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ZAD/NO TAV Entretien n°6
Shoyu, occupant mélomane
mis en ligne le 2 octobre 2016 - Mauvaise Troupe
Est-ce que tu veux nous raconter un peu comment tu as débarqué dans cette histoire ?
Tout a commencé avec le Camp Climat de 2009. Je menais avec la personne avec qui je vivais un projet de cuisine itinérante végétalienne. Ce n’était pas forcément un projet « militant » au départ, c’était plutôt l’idée d’une cantine populaire. On bougeait un peu avec la cuisine et quelqu’un nous a invités pour le Camp Action Climat sur la zad à Notre-Dame-des-Landes. On s’est engagés là-dedans et on a peu à peu découvert la lutte contre l’aéroport.
Tu as des souvenirs particuliers de ce camp ?
On était une petite cuisine, donc pour nous il y avait un peu un challenge quantitatif à faire trois repas par jour pour 200 personnes, et jusqu’à 1000 personnes les jours d’actions. On a aussi rencontré d’autres gens qui avaient ce genre de projet itinérant. En tout cas, ça nous a aidés à donner un sens à notre cuisine. On a aussi découvert l’aspect collectif des actions, ce qu’on peut faire à plusieurs, le fait qu’on peut vraiment faire chier ce système. On s’est beaucoup amusés, on a rencontré des complices de conneries. Ça ça nous a bien motivés, c’était concret. L’année suivante, on a revu sur un autre Camp Climat, au Havre, les amis qu’on avait rencontrés à Notre-Dame-des-Landes. Au retour du Havre, on se trouvait à 60 km de la zad quand on a entendu qu’il y avait une fête aux Planchettes [1] et de nouvelles occupations. On y a recroisé des personnes rencontrées au Camp Climat, on a fait la fête et le lendemain un occupant, Sammy, nous a fait visiter la Pointe, une maison qui avait été vidée de ses habitants à cause du projet d’aéroport. Il nous a dit que si on le voulait, demain cet endroit pouvait être à nous.
On est restés quelques jours sur place et puis on est repartis mais ça nous trottait grave dans la tête à tous, même si on vivait chacun dans notre coin. On était censés reprendre nos vies, nos activités habituelles, moi j’étais rentré chez moi. 15 jours après on s’est téléphoné et on s’est tous demandé ce que ça ferait d’habiter à la zad. Cet endroit avait l’air vraiment bien, on repensait à cette grosse baraque avec tous ses bâtiments. On a très vite conclu que ça nous turlupinait pas mal cette histoire et qu’il fallait qu’on y réfléchisse.
Et pour vous c’était facile de changer de vie comme ça, de tout plaquer ?
Je me souviens un peu du coup de téléphone. Le pote avec qui j’étais venu m’a dit : « Eh ça te dit pas qu’on aille habiter sur la zad ensemble ? » et je lui ai répondu : « Ben attend, t’es mignon je quitte pas ma vie du jour au lendemain. »
Là j’ai fait le bilan de ma vie et en fait ma vie c’était un projet de cuisine itinérante alors, que j’habite ici où là-bas, ça changeait pas grand chose. Je vivais dans un appart’ qui ne me coûtait presque rien et que je pouvais quitter facilement. J’ai fini par dire que je le rappelais le lendemain ou dans deux jours le temps de faire le point. En fait j’ai rappelé au bout de 15 minutes : « C’est bon, on se retrouve dans deux jours sur la zad. »
C’était quoi l’enjeu que vous voyiez à vous installer sur la zad ?
Il s’agissait pour nous de donner une dimension militante à la cuisine et de la mutualiser sur place avec le projet de bibliothèque itinérante de mon pote. On avait en plus l’impression qu’on pourrait trouver là-bas un sentiment de liberté, qu’on ne serait plus seulement confrontés à des gens qui te renvoient à tes limites en te disant que tu ne vas pas pouvoir tout changer sur cette planète. On avait besoin de vivre nos idées et d’arrêter de juste refaire le monde avec nos potes à la terrasse d’un café.
C’était notre première expérience de squat. On s’est rendu compte de la dimension de la zad, on a réalisé que c’était quand même grand et beau. Alors on s’est dit que ça valait le coup de s’impliquer un peu plus dans le fait de protéger cet espace-là. Et puis si c’était juste occuper une baraque et y faire ce qu’on aimait, et avec des gens qui avaient l’air super sympas, ça semblait être un bon plan. Ce qui est drôle après coup, c’est qu’à ce moment on s’est dit : « Allez ça nous prend un an cette histoire, avant qu’ils commencent le projet d’aéroport, on n’a rien à perdre et ça fait une année d’expériences chouettes à vivre » ! On ne voyait pas que ça puisse durer tellement plus longtemps parce que le projet n’avait jamais avancé aussi vite : en 2010 il y avait le début des enquêtes publiques, l’appel d’offres pour trouver un concessionnaire, le conseil général annonçait le début des travaux pour 2011. Il y avait une grosse pression, et même si on voyait bien le sens de lutter, on ne s’imaginait pas encore pouvoir gagner.
Comment s’est passée votre installation ?
On s’est retrouvé à parler avec des gens qui étaient déjà là depuis un an et qui nous ont bien présenté la situation et les enjeux. Sammy nous a expliqué la pertinence de venir occuper pour enrayer le projet d’aéroport. Il nous a aussi appris que ce n’était plus possible de s’installer dans la maison qu’il nous avait montrée car elle était déjà occupée ! On a pas mal sillonné la zone à la recherche d’une autre baraque, en voiture ou à vélo et on a trouvé une nouvelle maison vide dans le lieu-dit de la Boissière.
On était censés aller se présenter à tout le monde et exposer notre projet. Pour ça il fallait passer par la réu des habitant·e·s qui se déroulait tous les lundis à la cabane de la résistance aux Planchettes. Et là, contrairement à toute attente, on s’est fait à moitié refouler :
On était arrivés dans l’assemblée en expliquant : « Donc nous on arrive, on est cinq, on voudrait mettre à dispo une bibliothèque et une cuisine, on a besoin d’un lieu, on a tourné dans le coin, on a repéré une ferme, la Boissière. » Et là tout de suite on nous a dit : « Ah non ! Si vous occupez la Boissière on vous pourrit ! » Cette maison était pourtant inoccupée depuis 20 ans mais on nous a dit que c’était compliqué, qu’il y avait tout un micmac administratif autour de cette baraque qui appartenait à la SAFER [2]. En fait il y avait deux visions au sein de l’assemblée : une partie nous soutenait et trouvait ça pertinent qu’on s’installe, et d’autres étaient méfiants, avec certains caractères forts, dont une personne qui nous a dit : « Pour le moment on a du mal à se trouver à la quarantaine de personnes qu’on est, alors si on est plus, comment on va faire ? » Finalement cette personne s’est excusée plus tard d’avoir dit ça. Et Sammy a aussi rappelé à tout le monde que les habitant·e·s « historiques » de la zone avaient eux-mêmes appelé à venir occuper : « Alors pourquoi ne pas accepter des gens qu’on a déjà croisés dans des luttes depuis un an ?! »
Finalement comme quelques personnes se portaient caution pour nous, on nous a dit qu’après tout on pouvait bien aller ouvrir la Boissière et qu’on verrait les conséquences par la suite. Après on a compris qu’en fait c’était l’ADECA et l’ACIPA qui avaient dit clairement de ne surtout pas ouvrir cette maison. Déjà, ils ne comprenaient pas toujours le mouvement d’occupation naissant, et certain·e·s paysan·e·s voyaient les squatteur·e·s d’un œil méfiant, genre : « Vous êtes un peu une bande de gens chelous avec vos fêtes bruyantes et vos chiens qui passent dans les cultures ». Mais le vrai problème c’était que cette maison avait un statut particulier : une des propriétaires était décédée et l’autre était sous tutelle. Et des gens voulaient la reprendre pour faire un projet de maraîchage bio. Du coup les agriculteur·e·s en lutte ne voulaient pas que des squatteur·e·s viennent mettre des bâtons dans les roues d’un tel projet. Sauf que la SAFER bloquait le dossier et que ça pouvait prendre encore des années avant que ça bouge. Alors on s’est dit que tant pis, et on a quand même occupé cette maison. Là on était trois avec un petit garçon.
Est-ce que tu veux nous parler un peu de ta découverte de ce nouveau monde ?
Je me souviens de notre première rencontre avec les gens de la Saulce, tu te disais que ça devait être des sacrés personnages, tout débraillés qu’ils étaient. Et puis tu allais visiter la Saulce et là tu te disais : « Ah oui, c’est ça les cabanes dans les arbres, c’est ça le mode de vie... » C’est des gens qui avaient un « mode de vie-action ». Moi je n’avais vu ça que dans des documentaires. Ils avaient un mode de défense direct des forêts, en y construisant des plates-formes dans lesquelles ils vivaient. P’tit Patrick, un des occupants, nous a dit : « Ah ben ils sont marrants eux, quand ils ont tous débarqué après qu’ils se sont fait expulser de la forêt de Lappersfort [3], ils sont arrivés à Bel Air. Oh tu les faisais pas dormir dans la maison ! Pour eux c’est des cages à rats, ils dormaient tous dans le jardin sous des bâches ». Ça renvoyait une espèce de grosse claque de voir ces gens qui allaient vraiment jusqu’au bout de leurs convictions ! Et avec un rapport à la nature qu’était juste beau.
Au-delà des rencontres humaines, il y avait aussi le fait de mettre en pratique ce qui était pour nous de l’ordre de la théorie. On découvrait tout un tas d’outils, une gestuelle pour faciliter les discussions en AG, qu’on avait un peu découverte pendant les camps, une organisation hebdomadaire pendant laquelle il y avait tout un tas de choses qui se discutaient, des décisions qui se prenaient, et une écoute grâce aux outils mis en place. On essayait de se les approprier, de voir ce qui pouvait se jouer dans les réus.
Et au début vous étiez plutôt enthousiasmés par les réunions ?
Même si la première fois on s’était faits déglinguer, on se disait que ce qui se jouait dans la Cabane de la résistance, les réus là, c’était pas rien. Donc on a essayé d’y retourner. Mais très vite en fait, on en est revenus. On a plutôt préféré s’organiser entre nous et avec des gens qui n’étaient pas forcément dans ces réus. On avait l’impression qu’à ce moment-là, les réus finissaient toujours dominées par un même groupe, avec des gens qui avaient l’habitude de fonctionner ensemble, qui maîtrisaient parfaitement les codes et la parole. Alors si une personne qui avait moins l’habitude et du mal à parler en public essayait de s’exprimer, on pouvait lui faire sentir qu’elle avait été maladroite de manière assez écrasante. Quand on t’avait ri au nez deux ou trois fois, après que tu avais tenté l’expérience, eh ben tu abandonnais. Nous on ne voulait pas être dans une forme d’idéalisation de ce qui se passait sur la zad, on gardait un regard très critique et on essayait de mesurer les limites du mouvement d’occupation. On voyait que ceux qui étaient à l’aise dans les réunions, c’était des gens qui côtoyaient cette lutte depuis plus longtemps que les autres, qui en maîtrisaient les tenants et les aboutissants. Elles et ils étaient déjà ancrés pas loin d’ici ou dans des squats à Nantes, beaucoup venaient du milieu militant. Et ils avaient du mal à s’ouvrir et à transmettre dans ces espaces-là. Par contre même si c’était des gens qui pouvaient être parfois relous en réu, à l’extérieur c’était des gens super chouettes. On arrivait même dans ces moments informels à reparler de ce qui nous gonflait en réu. Des complicités ont fini par émerger et un rapport de confiance s’est mis en place.
Il y avait peu de lieux occupés à cette époque mais tu sentais qu’il existait une personnalité par lieu et que chaque individu qui arrivait sur la zad au travers de ce qu’il avait entendu trouvait un lieu qui lui convenait : « Eux ils habitent dans les arbres, c’est les hippies-véners ; eux ils ont des camions, c’est ceux qui privilégient le matos ; eux c’est les teufeurs, c’est déglingo-party ». On est dans la caricature, mais c’était un peu sectorisé de cette manière-là. En tout cas c’était un plaisir d’évoluer dans ce joyeux bordel où il y avait une volonté de faire des choses ensemble et que chacun puisse aussi garder une identité très différente. Ailleurs, c’est beaucoup moins courant de voir cette espèce de faune très diverse échanger des points de vue.
Et tous ces groupes là, vous faisiez des choses ensemble ?
Il y avait régulièrement des fêtes. Faut penser qu’à ce moment-là beaucoup de lieux n’avaient pas l’élec, donc ce n’était pas la fête dansante, on n’était pas du tout organisés pour faire un bar, il y avait juste un vieux poste qui crachotait, et encore quand on avait pensé à prendre des piles… C’était plus des espaces conviviaux, avec un peu d’alcool. Et on n’était pas encore très nombreux. Pendant notre premier hiver, je dirais qu’il y avait une soixantaine de personnes qui vivaient sur la zad.
Il y avait aussi des repas, aux Planchettes, et des chantiers collectifs comme à la Gare où elles et ils construisaient des plates-formes dans les arbres et organisaient des initiations à la grimpe. On sentait que la zad devenait un espace où les gens avaient besoin de transmettre.
Et puis au moment où on arrivait, en 2010, les enquêtes publiques du projet d’aéroport démarraient, avec un commissaire qui venait une fois par semaine. Du coup on se voyait toutes les semaines et on échangeait avec toutes les entités de la lutte pour réagir à ça. C’était le moment où on commençait à percevoir les clivages entre les assos, les agris, les squatter·e·s, mais aussi le fait que des gens essayaient de faire le lien entre tout ça.
Nous on allait faire des récups des invendus du marché ou des supermarchés et on venait faire de la bouffe pour les rassemblements. Et régulièrement Paul Blineau, un paysan de Couëron qui a été dans cette lutte depuis toujours, disait à tout le monde : « Ah c’est bien, les p’tits jeunes ils ont amené de la soupe, grâce à eux on a bien chaud. Allez on va manger la soupe des p’tits jeunes ! » Je pense que dans ces moments-là il était bien conscient de faire le pont entre les occupant·e·s et les historiques. Les réticents devaient se dire : « Ah ben Paul, avec qui il copine encore ?! » et puis les plus « malins » montraient un peu de curiosité et se rapprochaient de nous. C’était le moment aussi où les gens se rendaient compte que les flics avaient un usage un peu frénétique de leur bombe au poivre et que ce n’était pas juste les jeunes chevelus anars qui provoquaient la police. Il y avait un rapport de confiance qui se mettait en place parce que les gens se disaient : « Ils ne sont pas là pour tout casser, c’est juste des actions de blocage ». Il y avait aussi des trucs qu’on faisait avec tout le monde, comme des banderoles. On sentait qu’il y avait une envie naissante de faire des choses ensemble.
Et au niveau des actions sur la zad ? Comment vous réagissiez au fait qu’il y avait cette boîte, Biotope, qui faisait des études pour le compte de Vinci sur l’impact environnemental du projet d’aéroport ?
Au début 2011 on a effectivement vu les experts de Biotope débarquer, ils venaient tranquilles en petite voiture de société, habillés comme toi et moi : décathlon, chaussures et veste de randonnée, une petite boussole autour du cou, un talkie à la poche, un carnet de note, et quelques appareils de relevé : des p’tits jeunes qui aiment la nature !
Une fois je croise Oscar et Inga dans la forêt de Rohanne en train de raccompagner un gars vers la sortie. Moi j’arrive sans connaître la situation, je fais la bise à Oscar, je fais la bise à Inga et puis le mec je lui fais la bise, il est vraiment comme nous et là t’as Inga qui me lance un regard noir et qui me dit tout bas « c’est Biotope ».
– Hein quoi ? C’est ton pote ?
– NON C’EST BIOTOPE !
Et là je prends un air très grave, pour faire comprendre au type que « ATTENTION, NOUS ON EST LA MENACE ». Le gars il appelle son patron qui fait style de pas comprendre, ils envoyaient les p’tits jeunes au casse-pipe. Bon lui, cette fois, on l’a laissé repartir en bagnole. On savait qu’ils allaient revenir régulièrement. On commence une réflexion et une recherche sur Biotope et ces entreprises de l’ingénierie écologique qui sont censées « protéger et travailler pour l’environnement » et qui se mettent en fait au service des grosses boîtes et de leurs projets pourris.
On en rencontre plus d’une fois dans les semaines qui suivent et on discute avec eux. Et on ne sait pas si c’est de la mauvaise foi ou de la pure candeur, mais eux ils captent pas qu’ils viennent aider à construire un aéroport. Ils croient qu’ils sont là juste pour observer les tritons et les grenouilles. Et puis ils trouvent leur boulot plutôt sympa : les balades, le grand air tout ça…
Nous on décide de s’organiser et de leur faire comprendre qu’ils ne sont plus les bienvenus : pour ça on voit bien qu’on peut pas se contenter de les suivre partout. Donc faut qu’on arrive à se mettre en mode plus véner. A partir de ce moment-là, quand on les croise on se masque et leurs bagnoles on les éclate. Il faut qu’ils repartent en porte-char et faut qu’on récupère leurs données, les cartographies avec les zones de relevés et tout, parce que ça peut nous servir.
Du coup dans les jours qui suivent, quand on croise des gens, chacun y va de son anecdote « intervention Biotope ». Alors après plusieurs incidents marrants, les voitures des experts reviennent mais accompagnées par des véhicules d’une boîte de sécurité, Securitas. Sauf que les gens de chez nous arrivent à 10 ou 15 autour de la voiture. Le vigile n’a pas le temps de comprendre ce qui se passe qu’il voit 10 personnes cagoulées qui lui disent : « Je serais toi, je ferais rien ». Et il se rassoit dans sa voiture pendant que celle de Biotope se fait éclater sous ses yeux. Et un peu plus loin l’expert se fait voler ses documents.
Après ça ils venaient avec la voiture de Biotope, une voiture de gendarmerie et des gendarmes pour escorter la personne de Biotope, et une voiture de Securitas avec un vigile pour surveiller les deux voitures. Et c’est là qu’on commence à voir les voitures de keufs repartir sur les porte-chars aussi. C’est là aussi qu’il y a eu les premières sorties d’hélico. C’était un peu la panique, on n’avait pas encore l’habitude.
À ce moment-là on fait aussi la découverte de l’outil ultime pour éclater les pneus. Percer un pneu au couteau c’est assez dangereux mais avec un tube en métal en leur arrachant la valve de la roue, tu tords et ça pète direct. On a ce truc qu’est génial, tout le monde a ça dans son sac à dos avec sa lampe frontale : Le Tube ! Et puis c’est pas compliqué, n’importe quel tube en acier d’1 cm de diamètre que tu meules, ça marche. Donc c’était à qui aurait l’objet le plus original ! Certains découpaient l’avancée d’un vélo, le montant qui va à la roue. Ca une fois tranché, ça te fait un bel outil, selon la forme du cadre de vélo et la décoration, t’as vraiment le plus beau « chasse-valve ».
Les flics étaient impuissants, on les voyait arriver de loin en plus. Je me souviens d’une action, où on était en train de causer avec le vigile qui était resté garder les voitures. On commençait à apercevoir les flics revenir en raccompagnant le gars de Biotope, mais eux ils nous voyaient pas, ils ne captaient pas qu’on était tout un groupe. Là, le vigile de Securitas, un peu paniqué, nous dit qu’il va rien faire mais nous on lui dit que sa voiture elle va y passer, et lui il nous répond que c’est sa voiture perso ! Il parle de ses contrats de merde avec des horaires pourris, payés au ras des pâquerettes, et en plus il doit venir travailler avec son véhicule. Du coup on se retourne vers les potes : « Ok, on se calme, on range les tubes ! » Bon ça avait l’air d’être vrai son histoire. Par contre, la voiture de flics s’est faite démolir, puis tout le monde s’est dispersé dans la campagne, au son menaçant de l’hélico, et de nos cœurs qui battaient très fort.
Est-ce que des fois les gendarmes tentaient de vous contrôler ou de vous arrêter ?
On le craignait toujours lors de ce genre d’action mais en fait ce n’est pas vraiment arrivé. La nuit parfois, ils passaient avec des gros spots en les braquant sur les baraques. Mais sinon ça allait. A l’époque, par exemple, on ne se faisait pas encore arrêter pour des récups dans les poubelles des supermarchés du coin. Et puis il y avait une pratique qui s’est mise en place sur la zad à partir d’un moment : ne plus donner son nom ni ses papiers. Souvent quand les flics demandent les papiers, les gens les donnent par habitude mais ici il y avait une dynamique collective de refuser. Et souvent, les flics repartaient bredouilles. A la gendarmerie de Blain, ça les agaçait : ils nous avaient dit qu’ils étaient chez eux et qu’ils ne voyaient pas pourquoi ils ne pourraient pas contrôler « leur zone ».
Ils passaient assez souvent devant les lieux mais c’était assez tranquille. Ils essayaient aussi de prendre des gens en photo. Si tu passais tout seul en vélo, qu’ils te tombaient dessus et qu’ils n’avaient pas ta photo, ils te forçaient un peu à « poser ». Il y avait toujours la physionomiste [4] dans ce genre de plan.
Et votre lieu ?
Chez nous, on a créé un lieu ouvert, la maison s’y prêtait beaucoup, il y avait un énorme grenier dans lequel on a mis en place un free-shop [5] et de quoi faire de la sérigraphie. Il y avait l’élec, on pouvait écouter de la musique, ce qui est cool ; et plein de chiens, ce qui est moins cool. Nous on restait plutôt sur notre lieu parce qu’on s’y éclatait bien. On aimait bien mettre des outils à dispo et on voyait plein de gens débarquer, c’était chouette.
Est-ce que votre collectif s’est agrandi, sur quelles bases ?
On ne s’est pas posé beaucoup de questions sur comment accueillir des gens et faire en sorte qu’ils deviennent habitant·e·s du lieu. Ça s’est fait assez spontanément, du fait, comme je le disais tout à l’heure, que chaque lieu avait son identité propre. Très vite il y a eu Symphonie, qui venait d’arriver sur la zone, qui passait de plus en plus de temps à la maison, elle est devenue super pote avec une copine de notre collectif. À un moment tout le monde lui a dit, comme une évidence : « Bon Symphonie, t’es là du soir au matin, peut-être que t’as juste envie d’habiter ici ? » Ça faisait un mois qu’on se connaissait et elle a décidé de s’installer avec nous.
Avant il y avait eu Bilou qui avait rejoint la bande. Après il y a eu Matthias, il était en poids-lourd et cherchait un lieu. Nous, comme on avait une bagnole et un poids-lourd, on était identifiés comme le lieu « motorisé », les « travellers », ça devait rendre logique qu’il vienne s’installer avec nous. Après il y a eu Gontran, il avait participé à l’ouverture d’un squat un peu plus loin à Grandchamp-des-Fontaines, mais c’était compliqué là-bas. Il était pas mal dans le son et il était venu avec l’intention d’organiser un camp anti-Loppsi [6]. Comme il se sentait super isolé parce qu’il était la seule personne en camion là-bas, on a fini par lui dire que justement il restait une place dans la cour pour garer son camion et puis voilà, il s’est installé.
Les affinités se sont notamment faites autour des BD du bibliobus et de la musique. On avait tous des outils très complémentaires : Lo avait un bac de disques, deux platines mais ni table de mixage ni enceintes. Moi j’avais une table et des skeuds [7] mais pas d’enceinte non plus. Gontran il avait des enceintes. Donc à nous trois on avait une sono. Nos bacs se complétaient à la perfection.
Ceux qui nous ont rejoints étaient aussi sur des projets cuisine. Au début on était un végétalien et trois végétariens dans la maison, c’était clair qu’on cuisinait végétarien au minimum. Les nouveaux ne l’étaient pas mais avaient une volonté de changement, on se questionnait beaucoup sur ces sujets. En plus, on tripait tous autour de la cuisine collective et on aimait tous bien manger. Il y avait un rapport de confiance génial, je n’étais plus le seul à me retrouver isolé à ne pas manger de viande. Et au fur et à mesure, les autres ont changé leur régime alimentaire, en se rendant compte qu’ils n’avaient plus envie de manger de viande non plus.
Et sur la zad, les gens mangeaient comment ?
Au départ il y avait encore peu de potagers collectifs. À ce moment-là, on faisait la récup et puis on choppait aussi un peu de bouffe pas chère au Super U.
Il y a vite eu un « supermarché » qui s’est mis en place aux Planchettes pour mutualiser les surplus et que chacun vienne se servir de ce que les autres rapportaient. Il y avait des gens, comme à la Saulce, qui étaient freegans, ils refusaient d’acheter de la viande, c’était un choix éthique et politique, mais ils mangeaient celle de la récup, parce qu’une fois dans les poubelles, ça n’entraînait pas plus de production. C’était intéressant pour nous de découvrir cette pratique. Par contre, les repas collectifs qui se faisaient sur la zad étaient vegans [8] pour être accessibles à toutes. Que ce soit les bouffes pendant les concerts, les événements ou lors des procès, c’était végétalien et ça posait un truc, c’était rassurant politiquement. Ça m’avait beaucoup interpellé.
Au départ vous imaginiez rester seulement un an, mais finalement vous vous êtes implantés sur la zad ?
En 2010, au cours de notre premier hiver, on a senti que la zad ça allait durer plus longtemps que prévu. Les échéances étaient repoussées chaque fois un peu plus et finalement on se voyait bien rester parce qu’on s’y plaisait bien. On a passé un hiver de papys avec Lo, on discutait, on lisait, on buvait des tisanes. Les autres copines étaient parties en voyage.
Au printemps, en avril 2011, on a organisé un petit camp, « la semaine d’échange de savoirs ». Tout s’est super bien passé, une centaine de personnes sont venues d’un peu partout participer à des ateliers pour apprendre ou partager leurs savoirs sur la réparation de vélos, la soudure, la fabrication de savons, de teintures végétales. Il y avait aussi des balades botaniques pour découvrir les plantes médicinales. Ici, tout le monde y a participé avec l’envie de faire plein de trucs. On a organisé la cuisine et c’est là qu’on a eu les premiers plans récup dans les circuits officiels, avec des maraîchers locaux et au MIN [9] de Nantes. Toute l’organisation nous a permis de passer plus de temps ensemble entre les gens de la zone. C’était l’occasion de passer quelques heures avec d’autres pour partir chercher du matos ou monter des structures, ça permettait de sortir des moments formels ou des fêtes. A cette époque il y avait moins de monde et on pouvait plus facilement tous se rencontrer.
Peu de temps après la SAFER est venue nous dire qu’il fallait qu’on quitte la maison de la Boissière dans les deux semaines car elle allait être vendue pour le projet agricole prévu initialement.
On voyait bien que la situation de la maison s’était débloquée miraculeusement pour le projet de maraîchage, sûrement du fait qu’on l’ait occupée. Et là tout à coup on nous disait qu’il y avait urgence à vider les lieux, alors qu’une installation maraîchère ça se conduit pas en 15 jours. Nous, on ne voulait absolument pas bloquer le projet agricole mais on n’était pas prêts à partir comme ça, tout de suite et surtout avec ce manque de considération. Avec les futurs proprios, on voyait bien que ça n’allait pas le faire. On leur a dit que s’ils ne prenaient même pas le temps de nous rencontrer, et que s’ils nous prenaient juste pour des parasites on allait se braquer : « Non seulement on va faire traîner mais on va grave tout pourrir ! » Parce qu’on sentait qu’il y avait un peu de mépris et de la méfiance de la part des gens autour, des villages voisins : on était les vilains pas beaux du quartier, il fallait légitimer sa place ici et c’était pas facile.
La maison on l’avait quand même bien retapée. On avait les expulsions en champ de vision donc on n’y était pas non plus trop attachés, mais malgré tout on l’avait cleanée, réassainie. Et on n’avait pas fini notre boulot, on avait des chantiers en cours. On a provoqué une discussion collective avec des représentants de l’ACIPA, et des occupant.e.s qui étaient là depuis plus longtemps. Ils étaient venus nous soutenir, même ceux qui ne voulaient pas de nous au début. Il y avait même le maire de Vigneux, le gars de la SAFER et les deux proprios. Et finalement ça s’est bien passé, on s’est donné un échéancier pour notre départ.
On a aussi essayé de négocier avec le gars de la SAFER qui nous suggérait surtout d’aller voir ailleurs, mais on lui a répondu qu’il allait se présenter la même situation et qu’on allait se faire virer pareil. « On s’imagine qu’il doit bien y avoir des pistes pour qu’on puisse s’installer sans que ça fasse chier personne ». Il a fait mine de ne pas entendre mais en fait il est revenu 15 jours après avec une carte, en disant : « Voilà un plan des zones acquises par le Conseil général, là où il y a des zones hachurées, vous pouvez vous y installer, vous ne serez pas embêtés, la même situation ne se reproduira pas. J’ai pas le droit de faire ça, alors si on vous demande, c’est pas moi qui vous ai donné ça. » Et là c’est l’aventure « Bellishroot », notre nouveau lieu de vie, qui a commencé.
Raconte...
La Bellishroot c’était une cabane dans un petit bois et un champ en friche à côté sur lequel on a fait un jardin. Comme on avait les poids lourds, on pouvait faire plein de récups. En deux cargaisons, on avait assez de matos et on a construit la cabane. Et en juillet 2011 il y a eu l’établissement du camp No G, c’était un peu le grand camp de l’été, qui se faisait contre la tenue en France du G8 et du G20 cette année-là. J’y ai posé ma cantine et Lo y a posé le bibliobus. C’était en face de chez nous et on faisait office de « personnes ressources », vu qu’on avait aussi été les seuls de la zone à soutenir la venue de ce camp. Il y avait encore eu les mêmes réticences à voir des nouveaux débarquer de la part de ceux et celles qui occupaient depuis plus longtemps. Alors vu l’accueil qu’on avait eu, on a eu comme une solidarité de principe avec les organisateurs de ce camp, face à une réticence un peu habituelle des « anciens de la zad ». On les imaginait déjà dire : « on a déjà du mal à s’organiser à 80 alors si on est 83 ça va être trop compliqué ! »
Bon c’était surtout qu’ils avaient un peu peur de ce que ça pouvait donner ce genre de camps. Nous, on ne mesurait pas non plus complètement toutes les retombées que ça pouvait avoir au niveau de la répression et si ça pouvait provoquer l’évacuation de la zone. Au final, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé, c’était plutôt tranquille. Après une chouette fête à la fin du camp fin juillet, on est parti en road-trip avec les autres de la Bellish’ pendant un mois et demi. Quelques personnes qui étaient sur le camp n’ont pas eu envie de partir et ont demandé si elles pouvaient rester un peu. Comme on s’entendait bien avec elles et qu’elles ne savaient pas où aller une fois le camp démonté, on leur a dit de se poser sur la friche de la Bellish’ en attendant et qu’on verrait en revenant.
Quand on est revenu on s’est aperçu qu’on ne savait pas trop quoi faire avec tous ces gens qui s’étaient plus ou moins installés. On les aimait bien mais on n’avait pas du tout prévu de vivre à autant et eux et elles n’avaient pas du tout envie de partir. On est tous restés un peu dans le flou et c’était le début des problèmes sur la légitimité de qui devait ou pouvait habiter là. Il y avait trop de monde, on commençait à se rendre compte que même au sein du groupe initial, on n’avait pas les mêmes exigences et pas le même degré de patience. On commençait à se découvrir dans le conflit alors qu’avant on avait toujours réussi à trouver des consensus.
À la Bellish’ vous commenciez à avoir des liens avec les agriculteur·e·s du coin ?
Oui. Au printemps 2011 comme on déménageait, on ne pouvait pas faire de jardin à la Boissière, mais on avait vraiment envie d’en lancer un dans le grand champ qui était en friche à la Bellish’. Sauf que ça représentait beaucoup de taf à la grelinette. On a réussi à chopper Bernard quand il passait en tracteur et on lui a parlé du projet, on lui a demandé s’il pouvait nous aider à le faire à la machine et il a accepté, et puis on s’est lié d’amitié. On sentait qu’il était intrigué par les squatteur·e·s, les gens qui vivaient dans la forêt, tout ça. Lui il est producteur de lait sur une moyenne exploitation en “conventionnel”. Il a 80 vaches, il ne vit pas loin et fait partie des agriculteurs impactés par le projet d’aéroport.
Au début, il a souvent refusé les invitations à manger, il était un peu timide et puis il avait aussi sûrement un peu peur du jugement des gens du coin, du fait d’être vu avec nous. Mais on le voyait de plus en plus. Et puis au printemps 2012 tous les agris de la zone ont reçu un papier de Vinci pour leur dire, de manière très généreuse, que les travaux de l’aéroport n’allaient pas commencer cette année, alors qu’ils pouvaient leur redistribuer temporairement les terres dont ils ne se servaient pas. On voyait ça avec méfiance : comme les terres redistribuées étaient en partie des terres qui étaient occupées, ça leur faisait un moyen de créer la discorde entre les agris et les squatteur·e·s. Du coup on a pris les devants, on a réfléchi à comment on pourrait retourner cet acte de division en un acte fort. On a organisé plusieurs réunions un peu en urgence, il y avait des paysan·e·s qui étaient clairement allié·e·s dans la lutte mais aussi d’autres où c’était moins clair.
En discutant avec Bernard on a vu qu’il ne savait pas trop quoi faire de cette parcelle bonus, alors on lui a proposé d’essayer quelque chose avec lui. On avait eu pas mal de discussions ensemble sur ses pratiques agricoles étant donné qu’il cultivait en conventionnel. Souvent il nous avait confié qu’il en avait un peu marre et qu’il se posait des questions. Mais la réalité des exploitations fait que ça aurait été compliqué de changer de procédé même en en ayant envie. Les éleveurs sont pris à la gorge par les emprunts bancaires liés à l’achat du matériel qu’ils doivent rentabiliser avec des contraintes productivistes. Et puis il avait accepté de l’argent de Vinci pour pour pouvoir mettre aux normes son installation donc il était à la fois dans ce truc d’être au pied du mur, et de s’en vouloir en même temps énormément d’avoir signé. On voyait qu’il essayait de trouver un moyen de ne pas en rester là. Nous on s’est dit que c’était pas parce qu’il avait signé qu’on allait forcément le traiter comme un ennemi. On lui a donc proposé de l’aider à faire pousser du maïs propre, bio de préférence, on a trouvé les semences, on a mécanisé le moins possible. On l’a fait ensemble dans le cadre d’une expérimentation soutenue par le CIVAM [10]. Pour que ça marche il fallait faire des fiches de suivi. Cela permettait de se voir régulièrement, d’aller ensemble dans les champs voir les cultures, et là on se rapprochait vraiment de Bernard. Il venait plus souvent chez nous et il y avait un rapport de confiance qui grandissait.
Il était plutôt content de comment ça s’est passé ?
Oui, mais malheureusement on a été pris par le temps, on avait 15 jours de retard pour la plantation, donc toute la culture s’est faite avec 15 jours de retard. Et puis ça inquiétait Bernard de se confronter de nouveau au monde paysan. Il s’était un peu refermé dans sa ferme et puis il redoutait vachement les réflexions des gens qui pouvaient dire qu’il copinait avec les squatteur·e·s.
Mais avec cette expérience, Bernard a découvert l’univers d’entraide de certains paysan·e·s du coin, proches du CIVAM, qui développaient d’autres relations que les agriculteur·e·s qu’il avait côtoyés. L’enjeu pour le CIVAM, c’était aussi de récupérer des semences, donc il y avait un deal avec eux : le paysan s’engageait à redonner trois fois le poids de semences reçu. Et sur l’ensemble de la récolte, il pouvait reprendre des semences pour être autonome l’année d’après.
On a pu constater que le maïs “population” [11] que l’on avait mis poussait bien. L’inconvénient c’est que ça demandait plus de travail en désherbage, plus de suivi, mais c’était complètement faisable. On hallucinait même du résultat. En plus il faisait pousser son champ de “population” en face du champ de son ennemi juré, Christophe, qui faisait pousser du conventionnel. Donc il y avait quand même un petit enjeu, il fallait assurer pour montrer que ce qu’on faisait ça marchait. Alors c’était marrant parce que forcément les variétés de maïs “population” ne font pas 3 m50 de haut comme les variétés de Christophe. Lorsque le nôtre prenait 50 cm en un mois et demi, l’autre c’était 10 cm en 10 minutes !
On ne s’est pas dégonflés avec Bernard, bien sûr il y avait un petit peu de mauvaise foi « Nan mais regarde Bernard, le nôtre il est beau, attends, il y a les épis ! C’est ça qui compte, ils sont magnifiques ! Et puis surtout t’es pas allé mettre plein de saloperies dessus. »
Le CIVAM nous a appelés pour aller faire un retour bilan avec tous les paysan·e·s qui avaient fait pousser du maïs “population” cette année-là. On y est allés ensemble avec plusieurs épis sous le bras. On sentait que Bernard était stressé, il avait clairement peur de passer pour un con. On avait nos épis devant nous, on voyait pas mal de paysan·e·s s’approcher pour les regarder. En fait ils étaient impressionnés : tous, ils disaient qu’ils étaient beaux. Et sur le retour d’expérience, il y avait pas mal de paysan·e·s qui ont expliqué qu’ils n’avaient pas semé au bon moment, ça n’avait été simple pour personne. À la fin de la journée Bernard était super heureux, il était regonflé. On est sortis de la salle et une fois dans la voiture, il nous a dit avec le sourire : « Ah ben ça s’est bien passé hein ! » Malheureusement on était au mois d’octobre et les expulsions ont mis un terme à tout ça. Donc une partie des champs n’a pas été récoltée. Mais cette rencontre nous a pas mal fait réfléchir.
Comment on en arrive en tant que végétarien ou antispéciste [12] à faire un projet avec un éleveur ?
Tous les questionnements et les raisonnements que j’ai sur les animaux et sur les changements qu’on pourrait apporter, je sais que je n’en verrai pas l’aboutissement de mon vivant. Je sais que ça va être un processus lent et que ce qui se passe ici permet déjà pas mal de remises en question. Venir vivre ici ça m’a fait me décaler de mes positions, je pense que je suis sorti d’une forme de dogmatisme. Si tu brusques les gens ça ne marche pas. J’accepte le fait que les gens soient éleveur·e·s, mangent de la viande. Cela fait partie des réalités de ce bocage. Et puis les personnes qui sont éleveur·e·s dans le coin ont parfois des réflexions subtiles et profondes sur leur rapport aux animaux, des fois plus intéressantes que les autoproclamés « antispécistes ». La cible n’est peut-être pas les éleveur·e·s de la zone qui ne sont pas des gros agris, d’autant plus quand ils sont prêts à mener des réflexions sur leurs pratiques. Il y a de l’agriculture intensive ici mais beaucoup moins qu’ailleurs, il y a même des paysan·e·s qui sont clairement en questionnement sur la production intensive de viande. Il y a d’ailleurs une campagne du CIVAM dont font partie certain·e·s paysan·e·s de la lutte qui s’appelle AFTERRE 2050. C’est lié à une réflexion globale sur le réchauffement climatique, les dégradations environnementales et les remises en cause nécessaires des modes d’agriculture productivistes. Cela a comme objectif de promouvoir l’idée que d’ici 2050, l’élevage pourrait être réduit de 50 % et les terres libérées deviendraient disponibles pour faire des cultures consommables directement par l’humain. Ça se base sur le fait qu’actuellement pour produire une protéine animale il faut 8 protéines végétales, donc autant produire directement pour les humains.
Dominique qui est producteur de lait bio et camarade de lutte, adhère à ce projet. Il est très curieux du mode de vie vegan et j’ai le souvenir de l’entendre dire « c’est vous l’avenir ». Pas « vous les jeunes », mais plutôt « vous les vegans » ou en tout cas les gens qui se questionnent là-dessus, parce que la réalité de l’élevage est catastrophique. Par son biais, le CIVAM a proposé de faire un lien avec des gens de la zad qui s’organisent autour de ces problématiques. Ils ont donc demandé à un groupe de personnes vegans d’ici de venir faire un repas végétalien pour l’assemblée annuelle du CIVAM en 2013. Ils ont fait appel au groupe "légumineuses". C’est un groupe qui s’est mis en place entre des paysans du coin et des occupantes de la zad qui se sont rencontrés pendant la période des expulsions en défendant la ferme squattée du Rosier. Ils expérimentent ensemble ici la culture de différents types de légumineuses qui peuvent être une des bases alimentaires dans un régime sans viande. Ça prouve aussi qu’ici, ce n’est pas forcément seulement des terres d’élevage. Moi j’ai participé à l’élaboration du repas avec les personnes du groupe "légumineuses". Ça s’est très bien passé, les gens étaient super étonnés et très contents de ce qu’ils mangeaient, et ils nous ont demandé de revenir l’année suivante.
Pour revenir à la période d’avant les expulsions et la vie à la Bellish’ : vos fêtes étaient un peu mythiques non ?
Ouais. On n’avait plus l’élec’ comme à la Boissière, où on pouvait écouter de la musique tout le temps : se réveiller le matin et écouter un disque en prenant son café – ça c’est un truc que j’adore faire. Il fallait se créer un espace-temps particulier pour écouter de la zic. Et c’est ça qui a donné les fêtes de la Bellish’ où on était limités par la contenance du bidon d’essence parce qu’on fonctionnait sur un groupe électrogène ! On écoutait de la musique ensemble et au travers de la musique que chacun choisissait, il y a vraiment une attention à faire plaisir aux gens. Donc c’était deux heures par jour sauf le week-end, où on achetait un peu plus d’essence : on prévoyait pour toute la nuit. On avait besoin de faire au minimum une fête par semaine pour se lâcher et s’écouter plein de musique. On avait un autre truc en commun, c’était notre amour pour la bonne bière belge… et la vodka… et les frites ! Donc nos fêtes c’était un mélange de musique bruitiste, avec plein de décibels, de graisse, de frites, de falafels, de bière belge et de vodka… et de drogues de temps en temps mais pas souvent.
Il y a eu des batailles mémorables pendant ces soirées. Le mobilier se déplaçait beaucoup ! Il y avait des chaises qui volaient, des tables, des assiettes parfois même des bûches enflammées ou des pots de peinture. Tout le monde hurlait, Symphonie qui gueulait debout sur le bar. On a fait quelques batailles de bouffe. Il y avait un truc animal. C’était le spectacle, tout le monde avait un peu envie de voir ça. Ça en effrayait pas mal, ça en faisait adhérer d’autres. Les gens se disaient : « on va chez les ché-pers de la Bellish’, et en même temps ils sont marrants, et en même temps ils sont un peu dangereux. »
Mais à ce moment-là vous passiez plutôt des disques, vous n’étiez pas encore trop sur l’organisation de concerts ?
La deuxième année de la Bellish’ on a commencé à organiser des concerts, dans l’appentis de la maison de la Gaité. J’ai eu mal au cœur quand ils ont détruit ça pendant les expulsions.
Le premier concert c’était Pierre Gordeef. Les gens se disaient que ça allait encore être un truc bizarre. Mais quand le mot a commencé à tourner sur ce qu’il avait installé, tout le monde voulait voir ça. C’est un mec qui fait du live sur des modules sonores. Il assemble tout un tas de mécanismes, de moteurs de brosses à dents électriques, de magnétoscopes, tout est à déclenchement électrique. Il y a des centaines de micro-capteurs sur des modules qui font 1 m de haut sur 70 cm. Il y a plein d’objets partout, des mécanismes qui font taper une fourchette sur une théière, une cuillère qui vient frapper une corde de guitare, derrière lui il a des câbles tendus sur lesquels il tape. Et chaque capteur va générer un max de sons différents. En plus il y a un jeu de lumières pendant la performance, qui crée des ombres et tout un univers. C’est juste génial. Visuellement il se passe quelque chose. Tout le monde était médusé, on s’est dit avec les autres de chez moi que ce genre d’ambiance c’était vraiment ça qui nous plaisait. Faut faire connaître ce genre de musique, même si les gens qui les font ne sont pas toujours faciles à gérer. (rires)
On a ensuite organisé d’autres concerts, jusqu’au Fess’ NoiZ de septembre 2012, reprise noise du fest’noz. Ça s’est organisé entre nous, avec tout le groupe et ça a bien marché, dans une exigence assez intense qu’on a tenue. Ça s’est passé pendant trois jours sous chapiteau, avec Radical Satan, Mr Marcaille, Sous la terre, Llamame La Muerte, AV2, Condor, Toys are Noise… LSD, champi, alcool fort, bière… À la fin on a tout rangé et on est partis avec deux copines en Normandie chez des potes. On a fait à peine 3 km et on a reçu un coup de téléphone et là, on a vu le visage de la copine qui répondait au téléphone se glacer quand la personne lui a dit : « Il y a 15 jours, il y a eu un raté mais vous vous faites expulser dans 10 jours. Le 16 octobre c’est les expulsions de la zad. » C’était mon anniversaire. On a appris ça, et c’était crédible parce que ça venait de quelqu’un qui nous avait déjà donné des informations fiables, mais on est quand même restés trois jours et on est rentrés le lundi suivant pour se préparer. Le Fess’ NoiZ c’était comme le dernier moment d’innocence. Je repense à tous ces moments d’avant les expulsions dans ce que ça avait de précieux avant que ça prenne toute cette ampleur. Il y avait sans doute un côté plus léger, coupé du monde, une ambiance de gamin·e·s qui faisaient des trucs interdits.
Tu peux nous parler de la période des expulsions, il y a des histoires qui te reviennent ?
On nous a vendu les expulsions pour le mardi mais on ne comprenait pas pourquoi le mardi, alors que la semaine commence le lundi ! On voulait se tenir prêts dès le lundi. On avait décidé de ne pas défendre notre lieu, de ne pas rester bloqués et encerclés par les flic, on voulait éviter cette confrontation. Il faut comprendre que tout le monde revenait de l’action du Chefresne en juin [13] pendant laquelle ça avait vraiment bardé, les flics avaient blessé 100 personnes en 45 minutes. Tout le monde avait été traumatisé par ça et on ne voulait pas le revivre.
À ce moment-là vous aviez peu d’espoir sur les possibilités de résistance ?
Ah ben complètement. Après des semaines et des semaines de conditionnement aux expulsions, on s’était imaginé les pires trucs qui pouvaient nous arriver. Surtout, on en avait beaucoup parlé sur la zad et on s’est aperçu qu’on n’avait pas atteint une stratégie de défense commune à la date butoir. C’était difficile de s’organiser collectivement, de faire masse, vu la multitude de lieux. Du coup le choix est revenu à chaque lieu de se défendre ou non, de savoir qui avait besoin d’aide. On ne voulait pas tomber dans l’obligation d’y aller en force, on ne voulait pas qu’il y ait un sentiment de culpabilité qui s’installe si les gens ne se sentaient pas capables de s’affronter à la violence des flics ou de résister aux expulsions.
Nous, on nous avait dit que la Bellish’ serait le premier endroit qu’ils allaient expulser parce qu’apparemment ils nous prenaient pour les plus « radicaux » du coin. Donc on se disait que ça craignait pour nous.
Pourquoi les plus radicaux ?
Pour revenir un peu en arrière et expliquer le contexte, c’est vrai que comme on habitait à côté de la route, on les avait pas mal fait chier, parfois sans se cacher. Par exemple un jour où il y avait eu une action deux fourgons de gendarmes s’étaient garés devant chez nous et on les a arrosés de purin. On leur a lancé des poches de purin comme des bombes à eau. C’était vraiment dégueulasse, et eux ils devaient attendre les ordres sans bouger et ils en prenaient plein la tronche. On les chambrait, et en même temps on captait qu’on était vraiment en train de griller notre lieu…
Il y avait eu aussi cette soirée avec le groupe Bonne Humeur Provisoire où les flics étaient passés parce qu’il y avait trop de bruit. On était en train de danser et tout d’un coup la musique s’arrête, normalement c’est ton pote qui est derrière la table de mixage mais là tout à coup c’était un keuf. Là il y a eu un réflexe collectif à 40 de dire aux flics de partir sinon ça n’allait pas le faire. On leur a bien fait comprendre qu’on était chez nous. Et eux ils ont bien compris que ça n’allait pas le faire. Ils se sont cassés et la sono est repartie de plus belle derrière.
Donc là pour les expulsions, on a déménagé tout notre lieu le week-end parce qu’on était persuadés qu’ils allaient venir le lundi. Le dimanche soir on a fini le déménagement hyper tard et on a décidé de dormir sur place. On avait emmené tous nos véhicules et nos affaires chez un habitant à quelques kilomètres en dehors de la zad. On est revenus à trois de là-bas à 2h du mat, on était crevés, il faisait un temps de merde, on a coupé par la Gare sous la pluie. Et là on a marché quelques mètres et on a vu une salamandre ! On a passé un quart d’heure à l’observer à la frontale, on trouvait ça génial, on se disait que c’était un signe. Je crois qu’on avait envie de voir des signes partout à ce moment là. Puis bon on a décidé d’aller se coucher parce qu’on devait se lever tôt. Et là on a refait 3 mètres et bam ! Une salamandre. Et re-émerveillement, « oh ben dis donc deux salamandres dans la même soirée, c’est incroyable ! » Et puis en fait on s’est aperçu qu’il y en avait partout, c’était la nuit des salamandres, on avait un chemin de 500 mètres, il y en avait tous les mètres des salamandres, ça devait être une nuit de reproduction. À la fin on était complètement blasés. « Tiens, encore une salamandre, oh ben c’est original ! »
Le lundi matin, on s’est installés dans le chemin d’en face avec une table de pique-nique, avec le petit dej’ et tout. Et on les a attendus là. On se disait qu’ils allaient arriver de manière super violente, alors on voulait créer un décalage. Ça nous paraissait faire une bonne scène. Donc on a passé notre journée attablés à prendre des petits dej’ avec des gens qui passaient en vélo, mais finalement ils ne sont pas venus. On a eu une lueur d’espoir qu’ils ne viennent pas du tout et que c’était une rumeur de plus. On a quand même terminé d’embarquer les derniers trucs. On avait eu une journée de répit.
Le lundi soir, j’ai décidé de dormir une dernière fois dans ma cabane, je n’y tenais pas tant mais un peu quand même, je l’avais construite et j’y avais passé des bons moments. On s’était donné rendez-vous à 5h du matin le lendemain, dans une petite forêt derrière la Bellish’ et à la seconde près, à 6h du mat’ on a entendu les premiers talkies qui crépitaient, les premières voitures de keufs. Et ils étaient beaucoup. Voilà, c’étaient les expulsions.
On a assez vite appris qu’ils expulsaient la Gaité du coup on s’est rendu là-bas. On a vu que des gens étaient sur le toit. Autour il y avait un grand périmètre de sécurité. Tout le monde était assez calme. L’humeur n’était pas trop à la confrontation : il y avait de la colère, de la tristesse, tout qui se mêlait. On soutenait les potes qui étaient sur le toit. Le dernier est descendu du toit à 9h, et les habitant·e·s étaient rassemblés dans la cour de la Gaité mais les flics les relâchaient petit à petit. On s’est aperçu qu’ils n’étaient pas en mode d’arrêter les gens. Là ils ont embourbé une pelleteuse, ça nous a fait chaud au cœur. Tout le monde cherchait les phrases les plus assassines qu’on pouvait leur envoyer. Et on voyait qu’il y avait quelques flics qui étaient assez troublés. De toute façon, nous on avait que ça ce matin-là, on pouvait juste leur gueuler dessus.
Avec les expulsions, on a perdu notre lieu et nos bases. On a eu du mal à garder le collectif et on s’est repliés chacun sur soi à différents moments. Avec l’équipe de la Bellish’, on a réalisé nos derniers projets ensemble : organiser une cantine pour la manif de réoccupation, mettre au point deux CD de compilation de soutien à la zad, faire des cartes postales sur les expulsions. Cela a aussi servi de soutien financier. On s’est quand même pas mal retrouvés sur la défense du Sabot [14] et on a essayé de passer du temps ensemble à ces moments-là.
À part pour la manif de réoccupation, votre cantine n’a pas servi au ravitaillement pendant les expulsions ?
Non. On s’était effectivement dit que notre cantine serait forcément utilisée pendant les expulsions, mais en fait on s’est aperçu très vite que d’autres avaient pris le relais. Le bon exemple c’était le Sabot où une cantine de fortune s’est mise en place : le premier soir il y avait vraiment trois gamelles et quelques assiettes alors qu’on était une centaine de personnes. Puis quand on est revenus le lendemain, il y avait une montagne de bouffe, de matos, de vêtements. Je me rappelle du free-shop dans le mobile-home du Sabot. On avait essayé de le ranger vite fait le premier jour, t’avais cinq pantalons et deux vestes, et le lendemain c’était plein ! Il y avait des gens qui venaient filer des trucs le soir, quand les keufs n’étaient pas là. On a appris qu’il y avait une base de ravitaillement qui s’était mise en place à la Vache rit. Tout ça nous allait bien parce que sur le moment on avait envie d’être dans la défense directe des maisons plutôt que de rester faire la cantine.
On a passé plein de moments derrière les barricades du Sabot. Pour nous les flics se tiraient une balle dans le pied en saccageant ce lieu. Plein de gens qu’on ne connaissaient pas venaient nous aider. Ils n’avaient pas peur de nous, malgré nos looks de guérilleros. Il y avait une générosité de ouf, on sentait qu’il y avait une certaine force qui commençait à se mettre en place. Et puis les flics, on ne les sentait pas super à l’aise, ils entraient dans le Sabot mais ils n’allaient pas jusqu’au bout. Le premier jour on s’attendait à l’intensité du Chefresne et finalement il n’y a pas eu de flashball, pas de gros blessés, on était vivants, pas arrêtés. On a vite senti qu’ils auraient bien voulu ne pas trop faire de vagues. À 10h le premier matin des expulsions, le préfet a annoncé que tout était sous contrôle alors que non, il n’y avait rien qui était sous contrôle. Ils avaient détruit certaines maisons, mais les barricades devenaient de plus en plus grosses et il y avait clairement de la résistance.
La bataille du Sabot, j’ai le souvenir de trois jours de fight jusqu’à ce que ça se stabilise un peu. C’était comme un truc non stop de pluie, de lacrymo, de tirs de cailloux, de construction et reconstruction de barricades. Il y a eu ce moment marrant quand les flics sont venus virer une bagnole cramée qui avait été mise au milieu de la route et qui était empêtrée dans plein de merdier. Ils sont venus avec un câble. Ils étaient obligés d’y aller à huit en mode « tortue » pour aller attacher le câble, ils se sont pris une pluie de cailloux et au moment où ils ont reculé, le câble leur a pété à la gueule, tout le monde les a chambrés.
Il y a aussi eu cette nuit où les flics ont oublié trois de leurs potes dans ce qu’on a appelé le Champ de Bataille à coté du Sabot. C’était pas la fête pour eux, quand quelqu’un a signalé qu’ils étaient là, tout le monde a débarqué dans le champ, et les trois keufs ne pouvaient pas se replier. Bon ils ont fini par se barrer mais en attendant il y avait la ribambelle de camions derrière la haie qui ne pouvaient pas partir sans eux et donc ils sont restés sur place et là t’entendais des pling, plam, poc sur le toit des camions. On ne les voyait pas mais c’était assez jouissif. Ce soir-là, on a eu l’impression que c’était nous qui les faisions partir. Ça nous a remonté le moral.
Et après les expulsions ça s’est passé comment ?
Les expulsions ont donné de la force au mouvement mais ont aussi tout bouleversé. Le printemps d’après en 2013 a été une période tendue sur la zad avec pour le coup l’arrivée simultanée de beaucoup de nouvelles personnes avec des visions très différentes. À ce moment-là, il y avait notamment pas mal de débats autour du développement des projets agricoles issus d’une partie du mouvement d’occupation et des paysan·e·s en lutte sur la zad. On s’est rendu compte que beaucoup de gens avaient des visions totalement opposées au sujet de l’agriculture. Il y a eu tous les conflits autour de la mécanisation, des tracteurs, sur les manières de cultiver, la propriété, les zones motorisées ou non motorisées. Le tracteur représentait visiblement dans l’imaginaire de certains le symbole de l’agro-business. Il y avait aussi cette image que les agris étaient forcément des propriétaires terriens alors que ce n’est pas toujours le cas ici où il y a beaucoup de fermages.
Beaucoup de rapports de force se sont mis en place de manière assez brutale. Je n’étais pas forcément au cœur des conflits parce que je gardais ma ligne. Grâce à la rencontre avec Bernard, j’avais déjà fait un projet de culture chouette avec quelqu’un qui venait du conventionnel. Je savais que c’était possible. Et puis j’avais rencontré des paysan·e·s qui remettaient en question les moyens de produire. Sur la zad, il y a des univers très hétérogènes qui se côtoient et ce qui se joue c’est souvent dans un premier temps la confrontation entre des individus, leurs cultures et leurs a priori : des gens de la ville qui ont parfois des idées bien arrêtées sur l’écologie, des gens de la campagne qui ont peur des « marginaux », des cultivateur·e·s qui peuvent avoir des idées arrêtées aussi sur les manières de travailler…
On a commencé à se voir de plus en plus avec des personnes antispécistes, on se savait très minoritaires. Ce qui était dur pour nous c’est que depuis les expulsions il y avait de plus en plus de produits animaux dans les repas collectifs, parfois il n’y avait même plus rien pour les vegans. On se rendait compte qu’il n’ y avait plus autant d’attention à ce qu’il y ait une nourriture accessible à tous. Je me suis dis que merde, il y avait vraiment un truc en train de changer, quelque chose qui se perdait. On saturait et c’est aussi le moment où je me suis pas mal renfermé. On a quand même décidé avec des potes d’organiser une semaine de discussions sur l’antispécisme au mois de juillet. On tenait à ce qu’il y ait une rencontre avec les éleveur·e·s. À ce moment-là c’était comme si beaucoup de gens refusaient l’agriculture en bloc mais nous on voulait faire bouger des lignes : il fallait trouver des liens, des points de convergence, on avait sûrement des choses à faire ensemble. On est tous sur la zone, pris dans cette lutte, alors on ne va pas rester chacun de notre côté. Quelques éleveurs sont venus, mais il a fallu les convaincre que ça n’allait pas partir direct en échanges violents. Ils étaient méfiants parce que depuis huit mois tout se passait au rapport de force, jusqu’aux accrochages physiques parfois.
D’ailleurs ça m’évoque l’histoire avec les chiens de chasseurs à la cabane du Far West, qui a quand même fini par un blessé. Il se trouve que j’étais avec Noé, boulanger antispéciste, on nous a appelé pour intervenir. Les gens du Far West gardaient chez eux un chien de chasseur qui s’était un peu éloigné, ils l’avaient pris parce que selon eux, le chien avait l’air malheureux et maltraité. Ils ne voulaient absolument pas rendre le chien et les chasseurs, en colère, étaient en route pour aller le chercher donc il fallait intervenir. Les gens du Far disaient que le chien voulait rester avec eux dans la cabane. De toute façon la porte était fermée... Ils disaient qu’il n’avait pas l’air bien, mais bon, le chien c’était juste un basset hound qui a l’air triste tout le temps, il avait pas une tête de Flipper le dauphin ! Quand on est arrivés là-bas, on a appris qu’un des habitants du coin et une copine avaient essayé d’intervenir et que l’habitant en question venait de se prendre un coup de pelle parce qu’il avait voulu prendre le chien pour le rendre à son maître. Il était blessé. On est allés discuter avec les gens du Far qui disaient que les chiens sont libres et qu’il faut qu’ils le restent. On a essayé de leur parler de la conception de liberté chez un animal domestique qui de toute façon ne se débrouillera pas tout seul si tu le lâches dans la nature. On a fait redescendre la pression et bien que les chasseurs ne soient pas franchement nos amis, on est parvenus au compromis que si le propriétaire venait et que le chien le rejoignait on le laisserait partir. Évidemment le chien a couru retrouver son maître une fois la porte ouverte ! Enfin bref, une grosse leçon d’antispécisme ! Mais ça a eu des conséquences bien reloues pour la personne qui a été blessée.
Ça paraît anecdotique les chiens mais ça revient quand même souvent sur la zad, non ? Si tu parles à Marcel qui est paysan sur la zad, il dit qu’en général les relations avec les occupant·e·s se passent bien mais qu’un des gros problèmes c’est la façon dont certains gèrent leur chien.
Je crois que ce qui m’énerve le plus ici c’est ce discours du type « le chien doit être libre » quand il transpire la mauvaise foi et cache le fait qu’on n’est pas capable de s’occuper de son animal correctement… et en plus c’est interprété comme une pensée antispéciste, je trouve ça terrible. Je suis en permanence en questionnement là-dessus. Je déteste les gens qui ne gèrent pas leur chien. J’imagine bien que quand t’es éleveur et qu’il y a des chiens qui viennent attaquer ton troupeau, c’est vraiment chien, euh chiant. Mais aussi quand tu te fais grogner dessus par une meute en marchant dans le coin...
Tu disais que toute la période post-expulsions, c’est-à-dire l’année 2013, avait été très conflictuelle. Et deux ans après, comment tu vois l’évolution ?
L’année post-expulsions et l’année suivante, c’était comme le jour et la nuit. La première année, surtout les mois après les expulsions, toutes les discussions se faisaient dans la confrontation, c’était très intense dans les rapports humains. Je pense que pour beaucoup de gens qui étaient là, il n’y avait pas assez d’attaches, ils débarquaient, venaient avec leurs rêves et leurs problèmes. Certains commençaient à construire leur lieu, d’autres ne savaient pas où aller, c’était compliqué. Mais au travers de ces rapports intenses et bruts, il ressortait plein de questionnements personnels. On pouvait être assez choqués de voir untel s’exprimer tout le temps dans la colère, mais un an plus tard tu te rendais compte que si cette personne s’exprimait comme ça c’est parce que son histoire faisait qu’à ce moment-là elle ne pouvait pas s’exprimer autrement. L’année d’après, des gens qui ne se comprenaient pas ont commencé à pouvoir s’intéresser vraiment les uns aux autres et à faire plus attention à l’histoire de chacun. Les projets collectifs fonctionnaient mieux, se relançaient, on a senti un mouvement qui reprenait de la force. Avant tu avais l’impression que chacun voulait juste affirmer sa position. Après, les sujets dont on causait n’avaient pas vraiment changé mais même si les gens n’étaient pas d’accord, il y avait un facteur en plus : l’écoute. C’est devenu beaucoup plus serein.
On a presque fait tout le tour de tes « passions », il nous en manque une, c’est la boulangerie...
La boulangerie, quand Félicien l’a lancée en 2010 aux 100 Chênes, le lieu où il habitait, c’était un des premiers points de rencontre entre les occupant·e·s et des habitant·e·s plus anciens de la zone ou de l’extérieur. Pour moi c’était une vraie richesse. Des gens sont entrés dans un processus d’apprentissage avec Félicien dès cette époque. Après les expulsions on s’est aperçu que deux jours de boulange par semaine ne suffisaient plus pour nourrir tout le monde. Donc est venue s’ajouter la journée du vendredi qui a été lancée par les gens qui se formaient avant les expulsions. C’était possible de venir faire le pain avec la personne qui était référente le vendredi pour être en binôme et continuer à apprendre. Je m’y suis mis à ce moment-là. Après une journée à faire du pain, j’ai trouvé ça super satisfaisant mais je n’avais pas eu le temps de tout capter, c’était plus subtil que ce que je pensais. J’ai commencé à y réfléchir, je me suis dis qu’en France c’est hyper ancré de manger du pain, mais je ne m’étais jamais posé la question de tout le processus. Du coup j’ai recommencé et au bout de la cinquième fois je me suis senti de plus en plus à l’aise et ça m’a ouvert des réflexions sur le blé, la meunerie. Je me suis rendu compte que le pain c’est vraiment la fin de toute une chaîne de savoir-faire, la semence, la culture du blé, la récolte, le moulin, la transformation et puis effectivement la confection et la cuisson, alors que t’as l’impression que c’est la base.
Faire du pain c’est une cadence qui est particulière. Quand tu fais du pain tu ne fais que ça, il ne faut rien prévoir d’autre parce que c’est fatigant, mais c’est très satisfaisant, très valorisant. C’est Félicien qui nous a guidés dans ce processus avec une recherche de perfectionnement, et vraiment une envie de faire du bon pain.
Comment tu expliques que cet engagement productif et collectif, qui a quelque chose de contraignant, tienne aussi bien dans la durée ?
Un an après, au mois de février, Félicien a décidé de partir de la zad et donc d’arrêter la boulange. Là avec les 7 ou 8 personnes du groupe pain, on s’est demandé si on se sentait de continuer et comment. Est-ce qu’on se lance dans une acquisition collective du matériel nécessaire ? Est-ce qu’on peut tenir la régularité et continuer à faire du pain trois fois par semaine ? Cela nous semblait jouable et on voulait continuer. Au mois de mars on a décidé d’acheter un four, il y avait de l’argent d’avance parce que les caisses du vendredi avaient été mises de côté depuis deux ans, justement au cas où Félicien partirait. On avait la moitié du prix du four et on a demandé un peu d’argent à Sème Ta Zad [15]. C’est un achat collectif, personne n’a eu besoin d’avancer l’argent individuellement.
On s’est lancés et on a fait un bilan un mois après : on était super contents. Tu parlais de la contrainte, mais une fois par semaine c’est un engagement pas trop intense à tenir. Ça marche bien même si dans le groupe personne n’avait envie de faire plus. On s’inquiétait parce que les gens avaient l’habitude du pain de Félicien et là tout le monde était satisfait. Il fallait réussir à assurer le relationnel derrière, avec les gens de l’extérieur de la zad qui viennent acheter du pain. Il fallait qu’on garde ce contact, c’était un vrai enjeu pour nous.
Et puis ça nous permet de faire des choses ensemble, on a un bon groupe. On a monté le nouveau four ensemble. C’était un moment chouette. Il y a aussi le bois, il faut aller le chercher en forêt, le couper, on le fait ensemble. Ce sont des moments un peu durs physiquement mais vraiment cool à vivre. De la même manière, il y a une dimension d’échange de savoir, l’une d’entre nous a appris avec un ami boulanger, un autre a un CAP boulangerie. Mais il y a autant de manières de faire du pain qu’il y a de boulangers.
C’est génial parce qu’on n’arrête pas d’apprendre. Un geste qu’on t’a montré d’une certaine manière mais que tu n’arrives pas à prendre, une autre personne va te montrer une autre façon de le faire et ça devient plus facile. De plus en plus de personnes sont intéressées pour apprendre, et on a le temps de former tous ceux et celles qui le veulent parce que maintenant on fait du pain trois jours par semaine. Et puis on a des retours : on voit que les gens font attention à ce qu’ils mangent et prennent le temps de nous en causer. Je ne vois que du positif dans cette expérience. C’est un outil qu’on a fait perdurer et on va continuer. Si on n’avait pas de pain sur la zad, il faudrait s’organiser autrement, c’est vraiment un outil de la lutte. C’est comme les légumes ou tout ce qui peut être produit sur la zad.
Quel est le rapport à l’argent ?
Le pain est mis en libre service aux Fosses Noires, les gens se débrouillent avec la caisse, c’est du prix libre. Chacun donne selon ses moyens. Souvent la question revient sur ce qu’on doit donner au minimum. Nous en coût de revient, ça fait 1,05 euro par kilo. Ça permet d’avoir du pain de qualité à un prix raisonnable. On savait dès le départ que le prix libre roulait pour le pain du temps de Félicien, donc on était pas inquiets là-dessus et effectivement on n’a jamais manqué d’argent. On ne compte pas à chaque fois, on évalue rapidement si ça le fait ou pas avec ce qu’il y a dans la caisse mais on a toujours de quoi payer la farine. Je trouve ça vraiment génial que des gens qui n’ont quasi pas d’argent puissent avoir du pain sur la zad, c’est la base. Il y aussi des gens extérieur à la zad qui viennent et qui mettent des sous. On s’est amusés parfois à faire le compte des heures, quand tu vois le résultat tu te dis que ce n’est pas pour la thune qu’on le fait ! Et puis nous on ne se paie pas avec ça. C’est le mot « valorisant » qui me revient parce qu’on se rémunère en savoir-faire. Même si aujourd’hui la zad se met à produire sa propre farine, j’ai aussi envie de continuer à soutenir le paysan à qui on en achète actuellement, c’est un tout petit producteur et un petit meunier. Comme pour la cantine, j’aime bien acheter à des petits producteurs, des petits maraîchers.
Mais il semble qu’une fois vous vous êtes mis en grève, comment vous en êtes arrivés à cette décision ?
On se doutait bien que ça arrivait que des gens piquent dans la caisse, on avait déjà vu des billets dans la caisse qu’on n’avait jamais récupérés à la fin. On s’était dit que bon, celui qui l’avait pris il en avait sûrement besoin… Mais là on apprend que quelqu’un est venu pendant la nuit dans le fournil et a pris dans une armoire la caisse de la boulange où il y avait une centaine d’euros. C’était venir voler un projet collectif et chez des copains.
La thune certes on n’en manquait pas habituellement mais là ça posait un sérieux problème quand même. On s’est dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose mais je n’avais pas envie à ce moment-là que ce soit juste le coup de gueule hebdomadaire du ZadNews [16]. En plus si c’était la seule histoire de vol sur la zad on n’aurait pas eu envie de faire cette grève, mais là pas mal d’autres histoires nous revenaient. On s’est dit qu’il fallait qu’on se questionne pour ne plus que ça arrive, pour voir comment on pouvait s’organiser collectivement. On se disait aussi que les gens qui faisaient ça, s’ils étaient dos au mur, il faudrait faire en sorte qu’ils puissent en parler, qu’il y avait peut-être besoin d’un espace pour ça.
On a donc décidé la grève du pain, un peu sur le ton de la blague, en se disant que ça allait toucher tout le monde, et peut-être créer un espace de réflexion. L’idée n’était pas de se plaindre mais de se servir de ce moment pour créer quelque chose ensemble. Au même moment on a croisé des gens qui s’occupaient d’outils collectifs et quand on leur en a parlé ils ont décidé spontanément d’arrêter d’émettre pour la radio, de pas faire tel ou tel truc. On s’est arrêté une semaine, il n’y avait plus d’internet, plus de douche à la Wardine, plus de radio… L’idée c’était qu’on se questionne d’avantage sur ces outils parce qu’ils sont là, tout le monde en profite, mais on n’était pas assez à se dire qu’il fallait les prendre en charge. S’il n’y avait personne derrière comment ça fonctionnerait ? Rien n’est acquis.
On a fait un texte explicatif dans le ZadNews, on a rappelé que, par exemple, les thunes qui vont dans la caisse de la zad on en donne une partie à l’anti-répression. Du coup si tu voles la caisse tu te voles toi-même si jamais un jour t’en as besoin. Après c’est plus facile de dire que tu t’es volé toi-même parce qu’il s’agit d’une caisse collective, mais si une personne vole un appareil photo à un individu, c’est moins facile de dire « tu t’es volé toi-même »... À ce moment-là, dans le contexte de la zad, tu voles quelque part la possibilité de communauté ou la possibilité d’un rapport de confiance. En tout cas, c’est sûr que la grève a soulevé plein de débats sur ces questions-là et c’était le but.
Je voulais te demander pour finir comment tu vois l’avenir ici, est-ce que tu t’y projettes ?
Je me suis longtemps dit qu’à partir du moment où la lutte serait gagnée je verrais moins de sens à rester et que je partirais sur une autre lutte. Je ne voulais pas me sédentariser dans une vie plus classique. Et puis après il y a tous les liens qui se sont mis en place ici, et c’est ça qui peut me donner envie de rester maintenant. Pendant un moment, je focalisais trop sur les aspects négatifs, en termes de projets, de rapports humains. Aujourd’hui je me dis que j’aurai sûrement besoin de partir à un moment ou à un autre, mais je veux me donner du temps pour y penser. Je me dis aussi que si je partais d’ici, ce ne serait pas pour aller très loin. Ce serait peut-être pour faire un projet de pain dans la région et rester connecté à ce qui se passe ici. En fait ce n’est pas facile de partir de la zad. Parfois j’arrive à saturation, mais c’est vrai qu’après plusieurs semaines à ne pas être là, je me dis que c’est quand même bien quoi…
Dans la perspective où l’aéroport ne se ferait pas, avant je me disais qu’on allait nous demander des comptes si on restait, parce que les gens du coin diraient qu’on n’est pas légitimes pour rester. Sauf que maintenant il y a plein de gens qui ont construit sur cet espace, et qui réfléchissent à des pistes pour l’avenir de la zad avec d’autres qui étaient là avant le mouvement d’occupation. En tout cas on ne peut pas laisser ce qui se passe ici se faire briser. Je ne veux pas qu’on entende encore que la l’aboutissement d’une lutte d’ampleur c’est la scission entre ceux qui luttent ou l’État qui gagne nécessairement à la fin. Pour moi cette lutte doit déclencher des choses ailleurs, elle doit créer un précédent.
Ce qui est important c’est que l’avenir de cette zone se décide à plusieurs. Dans tout ça, il peut y avoir des pentes glissantes, par exemple la seule légitimité agricole ne me convient pas. Il faut arrêter avec cette idée de produire à tout prix partout, mais aussi avec la croyance que ces terres soient forcément faites pour l’élevage, c’est faux. Et ce qui se passe ici depuis plusieurs années l’a prouvé. Ça prend du temps et ce n’est pas facile de se comprendre, on n’est pas toujours dans des phases d’écoute. Une lutte c’est long, parfois épuisant et pas que physiquement. Pour ne pas tout envoyer balader il faut prendre sur soi. Mais il y a beaucoup de positif qui ressort des débats et confrontations qu’on a eus. Beaucoup de gens ont évolué sur leur point de vue.
Et puis pour le moment on se contente surtout de défendre cette zone, mais j’ai hâte qu’elle soit vecteur d’offensive, je voudrais que ça déborde encore plus de la zad et qu’on s’en prenne à ceux qui nous font vraiment chier et pourrissent le monde, comme la FNSEA et les industries qui font la promotion d’une agriculture qui détruit la planète. Les flics sont un symbole facile et ils sont payés pour défendre violemment certains intérêts, mais il ne faut pas oublier qu’il y a de vrais ennemis derrière.
[1] Les Planchettes, un des premiers lieux occupés sur la zad après les Rosiers et la Gaité, a également progressivement regroupé des infrastructures collectives_ : cabane de réunion dite cabane de la résistance, supermarché gratuit de produits récupérés dans les poubelles des grandes surfaces, internet et téléphone, etc. Se reporter à la carte à la fin de la brochure pour une vue générale des lieux cités.
[2] Société anonyme, contrôlée par la profession agricole (donc plus ou moins directement par la FNSEA), chargée de la répartition des terres cultivables.
[3] La foret de Lappersfort en Belgique a été occupée pendant plusieurs années pour lutter contre un projet de construction commandé par une filiale de GDF Suez. Entre autres actions les occupant·e·s avaient construit des cabanes et plates-formes dans les arbres. Ils ont été violemment expulsés en 2010.
[4] Gendarme spécialisée dans la reconnaissance des individus, généralement accompagnée d’un photographe.
[5] Espace de gratuité proposant notamment des vêtements.
[6] Loppsi ou loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (2011). Parmi ses multiples attributions, elle facilitait notamment la saisie du matériel lors des free parties et favorisait l’expulsion d’habitats légers installés de manière « illégale ». Elle a déclenché à cet égard une vive opposition.
[7] Disques en verlan.
[8] Le veganisme exclut toute consommation de produits issus des animaux (alimentation, vêtements, etc.), de leur exploitation (travail, loisirs, etc.), ou testés sur eux (cosmétiques, médicaments, etc.).
[9] Marché d’intérêt national ou marché de gros.
[10] Les Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural sont des groupements agricoles et ruraux organisés en réseau. Ils cherchent à favoriser le maintien de l’activité agricole et rurale dans les campagnes tout en tenant compte d’enjeux sociaux plus larges.
[11] Mélange de variétés anciennes de maïs sélectionnées pour résister aux conditions locales. Ces maïs “population” s’opposent sur le principe aux semences disponibles aujourd’hui dans le catalogue officiel européen, qui regroupe des variétés commercialisables de maïs exclusivement hybrides, c’est-à-dire des variétés non ressemables.
[12] L’antispécisme affirme que l’espèce à laquelle appartient un être sensible n’est pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on doit le traiter et des droits qu’on doit lui accorder. L’antispécisme s’oppose au spécisme qui place l’espèce humaine avant toutes les autres. Il inspire des mouvements de lutte contre la maltraitance, l’exploitation et la consommation des animaux par l’homme.
[13] 22 au 24 juin 2012, week-end de résistance au projet de ligne THT « Cotentin-Maine », ligne justifiée par EDF par le nouveau réacteur EPR en construction.
[14] Ferme maraîchère occupée sur la zad suite à une manifestation en mai 2011.
[15] Assemblée qui regroupe les projets à dimension agricole sur la zad.
[16] Journal hebdomadaire de liaison de la zad, distribué dans tous les lieux de vie.
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