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Fac de Nanterre :
Détruire un mur, construire une lutte !
mis en ligne le 12 juin 2018 - anonymes
au sommaire :
1/ Du campus libertaire au ghetto sécuritaire
2/ Petite chronologie de la pacification de Nanterre dans les années 2000
3/ Archives de la lutte contre le mur (2002-2004)
Intro :
En pleines commémorations de Mai 68, et alors qu’on envoie, en même temps que les blindés sur la ZAD, les CRS pour tenir des conseils d’administration sous protection, qu’on interdit les coordinations étudiantes de lutte après s’être si longtemps revendiqué de l’héritage de 68 au point de faire venir Cohn Bendit dans son conseil d’administration au titre de personnalité extérieure, quand enfin, d’autres, appellent à continuer l’oeuvre des Enragés de Nanterre et du 22 mars en bordélisant le fossoyage historique de cette brèche provoquée par les plus grandes grèves ouvrières du XXe siècle, et provoquant une peur panique pour la classe au pouvoir, cette introduction se voudrait une maigre participation à rappeler ce à quoi justement Nanterre nous appelle.
Pas de besoin d’épiloguer en tout cas : la longue lutte contre le MUR à la fac de Nanterre au début des années 2000, contre la sécurisation et la marchandisation universitaires, et contre ce mur érigé en lousdé entre deux bâtiments jusque-là ouvert de la barre des lettres, hérite de ce Nanterre révolutionnaire. Celui dont il est en partie question dans cette introduction qui rappelle quelques fondamentaux un peu oubliés de ces années 1968, et quelques parallèles bien frappants avec les luttes en cours.
En tout cas, les militants anti-MUR héritent bien plus de ces années de braise que les cadavres politiques exhumés à chaque anniversaire ou les colloques entre « anciens » et « perchés » du monde académique. Reconnaissons que Ceux du MUR ont pourtant bien trouvé quelques héritiers dans la cohorte de joyeux lurons qui préfèrent encore aujourd’hui se balader dans les grands couloirs de la barre des sciences sociales et y faire danser le Président de la fac au son des tambours malgré les golgoth’ de la sécurité qui lui servent désormais de cour. [...]
Mai 68 est mort ! 2004 est mort ! Vive la révolte estudiantine de 2018 !
Petite chronologie de la pacification de Nanterre dans les années 2000
2000
27 septembre : CLS (Contrat Local de Sécurité) signé conjointement par la mairie (PCF) de Nanterre, la préfecture, et le président de l’Université de Nanterre, Monsieur Legrand. Désormais, la police peut intervenir et patrouiller sur le campus. La franchise universitaire, datant du XIXe siècle, empêchait jusqu’à présent ces agissements.
2001
Février-mars : Murs de cloisonnement entre les bâtiments C et B, et B et A. Grande cafétéria du bâtiment B détruite et remplacée par le QG des vigiles et un prestigieux Hall d’honneur. La cafétéria conviviale n’étant plus, des distributeurs de nourriture sous plastique et de cafés lyophilisés envahissent alors peu à peu tout les halls des bâtiments.
2002
• Fermeture de la librairie-papeterie interne du bâtiment D.
• Implantation progressive de huit caméras intérieures, de quatre caméras extérieures qui balaient le campus et d’un centre de contrôle du bâtiment B.
• Accélération des travaux de réaménagement architectural des bâtiments et du campus. Construction d’une coursive extérieure et attenante aux bâtiments E à A justifiant le cloisonnement des halls de ces mêmes bâtiments.
27 novembre : Occupation d’une salle (e.103) du bâtiment E par des étudiants appelant à la grève contre les réformes LMD (Licence, Master, Doctorat). Cette action a provoquée l’intervention immédiate des vigiles de l’Université puis d’une cinquantaine de policiers qui ont évacués les occupants pour les emmener au commissariat pour une durée de quarante huit heures. Un étudiant sera poursuivi devant le conseil de discipline de l’Université.
2003
Augmentation incessante des effectifs de vigiles armés (matraque, gazeuse...) et vêtus de manière ostensiblement similaire à la Police Nationale.
6 janvier : Jean Dambron en grève de la faim pour lutter contre son expulsion et pour maintenir le dernier service de proximité à la fac, à savoir le petit atelier de reprographie qu’il tient dans le bâtiment E depuis 1983. La Présidence aura raison de lui peu de temps après, et Jean sera remplacé par des dizaines de photocopieuses de la COREP (désormais en monopole !), souvent inutilisables.
20 mai : La section disciplinaire de la fac condamne, mardi 20 mai,
à une peine avec sursis de un an d’exclusion, un des étudiants de Nanterre qui avait participé le 27 novembre 2002 à l’occupation de la salle e.103.
Octobre : Une équipe de peintres surveille désormais les murs des couloirs et cages d’escaliers des bâtiments D et DD : à la moindre affiche collée, ils décollent, au moindre graffiti, ils repeignent...
20 octobre : Des syndicalistes, luttant pour l’inscription des « sans-fac », investissent dans la nuit un toit de l’Université pour faire pression sur la Présidence. La police intervient immédiatement, et la BAC les menace de leurs flash-balls, matraques et chiens. L’un d’entre eux est arrêté.
21 octobre : Le président de l’Université, M. Audéoud déclare au journal Première Heure vouloir « réaménager l’Université de Nanterre pour en faire un campus à l’Américaine ».
21 octobre : Des syndicalistes et des étudiants manifestent leur soutien aux syndicalistes arrêtés dans la nuit et leur incompréhension à l’intervention musclée de la Police. à cela, les vigiles répondent en cognant sur des étudiants. C’est ainsi que deux ont vu leurs lunettes défoncées, quatre ont eu des coquards, deux ont saigné du nez, le reste a été touché par du gaz lacrymogène. Des étudiants qui ne résistaient pas ont reçu des coups. L’un d’eux a été traîné par terre et tabassé par quatre vigiles.
Novembre : Des étudiants sans histoire sont attendus à la sortie de leurs cours par monsieur Rat (Responsable Sécurité) et des vigiles. Ces derniers leur demandent implicitement de ne pas fréquenter de trop près les syndicalistes de la CNT. Un étudiant se verra même souhaité son anniversaire par M. Rat, qui s’inquiétera également du récent déménagement des parents de cet étudiant. Petit coup de pression...
16 décembre : Les portes du mur de cloisonnement entre les bâtiments D et E fermées depuis une semaine sont attaquées. Des étudiants mécontents font sauter les serrures à coups de pied. Des étudiants reçoivent des mails de pression et d’insulte de la part de Jean-Luc Guinot (Ingénieur hygiène et sécurité), responsable de l’Unité de Sécurité Générale (les vigiles).
17 décembre : Récupération physique du local des JCR par leurs militants. Ce local avait été fermé par la présidence sans préavis ni raison.
2004
Janvier-février : Chaque bâtiment voit son accès surveillés par des appariteurs et vigiles abrités dans les guérites-aquarium fraîchement construites. Un mur de cloisonnement (sans porte) est érigé entre les bâtiments D et E contre l’avis de la très grande majorité des étudiants, des enseignants, et des membres du personnel.
16 mars : Des étudiants détruisent à coups bélier le mur de cloisonnement séparant les bâtiments D et E, sous les applaudissements nourries des personnes présentes. Cette initiative sera largement soutenue les semaines suivantes. La Police intervient trop tardivement pour procéder à des arrestations. La Présidence porte plainte. Les vigiles insultent et menacent un certain nombre d’étudiant.
Week-end du 20-21 mars : Le mur est reconstruit à la va-vite, sans autorisation, mais de manière plus solide (grillage de métal à l’intérieur).
29 avril : Action antisécuritaire menée par quelques étudiants contre les caméras de vidéosurveillance et l’idéologie sécuritaire en général. Des tags sont fait sur le mur du bâtiment E (« Pacification = Massification des peurs »). Deux étudiants assistent, sans y prendre part, à l’action. L’un deux est emmené par les vigiles qui appellent la Police. Il sera menotté et emmené par la Police pour quatre heures.
mai : Les étudiants qui désirent manger au resto-u sont maintenant dans l’obligation de montrer leur carte. Cette mesure permet d’éloigner du resto-u les non-étudiants qui s’y restauraient pour diverses raisons.
24 mai : Les deux étudiants, ayant assistés à l’action du 29 avril sont convoqués à la Commission d’Instruction de la Section Disciplinaire de l’Université de Nanterre. La Présidence les accusent, de manière totalement arbitraire de « Dégradation en réunion du domaine immobilier » (graffitis sur la façade du bâtiment E lors de l’action anti-sécuritaire du 29 avril) et « participation à la destruction en réunion de la cloison pare-feu entre les bâtiments D et E » (action contre le mur du 16 mars 2004).
14 juin : Le conseil de discipline des deux étudiants est non seulement reporté au mois d’octobre 2004, mais le dossier est annulé, et repris à zéro. La Commission Disciplinaire, par cette manœuvre, tente de trouver plus de preuves et de faire oublier tous les vices de procédures qu’elles a commis lors de la Commission d’Instruction du 24 mai.
Juillet-octobre : Les frais d’inscriptions en maîtrise augmentent de 35% passant de 141 à 190 euros.
4 octobre : Le conseil de discipline rend son verdict. Des enseignants et des étudiants témoignent de la violence des vigiles et du virage sécuritaire et répressif pris par la Présidence ; pendant que les soutiens, à l’extérieur, sont allégrement filmés par les vigiles. Les deux étudiants prennent seulement un blâme, car il n’y a aucune preuve contre eux. Bernard Laks, président de la section disciplinaire, Jean-Luc Guinot et ses vigiles enragent...
4 octobre : Une quarantaine d’étudiants décident de manger gratuitement au resto-u pour dénoncer leur précarité, pour contester contre l’obligation de montrer sa carte d’étudiant pour manger, et pour éviter que la nourriture de fin service soit jetée et javellisée comme les autres jours. Les vigiles arrivent visiblement énervés, épaulés par une dizaine de baceux. Se rendant compte de leur absurdité, ils laissent les étudiants retourner à leurs occupations.
25 octobre : La Présidence menacent de porter plainte au pénal contre les étudiants qui organisent tous les mardi un grand banquet (repas collectif) dans le hall du bâtiment D pour « trouble à l’ordre public »...
28 octobre : Tentative de repas gratuit au resto-u menée par des syndicalistes pour manifester leur soutien aux étudiants expulsés sans raison de la cité-u. Intervention des vigiles et d’un quinzaine de fonctionnaires de Police.
Octobre-novembre : Le nouveau journal de l’Université sort sous le nom d’Actu’paris X. Le journal de l’Université ressemble, année par année, de plus en plus à un journal d’entreprise. Son contenu relève de la propagande.
Novembre : Les réformes LMD commencent à être appliquées scrupuleusement. Elles affirment l’ouverture de l’Université aux entreprise privées et préparent la marchandisation complète des savoirs.
2 novembre : Nouvelle action contre le mur de cloisonnement des bâtiments D et E. Des étudiants masqués tentent de le casser à coups de béliers et de masses. Les vigiles interviennent violemment. Des coups fusent. Plusieurs vigiles sont très légèrement blessés et plusieurs étudiants assistant à la scène vont faire constater leur blessures (coups de lampe-torche et de matraque sur le crâne et sur le visage) à l’infirmerie pour pouvoir porter plainte contre les vigiles. Une enseignante tentant de calmer les vigiles se retrouvent traiter de « salope ». Plusieurs heures après l’action, une étudiante connue pour ses positions antisécuritaire se fait menacer de viol par des vigiles.
9 novembre : S., étudiant de Nanterre, passe au tribunal de Nanterre en comparution immédiate qu’il refuse. La Présidence, par l’intermédiaire des vigiles, a portée plainte contre S., connu pour ses positions politiques. Il aurait, selon les vigiles, participé de manière fort active à l’action du 2 novembre, alors que des étudiants et des enseignants l’ont vu ne pas y prendre part. Le juge a décidé de le laisser en détention préventive. Il est incarcéré à la maison d’arrêt de Nanterre.
14 novembre : Dans la nuit, six étudiants vont coller des affiches exigeant la libération de l’étudiant incarcéré à la Maison d’arrêt de Nanterre. Des flics les interceptent et les mettent en garde-à-vue pendant 17 heures après une fouille au corps poussée. Libération sans suite.
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