalétique. 4 mois de prison, avec sursis simple (qui dure donc 5 ans), et obligation de payer 3000 euros à la partie civile (l’ANDRA), et 727 euros de frais. Procès en appel. (cf article associé)
- 22 février 2018 - 2nde expulsion du Bois Lejuc. Début de la présence permanente d’une fourgonnette de gendarmes devant la maison de la résistance (24h/24) qui prendra fin le 20 juin.
– 28 février 2018 : Composition pénale pour outrage au Tribunal de Grande Instance de Bar-Le-Duc.
- 3-4 mars 2018 - Week-end intercomités de soutien à Bure
– 5 mars 2018 : procès d’une personne en comparution immédiate suite à la manifestation du 4 mars. Réquisition du procureur : 6 mois de prison dont 3 mois avec sursis sans mandat de dépôt. Délibéré du juge : 3 mois avec sursis avec mise à l’épreuve pendant 1 an, interdiction de territoire de la Meuse pendant un an, non inscription dans le casier judiciaire.
– 6 mars 2018 : procès dit de « la pelle à tarte » pour port d’arme. Le procureur demande 2 mois avec sursis (et la restitution de la pelle à tarte), rendu le 24 avril : relaxe.
– 8 mars 2018 : procès à Paris sur une autre affaire que Bure (transport de fumigène en manif à Paris), mais des questions lui ont clairement été signifiées sur son implication à Bure. Lorsqu’elle passe en procès , la personne est en prison depuis le 2 novembre (pour des affaires antérieures et détention provisoire). 8 mois de prison ferme avec Mandat de dépôt + 4 mois avec sursis (valable pendant 5 ans) + 2 ans de mise à l’épreuve avec obligation de suivi psychologique et obligation de suivre une formation ou d’avoir un emploi. (cf article associé)
– 19 mars 2018 : 3 procès en procédure de comparution immédiate, le procureur O. Glady, 3 juges dont le juge Lefur. (cf 3 articles associés)
• 1 personnes pour violence sur agent dépositaire de l’autorité sans ITT -Interruption de temps de travail - (en l’espèce un crachat et un coup de pied) et refus de signalétique, arrêtée suite à l’expulsion du Bois Lejuc (qui avait été mise en détention provisoire jusqu’au procès). Elle est condamnée à 3 mois ferme avec mandat de dépôt, 5 mois avec sursis, 18 mois d’interdiction de Meuse et Haute Marne et obligation de travailler
• 1 personne pour rébellion, attrapée suite à l’expulsion du Bois Lejuc. Alors en détention provisoire depuis 3 semaines, elle se prend 4 mois avec sursis.
• 1 personne attrapée en balade dans la forêt du Bois Lejuc, jugée sous identité anonyme, pour attroupement en vue de commettre des violences sur agent ou des destructions (« habillée de manière tendanciellement uniforme, avec des gants, se masquant le visage », etc sur 6 lignes de baratins) : 3 mois ferme avec mandat de dépôt.
– 3 avril 2018 : 1 personne en procédure de comparution immédiate après demande de délais. Le procureur (O Glady) avait demandé sa mise en provisoire jusqu’à son procès, le juge lui a mis un contrôle judiciaire avec interdiction de territoire de la Meuse et de la haute marne et obligation de pointer 2 fois par semaine au commissariat de chez lui. Résultat du procès : O Glady demande 4 mois avec sursis et 2 ans d’interdiction de territoire (Meuse et Haute Marne) et obligation de travailler. La juge (Isabelle Drean-Rivette) met 4 mois avec sursis pour violence en réunion sur agent dépositaire des forces de l’ordre.
– 23 mai 2018 : 13 personnes en procès. 3 juges, Isabelle Drean-Rivette la juge principale. Le délibéré a eu lieu le 26 juin. (cf article associé).
• une personne initialement en procédure de CRPC pour le 27 avril (Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) à Bar le Duc, procédure illégal car non applicable pour attroupement. Un peu moins de 24h de garde à vue. Le procureur : O Glady. Chef d’inculpation, participation à un attroupement, masqué après sommation de dispersion. Procédure classique relancée pour le 23 mai. => le procureur trouve les nullités soulevées par l’avocat pertinent demande la relaxe. Le parquet renonce à ses poursuites
• 6 personnes arrêtées à la manif du 4 mars, 48h de garde à vue, pour participation à un attroupement après sommation avec visage dissimulé, certaines personnes pour refus de signalétique et d’adn. Procureur en charge O Glady. => le procureur demande pour 2 personnes une relax, et pour les 4 autres 3 mois de prison avec sursis simple (alors que les dossiers sont globalement les mêmes). ==> délibéré : 5 personnes relaxées sur nullité, 1 avec 3 mois avec sursis simple, non inscription au casier B2 (casier judiciaire publique qui empêche d’accéder à certaines fonctions). Le procureur fait appel sur certain de ces procès.
• 6 personnes arrêtées à la balade en forêt le 14 mars, 48h de garde à vue, Contrôle judiciaire, pour les 6 avec obligation de pointer au commissariat de chez elleux tous les 15 jours et interdiction de territoire de la Meuse et de la Haute Marne pour 5 personnes, interdiction du Bois Lejuc pour une personne étant domiciliée dans la Meuse. Olivier Glady en procureur. Chef d’inculpation : Participation à un attroupement en vue de la préparation de violences volontaires contre les personnes ou de destruction ou dégradation de bien (et beaucoup de phrasées de décoration). => Le procureur demande 4 mois avec sursis avec mise à l’épreuve, interdiction de territoire pendant 2 ans pour 3 personnes, la même chose avec obligation de travailler en plus pour 1 personne, et 4 mois de sursis simple pour 2 personnes. ==> délibéré : les 6 ont été relaxé.es.
– 12 juin 2018 : Le procureur, Bruno Fleury, La juge (unique) Isabelle Drean-Rivette (cf article associé)
• 1 personne pour outrage sur représentant des forces de l’ordre (pour avoir traité de mange merde avec un doigt d’honneur le commandant Dubois qui ne s’est pas porté partie civile cette fois). Arrestation faite au sein de la maison de la résistance le jour de l’expulsion de la forêt (22 février). Le procureur demande 1 mois de prison ainsi que 18 mois de mise à l’épreuve et interdiction de territoire de la Meuse et haute marne. => délibéré du 26 juin : 1 mois de sursis avec 2 ans de mise à l’épreuve : obligation de payer ses frais de justice et interdiction du territoire de Meuse. En défense libre sans avocat, pendant son procès la juge ne lui a pas permis de s’exprimer et n’a pas reconnu les mêmes nullités que les autres dossiers.
• 1 personne arrêtée le 10/04/2018, en contrôle judiciaire avec obligation de pointer tous les 15 jours au commissariat et interdiction de Meuse jusqu’au procès. Chef d’inculpation initial : "violence sur agent avec moins de 7 jours d’interruption de temps de travail et refus de signalétique et ADN". Le procureur demande une requalification en rébellion et 1 mois avec sursis. Partie civile demande 100 euros de dommage et intérêt => délibéré du 26 juin : la personne est relaxée sur nullités.
• 1 personne pour outrage sur la préfète de la Meuse. Message envoyé de son ordi en contestation aux interdictions de manifestation de mars. Le procureur demande 1 mois avec sursis. => délibéré du 26 juin : 2 mois de prison avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de 2 ans avec interdiction de territoire de la Meuse
- 16 juin 2018 - Manif "Bure à Bar (le duc)"
– 18 juin 2018 : 3 comparutions immédiates acceptées suite à la manif du 16 juin (48 heures de garde à vue, certains arrivent sans avoir eu accès pendant plus de 2 jours à leur traitements médicaux journaliers qu’ils suivaient. Juges : Le Fur (juge principal), Parmentier, Isabelle Drean-Rivette. Procureur : Olivier Glady. (cf article associé)
• une personne pour port d’arme, outrage et rébellion. 48h de gàv. Le procureur demande 5 mois ferme, 5 mois avec sursis et 2 ans d’obligation de soin et de travail. Le juge met 3 mois ferme avec mandat de dépôt + 3 mois avec sursis avec les 2 ans d’obligation de travail et de soin
• Une personne (matraqué envoyé à l’hôpital par les flics avant la garde à vue) pour violence sur policier, rébellion. Le procureur demande 5 mois ferme avec mandat de dépôt+ 5 mois avec sursis + 2 ans d’obligation de travail et d’interdiction de territoire + faire tomber le sursis de 3 mois qu’il avait. Juge accorde 6 mois fermes (dont 3 qui viennent du sursis) avec mandat de dépôt + 3 mois avec sursis + 2 ans d’obligation de travail, de soin et d’interdiction de territoire de la Meuse et de la Haute Marne (région ou il est domicilié !)
• Une personne pour outrage et violence sur agent par jet de projectile (une canette de 4 grammes d’alu). Le procureur demande une "Peine d’avertissement taillé dans la thématique du nucléaire" : 6 mois avec sursis + 2 ans d’obligation de travail, de soin et d’interdiction de territoire de la Meuse et la Haute Marne. Le juge accorde tout, avec 2 mois de sursis en moins et 140 heures de Travail d’Intérêt Général en plus.
- 20 juin 2018 - 2nde vague de perquisitions (14 lieux de vie et de travail) et d’arrestations (11 personnes) dont 5 mises en examen et 2 en témoin assistés.
- 18 Août 2018 : interpellation d’un copaine sous le coup d’un mandat d’arrêt lié au G20. S’en suivra plusieurs procédure pour savoir s’il sera extrader en Allemagne, extradition qui sera faite début octobre.
– 6 septembre 2018 : Appel à Nancy d’un procès de novembre 2017.
– 18 septembre 2018 : Appel à Nancy du procès du mur (du 13 février), reporté le 10 janvier
– 25 septembre 2018 : Appel du procès d’Anonymous. La personne étant en prison à Maxéville n’a pas été amené jusqu’à son procès, report le 4 décembre.
– 27 septembre 2018 : travaux de l’ANDRA sur la vigipatate accompagné d’une opération policière à l’ancienne gare de luméville
– 9 octobre 2018 : Report du procès du 21 août. Procès pour un vol à hauteur de 40 euros dans un Décathlon. La procureure, Sophie Partouche, demande 3 mois ferme « pour son profil », le juge, Kevin Le Fur donne 100 euros d’amende. (cf article associé)
– 16 octobre 2018 : Le procureur : Olivier Glady, 3 juges, dont la principale est Catherine Buchser-Martin. 13 procès à l’origine, 7 sont reportés. Le délibéré a eu lieu le 13 novembre. (cf article associé)
• Une personne pour outrage et violence sur agent suite à l’intervention policière à la maison de résistance suivant l’évacuation du bois Lejuc le 22 février, le proc demande 3 mois avec sursis. Délibéré : 750€ d’amende dont 600 avec sursis et à verser la douce somme de 100€ au commandant Dubois.
• 2 personnes pour entrave à travaux publiques par voie de fait ou violence, (et un refus de signalétique) dont une personne non avertie de son procès le 23 janvier 2017. Le procureur demande 3 mois avec sursis 2721€ de dédommagements (de travaux qui ont été financés mais n’ont pas eu lieu) et 700€ de frais d’avocat. Délibéré : 1 personne a 150 euros d’amende pour refus de signalétique, les 2 sont relaxées sur le reste.
• 1 personne pour outrage sur force de l’ordre, attrapé suite à une opération de contrôle en face de la maison de résistances le 18 août. Passée en CPPVCJ le 20 août, a écopé d’une interdiction de Meuse jusqu’à son procès malgré sa domiciliation à Commercy. Le proc demande 3 mois avec sursis et 2 ans d’interdiction de territoire de Meuse. Délibéré : amende de 250€.
• 1 personne pour outrage, menace de mort et violence par jet de projectile (une canette) sur force de l’ordre. Le proc demande 3 mois ferme avec mandat de dépôt + la révocation de son sursis de 2 mois + 2 ans d’interdiction de territoire de Meuse et 6 fois 700 euros de dédommagements pour les victimes flics. Délibéré : 3 mois de prison (aménageable sans mandat de dépot) et à la révocation de son sursis. Une audience aura lieu le 14 janvier en ce qui concerne les demandes de la demi douzaine de flics qui se sont constituée parties civiles.
• 1 personne attrapé à 23h30 alors qu’elle rentrait à 50 m du lieu ou elle dormait à Mandres. Contrôle d’identité pour la 8ième fois dans la semaine par les mêmes gendarmes, écope de 39 h de garde à vue, a reçu beaucoup de coup et de gaz pendant l’interpellation. On lui reproche outrage, rébellion en réunion et refus de signalétique. Interdiction de Meuse et doit pointer au commissariat de Caen toutes les 2 semaines jusqu’à son procès. Le proc a demandé 6 mois dont 3 fermes avec mise à l’épreuve et 2 ans d’interdiction de territoire de Meuse et d’obligation de travailler + 519 euros pour la partie civile. Délibéré : 3 mois de prison avec sursis pour l’outrage et le refus de signalétique et doit payer 450€ à la partie civile pour le “préjudice moral”.
- 17 octobre 2018 : intervention policière à Roybon (50 gendarmes, 1 hélico), recherchant une personne liée à la lutte à Bure
- 28 novembre 2018 : Rendu de la cour de cassation portant sur la contestation des contrôles judiciaires de 5 personnes mises en examen pour « association de malfaiteurs ». La cour de cassation rejette le recours, les contrôles judiciaires ne sont pas modifiés.
- 3-4 décembre 2018 : 3 nouvelles perquisitions ont lieu dans le cadre de l’instruction pour association de malfaiteur. (cf article associé)
– 4 décembre 2018 : Tribunal de Paris. Report de l’Appel du procès (bis !) d’Anonymous. La personne étant en prison en Allemagne refuse de se faire jugé par webcam, report en avril 2019 (alors que le juge sait qu’il sera encore en prison à cette date en Allemagne).
– 10 janvier 2019 : Appel du procès du mur (cf article associé). Rendu du procès le 21/03, le procureur requiert un maintien des peines, la défense demande nullité du procès ou relaxe. => délibéré : relaxe
– 14 janvier 2019 : procès des parties civiles (flics) sur une affaire du 16 octobre, de la personne accusée d’outrage, menace et violence
– 22 janvier 2019 : 3 Personnes en procès au tribunal de Chaumont pour « vol avec circonstance aggravante » (ces personnes ont été interpellées au cours du recup’ de poubelles le 19 juillet 2018, les flics les ayant suivi. 1 journée de garde à vue pour tout le monde. 2 ont eu 500 euros d’amende avec sursi et une 500 euros d’amende. Les 3 ont été relaxé sur le chef d’inculpation de refus d’ADN.
– 4 février 2019 : (cf article associé) Comparution immédiate d’une personne. Procureur : Olivier Glady, Juge principale Isabelle Drean Rivette, accompagnée de Kevin Lefur et d’une 3ème juge. Chef d’inculpation : outrage en réunion (elle a tapoté un véhicule de gendarmes), ainsi que refus de signalétique (procès sans l’identité de la personne). Peine demandé et donné : 3 mois de prison ferme avec mandat de dépôt.
– 5 février 2019 : 7 personnes ont eu leur procès (cf article associé). Délibéré le 26 février. Juge Présidente Cécile Schmitt. Un procès reporté à une datte inconnue. Le procureur Olivier Glady a requis pour tout le monde 3 mois avec sursis avec 2 ans de mise à l’épreuve et d’obligation de travailler, et pour un autre 2 mois de sursis simple.
• 1 personne arrêté à la maison de la résistance le jour de l’évacuation du bois Lejuc, accusée d’outrage et rébellion (report du 16 octobre)
• 1 personne arrêtée le 16 juin à la manif de Bar-le-duc. On lui reproche violence par jet de projectile (une canette), outrage et rébellion. (report du 16 octobre)
• 2 personnes arrêtés le 18 juin dans la nuit en face de la maison de résistance. On leur reproche aux 2 outrages à agents, et pour une violence sur force de l’ordre. L’outrage se caractérise par une « prise de position ninja » et d’avoir montrer leur postérieur, et la violence par un coup « franc et net sur un bouclier de gendarme ». (reports du 16 octobre). 1 personne a eu un report pour le 4 juin, l’autre a eu 1 mois de prison avec sursis.
• 3 personnes arrêtés le 27 septembre à l’ancienne gare de Lunéville. On leur reproche refus de signalétique, obstruction à travaux publiques par voix de fait ou violence, de manière masquée, violence par projectile sur salariés sans ITT
• Une personne arrêtée 16 janvier 2019 près de l’ancienne gare Luneville. On lui reproche refus de signalétique, port d’arme, rébellion et dépôt d’ordure
4 mars 2019 : Perquisition de 2 lieux d’une personne habitant à Grenoble. Venus d’abord avec une perquisition avec un autre chef d’accusation obsolète, une nouvelle perquisition avec un nouveau chef est envoyé dans l’heure sous prétexte de l’association de malfaiteur.
– Avril 2019 : Report du report du procès en appel d’anonymous (bis !). La personne toujours en prison en Allemagne souhaite pouvoir être présente à son procès pour se défendre, report le 20 janvier 2020.
– Jeudi 25 avril 2019 : 3 personnes en procès au tribunal d’épinal pour avoir fait une récup (vol avec effraction de poubelles, pour certaines personnes des refus de signalétique et d’adn). Condition d’interpellation : le psig débarque à 1h du mat’, en braquant les copaines par terre, une personne reste attaché toute la nuit dans la salle du commissariat (plus de places en cellule). Le procureur demande la relaxe, délibéré : relaxe.
- 27 mai – 2 juin 2019 : 3 ème semaine d’atelier à Bure « ça dé-grange »
– 4 juin 2019 : 5 procès initialement prévus à Bar-Le-Duc, 2 sont annulés avant la date. (cf article associé)
• 2 refus de signalétique, arrestation aléatoire dans le cadre de harcèlement policier. Un a eu un non lieu avant la date du procès. L’autre le procureur Glady demande une peine de 60 jours amendes à 5 euros par jour. Délibéré début juillet 50 jours amendes de 5 euros par jour.
• Un port d’arme, arrestation dans le cadre de harcèlement policier. => Olivier Glady demande 60 jours amendes à 5 euros. Délibéré début juillet : 80 jours amendes de 5 euros par jour
• Une personne accusée de violence sur agent dans le cadre de la manif du 4 mars 2018. Elle est perquisitionnée dans 2 lieux qu’elle côtoie le 4 mars 2019 sous des prétextes construits de toute pièce. => non lieu annoncé avant le procès
• 1 procès pour prise de position ninja. (report du report du procès du 16 octobre 2018) => report le 19 novembre
- 20 juin 2019 : Publication du rapport de la LDH sur le harcèlement à Bure. [1]
– 2ème moitié de juin 2019 : procès à Verdun pour refus de signalétique et ADN alors que la police avait pris l’ADN sur une culotte prise pendant une fouille à nu en garde à vue. Présidente du tribunal donne la relaxe.
– 18-19 juillet 2019 : courte réoccupation du bois lejuc. 17 arrestations (9 garde à vue, 8 vérifications d’identité).
– 19 juillet 2019 : une personne arrêtée la veille, interdite de territoire dans le cadre de l’instruction pour association de malfaiteur, mise en prison pour 4 mois pour non respect du contrôle judiciaire.
- 9 au 11 août 2019 : festival des Burelesques à Hévilliers. Près de 4000 personnes sur les 3 jours. Contrôle à tout les villages environnants. (cf article associé). Une personne n’ayant pas de justificatif d’identité est envoyée dans un foyer pour mineur pour suspicion de minorité (cf article associé) dans une Aide Social à l’Enfance (qui ne durera pas longtemps).
A rajouter à cette liste, plein de procès dont on n’a pas entendu parler ainsi que l’instruction en cours, ainsi qu’une dizaine de procès (appels) devant avoir lieux à des dates non déterminées.
Plus d’infos actualisées sur : https://bureburebure.info/repression/
A Bure, nous ne nous laisserons pas interdire de territoire
Suite à l’expulsion mouvementée du Bois Lejuc en juillet 2016, Florent avait été condamné, outre ses six mois de sursis, à deux ans d’interdiction de territoire. Ce lundi 27 mars 2017, pour enrayer la mécanique de la répression, il transgresse publiquement la contrainte en franchissant symboliquement la frontière Haute-Marne – Meuse. Nous publions ici sa déclaration, suivie de quelques réflexions.
Ces derniers jours à Bure, un verrou a sauté. Celui de la rage contenue et de la résignation. La manifestation du 18 février a vu tou.te.s les opposant.e.s à Cigéo se rendre ensemble aux grilles de l’ANDRA et les renverser. Même si encore de nombreuses années de luttes nous attendent, nous sommes déterminé.e.s. Le moment me paraît venu d’assumer publiquement ma décision de me soustraire à mon interdiction de territoire.
En effet, interpellé le 7 juillet dernier lors de l’expulsion du Bois Lejuc, j’ai été condamné en septembre à 6 mois de prison avec sursis et 2 ans d’interdiction d’apparaître dans le département de la Meuse. Ne voulant pas donner corps à la répression, j’ai continué d’aller et venir à Bure et ses environs comme bon me semblait, et de renforcer les liens avec mes copains et mes copines de lutte. Si quelques photos pixelisées doivent dormir dans quelque service de renseignement, les gendarmes ne m’ont pas remis la main dessus.
Si aujourd’hui je me positionne publiquement, c’est pour garder l’initiative et ne pas rester à la merci du premier contrôle routier venu. C’est pour dénoncer et combattre, ici comme ailleurs, une arme répressive qui se systématise et qui repose sur l’intimidation. Je veux ainsi dire aux autorités : « Nous n’avons plus peur. Libre à vous de vous enfermer dans votre course en avant répressive. Je vous laisse penser que votre désert nucléaire se construira à coup d’interdictions de territoire. Nous continuerons à lutter !”
Parce que si le projet Cigéo se réalise, nous serons tou.te.s à terme interdit.e.s de territoire, soyons solidaires et dénonçons la répression.
Tou.te.s interdit.e.s de territoire ? C’est peut-être effectivement ce qui nous guette dans une Meuse que les autorités nucléaires promettent à des millénaires de radioactivité. Car si l’Andra est venue chargée de promesses de croissance et d’emplois pour mieux faire accepter l’inacceptable dans une région déjà désertifiée, la réalité de sa présence est tout autre. Qui voudra vivre dans un territoire accaparé, années après années, par l’agence (plus de 3000 ha en 2015) ? Qui voudra vivre entouré de projets nucléaires (le stockage Cigéo à Bure, l’usine « Bison » à Gudmont [2], la blanchisserie à Joinville…) ? Cultiver une terre souillée par des colis radioactifs à vie longue ? Subir chaque nuit les envahissantes lumières du laboratoire ?
Plus de 1600 interdictions de territoire en 2015
C’est bel et bien d’une lutte de territoire dont il s’agit, une lutte dans, par, et pour un territoire : en interdisant Florent de Meuse, le tribunal ne s’y est pas trompé. Face à la logique mortifère d’invasion et d’aménagement que met en place l’Andra, nous voyons au contraire une Meuse vivante et tissée de solidarités. Nous avons fait le choix de l’habiter, d’y construire nos cabanes et d’y retaper nos maisons. En un mot, nous nous projetons gaiement dans le futur dont on aimerait nous chasser. Et comme partout où il y a résistance, il y a répression. Le 18 février des centaines de grenades (lacrymogènes, assourdissantes et de désencerclement) ont été tirées par la police, deux personnes ont été blessées, deux autres interpellées. Pourtant Bure n’a pas connu son opération César comme Notre-Dame-des-Landes, Bure ne connaît pas la violence et l’humiliation quotidienne des banlieues. Nous sommes une goutte de plus dans un océan de colère.
Il est chaque jour plus difficile de nier cette répression généralisée. La criminalisation des opposant.e.s à la Loi Travail et la violence (physique, administrative et judiciaire) à laquelle ils et elles ont fait face ne le permet plus. Parmi l’ensemble des dispositifs de contrôle dirigés ces dernières années contre les militant.e.s, le pouvoir semble affectionner tout particulièrement les plus insidieux : ceux qui font de nous nos propres gardiens et nous obligent à restreindre notre propre liberté. Lors de la COP 21, 26 militant.e.s avaient été assigné.e.s préventivement à résidence et les interdictions de manifester pleuvent désormais avant chaque rassemblement d’ampleur : la marche pour la justice et la dignité du 19 mars n’a pas fait exception à la règle. Quant aux interdictions de territoire comme celle dont Florent a fait l’objet, la justice en a prononcé plus de 1600 en 2015 ! [...] Cette mesure, longtemps utilisée pour éloigner les agresseurs des victimes (notamment dans le cas de violences sexuelles), devient ainsi l’un des moyens de contrôle politique les plus prisés par la police et les tribunaux.
L’état d’urgence, sous le régime duquel nous vivons depuis le 14 novembre 2015, a abattu certaines délimitations entre mesures administratives et mesures judiciaires. En moins d’un an et demi, ce qui n’était il y a peu qu’un scénario catastrophe (« et si le FN était élu et déclarait l’état d’urgence… ? ») est devenu une réalité quotidienne : on peut être puni en France préventivement et administrativement pour ce que l’on est (un militant politique), et pas seulement par un tribunal, postérieurement à une infraction supposée. Ainsi s’accélère le basculement d’un état de droit (fût-il bourgeois) à un état policier. Pour autant, critiquer l’état d’urgence ne suffit pas. Avant lui, un rapport parlementaire proposait déjà de mettre en place des interdictions administratives de manifester. Après lui, nous voyons dès aujourd’hui ce qui se profile à l’horizon : de loi sécuritaire en loi sécuritaire, l’inscription dans le droit commun de l’ensemble des dispositions de l’état d’urgence, jusqu’à le rendre superflu.
Toutes les frontières sont à franchir
Dans ce contexte, passer la frontière entre la Haute-Marne et la Meuse alors qu’on est interdit de territoire, c’est d’abord refuser à cet état policier le droit de décider qui est légal ou illégal, où et pour combien de temps. Car les procédures administratives ou judiciaires restreignant la circulation ne sont pas seulement le lot des militant.e.s politiques : elles sont également un moyen de faire peser la menace répressive sur les migrant.e.s et de continuer à faire exister en nous-même les frontières.
La création de l’Espace Schengen promettait l’ouverture des frontières européennes et la libre circulation des individus en son sein. Mais si les frontières ont été dématérialisées, ce sont désormais des frontières administratives et policières qui les remplacent. Celles et ceux qui parviennent à les franchir se retrouvent une fois ici criminalisé.e.s et soumis.e.s à ces mêmes dispositifs de contrainte. Ainsi la procédure européenne dite « Dublin III » nie totalement les choix, les envies et besoins de l’individu qui, au hasard d’un contrôle pendant son voyage, se voit obligé de demander l’asile dans un pays où il ne faisait que transiter. Cette assignation à un territoire que l’on n’a pas choisi est en soi une violence : on ne se projette pas dans tel ou tel endroit par hasard ; on y rejoint souvent des ami.e.s, de la famille qui pourra nous venir en aide, on a une histoire avec le pays, des affects, des projections.
La vie de celles et ceux qu’on prive d’un territoire et/ou à qui on en assigne un est déjà marquée par l’interdiction d’accéder à des droits essentiels : interdiction de travailler, difficultés ou impossibilité d’accès à la formation, notamment pour l’apprentissage de la langue du pays. La rétention administrative de migrant.e.s dans des centres (48 000 personnes en 2015) et leur assignation à résidence (2274 en 2014) vont encore plus loin en réduisant le champ des possibles à néant pour l’individu. Sa vie est alors définie par son statut, rythmée par les impératifs judiciaires et par les mêmes déplacements répétés jour après jour : le quotidien devient la prison toute entière.
La fabrique de l’isolement
Franchir la frontière et transgresser la contrainte, c’est donc aussi se libérer d’un emprisonnement psychologique, d’un conditionnement à l’auto-flicage. L’interdiction de territoire n’est pas une abstraction juridique. Elle marque le corps parce qu’elle amène les interdit.e.s à intérioriser en eux la frontière. En s’interrogeant constamment sur les lieux où il est possible d’aller, en s’inquiétant en permanence des contrôles de flics sur les routes, l’interdit.e doit devenir son propre geôlier. Tout comme dans le reste de la société, la « personnalisation des peines » pousse à l’hyper-responsabilisation de l’individu : je ne suis libre que de me contrôler… Il ne s’agit donc jamais pour l’État que de réprimer, de freiner, de bloquer, de neutraliser, mais aussi de nous fabriquer en tant qu’individus responsables : responsables de gérer, de mesurer, de contrôler nos propres déplacements… On sort des espaces disciplinaires de la prison, mais pour mieux construire des murs et des barbelés dans les têtes.
Lorsqu’un.e militant.e, pour parler du cas de Florent, est frappé.e d’interdiction de territoire, pour quelques semaines, mois ou années, c’est toute sa vie qui est chamboulée. Pour rendre l’individu transparent au pouvoir, il faut le priver des liens grâce auxquels il trouvait sa valeur, le priver des ami.e.s avec lesquel.le.s il ou elle vivait. Pour neutraliser : isoler. Dans l’imaginaire capitaliste, l’individu bien adapté est atomisé et surtout mobile, détaché de tout ancrage pour pouvoir mieux se livrer au flux de la marchandise, de l’information, de la communication, du tourisme : tu es interdit.e de Meuse ? Ce n’est pas grave, va sur la côte d’Azur… Le personnel judiciaire ou administratif chargé d’ « accompagner » les interdit.e.s veille également à ce qu’il ou elle devienne un.e bon.ne travailleur-euse et un.e bon.ne consommateur‑rice.
Rappelons enfin que l’interdit.e ne l’est pas que du village ou de la zone restreinte où il militait, mais bien de tout un territoire, d’un département. Le message est clair : cet individu est présenté comme une menace pour toute la population, alors même que son « délit » était directement dirigé contre des institutions politiques ou économiques. Ainsi se construit le climat sécuritaire que nous connaissons : celui ou celle qui désobéit devient l’ « autre », qui fait peur et qu’on éloigne pour s’en protéger.
Refuser de suivre ce dispositif, comme le fait notre copain de Bure, c’est refuser de se retrouver seul.e, c’est refuser de devenir ce qu’ils voudraient que nous devenions tou.te.s. Et parce que ces gestes prennent d’autant mieux leur sens lorsqu’ils sont massifs, nous appelons tou.te.s les interdit.e.s de territoire à chercher du soutien pour initier à terme un mouvement collectif de refus.
Des chouettes hiboux libres et solidaires
Témoignage d’un camarade visé par la répression
Ces 3 prochains mois s’écouleront sur le rythme des audiences, dans les supplices de l’attente d’une sentence. Chaque mois, un nouveau wagon judiciaire s’accrochant au train-train quotidien de ma vie. Je n’écris plus tellement depuis le 7 avril 2015, depuis que les 7 agents de la DGSI sont venus à 6h du matin. Il y a eu perquisition, violation de mon intimité.
Sur une étagère, après avoir renversé tout son contenu sur le sol de ma chambre, ils ont trouvé une lettre de plusieurs pages, une lettre que j’avais écrite pour une personne qui m’était chère. Une lettre déclarant ma flamme mais éclairant aussi mes faiblesses, mes craintes, mes peines. Une lettre qu’ils ont précieusement gardée, une perle pour un fichier policier. Une lettre arrivée à mauvaise destination.
J’ai toujours aimé partager, décrire mes sentiments, les communiquer pour les confronter au monde, afin d’être compris et continuer à comprendre. Mais l’intérêt profond que l’on m’accorde n’est pas celui que j’avais imaginé. J’ai été compris par la police, par leurs dossiers d’enquêtes de plus de 1 400 pages (rien que pour l’affaire du premier procès). J’ai été humilié par les enquêteurs, lorsqu’ils m’ont dit en pleine garde à vue au sujet d’images prises depuis ma webcam « T’inquiète pas, c’est pas pour te voir tout nu sous ton duvet » en rigolant plusieurs secondes, laissant comprendre dans l’échange de leur regard complice qu’ils m’ont vu, alors que je pensais être seul avec moi-même à la découverte de mon corps.
J’ai été poussé à la trahison, lorsqu’ils ont menacé de mettre mon meilleur ami en garde à vue pour complicité d’attaque informatique parce qu’il apparaissait sur un rush d’un montage vidéo. Face aux pressions, je laisse un témoignage à charge sur un camarade qui sera arrêté 2 semaines plus tard à Nantes. J’ai même fini par dire n’importe quoi, ce qu’ils voulaient entendre. L’environnement est tellement oppressant que l’on s’y perd. Il ne faut rien dire, ne pas être acteur dans ce théâtre de la garde à vue et profiter de ce droit : « je n’ai rien à déclarer ».
Je ne peux décrire l’intensité de la lutte, ces moments où des frissons vous traversent le corps. Car le dire est préjudiciable, et devient dangereux pour moi ou pour d’autres. Parfois, j’ai l’impression de vivre le roman de George Orwell, 1984, lorsque le personnage principal cache ce qu’il écrit dans un mur, car cela est interdit.
J’apparais alors incompris face à celles et ceux qui ont croisé un jour mon chemin, l’incompréhension construit le fossé, érige un mur de préjugés. La famille et les ami.e.s moralisent, tentent de me remettre sur le droit chemin, mais le chemin n’est droit qu’en mon cœur, loin des mœurs de la société. Que celles et ceux qui veulent me comprendre me rencontrent par le dialogue et la discussion, il est facile de stigmatiser en parlant dans le dos.
Ne pas se trahir, ne pas les trahir, ne pas se laisser faire
Récit d’un procès pour tag
18 octobre 2016, premiers frottements avec la justice. 9h. Le ciel lourd de sens abrite sur la place prison église et tribunal. Le billet n’est pas cher, il est même gratuit pour rentrer dans le palais crème qui abritent ceux et celles qui décident de vos vies. Le petit escalier propret y mène sûrement. Des policiers l’encadrent et nous toisent, insipides grisailles du regard. Leurs postures rigides portent les ruines d’un monde, bien loin enfouies dans leur front plissé. Dans des moments comme celui-ci, cette familiarité des corpulences est toujours gênante : encore une fois nous nous sommes reconnu-es. Nous fréquentons toujours les mêmes endroits, mais pas pour les mêmes raisons. Aucun bonjour, les dents serrées. Il nous faut baisser la tête pour passer la haute porte du tribunal. Des mains distraites plongent dans nos sacs dans l’espoir d’y trouver quelques lames. On ne pleurera pas. Quelques gros marqueurs tout au plus. Un carnet de dessin dont les feuillets resteront collés. Un portique clignote rouge, nous aussi. Un œil amusé sur le portant de prospectus sur papier glacé : il est vide. En souvenir d’une foule en colère qui, sortant du tribunal, enragée du verdict, les envoyaient valser sur le sol froid des couloirs émoussés du pouvoir.
La salle est déjà comble, les oiseaux de mauvais augure sont de sortie, avec leur longue robe noire boursouflée aux épaules et leurs pantalons qui gondolent piteusement en grande pompe. Ça virevolte dans l’air vicié de la justice, pendant qu’au mur des prolétaires crèvent de faim sur une vieille croûte peinte par un illustre inconnu, sûrement un fidèle ami de magistrat à qui l’on n’osa rien refuser.
Les ami-es proches et lointains sont là, le sourire attentif. Les reports s’amoncellent sous le couperet des voix blafardes, un juge visqueux s’épanche sur son pupitre haut perché. Son menton tremble à chaque mouvement de bouche comme un dessert anglais, et ses dents papier de cigarette jauni écrasent sa purée de mots. A sa gauche, un homme boite de conserve à la pupille torve et métallique pointille ses haussements de sourcils inquisiteurs. A sa droite, un petit homme replet, blanc et repassé comme une chemise du dimanche, porte une grosse médaille dorée de vache primée au salon de l’agriculture. Ils sont de hauts, et donc disgracieux.
Le juge lève un œil vers nous à la réception du dossier. L’avocate nous clapote l’épaule pour que l’on s’avance à la barre. Il est juste là, devant, omnipotent et ridicule, et dans nos ventres craquent déjà le bois sec du feu qui n’attend que de prendre. L’idée est pourtant de ne pas s’emporter dans le vent d’étaler leurs vices, l’espace est trop étriqué et la ligne de départ faussée.
« Mademoiselle X ? C’est bien vous ? Daigne adresser l’un de nos maîtres de cérémonie l’air affaissé.
– Hmmm oui. Hochement de tête qui se veut haut vers les moulures auréolées de l’institution.
– Monsieur X. C’est vous ?
Sourcils noirs dressés en forêts orageuses.
– Oui.
– Rappel des faits. Vous êtes accusé-es d’avoir dégradé légèrement un bâtiment appartenant à l’Agence Nationale de déchets radioactifs, par ailleurs en très mauvais état. Vous êtes également accusé-es d’avoir refusé de donner vos empreintes ainsi que des photos pour alimenter les fichiers de police. » L’autre assène les questions habituelles pour évaluer le degré de marginalité dont nous sommes capables, testant également notre aisance à voguer sur les instants gênants de la confrontation entre l’institution écrasante et les individus diminués :
« Est-ce que vous travaillez ? Quelles sont vos ressources ? Vous avez des projets ?
– Je ne crois pas que ce soit le lieu et le contexte pour en discuter.
– J’occupe mon temps à une multitude d’activités et de projets non marchands. »
L’autre jubile, ironique :
« On aura tous noté que vous avez des projets passionnants et enrichissants ! Si je vous demande cela, c’est pour comprendre qui vous êtes. On appelle ça un principe de personnalisation de la peine, c’est un progrès ! la justice jauge votre intégration, quelle est votre personnalité, elle ne juge pas comme un robot ! »
Il poursuit, contrit de plaisir bien qu’asséché comme une crotte oubliée :
« Alors, qui tenait la bombe, qui tenait l’échelle, je n’sais pas !? vous teniez l’échelle mademoiselle ?
[TA GUEULE AVEC TES MADEMOISELLES malheureux magistrat masculin miso et vermoulu]
– Le travail était également partagé monsieur, ma vocation née n’est pas de tenir des échelles.
– Vous avez été interrompus, qu’est ce que vous vouliez mettre après « ANDRA » ?
– Le fait d’avoir été coupé-es dans notre élan nous a fait perdre l’inspiration.
– Ah oui, il ne faut jamais couper un artiste dans son inspiration..
– Bon, qu’est ce que vous pensez de tout ça ?
– C’est un peu vaste comme question.
– Qu’est ce que vous pensez de votre geste ?
– C’est un peu vexant que notre œuvre soit taxée de dégradation. Je ne vois pas comment nous aurions pu dégrader le bâtiment davantage que l’Andra, qui l’a acheté pour le détruire.
– Au sujet des empreintes, pourquoi vous avez refusé ?
– Je refuse d’apparaître dans un fichier de police. Je suis contre toute forme de stockage, que ce soit des déchets aux empreintes et photos.
– J’ai écrit un texte afin de vous répondre, cela fait quelques lignes.
– Quelques lignes ? Et bien allez-y !
_– Le fichier qui regroupe les empreintes digitales de toutes celles et ceux qui se frottent à l’encre indélébile de la répression se servirait du bout de mes doigts pour mesurer, quantifier, tracer, contrôler, suivre, punir, surveiller, enfermer, cloisonner, analyser. Mes mains sont façonnées pour construire, tourner des pages, coudre, sculpter, peindre, caresser, cueillir des fruits, cuisiner. Politiquement, je refuse d’alimenter un fichier qui dira de moi ce que le monde que je veux combattre veut dire de moi. Je refuse que les sillons de ma peau soient chargés d’une histoire que la prévention du crime m’aura inventée, composée mécaniquement des objets que j’effleurerai quelque part, assemblée par le fil rouge de ce que l’on suppose de moi par ma façon de vivre. Les gens qui me connaissent sur le bout des doigts sont mes ami-es, voilà pourquoi je n’ai pas donné mes empreintes aux gendarmes.
– Merci pour ce poème ! » marmonne enjoué le poisson-juge, se croyant capable de tout réduire en une poêlée de médiocres mots. La procureur enchaîne, juchée dans sa cage de bois, aride dans sa chair et dans sa bouche :
« S’il y a un principe important en France, c’est le droit de propriété. La liberté d’expression oui, mais encadrée et limitée. Imaginez monsieur le juge, que vous ayez une maison et que ces jeunes gens viennent taguer vos murs, vous seriez content ? Je me demande quel serait leur discours s’ils étaient victimes d’un crime grave requérant ADN. »
Les deux avocates finissent en guacamole fade. L’une susurrant à l’oreille du juge se voit prier de hausser le ton et pérore de ne pas être dans un théâtre : ah bon ? Elle pleurniche en virevoltant pour que l’Andra, grande prêtresse du harcèlement des locaux meusiens et de l’accaparement du sol, puisse récupérer quelques sesterces et sa dignité.
L’autre se courbe mollement sous l’effet de la courtoisie. Ses mots ne trépignent même pas sous sa langue, on sent l’ennui poindre et se refléter dans les mauvaises boiseries. Nous avions pourtant tout prévu, tout prémâché. Elle hachure quelques mots sur le fait que l’Andra tenta d’effacer seulement une partie de la fresque « Andra gare à toi, tout est à nous rien n’est à toi » et laissa le joli dessin, à croire que la sensibilité artistique de l’agence passait avant le droit français.
Le juge tourne mollement la tête dans un bruit de vide d’elles à nous :
« Vous savez ce que c’est des TIG ?
– Oui.
– Alors ? Demande t-il avec le mouvement du menton caractéristique de l’instituteur paternaliste qui ordonne la récitation à un enfant.
Je rappelle que c’est un substitut à l’emprisonnement. Il s’agit de travailler de manière non rémunérée dans des associations ou des collectivités pour réparer votre acte. Ce n’est pas le bagne non plus, la France a évolué depuis !
– …
– Alors, vous acceptez ? Je rappelle que c’est un substitut à l’emprisonnement ! Insiste l’homme étalé.
– Non. »
L’audience est levée. Les bras ballants restent ballants. Le papier de cigarette colle aux doigts. La fumée s’accroche aux cœurs. Retour au nœud du spectacle : les voix sont comme détachées des gorges, le velours rouge du fauteuil se dessine derrière le corps du juge ectoplasmique qui se prononce :
« Vous êtes condamnés à verser 400€ d’amende chacun avec sursis, 500€ à l’Andra pour couvrir les frais de justice, et 2 mois de prison avec sursis. »
Coup de marteau sans faucille.
Fin du spectacle.
[Procès] Attaque informatique, Rémi Fraisse -2nd procès
Compte rendu du procès pour un fait qui a déjà été jugé en novembre 2015. [3]
Ce lundi, je pensais venir pour 10 minutes, c’était finalement près de 4 heures d’audience. Une mauvaise surprise. J’ai eu l’impression d’être jugé comme si j’avais recommencé une attaque informatique. Le « non bis in idem » (ne pas être jugé 2 fois pour les mêmes faits) était pourtant évident, logique, implacable… mais les juges ont préféré aller au fond. Pendant une pause de l’audience, la procureure discute avec un agent de la DGSI en civil, ça sent la magouille. Je le reconnais, c’est l’un des agents qui était venu chez moi à 6h du matin. Le même qui avait également fait le déplacement pour mon premier procès en novembre 2015 et s’était éclipsé lorsque l’on a contesté la véracité de la description de la perquisition faite par la DGSI dans le rapport. Une fausse réalité bien comme il faut où tout se déroule parfaitement bien : « Après avoir frappé à la porte, celle-ci nous est ouverte par un individu de type européen d’une vingtaine d’années, se présentant spontanément comme étant Loïc » alors que ma porte était déjà ouverte, qu’ils sont rentrés pendant que je dormais encore, faisant sortir ma petite sœur (inexistante dans leur rapport) qui essayait de me réveiller et c’est plutôt la DGSI qui s’est présentée spontanément à mon lit. Décrivant avec zèle « La cuisine où subsistent des reliefs de repas » mais aucune note sur le malaise de mon père qui mobilisa pourtant un des 7 agents présents.
L’avocat de la préfecture de la police de Paris joue la carte de la confusion : « Le premier procès était sur l’#OpGPII, ici il s’agit de l’OpTestet, nous sommes sur 2 noms d’opérations différents ». Sauf que l’OpGPII (Opération contre les grands projets inutiles et imposés) regroupe de par son nom, pour chacun des projets, des dizaines d’opération distinctes :
- OpTestet à propos du barrage de Sivens
- OpBure contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure
- OpNDDL au sujet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Etc..
Or le premier procès a concerné à la fois #OpTestet avec le ministère de la défense et #Bure avec le site internet de l’ANDRA. D’ailleurs, dans le dossier d’enquête, la police elle-même apporte les éléments inspirant le « non bis in idem » : « Cette attaque DDOS s’inscrit dans un programme baptisé par les Anonymous « OpTestet » qui ne visait pas uniquement le site de la Préfecture de Police de Paris mais aussi celui de la justice, de la défense et de la diplomatie ainsi que de très nombreux autres sites internet ».
J’ai déjà été condamné pour le site internet du ministère de la défense, si je suis condamné une 2ème fois, c’est la porte ouverte à de très nombreux autres procès.
L’avocat de la préfecture continue de demander 4 000 € de dédommagement pour l’image.
Arguant le fait que le préjudice de cette attaque (de 18 min !) « est d’abord à l’encontre des citoyens ayant vu leur navigation ralentie »
Et lorsque l’on demande si il y a eu des plaintes vis-à-vis de ce ralentissement, il n’y a pas de réponse, aucun témoignage, si ce n’est ce regard froid, vide et silencieux.
Sachant qu’entre l’audience et les conclusions écrites, la justification des 4 000€ de préjudice d’images a changée. En effet, nous lisons dans les conclusions : « Il en est résulté un préjudice d’image en interne, les personnels de l’Etat ayant eu le sentiment de n’avoir pas su sécuriser la vitrine de l’institution préfectorale sur le net. En considération de ces atteintes graves à l’image... demandons une somme de 4000€. »
On passe d’une blessure de l’égo du personnel de la préfecture de police de Paris à la défense du pauvre citoyen victime d’injustice. Mains sur le cœur, on y croit.
J’ai exprimé l’hypothèse que c’est peut-être ma compile* des violences policières lors de la Cop21 qui a motivé ce nouveau procès. C’est vrai que 4 millions de vues sur une vidéo des violences policières, c’est pas joli pour l’image de la préfecture de police de Paris.
Aucune réaction suite à cette supposition.
S’ensuit l’absurdité de la justice, on me demande pourquoi j’ai fait cela, j’exprime mes idées, l’origine de la révolte avec ce projet inutile de 8 millions d’’€ d’argent public, la mort de Rémi Fraisse où l’affaire s’oriente vers un non-lieu, la destruction d’une zone humide et d’espèces protégées. Après 1h d’explications profondes sur les motifs d’indignation autour du projet du barrage de Sivens on me dit que si je suis ici c’est à cause d’un acte illégal, qu’ils ne sont pas ici pour juger de mes opinions ou motivations (on vient donc de me laisser parler pour rien ?). Je réponds que sans la motivation il n’y aurait pas l’acte, on ne peut pas les dissocier.
(pas dit) Suivant cette logique, je ne comprends pas pourquoi les responsables de cet "acte illégal" du projet du barrage de Sivens ne sont pas ici, devant la justice. Il y a quand même eu vol d’argent public, destruction d’une zone humide et meurtre d’une personne. Ah pardon, c’est vrai que 18 minutes de blocage sur un site internet c’est bien plus grave ! Et puis comme j’ai déjà été jugé pour les mêmes faits matériels d’attaques informatiques, autant me condamner à nouveau, c’est logique ! Pardonnez-moi ! Il n’y a pas d’absurdité dans la justice, tout va bien !
Je finis avec la lecture de mon poème « Ô Testet, résistez », écrit 1 mois avant la mort de Rémi Fraisse. Et enchaîne avec le fait que malgré la mort de Rémi Fraisse, la police continue à tuer et mutiler avec notamment Romain D. qui est resté 6 jours dans le coma suite à une explosion d’une grenade policière pendant une manifestation contre la loi travail, ainsi que la charge de la BAC à Nantes pendant la dernière manifestation contre le FN où il y a eu près de 14 grenades explosives qui ont été lancées sur un cortège sans respecter aucune réglementation (usage défensif seulement, ne pas lancer en cloche, la vidéo [...]).
La procureure demande 500€ d’amende
Ce qui fait que je risque au total 4 500€
Le juge accordera la relaxe. La procureure fera appel de cette décision.
Extraits des entretiens avec Jean Pierre
Cet entretien a été réalisé avec Jean-Pierre à un mois à peine de son procès :
Jean-Pierre est accusé d’avoir soutenu la première occupation du Bois Lejuc 1 (juin-juillet 2016) en mettant à disposition son tracteur et sa bétaillère, saisie à cette occasion. Ce premier épisode du désormais fameux « été d’urgence » avait permis de bloquer les premiers forages et donné une nouvelle impulsion à une lutte vieille de plusieurs décennies : nul doute qu’il laisse un goût amer dans la bouche des nucléocrates de tous poils, avides de faire payer l’affront…
A ce jour, le dossier pénal de Jean-Pierre n’est toujours pas parvenu à son avocat. Gageons qu’il n’est guère rempli. La mécanique judiciaire se met pourtant en place avec une froide détermination, peut-être davantage pour dissuader que pour punir. En sommant un agriculteur du coin de payer pour l’ensemble du mouvement anti-cigéo, les autorités espèrent dissuader les autres de suivre son exemple : nous répondrons à l’intimidation par une solidarité sans faille !
Dans l’entretien complet, Jean-Pierre revient sur son parcours personnel et son implication dans la lutte anti-nucléaire. Nous ne publions ici que des extraits concernant la répression judiciaire dont il a fait l’objet. [...]
Il y en a beaucoup comme toi qui s’engagent ?
Il y a des gens engagés. Mais autant c’est facile de s’afficher quand on est salarié ou retraité, autant quand on est paysan c’est une autre paire de manche. Nous on est sur le territoire : notre travail c’est la terre. Et à l’heure qu’il est notre outil de travail est menacé, en partie au moins, sur les 10km, par les acquisitions foncières faites pour réaliser ce fameux projet Cigéo. Donc quand on est paysan c’est plus compliqué de s’afficher. Dans le discours, de toi à moi, on peut être un certain nombre. Mais pour s’afficher clairement, sur le terrain, on est beaucoup moins, voire très peu, parce que les gens ont peur, parce qu’on est devenus dépendants de tout cet arrosage économique, et parce qu’il y a toute cette restructuration foncière... [...]
Et localement, en plus de ça, arrivent l’Andra et le nucléaire…
Sur le local, c’est clair que le tableau que je viens de dresser est encore amplifié par l’arrivée du projet. C’est déjà un coin où démographiquement on est très bas. En plus il y a 80 % ou 90 % des surfaces qui peuvent être labourées, donc qui vont basculer en grandes cultures : ce sont donc les éleveurs qui vont disparaître. Qui dit grandes cultures dit grandes surfaces, et dit désertification. Il y a des villages où il n’y aura plus d’exploitants. Il n’y aura pas un hectare en friche, mais il n’y aura plus d’exploitants résidant dans le village. C’est dramatique.
Toi tu n’es pas directement concerné ? L’ANDRA n’est pas venue te voir pour des terres ?
Pas directement. Mais indirectement. Je suis pas dans le périmètre où il y a le stockage, là où ils vont faire l’acquisition. Par contre je suis sur le périmètre où ils ont décidé de réhabiliter l’ancienne ligne de chemin de fer, une ancienne ligne désaffectée, pour d’une part acheminer les colis et d’autre part évacuer les verses lors du creusement des galeries... Cette ligne, elle passe derrière mon bâtiment, elle passe à Cirfontaines. Donc ils avaient besoin comme partout d’acquérir du foncier pour pouvoir continuer à recréer cette ligne ferroviaire qui va arriver juste derrière le labo.
Évidemment comme partout ils ont engagé les acquisitions. Je dis « comme partout » parce qu’autant à Cirfontaines qu’ailleurs, ils ont établi des conventions avec les Safer Champagne-Ardennes et Lorraine, pour être prioritaires dans les acquisitions. Cigéo est un projet public, donc au niveau des Safer ça a été prioritaire. Je rappelle que les Safer normalement c’est géré par les agriculteurs et pour les agriculteurs, mais en ce moment, depuis un certain nombre d’années ça n’est plus pour les agriculteurs. Tout mouvement de terre y passe... Les notaires sont obligés d’informer la Safer, et à partir du moment où c’est sur le bureau de la Safer, systématiquement, l’Andra est au courant des dossiers et met la main dessus pour acquérir tout ce qui bouge. Tout ce qui bouge. Y compris les forêts. Ils acquièrent pas forcément ce qu’ils ont besoin : ils acquièrent tout ce qui bouge. Ensuite, par un jeu d’échanges, de substitutions et de rétrocessions, ils vont voir les gens où ils sont intéressés et ils arrivent à se replacer où ils ont envie.C’est ce qu’ils ont fait à Cirfontaines pour le tracé de la ligne de chemin de fer. Ils sont venus avec leurs plans, ils ont dit : « on a besoin de ça, ça et ça ». Après il n’y a pas eu d’expropriation au sens complet du terme, parce qu’ils avaient une réserve foncière en face et qu’on a été compensés : pour un hectare laissé, on a eu la compensation. Ils ont réussi à rassembler tout un volume foncier, et ils continuent d’acquérir. [...]
Quelles conséquences ça a eu sur toi et ton exploitation ? Comment tu vois l’avenir, pour toi personnellement, mais collectivement aussi ?
Pour parler de moi... Ils ont acquis une ferme de mon voisin, sur la commune : une grosse centaine d’hectares avec toutes les infrastructures. Ça leur convenait pas forcément, donc je savais bien que tôt ou tard il fallait qu’ils se tournent vers moi pour restructurer, et pour qu’ils puissent faire quelque chose de leurs terres. Peu de temps après, je me suis trouvé avec la moitié de ma ferme en vente, avec rien à négocier, juste 60 jours pour réagir, et le chèque à donner au bout des 60 jours sinon c’est fini. Et puis bon... moi j’ai réussi à préempter, c’est pas facile, ça met un certain temps. C’est ce qui me permet un peu aujourd’hui de pouvoir m’afficher et de causer plus librement. Tous les exploitants ne sont pas propriétaires de leur terre. Ils en ont une partie en propriété, et une partie en location. Ça veut dire que tout agriculteur qui a des terres en location, du jour au lendemain, son propriétaire peut vendre. [...]
On va peut-être passer à ton engagement un peu plus poussé, si tu as envie d’en parler. Tu disais qu’il y avait quelques luttes dans les années 90. Ensuite ça a évolué comment au début des années 2000 ? [...]
La lutte a repris et s’est intensifiée sur le terrain, notamment depuis qu’on passe concrètement au projet dans le Bois Lejuc. Le bois ne relève pas juste du labo : c’est clair que le Bois Lejuc c’est le début de Cigéo, qui n’est pas autorisé. D’où la réaction. Il n’y a pas besoin de chercher plus loin, pour moi c’est clair : il n’y avait pas de question à se poser.
Donc tout de suite tu t’es dit : « j’y vais » ?
Oui en juin 2016, après les « 200 000 pas » quand il y a eu la première occupation du bois. C’était symbolique et les gens qui connaissent un tant soit peu le dossier ont tout de suite compris que c’était Cigéo qui se mettait en route. Donc il fallait réagir, d’où mon soutien : j’ai accompagné la lutte et l’occupation du bois avec mon tracteur et ma bétaillère, pour le côté logistique. […]
Et compte tenu des moyens qui étaient déployés dans la plaine comme dans le bois pour vraiment ratisser et expulser tout le monde, elle a été rapprochée, entourée de GM et elle a été saisie par les autorités et emmenée en fourrière.
Donc c’était il y a presque un an et tu ne l’as toujours pas revue ?
Oui. Depuis j’ai fait quelques pages d’écriture. On m’a notifié officiellement qu’elle était bien saisie. Après j’ai fait une relance pour demander la libération, sachant que ça fait partie de mon outil de travail et que j’en ai besoin. Un mois ou deux ça va, mais un an c’est quand même un peu lourd ! Depuis c’était le silence radio, j’ai pas eu de nouvelles du tout... Et récemment, depuis un mois, je suis convoqué le 2 mai au tribunal correctionnel de Bar-le-Duc.
Et qu’est-ce qu’ils te reprochent ?
Ce qu’on me reproche, je l’ai pas appris par cœur. Il y en a quatre lignes, avec les articles du code civil et ce que je risque en terme de condamnation. En fait c’est le soutien à l’occupation du bois. J’ai toujours pas récupéré mon dossier pénal donc j’ai pas le détail de ce qu’il y a dedans, mais je me suis expliqué clairement par rapport à ce que j’avais fait. De toute façon, compte tenu des moyens qu’ils ont au niveau hélicoptère, filtrage, contrôle d’identité, ils savent forcément en détails ce qui a été fait. Par rapport à ça je suis serein, mais j’attends de savoir à quelle sauce je vais être mangé au tribunal. [...]
Et ça te fait pas reculer ?
Non j’assume. Quand je parle aux uns et aux autres je ne cache pas. Quand j’ai parlé aux médias je me suis pas caché, j’ai tenu le même langage par rapport aux auditions que j’ai pu avoir. Après, ils jugeront. Il est clair que c’est une façon de me museler, et d’éviter que je parle trop sur le sujet. Ils voudraient bien que je rentre chez moi et que je reste tranquille. Ça va être un peu la carotte : je récupère mon outil mais en échange je reste tranquille.
Ils ont peur que d’autres agriculteurs s’en inspirent ? Que ça fasse tache d’huile ?
Oui. Et c’est clair que les outils motorisés ça donne quand même des ailes en terme d’action. Quand on voit ce que eux ont mis en place, évidemment, si nous on est unis, qu’on y va et qu’on met des moyens moteurs en face d’eux, on peut lutter. C’est clair. C’est un peu leur crainte.
Ça n’entame pas ta détermination ?
Au niveau idéologique, par rapport à ce que j’ai dit précédemment, il y a trop de choses. C’est trop fondé, ça date depuis trop longtemps : mes positions sont établies. Pour le volet foncier, j’ai lourdement payé quand même. C’est pour ça que j’irai presque jusqu’à dire que j’ai plus rien à perdre d’autre que ma peau. Et ma peau elle vaut pas cher ! Donc voilà : si eux ne changent pas sur les formes, leur attitude sur le terrain etc, il y a fort à penser qu’on continue à lutter.
Est-ce que tu veux parler de ton audition pour les pneus ? [4]
C’est accessoire mais on peut en dire deux mots. La Safer a déposé une main courante par rapport aux événements du 13 novembre avec Reclaim The Fields. Donc j’ai été auditionné par rapport à la barricade qui avait été implantée et qui n’avait rien d’agressif ni de dangereux. J’ai compris que c’était surtout pour un problème d’image : ils veulent tout faire dans l’ombre, taire un maximum de choses. Et en plus je pouvais leur servir d’interlocuteur par rapport aux opposants. Mais c’était encore une façon de me dire de retourner à la maison !
…
Délibéré : deux mois de prison avec sursis, s’il fait appel, cela signifierait qu’il ne récupère pas son tracteur et sa bétaillère jusqu’au procès (pression)
Témoignages des perquisitions du 20/09/17
F., habitant-e de la Maison de Résistance depuis plus d’un an
Une opération comme ça, ça te laisse très peu de temps pour agir, c’est impressionnant, d’un coup tu te réveilles, tu te retrouves dans l’urgence, t’es dans la mezzanine, dans le dortoir, chez toi, et tu te retrouves au milieu de keufs. Tu te rends compte que t’es la seule personne à pouvoir intervenir légalement, en tant que membre de la collégiale de l’asso. C’est dur de réussir à verbaliser et imposer les choses aux flics. J’ai demandé plusieurs fois « comment ça se passe ? Est-ce que c’est une perquisition ? ». C’est resté lettre morte.
La première chose qu’ils ont fait c’est de prendre le contrôle de toute la maison. Ils ont forcé la porte de l’atelier, la porte de grange, la porte de la cuisine. Ça s’est passé très rapidement, en 10 minutes c’était bouclé, toutes les pièces étaient remplies. [...]
Une fois que j’ai pu dire que j’étais membre de la collégiale de l’association Bure Zone Libre, j’ai pu circuler avec eux. J’ai vu où étaient les copain-e-s, certain-e-s allaient bien, d’autres partaient en contrôle d’identité, certain-e-s dans leur lit à invectiver les flics.
Tu te sens complètement dépossédé dans un lieu dans lequel tu vis depuis un an. Tu dois rester stoïque, alors qu’à des moments t’as juste envie de choper un truc pour leur faire du mal. T’as l’impession qu’ils sont en train de dépiauter tout ce que tu as construit.
Tu les vois fouiller, regarder partout… À un moment de flottement j’ai pu jouer de la guitare, des mélodies de résistance… Tu te sens très seul pendant la journée, c’est surtout ça : une sensation de solitude. [...]
On devait signer les étiquettes pour les scellés, j’ai imposé le fait que tant que tout ne serait pas écrit précisément sur les étiquettes je ne signerais pas. Ça m’a donné un peu de force devant tout leur manège à démonter ton lieu de vie. […] Et puis j’ai craqué quand ils sont partis. J’ai tellement tenu pendant, tellement de pression, une fois que c’est redescendu, qu’ils sont repartis, tu constates tranquillement l’ampleur des dégâts.
M., habitant-e de la Maison de Résistance depuis un an
Je n’étais pas là quand ils ont débarqué. On est arrivés sur place à 6h45 avec des potes. Je me suis senti touchée dans mon cœur. Quand j’ai vu que je pouvais pas rentrer, et contacter les gens que j’aimais à l’intérieur, j’ai pété un câble, je pouvais plus m’arrêter, j’ai eu peur de me taper un outrage. Tu cries, tu reconnais même plus ta voix. Y avait un keuf qui me regardait et me filmait, qui se foutait de ma gueule… j’avais envie de tout péter.
Je pouvais pas m’empêcher d’imaginer des scènes hyper violentes, des scènes de film. Des flics qui débarquent à l’aube alors que les gens dorment encore, simplement ça, c’est tellement violent. Et les flics en train de grouiller dans les pièces si familières de cette maison. J’avais besoin d’être à l’intérieur avec les autres, alors que ça servait pas à grand chose. Je voulais juste sentir leur chaleur.
Et puis j’ai fini par rentrer dans BZL, voir ces lieux que j’avais imaginés saccagés. Ils l’étaient, mais on était ensemble pour réparer. Les carreaux de la porte de la cuisine avaient été cassés, il y avait des bouts de verre partout. Tout a été retourné partout… c’est un peu comme dans les films, mais c’est ici, là où tu vis.
Toute la journée plein de gens ont été séparé-e-s les un-e-s des autres, isolé-e-s et enfermé-e-s à l’intérieur de leur propre maison. Tu te sens impuissant-e, et ta colère s’accumule… C’était tellement fort de se retrouver après. J’ai gueulé à des flics quand ils sont partis : « Votre répression elle marche pas, on s’aime encore plus maintenant. On vous hait à la mesure qu’on s’aime les un-e-s les autres, qu’on est encore plus fort-e-s. C’est contre-productif votre merde ! »
L., habitante d’un appart à Mandres depuis quelques mois.
On m’appelle en stress en me disant « y’a une perquiz à BZL », je me lève et réveille un pote en lui disant la nouvelle. Je retourne à la fenêtre de la chambre, et là je vois une file de mecs casqués. Une trentaine environ. Genre avec les casques comme en manif, tournés vers notre porte. « Ça c’est pour nous » je me dis. Je reviens et j’lui dis « ça arrive ». J’éteins la lumière de la chambre.
On entend vite fait un cliquetis dans la chambre, on est pas sûrs, on se dit « ils sont là ou pas ? ». Et d’un coup : un bruit précipité dans les escaliers et une voix qui hurle, une fois dedans, « Gendarmerie nationale, perquisition en cours, ne bougez pas ! ». Ils avaient traversé le salon en silence et grosse pression après.
Ils avançaient dans l’escalier avec leur flingue, en mode film : « ne bougez pas, ne bougez pas ! » Une fois qu’ils étaient en haut ils nous ont entourés et ont dit « Dans la chambre !! Ne bougez pas !! ». Je leur gueule : « qu’est ce que vous foutez là, vous avez un papier ? Vous avez pas le droit !! ». Ils n’en ont rien à foutre.
Je pense que c’est le PSIG qui a fait l’intervention du début, et après c’est des gars en civil qui sont venus prendre nos identités. Toujours entourés de 5 robocops chacun. Je redemande le papier et ils disent « plus tard, ça arrive ! ». Je redemande les papiers à l’OPJ. Je cherche ma pièce d’identité partout dans la chambre… parce que je suis bordélique. Je finis par donner ma carte de train, de toute façon ils connaissent parfaitement votre identité.
Quand l’OPJ la reçoit il me dit « ah c’est vous ****** ! ». Il finit par me filer la commission rogatoire. L’accusation c’est : « Association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un ou plusieurs délits punis d’une peine supérieure à 10 ans, dégradation volontaire d’un bien, par moyen incendiaire. » Quelque chose comme ça. Mais sur ce papier il n’y a pas d’adresses, de nom : rien ne justifie qu’ils doivent être ici.
Ils ont d’abord ratissé tout le haut de l’appart’. T’as les OPJ qui font un tri, qui mettent de côté dès que ça a l’air intéressant pour eux. Par exemple, dans la chambre, des papiers, des bouts de papier avec des numéros de téléphone dessus, des comptes-rendus de réunions, des dizaines de carnets, des clés USB, des cartes SIM, ordinateurs, téléphones. J’ai plus rien, ça sert plus à rien d’essayer de me contacter ! Ils s’amusent aussi à feuilleter toutes les BDs, regarder sous le lit, sous le matelas, derrière les meubles. Dès qu’ils mettaient un truc de côté t’as une femme – la seule de l’équipe d’ailleurs – qui consignait dans un carnet ce que c’était. [...]
J’avais désossé mon téléphone, enlevé la carte SIM, mais j’ai fait la connerie de le laisser sur le lit. Le chargé du matos informatique des flics, un certain Stéphane, tenait absolument à me montrer les prouesses de son nouveau joujou « Soit je récupère toutes les données maintenant et je te le rends après, soit je te l’embarque et tu le reverras pas avant plusieurs mois. » Il était tout guilleret. Il a été cherché son matos pendant 3/4 d’heure. Avant de se rendre compte que ça marchait pas. Puis il a mis le téléphone sous scellé.
Il a vérifié tous les CD-ROM sur lesquels il n’y avait rien de marqué. À un moment, il voit un CD d’installation de Debian et crie : « ah c’est génial ça, on peut complètement s’anonymiser avec, on retrouve rien dessus ». Et il explique à son collègue, hyper enthousiaste, comment il utilise ça lui aussi.
À un moment donné il tombe sur un sac d’une dizaine de clés USB. « Wouah ! ». Du coup il va chercher son tout nouveau matos spécial police, payé par le contribuable et tout et tout. Et il a littéralement passé une demie-heure à chercher le bon câble le plus basique pour une clé USB. Du coup toutes ses tentatives de me vanter la prouesse informatique de la police étaient plutôt édifiantes. Ça a duré 5h, pour un appart d’environ 50 m². 8h pour la Maison de résistance, qui est au moins 8 fois plus grande. [...]
Le truc un peu fou c’est qu’ils avaient un double des clés. Ce que je crains le plus, maintenant, c’est qu’on soit mis sous écoute. Je serais pas tranquille dans cet appart tant que je serais pas sûre de ne pas l’être. S’ils ont les clés, ils sont venus n’importe quand.
P., habitant du Bois Lejuc
« Moi j’étais dans le grand chêne toute la journée, j’ai dormi, et j’ai pu lire mes livres. C’était, pour une fois, le privilège de la forêt !! »
Brèves de 2016 en france :
Le TAJ - Traitements d’antécédents judiciaires : 15,6 millions de personnes mises en cause fichées dedans
Le FAED - Fichier automatisé des empreintes digitales : 5,1 millions de personnes (fois 2 en 10 ans)
Le FNAEG - Fichier national automatisé des empreintes génétiques : 3,4 millions de personnes (tous les ans 500 000 personnes en plus).
FPR : Fichier des personnes recherchées : 400 000 personnes en 2010 (quasiment fois 2 en 5 ans)
La seule chose qui peut nous rassurer c’est le fort taux d’erreurs contenus dans leur fichier. Ne les aidons pas.
Prise de parole publique de Robin, victime le 15/08/17 des armes de la police (extrait)
[…] Si nous sommes là aujourd’hui ce n’est pas pour parler que de mon cas. La plupart du temps, les souffrances dues aux violences policières restent dans l’ombre. Des fois par peur d’une répression plus forte encore, d’autres fois par un silence scandaleux des médias.
Les affaires les plus étouffées sont celles qui touchent les quartiers populaires, quand par exemple Adama Traoré est tué par les gendarmes le 19 juillet 2016 et qu’aux différents JT des jours suivants on ne n’en entend pas un mot. Et quand les marches et les émeutes se multiplient, on salit la mémoire de la victime et on nie l’évidence du crime policier.
C’est tout de même ce qui arrive aussi dans mon histoire : les médias titrent « Manifestation à Bure : des blessés des deux cotés » et la préfecture communique « Rien ne prouve que c’est avec une arme des gendarmes qu’il a été blessé ». Comment peut-on être aussi hypocrite, aussi menteur ? Comment peut-on nier l’asymétrie du combat entre ceux qui se lèvent pour un monde meilleur et les robots que l’on envoie pour les mater ? Comme pour Rémi Fraisse, une pensée au passage à sa famille… les gendarmes n’avaient rien à protéger le 15 août. Nous étions dans un champ vide. Le laboratoire de l’Andra était à 5 km. Mais ils ont préféré nous tirer dessus plutôt que de nous laisser manifester. Le gang policier apparaît ici avec sa fierté.
L’asymétrie du combat est double, d’un côté la police utilise des armes d’une violence incomparable à celle des manifestants. De l’autre côté, les sentences qui tombent en cas de violences sont elles aussi d’une inégalité folle. Quand des Rennais subissent perquisitions et arrestations et prennent jusqu’à 17 mois de prison ferme pour un policier qui a 1 jour d’ITT, on ne peut que constater que la justice est à 2 vitesses, car ma plainte n’aboutira comme d’habitude qu’à un non-lieu ou à une condamnation dérisoire malgré mes 365 jours d’ITT.
La même impunité policière a déjà eu lieu avec tant de tués. Rémi Fraisse : non-lieu ; Adama Traoré : pas de poursuite. Et après des années de combats judiciaires, Amal Bentounsi n’obtint pour son frère tué par balle dans le dos qu’une condamnation avec sursis pour le policier ! Face à un système judiciaire si verrouillé, je continue de penser que le vrai combat se situe dans la rue, dans les territoires en lutte, dans la vie, tous les jours.
Par la répression ils veulent nous asseoir mais la vie réclame ses droits et réclame que nous nous levions. Alors oui j’appelle tout le monde à rejoindre le mouvement de la ZAD contre l’Aéroport de NDDL, de Bure contre cette immense merde nucléaire insensée qu’ils veulent construire à 500 mètres de profondeur, du Quartier des Lentillères à Dijon, cette friche en lutte contre le bétonnage où la vie reprend tout son sens.
J’appelle tout le monde à se rendre dans la rue mardi et à toutes les manifestations qui suivront pour mettre en échec le gouvernement dans sa tentative d’accentuer encore le désastre. J’appelle tout le monde à conjurer la paralysie et la peur qui les empêchent de se lever et à les combattre à chaque instant pour que vienne un temps dont on s’éprenne.
Ils nous paraissent grand car nous sommes à genoux, levons-nous !
Brève :
Forte hausse de l’usage des armes à feu chez les flics en 2017 Publié le 29 juin 2018. Ce n’est une surprise pour personne. Tout le monde avait capté que l’année 2017, depuis la loi sur la "présomption de légitime défense" avait été meurtrière. La très révolutionnaire IGPN (la police des polices comme disent les médias) a dénombré près de 394 usages d’armes à feu. Soit une augmentation de 54% de 2016 à 2017.
Récit d’un mois sous présence policière
Il s’agit par la suite de quelques relevés qui nous sont parvenus de février 2018 sur les contrôles policiers, 1 mois parmi d’autres. GM, PSIG sont des types d’unité des flics. La jeep, le duster, les fourgons sont des types de véhicules de flics. Vigie Nord, Barricade Nord, Vigie Sud, Sud-est sont tout un tas de lieu de la forêt encore occupé par des opposant.es à Cigéo. La Gare, la maison de la résistance sont des propriétés privées collectives d’opposant.es à Cigeo. Les autres noms sont pour la plupart des villages ou routes cités dans un kilométrage de 8 km autour de Bure. Les contrôles sont souvent des moments d’humiliation, harcèlement et de démonstration de force (mitraillette et divers armes, caméra allumée, palpations insistantes, mots doux ou sous entendus, menaces « quand on se croisera plus loin tu verras », mégenrement, sifflement de personnes assignées hommes en robe,...) .
En plus de ce recensement, chaque lieu étiqueté « opposant » voit passer quotidiennement de toutes les 20 minutes à toutes les 2 heures en moyenne une fourgonnette de gendarmes.
Février 2018
- 31 janvier : Menaces sexistes et homophobes des flics au mégaphone devant vigie sud ainsi que des saluts nazis.
-1er février : Grosse pression sur Vigie Sud, 2 camions de GM qui ont sorti les flashball.
-1er février 17h : Copaine au volant du camion collectif qui croise la jeep au carrefour de Mandres pour aller à Bure, la jeep ralentit et fait demi-tour pour prendre en chasse le camion qu’elle suivra jusqu’à Houdelaincourt et le fait stopper. Prétexte : le feu stop ne marche pas. Vérification des papiers du véhicule et de l’identité de la personne au volant. Sont repartis au bout de 15 minutes.
-2 février 8h45 : "Coup de pression" sur Vigie Sud : 3 véhicules gendarmerie, 5 flics en civil équipé matraque telesco, tazer, flashball, devant l’entrée pour filmer l’intérieur.
-2 février 9h15 : Flics en civil devant Barricade Nord pour filmer
-2 février 17h : A Mandres 2 gendarmes en civil sont passés sur un lieu pour faire signer à nouveau un papier.
-2 février : 3 policiers marchent vers vigie sud avec matraque, taser, flashball pour inviter les occupant.e.s à se battre.
-3 février vers 16h : Contrôle (avec réquisition de 16 à 20h) à Vigie Nord.
-3 février : Visite d’une voiture de flic vers Sud à 5h, phares allumés. Une voiture de gendarmes à sud aussi vers 11h30, deux gendarmes dedans. Échanges verbaux avec les copaines. L’avion de l’andra a tourné en forêt plutôt bas, vers nord surtout.
-3 février : Deux flics sont venus se balader dans le potager de la Gare.
-4 février : Venue permanente de policiers près des lieux de la forêt, jusque dans la cuisine de Sud-Est ! Provocations, insultes, etc...
-4 février : Banderole "du testet à Caulier" arrachée par les flics à Vigie Sud dans la nuit
-4 février autour de 16h : Le duster avec une gazeuse sortie s’est stoppé au niveau de la 1ere barricade de Vigie Sud en provocation, puis une sorte de berline de gendarmerie s’en rapproche, puis les 2 véhicules repartent.
-4 février 11h : Visite du duster + jeep à Barricade Nord (8 flics), y sortent à pied, avancent, et restent jusqu’à ce que les copaines avancent. Le duster est repassé dans l’aprèm.
-5 février : Visite de flics à vigie sud, au niveau du grillage d’entrée, ils sont restés silencieux durant 5-10 min puis repartis (les flics étaient 5 apparemment).
-5 février 11h03 : Duster+fourgonnette dont 4 flics dehors, le reste dedans. Sont repartis assez vite après quelques phrases de provoc de leur part.
-6 février : Les flics contrôlent à l’entrée et à la sortie de bonnet, jusqu’à 16h45
-6 février 16h : Contrôle de gendarmes à Houdelaincourt. Arrêt de deux copaines au volant de la voiture, contrôle des papiers du véhicule, ils avaient une réquisition sur Houdelaincourt, Tourailles et Cirfontaines pour fouiller les coffres. Ils n’ont rien trouvé. La copaine a eu droit à une palpation par une gendarme : illes ont repéré qu’il y avait pas mal de filles dans la lutte donc illes prévoient des filles parmi leurs troupes pour pouvoir les fouiller .
-6 février 20h : Des (probables) policiers à pied sur le Chaufour, dans les champs, près de la forêt. Plus tard la jeep contourne la barricade et fait des tours dans le champ d’un paysan ami, devant Vigie Sud.
-6 février 22h30 : La jeep est passée, contournant la barricade du bas du Chaufour, en faisant des tours dans les champs d’un paysan ami entre la voie romaine et le carrefour de feu l’antenne.
-6 février 23h : 4 ou 5 lumières non copaines ont été aperçues dans les champs entre le bois du chaufour et le bois Lejuc.
-7 février 0h15 : 2 lampes torches ont été aperçues sur le chemin entre Sud-Est et le pont de l’Ormançon. Commentaire : beaucoup de passages durant toute la nuit du 6 au 7 février entre Sud et Sud-est
-7 février 14h45 : Contrôles d’identité en bas du chaufour.
-7 février 16h : Passage de l’hélico de gendarmerie autour de la maison à bure puis en rase-motte/stationnaire autour des 3 gros lieux en forêt. L’hélico est aussi passé à la gare. Et à Mandres
-7 février 21h45 : Copaine qui se fait contrôler en partant de la maison entre Bure et Mandres. A été dépassé par le duster en trombe et a eu droit à une fouille.
-7 février vers 22h30 : En arrivant à Mandres le duster passe au carrefour de la rue de la vinelle devant des copaines. Il s’arrête au "cédez le passage", fait demi-tour et passe devant la voiture, s’arrête à nouveau et refait demi-tour. Les copaines ont juste le temps de sortir en vitesse de la voiture et se réfugier dans une habitation. Les flics attendent un peu devant l’habitation et finissent par partir.
-9 février : Les Gendarmes Mobiles viennent avec leur 4X4 sur le chemin menant aux affouages dans le bois de la Caisse. Ils ralentissent devant les deux véhicules de copaines qui sont en train de couper du bois, font demi-tour et s’en vont... C’est leur deuxième passage sur ce chemin aujourd’hui.
-10 février 20h : Les trois gendarmes d’une jeep restent dix minutes devant Vigie sud, à pied avec la maglight (gros spot lumineux) puis ils s’arrêtent devant la Maison et embêtent les gens pendant cinq minutes, se plaignant qu’on leur ait dit de dégager.
-11 février 9h : Des flics seraient passés devant Barricade Nord en continuant la long de la voie romaine direction Vigie Sud. Sont passés devant la cabane des assoc’, puis repartis dans les champs, les copaines de Nord ayant perdu leur trace ?
-11 février 23h45 : Le duster avec 3 PSIG a roulé sur une partie du parking de la Maison de résistance en demandant les papiers d’un camion qui venait de se garer dessus, s’en suit une longue "discussion" tendue face a elleux pour leur dire de partir, ce qu’ils font, très lentement.
-12 février 10h45 : Contrôles routiers à la sortie de Mandres direction Bonnet.
-12 février 15h : Contrôle à Houdelaincourt , réquisition de 15h à 17h30 sur Houdelaincourt, Gondrecourt et Montiers, suite à un "renforcement des barricades au Bois Lejuc". 2 personnes emmenées à Gondrecourt pour vérification d’identité, libérées au bout d’une demi heure.
-13 février 18h10 : Contrôle routier entre Ribeaucourt et Bonnet avec 7 PSIG répartis dans 2 véhicules. Amendes qui seront réglées par les personnes concernées.
-14 février 23h40 : Le duster est arrêté devant la maison ; 2 flics à l’avant, aucune idée de combien à l’arrière ; ils regardent les gens qui sortent ; un des quatre copaines présent.e.s leur fait comprendre qu’ils devraient se casser et les filme ; ils font le tour du monument au mort puis se posent à côté des voitures garées pour regarder les copaines qui rejoignent la voiture garée devant une entrée de la maison de résistance. Un copain les filme, ils se cassent vers le rond point direction Biencourt ; une voiture part direction Mandres ; ils reviennent et la collent au cul jusqu’au village avant de bifurquer vers la droite à l’entrée.
-15 février 9h : 7 fourgons de GM sont aperçus vers Joinville direction Bure/Mandres. En début de soirée 9 fourgons de GM sont vus dans la même direction.
-17 février : 4 camions militaires bâchés croisés du côté de Bure : les essieux sont hauts, ça passe partout ces bestiaux là.
-19 février vers 14 h : On a aperçu les 4 camions militaires bâchés garés dans l’enceinte du labo...
-Depuis le 20 février 9h : travaux du carrefour de feu l’antenne à Sud-Est avec 1 pelleteuse, un fourgon de chantier et un fourgon de gendarmerie présent à côté, au milieu du carrefour. Cependant les flics se déplacent d’eux-mêmes sans rien demander lorsqu’on leur demande de partir.
-23 février, vers 11h : deux groupes de deux personnes marchent vers le chaufour, quelques mètres les séparent. Le deuxième groupe se fait arrêter par deux gendarmes ; l’un d’entre elleux appellent leur collègues postés à quelques mètres plus loin pour qu’ielles arrêtent le premier groupe. Ils veulent vérifier l’identité du deuxième groupe : ielles ont le choix entre donner un papier d’identité, leurs noms, ou se faire prendre en photo.
Les flics sont des mange merdes [procès]
Début de l’audience :
Juge : Votre avocat souhaite soulever des nullités.
Avocat : Trois actes nous paraissent en relever. Je rappelle dans un premier temps l’article préliminaire du Code de Procédure Pénal : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties » [...]
Vous avez constaté dans ce dossier que MS a fait l’objet d’une garde à vue qui s’est déroulée dans des conditions très particulières puisqu’une trentaine de gendarmes sont venus à son domicile à 7h du matin. La disproportion de ces mesures ont conduit à ce que MS n’ait pas d’avocat le jour de sa garde à vue. [...]
Vous avez donc des mesures de contrainte qui sont inadaptées, disproportionnées, et qui portent atteinte à la dignité de MS. Et puis vous avez dans le dossier cette phrase qui dit que c’est l’auteur des faits. Or, c’est à vous d’en juger. Cette pièce n’a pas lieu d’être dans les documents. Cela démontre une fois de plus la partialité de l’enquête et de M. le procureur. L’impartialité me semble totalement absente dans ce dossier. Et j’ajouterai également un point important : MS connaît très bien le commandant Dubois, comme moi, comme beaucoup.
Il ne s’agit pas d’une personne qu’il aurait découverte lors d’une fête. Il le connaît car c’est un agriculteur, et lors des interventions, régulièrement, ses champs sont dégradés par les forces de l’ordre. Je vous laisse des photos en preuves. Vous pouvez voir, par exemple, des bulldozers qui passent dessus, des routes qui sont tracées par les gendarmes dans les blés, etc.[...]
Procureur : Pouvez-vous développer le terme de « partialité » ? C’est ce qu’on me reproche. Là, on manipule des mots gigantesques. […]
Avocat : […] On parle ici d’un habitant de Bure qui connaît des difficultés au niveau de son exploitation, à la suite du décès de son père en 2010. Il est né avec le projet (d’enfouissement des déchets nucléaires). Ça fait 20 ans qu’il entend les problèmes monter pour tous les paysans. C’est une personne fragilisée, qui souhaite défendre son gagne-pain, c’est-à-dire ses terres. Et vous avez en face l’état nucléaire. Les forces de l’ordre, qui représentent l’État, descendent du laboratoire de l’Andra pour venir, le 14 juillet, soi-disant rétablir l’ordre, alors qu’en réalité, c’est l’inverse. Et l’an dernier, elles ont protégé le défrichement illégal du bois Lejuc et la construction du mur. Nous avons déposé un certain nombre de plaintes qui ont été classées sans suite. Je pourrais aussi parler des plaintes des victimes contre les agents de l’Andra qui ont tapé sur ces militants avec des manches de pioche, classées sans suite, sans le début d’une enquête, même pas une audition, du directeur de l’Andra par exemple, qui aurait pu justifier les actes de ses agents.
Juge : C’est un débat qui est extérieur à ce dossier, mais qui le colore. M. le procureur, avez-vous des choses à ajouter sur le cœur du dossier ?
Procureur : C’est la première fois depuis que je viens à ces audiences qu’il me met en cause, lui qui appartient à un courant dont il se fait parfois le porte-parole. Je ne veux pas emmener votre tribunal dans les turbulences d’une histoire particulière, qui, à chaque fois, est refaite. Mais la partialité qu’il me reproche, je crains de devoir en faire profiter la juridiction de Bar-Le-Duc. Le fait est que ce n’est pas toujours le même procureur qui prend les mêmes décisions. Et puis cette accusation de partialité, aussi nébuleuse que générale, pourrait signifier aussi que le tribunal est complice [dans l’assistance des mains s’agitent en signe d’approbation]. […]
MS : Je tiens à garder le silence. Et si vous le permettez, je souhaitais vous remettre des documents (brochure Bure Stop sur Cigeo et livre L’opposition citoyenne au projet Cigeo) [...]
Juge : MS, je vais vous poser des questions. À vous de garder le silence ou d’y répondre. On a trois victimes, qui ont formulé une demande de constitution de partie civile. Sur les faits : le 14 juillet, jour de la fête nationale, l’intervention de la gendarmerie de Vaucouleurs est requise par le maire de Bure pour une intervention sur la commune de Bure. Une fête est organisée devant le lieu dit Maison de la résistance. […]
Juge : À qui avez-vous dit « profiteurs » ?
MS : je n’ai plus rien à déclarer.
Juge : et « bande de mange-merdes » ? A vous-même ? A vos amis ? Aux gendarmes ?
MS : À personne.
Juge : vous dites donc ça en l’air ?
MS : tant qu’on ne vise personne, je ne vois pas où est le problème.
Juge : c’est vrai. Mais on peut se poser la question si la phrase « regarde cette bande de mange-merdes » est dite à la volée ou si elle ne vise pas quelqu’un. [...]
Procureur : Il faut avoir en tête comment fonctionne la maison de la résistance pour savoir comment la fête du 14 juillet a pu se dérouler. J’ai eu l’occasion d’y aller le 20 septembre lors de la perquisition (rires dans le public). [...]
Je ferais sarcastiquement référence à cette notion d’impartialité. […] Là, on a une gendarmerie accommodante. Je ne vois pas trop où se trouve le déséquilibre. On a plutôt une immense compréhension. Une fois que tout le monde se disperse, les insultes pleuvent de la part de MS. à l’encontre du fameux commandant Dubois qui est une personnalité très connue, interlocuteur incontournable sur ce territoire, je ne dirais pas célébrée, et à l’encontre de deux gendarmes d’autres départements. [...]
MS nous dit finalement qu’il avait trop bu. Ce sont des dossiers qu’on juge treize à la douzaine, et sur lesquels on ne passe pas 1h30, mais 10 minutes. Là, on a une justice de luxe qui peut trouver le temps. Et on a, comme les autres individus de ce type, quelqu’un qui n’a rien à dire. Il exerce son droit. Mais avec ce comportement, quel choix a le ministère public ? On va se retrouver ici avec une plaidoirie, le nucléaire, etc. C’est hors-sujet ! On parle ici d’un outrage, de quelqu’un qui est manifestement alcoolisé, qui n’aime pas les gendarmes. C’est d’ailleurs dans l’ADN de tous ceux qui fréquentent la résidence (maison de la résistance) (raclements de gorges dans le public). Et ce monsieur nous dit qu’il n’a pas voulu adresser ces propos aux gendarmes. Mais à qui parlait-il alors ? […]
Dans ce contexte, je réclamerai trois mois de prison avec sursis, ce qui lui coûtera moins cher qu’une amende (oooh de consternation dans le public). Mais bon, je me résigne à penser que ces dossiers qui concernent Bure ne sont jamais jugés avec la sévérité requise.
Avocat : C’est un dossier qui est qualifié de banal par M. le procureur, lors d’une présentation qui commence par une description de la maison de la résistance, qui aurait, dans son ADN, une détestation des forces de l’ordre. Cette phrase est typiquement un élément de partialité. [...]
La mère de M. S est Mauricienne. Il a subi le racisme, des injures, à Bar-le-Duc par exemple, que je ne citerais pas là tellement elles sont odieuses. C’est sa vie. Et le 14 juillet, des mots sortent. Oui il y a des profiteurs et des bandes de mange-merdes. Et ce n’est pas forcément dirigé vers les gendarmes. Ils sont dits à la volée. […] On demande donc la relaxe et aucune inscription au casier.
…
12 décembre 2017 : délibéré à 9h
Un mois d’emprisonnement assorti du sursis simple et 150 euros de « dommages et intérêts » à chacun des trois flics pour préjudice moral et psychologique
Brève :
Un rapport de 2013 l’Inspection générale de l’administration affirme que les fonctionnaires de la Police Nationale font un usage abusif de poursuites pour "menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages". Entre 2006 et 2012 on passe de 8,7 millions d’euros pour la prise en charge des frais de justice des policiers à 13,2 millions sans que des changements procéduraux ne puissent l’expliquer. Chez les gendarmes c’est environ 500 dossiers qui sont traités chaque année dans le cadre de cette protection fonctionnelle alors que du coté de la police c’est pas moins de 20 000 dossiers qui sont traités chaque année.
D’après le rapport la manne financière apportée par les outrages (autour de 600 euros par affaire) aura fait tourner la tête de nombreux policiers pour qui c’est un moyen peu risqué et qui permet de rajouter du beurre dans les épinards.
16 janvier : 6 mois fermes requis pour menaces et refus de signalétique ! [procès]
Arrêté au cours d’une perquisition diligentée par le juge Kevin Le Fur et le procureur Olivier Glady, X doit comparaitre devant un autre juge et procureur. La composition de la salle est changée spécialement pour ce procès, Bruno Fleury sera le procureur, Parmentier le juge. On est en plein contexte de matons en lutte. On les voit dans un premier procès avant celui concernant Bure mettre 6 mois ferme avec mandat de dépôt en 15 min à un détenu qui s’est évadé pour ne plus se faire harceler par son codétenu. Le procès commence.
L’avocat : « J’ai fait des conclusions de nullités pour prendre un peu de recul sur cette affaire et pour la recontextualiser. Un juge de votre juridiction a décidé de perquisitionner la Maison de la Résistance sur commission rogatoire et les forces de l’ordre, à 6h du matin, réalisent cette perquisition. Il faut 1h30 pour que les gendarmes qui sont dans toute la maison remarquent la présence d’un homme qui dort. Ça dénote d’une certaine incompétence. Trois hommes armés et cagoulés réveillent M. x. et lui demandent son identité.[...]
Les agents spécifient que s’il le fait (justifier son identité), il ne sera pas emmené . Il le fait avec un justificatif de perte de papier d’identité et le tribunal a la confirmation que l’identité affirmée par ce papier était avérée [et corroboré par la carte bancaire]. […] Cette invitation de force dans un commissariat a porté préjudice à M. x. [...]
Bruno Fleury : Concernant la perquisition, et plus précisément le dispositif policier : ces 150 policiers étaient là pour éviter que personne ne soit blessé. Il n’y a donc pas nullité, le contrôle est valable » Le procureur demande donc le rejet des nullités accepté par le juge. […]
Pour les questions du juge, X décide d’exercer son droit à garder le silence. Selon le procureur, il est dommage que le mis en cause choisisse de ne pas s’exprimer pour échanger en toute démocratie. Le procureur demande toutefois la relaxe pour deux des chefs d’inculpation : 1° la rébellion [...] 2° le refus de donner son identité [...]. Il y aura toutefois une peine requise pour le « refus de donner ses empreintes », et les « menaces de morts » qui auraient été portées à l’encontre des gendarmes : 2 mois de prison ferme pour le premier, 4 mois de prison ferme pour le second. […]
L’avocat choisit de revenir sur le fond : « Cette procédure commence à s’étioler, c’est pour ça que je tenais à amener cette affaire au fond, car au vu des faits commis à Bure, les opposants sont traités comme des citoyens de seconde zone sous contrôle « quasi-colonial ».
Ici il n’est pas question d’opposer la parole de M. x à celle des policiers. Car dans la plupart des dossiers de ce genre, j’ai des agents qui me disent une chose mais qui n‘ont pas d’éléments probants. Je ne souhaite donc pas m’attarder là-dessus. »
Pour défendre qu’il n’y a pas eu rébellion, il s’appuie sur deux questions qui ont été posées à x par les gendarmes :
-« pourquoi t’es tu tapé la tête contre le mur ? »
-« quel a été le but ? »
Ces deux questions prouvent bien qu’il n’y a pas eu rébellion : x ne s’en prenait qu’à lui-même.
Il ajoute que le test d’alcoolémie avait pour but de savoir si x était « en mesure de comprendre la portée de ses droits : le condamner pour cela n’a donc strictement aucun sens.
Quant au refus signalétique, celui ci est une infraction qui sanctionne quelqu’un qui, étant dans l’impossibilité de justifier son identité, refuse par suite de justifier son identité. Or pour pouvoir sanctionner, il faut recevoir une autorisation du procureur, ce qui n’a pas été fait. Il s’agirait donc ici d’une infraction non constituée.
Enfin, l’infraction de menaces de morts n’est pas « parfaitement constituée » : il faut que les menaces soient directement proférées « à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique. » Or aucune ne l’est ! Tout au plus, ACAB est-il un outrage mais pas une menace. Et la situation ne présentait aucun risque de dommage : x était attaché à un poteau tout au long de sa garde à vue.
Il a été ici fait le choix de trouver tout ce qui est possible de trouver contre celles et ceux qui se mobilisent contre un projet périlleux pour l’environnement. et comme les fonctionnaires de police ont vu que x avait été condamné pour les mêmes faits dans le passé, alors ils ont choisi cette infraction pour lui donner plus de poids.
« C’est un abus de pouvoir et un détournement de procédure »
[...]
Le juge demande alors à x s’il a quelque chose à ajouter.
X répond : « pendant 7 heures je suis menotté à un poteau de béton dans une position inconfortable, et avec une opération récente à l’épaule. Et je récolte que moqueries et quolibets lorsque je demande à être détaché alors que j’ai très très mal. »
…
Délibéré plusieurs semaines plus tard, pour éviter trop de chahut dans le tribunal :
Condamnation à 1 mois ferme pour refus de test d’alcoolémie et « rébellion » (l’inverse des chefs d’inculpation du procureur)
13 février 2018, les affaires du mur [procès]
Ce jour la fut le procès de 2 personnes pris au bon choix de la police pour être en procès pour la destruction du mur de l’Andra.
« Ma détermination est intacte. Ils peuvent m’enfermer mais jamais ne
me priveront de ma liberté de penser. »
Déclaration d’un des deux C. au tribunal :
« Monsieur le Juge, je n’ai jamais aimé et je n’aime pas les projecteurs. Monsieur le procureur me contraint à la lumière. En gendarmerie de Commercy, le 21 novembre 2016, je n’avais rien à déclarer. Aujourd’hui, c’est mardi-gras. Je ne me déguise pas, je me mets à nu.
Accusé d’avoir dégradé ou détérioré volontairement un mur appartenant à l’Andra à Mandres en Barrois, je dis non, je n’en suis pas coupable. Oui j’étais dans le bois Lejuc, le week-end du 15 aout 2016, mais je n’ai pas détérioré le mur. Je suis pourtant solidaire de cette action et fier du résultat.
Car ce mur qui s’est inquiété du droit de l’Andra à le construire ? Qui a ordonné aux gendarmes mobiles de protéger sa construction ?
Oui, nous étions dans la forêt, abandonnée par les vigiles puis par les gendarmes, le samedi 13 août, suite à notre dénonciation de l’illégalité du saccage du bois, et suite au jugement de défrichement illégal puis de la construction illégale du mur du 1er août 2016.
D’ailleurs l’Andra est-elle réellement propriétaire du Bois Lejuc ? Pourquoi cette affaire traîne-t-elle autant, alors que de nombreux procès, conséquents à cette histoire, nous tombent dessus et nous condamnent ?
Oui, j’étais dans la forêt et pas par hasard. Alors que je n’aurai sans doute jamais dû connaître ce coin de Bure. Pour me retrouver face à ce mur il a fallu qu’un jour de décembre 1993, je tombe sur la Une de l’Est Républicain informant que la Meuse était candidate à l’un des laboratoires souterrains destinés à étudier les formations géologiques profondes où seraient susceptibles d’être stockés ou entreposés les déchets radioactifs à haute activité et vie longue. Cette candidature était signée par les 31 conseillers généraux meusiens. Il a fallu que je m’informe dans une réunion à Verdun, proposée par des associatifs, sur ce fait accompli.
La Meuse n’a-t-elle déjà assez de tombes, qu’il lui fallut en plus un tombeau radioactif ?
[...]
J’ai même manifesté le 17 décembre 1994 à Chaumont contre le labo avec Dominique Voynet qui nous trahira à son tour en signant la construction du labo le 3 août 1999, en qualité de ministre de l’environnement.
Et maintenant CIGEO apparaît tout beau mais nous n’en voulons pas de ce tombeau radioactif pour plus de 100 000 ans tout comme Nicolas Hulot photographié disant Non à CIGEO. Espérer que l’argile saura confiner la radioactivité évadée des fûts et des alvéoles de béton, oui, c’est du domaine de la croyance et non de la science. Est-il éthique d’oublier nos déchets, de les abandonner au futur ?
Pour les nucléocrates, c’est la solution qui permet de relancer un nouveau cycle d’électricité nucléaire en prolongeant nos réacteurs ou en développant l’EPR. On ne sait quoi faire des déchets radioactifs mais on veut toujours en continuer la production. La baignoire déborde, on éponge, on ne ferme pas le robinet.
Je ne peux me résoudre à attendre un accident, à imaginer que Cattenom pète et que Thionville, Luxembourg et peut-être Metz soient rayées de la carte pour des années. En cas d’accident qui seront les plus gros aboyeurs ?
Je viens de tout cela et ce mur portait tout cela. Il portait toute l’arrogance de l’Andra, les diverses trahisons.[…] Oui j’étais dans le Bois Lejuc. Je n’ai pas dégradé le mur mais je suis solidaire de sa chute. […]
Je suis aussi accusé d’avoir refusé de me soumettre à mon prélèvement biologique. […] Je ne voulais pas du prélèvement ADN, que je juge abusif et du domaine de l’intime, pas seulement de moi-même mais aussi du familial. [...] Je n’étais pas coupable. Ma seule présence dans le Bois Lejuc, suffisait-elle à justifier la prise d’ADN ? Je refusais d’entrer dans ce fichier particulier, qui résonne avec violeur, criminel, terroriste dans ma tête. Je quittais le bureau après deux heures d’audition. […]
J’ai douté que l’Andra condamnée plusieurs fois ait accepté sa prise d’ADN, cette ANDRA invisible dont on ne connaît que les avocats, les publications et les vigiles.
Aujourd’hui encore Pierre-Marie Abadie, directeur général en exercice de l’Andra refuse de témoigner et de s’expliquer, se réfugiant encore derrière une possible amende de 3750 euros qui le libère de la justice.
Me voici donc aujourd’hui devant vous, toujours aussi étonné. Je n’ai pas dégradé le mur, j’en étais physiquement incapable. Je n’ai pas consenti au prélèvement ADN, parce que ce n’était pas moi sur les photos sensées m’accuser. Je ne veux pas être une erreur judiciaire. […]
…
Délibéré : obligation de payer 3000 euros à la partie civile (l’ANDRA), et 727 euros de frais. Les 2 C. ont fait appel (le procureur demandait 5 mois avec sursis et 6 000 euros pour l’Andra)
Sans abolition des privilèges, point d’égalité et sans égalité, la justice ne saurait être le caractère de ce qui est juste. [procès]
Le commandant Dubois a porté plainte pour diffamation, car L. a affirmé dans médiapart avoir été étranglé (un médecin a attesté les marques de strangulation). Un procès a lieu qui est abandonné pour cause de nullité. Mais le procureur s’accroche et décide de relancer une procédure dans les clous. A suivre, une partie de la déclaration de L. pendant son procès. Le commandant était présent dans la salle avec 5 autres flics en soutien dans le public.
...
Mesdames, Messieurs les jurés,
J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop à cause de ma barbe, en hiver c’est une bonne protection naturelle. Si je le précise, c’est que l’on m’a beaucoup conseillé dans mon entourage de la couper pour le procès. Mais par la barbe de Bakounine, qu’est-ce donc que ce lieu où la barbe serait une circonstance aggravante ? Me voici intègre, tel que je suis, n’ayant pour artifice que l’éclat de la vérité bien qu’il m’arrive parfois de me perdre dans la pénombre. [...]
Mais cette journée avec cet autre procès du mur incarne sans doute le paroxysme de l’absurdité. Un mur est bâti illégalement, et vous convoquez devant votre tribunal celles et ceux qui l’auraient mis à terre ? Réprimer ces élans de légalisme n’est pas encourager le respect de la loi mais valoriser l’illégalisme. Tant mieux ! car l’opposition n’a pas attendue et n’attendra pas que CIGEO soit statué illégal pour attaquer ses structures oppressives. Hier c’était la grille, demain ce sera le labo et dans un futur proche, les opposants danseront à 500 mètres sous terre avec un bon sound system en open mic avant de reboucher ces galeries de la folie humaine. [...]
Mon premier procès pour complicité d’attaque informatique contre l’ANDRA était il y a presque 3 ans, c’est l’origine de mes 4 mois de sursis actuel, me voici devant vous pour un cinquième procès. Vous vous demandez peut être : « Monsieur a l’habitude des tribunaux, il faut savoir s’arrêter ! » A qui le dites-vous ! 3 de mes procès sur les 5 n’ont aucune base juridique ou véridique et relève du harcèlement. Celui-ci en fait partie. [...]
...
Cher commandant,
Vous pouvez me mettre le nombre de procès que vous voudrez. Cela changera t-il quelque chose à la vérité ? J’ai parlé, j’ai exprimé l’indignation depuis le fond de mon cœur. L’expression de ma conscience a amené la vôtre à chavirer. Et comme vous êtes un homme où le principe autoritaire domine sur celui de la pensée, vous avez préféré me couper la parole. Vous m’avez étranglé et vous le savez au fond de vous-même. Cette vérité ne changera pas.
Mais voilà qu’après l’étranglement physique, c’est l’étranglement judiciaire ! Mais si procès il y a, c’est contre vous qu’il devrait-être ! C’est le monde à l’envers ! Peut-être avez-vous eu peur que je porte plainte ? C’est vrai que la police, lorsqu’elle violente quelqu’un, elle aime prendre les devants par sécurité. Mais je ne compte pas utiliser la justice pour trouver réconfort, pas comme vous qui demandez 400€ parce qu’un paysan de Bure cri « Mange merde ! ». L’argent n’achète point le repos de ma conscience. La vérité suffit. […]
Mes amitiés à votre bras entourant ma gorge.
...
Je peux comprendre la réaction du commandant et son aveuglément face à la réalité ayant appris récemment l’amour fanatique qu’il accorde au drapeau français laissant transparaître un nationalisme fort. Comme dirait George Orwell « Le nationalisme non seulement ne désapprouve pas les atrocités commises par son propre camp, mais il a une capacité remarquable à ne même pas en entendre parler. »
[…] J’aimerai d’ailleurs profiter de l’occasion pour accuser d’une réelle diffamation Nicolas Hulot qui avait dit sur cette photo qu’il était contre le projet CIGEO (Le juge s’énerve) […]
Mon père s’est révolté quand le procureur a dit que le commandant Dubois incarne pour moi le côté paternel qui m’a manqué. Le juge l’a fait sortir.
Le procureur demande 400€ d’amende. Le commandant 400€ de dédommagement et 3000€ pour les avocats (dont un très bon de Paris, Thibault de Montbrial, spécialisé dans la défense des forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie, armée) et président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure)
...
Délibéré le 10 Avril : 800 euros d’amende (pour Dubois et pour l’Etat) + 1000 euros de frais
"Bure ne doit pas devenir une ZAD", prévient la préfecture de la Meuse [communiqué de la préfecture sur france bleu 9 avril 2018]
A Bure, le dispositif de veille est évolutif
Une centaine de gendarmes mobiles séjournent donc en permanence dans le secteur de Bure. Un escadron de vigilance censé garantir la sérénité du projet nucléaire lorrain. "A Notre-Dame-des-Landes, un habitat précaire était constitué, c’est justement ce qu’on veut éviter", explique la préfecture de la Meuse.
Le dispositif des forces de l’ordre pourrait être renforcé si jamais des "éléments radicaux" tentaient de réinvestir le site lorrain. Le directeur de cabinet de la préfecture (Jean-Michel Radenac) de Meuse n’y croit pas : "Même si certains présentent des profils plus radicaux, l’opposition est beaucoup plus dans une phase de discussion avec les pouvoirs publics".
Les services de l’Etat rappellent que des manifestations pacifiques peuvent toujours être autorisées. Un rassemblement prévu en juin prochain est d’ailleurs en discussion. Pour le reste, c’est le principe de fermeté.
Des réseaux radicaux sous haute surveillance nationale
A Bure, il s’agit de garantir la "sérénité" du projet nucléaire lorrain. La surveillance des réseaux radicaux recouvre des opérations multiples, menées par la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO). Le pistage d’internet et le renseignement, sous toutes ses formes, doivent permettre de prévenir les troubles à l’ordre public.
Palais de l’injustice [procès]
Retour approximatif sur le procès d’E du jeudi 08 mars 2018. E s’est fait attrapé à Bure en novembre 2017, recherché pour une autre condamnation, il effectue 4 mois de prison, et enchaîne sur de la détention provisoire avant ce procès.
Le procès commence.
La juge passe en revue les « faits » :
- manif du 7 mai 2017 : deuxième tour ni lepen ni macron
-un « groupe se détache de la manifestation » « ils sont habillés en style casseurs (capuches, masques sur la bouche, gants, ... ) » témoignent 3 flik.e.s en civils infiltré.e.s dans leur déposition
- Les infiltré.e.s se concentrent sur les personnes avec des sacs à dos ou des gants
- Les CRS nassent
- Les flics voient un individu cacher un sac en plastique sous une voiture
- Plus tard, le sac plastique est récupéré, les flics trouvent des trucs dedans.
- quelques heures plus tard, illes interpellent E qui part au comico.
- pour l’anecdote / les flik.e.s ont proposé à E une lingette pour se nettoyer les mains qui étaient sales. Plus tard cette lingette fut envoyé au laboratoire pour chercher des résidus. Sans succès. (et bim !)
- Plus tard, le contenu est analysé : il s’agit de fumigènes artisanaux.
Pas d’explosion, pas de flamme, juste de la fumée blanche.
Vient au tour d’É de parler, la juge lui pose des questions personnelles, familiales puis des questions sur son implication à Bure, lui demande précisément comment se passent les manifestations et LUI, que fait il dedans ? E. répond, entre autre, qu’il fait de l’harmonica.
Elle passe en revue son casier judiciaire, elle insiste sur le fait que ces condamnations sont très rapprochées. La juge dépeint le portrait d’une personne qui a de nombreuses activités illégales , une personne qui fume le cannabis
Elle pose des questions sur le jour de la manif, E. dit qu’il était à Paris pour un débat sur le nucléaire quelques jours plus tôt. Qu’il a entendu parler de la manif, il y va. Que quelqu’un lui a demandé de prendre un sac plastique, ayant de la place dans son sac et toujours solidaire des copaines sans sac, il accueille ce sac plastique à l’intérieur de son sac à dos...
A ce moment là on est plutôt confiant.es : il s’agit de fumigènes, donc pas des armes, la juge a l’air pas trop véner, il n’y a dans les faits pas spécialement de preuves pour l’accabler...
C’était sans compter sur l’entrée en scène du procureur .
Un long plaidoyer pour dire que la manifestation était un groupement de casseureuses, que des gen.t.es venaient pour « en découdre avec les forces de l’ordre » que si notre ami E. avait un masque de chantier, c’est qu’il était un casseur. Tatati, tatata, blablabli, blablabla.
Du grand n’importe quoi jusqu’à qualifier les fumigènes d’armes par destination. [...]
Le procureur demande 10 mois de prison.
L’audience est choquée.
C’est au tour de l’avocate, elle rejette l’accusation de « transport d’arme par destination ». [Une arme par destination par définition ne peut pas être une arme tant qu’elle n’est pas utilisée comme telle]
Les comédien.ne.s se retirent en coulisses. […]
Délibéré : La Justice condamne l’accusé à 12 mois de prison, 8 fermes, 4 mois avec sursis (au dessus de sa tête pendant 5 ans). 2 ans de mise à l’épreuve avec obligation de suivi psychologique ( la juge fait une référence à une condamnation pour consommation de cannabis) et obligation de suivre une formation ou d’avoir un emploi. […]
Des copaines sortent en criant : « Justice de Classe » « Justice Raciste »
Intermède :
Quelques chiffres du 22 février (expulsion du Bois Lejuc) au 19 mars :
• Plusieurs dizaines de contrôles routiers + fouilles de véhicules,
1 nuit au commissariat en cellule de dégrisement et une amende pour visage masquée et ivresse sur la voie publique (personne arrêtée à 20 m de la maison)
• 73 vérifications d’identité, la plupart ayant duré 4 heures.
• 25 gardes à vues : 8 gav de 24 heures , 17 gav de 48 heures
• 5 comparutions immédiates
• 2 détentions provisoires
Interdictions administratives, contrôles judiciaires jusqu’aux procès :
• 1 interdiction de Meuse et Haute-Marne + pointage deux fois par semaine
• 6 interdictions de Meuse + pointage au comico toutes les 2 semaines
• 1 interdiction de la forêt du Bois Lejuc
A Bar-le-Duc, le délit de vagabondage de 1810 est toujours d’actualité. [procès]
Le juge : Vous vivez ou en ce moment ?
A. : En détention provisoire
-Non mais avant la détention provisoire vous étiez ou ?
-j’étais libre
Le 19 mars 2018 se sont tenues au Tribunal de Bar-le-Duc trois audiences qui devaient aboutir à de lourdes condamnations. […] A., le troisième de ces compagnons, occupant du Bois Lejuc, est retourné en prison après y avoir passé trois semaines : sa légitime décision de prendre le temps de constituer sa défense s’est heurtée aux garanties considérées comme « insuffisantes » de représentation : pas d’adresse fixe, pas de travail. Donc incarcération : l’abolition (en 1994) du délit de vagabondage n’est pas arrivée jusqu’à Bar-le-Duc.
Une violence d’État qui s’exprime sans limite
Ce 22 février, 500 gendarmes avant le jour, avec hélicoptère et bulldozers pour déloger 15 personnes habitantes du bois Lejuc. Alors que l’ANDRA n’est pas propriétaire du bois, la raison d’État s’impose et colonise massivement le lieu, le clochardise, le détruit.
La raison d’État s’incarne par la présence du Procureur, présent sur les lieux, il dirige « sa » police. Et s’érige en juge et partie.
Que cherche-t-on à 6 heures du matin à 500 gendarmes suréquipés pour expulser 15 personnes si ce n’est s’imposer par la terreur ? [...]
Un oiseau pris au nid
Mais revenons à A.
Accusé et condamné pour avoir détruit « un bien » sans la mention du texte de loi qui précise « appartenant à autrui » ! Il a brûlé sa propre maison, donné un coup de pied sur une carapace et craché sur une épaule d’un flic (le juge parle de ce policier comme « la victime »).
Il écope de huit mois de prison dont 3 mois ferme, mise à l’épreuve de 18 mois avec interdiction de territoire (Meuse/Haute-Marne), obligation de se soumettre au contrôle judiciaire et de chercher un travail. Il ne ressort pas du tribunal le 19 mars.
A. s’est brûlé une partie du bras en brûlant sa maison. A la question faussement mielleuse du juge « ne trouvez-vous pas dangereux de manipuler un bidon d’essence et d’incendier La Piraterie (nom donné à la maison de bois où il vivait jusqu’à cet instant- ndlr) », A. répond : « Non. C’est moins dangereux que des déchets nucléaires. »
Merci A.
Intermède :
Arrêtés préfectoraux : De nombreux bouts de papier remplis de pouvoir tous plus époustouflants les uns que les autres sont apparus sur le site de la préfecture.
• Du 22 février au 26 février : arrêté préfectoral d’interdiction de circulation des piétons et automobilistes sur divers chemins autour du Bois Lejuc
• Les 2,3,4,5 mars : arrêté préfectoral d’interdiction de manifestation, interdiction de circulation en véhicule et de stationnement sur les communes de Bure et Mandres, interdiction de survol
• Du 22 février au 22 mars : interdiction de transports de matériaux combustibles et pyrotechniques, interdiction de transports de matériaux de constructions : bois, paille…
Ielles n’ont été Ni acteur Ni actrices. [procès]
Le tribunal est ouvert ce jour là uniquement pour des affaires buriennes. 3 procès en comparution immédiate. 80 soutiens dans la salle. Le greffier ne se prend même plus la peine de nous demander de nous lever pendant l’entrée des juges. La tension monte au fur et à mesure des attitudes du procureur et du juge condescendants. Après le premier verdict du procès d’A. les soutiens sous le choque décident de faire sonner les alarmes d’incendie et de crier des slogans dénonçant cette justice bourgeoise. Pendant les délibérés dans le tribunal il y a danse et musique. Après les derniers verdicts, la salle du tribunal est légèrement redécorée (photos ci-dessous).
Ce Lundi 19 mars 2018 le théâtre de l’injustice était en représentation une nouvelle fois à Bar, voici les déclarations de deux copaines qui comparaissaient ce jour, l’un-e pour « faits de rébellion et refus de se soumette aux opérations de relevés signalétiques commis lors de l’expulsion du Bois Lejuc », l’autre pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction ou dégradations de biens ». Ielles ont décidé de ne pas se défendre pour ne pas participer à la mascarade judiciaire et se sont contentées comme unique adresse aux juges ces déclarations :
Déclaration de L. (condamné à 4 mois de prison avec sursis après 3 semaines en détentions provisoire) :
Mes amies, ma famille que j’affectionne,
- Je me sens détachée de toute identité, n’en déplaise au procureur et à son « dieu »,je suis un être multiforme et une réalité complexe et donc irréductible à cet artifice.
Comme vous le savez la racine du mot a donné aussi idem, identique. Aucune identité ne peut me figer car je suis une réalité vivante et mouvante. INDISCERNABLE.
Je ne me défends pas aux yeux d’une institution dont je rejette l’autorité. Sur 1 acte, j’affine mes perceptions en me référant à mes propres critères, à mon vécu, à mon sens critique.
On se retrouve réunies ici (et je pense ne pas me tromper en disant ça) parce qu’on est à la recherche permanente de source de joie et de beauté.
Parce qu’on nourrit un lien intelligent, sensible et subtil au monde.
Et quand ce rapport est brutal, insensé, c’est un amas d’immonde, qu’on s’acharne à étaler.
Nos corps tiennent en cage uniquement par coercition.
Comme a dit Ibn Arabî , bien avant les premières chasses massives aux errants et aux sorcières,
« Sois toujours en vol, ne te choisis pas de nid déterminé, car c’est au nid que l’on capture l’oiseau »
Quoiqu’il arrive, on continuera à partager du pain avec les compagnon-nes à plumes.
Déclaration de Cristal Antem (condamné à 3 mois de prison ferme) :
Je suis CRISTAL ANTEM, CRYZ pour les intimes. Je n’ai pas d’autres identité à donner.
Je ne représente personne si ce n’est moi-même. Rien ni personne ne me réprésente.
On va me demander si je souhaite être jugé aujourd’hui. OK, faites. Mais je ne participerais pas au procès. Je rejette les codes/normes/règles/rôles du spectacle. Je ne serais ni acteur/collaborateur – ni martyr/victime – ni coupable/innocent.
J’espère que mes amis comprendront que je fais ce choix pour restez moi – même. Qu’iels ne m’en voudront pas pour cette absence imprévu et sûrement trop longue.
Je ne me soumettrai pas moi-même au contrôle de l’Etat.
Je refuse de me défendre.
Cette déclaration fuit suivi du refrain d’une chanson reprise par la salle malgré les injonctions du juge au silence et Cristal a été sorti de la salle à ce moment en continuant à chanter , la salle a continuer à fredonner la chanson après sa sorti ! « Ça ne vaut pas la peine… »
Cristal fera donc sa peine de prison sans avoir donné son identité.
Intermède :
A la date du 19 mars, si on additionne, suite aux arrestations de ces 30 derniers jours, cela donne 1300 heures de mise en cellule (gardes à vue + vérifications d’identité), 18 mois de prisons distribué. À cela nous rajouterons :
• Les menaces de procès et de perquisitions aux voisin.es qui soutiennent la lutte
• L’instruction en cours
• Et tous les anonymes qu’on ne connaît pas mais qui subissent le harcèlement policier/judiciaire de la Meuse sous occupation étatique. (amendes, procès divers).
Et pendant ce temps-là, la liste des plaintes des opposants non instruites par le procureur s’allonge…
• Plainte contre les violences des vigiles de l’Andra (fractures à la main, aux côtes, etc.) à l’été 2016.
• Plainte de janvier 2017 contre les violences d’un vigile qui a cassé le nez d’une opposante (non lieu)
• Plainte pour usage disproportionnée de la force lors de la manifestation du 15 août 2017 durant laquelle un manifestant a été gravement mutilé à un pied par une grenade.
A Bure, le procureur pyromane
Deux opposant.e.s au projet de poubelle radioactive à Bure ont été condamné.e.s à trois mois de prison ferme. Le procureur attise l’incendie de colère et de rage. Mais enfermer la lutte, c’est la nourrir, la décupler.
"M. le procureur vous êtes un incendiaire, vous avez allumé un incendie qui ne s’éteindra jamais » (phrase dite dans le tribunal […]
On le pressentait, mais l’audience du 19 mars à Bar-le-Duc a dépassé toutes les appréhensions en terme de spectacle. On a atteint un point d’orgue et de non-retour dans l’interaction très singulière qui s’est nouée au cours des deux dernières années entre la cour, les inculpé.e.s de « la lutte de Bure », les avocat.e.s et les soutiens de l’assistance. […]
L’épouvantail
Dans cette foire d’empoigne on en oublierait presque l’acteur et auteur principal de la farce publique : notre ami le procureur de Bar-le-Duc [Olivier Glady]. A-t-on déjà vu quelqu’un être à la fois le supérieur des forces de police dans leur mission de maintien de l’ordre, le superviseur des auditions et maintiens en détention des personnes interpellées par ces mêmes forces de police, l’instructeur des dossiers qui en découleront, puis, au final, le procureur qui plaidera à charge à l’audience et requerra les peines à leur encontre ? Et lorsque plusieurs avocats s’étonnent à répétition de la légèreté et la vacuité des dossiers qui amènent les inculpé.e.s à des audiences devant le TGI de Bar-le-Duc (au point qu’ils en arrivent même à interroger la partialité du procureur dans leur présentation de nullités sur un procès récent), celui-ci, qui tient visiblement à siéger personnellement sur chaque dossier impliquant des opposant.e.s de la lutte à Bure, se défausse d’un revers de main en justifiant qu’au contraire du reste de la cour, à l’image des avocat.e.s, il n’a aucune astreinte à l’impartialité étant donné qu’il lui revient de plaider à charge et aucunement à décharge.
C’est sans doute ce qui lui permet de s’autoriser des appréciations et stigmatisations répétitives des opposant.e.s à Bure avec des formules comme « propre à ce genre de prévenus », « ce type de comportements de groupe chez les opposants », "la convocation de X est la suite logique de la suite systématique de comportements de ce type de personnalités", « le profil de X n’est pas très étonnant », « dans ce genre d’audiences », "inscription dans les gènes de la haine du gendarme", "comportement systématique de ces individus de refuser tout". Depuis bientôt 1 an, le procureur a arrêté de juger des individus mais s’est consacré à mener et construire le procès d’un ensemble flou d’individus contre lesquels il nourrit un mépris manifeste. Il y a plusieurs mois on l’entendait murmurer à une collègue avant l’audience « qu’est-ce qu’ils sont sales » ou déclarer lors d’une autre audience « ces hiboux ne sont en vérité qu’une volée de moineaux ». À cela s’ajoutent les sourires sardoniques et satisfaits de notre épouvantail, lorsque des explosions de colère, de rage, de détresse se manifestent aussi bien au tribunal que sur le terrain. Beaucoup se souviennent en effet de son air satisfait et triomphant lors des deux irruptions policières à la Maison de Résistance.
« L’impartialité dans l’exercice de fonctions juridictionnelles ne s’entend pas seulement d’une absence apparente de préjugés, mais aussi, plus fondamentalement, de l’absence réelle de parti pris. Elle exige que le magistrat, quelles que soient ses opinions, soit libre d’accueillir et de prendre en compte tous les points de vue débattus devant lui » […] Recueil des obligations déontologiques des magistrats
Outre une familiarité évidente et affichée avec les policiers et le paternalisme récurrent à l’intention d’un avocat de la défense, M. le procureur rechigne et tarde à communiquer à répétition certaines pièces de dossiers, n’instruit pas les plaintes déposées par les opposant.e.s contre l’Andra et admet ouvertement sélectionner les dossiers qu’il décide de poursuivre ou non à l’encontre des opposant.e.s. Ainsi, l’insolite « procès de la pelle à tarte », où l’inculpé était poursuivi pour « transport d’armes » après avoir été contrôlé sur la route en possession de deux opinels, une section rigide de câble électrique et une pelle à tarte. Pour ce procès, le procureur avait spécialement mandaté un huissier pour signifier sa convocation à l’intéressé, il déclarera pourtant à l’audience « On va perdre 2 heures pour 3 couteaux et un câble ».
La rupture
Il est devenu évident, au fil des mois, que la colère s’est cristallisée dans le tribunal de Bar-le-Duc à l’encontre d’une judiciarisation à outrance de la lutte de Bure et plus largement à l’encontre de la justice et la police qui arment le bras de l’État. Sous couvert de concertation ou de dialogue, celui-ci piétine et méprise le territoire dans lequel Cigéo est imposé par la force, en catimini, à grands renforts de corruption et d’intimidations. Le sentiment d’injustice et de frustration auquel s’ajoute un quadrillage policier qui ne fait pas le distinguo entre opposant.e.s et population locale, s’est personnifié, pour un certain nombre d’opposant.e.s poussé.e.s à bout, dans la figure d’un commandant d’escadron de gendarmerie omniprésent, d’une préfète va-t-en-guerre, d’un sinistre maître chanteur et exécuteur de basses œuvres à l’Andra ou encore dans un procureur à la verve bien pendue. Une triste galerie qui déchaîne les passions furieuses.
Il y a quarante ans, des avocats du FLN théorisaient le procès de rupture pour des inculpé.e.s pré-jugé.e.s pour leurs idées politiques, par les magistrats partiaux qui leur faisaient face. Bien avant eux, des anarchistes de la fin du 19e siècle, face à des cours qui les condamnaient invariablement au bagne ou à la mort, opposaient mutisme et déclarations politiques d’éclat. Encore aujourd’hui, basques et corses lèvent le poing à l’audience, lisent leur refus de se soumettre à la justice d’un État qu’ils ne reconnaissent pas et qui ne les reconnaît pas et se soustraient à leur propre procès. Durant 20 années, entre 63 et 81, les militant.e.s dit.e.s « politiques » ont fait face à la Cour de Sûreté de l’État, un tribunal d’exception qui embastillait à la pelle les militant.e.s de tous bords accusé.e.s de porter atteinte à la sûreté de l’état. Récemment, Nicolas Sarkozy, avant de se retrouver en garde à vue, dans une surenchère politicienne sécuritaire autour des mobilisations de la Loi travail, suggérait la restauration de cette cour d’exception. Il savait que la « délinquance financière » ne l’y conduirait jamais …
Lundi [19 mars], deux personnes ont opposé le silence aux questions du juge et lu un texte qui affirme un refus de reconnaître au tribunal sa légitimité à juger. La rupture est consommée, après des mois de harcèlement et d’humiliation policière, le mépris répété du procureur au tribunal est une goutte d’essence versée sur les braises de la rage que ressentent des personnes qui luttent non seulement contre un projet monstrueux de poubelle nucléaire, mais surtout contre un autoritarisme déguisé de l’État. […]
Il vit sa vie par procuration...
[…] Le Monde Diplomatique titrait il y a peu « Bure, une fabrique du consentement », mais le procureur et la préfète tendent chaque jour à confirmer que Bure est devenu en quelques mois aussi une fabrique de la tension, dans une stratégie qui semble délibérée de la part des autorités à amorcer la poudrière pour justifier le coup de bâton suivant. Chaque audience au tribunal voit ainsi un bataillon de CRS et gendarmes se déployer dans les ruelles attenantes, rejoint même par la préfète lors d’une comparution immédiate intervenue le 6 mars, tandis que chaque maison à 10 km autour de Bure où réside un.e opposant.e à Cigéo voit stationner ou passer un camion de gendarmes mobiles, caméra au poing toutes les heures de la journée et de la nuit. De quoi créer une viscérale phobie du bleu chez la plus patiente des personnes.
M. le procureur pourra toujours se blanchir avec un petit encart où il racontera que le 19 mars il a retenu la main des flics qui pullulaient dans le tribunal … mais pas la sienne en envoyant trois opposant.e.s en taule et en attisant l’incendie de l’injustice et de la rage dans le cœur des 80 personnes venues les soutenir. […]
Enfermer le désespoir c’est le nourrir, le décupler…
Procès du 23 mai, délibéré le 26 juin
Compte rendu de procès écrit par quelques chouettes hiboux
Ce 23 mai au tribunal de Bar-le-Duc, 13 procès de burien.ne.s, pour 3 séries d’arrestations : 1 arrestation le 3 mars, 6 arrestations le 4 mars et 6 arrestations le 14 mars.
Beaucoup de flics présents. Ils ne demandaient pas les cartes d’identité pour entrer dans le tribunal cette fois-ci, mais étaient partout dans et autour du tribunal. Les juges ont été interpellées sur cette pression policière, elles ont répondu que c’est au président du tribunal de décider de cela et pas à elles.
Dehors, des barnums, des stands de crêpes, makis et autres activités. Dedans c’est long. Malgré des séries de dossiers quasiment identiques, les personnes passent les unes après les autres.
Une nouvelle série de T-shirt a été mise en vogue pour dénoncer le chef d’inculpation bien bricolé des affaires du 14 mars :
pour avoir à Mandres en Barrois [...] participé sciemment à un attroupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destruction ou dégradation de biens, en l’espèce en s’intégrant à un groupe d’une quinzaine de personnes se portant à la rencontre d’employés de l’Andra en s’étant préalablement vêtus de manière tendanciellement uniforme, munis de gants et/ou de vêtements ou accessoires destinés à se dissimuler le visage ainsi qu’en ayant ramassé des pierres sur le parcours, dans le contexte d’une évacuation contestée du Bois Lejuc par les forces de l’ordre et à la suite d’appels, notamment diffusés sur les réseaux sociaux, à la réoccupation de cette zone boisée.
Parmi les demandes du procureur, il y aura tantôt relax, tantôt prison avec sursis simple (3 ou 4 mois), tantôt avec mise à l’épreuve de 2 ans avec interdiction de territoire de la Meuse et Haute Marne, tantôt avec obligation de travailler.
Cette interdiction de territoire est convoitée par Glady, comme il l’a affirmé afin d’empêcher les personnes "de se mettre en situation propre à réeffectuer un délit". Quant à l’obligation de travailler, elle permettrait de "reprendre contact avec la réalité" ...
Les déclarations de Glady s’inscrivaient dans sa volonté de dissocier les bon.nes des mauvais.es opposant.es. "On voit un profil différent", celui là "a fini par retrouver la raison en garde à vue en quittant la ligne du mouvement. Mais il est sorti du commissariat, et vous ne voyez plus le M. X qui a retrouvé la raison", pour celle là "elle est considérée par les forces de police comme la meneuse, la porte parole du mouvement". […]
Côté des 5 avocat.es présent.es, le mode de défense adopté pour ce jour a été principalement d’attaquer techniquement les dossiers. Pour chaque procès des nullités ont été demandées par les avocat.es. En fonction des dossiers, il y avait l’absence de PV d’interpellation, des heures qui ne correspondent pas, l’incohérence de reprocher une non-dispersion à un groupe en train de fuir, la non notification des droits en garde à vue, des articles du code pénal confondus, l’absence de l’accord écrit du procureur pour le prolongement de la garde à vue etc etc.
Ont été aussi dénoncé dans certains dossiers :
• La prise d’ADN par ruse/force sur les vêtements des interpellés
• Des questions en audition qui outrepassaient les affaires (comme par exemple Avez vous versé de l’argent pour cette lutte, ou vous a t’on demandé de l’argent pour cela ? Vos proches versent-ils de l’argent pour cette cause, ou sont-ils garants d’éventuels achats immobiliers ? Pouvez vous nous citer d’autres maisons occupées par des opposants ?)
• La catégorisation dont sont victimes les accusé.es. "Je suis outrée quand j’entends le ministère public parler de « militants anti CIGEO », « gens de Bure ». Qui sont ces gens ? Les habitants administratifs de Bure ? Ou quelque chose d’autre ? [...] La désignation est sombre et fait penser à ce que Michele Aliot Marie appelait dans l’affaire Tarnac la Nébuleuse, quand on voit ce que ça a donné." (une des avocate)
La juge a censuré à chaque fois les inculpé.es (de l’affaire du 4 mars) qui ont voulu faire au tribunal une seule et unique déclaration commune spontanée sans répondre aux questions du tribunal :
Nous ne sommes pas particulièrement surprises de nous trouver devant vous aujourd’hui. En effet, nous concevons cette procédure comme banale dans un contexte de répression accrue depuis quelques temps envers celleux que la justice désigne comme militants anti-cigéo. Vous allez juger 6 personnes parmi tant d’autres, prises au hasard. A ce titre nous ne voyons pas pourquoi nous devrions nous singulariser et répondre individuellement à vos questions. D’une façon générale, nous refusons que justice soit rendue en fonction des origines, des catégories sociales, des diplômes et/ou des situations professionnelles. Bien que nous restions des individues de sensibilités différentes et que nous ayons donc réagi de diverses manières à nos gardes à vue, nous ne voulons pas que vous nous dissociiez les uns des autres en fonction de critères racistes et classistes.
Les prétextes de la juge étaient qu’on ne pouvait pas faire de déclaration commune car ce sont des procès individuels, et quand les prévenu.es commençaient à lire, elle coupait en disant que c’était hors propos par rapport à l’affaire.
Par contre elle n’a pas censuré ni les avocat.es ni le procureur même quand celui-ci a fait tout un laius pour dire que le procès se transformait en procès contre la police, qu’il peut garantir personnellement que M. Dubois (le commandant de gendarmerie local) faisait très bien son boulot, ou encore quand il parlait des « gens de Bure ».
« Rien n’est plus affreux par exemple que de voir en correctionnelle un malheureux balbutier devant un magistrat qui fait en langage élégant de fines plaisanteries » (procès)
Compte rendu de procès écrit par quelques chouettes hiboux
5 procès liés à Bure ont lieu le 12 juin. Dans cette scène, le procureur est cette fois Bruno Fleury (Glady ayant diligenté la perquisition responsable de plusieurs procès ne pouvant être sur cette affaire), un trio de 3 juges dont la principale Isabelle Drean-Rivette. Tous les procès sont soit délibérés le 26 juin, soit renvoyés le 16 octobre.
Premier procès, L. en défense libre (sans avocat). Dès le départ l’ambiance est mise, la juge utilise des mots en latin. L. dit qu’il ne comprend pas le latin, la juge traduit en français, sans vérifier si cette traduction est compréhensible et complète hautainement « là c’est du français ».
Il commence à porter des nullités (audition sans avocat, aucune pièce de flagrance justifiant la perquisition qui a entraîné son interpellation) à peine écouté. Ces pièces ont été constituées avec des avocats, mais portées par cette personne, la juge ne daigne même pas s’y intéresser.
On reproche à L. un doigt d’honneur et d’avoir demander au commandant Dubois s’il était fier de son boulot suivi de « mange merde ».
Les flics sont intervenus en force et armés à la maison de la résistance le jour de l’expulsion du Bois Lejuc (22 février 2018), dans le langage du juge c’est une « visite domiciliaire ». Les flics intimident, violentent, détruisent des affaires à la maison et encerclent les personnes qui se sont regroupées dans une pièce pour se protéger. Selon le juge donc, la victime est … le commandant Dubois.
Lorsque vient son tour, le procureur explique dans une intervention très politique pourquoi le commandant Dubois en a marre de se faire insulter. Il demande donc de mettre à L. 1 mois ferme et 18 mois de mise à l’épreuve avec interdiction de territoire.
L. essaye d’expliquer pourquoi l’intervention dans la maison de la résistance et l’arrestation était absurde, pourquoi la peine du procureur est disproportionnée, que c’est absurde de se faire expulser du territoire. Cependant il se fait systématiquement couper la parole par la juge . Celle-ci est d’ailleurs fière d’annoncer que c’est pas une expulsion mais « juste une interdiction de territoire », une expulsion voudrait dire qu’il ne pourrait être sur le territoire français. (se faire interdire un territoire ou t’habite n’est donc à son sens pas une expulsion !).
Petit florilège de la juge : « Le tribunal ne juge de rien, il est saisi pour des faits, il n’est pas là pour faire des jugements sur la journée ». « Vous n’êtes pas la pour faire un plaidoyer mais pour votre procès. Monsieur le greffier, dossier suivant »
Procès express dans la censure. La seule phrase entière qu’a pu dire L. fut : Rien n’est plus affreux par exemple que de voir en correctionnelle un malheureux balbutier devant un magistrat qui fait en langage élégant de fines plaisanteries.
A noter que le refus et la censure de la défense libre ou politique est une spécialité de la juge Isabelle Drean-Rivette. Lors de la série de procès du 23 mai 2018 (voir la chronologie des affaires passées), elle a systématiquement coupé la parole aux accusé.es voulant se défendre sous prétexte que leurs propos étaient politiques. Ce mépris de la libre défense s’exprima encore une fois lors des délibérés de 16 affaires dont celle de L. le 26 juin, lorsque cette juge mis des peines plus élevées que ce que le procureur avait demandé pour les personnes se défendant sans avocat.e (même si ces personnes font valoir les mêmes nullités que d’autres personnes relaxées).
2ème affaire, A. arrêtée pour avoir refusé de donner sa date et lieu de naissance dans un contrôle policier et d’avoir voulu continuer de marcher (elle a poussé un policier par « le poids de son corps »). Elle se fait plaquer au sol par 3 molosses. A posteriori, un des flics se met en partie civile, il a réussi à arracher 2 jours d’ITT (A. qui a été consultée par le même médecin que les keufs n’en a pas eu malgré ses genoux attaqués). A. vient donc de subir plusieurs semaines de Contrôle Judiciaire avec interdiction de Meuse pour violence sur agent, là voilà maintenant en procès. La raison de ses 2 jours d’ITT ? Selon ce qui est inscrit dans le dossier, le flic en mettant par terre A. s’est « arraché un petit bout de peau sur son doigt ».
Il y a une vidéo versée au dossier. On voit dessus que la seule raison de son interpellation est le refus de donner sa date de naissance, on ne voit dessus aucune violence, on ne sait pas où elle est arrêtée (dans un PV elle serait arrêtée à Bure, dans l’autre PV à Mandres), elle a pour autre chef d’inculpation « refus d’ADN et/ou signalétique ». Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire, on choisit ? Quelques nullités que l’avocate a saisi.
Le procureur annonce fièrement que ça n’est pas un problème d’arrêter pour un motif et d’en mettre un autre à posteriori au bon vouloir des policiers. Mais il demande de requalifier l’infraction : c’est pas une violence sur agent, mais une rébellion. « Le refus d’un ordre légitime par un acte violent, c’est classique à Bure » (une voix dans la salle demande pourquoi la juge ne censure pas le procureur, comme elle a censuré L. lors du procès précédent pour « raison politique »). L’acte violent vient « du fait de se mouvoir ». Il demande donc 1 mois avec sursis.
L’avocate de la partie civile (du flic) n’a rien compris au dossier. Elle parle « d’ongle arraché » et de « 5 jours d’ITT » (coucou), demande donc 20 euros par jour d’ITT pour le pauvre policier (soit 100 balles le bout de peau arraché).
L’avocate de A. rappelle la violence des flics lors de l’interpellation , et les conditions de contrôles permanents à Bure. Elle rappelle également que dans cette affaire, et la vidéo de montre, ce sont des flics hommes qui font des palpations de sécurité à A. (une femme), alors que ça devrait être des agents de même sexe. Il est donc légitime que A. se soit débattue et ait crié contre cela.
Procès du 18 juin : toxicophobie et classisme
Compte Rendu de procès écrit par quelques chouettes-hiboux
Suite à la manifestation du 16 juin contre le projet CIGEO, au moins 18 personnes sont interpellées en 24 heures. Le lundi 18 juin 3 personnes passent en comparution immédiate à Bar le Duc.
Les juges : Kevin Le Fur, Fabien Parmentier et Isabelle Drean-Rivette. Le procureur : Olivier Glady
Comme d’habitude , omniprésence policière armée dans le tribunal et la salle d’audience. Ils ne laissent passer qu’une trentaine de personnes alors qu’il y a 2 fois plus de places.
Ces procès, qui mènent à de lourdes peines (3 et 6 mois de prison avec mandat de dépôt + 3 mois avec sursis, 140 H de TIG, et pour tous 2 ans d’obligations de soin, de travail et d’interdiction de territoire de Meuse et Haute Marne), sont en parallèle truffés de discours toxicophobes, classistes, portés par les juges, le procureur, et les deux avocats eux mêmes. Les trois accusés se voient donc rabaisser par leurs propres « défenseurs » avec ces discours haineux, qui n’ont pas jugé nécessaire à pousser à demander un délais à la comparution immédiate. En voici quelques notes partielles et approximatives. Les avocats : A.M et MM.
1er procès de M. F : Le juge rappelle les faits. L’inculpé ne faisait pas parti de la manif. Cependant « en élément de contexte » il lit pendant 2 minutes avec beaucoup de détails les « dégradations » commises par la manif 4 heures avant son interpellation.
Il est interpellé pour avoir fait un doigt d’honneur à un flic, puis les avoir insulté. On lui rajoute par la suite les charges de rébellion et port d’arme (pour un couteau).
M. F décrit la violence de son interpellation. Traîné sur 500 mètres par terre (au point de perdre ses chaussures), écrasement de sa tête, coups de matraque dans le dos, 6 flics qui se sont acharnés contre lui pour le mettre dans une voiture.
Lors d’une série de questions faussement naïves et paternalistes, le juge reproche à M.F. d’avoir été alcoolisé lors de son interpellation et son passé d’héroinoman. Puis il lui demande son opinion sur la manifestation et finit par énumérer son casier judiciaire (M.F. a fait plusieurs années de prison pour des successions de vols (21 condamnations)).
Vient alors le tour de son avocat A.M., qui prend la parole pour l’enfoncer un peu plus :
AM : « Ce n’est pas anodin de boire autant ? [blanc] J’ai bien une hypothèse en lisant votre dossier je vois que vous êtes ancien héroïnoman. Est-ce que dans l’alcool vous ne recherchez pas la défonce de l’héroïne ? »
M. F. : « non »
Le juge reprend de plus belle : « Vous voyez une manifestation, pourquoi ne vous êtes vous pas dit de vous mettre à l’écart ? […] au regard de vos antécédents judiciaires pourquoi boire et se mettre dans cet état ? »
Puis c’est au tour du procureur qui dit que M.F., du fait de son interpellation, a provoqué la réaction violente et hostile d’autres manifestants : « Je ne mettrais pas de lien de cause à effet, mais le fait est que son arrestation a provoqué des violences. C’est involontaire mais généré ».
L’avocat A.M. tente une défense contre la charge de « rébellion » en rappelant la violence de l’interpellation (le médecin n’a même pas relevé le sang au dessus de la fesse de M.F., ni les traces de coups de matraque dans le dos) et le fait que 2 policiers décrivent différemment la scène dans les PV. Il dénonce la caractère disproportionné d’une peine de prison ferme (comme le demande le procureur) pour un doigt d’honneur.
Mais bien vite il revient sur le passé de M.F. et explique que si M.F. avait eu un accompagnement à sa dernière sortie de prison, il n’aurait pas été dans cette situation. Il vente les mérites de la recette « hébergement plus travail » qui mènerait à la fin de la délinquance et affirme qu’aujourd’hui M.F. est en mesure de suivre une obligation de soin et de travail avec un sursis suivi d’une mise à l’épreuve. Si on lui enlève sa capacité de s’alcooliser c’est bon. L’avocat continue et finit par plaider l’insertion par le travail et les TIG.
2ème et 3ème procès : T et G (jugés ensemble) :
G. est accusé de violences sans ITT sur personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP) par jet de projectiles, résistance avec violence en projetant un policier au sol.
T : violence sans ITT sur PDAP par un jet de canette
Le rappel des faits par le juge est confus et mélange les deux affaires. L’avocat et G. ont du mal à l’interrompre pour lui dire qu’il se trompe d’affaire sur les éléments énoncés. Le juge mentionne un document de l’avocate qui avait vu G. en garde a vue relatant le piteux état physique de G, les conditions dans lesquels il a été envoyé à l’hôpital ainsi que les conditions de la salle du commissariat dans laquelle elle s’est entretenue avec G. qui avait un trou sur la porte par lequel les policiers entendaient leur conversation.
Le juge interroge G. sur sa chaîne de moto qui lui sert de ceinture. L’avocat proteste que le port d’arme n’a pas été retenu comme chef d’inculpation mais il se fait couper par le juge qui pendant tout le procès parlera de cet élément malgré tout.
Après les réquisitions complètement folles du procureur, l’avocat A.M. commence sa « défense » de T. Il fait un lien entre les trois affaires par le profil des accusés en rappelant que ce sont trois anciens héroïnomans qui ne travaillent pas et aux casiers déjà lourds. A propos de T. il continue : « je ne pense pas qu’un alcoolique jette une bouteille pleine. Non la canette était vide. 6 mois avec sursis pour une canette c’est excessif. » « C’est touchant une personne qui milite pour la planète ». « C’est dommage qu’il ne soit pas poursuivi pour alcoolisme on aurait pu l’obliger à un traitement thérapeutique. » « Il faut que la peine soit plus intelligente, une peine d’accompagnement pour droit commun » (il plaide par cela le travail)
Vient le tour de l’avocat M.M. pour G : il revient sur la violence de l’interpellation prouvées par les nombreuses marques, œdèmes et ses coups à l’arrière du crâne qui prouvent que ça ne peut pas être lié à une chute. Il a eu 8 agrafes à l’hôpital, les médecins n’ont pas mis d’ITT, et le procureur n’a pas demander d’autres expertises ? G. est accusé de s’être opposé à l’interpellation d’une autre personne, mais il n’y a rien qui le montre. De plus on voit dans le PV que les policiers ont rajouté avec un stylo d’une autre couleur « jet de projectile », les PV ne correspondent pas à la réalité. C’est vrai qu’il n’y a pas de photos, pas d’ADN, pas de vidéo, il n’y a rien dans ce dossier. On ne peut pas s’appuyer sur des déclarations de policiers qui se contredisent entre eux dans leur déposition. La seule preuve contre G c’est son K-way noir. L’avocat ne plaidera pas que l’interdiction de Meuse et Haute Marne oblige G à devoir déménager et y perdre toute sa vie sociale puisqu’il y vit.
Perquisition G20 – Mandat d’arrêt européen, cavale et négociation [5]
Communiqué de Loïc, sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, dans le cadre des perquisitions coordonnées du 29 mai dernier suite au contre-sommet du G20 à Hambourg.
Le mardi 29 Mai, lorsque mon père part au travail, la police rôde dans la ruelle. L’un d’eux précisera qu’il était présent depuis 3h30 du matin, guettant mon retour au domicile familial. C’est lorsque ma mère rentre le soir à 19h30 que 15 policiers réalisent une perquisition de la cave au grenier. Elle durera 4h, jusqu’à 00h00.
La police allemande est également présente. Ils prennent des clés USB (dont celle de mon père qu’il utilise pour le travail), des cd, deux disques durs externes (dont celui de ma petite soeur), une bombe de peinture, des habits (ils recherchent longuement un slip en particulier, sans succès), le vieux caméscope familial, un feu d’artifice, un masque de hiboux de la lutte à Bure etc.. Des gendarmes de Commercy sont également présents, profitant de l’occasion pour faire une perquisition en rapport avec Bure sans préciser les motifs, la fameuse enquête « d’association de malfaiteurs » ?
Ce qui a surtout motivé le déploiement de 15 policiers, c’est la manifestation contre le G20 qui a eu lieu à Hambourg l’année dernière. Lors de cette rencontre des chefs d’État des plus grandes puissances de ce monde et des leaders des banques centrales, malgré les 20 000 policiers venus de toute l’Allemagne, le centre-ville d’Hambourg est hors-contrôle. Les gens sont dans la rue, font face à la police, enflamment des barricades. Le ministre allemand des finances et l’épouse du président Américain Mélania Trump sont bloqué·e·s et annulent leur déplacement. Impossible de rejoindre le G20. Des prêtres hébergent dans leurs églises des militantes et militants venu·e·s du monde entier. Impossible pour les leaders capitalistes et grands responsables du réchauffement climatique de se retrouver en paix. On récolte ce que l’on sème. Pour reprendre le contrôle de la rue, la police allemande déploiera même une unité spéciale, fusils d’assaut à la main. Le ministre fédéral de la justice allemande déclarera « Il n’y aura plus de G20 dans une grande ville allemande. » Victoire ! Mais a quel prix ?
Propagande, criminalisation, avis de recherche, le moindre acte de révolte se retrouve fortement réprimé. La vengeance des puissants s’annonce terrible. Des appels à la délation sont lancés dans les journaux allemands, publiant des photos de manifestant·e·s le visage découvert lançant des pierres. Ces mêmes journaux qui pourtant font l’éloge des gens jetant des projectiles sur la police au Vénézuela. Ou comment les médias soi-disant impartiaux jugent ce qui est politiquement correct et conditionnent l’esprit de révolte. Des personnes répondront à l’appel de délation lancé par la police d’Hambourg sur son site internet, une méthode qui évoque de sombres souvenirs.
Ce sont 3 343 enquêtes qui ont été ouvertes par le commando spécial d’investigation, qui possède plus de 13 Terrabytes de données à traiter.
Ce 29 mai, c’est une action policière coordonnée de plusieurs dizaines de perquisitions à travers l’Europe, : Italie, Suisse, Espagne et France. Rien qu’en Suisse c’est 150 policiers qui sont entrés en action. Le commando spécial Argus a également participé à l’opération en attaquant un appartement privé et en menottant et bâillonnant tou·te·s les habitant·e·s. Au même moment, une soixantaine de policiers entraient au « Kultur Zentrum », cassant toutes les portes et restant dans la maison pendant une bonne heure. À la fin, ils ont confisqué et transporté deux remorques remplies d’objets différents.
Je n’étais pas chez mes parents, ils n’ont pas laissé de convocation, rien m’invitant à me rendre au commissariat. Non, je suis directement sous mandat d’arrêt européen. Recherché par la police. Mes 2 parents seront auditionnés comme témoins au commissariat. De mémoire, vu qu’ils n’ont reçu aucun papier, je serais accusé de complicité & aussi de bande organisée pour dégradation, incendie de bâtiment (peine de 10 + 5 ans), port d’arme de catégorie A et violence sur agent.
Vu que j’ai actuellement pas mal de procès dont la moitié ne devrait pas exister, avant de me rendre à la police afin de me défendre et comprendre ces nouvelles accusations ahurissantes, je souhaite rentrer en négociation. Je demande la suppression de la moitié de mes procès qui sont illégitimes au regard de la vérité et de vos principes légalistes. En effet, je suis victime d’un acharnement judiciaire et policer. Cette affaire sur le G20 serait mon 6e procès.
Mon premier procès fut pour complicité d’attaques informatiques avec Anonymous de l’Opération contre les Grands Projets Inutiles et Imposés, je me suis défendu au tribunal expliquant la raison de mon acte. J’ai eu 4 mois de prison avec sursis et 5 000 € de dédommagement collectif avec les 2 autres personnes arrêtées.
Mon 2e procès fut pour complicité d’attaques informatiques avec Anonymous de l’Opération contre les Grands Projets Inutiles et Imposés, je me suis défendu au tribunal expliquant que j’ai déjà été jugé pour ça. Je suis relaxé par le juge grâce au principe de « Non Bis in Idem » (ne pas être jugé 2 fois pour la même chose) mais le parquet décide de faire appel. Cette deuxième audience arrive au mois de septembre 2018. (Procès illégitime).
Mon 3e procès fut pour « Outrage et rébellion » & « Incitation directe à la rébellion » lors de la manifestation du 15 septembre 2016 contre la loi travail. Grâce à une vidéo qui prouve l’inexistence de « l’outrage » et le mensonge de « l’incitation directe à la rébellion » créés par plusieurs policiers se mettant d’accord pour délivrer ce faux témoignage : « on est plus nombreux qu’eux, on leur rentre dedans », ces 2 accusations tombent à l’eau mais je suis quand même condamné pour « rébellion ».
Alors que je suis victime d’une arrestation qui n’a plus aucun motifs d’interpellations, je suis condamné ce 18 mai à 1 mois de prison ferme si je ne paye pas les 600 € d’amende dans le mois. Je dois également payer 350 € au policier au titre de préjudice moral et des frais judiciaires. […] (Procès illégitime).
Mon 4e procès fut pour avoir fait tomber la clôture de l’ANDRA autour de son projet d’enfouissement de déchets nucléaire à Bure. Je me suis défendu au tribunal expliquant la raison de cet acte collectif. La procureure demande 5 mois de prison ferme et 5 mois de sursis, le juge donnera 4 mois avec sursis. Le parquet mécontent, décide de faire appel. Je n’ai toujours pas la date.
Mon 5e procès est basé sur mon précédent procès de la clôture de l’ANDRA. Le commandant de Gendarmerie DUBOIS m’accuse de diffamation suite à un article de Médiapart retranscrivant le discours que j’ai fait au tribunal. Lorsque j’y relate mon interpellation, je précise que ce commandant m’a étranglé pendant plusieurs longues secondes, que je n’arrivais ni à parler, ni à respirer. Le médecin au début de la GAV notera une rougeur de type griffure de 8 cm sur le cou. Afin de le pousser à la vérité, je fais croire dans mes échanges téléphoniques et mail non sécurisé que j’ai reçu une vidéo que je garde pour la fin du procès où l’on voit son étranglement. Le commandant pendant l’audience précisera (chose qu’il n’avait pas faite dans ses PV d’auditions) qu’il a entouré avec son bras ma tête afin de me protéger pour que celle-ci ne cogne pas le sol, il ne reconnaît pas l’étranglement. Je suis condamné à 1400 € pour « atteinte à l’honneur » et « diffamation » ainsi que les frais de justice du commandant. [...]
Sans l’amnistie par le parlement (grâce à l’article 133-9 code pénal) des condamnations de ces 3 procès illégitimes ainsi que le désistement de l’appel du parquet pour la clôture de l’ANDRA, je n’accepterai pas de me rendre dans ce que l’on nomme avec ignorance justice. Ayant vécu dans leur enceinte l’acharnement et le mensonge embelli sous le vocabulaire pompeux de la judiciarisation, mon dégoût m’amène aujourd’hui à ne plus vouloir goûter à leur injustice. Je choisi la cavale. [...]
Je tiens à préciser que je refuserai l’amnistie ou la grâce si elle est délivrée par Macron. […] l’amnistie ne me fera pas retourner ma veste. Je continuerai à dire que le pouvoir est à détruire et non à conquérir. Et si un jour je ne le pense plus, ne m’écoutez plus et fuyez loin de moi. D’ailleurs, n’attendez rien de moi, attendez tout de vous. Aucun représentant, soyons nos propres maîtres·se·s. [...]
Il y a un projet fou à enterrer et une forêt à protéger.
Loic
De Tarnac à Bure, l’« association de malfaiteurs » sert à réprimer les luttes [article]
30 mars 2018 / extraits d’un article écrit sur Reporterre)
[…] Définie par l’article 450-1 du Code pénal, l’association de malfaiteur désigne un « groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. » Et jusqu’à dix ans de prison et 150.000 euros d’amende.
Une infraction étroitement liée à l’histoire contre-insurrectionnelle. L’association de malfaiteurs fait en effet sa première apparition dans le Code napoléonien de 1810, avant d’être reprise et précisée en 1893 dans les « lois scélérates ». Cette série de textes législatifs cherche alors à réprimer le mouvement anarchiste, responsable de nombreux attentats au début de la Troisième République.
La loi du 18 décembre 1893 « permet de déclarer complices et associés d’un crime des individus qui n’y ont pas directement et matériellement participé, écrit Léon Blum en 1898 dans La Revue blanche. Elle [lèse] un des principes généraux de notre législation. La loi française pose en principe que le fait coupable ne peut être puni que quand il s’est manifesté par un acte précis d’exécution. Aux termes de ce nouveau texte, la simple résolution, l’entente même [prend] un caractère de criminalité. »
« Criminaliser collectivement un groupe, et de criminaliser l’intention plutôt que les actes »
[…] Ainsi, à Tarnac comme à Bure, constate Me Harabi, « il y a clairement une narration recrée par l’institution judiciaire pour criminaliser le mouvement social ». Et cette criminalisation permet d’exercer une « pression permanente sur un groupe ciblé ».[…]
A a ainsi été convoquée trois fois en six mois par un officier de police judiciaire pour des faits relativement anodins, apparemment sans relation avec une association de malfaiteurs. […]
Bure : des voix s’élèvent contre la fabrication d’une « nouvelle affaire Tarnac »
Article de médiapart paru le 23 juin 2018 par Jade Lindgaard
La vague de perquisitions à Bure et le placement en garde à vue de l’avocat du mouvement d’opposition au centre d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo suscitent l’indignation d’avocats et de défenseurs des droits humains. Pour le syndicat des avocats de France (SAF), « nous sommes en présence de très graves violations des droits de la défense et du secret professionnel, auxquelles le SAF demande qu’il soit mis un terme sans plus attendre », car « ces événements participent manifestement d’une volonté de déstabiliser la défense et d’accéder à des informations détenues par [celle-ci] et couvertes par le secret professionnel ».
Le Conseil national des barreaux, instance qui représente la profession, condamne « ces méthodes d’intimidation qui visent un avocat dans l’exercice de sa profession, dans un dossier où il était lui-même constitué, et cette atteinte intolérable aux droits de la défense et au secret professionnel ».
M. a vu son domicile perquisitionné pendant deux heures mercredi matin.
« Ils fouillent tout, ouvrent tous les placards, les dossiers, les papiers, le courrier. À la fin, ils m’ont demandé : “Vous n’avez pas de masque de hibou ? On n’en a pas trouvé.” » La chouette et le hibou sont les effigies des occupant·e·s du Bois Lejuc, évacué par les gendarmes en février. Ces masques sont portés par les opposant·e·s à Cigéo lors de manifestations légales et d’actions désobéissantes. Son ordinateur, son téléphone et une clef USB ont été saisis.
« Détourner l’attention des risques réels du projet Cigéo »
La jeune femme a ensuite été entendue pendant quatre heures et quart au commissariat de Gondrecourt, en audition libre. « Ils ne m’ont pas expliqué mes droits, ne m’ont pas donné la procédure pour récupérer mes affaires. » Lors de son audition, les questions étaient parfois erronées : « Qui est à la tête de l’association SCI ? », alors que la SCI n’est autre que l’acronyme désignant la société civile immobilière qui possède la maison de Bure, où M. a vécu deux ans. Ou absurdes : « Êtes-vous responsable de Riseup ? Nous avons des documents qui prouvent que vous incitez les gens à utiliser Riseup », alors qu’il s’agit d’un simple gestionnaire alternatif d’adresses mails.
[…] Des personnes arrêtées pour des raisons liées à la mobilisation autour de Bure demandent un avocat commis d’office mais ne le voient jamais venir. [...]
Pour Olivier Glady, procureur de la République, il n’y a pas d’ « acharnement » contre les militant·e·s de Bure : « À l’exception de cinq personnes incarcérées, tous ceux passés devant le tribunal correctionnel, entre 25 et 30 personnes, ont été condamnés à des peines de sursis et de mise à l’épreuve. Il y a eu des relaxes et des classements sans suite. » Sur le fond, « ni la justice, ni les gendarmes ne chassent particulièrement les militants. On cherche à répondre aux envois de cailloux, aux dégradations commises contre l’ANDRA, mais comme on répond à toute délinquance ». À l’entendre, « les voix des militants sont plus entendues que celles de la justice ». À voir le silence médiatique sur les gardes à vue et perquisitions de ces derniers jours, il est permis d’en douter.
Répression à Bure : une instruction pour broyer la lutte
(article écrit pas quelques chouettes-hiboux de Bure)
« On est à Bure, on fait ce qu’on veut ! » parole entendue lors d’une perquisition du 20 juin 2018 de la bouche d’un gendarme
Entre le mercredi 20 et le jeudi 21 juin 2018, 14 perquisitions ont eu lieu dont 12 simultanées dans des lieux de vie de militant.e.s anti-CIGEO. Ces perquisitions, parfois menées dans la plus complète illégalité (en l’absence de mandat présenté aux occupant.e.s), semblaient cibler des personnes particulières afin qu’elles soient auditionnées ou placées en garde à vue. Ainsi, plus d’une douzaine de convocations pour des auditions ont été distribuées et 9 interpellations ciblées ont eu lieu. Après des gardes à vue de 36 à 60h, 2 personnes sont relâchées sans suite pour le moment, 2 personnes obtiennent le statut de témoin assisté et 5 personnes sont mises en examen avec un contrôle judiciaire. Ce contrôle comprend des interdictions de territoire, des interdictions de se voir entre personnes concernées par l’instruction et une interdiction de quitter le territoire national.
L’État et son lobby nucléaire ont montré une fois de plus que la seule réponse qu’il savent apporter aux critiques légitimes des opposant.e.s à CIGEO, la méga poubelle de Bure, est une réponse répressive. Cet acharnement répressif se manifeste au travers de l’ouverture d’une instruction pour association de malfaiteurs, pilotée par le juge d’instruction Kevin Le Fur. Ce dernier, obéissant aux logiques des nucléocrates, peut ordonner des perquisitions de tous lieux et des arrestations, des écoutes et des filatures de toute personne étant liée de près ou de loin avec la lutte contre CIGEO, et ce jusque la fin de l’instruction qui devrait durer encore au moins un an et s’étendre plus probablement sur plusieurs années. Une première vague de perquisitions avait déjà eu lieu dans ce même cadre le 20 septembre 2017.
La peine, c’est la procédure
Quand l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) et l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) pointent du doigt les risques énormes liés au projet CIGEO, quand près de 3000 personnes se retrouvent dans les rues de Bar-le-Duc pour dénoncer ce projet absurde, demander la fin du nucléaire et affirmer leur solidarité aux militant.e.s locales, l’État abat sa dernière carte pour imposer sa poubelle nucléaire : la répression. Pour les personnes vivant à Bure et dans les environs, la vie est déjà rendue complexe par une présence policière accrue : plusieurs patrouilles par heure, contrôles et fouilles des véhicules et des personnes… Sortir sans sa carte d’identité, c’est risquer une vérification d’identité de 4h ; laisser traîner un couteau suisse (et même une pelle à tarte) dans la portière de sa voiture, c’est risquer une garde à vue et des poursuites pénales pour transport d’arme. Quand on parle d’État d’exception à Bure, on fait état de toutes ces mesures qui rendent pénible la vie au quotidien afin que ce bout de territoire se vide toujours plus de ses habitant.e.s et surtout de ses opposant.e.s à la poubelle nucléaire.
L’’instruction ouverte pour association de malfaiteurs décuple les activités répressives contre les militant.e.s et, en brisant des vies, tente de broyer cette lutte. Ainsi, des personnes installées depuis des années se retrouvent avec des interdictions de territoire qui les privent de leur vie sociale tissée sur la durée. Des personnes qui luttent depuis des années contre ce projet se retrouvent dans l’interdiction de se voir, cassant toute possibilité d’organisation politique. En recherchant jusqu’aux personnes participant aux approvisionnements de nourriture et en mettant en place des filatures et des écoutes généralisées, l’État diffuse la peur parmi tou.te.s les opposant.e.s et tou.te.s les habitant.e.s. La défense collective contre cette attaque judiciaire est d’autant plus compliquée que les personnes concernées n’ont pas le droit de se voir et que le dossier d’instruction est protégé par le « secret d’instruction ». La procédure en cours est chronophage, mobilise des personnes pour la parer, diabolise les mis.e.s en examen aux yeux de voisin.e.s et des personnes qui découvrent les chefs d’inculpation. Elle prend ce temps si utile pour lutter. Cette instruction a pour unique but de paralyser la lutte et d’imposer le projet mortifère de la poubelle nucléaire à Bure.
Mais la lutte n’est plus une lutte locale : avec des comités de soutien et d’action qui se forment et se consolident partout en France et au delà, la résistance prend une tournure internationale. Ainsi, 55 rassemblements ont eu lieu mercredi 27 juin 2018. Ielles veulent museler l’opposition locale à CIGEO, mais ielles n’ont pas compris que cette opposition est totale ! Les comités de soutien et d’action, les milliers de personnes présentes lors de la manifestation du 16 juin à Bar-le-Duc, sauront boycotter la concertation organisée par les pouvoirs publics autour du nucléaire à la rentrée pour organiser leurs propres concertations autogérées ; ielles sauront suivre l’exemple des MONSTRES de CIGEO (campagne lancée sur le site lesmonstresdecigeo.noblogs.org) et prendre pour cible partout où ils sont atteignables les sous-traitants et soutiens de CIGEO ; et ielle sauront enfin se retrouver nombreu.x.ses du 3 au 10 septembre autour de Bure pour une semaine d’ateliers et de mobilisation afin de stopper la construction de la voie ferrée qui servira aux transport des déchets, l’installation du transformateur électrique qui alimentera CIGEO et le défrichement du Bois Lejuc.
A Bure comme ailleurs, les autorités ciblent l’autodéfense juridique
Extrait d’un Article de médiapart, paru le 23 juillet 2018 Par C. Gueugneau et J. Lindgaard
[…] Selon les récits recueillis par Mediapart (voir notre Boîte noire), au moins un an d’écoutes téléphoniques permanentes sur une trentaine de personnes ont nourri des centaines de pages d’instruction. Une centaine d’autres auraient été écoutées de façon intermittente par « la cellule Bure » [note supplémentaire : composé de 30 Officiers de Police Judiciaire] créée au sein de la brigade de recherche de la gendarmerie de Nancy. Interrogé par Mediapart, le parquet de Bar-le-Duc n’a pas donné suite.
Une personne raconte avoir entendu en garde à vue des commentaires sur la vie personnelle de son enfant ; une autre se fait questionner sur son goût pour les jeux de société. Un enquêteur note qu’un·e militant·e « s’habille en noir ».
Lors de la perquisition chez lui, un militant dit avoir été plaqué à terre et menotté dans le dos, alors que, tiré du lit, il ne portait qu’un T-shirt. La porte de son domicile a été brisée à coups de bélier tandis qu’il criait : « Je vais vous ouvrir ! » Une autre personne a raconté avoir été menottée sur son lieu de travail et emmenée entravée dans le local de son association, devant ses collègues. [...]
Comme lorsqu’ils s’attellent à démanteler un réseau criminel, les gendarmes ont réalisé des schémas sur l’organisation interne du mouvement de Bure. Des personnes sont considérées comme des « objectifs » prioritaires car soupçonnées par les enquêteurs d’être les cheffes, au vu du nombre d’échanges téléphoniques auxquels elles participent. Ce sont aussi celles qu’ils identifient comme les plus actives dans la legal team et l’automédia. Mais cette interprétation hiérarchique, disciplinaire et mécaniste des fonctionnements militants est complètement erronée. [...]
Pendant les interrogatoires des gardé·e·s à vue, des questions ont été posées sur l’autodéfense juridique, d’après leurs récits. « Qui paie vos avocats ? », « Qu’est-ce qu’une legal team ? », « Qui en est membre ? », « Avez-vous le numéro de la legal team ? », « Êtes-vous membre de la legal team ? » Au point qu’un·e avocat·e a demandé au juge d’instruction si le fait d’assurer les droits de la défense était devenu un délit.
Un·e gardé·e à vue ayant refusé de répondre à ce type de questions, un gendarme lui aurait répondu : « Si vous pensez que la legal team n’exerce que les droits de la défense, pourquoi refusez-vous de répondre aux questions ? » Pendant sa garde à vue, on fait écouter à une personne un enregistrement de la ligne téléphonique de la legal team : « C’est votre voix ? »
Pour Arié Alimi, avocat au barreau de Paris et membre de la Ligue des droits de l’homme (LDH), ce besoin d’auto-organisation, notamment juridique, s’est structuré dans un contexte de répression accrue ces dernières années, notamment à l’égard de mouvements de type zadiste ou de manifestations contre l’État. Mécaniquement, la réponse policière s’est alors adaptée : « Les gens ont conscience de leurs droits et les policiers ne le supportent pas. »
« Militante anarcho-autonome susceptible de se déplacer en France et à l’étranger »
On retrouve le même schéma d’incrimination sur l’automédia. À Bure comme pour d’autres mouvements militants, il existe un téléphone collectif que les journalistes peuvent appeler pour apprendre des informations sur les mobilisations. Une personne mise en examen a raconté s’être vu demander lors de sa garde à vue : « Avez-vous répondu au téléphone presse ? », « Étiez-vous en possession de l’appareil ? », « Avez-vous publié ou corrigé des textes sur le site internet [du mouvement] ? »
D’après la même source, les gendarmes lui ont fait écouter des enregistrements de conversations entre le téléphone presse et un·e journaliste. « Est-ce vous qui répondez au téléphone le 15 août, date d’une manifestation non déclarée qui a tourné à l’affrontement avec les forces de l’ordre ? »
Les enquêteurs considèrent apparemment le fait de répondre aux questions de médias équivaut à un acte de revendication. Un opposant a rapporté s’être entendu dire : « Si c’est vous qui avez répondu alors que des violences ont été commises par les manifestants et que la dispersion a été ordonnée par les forces de l’ordre, c’est que vous assumez ce qui s’est passé. » Pour les autorités, refuser de condamner des faits commis par des militant·e·s se confond avec l’idée d’une complicité à leur égard. Les opposant·e·s défendent de leur côté la nécessaire solidarité entre camarades de lutte.
Les enquêteurs recherchent aussi qui écrit les communiqués de presse, qui publie sur le site, qui rédige les comptes-rendus de réunion, sur quel ordinateur, qui prend la parole en assemblée générale. À travers ces récits, on apprend, au passage, que des personnes en théorie protégées par le secret professionnel, avocat·e·s et journalistes, ont été écoutées par les gendarmes. […] Une salariée d’une association locale, coorganisatrice de rassemblements à Bure et Bar-le-Duc, a subi un interrogatoire serré alors qu’elle se rendait à Londres avec des ami·e·s pour un voyage privé. Qui a-t-elle vu ? Où s’est-elle rendue ? Ses bagages ont été fouillés et il s’en est fallu de peu qu’elle rate son train.
Sur la note blanche d’une autre militante, versée au dossier d’instruction dans une autre procédure, on peut lire : « Militante anarcho-autonome susceptible de se déplacer en France et à l’étranger. » Et aussi : « Ne pas attirer l’attention. Signaler passage. Relever provenance, destination, moyen de transport et signaler accompagnant. Si possible photocopie des documents de voyage. »
En mars 2018, la préfète de la Meuse, Muriel Nguyen, nommée chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2018, interdit des manifestations contre Cigéo car « plus de 700 opposants sont attendus, dont au moins une centaine comptant parmi les militants de l’ultragauche et des collectifs antinucléaires formés aux techniques de guérillas urbaines ». Pourtant, après trois vagues de perquisitions, aucune arme n’a été saisie chez les militant·e·s, ni aucun plan d’insurrection.
Mais toutes ces opérations policières laissent des traces sur les personnes visées. Elles racontent vivre difficilement la situation. Il leur faut à regarder derrière soi si l’on est suivi ; à s’inquiéter de bruits inhabituels dans l’escalier de l’immeuble ; à ne jamais sortir de chez soi sans éteindre son ordinateur ; à se méfier au téléphone de peur d’être écouté·e ; à murmurer à l’oreille certaines choses importantes ; à voir des forces de l’ordre en bas de chez soi et à être régulièrement filmé·e et photographié·e. « On perd toute spontanéité de la vie. À en perdre le goût. Ils veulent te rendre ton existence insupportable », témoigne l’une d’elles. [...]
Bure : malfaiteurs ? Alors j’en suis !
Intégralité du texte publié le 24 octobre sur manif’est
[…] L’Association de Malfaiteurs est un monstre grossier qui trace des lignes entre les individus, en tentant de les assigner à des groupes, à des fonctions et rôles définis, à des intentionnalités figées, à des responsabilités dans des espaces géographiques et temporels circonscrits. Dans son échiquier criminel, l’association de malfaiteurs choisit ses pions qui tombent, ses fous qui parlent, ses rois et ses reines qui dirigent. Et si les un·e·s et les autres s’y laissent prendre, tout le monde fait échec et mat : se coucher fait perdre, sacrifier des pièces pour en favoriser d’autres fait perdre, ne plus avancer fait perdre, riposter aveuglément fait perdre. La crainte de tomber, la crainte de la trahison, la crainte des divergences, la crainte des autres tout simplement, est le venin qui s’insinue et nous contamine invariablement, les un·e·s et les autres, venant à bout de la seule entente profonde qui nous traverse tou.t·e·s malgré nos différences d’opinion ou de personnalités : la solidarité !
Il n’y a pas de coupables ou d’innocent·e·s, il n’y a que des ami·e·s, des amant·e·s, des camarades, des voisin·e·s, des gens qui croient, qui luttent, qui pleurent, rient, souffrent et aiment, qui ne sont pas venu·e·s à Bure pour commettre essentiellement des faits délictueux, mais pour agir selon ce qui leur semble tantôt juste, tantôt nécessaire, parfois seul·e·s, parfois à deux ou à plusieurs.
Et toutes ces personnes ne forment certainement pas une seule et vaste entente criminelle, mais des communautés spontanées de cœur, de biens, de vie, de pensées, d’action et de réaction qui se lient chaque matin et se délient chaque soir. Et les moyens de vie et de lutte dont ils se dotent ne sont pas les armes d’une organisation quasi-militaire mais les outils collectifs dont une lutte a besoin pour se faire l’écho des voix multiples qui s’y expriment, pour prendre soin les un·e·s des autres, pour garantir une défense plus équitable de ses droits face à la justice, pour nourrir, abriter et vêtir confortablement tout le monde, d’où qu’il ou elle arrive. [...]
Perquisition chez l’hébergeur des données fuitées d’Ingérop [6]
Posté le 05/07/2018 par lesmonstresdecigeo
On a remarqué que depuis hier soir, les données d’Ingérop (sous-traitant du projet Cigéo) ne sont plus accessibles sur Internet. D’après plusieurs articles de la presse allemande, et notamment celui-ci (en allemand), l’hébergeur des données (Systemausfall) a subi hier à 20h une perquisition de la police allemande à Dortmund. La perquisition aurait été justifiée par l’hébergement de données provenant d’une entreprise française, notamment des plans de prisons françaises et de la centrale nucléaire de Fessenheim.
En réponse à la perquisition, la version allemande de la plateforme Indymedia a publié un appel à une manifestation ce soir à 19h à Dortmund (en allemand). On y apprend notamment que la perquisition a touché de nombreux autres groupes et associations qui avaient leurs locaux sur place (les flics allemands en auraient profité).
Solidarité avec les personnes touchées par cette perquisition.
À propos de l’extradition de Loic Citation vers l’Allemagne
Intégralité du texte publiée le 12 octobre 2018 sur manif’est
S’il en manque un, il devrait être puni.
Mais les juges doivent le faire,
qui, sans rancune, les chèvres des moutons
savent séparer.
Et les passions se reposent alors.
S’il en manque un, il devrait être puni.
Mais pas devant une cour martiale étrangère,
et non selon les paragraphes nationaux.
Ça ne marche pas comme ça.
Appellent les agitateurs, les hurleurs à la guerre –
c’est beaucoup trop fort pour moi.
Par leur folie ils font chuter jusqu’au berceau,
ce que nous avions construit.
Vous avez la victoire. Etes-vous obligés de vous rouler en elle ?
Ne pourriez-vous pas être humains ?
Mais nous vous rappelons, si vous venez vers nous sur des échasses :
c’est un non catégorique !
Theobald Tiger, Extradition.
Depuis quelques jours, notre ami et camarade Loïc dort derrière des barreaux allemands. Comme nous le craignions, la France n’a pas traîné pour céder aux demandes d’extradition de son voisin. Le 26 septembre, la Cour de cassation a rejeté l’appel de Loïc et ainsi validé le mandat d’arrêt européen sous le coup duquel il a été violemment interpellé à Nancy, le 18 août. Elle estime notamment qu’il n’est « pas poursuivi en raison de ses opinions politiques ». Quelques jours plus tard, notre ami quittait la prison de Maxéville, devenant ainsi le premier inculpé du G20 de Hambourg à être transféré en Allemagne par les autorités de son pays.
Les autorités l’ont amené ce week-end jusqu’à Hambourg. Loïc se retrouve donc en détention provisoire à 750 km de chez lui et de ses proches, dans un pays dont il ne parle pas la langue et ce pour une durée indéterminée. Les enquêteurs allemands étaient pourtant parfaitement en mesure de venir l’interroger en Lorraine. D’autant qu’ils connaissent la route puisque nous les y croisons régulièrement ces derniers mois.
Si la coopération policière franco-allemande ne nous surprend plus, nous constatons toutefois qu’elle semble chaque fois un peu plus fluide. Intérêts communs, méthodes communes ? La France qui prépare son G7 de l’été prochain (à Biarritz, fin août) semble toute dévouée à aider les autorités allemandes à traquer partout en Europe celles et ceux qui auraient saboté sa grand-messe capitaliste de juillet 2017. En revanche, les vieilles reliques telles que le droit à la défense n’ont apparemment plus cours. Le 25 septembre dernier, Loïc n’a pas été conduit à son propre procès. L’audience - relevant d’une affaire précédente au sujet de la piraterie informatique - avait lieu à Paris. L’administration pénitentiaire lui suggère d’abord de comparaître par webcam, ce qu’il refuse. Il exige d’assister à son procès pour lequel il a préparé une déclaration. On lui promet alors de faire le nécessaire pour organiser son déplacement mais rien ne sera fait. C’est enfermé à Nancy qu’il passe la journée du 25. Le procès sera reporté au 4 décembre en raison de l’absence de l’accusé. Empêché de se défendre en France, Loïc va donc devoir faire face aux accusations allemandes. [...]
A ce titre, nous dénonçons dès à présent l’instrumentalisation du procès de Loïc et des autres inculpé.e.s de la Elbschaussee, à des fins de manipulation politique. Selon les informations dont nous disposons, celui-ci pourrait débuter à la mi-décembre. Et la cour d’Hambourg envisagerait pas moins de plusieurs mois d’audiences ! Seul.e.s quelques-un.e.s sont enfermé.e.s, mais nous somme tou.te.s visé.e.s ! Feu aux prisons ! Liberté pour Loïc !
Comité de soutien transfrontalier
Petit message de celles et ceux qui dormaient...
Bure | article intégral sur manif’est Publié le 8 octobre
Voici en quelques mots le réveil à la Maison de Résistance ce matin quand la gendarmerie est venue défoncer la porte d’entrée… seule porte verrouillée la nuit puisqu’elle ne tient plus fermée depuis la dernière perquisition…
Ro, qui après deux ans ici a encore la patience de leur parler poliment :
Joyeux Réveil manu-militari vers 7h.
Puis en guise de petit dej une bonne immobilisation au sol et palpation corporelle puis menottage mains dans le dos. Soulevée (c’est lourd un boulet de 80 kg) pour être remise debout puis emmenée avec les bras tenus de manière à me les tordre.
Je me fais enlever les menottes peu après avoir rejoint les copaines. To reste menotté, Fa (compagnon chien) est seul sur la mezzanine. G arrive menotté et se fait poser au sol avec nous, avec To, ils finissent par être démenottés.
Fa descend de la mezzanine en boitant, coup de pied peut-être ?
No est appelée pour aller chercher Wal (compagne chienne) enfermée dans une chambre. Ri peut rapporter du thé. Aucun papier présenté tout au long de leur présence. Ils disent enfin qu’ils cherchent quelqu’un interdit de Meuse, qui « serait venu cette semaine, ils auraient une photo de lui ?? » Sachant que Le copain n’est pas venu j’ai malencontreusement explosé de rire, ils ont quand même l’air vachement mal renseignés les keufs !
7H45 l’opj ?? me signifie la « fin de l’opération » et qu’ils vont quitter les lieux.
En bref, 8 animaux canins / humains dans la maison. Et toujours de la bonne humeur ensemble. (mention spéciale aux gland -arme qui en réponse de mon fou rire à sorti : « oh décidément vous ça s’arrange pas » le tout en tirant la gueule. […]
A, qui garde le sourire :
Couché à 3, j’émerge à 7 au son de la porte qui craque et des gueulements des flics. Mon lit est en face de la fenêtre, je grimpe illico sur le toit sans chercher à en savoir plus. La maison est encerclée, ça fout le bordel dans le dortoir, ils menottent mon compagnon de chambrée puis un flic passe la tête par la fenêtre et me braque avec son taser, m’ordonnant de descendre. Je refuse poliment. Il réitère, dit que c’est pour ma sécurité, je lui fais remarquer que menacer de me tazer sur un toit n’aide pas à établir une relation de confiance. J’attends la fin de la scène sur mon perchoir. [...]
Bure : récit de l’opération policière de ce jour à la gare
[intégralité publié le 27 septembre sur manif’est]
Aujourd’hui, jeudi 27 septembre, une opération policière a eu lieu à l’ancienne gare de Luméville, lieu collectif proche de Bure. Les gendarmes mobiles sont revenus encercler la gare peu avant 18h pour interpeller 2 personnes ciblées suite aux événements de ce matin.
Pour le moment le bilan de la journée est donc à 3 GAV. [qui sortiront avec un contrôle judiciaire jusqu’à leur procès le 16 Octobre, reporté le 5 janvier]. Voici le récit des événements.
Un tracteur est arrivé dans le champ de Vigipatate vers 8h-8h15 environ. Il était accompagné de 4 personnes ressemblant fortement à des vigiles de l’Andra, qui avaient des caméras.
Un bref échange a juste permis de savoir qu’ils étaient là "au cas où".
Les copaines sont arrivé.es de plus en plus nombreuses, interrompant le travail du tracteur, le ton est un peu monté, et s’en est suivi l’arrivée d’une dizaine de gendarmes vers 9h30, dont des enquêteurs de la police scientifique et des gendarmes cinéastes.
Un long face à face a commencé, les gendarmes se sont déployés autour du terrain de la gare, le tracteur a repris son travail accompagné d’un 4x4. Puis les gendarmes se sont de nouveau regroupés dans le champ VigiPatate, laissant juste un gendarme en face de l’entrée de la gare.
Vers 11h30, une vingtaine de gendarmes mobiles supplémentaire est arrivée en face de l’entrée, ils sont sortis des camions en tenue anti-émeute, et ont commencé à avancer sur le chemin de la gare sans faire aucune sommation, ni donner aucune raison.
Après de nombreuses questions afin de savoir pourquoi ils rentraient, il a été répondu qu’ils enquêtaient pour une flagrance de jet de pierre. Ils ont continué à avancer et à se déployer jusqu’à la gare. Certaines personnes se sont enfermées dans le bâtiment, d’autres ont reculé jusqu’au bout du terrain. D’autres gendarmes sont arrivés et toutes les personnes se sont retrouvées cernées, à part celles dans la gare qui ont pu sortir et se réfugier en hauteur (toit, éolienne).
Une personne sur le terrain a été de suite interpellée et placée en GAV (garde à vue) sans que personne ne comprenne bien pourquoi. D’autres ont été interpellées, menottées, interrogées puis relâchées sans forcément avoir eu à donner leurs identités.
Au bout d’un moment, ils ont relâché tout le monde, y compris des personnes dont l’identité n’était pas encore vérifiée et qu’ils menaçaient juste avant d’emmener à Void-Vacon.
Un peu plus tard, on a vu passer le tracteur suivi d’un fourgon de gendarmerie dans lequel se trouvait Emmanuel Hans, se dirigeant vers Luméville.
Plusieurs gendarmes étaient armés de manière disproportionnée comme d’habitude, avec notamment des fusils automatiques. Un grand merci aux personnes qui sont arrivées en soutien juste après.
Petit Bilan (septembre 2018)
- patrouilles : les Gardes Mobiles patrouillent extrêmement régulièrement devant tous les lieux habités par des opposants dans les 15km à la ronde. On peut les voir passer toutes les 10min à certains moments, toutes les 2-3h dans les moments creux. Presque systématiquement, on les voit filmer avec leurs téléphones lorsqu’ils passent devant nos fenêtres. Faits plus récent, depuis début septembre, les vigiles de l’ANDRA patrouillent également dans les villages dans leur jeep blanche.
- contrôles : selon les périodes on observe des contrôles avec réquisitions permettant fouilles des voitures et des personnes et demande de l’identité des passagers plus ou moins régulier et systématique dans les villages de Biencourt, Ribeaucourt, Bonnet, Bure, Mandres, Luméville, Cirfontaines. Avant la semaine du 3 au 10 septembre par exemple, les contrôles étaient incessants. A chaque fois qu’on croisait les gendarme, en étant à pied ou en voiture, on était sur.e.s de se faire contrôler. Peut-importe si les mêmes officiers nous avaient contrôler quelques heures au part avant. Il est même arriver qu’une personne qui s’était faite contrôler 4 fois dans les 4 derniers jours, en ayant à chaque fois donner ses papiers, se fasse embarquer le 5eme jour alors qu’il n’avait pas ses papiers (en tant que passager) mais qu’il était contrôler par le même officier que la veille. L’interpellation a été musclée, une partie a été filmée : https://manif-est.info/un-controle-routier-en-Meuse-710.html Depuis début septembre le rythme des patrouilles et des contrôles est un peu redescendu.
- ce harcèlement quotidien a sans doute différents buts : renseignements, fichage, mais on peut noter une volonté certaines de nous faire craquer et à nous incriminer pour n’importe quoi. (Lors d’un contrôle routier qui a durer plus de 2h (c’est 30 min max) et ou une quinzaine de personne est arrivé pour soutenir les copaines en contrôle, les flics tentaient de prendre en photo les 2 pauvres canettes de bière qui avaient été sortie pour passer le temps pour tacler les gens d’ivresse sur la voie publique). Les contrôles ont parfois lieu volontairement très proche des lieux habités et peuplés pour tenter les réactions. On a ainsi eu plusieurs Garde à Vue qui donnent lieu à des procès le 16 octobre, une pour un outrage alors qu’un contrôle routier avait lieu à 10m de la maison de résistance, une pour "rébellion en réunion" d’un copaine qui se faisait contrôler au centre de Mandres en Barrois. On peut retrouver sur vmc.camp des photos de gendarmes qui patrouillent tranquillement sur le parking de la maison de résistance (pendant que ces collègues procèdent à un contrôle sur le trottoir d’en face).
- mon analyse est que l’épisode du 27 septembre au champ squatté puis à la gare n’était qu’une autre opération de provocation avant de pouvoir rajouter des garde à vue et des procès sur leur liste déjà bien longue pourtant. Ils trouvent un prétexte pour venir avec des vigiles de l’ANDRA au champ squatté, caméra au poing puis cherchent le moindre petit truc sur leur vidéos pour inculper les gens et en profiter pour rentrer dans la gare, histoire de nous prouver, une fois de plus, qu’on n’est plus à l’abri chez nous, dans nos lieux privés.
- chaque gare à vue / procès ainsi obtenu donne lieu à un contrôle judiciaire jusqu’au procès qui comprend maintenant systématiquement une interdiction de territoire, quelque soit les faits reprochés. On dénombre donc depuis le début de l’année :
– 13 interdictions de territoire dues à des contrôles judiciaires (hors instruction pour association de malfaiteurs)
– 6 interdictions de territoire associées à du sursis (dans des peines).
– 7 interdictions de territoire pour les 7 mises en examens dans le cadre de l’instruction pour association de malfaiteurs
[Procès] Ces profils qui ne comprennent que la prison
Procès pour vol à Décathlon de deux paires de chaussettes et une paire de lunettes de soleil (le tout pour 36 euros).
Le gérant ne porte pas plainte, il veut même redonner ce qui a été volé. Décathlon qui a d’abord porté plainte sur la demande des policiers la retire par la suite mais le parquet poursuit tout de même, la personne incriminée étant liée à la lutte de Bure.
Le juge Kevin Le Fur demande si le prévenu trouve ça normal de voler quand on n’a pas les moyens d’acheter, ce à quoi le prévenu répond « oui ». La procureure demande si, dans la mesure où il n’a pas de revenus, n’ayant ni travail ni RSA, il serait prêt à revoler car n’ayant pas de ressources ; il répond « oui » et explique les problématiques de classes sociales.
La procureure, Sophie Partouche, dit que le prévenu ne rend pas les choses faciles en n’ayant ni domicile ni travail (sachant que la personne sort à peine de prison et est interdite de territoire là où elle est domiciliée). Elle complète en disant que ce n’est pas au vu des faits, qu’on jugerait minimes, mais au vu du profil et des peines très lourdes déjà encourues qu’il faut le condamner, et on ne peut imaginer que la prison, car ces personnes-là ne comprennent que la prison : elle demande 3 mois de prison ferme.
Le juge donne la peine de 100 euros d’amende.
[Procès] Bure : 13 procès et le tribunal évacué
Photo non contractuelle
Ce mardi 16 octobre, 13 personnes passaient en procès pour des affaires liées à la lutte anti-CIGEO.
Une spécialité du tribunal de Bar-le-Duc est de rassembler toutes les affaires militantes le même jour, afin d’assurer un déploiement policier proportionné : une centaine de flics.
La journée a commencé à 9h, sur les sièges du tribunal de Bar-le-duc
Malheureusement, une des avocates des militant.e.s, s’étant cassée le pied, ne pouvait pas être présente et avait demandé des renvois pour ses dossiers.
La juge principale (Catherine Buchser-Martin) et le procureur (Olivier Glady) s’en énervent vite et font donc pression sur l’un.e des copaines prévenu.e.s :
"proc : Pourquoi avoir choisi un avocat de Lille alors que vous habitez ici ?"
"juge : Avez-vous choisi maître R par opportunisme pour obtenir un renvoi ?"
ponctué de "vous êtes bien sûr que vous avez choisi cette avocate ?"
puis la juge, daignant enfin regarder ses notes, constate que l’avocate en question avait demandé le dossier pénal de la copaine le 25 juin.
Une avocate de la partie civile (des flics) demande le renvoi de l’un des procès parce qu’elle a eu un accouchement prématuré, le procureur refuse car "elle aurait pu anticiper". Les avocates présentes dénoncent ce sexisme latent.
7 renvois au 5 février 2019 finissent par être prononcés, les demandes d’allègement de contrôle judiciaire, comprenant des interdictions de territoire et des pointages lourds, sont rejetés pour 2 des 3 copaines qui en avaient fait la demande. On applique donc des restrictions fortes de liberté, pendant plus de 4 mois, pour des personnes "présumées innocentes".
Les réactions du public face aux élucubrations du procureur et à l’absurdité des procès énervent la présidente du tribunal, au point qu’elle commence à faire évacuer des personnes de la salle au tout début du premier procès. Ainsi, 3 copaines se font trainer jusqu’à l’extérieur du tribunal.
Premier procès :
Ce procès s’annonce long, les faits datent d’avril (refus de signalétique, violences, menaces de mort et outrages) et le procureur se met à plaindre les compagnies de gendarmes mobiles :
• "harcèlement typique que subit au quotidien la gendarmerie mobile à Bure" ;
• "c’est une sorte de jeu d’aller emmerder les gendarmes" ;
• "La mairie de Bure doit consacrer presque l’entièreté de son budget pour pallier aux dégradations des opposantes" ;
• "on peut comprendre que les gendarmes mobiles en ont assez d’être caillassés, d’être insultés, ..." ;
• "A travers leur mission de surveillance les gendarmes subissent trop souvent du harcèlement"
Le harcèlement, dans sa bouche, c’est les gendarmes qui le vivent. Par contre pas de harcèlement policier : à cause du mensonge et du refus de s’identifier des opposant.es, "c’est par l’interpellation systématique que leurs identités se sont révélées".
En passant, il évoque au juge que les attestations d’hébergement sont "des bouts de papiers, des torchons" et que "c’est du bidon" en déclarant qu’une habitante (qui allait être jugée peu après, et qui donc était dans la salle) est une menteuse. Et puis de toute façon, comme dit Glady, "la maison de la résistance de Bure, que je connais pour m’y être invité plusieurs fois cette année accompagné des forces de l’ordre, est une vaste auberge de jeunesse" et se permet de faire des remarques sur l’intérieur de la maison.
Malgré les différentes incohérences du dossier, le procureur demandera 3 mois fermes avec mandat de dépôt, une révocation de sursis (2 mois) et une interdiction de Meuse pendant 2 ans.
Le jugement pour les parties civiles est reporté mais 7 "victimes" policiers demandent chacun 600 euros d’amende pour s’être fait insulter.
Après une courte pause du tribunal, dossier suivant.
Les faits remontent cette fois-ci à janvier 2017 : blocage d’engins de chantier dans le bois Lejuc. Le renvoi demandé précédemment pour manque de pièces au dossier envoyé à l’avocat et car une personne n’avait pas été prévenue qu’elle passait en procès, a été refusé. Ce renvoi avait été négocié la veille entre l’avocat et le procureur, celui-ci bien entendu est revenu dessus, l’avocat n’a donc pas pu préparer le dossier.
Pour excuser ce procès qui se fait en bafouant clairement le droit à la défense, le procureur assurera que la personne est "radicalement introuvable".
Elle est accusée de s’être tenue sur le chemin devant l’engin pendant ... moins d’une minute !
Le procureur évoquera "la ténacité éprouvée pour bloquer l’engin, agripper l’engin est une technique, toute une grappe s’y est accrochée, l’engin de chantier était littéralement recouvert" (par 3 personnes). Et c’est ce qu’on reproche à la seconde prévenue, l’obstruction des travaux par la "technique de grimpe".
Elle avait eu la tête projetée contre le rétroviseur, ce qui lui occasionna une blessure au nez. Un vigile déclarera : "elle avait une croûte sur le nez avant, elle l’a frottée avec de la neige pour l’arracher et se faire saigner". Sa plainte pour coups et blessures a été classée sans suite.
L’avocat rappelle que l’ANDRA avait, auparavant, fait des travaux illégaux dans le bois lejuc. Les travaux bloqués n’étaient donc pas d’utilité publique mais de réparation d’ordonnance pénale, et au vu du contexte (6 mois après l’ordonnance de remettre en état la forêt, avec des machines pas adaptées aux travaux à faire) ils étaient faits purement par provocation par l’ANDRA, pour montrer qu’ils voulaient faire les travaux mais qu’on les en empêchait.
Réquisition : 3 mois de sursis simple pour chacun.e pour "obstruction à des travaux publics par violence ou voie de fait".
La partie civile (l’ANDRA) demande 2721 euros pour des travaux qui ont été interrompus mais tout de même facturés et 700 euros pour leurs frais d’avocat.
Au cours de cette affaire, une autre rangée de 4 copaines a été "évacuée" du tribunal.
14h, un dossier qui date du 22 février, date de l’expulsion du bois Lejuc
La prévenue de 60 ans est accusée d’avoir violenté les gendarmes qui la portaient lors de son expulsion de la maison de la résistance. Elle leur aurait donné des coups de pied au niveau de la tête et de l’avant-bras.
Le procureur joue la victime :
• "le discours de la défense est teinté de situationnisme et de conspirationnisme"
• "on pourrait croire que je suis un manipulateur de projet politique"
• "il paraît que je ne serais qu’une moitié, voir moins d’une moitié de magistrat"
• "un judas, un vassal du nucléaire, cela a même été tagué dans le tribunal"
• "dans tous les torts de l’histoire, je serais parmi les plus grands scélérats"
Pour conclure avec un "c’est un petit peu agaçant"
La défense évoque la complexité de voir toutes les prévenu.e.s en Garde à Vue car les gendarmes font en sorte de les éparpiller à travers le département. Le procureur répond : " on n’allait pas lancer une invitation à l’ensemble de l’équipe des avocats des opposants pour le 22 février, puisque cette perquisition était inopinée".
Une copaine ne tient plus et un rire lui échappe, la juge ordonne son "évacuation", ce à quoi les Gendarmes mobiles procèdent en filmant. Le procureur continue sa plaidoirie alors que nous protestons contre la présence d’une caméra dans la salle d’audience, ce qui est strictement interdit.
Un huis-clos non-officiel, non-assumé
La juge ordonne l’évacuation immédiate de la salle, puis une suspension de l’audience. Les GM nous encerclent tout en filmant. Nous sommes poussé.e.s, pressé.e.s vers la salle d’à côté.
Devant l’escalier, nous sommes poussé.e.s plus violemment. Deux autres copaines finiront le trajet vers la sortie (comprenant 2 volées d’escaliers) en étant portées jusqu’à la porte.
Peu de temps après, l’audience reprend. La juge déclare qu’elle reste publique et que les portes sont ouvertes. Malgré cela, les GM ne laisseront entrer que les prévenu.e.s restant.e.s et les avocates. Un huis-clos non-officiel, non-assumé.
Réquisition : 3 mois de sursis simple pour le dossier qui était en cours au moment de l’évacuation de la salle. La partie civile (le commandant Dubois, qui n’en est pas à sa première affaire) demande 300 euros.
L’affaire suivante, qui a donc été jugée dans ce huis-clos non officiel, concerne une copaine arrêtée début septembre alors qu’elle marchait dans les rues de Mandres en Barrois. Les flics la contrôlaient pour la 9e fois en 3 semaines, il se serait énervé et les aurait traité de nazis. Les flics l’ont interpellé. En l’entendant crier, pas mal de monde a débarqué, les Gardes Mobiles ont pris peur et ont gazé. La copaine interpellé crache suite au gazage, il sera donc chargé d’outrage et de rébellion en réunion (puis d’un refus de signalétique : photos et empreintes).
Le réquisitoire du procureur s’appuie principalement sur le casier judiciaire de la copaine (2 condamnations), pour démontrer sa culpabilité. Le crachat poserait des problèmes sanitaires et aurait une portée symbolique.
La partie civile fait savoir, par recommandé, qu’elle demande 69 euros pour une paire de lunettes et 450 euros pour le crachat.
Réquisition : payer les parties civiles + 6 mois de prison avec mandat de dépôt dont 3 avec sursis et mise à l’epreuve : obligation de travailler et interdiction de Meuse pendant 2 ans.
La juge exprimera qu’elle regrette les propos de l’avocate par rapport à la police, celle-ci ayant dénoncé le harcèlement et l’acharnement policier au sens large.
Dernier procès
La dernière personne est jugée pour un outrage qui aurait eu lieu lors d’un contrôle routier à 10m de la maison de résistance, en août dernier. Cette personne a fait le choix de se présenter sans avocat.
Le proc attaque le droit à garder le silence en dressant un profil psychologique type anti-tout "et peut-être même anti-anti". Pour appuyer ses propos il se référe une fois de plus à l’audience du 19 mars où des copaines avaient fait le choix de ne pas se prêter au jeu de la justice.
Réquisition : 3 mois de sursis avec mise à l’épreuve : obligation de travailler et interdiction de Meuse pendant 2 ans
Tous les rendus des procès seront donnés le 13 novembre.
Perquisition, j’écris ton nom (Roybon)
Mercredi 17 octobre vers 10h, c’est reparti : 50 « gens d’armes », répartis en 2 équipes de 25, sont arrivés simultanément aux barricades Nord et Sud. Les deux équipes se sont ensuite rassemblées pour débarquer à la Maki. A noter, la présence du traditionnel hélicoptère.
Cette opération était officiellement un simple contrôle d’identités et fouille de véhicules, apparemment une ou plusieurs personnes étaient recherchées. Une personne ayant refusé de donner son identité a été embarquée.
Cette opération qui a eu lieu à Roybon est liée, entre autre, à la recherche d’une personne liée à la lutte de Bure.
3 - 4 décembre : triple perquisition à Mandres-en-Barrois
Ce lundi 3 décembre, deux domiciles ont été perquisitionné à partir de 9h30 dans le village de Mandres-en-Barrois (à 3 km de Bure) dans le cadre de l’enquête qui vise à alimenter une hypothétique association de malfaiteur.euses. Chez une des personnes, 3 téléphones ont été saisi et le contenu d’un ordinateur a été copié. Chez l’autre, plusieurs téléphones, une tablette et un ordinateur ont été saisi par les gendarmes. Durant la matinée, des gendarmes ont coursés à travers le village des personnes qui étaient venues en soutien aux personnes perquisitionnées. Il n’y a pas eu d’interpellation et vers 12h30, les gendarmes étaient partis. Les flics ont fait savoir qu’ils souhaitaient auditionner une des personnes perquisitionnées.
La liste noire des perquisitions s’allonge.
Aujourd’hui 4 décembre 2018, une nouvelle (23ème ?) perquisition dans le cadre de « l’association de malfaiteurs » a eu lieu au domicile d’Irène, une militante de très longue date contre la poubelle atomique. Après trois heures, trois flics en civil (sans doute de la « cellule Bure ») l’ont dépouillée de tout le matériel informatique, des téléphones, de calepins de note… Les crimes commis ? Être engagé contre la transformation de ce coin de Meuse en décharge nucléaire. Objectif réel : intimider, faire peur, et tenter de créer de la division au sein du mouvement anti-nucléaire : « c’est le bordel chez vous » ; « vous devriez arrêter de fréquenter les gens de Bure » ; si vous avez été piratée il y a une semaine, « cherchez pas, c’est sans doute eux qui vont ont piraté » Peut-être la « cellule Bure » a-t-elle besoin de justifier sa misérable existence d’espionne et de harceleuse des militant-e-s en faisant ces multiples perquisitions, totalement inutiles d’un point de vue judiciaire, mais qui sont une des armes de la guerre psychologique qu’ils mènent. De son côté, Irène persiste : « Jusqu’à mon dernier souffle, je continuerai à lutter pour dénoncer cette poubelle nucléaire ».
Procès en appel des tombeurs de mur de Bure
Jeudi 10 janvier à 13h la Cour d’Appel de Nancy jugera le cas des « deux Christian », à qui l’Andra reproche d’avoir abattu, lors de la mémorable manifestation du 14 août 2016, avec 500 autres personnes, le « mur de Bure », érigé illégalement par l’Andra, qui bordait le bois Lejuc sur 1,1 km et devait l’entourer sur 3 km. Le 13 février 2018, lors du « Procès du mur », le Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc avait condamné nos deux amis à 2 mois de prison avec sursis et 3000 euros d’amende – soit 1200000 euros divisé par 400, le nombre de participants supposés à la manifestation. C’est pour contester cette bien triste vision arithmétique du monde, qui extrait et isole des individus d’un mouvement collectif – et de préférence deux retraités « historiques », pour mieux mettre la pression – que nos deux amis ont fait appel. Ce procès est un des symboles de la criminalisation massive qui s’abat sur la lutte de Bure, et plus généralement sur toutes les formes de contestation politique en France. Car même si on l’a mis à terre en août 2016 dans le bois Lejuc, ce mur ne cesse de repousser sous d’autres formes.
[…] Dans le reste du pays, il a poussé à la frontière franco-italienne, de Briançon au col de Clavières. Il a poussé à Notre-Dame-des-Landes. Il a poussé à Kolbsheim. Il a poussé sur la place de la Plaine à Marseille, que des aménageurs veulent gentrifier pendant que des immeubles s’effondrent. Il a poussé entre les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Il a poussé entre ce système qui détruit le vivant et précarise les gens au profit de quelques uns, et toutes celles et ceux, de plus en plus nombreux qui s’y opposent. [...]
[Procès – 4 février] Une nouvelle copaine en prison
Une personne s’est faite interpeller le 3 février et est passée le lendemain, ce lundi, en comparution immédiate. Elle n’a pas donné son identité en garde à vue. Elle a pris 3 mois de prison ferme avec mandat de dépôt (elle est envoyée directement en taule, à Nancy-Maxéville), peine que demandait le procureur.
Les chefs d’inculpations étaient refus de signalétique ainsi que « outrage en réunion » (pour une affaire datant d’il y a une dizaine de jours), c’est-à-dire tapoter sur une voiture de gendarmerie alors qu’il y a des gens autour. Les gendarmes eux mêmes ont pensé intéressant de préciser qu’ils « ne se sont pas sentis particulièrement outragés ». Lors d’un des contrôles quotidiens la personne se serait « assise sur un véhicule de gendarmerie en donnant un coup de poing sans l’avoir endommagé. »
La partie civile, en l’espèce la voiture, n’est pas venue au procès. Une pétition circule pour adapter les accès du tribunal afin de ne pas discriminer les victimes des sauvages anti-Bure.
Le procureur habituel Olivier Glady ainsi que ses juges associés – Drean Rivette, Kevin Lefur (et une 3ème avec des lunettes rouges), menaient la scène de théâtre. Le procès a commencé avec le procureur qui a pris le rôle de greffier en demandant à tout le monde de se lever pour l’arrivée des juges.
Le public de la scène n’ayant pas obéit, il a suggéré à la juge de bien vouloir évacuer la salle, les flics sont venus faire le nettoyage. Les acteurs ont tout de même joué leur spectacle sans les spectateurices.
[Procès – 5 février] A Bar-le-Duc, une parodie de justice contre les opposant.es à Cigéo
(article de Reporterre)
Mardi 5 février, à Bar-le-Duc, s’est tenu un nouveau procès « spécial Bure ». Lors de ces audiences sous très haute surveillance policière, des opposants à la poubelle nucléaire sont jugés les uns après les autres, dans une ambiance tendue. Une caricature de justice. Récit.
Bar-le-Duc (Meuse), reportage
« Je ne tolérerai aucune manifestation d’humeur dans le public. Sinon, je prendrai l’initiative de faire évacuer la salle. » Du haut de son estrade, la présidente du tribunal plante le décor austère de cette journée d’audience « dédiée » aux opposants à la poubelle nucléaire de Bure, appelée Cigéo. Avant même que le premier procès ne s’ouvre, le ton est donné : au tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, on ne badine pas avec l’humour. Déjà la veille, lundi 4 février, la magistrate avait promptement fait évacuer la salle, car le public ne s’était pas levé à l’entrée des juges.
Mardi 5 février s’est donc tenue une nouvelle journée de « procès Bure ». Car il semblerait qu’il soit désormais de coutume de juger les opposants à Cigéo en groupe, même si les infractions pour lesquelles ils sont poursuivis ne sont pas les mêmes et se sont produites à plusieurs mois d’intervalle. D’après le procureur, il s’agit de ne pas « engorger le tribunal » avec ces dossiers « très longs à traiter », qui « affaiblissent la productivité » de l’institution judiciaire meusienne.
Mais ces journées spéciales donnent aussi lieu à des déploiements militaires extraordinaires. Ce mardi, des policiers et des gardes mobiles sont ainsi postés par dizaines dans chaque recoin du palais de justice. Dès les portes du tribunal de Bar-de-Duc, six gendarmes filtrent les entrées. Une fois le contrôle de sécurité passé, une dizaine d’hommes en uniforme veillent au grain, chacun posté derrière les colonnes du hall d’entrée. Puis viennent les escaliers, là aussi gardés par un groupe de gardes. Devant la salle d’audience, une bonne dizaine de militaires et de policiers accueillent les visiteurs, l’un filmant les nouveaux arrivants avec une caméra ostensiblement placée sur sa poitrine. Enfin, dans la chambre d’audience, les hommes en bleu sont légion, postés à intervalle régulier entre les bancs. Visibles depuis les fenêtres, plusieurs fourgons de gendarmerie stationnent dans les ruelles adjacentes. [...]
ACTE 1 : « La bataille des images »
Le 27 septembre 2018 au petit matin, des agents de l’Andra (Agence nationale des déchets radioactifs) munis d’outils et d’engins de chantier, se sont rendus sur une des parcelles de l’Agence situées à Luméville, près de Bure, dans le but de la défricher et de mener « des travaux préparatoires ». Ce terrain, stratégique car situé à proximité d’un futur terminal embranché qui accueillerait les déchets radioactifs, se trouve à côté de l’« ancienne gare », un lieu habité depuis plusieurs années par des opposants à Cigéo. Certains des employés de l’Andra, des vigiles, étaient munis de caméras GoPro, avec lesquelles ils ont d’abord filmé les militants dans leur lieu de vie, puis les débats houleux qui ont suivi. Curieusement, les vidéos enregistrées, mises sous scellées, n’ont pas été mises à contribution pour l’enquête. La procédure n’est donc fondée que sur une sélection de photographies faite par les gendarmes intervenus ce jour-là.
D’après les procès-verbaux, « les opposants ont eu un comportement agressif envers le personnel, avec des jets de pierres ». Les gendarmes ont alors interpellé trois personnes, placées en garde à vue puis sous contrôle judiciaire, dont deux ont comparu mardi 5 février. Bien qu’aucun des deux n’ait été identifié jetant des projectiles, ils sont poursuivis pour « violence commise en réunion sans incapacité », c’est-à-dire sans dommage physique constaté, et « opposition à l’exécution de travaux publics ». Image à l’appui, une des prévenus est accusée d’avoir porté un coup de poing à un vigile.
Interrogée par la présidente du tribunal, la jeune femme donne une lecture différente des événements ayant eu lieu en septembre dernier : « J’ai été réveillée par le tracteur, j’ai vu une personne en train de me filmer, chez moi, elle m’a même filmé quand je suis allée aux toilettes. On est filmé tous les jours, en permanence, nos véhicules sont photographiés, l’intérieur de nos maisons est photographié. » Excédée, la militante s’est donc approchée des vigiles, « non pas pour frapper mais pour lui interdire de filmer ». Quid du poing fermé, et de l’empoignade d’un des agents, visibles sur les clichés, lui demande la présidente ? « Le personnel de l’Andra avait des propos insultants, dégradants, sexistes. Je me suis énervée, j’ai armé mon poing, mais le coup n’est jamais parti. » De fait les images fournies ne montrent pas le moment du choc.
Lors de l’audience, le procureur, Olivier Glady, fustige une « bataille des images » : « Quand c’est filmé, ils crient à la manipulation, quand ce n’est pas filmé, ils nous disent qu’il n’y a pas de preuve. » Pour lui, les caméras permettent aux employés de se « préserver », pour qu’« on ne vienne pas ensuite leur dire et leur reprocher n’importe quoi ». L’avocate de l’Andra, constituée partie civile, avait quelques minutes plus tôt rappelé les « conditions compliquées » dans lesquelles travaillent les employés de l’agence. « On essuie des menaces, des intimidations constantes. Les opposants ne veulent pas discuter calmement, mais remettre en cause le travail, empêcher les travaux. »
Enchaînant les piques à l’encontre des prévenus — « Il nous dit porter tout le temps sa capuche… j’espère qu’il l’enlève pour prendre sa douche, sinon le lavage ne sert à rien… » — le procureur martèle la culpabilité des deux opposants, car « même s’il n’y a pas eu de blessures, les gens de l’Andra ont bel et bien été assaillis ». Il requiert donc des peines de trois mois d’emprisonnement avec sursis, avec une mise à l’épreuve de deux ans et une obligation de travailler. À cette annonce, une personne de l’assistance étouffe un juron, auquel la présidente réplique par un cinglant « Si ça se reproduit, la salle est évacuée, ai-je été claire ? »
Au moment de sa plaidoirie, Maître Matteo Bonaglia, l’un des avocats des prévenus, rappelle le « contexte politique » entourant ces audiences. « Les personnes qui se trouvent devant vous n’ont pas des motifs crapuleux, mais des convictions : elles s’opposent au projet d’enfouissement des déchets nucléaires », insiste-t-il. Or, « sur la seule base de leur idéologie politique, on constate une multiplication des contrôles d’identité, des fouilles, des filatures, des saisies, des perquisitions, le tout sur fond de fichage généralisé ». Un contexte particulier de « judiciarisation et de militarisation » d’un territoire, qui explique d’après l’avocat pourquoi « certaines personnes, confrontées à cette présence policière, peuvent adopter des attitudes qui expriment leur mécontentement, parfois de manière véhémente, sans pour autant qu’il n’y ait de violence ». Car pour lui, l’infraction est à chercher du côté des vigiles de l’Andra, qui ont « pris des images de vie privée sans l’accord et le consentement des personnes intéressées ». Il demande la relaxe.
ACTE 2 : « Un exemple typique de harcèlement quotidien »
Le 16 janvier 2019, un jeune homme a été arrêté à Gondrecourt-le Château (Meuse) alors qu’il construisait une barricade sur un terrain appartenant à l’Andra. Lui croyait être sur une propriété d’amis. Voyant les gendarmes s’approcher, le militant a pris la fuite, « par peur », expliquera-t-il à l’audience, puis, une fois arrêté, il a tardé à décliner son identité. Plus tard, il a été placé en garde à vue. Les agents ont également trouvé sur lui un opinel. Résultat, il est jugé pour « dépôt de matériaux hors des emplacements autorisés », « rébellion », et « port d’arme blanche ».
L’avocat de la défense, Me Raphaël Kempf, fait valoir une « erreur de droit », puisque son client croyait de bonne foi se trouver dans un terrain où il pouvait construire sa barricade.
« Ce n’est pas parce que le prévenu pensait être sur un terrain autorisé qu’il n’y a pas d’infraction, répond M. Glady. Ce qui est important, c’est ce qui suit, le fait qu’il ait pris la fuite, qu’il se soit débattu, qu’il ait refusé de décliner son identité. Que se serait-il passé si un des gendarmes avait été tué ou blessé par la suite ? Aurait-on conclu à l’absence d’infraction à cause d’une erreur de droit ?
- Ces propos sont déplacés ! » répond Me Kempf.
- C’est moi qui fait la police de l’audience, réplique vivement la juge. Sinon je vous fais évacuer. »
Après la réquisition du parquet — trois mois de prison avec sursis — l’avocat de la défense dénonce « des gendarmes devenus des supplétifs de l’Andra ». Me Kempf s’attache ensuite à démonter les chefs d’inculpation : la rébellion ? Lui parle de « résistance passive ». Le port d’arme ? Le prévenu ne faisait que transporter un couteau suisse, il ne s’en est pas servi. Pour lui, cet événement constitue donc « un exemple typique du harcèlement quotidien que vivent les militants anti-Cigéo ». « Le but de ces poursuites est idéologique, il s’agit de nuire à des gens qui ont fait le choix politique de s’opposer à Cigéo, poursuit-il. Mon client a été placé sous contrôle judiciaire en attente de son procès, il est ainsi interdit de territoire. Il ne peut plus venir en Meuse. »
ACTE 3 : « Si vous travailliez plus, vous ne seriez pas devant le tribunal »
Le prévenu suivant a été placé en garde à vue le 22 février 2018, après la perquisition de la Maison de résistance de Bure. Ce jour-là, à la suite de l’expulsion brutale du bois Lejuc, occupé depuis deux ans par des opposants, plusieurs dizaines de personnes s’étaient retrouvées dans la bâtisse. Des jets de pierres ayant été constatés sur la mairie adjacente, les gendarmes se sont donc introduits dans ce haut lieu de la lutte contre Cigéo. Parmi les personnes interpellées à ce moment, un jeune homme soupçonné d’avoir frappé du pied un fonctionnaire en uniforme. C’est lui qui a comparu le 5 février.
Pour l’avocat de la défense, « il n’existe aucun procès-verbal détaillé sur le contexte préexistant, rien ne démontre donc que les gendarmes pouvaient entrer dans le domicile ». Soulignant « un manque de rigueur », Me Antoine Chaudey demande l’annulation des poursuites. « Il faudrait que l’équipe de mes contradicteurs se stabilise, s’agace Olivier Glady. Seuls deux d’entre eux connaissent le territoire, les autres ne sont jamais allés à Bure », ajoute-t-il, insinuant ainsi que Me Chaudey, venu de Lille, n’est pas apte à comprendre le fameux « contexte de Bure ». Sur les bancs des avocats, Me Bonaglia s’insurge contre ce « mensonge », et, refusant « d’être attaqué en personne dans ce tribunal », il sort. « C’est à la limite de l’outrage », observe, laconique, la présidente. Le procureur assure pour sa part avoir donné l’autorisation aux gendarmes d’entrer dans la Maison de résistance. « Il fallait essayer d’identifier les auteurs des jets de pierres », justifie-t-il. De toute façon pour Me Chaudey, il n’y a « pas de certificat médical ni de confrontation avec le gendarme témoin, et rien qui ne permette de voir le coup porté ».
« Madame la présidente, un jeune homme refuse de retirer ses pieds du siège », interrompt un gendarme en faction dans la salle d’audience. Après accord de la juge, la personne est sortie manu militari. S’en suivra une autre, une demi-heure plus tard, évacuée pour avoir crié au procureur d’« arrêter de dire n’importe quoi ».
« Le rapport à la société est un peu curieux dans ce groupe », remarque ensuite M. Glady, requérant une « obligation de travailler » assortie aux trois mois de prison avec sursis. « Monsieur a vingt ans, il serait peut-être temps de bosser. Peut-être que s’il travaillait tous les jours huit heures, il ne se serait pas retrouvé le 22 février à donner des coups de pieds aux gendarmes. Vous n’avez pas autre chose à faire pour occuper vos journées ? » Dans l’assistance, une militante chuchote : « Qu’est-ce qu’il connaît à nos vies, il croit qu’on ne fait rien ? » Plus tôt déjà dans la journée, Me Bonaglia avait répondu aux insinuations du procureur, rappelant que « même si cela ne correspond pas à votre vision, chacun a le droit de ne pas vouloir travailler, de préférer vivre en communauté et de travailler la terre. On n’a pas à stigmatiser ces choix de vie. » « Le but de notre système, c’est d’insérer les gens dans la société », soutient de son côté M. Glady.
ACTE 4 : « Il faut retrouver le sens commun »
Les deux prévenus suivants sont accusés d’« outrage » et de « violence sans incapacité » envers une personne dépositaire de l’autorité publique. Les faits remontent au 18 juin 2018, quand, en marge d’une fête organisée à la Maison de résistance, des tensions ont éclaté entre certains militants et des gendarmes stationnés non loin de là. Pistolets à eau, jets d’urine. Deux personnes, celles qui ont comparu mardi, auraient été vues montrant leur postérieur aux forces de l’ordre et donnant des coups dans leurs boucliers.
L’une des deux prévenus n’est pas présente à l’audience. L’autre explique avoir « tenter de désamorcer les tensions par le dialogue d’abord, puis par des danses, des pitreries, des cabrioles ». « Je ne voulais pas outrager mais la situation me dépassait, une telle présence policière me semblait disproportionnée, c’était un non-sens ». Il reconnaît également avoir un peu trop bu ce soir-là. La présidente du tribunal tique : « Monsieur, vous ne dansiez pas, ce n’étaient ni des claquettes ni des entrechats. Vous avez peut-être ressenti ça comme de la danse, mais le coup que vous avez porté dans un bouclier relevait plutôt de l’agression. »
« Il faut qu’on sorte du tunnel, qu’on retrouve le sens commun, lance à son tour le procureur. Ce que dit le prévenu est un tissu de fadaises : était-il en train de dispenser une violence de la compassion, de donner des coups d’amour aux gendarmes ? Ce spectacle est dérisoire, ubuesque. Depuis le début de cette journée, on nous invite dans un vagabondage onirique, mais revenons à la réalité ! » Au moment où M. Glady conclut sa réquisition — trois mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans, avec obligation de travailler — des voix s’élèvent dans la salle. « On se fait insulter pendant toute la séance par le procureur. Il attaque nos modes de vie, nos choix politiques ! »
Il est 14 h 30, la présidente ordonne l’évacuation de la salle. Les gendarmes empoignent les opposants, traînant certains sur le parquet du palais de justice. En quelques minutes et forces de cris, la salle est vidée. Pour la dernière audience, ne restent que les journalistes, ainsi qu’un avocat belge, mandaté par la Fédération internationale des droits de l’homme comme « observateur international ». Il a été chargé d’assister au « procès Bure » et de rédiger un rapport sur les éventuels manquements de la procédure pénale. Les jugements sont mis en délibéré jusqu’au 26 février prochain. [...]
[Procès – 4 juin 2019] Nouveau procès « Bure »
Paru sur le site de manif’est
[…] Les accusations ? Oh, vous savez, toujours les mêmes. Port d’arme pour avoir eu sur soi « un couteau de 7 cm » à la sortie d’un Carrefour Market à 15km de Bure ; refus de signalétique après avoir été contrôlé pour la énième fois dans son propre village…
Ce matin, le Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc a encore été exclusivement occupé à gérer des affaires liées aux réquisitions systématiques d’un procureur à la recherche du moindre prétexte pour arrêter et envoyer en procès des opposant.es au projet CIGEO.
Autrement dit : ne sors jamais avec un opinel sur toi, accepte toujours de donner ton identité, même si c’est la 5e fois qu’on te la demande dans la journée, sinon, toi qui es déjà présumé suspect en raison de ta présence sur place, on t’emmènera au poste de police.
C’est ça, la réalité à Bure : tu es opposé au projet ? Alors tu es suspect. À Bure, on met en place les conditions d’un harcèlement quotidien.
Toujours selon M. le Procureur : le militarisation de la région va de pair avec les chantiers de l’ANDRA, qu’il faut selon lui « protéger », et cela alors même que l’autorisation officielle de création de CIGEO n’est pas donnée à ce jour.
Prise de parti et de pouvoir, vous dites ? Protection de l’industrie nucléaire ? Non… Vous exagérez enfin… Il faudrait être plus clair ? […]
Le bois est expulsé — Bilan des arrestations
Le 18 juillet 2019 une tentative de réoccupation du Bois Lejuc a lieu. Barricades, cabanes dans les arbres. Une quarantaine de flics interviennent avec un camion de pompiers interviennent.
20 juillet : Au total, depuis le début de la tentative de réoccupation, on a compté 17 arrestations :
• 8 vérifications d’identité (toutes les personnes sont sorties)
• 8 gardes-à-vue (4 personnes sont sorties, 4 personnes sont toujours en garde-à-vue)
• 1 personne sous contrôle judiciaire avec interdiction de territoire a été interpellée et envoyée en prison pour 4 mois pour non-respect de son contrôle judiciaire
Au niveau des arbres occupés : les flics contrôlent la forêt, les arbres occupés sont tous expulsés.
[Enfermement] Lettre ouverte à toi, mon ami « malfaiteur »
Kevin, l’un des « malfaiteurs » de Bure, a été arrêté à l’occasion d’une brève réoccupation du Bois Lejuc, puis immédiatement placé 4 mois en détention provisoire pour non-respect de son contrôle judiciaire. Contrôle qui consiste à être interdit de paraître dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, de s’abstenir de rentrer en relation avec 9 autres de ses camarades de lutte et l’obligation de se rendre régulièrement à un suivi par le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation).
Il est de ces personnes mises en examen lors de la grosse opération de répression policière et judiciaire de juin 2018. L’enquête se poursuivant, il est seulement soupçonné, mais la présomption d’innocence ne semble pouvoir être réclamée que pour celles et ceux qui gouvernent : le voilà déjà puni dans cette affaire d’association de malfaiteurs et le poids de son contrôle judiciaire.
...
Mon ami, sous un arbre fruitier, je t’écris ces quelques lignes ; les oiseaux accompagnent mes mots et une légère brise porte mon esprit vers toi. Toi que la « Justice » a décidé d’enfermer 4 longs mois parce que tu n’as pas respecté ton « contrôle judiciaire » : cette sentence avant l’heure qui t’interdit de « paraître dans les départements de Meuse et de Haute-Marne » et qui interdit aussi que je « rentre en relation avec » toi et d’autres de nos ami⋅es.
Pourquoi ces interdits punitifs avant même d’être jugé⋅es ? Car nous serions des présumé⋅es malfaiteurs et malfaitrices – quoique leur loi, soumise à la domination patriarcale, ne féminise pas l’infraction – qui pourrions trafiquer des preuves sur place et même nous entendre sur une version des faits, commis pourtant bien avant nos mises en examen et leur lot d’interdictions. L’absurdité ridicule ne tue pas plus les pourvoyeurs et pourvoyeuses de projets inutiles et imposés que les juges…
Toi, libre comme l’air, malgré les cages dans lesquelles on t’a déjà enfermé depuis l’enfance, tu n’as pas pu t’empêcher de franchir ces barreaux virtuels pour retourner fouler ce sol de Bure dans lequel on veut dissimuler le plus grand dépotoir atomique de notre société.
Pourquoi prendre ce risque ? Parce que ta conscience te dit qu’il y en a un plus grand encore : celui de la destruction d’une forêt, symbole de la poursuite du projet de méga-poubelle nucléaire et de son monde ; symbole aussi de notre rencontre, de nos rencontres lors de ce fameux été 2016 en lutte joyeuse, belle et tortueuse, tantôt sous les vertes et tumultueuses frondaisons du Bois Lejuc, tantôt sous le toit chaleureux de notre grande maison commune, la Maison de Résistance, tantôt au gré des souvenirs sur les innombrables sentiers autour de Bure.
Toi que, probablement, jamais je n’aurais croisé sans cette forêt à défendre, tu as eu, encore une fois, cette courageuse énergie d’aller, malgré tout, protéger ces arbres centenaires face au bulldozer destructeur de leur monde et de ses « progrès » mortifères. Ton indocile opiniâtreté force le respect, n’en déplaise aux tristes robes noires.
Elles t’ont mis dans l’ombre, mais c’est moi qui reste dans l’ombre, dans ton ombre. Merci du rayon de soleil que ton sourire et la fragilité de tes larmes m’offre quand on se tombe dans les bras au hasard de retrouvailles…
Mon ami, je t’envoie tout mon soutien, ma rage et mon amitié : je t’aime d’un amour de camarade comme jamais un insignifiant petit juge, aussi acharné soit-il, ne pourra s’en approcher, ni même l’imaginer. Nous sommes la forêt qui se défend, irradieux et irradieuses esprits de chouettes hiboux que rien, ni personne ne peut enfermer dans quelconque prison. Tiens bon.
Un⋅e malfaiteur⋅trice
« Ton identité ou le foyer pour mineurs » : un nouvel exemple de répression – Août 2019
Les contrôles d’identité continuent à Bure & environs mais récemment plusieurs personnes ont refusé de donner leur identité ou n’ont pas fourni les documents nécessaires à leur identification, puis ont refusé de donner leurs empreintes et photos ce qui constitue un délit : refus de signalétique, et placement en garde-à-vue. Dans un cas récemment, les flics ont réussi à trouver par eux-même l’identité de la personne, qui est sortie de garde-à-vue avec une convocation à un procès (auquel elle a été condamnée à des jours-amendes). Dans plusieurs autres cas, des personnes sont allées en garde à vue et sont sorties sans suites : en voici un exemple.
En allant au festival des Bure’lesques, des copaines ont subi (comme tout le monde ce week-end là) un contrôle d’identité. Deux d’entre elles ont refusé de donner leur identité. Elles ont été embarquées au commissariat de St-Mihiel (à 60 km de Bure, c’est beaucoup plus amusant), pour une vérification d’identité puis une garde à vue pour refus de donner leurs empreintes digitales.
Mais le procureur de la République de Bar-Le-Duc, Olivier Glady, avait plus d’un tour dans son sac. Il a décidé que les deux copaines avaient l’air bien jeunes, qu’il y avait donc une suspicion de minorité, et qu’elles devaient être remises à l’aide sociale à l’enfance (ASE). (Elles étaient toutes les deux majeures.)
Les gendarmes ont donc eu un nouveau moyen de pression pour pousser à donner les identités réelles et vérifiables : c’était le seul moyen de prouver qu’elles avaient plus de 18 ans. Sinon, elles allaient être envoyées dans un terrifiant foyer pour mineur, peut-être à l’autre bout du département…
Encore une fois, c’est révoltant de se rendre compte que juste à cause de son âge, on peut être envoyé par le procureur où bon lui semble, sans raison pénale ; qu’on doit être en permanence sous la responsabilité de ses parents, et, si on n’en a pas, sous celle de l’État.
Mais le plus insupportable a été le sentiment d’être, visiblement uniquement sur la base de leur apparence, « rabaissées » au rang de mineures (un sentiment qui en dit long sur le mépris que notre société réserve aux plus jeunes que soi).
L’une des personnes a choisi à ce moment-là de donner son identité, son témoignage :
« Lors de mon contrôle d’identité, je n’ai pas donné d’identité mais j’ai assuré être majeure. L’Officier de Police Judiciaire qui s’occupait de la copine est venu nous voir pour me demander quelle était l’identité de cette personne et notamment son âge car ils ne savaient pas, à en juger sa seule apparence, si elle était majeure ou mineure. Lors de ma garde à vue, je n’ai pas non plus donné d’identité et tout s’est bien passé jusqu’à deux heures avant la fin des 24 heures, avant la fin présumée de ma privation de liberté. Mais, à ce moment-là, mon Officier de Police Judiciaire m’informe que le procureur de la république (Glady) suspectant ma minorité demande mon placement en foyer pour mineurs. Après plusieurs questions, j’apprends que ce foyer peut être aux quatre coins de la Meuse (département dans lequel j’étais retenue) et que de toute façon il me faudra aussi là-bas justifier mon identité pour pouvoir retrouver ma liberté. Usée par 24 heures de garde à vue, voyant que de toute manière le fait de donner mon identité chez les gendarmes ou à l’assistante sociale sera le même puisque le procureur de la république le connaîtra et pressée car il fallait donner au plus vite mon identité pour qu’ils puissent la vérifier, j’ai cédé. Une fois mon identité donnée, l’Officier de Police Judiciaire de l’autre personne prend mon nom et dit « c’est pour l’otage », pour faire pression pour qu’elle aussi elle donne son identité. Il me semble aujourd’hui avoir cédé beaucoup de chose sous la pression, ce qui n’était pas nécessaire puisque j’aurai pu partir beaucoup plus facilement du centre pour mineurs. »
L’autre n’a pas donné d’identité, elle a effectivement été remise à un éducateur de l’ASE, qui l’a emmené dans un centre d’accueil d’urgence pour mineurs. Et le plus ridicule est que, très loin du foyer décrit par les gendarmes, c’était un centre ouvert, à Commercy, sans gendarme ni surveillant, d’où elle a pu partir sans problème. Elle a simplement été déclarée « mineur en fugue » par les éducateurs (pour se couvrir de la responsabilité). Donc, comme toujours, ce n’était que du bluff de la part des gendarmes.
Le lendemain cette personne a de nouveau été contrôlée. Après la vérification d’identité, elle a été directement ramenée au centre pour mineurs, sans être placée en GAV, au grand désespoir des gendarmes. Le rôle de l’ASE n’étant pas d’accueillir des majeurs, il lui a très rapidement été demandé de partir.
A noter que l’ASE est organisée par département (décentralisation), il est donc probable que les choses ne se passent pas pareil en dehors de la Meuse.
D’après le code civil (article 375-3, 4 et 5, sur l’assistance éducative), « si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier […] à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ». Mais, « en cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir ». Le procureur doit dans ce cas saisir le juge des enfants dans les 8 jours.
Nous souhaitons souligner à l’occasion de cet article l’invisibilisation des contraintes des mineures, des pressions et structures d’enfermement spécifiques, de l’inégalité juridique que provoque le statut de mineur et de l’âgisme de l’Etat et de la société en général.
Interlude : Burelesques, un festival sous arrêté préfectoral
Sont interdits par arrêté préfectoral sur la période du 8 au 12 août :
• Autour de Bure, des Burelesques, et à Bar-Le-Duc : les armes et considérés comme arme (port et transport), les carburants, les feux d’artifice, les combustibles, acide chlorhydrique, tout type de spray (bombe à tag). Pour être plus exact : à Bure, Mandres en Barrois, Bonnet, Hevilliers, Biencourt sur Orge, Longeaux, Villers sur Sec, Treveray, Dammarie sur Saulx, Houdelaincourt, Lumeville en Ornois, Montiers sur Saulx, Morley, Ribeaucourt, Savonnieres devant Bar et Bar Le Duc
• La circulation autour du Bois Lejuc
• Les rassemblements « festifs à caractère musical » non déclarés en préfecture dans toute la Meuse et la haute Marne
• Transport de matériel de son à destination d’un événement non déclaré dans un camion supérieur à 3,5 tonnes (dans toute la meuse)
Note : ces 2 derniers arrêtés visent aussi à la répression des sound systèmes prévu en même temps contre la répression et en hommage à Steve assassiné par la police à Nantes et bafoué par Edouard Philippe et l’IGPN qui n’hésitent pas à affirmer qu’il n’y a pas de lien entre l’intervention policière à Nantes et le fait qu’il s’est noyé (« disparu » selon les termes des médias).]
[2] Ce projet d’usine a été abandonné depuis la publication de ce texte sur vmc.camp.
[3] Intégralité de l’article sur https://www.facebook.com/LoicCitations/posts/1739794756034442
[4] Les opposant.e.s à Cigéo cultivent un champ squatté sur les terres mises en réserve par la Safer pour l’Andra. Lors d’un week-end organisé avec le réseau Reclaim the Fields, ce champ a été symboliquement entouré de « barricades agricoles », et là encore c’est Jean-Pierre qui a été ciblé par les autorités et convoqué à la gendarmerie. On lui reproche... de nous avoir prêté des pneus !
[5] Article en son entier : https://blogs.mediapart.fr/loiccitation/blog/140618/je-choisis-la-cavale
[6] Bureau d’étude qui travaille entre autre sur le projet Cigeo. Il y a eu des attaques informatiques contre ce bureau ainsi que des fuites de données, certaines concernant directement le projet CIGEO.
Brochure à reproduire et diffuser sans modération
Site internet de la lutte lié à bure : https://bureburebure.info
Nous sommes tou-te-s des malfaiteur-euse-s : https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org
Site de la coordination stop cigeo :
https://www.stopcigeo-bure.eu
Contact de l’Anti-Rep Rurale (ARR) de Bure : arr @ @ @ riseup.net
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