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OGM : fin de partie
mis en ligne le 27 octobre 2004 - Quelques ennemis du meilleur des mondes
Des OGM pour tous
La loi votée par le Parlement européen en juillet 2003
et entrée en application le 7 novembre de la même
année est le produit de cette agitation citoyenniste. Elle
impose l’étiquetage obligatoire, et présente au consommateur
l’illusion d’un choix entre deux filières - avec
ou sans OGM. « Illusion », car jusqu’ici, personne, ni
ministre, ni scientifique, ni firme, n’a réussi à énoncer
les conditions dans lesquelles les OGM végétaux ne
contamineraient pas les plantes d’une même famille sur
un même territoire.
Cette loi, donc, condition sine qua non de la levée du
moratoire sur les OGM en Europe et de ce fait préalable
nécessaire à la dissémination des OGM partout
dans l’Union européenne, a été rédigée par le groupe
européen des Verts et applaudie par la plupart des écologistes.
« C’est un bon résultat », a résumé le Vert belge,
Paul Lannoye, « cette législation est la plus ambitieuse du
monde [1] ». De son côté, Danielle Auroi, autre lumière
Verte, a déclaré que, « pour conserver des filières sans
OGM », il fallait que « la responsabilité des industriels OGM
[soit] clairement établie, le pollueur devant être le payeur ».
Laissons tout contaminer, à condition que les fautifs
soient tenus pour responsables financièrement. C’est la
légitimation bien moderne du droit de polluer.
On voit à quel point les écologistes sont donc bel
et bien, eux aussi, des agents de la dissémination des
OGM. Il n’y a rien là que de très logique. Les
catastrophes industrielles sont nécessaires à leur
existence et au maintien de la petite place que leur
concède l’État dans la gestion des avancées techno-marchandes.
Tout le monde trouve ainsi son intérêt
dans l’histoire : la présence des OGM garantit la persistance
des « peurs écologiques » des électeurs et, par là,
quelques élus pour les Verts, tandis qu’un nombre
considérable de fonctionnaires européens et de leurs
acolytes ONGistes peuvent gérer la traçabilité des
marchandises - et assurer la dilution des responsabilités
après chaque avancée du désastre.
Aussi, pour que les associations de consommateurs
aient quelque raison d’exister, il faut que « le mangeur
juge » comme l’avait titré pour l’occasion Libération [2].
Selon Hiltrud Breyer - encore une députée européenne
Verte pleine de bon sens -, la nouvelle loi serait
justement une « victoire stratégique du lobby des citoyens-mangeurs
» puisque « le moratoire politique sera remplacé
par une sorte de moratoire économique, dans la pratique, ce
sont les consommateurs globalement opposés aux OGM qui
vont pouvoir choisir en fonction des étiquettes [3] ».
Mais derrière ces niaiseries écologistes perce une
coïncidence troublante. C’est au moment précis où
l’indignation citoyenne contre les OGM se trouve validée
par son inscription dans la loi que la partie est perdue.
Le président de Monsanto ne s’en cache pas :
« ...L’Union européenne a désormais défini un processus réglementaire
d’homologation des OGM et émis des recommandations
sur leur étiquetage et leur traçabilité... c’est plus d’avancée
que je n’en ai vu ces cinq dernières années. [4] »
Voilà donc une loi concoctée par les Verts, louée par
le président de Monsanto, qui propose aux citoyens-mangeurs
le choix d’une double filière : ils voteront
avec leur portefeuille pour ou contre les OGM. Sauf
que les OGM seront partout, y compris là où on leur dit
qu’il n’y en a pas. Qu’on juge de l’exemple brésilien.
Jusqu’ici principal producteur de soja non-OGM,
le Brésil avait toujours interdit la culture et l’importation
du soja transgénique. Mis devant le fait accompli,
le gouvernement a été forcé d’en légaliser la culture :
10 à 30 % de sa production interne était déjà transgénique
suite à la plantation clandestine de graines transgéniques
importées de pays limitrophes. Sans parler
de la contamination « naturelle » que cette situation
implique forcément. La décision « forcée » d’autoriser
le soja OGM a été imposée par une social-démocratie
présidée par Lula, altermondialiste, ancien trotskiste et
ami de Bové. Elle avait été précédée d’une commande
du ministre de l’Environnement à la compagnie
Monsanto d’« une étude sur l’impact des OGM dans le
contexte agronomique brésilien... » ! Cet exemple montre
bien le petit jeu imbriqué que jouent les marchands de
chimères transgéniques et les altermondialistes. Il
prouve aussi que la double filière et l’étiquetage (imposé
également au Brésil, d’après le modèle européen)
sont des pièges à cons - puisque aucune filière sans
OGM ne peut exister sans falsification. Ils sont bien
plutôt la manoeuvre légale pour imposer la généralisation
des OGM.
Les efforts altermondialistes pour prétendre « encadrer
le développement » des OGM normalisent de fait leur
prolifération. Les OGM sont partout, cultivés par
6 millions d’agriculteurs sur plus de 68 millions
d’hectares dans le monde ! Y compris en Europe, terre
de résistance, se gargarise-t-on, où chaque année et
pendant le fameux moratoire, sous le contrôle bienveillant
de l’Union européenne, des millions de tonnes
de soja transgénique ont été importées des États-Unis et
d’Argentine pour nourrir le bétail ; et où, notamment
en Espagne, sont cultivés tranquillement 32 000 hectares
de maïs génétiquement modifié.
Pour compléter ce joyeux tableau de la dissémination
des OGM dans le monde, il faut savoir que les
États-Unis refusent désormais l’aide alimentaire à tout
pays qui n’accepterait pas le principe que cette aide
soit composée d’aliments transgéniques.
On voit bien que la transgénèse sera imposée au
monde au même titre que le « terrorisme » et sa mise en
scène [5], « la libre entreprise » ou encore « la tolérance religieuse
et les élections » - kit « export » de ce qu’il convient
d’appeler aujourd’hui la démocratie.
Il faut être Hervé Kempf, spécialiste de ces questions
au journal Le Monde, pour imaginer que, dans ces
conditions, la lutte contre les OGM est gagnée [6] ! Elle
ne pourra être gagnée, ni en Europe ni ailleurs.
Les chercheurs la ramènent
Dans un très instructif recueil qui a circulé en 2002 (Textes
et documents choisis pour instruire le public et ceux qui font
métier de l’informer sur la deuxième campagne contre le génie
génétique [7], août 1999-avril 2002), on peut mesurer - déjà - les chocs qu’ont produits, dans tout le milieu de la
recherche, le saccage revendiqué de plants de riz transgéniques
dans une serre d’État du Cirad (Centre international
de recherche en agronomie pour le développement)
à Montpellier en juin 1999 et celui, clandestin,
d’une serre de l’Inra (Institut national pour la recherche
agronomique), à Toulouse en juin 2000 [8].
L’histoire du Cirad en particulier avait connu un
certain retentissement, puisqu’elle avait débouché sur
les procès de José Bové et de René Riesel, à l’issue
desquels quelques centaines de chercheurs avaient
« signé » une lettre ouverte au président de la
République pour demander la grâce du porte-parole
du syndicalisme agricole écologiste, condamné à plusieurs
mois de prison [9]. Intitulée Ouvrons la recherche !,
cette lettre salue en Bové le « lanceur d’alerte » qui
dénonce des « dangers - comme la contamination -
jusque-là insoupçonnés [10] » (sic).
Mais, face à la recrudescence inattendue des destructions
de champs d’expérimentation transgénique de
l’été 2003 [11] (plus de 25 en France, la plupart clandestines
et pour certaines non revendiquées, loin de l’encadrement
syndical et de ses simulacres), des généticiens
et autres chercheurs, apparemment d’une toute autre
opinion, rendirent public un manifeste intitulé
Défendons la recherche ! [12] En à peine une quinzaine de
jours, quelques milliers de chercheurs furent enrégimentés
par un lobby des grandes firmes du secteur -
l’association France Biotech - et amenés à « signer par
Internet » cette pétition virtuelle, qui sommait surtout le
gouvernement de prendre des mesures sévères contre
les destructeurs d’essais en plein champ.
L’une des destructions du mois d’août 2003 [13] avait,
en particulier, déclenché cette indignation. La destruction
du champ d’OGM « thérapeutiques » destinés à
produire de la lipase gastrique (médicament employé
dans un traitement palliatif des malades atteints de la
mucoviscidose) touchait en effet un point central de la
propagande du complexe génético-industriel [14], qui est
d’imposer partout son point de vue réductionniste au
détriment de toute autre approche [15].
Il s’agissait pour la firme de chercher par
l’expérimentation en plein champ à abaisser les coûts de
fabrication de ce médicament déjà existant et réalisé
jusque-là en milieu confiné. La diminution des coûts
justifiait la production de l’enzyme recherché d’une
manière totalement aléatoire et dangereuse.
[16]
Or on retrouve derrière Défendons la Recherche !
quelques pontes des institutions scientifiques, comme
le paléontologue Yves Coppens - conseiller scientifique
pour la série télé L’Odyssée de l’espèce, fable sociobiologique - ou le physicien Pierre-Gilles de Gennes,
inventeur de la physique « de proximité ». Bien sûr, ce
petit lobby hâtivement monté obtint sans difficulté un
rendez-vous avec le Gouvernement, qui s’est alors
déclaré prêt à défendre « leur liberté » de chercheurs :
« L’intervention des forces de l’ordre n’est pas exclue, au moins
temporairement, en mettant en place par exemple des
patrouilles de surveillance autour des champs sensibles. » [17].
Il est intéressant de noter que, malgré leurs divergences
apparentes, Ouvrons la Recherche ! et Défendons la
Recherche ! partagent en fait un souci commun : réaffirmer
le cadre nécessaire à « tout débat serein » sur les
OGM. Les uns dénoncent « ces saccages répétés - sans
précédent dans le monde »(sic) - qui « portent préjudice aux
activités de recherche et de développement en biologie végétale
» et donc à « la compétitivité scientifique et économique »
de la nation. Les autres remercient nos citoyens écologistes
d’avoir signalé par leurs actions les problèmes de
« dissémination d’OGM dans les milieux qu’elles vont
immanquablement contaminer », et surtout d’avoir épargné
l’essentiel - leur existence et leurs légitimité - en
réaffirmant avec soulagement que « ce n’est pas la
recherche fondamentale qui est en cause. » Ouf !
Les moeurs se dégradent, le sens des mots y participe
Les deux pétitions emploient le même vocabulaire
emprunté à la rhétorique progressiste, les mêmes litanies
qui de nos jours constituent le discours de tout
pouvoir, dont l’objet est d’exprimer le désir morbide
que tout continue : « développement durable », « principe de
précaution », « développement d’un progrès maîtrisé et partagé
», etc.
Sur le terrain du langage, un affrontement doit
donc aussi avoir lieu.
De nos jours, la fabrication du consensus est un élément
vital pour l’existence et la perpétuation du pouvoir
: l’usage des mots ne trompe pas, que ce soit pour
faire accepter les OGM, mettre au travail ou contrôler
des chômeurs, ou encore pour déclencher une guerre.
Ainsi, l’apparition d’un néo-langage citoyenniste chez
les chercheurs témoigne de leur volonté de dissiper
toute velléité de formulation autonome d’une critique
des OGM, et bien sûr de l’impasse politique dans
laquelle se trouve aujourd’hui la science d’État.
Tous les efforts de propagande des chercheurs et de
leurs patrons ont pour but de nous faire admettre que
la question des OGM ne pourra se résoudre que sur
les paillasses des laboratoires. C’est une erreur de
« programmation » si d’autres ont pu en juger autrement
et conclure en se manifestant par des actes « violents
», « terroristes », « obscurantistes », etc.
Pourtant, c’est bien contre l’ensemble du fonctionnement
social devenu laboratoire-monde que s’est constituée
la véritable opposition aux OGM. Les experts le
subodorent, quand ils écrivent : « La société n’accepte pas
d’être vécue comme un laboratoire. » [18]
Toute tentative pour confiner dans les laboratoires
les questions posées par les destructions, de les traiter
dans le langage des experts, est un moyen pour cette
recherche mercenaire de reprendre la seule initiative
qu’elle pouvait craindre de perdre : celle de contribuer
toujours plus au progrès, dynamisme mortifère de la
société techno-marchande. Il s’agit de récupérer la critique
en actes entrevue ici ou là pour moderniser le
discours de l’acceptation : on parle de développement
durable quand on ne parle pas encore de décroissance
soutenable. Bref, les affaires doivent reprendre.
La mise en scène autour des interrogations de la
recherche prend tout son sens et toute sa mesure
quand elle rencontre un franc succès auprès du mouvement
citoyenniste ; quand elle répond à l’intarissable
soif d’expertise et d’éthique de ce conglomérat
d’associations et d’organisations néo-gouvernementales
(ONG) très officiellement chargé de « refuser les OGM ».
Dans son projet de « vigilance citoyenne » envers l’activité
technoscientifique, le militant citoyen s’incline en
fait devant l’autorité d’experts ou de contre-experts
qui, en dernier recours, lui désigneront les « bons » et
les « mauvais » OGM. Par sa contestation empruntée et
déléguée, il assume en fait son destin de dépossédé, en
laissant toujours aux experts de la vie quotidienne le
soin de lui expliquer comment manger, boire et penser
en toute sécurité dans une société jamais assez
surveillée. Son rêve d’un « monde meilleur » vire au
cauchemar du meilleur des mondes car il n’a de cesse
de reproduire, moderniser et faire proliférer les médiations
bureaucratiques du pouvoir. Il n’est pas question,
ici, de discuter d’un quelconque refus des OGM mais,
au contraire, des moyens du renforcement des
essais « sous contrôle de l’autorité de l’État ». Certains chercheurs
(les plus gauchistes) préfèrent dire la même
chose autrement, en s’inquiétant de « l’utilisation qui
risque d’être faite des résultats de [leurs] propres recherches, si
la société et les pouvoirs politiques, ensemble, ne définissent
pas les moyens d’en garder le contrôle. » Mais, on l’a
compris, il s’agit surtout de sauver sa place, d’assurer
ses arrières et de diluer les responsabilités au moindre
incident.
Et pourtant, en France, il faudrait encore croire au
petit jeu du « débat public sur les OGM ». Quand cette
société impose démocratiquement au citoyen de s’associer
aux décisions déjà prises, c’est précisément au moment
où il obéit qu’il abandonne toute possibilité d’intervenir
en quoi que ce soit sur le cours des choses. C’est
pourquoi la mise en scène, depuis quelques années, de
l’affrontement autour des OGM est restée la manoeuvre
politique la plus efficace pour contenir tout débordement
hors du cadre administratif et éthique.
Ce ne sont pas les acteurs d’une telle mise en scène
qui manquent.
Après « Ouvrons la recherche ! » et « Défendons la recherche ! », the show must go on : « Sauvons la recherche ! »
Le point culminant de la mise en scène et de la confusion
aura été atteint avec la dernière pétition des chercheurs,
Sauvons la recherche !, à l’automne 2003. Plus de
la moitié de la profession, 76000 chercheurs ou assimilés,
du cacique [19] à l’étudiant aux dents plus ou moins
longues, tous ont poussé le sempiternel cri d’alarme :
L’Europe de la recherche est en train d’être distancée par
l’exemplaire recherche américaine ! Oubliant les conséquences
mortifères de leurs activités et la dépendance
du chercheur par rapport aux bailleurs de fonds et à un
système de pensée réductionniste, c’est l’ensemble
d’une caste, soutenue par une majorité de thésards et
de laborantins prolétarisés, qui a demandé à l’État les
moyens financiers de continuer à sévir. Après avoir
étouffé les velléités de ceux qui, peu nombreux dans
leurs rangs, auraient pu vouloir discuter du sens et des
finalités de leur activité, ils ont fait grand étalage de
leur arrogante irresponsabilité. Leur ralliement à la
proposition des présidents de l’Académie des sciences
et de l’Académie de médecine de tenir des « États généraux
de la recherche » le prouve. Rappelons que ces deux
institutions sont, en fait, des agences gouvernementales,
créées pour justifier l’activité industrielle et ses
conséquences mortifères. Ainsi, l’Académie de médecine,
qui s’était déjà distinguée, entre autres, en
publiant des rapports négationnistes sur les conséquences
de Tchernobyl et sur celles de la diffusion de
l’amiante dans l’environnement (1996), a, dans un
rapport intitulé « OGM et Santé », logiquement conclu à
l’innocuité des OGM. Très soucieux de business, cet
aréopage d’étranges médecins s’est en revanche
alarmé de ce que « l’exigence de l’étiquetage total et de la
traçabilité peut très bien se traduire par des conséquences
commerciales désastreuses » [20].
Quant au gouvernement, il a bien rapidement
battu en retraite devant l’agitation de ces blouses blanches
de si bonne composition dans les conseils d’administration
des entreprises nationales de gadgétisation
du vivant. Emballement libéral devant les ronflements
un peu trop sonores de spécialistes fumeux dans leurs
bureaux concédés à vie ? Ou réhabilitation paradoxale
de la figure bien ternie du « savant » à la faveur d’un
bonneteau médiatique ? Le léger trouble qui s’était
manifesté dans le milieu scientifique au moment des
destructions d’OGM a pu se dissiper : l’ordre règne de
l’éprouvette au champ de bataille.
Les pétitions de chercheurs, loin d’être rejetées
comme de la vulgaire propagande, se voient applaudies.
Elles collaborent à la création d’un « jardin
d’acclimatation » où l’on prépare des têtes citoyennes
gavées par l’injonction participationniste à accepter ce
qu’elles ont fait mine de refuser. Elles participent d’un
projet pédagogique où l’on apprend à s’adapter sans fin à
ce qui a été décidé ailleurs. Mais jamais sans risques.
L’opposition au monde des OGM et le cancer citoyenniste
Rappelons à ceux qui voudraient l’oublier que la campagne
contre les OGM, chaque fois qu’elle s’est émancipée
du carcan syndical et citoyenniste, a notamment
pris pour cible la fonction même du chercheur dans
cette société. Ainsi, dans un texte trouvé dans une
serre saccagée de l’Inra à Toulouse, le 26 juin 2000, et
signé « Chercheurs dans la nuit », on pouvait lire une description
de l’aliénation si caractéristique du milieu
scientifique : « (...) le chercheur, même dans la fosse à
purin, refuse de se fier à ses sens : il ne juge de rien, il pense
que tout ce qui est possible doit être fait et il abandonne à ses
bailleurs de fonds la responsabilité d’une activité qui l’engage
au premier chef. Élevé à l’école du mépris et de la concurrence
féroce avec ces pairs, il ne songera bientôt plus qu’à trouver
des financements privés ; il est happé par la course aux
publications ; parfois, il n’hésite même pas à truquer ses résultats
pour faire des annonces aussi médiatiquement fracassantes
que visiblement inconsistantes ; et quand il se sent citoyen,
certains dimanches, il n’hésite pas à pétitionner contre ce qu’il
fait le reste de la semaine. »
« Qui les chercheurs s’imaginent-ils encore pouvoir tromper
? [21] »
Rien ne peut plus cacher l’évidence de l’absence
d’un mouvement porteur d’un refus des OGM. Seuls
quelques passagers devenus clandestins refusent les
conditions épuisantes imposées par notre société dans
sa marche forcée vers le néant. Ceux-là n’ont pas
d’existence télévisuelle. On aurait en effet tendance à
oublier que la campagne de sabotages d’OGM en
France a réellement commencé avec la destruction des
stocks de semence transgénique dans une usine de
Novartis à Nérac en 1998 [22], et n’a pas toujours eu ce
goût citoyen de l’acceptation. Tout ne paraissait pas
forcément joué d’avance. Surtout pas quant au sens à
donner aux OGM et à leur monde. Parler une fois de
plus de récupération semble, hélas, garder tout son sens.
Et ce n’est pas sans colère que nous évoquons tout
cela ! La médiatisation de ce conflit a fait disparaître
l’objet et le sens de la critique derrière un bougonnement
acceptable contre la malbouffe et le malaise des
milieux bios. Et, surtout, la volonté générale - des
chercheurs aux arracheurs du dimanche relayés par les
ministres - de redorer la mortifère recherche d’État a
enterré la possibilité de remettre en question son rôle
dans la reproduction et le renouvellement de
l’économie. C’est bien quand cette lutte a donné des
gages de « réalisme » qu’elle a capitulé. Si l’altermondialisme
s’est servi de la lutte contre les OGM comme
rampe de lancement, il aura fallu payer un prix élevé :
celui d’arrêter de les combattre.
La suite n’a rien d’exceptionnel, tout le monde la
comprend intuitivement : la visibilité médiatique de
« ce mouvement social » est proportionnelle à son éloignement
de la réalité. « Le mouvement est là où je suis » dit, à
la télévision, un des représentants autoproclamés de
cet introuvable mouvement. Cette sorte d’opposition
trouve ainsi naturellement son terrain de jeu dans
l’image et sa contemplation infinie. Sa seule réalité,
quand elle agit, est de se positionner contre les
quelques initiatives hors scène : c’est l’envers de la
passivité moderne, la manière dont elle s’exprime, sa
seule politique.
Par cette confusion intéressée, les actions bien réelles
de sabotages sont vidées de leur contenu subversif :
les OGM sont présentés comme « une erreur ou une
impasse du développement [23] », c’est-à-dire une option
scandaleusement inutile et pas assez rentable du capitalisme
« mondialisé ». L’ingénierie génétique passe
donc, ici, pour un gadget dont cette merveilleuse
société pourrait éthiquement et économiquement se passer
sans que cela nuise à son fonctionnement. Selon le discours
altermondialiste, la domination ne tirerait sa
force que de la seule logique de profit et de circuits
financiers parasitaires. Avec cette pensée à l’envers,
les OGM ne seraient plus le produit de ce monde. En
fait, les OGM actualisent, au contraire, le vieux projet
de domination de la nature et des hommes et finissent
par s’inscrire dans le contrôle totalitaire de tout ce qui
vit, se révolte, ne travaille pas, ne se vend pas ou ne
s’amuse pas assez, bref, dans la normalité de la vie
quotidienne. Il s’agit de faire désirer des OGM (les
« bons », bien sûr) comme on a su faire désirer tout le
reste : comme avec le nucléaire, en créant les conditions
qui rendent impossible tout retour en arrière. Les
moratoires sont une arme défensive du pouvoir afin
de désamorcer toute contestation des avancées de
l’ordre industriel et marchand (déchets nucléaires,
banques d’embryons, clonage). Eh oui ! On crée puis
on lève les moratoires, on met en place des commissions,
on fait débattre, on « éthiquette » pour faire
choisir la couleur du collier...
On voit ainsi des écologistes affecter de critiquer la
production industrielle et travailler en fait au recyclage
sans fin de ses déchets. On voit des « producteurs
bio » produire industriellement leurs produits bio. On
voit les uns et les autres glisser d’un refus des OGM à
une demande de contrôle supplémentaire.
Dans cette critique routinière, sorte d’indulgence
par rapport à ce que l’on prétend combattre, l’objectif
affiché, en l’occurrence arrêter les OGM, se perd.
C’est l’essentiel qui est écarté, c’est-à-dire la possibilité
de se réapproprier son monde et de commencer à
l’habiter.
Pire, le citoyennisme veut dessiner les contours
d’une morale de la « responsabilité ». Le « citoyen » est
tenu de se sentir désormais responsable de ce qu’on lui
impose en permanence, du contenu des éprouvettes
aux déchets, en passant par les guerres. Mais ne l’est-il
pas, responsable, en substance sinon en esprit, tant
qu’il ne cesse pas de jouer le jeu ?
Le recours au kit citoyenniste pour encourager une
soi-disant « démocratie participative » a été utilisé lors
des conférences de consensus en 1999 autour des
OGM. Il est de plus en plus sollicité aujourd’hui et
tend à devenir le mode privilégié d’appartenance à nos
sociétés (après la mutation progressive du sentiment et
du mode d’appartenance à l’État-nation). Car, dans un
monde où l’on a si peur de tout, on est prêt à payer le
maximum pour se sentir protégé des ravages de
l’industrialisation et des règlements de comptes internationaux.
Un tel programme de surveillance et de
« responsabilisation » généralisé a tout pour réussir.
Ce projet de mise sous contrôle « démocratique »
de la décomposition des « écosystèmes » trouve un
écho, voire un dépassement, dans les formes les plus
modernes du contrôle social et policier.
En octobre 2000, ce sont bel et bien la
Confédération paysanne et Attac qui ont inauguré
démocratiquement les usages citoyens du contrôle
d’ADN en France. Suite à la destruction clandestine
d’un champ d’OGM en Bretagne, des policiers découvrent
des traces de sang provenant d’un des saboteurs
et dont les premières analyses indiquent qu’il s’agissait
d’une femme. Le porte-parole de la Confédération
paysanne du Maine-et-Loire, désireux de se démarquer
d’arracheurs indésirables dans son plan média,
s’est alors empressé de déclarer : « J’espère que la gendarmerie
va pouvoir identifier rapidement les auteurs. »
Relayant la ligne générale du syndicat qui énonçait
déjà : « Cette destruction non revendiquée gêne d’ailleurs
notre démarche qui vise essentiellement à établir la transparence
et à modifier la réglementation » (in Textes et
Documents, op. cit., p. 9). Les bureaucrates fraîchement
« antimondialistes » avaient lancé un appel incantatoire
à leurs militants pour participer à ce fichage.
Comment de tels contestataires pourraient-ils trouver
une quelconque raison de critiquer plus avant
d’autres aspects des prétentions totalitaires de la génétique
? Que disent-ils aujourd’hui des premiers « tests »
effectués dans quelques prisons l’automne dernier ? Et
qu’ont-ils à dire des prisonniers qui, après avoir dignement
refusé de se soumettre à ces examens, ont été
condamnés à des peines de prison ferme ?
[24]
Ce qui est venu avec les OGM
Pris de court par les premières attaques contre le génie
génétique et la campagne de destruction clandestine
qui a suivi, l’État a fait le dos rond en attendant l’apparition
d’un interlocuteur motivé pour prétendre encore
réformable et donc défendable les insolubles contradictions
de ce monde industriel et marchand. Comme
nous l’avons écrit en 1999 : « La gestion politique actuelle
se trouve en effet confrontée à l’obligation d’avoir à assumer
un déchirement insurmontable : tout en désirant éloigner
le plus possible les individus de la direction de leurs affaires,
elle se plaint en même temps de l’apathie généralisée et de la
banalisation des comportements incivils que cette situation
génère inéluctablement. La fonction spectaculaire du citoyen
consiste précisément à promettre la résolution de cette contradiction. [25]
»
Le point de focalisation constitué autour des
OGM a permis de créer la diversion « anti » puis
« altermondialiste », ouvrant la voie au monde des biotechnologies.
Aujourd’hui, le troupeau citoyenniste s’agite pour
la défense d’un prétendu intérêt universel que l’État se
devrait d’incarner : il exige du pouvoir plus de précaution
et de traçabilité dans la gestion des risques, bref,
plus de contrôle. Tout ce que l’altermondialisme « recèle
d’agitation cyclique (décroissance soutenable, salaire social
garanti, tute bianche, écolo-bio, contre-expertise, démocratie
créative, néo-paganisme festif, etc.) est le signe paroxystique
de toute cette autodiscipline sociale, mobilisée non pour
trancher sur les causes de l’aliénation, mais simplement pour
en légiférer quelque aménagement provisoire. [26] »
Le citoyenniste est prêt à discuter de tout avec les
autorités, devenues son seul horizon et son seul
« moyen ». Réduit à l’impuissance et dépossédé de tout
moyen d’intervention sur les conditions qui lui sont
faites, il est même prêt à participer à la cogestion de sa
mise à mort. Ainsi en Biélorussie, particulièrement
affectée par les retombées du nuage de Tchernobyl, le
pouvoir local, épaulé par l’industrie nucléaire
française, a poussé la logique à son comble : « Nous
devons apprendre aux gens à vivre avec la radiation, surtout
aux enfants et aux jeunes. La nécessité d’impliquer les gens
eux-mêmes dans le travail pour la réhabilitation des territoires
sinistrés est incontestable. La population ne doit pas
rester passive envers son avenir. Et notre objectif commun est
de tout faire pour créer des conditions pour activer les
gens, créer des possibilités d’autogestion des risques
radiologiques. [27] »
À Tchernobyl comme ailleurs, les derniers développements
de cette société s’annoncent comme une
écrasante accumulation de maladies : « ... ce sont 80 à
90% des cancers qui sont causés par la dégradation de notre
environnement (...) » déclare le professeur Dominique
Belpomme, chargé de mission pour la mise en oeuvre
du plan Cancer du gouvernement français : « Les maladies
d’aujourd’hui ne sont plus les maladies naturelles
d’hier. Elles sont toutes, ou presque, artificielles. C’est nous,
c’est-à-dire notre société, notre civilisation, qui les induisons.
Et c’est sans doute là le drame, car rien n’indique que notre
médecine contemporaine ou celle de demain, malgré les progrès
de la science, pourra les vaincre, comme elle l’a fait au
siècle dernier pour les maladies infectieuses. L’évolution de
notre médecine est à un stade critique, et cela d’autant plus
que la pollution chimique s’intègre à un phénomène plus
grave : le réchauffement climatique de la planète par effet de
serre. [28] »
La fin du moratoire sur la culture des OGM est
intervenue au moment où les conséquences biocidaires
de l’activité économique sont reconnues par les
pouvoirs mêmes, mais ce constat n’entraîne rien d’autre
que des pétitions de principe et autres incantations.
Désormais la guerre permanente s’annonce comme
l’horizon nécessaire de la domination. Car, notait
Orwell, dans 1984, la guerre « aide à préserver
l’atmosphère mentale spéciale dont a besoin une société
hiérarchisée (...) La guerre est une affaire purement intérieure
».
Mais, face à cet emballement destructeur, le besoin
de protection généré par la dépossession rejoint les
nécessités pour les pouvoirs de développer les
techniques anciennes et nouvelles de contrôle social :
instabilité économique entretenue, arbitraire despotique
des États qui ne respectent plus leurs propres
règles, mensonge cynique, création cyclique d’épouvantails
et de peurs mobilisatrices (Le Pen, l’« islamisme
radical », « le voile », « l’insécurité », etc.), armes de
distractions massives, utilisation de techniques d’intégration
des oppositions à la fuite en avant industrielle,
techniques d’identification biométrique enrichissant la
surveillance généralisée, etc.
Nous en sommes là.
Paris, août 2004.
[1] Reuter Édition,
2 juillet 2003.
[2] Editorial de Gérard
Dupuy dans Libération
du 3 juillet 2003.
[3] Gérard Onesta, OGM,
le dossier, Carré d’Europe
n° 16, septembre 2003.
[4] Les Échos, 22 mars 2004 :
« Le PDG de Monsanto
croit en l’avenir des OGM
en Europe ».
[5] « Elle était, par certains
côtés, beaucoup plus fine que
Winston et beaucoup moins
perméable à la propagande
du Parti. Il arriva une fois à
Winston de parler, à propos
d’autre chose, de la guerre
contre l’Eurasia. Elle le
surprit en disant avec
désinvolture qu’à son avis il
n’y avait pas de guerre. Les
bombes fusées qui tombaient
chaque jour sur Londres
étaient probablement lancées
par le gouvernement de
l’Océania lui-même, “juste
pour maintenir les gens dans
la peur”. C’était une idée
qui, littéralement, n’était
jamais venue à Winston. »
George Orwell, 1984.
[6] « Moins de vingt ans après
leurs ambitieuses conceptions,
les OGM se trouvent majoritairement
rejetés en tant que
projet global de transformation
du monde, cantonnés, suspectés - et la rébellion est inscrite
dans un acte politique majeur
par lequel la communauté
internationale, à l’exception
des États-Unis, déclare placer
les OGM sous surveillance
stricte » (Hervé Kempf,
la Guerre secrète des OGM,
Seuil, 2003, p. 229, c’est
nous qui soulignons)
Quelle sorte de victoire !
[7] Dossier diffusé
à la conférence de presse
de l’appel du procès,
concernant la
destruction de riz OGM
au Cirad de Montpellier.
[8] Suite à ce dernier
sabotage, Bertrand Hervieu,
président de l’Inra, a
déclaré : « Je nourris une
forte inquiétude. S’il s’agit de
chercheurs “scientifiques”, nous
avons chez nous des gens qui
ont des interrogations fortes non
exprimées publiquement. En
clair il faut poursuivre le débat en interne », cf. Textes
et documents..., op. cit., p. 5.
[9] Signalons que René
Riesel a été condamné
pour les mêmes raisons
à la même peine. Mais
il a refusé le jeu d’un
affrontement factice et
médiatique avec l’État (voir
en annexe 1 le tract : Feu
vert pour les OGM, prison
pour René Riesel).
[10] Une lettre ouverte
au président de la
République des personnels
de la recherche et de
l’enseignement supérieur
de Montpellier, diffusée le
7 juillet 2003, à l’initiative
de Pierre Campagne-
Simon, professeur retraité,
agronome ; Jean-Jacques
Drevon, Inra, directeur de
recherche ; Michel Dulcire,
Cirad, chercheur ; Michel
Meuret, Inra SAD
Avignon, chargé de
recherche ; Pierre-Louis
Osty, Inra Toulouse,
directeur de recherche ;
Christian Prat, IRD,
chargé de recherche,
et signée par 800
chercheurs.
[11] Ce texte a été terminé
en août 2004. Au cours
de l’été 2004, comme
l’année précédente, il y a
eu un certain nombre
de destructions
clandestines - sans
compter les habituelles
mises en scène des Verts
(n’étant plus au
gouvernement, ils font
de la surenchère)
en présence des gendarmes.
(Voir annexe 2)
Ces évènements n’ont rien
apporté de neuf au bilan
que nous tirons ici.
[12] Défendons la
recherche ! : « La recherche et l’innovation sont les
atouts de notre
compétitivité. Ne laissons
pas saccager les travaux
des chercheurs français ! » ;
initiateurs : Alain-Michel
Boudet professeur,
université Paul-Sabatier,
Toulouse, Michel Delseny,
directeur de recherche,
CNRS, Perpignan, André
Gallais, professeur, Inra
Paris, Emmanuel
Guiderdoni, directeur
de recherche au Cirad,
Louis-Marie Houdebine,
directeur de recherche,
Inra Jouy-en-Josas,
Jean-Jacques Leguay,
directeur de recherche,
Aix-en- Provence,
Georges Pelletier,
directeur de recherche,
Inra Versailles, Alain
Toppan, coordonnateur
de recherche, Biogemma
Mondonville ; pétition
diffusée le 03/09/2003,
avec 1800 signataires.
[13] Pour la deuxième fois
depuis 2001 : cf. Textes
et documents..., op. cit.,
pp. 16-17.
[14] Les États-Unis, qui
organisent l’occultation
des risques liés aux OGM,
s’inquiètent pourtant
des problèmes spécifiques
posés par ces plantes
à finalité thérapeutique
et réglementent fortement
les essais, surtout depuis
l’affaire ProdiGène :
en 2002 du maïs
transgénique cultivé
pour produire un vaccin
porcin avait contaminé,
par ses repousses, du soja
destiné à l’alimentation
humaine (500 000
tonnes de soja, pour une
valeur de 2,7 millions
de dollars, avaient été
détruites).
[15] Dans le texte Aux larmes citoyens !, publié en janvier
2003, nous avons décrit les
logiques à l’oeuvre autour
de la mise en scène
de ces maladies dans
le cadre du Téléthon.
[16] Après la destruction de l’essai thérapeutique mené
par la société Meristem Therapeutics en 2003
l’industriel et l’État réagissent
Bernard Mérot, président-fondateur de Meristem Therapeutics
(filiale du semencier Limagrain), déclarait : « Nous ne sommes
plus dans un débat sur les risques des OGM, puisque le
Parlement européen lui-même a donné son accord pour l’utilisation
alimentaire des Organismes génétiquement modifiés.
Nous avons glissé vers un activisme d’extrémistes qui utilisent le
terrorisme antirecherche et antimodernité pour exister. C’est
donc devenu un problème de sûreté nationale pour permettre
qu’on entreprenne, et que l’on réalise de la recherche dans
notre pays. Ce n’est pas politiquement responsable que de laisser
quelques extrémistes dicter notre avenir dans ce domaine.
C’est pourtant ce qui se passe en ce moment. » (Le Progrès,
20 août 2003)
Et Pierre Mongin, préfet de la région Auvergne où a eu lieu la
destruction, de dénoncer la lâcheté de cet acte « non revendiqué
à ce jour » et d’apporter le soutien de l’État. « Les cultures
fauchées de façon volontaire et violente, malmènent le droit de
propriété, et créent un climat d’insécurité pour impressionner
les chercheurs, les agriculteurs et la population. C’est du
terrorisme. Aussi a-t-on mobilisé la police, la gendarmerie et
tous les moyens mis à la disposition de la police. » (Le Progrès,
4 septembre 2003)
[17] Propos de Claudie
Haigneré, ministre
déléguée à la Recherche,
le Figaro, 25-26 octobre
2003.
[18] Rapport à la suite
du débat sur les OGM
et les essais au champ
dit « des quatre sages »,
Babusiaux, Le Deaut,
Sicard, Testart.
[19] Ponte en français,
mandarin en chinois.
[20] OGM et Santé,
rapport de l’Académie de
médecine, 26 novembre
2002. Voir pour une
analyse critique À propos
de quelques chimères,
30 janvier 2003,
Pierre Gérard, 6, cours
Jean-Jaurès, 38000
Grenoble.
[21] cf. Textes et documents...,
op. cit., Scrupulum, p. 4.
[22] Le premier fauchage,
en 1997, d’un champ de
colza transgénique à Saint-
Georges-d’Espéranche
(Isère) annonçait toutefois
ce goût citoyen
de l’acceptation que l’on
a pu voir se développer
par la suite.
[23] Voir édito Inf’Ogm,
octobre 2003.
[24] « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques
(FNAEG) a été créé par la loi du 19 juin 1998 relative à la prévention
et à la répression des infractions sexuelles ; dame
Guigou avait ainsi mis en place le fichier le plus perfectionné
qui soit ; comme d’habitude, il fallait d’abord installer et diffuser
ce nouvel outil policier dans un cadre relativement restreint,
puis, ensuite, une fois l’idée d’un tel fichage banalisée, l’étendre
à des proportions de plus en plus importantes de la population
jusqu’à, si aucune réaction ne vient stopper le processus,
un fichage de la totalité des nouveaux-nés. »
Fin octobre 2003, la police scientifique a recueilli l’ADN de
1300 détenus pour alimenter le fichier national des empreintes
génétiques dans les centres de détention de Loos-lès-Lille
(Nord), Bordeaux-Gradignan (Gironde), Neuvic (Dordogne) et
Muret (Haute-Garonne). « Il s’agit d’un test qui doit permettre
d’étudier dans quelles conditions ce dispositif peut être généralisé
afin d’accélérer la mise à jour du fichier », a-t-on déclaré
au ministère de la justice.
Avec l’extension de ce fichier en novembre 2001 « aux actes
de terrorisme, de barbarie » dans le cadre des lois sur la sécurité
quotidienne (Daniel Vaillant, PS) et les lois sur la sécurité intérieure
de Sarkozy (UMP), le 18 mars 2003, qui élargissent encore le
recueil des empreintes aux « suspects de certaines infractions »,
400 000 personnes aujourd’hui sont déjà fichées. Cela concerne
tout le monde.
La France rejoindra bientôt l’Angleterre, modèle en la matière
avec ces 3 millions de fichés officiellement et une population
déjà indirectement fichée dans sa quasi-totalité : alors qu’il n’était
pas encore répertorié génétiquement, un jeune homme a été
identifié à partir d’un brin d’ADN laissé sur une brique lancée sur
un pare-brise. La police scientifique a en fait testé ce qu’ils appellent
désormais une « recherche familiale ». Le principe est simple :
comparer l’ADN trouvé avec la base de données en cherchant
non plus une correspondance exacte mais comprise entre 60 et
90 %. Lors de cette première expérimentation fructueuse, l’identification
d’un cousin - déjà fiché - a permis la convocation de
tous les hommes de sa famille et, finalement, l’arrestation du
coupable... ».
L’Envolée,
63, rue de St-Mandé,
93100 Montreuil.
[25] Des OGM et du citoyen,
édité par nos soins, 1999.
[26] L’Homme au foyer n°7,
(L’Autogestion de la mort),
13, rue du Duc, B-1150
Bruxelles.
[27] Tsalko Vladimir,
président du Comité
Tchernobyl de Belarus,
organisme de l’État de
Bélarus. Équipe Ethos.
Cf. Du mensonge radioactif
et de ses préposés, ACNM,
avant-propos de
« Quelques ennemis
du meilleur des mondes »
pour l’édition 2004.
[28] Dominique Belpomme,
Ces maladies créées par
l’homme, p. 10, Albin
Michel, 2004. Fort de ce
constat, dont la seule
nouveauté tient au fait
qu’elle provient d’un
homme proche du pouvoir
(c’est un ami de Chirac),
Dominique Belpomme
a été à l’origine en mai
2004 d’une « Déclaration
sur les dangers sanitaires de
la pollution chimique », dite
« Appel de Paris ». Signée par
« des scientifiques, des
médecins, des juristes, des
humanistes et des
citoyens », cette déclaration
en appelle sans imagination
aux « décideurs politiques
nationaux », aux « instances
européennes », « à l’ONU »,
pour obtenir rien moins
que « la suppression ou la
réduction strictement
réglementée de l’émission de
substances polluantes toxiques
et de l’utilisation de produits
chimiques mis sur le marché... »
On notera que, dans cet
Appel, il n’est nulle part fait
mention de la radioactivité
parmi les « substances
polluantes toxiques », comme
si « le caractère mutagène,
cancérogène, reprotoxique »
de la radioactivité n’avait
pas été depuis longtemps
constaté et prouvé. Mais
Belpomme est aussi l’ami
du nucléariste Maurice
Tubiana, président
honoraire de l’Académie
de médecine et membre
de l’Académie des sciences.
Quand les chercheurs se
font écologistes, comme
Belpomme, ils occultent
les effets sanitaires de
la radioactivité, non par
étourderie mais bien pour
justifier les choix énergétiques
de l’État.
Annexe 1
Tract affiché et diffusé lors de l’incarcération de René Riesel en décembre 2003.
Feu vert pour les OGM, Prison pour René Riesel
À LA SATISFACTION GÉNÉRALE de la classe politique,
la loi européenne, applaudie par les Verts, qui
réglemente l’éthiquetage et les modalités de
mise sur le marché des OGM va être appliquée.
On peut considérer qu’une page est
tournée : cette loi consacre l’échec de
l’opposition aux OGM en France et en Europe.
Transgénique pour tous !
DANS LA LUTTE CONTRE LE GÉNIE GÉNÉTIQUE
menée en France depuis le sabotage de Nérac
en 1998, certains ont su faire le lien en
paroles et en actes entre la critique des OGM
et celle de l’organisation sociale qui les a
produit, pour remettre en question les fausses
évidences d’un « destin technologique »
inéluctable, du contrôle et d’une artificialisation
de la vie biologique.
ON VA EN PRISON pour cela.
D’AUTRES, LES CITOYENNISTES, ont noyé la critique
des OGM et ce qu’elle implique dans un
consumérisme poujadiste anti-« malbouffe ».
Martelant que « le monde n’est pas une
marchandise », ces confusionnistes évitent soigneusement
de critiquer la marchandise dominante,
source de toutes les autres : le travail.
Ainsi, ils refusent de critiquer la fonction
même du chercheur, préférant défendre la
« bonne » recherche d’État contre la « mauvaise »
recherche privée. Comme si, au moins depuis
Hiroshima, sans parler des conséquences
durables de Tchernobyl, la recherche n’avait
pas contribué à créer un monde scientifiquement
dévasté. Aveuglés par leur succès
médiatique, les citoyens-spectateurs regardent
maintenant apparaître le monde du tout-transgénique
qui, depuis le début, se profilait
derrière les OGM. Pathétiques, ces croisés de
la servitude active assistée par ordinateur en
appellent encore une fois à l’État pour discuter
de la couleur du collier et de la longueur de
la chaîne.
CONDAMNÉ À 6 MOIS DE PRISON FERME pour
avoir détruit des chimères transgéniques
(dans une usine de Novartis, à Nérac, et dans
une serre du CIRAD - Centre international de
recherche agronomique pour le développement,
à Montpellier), René Riesel a été incarcéré à la
prison de Mende le 1er décembre 2003. Il a
refusé de quémander une quelconque grâce
présidentielle et tout aménagement de
peine*.
Il est en prison mais il s’obstine (chanson populaire).
Quelques ennemis du meilleur des mondes
c/o ACNM BP 178 - 75967 Paris CEDEX 20
* René Riesel s’explique dans son livre, Du progrès dans la domestication,
Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, septembre 2003.
Annexe 2
Dialogue citoyen entre le Collectif des faucheurs volontaires et la gendarmerie
A la gendarmerie de Millau
Texte publié sur le site internet du collectif Construire un monde solidaire : www.monde-solidaire.org
Rendez-vous était donné à 10h30 devant
la gendarmerie de Millau ce vendredi
27 août 2004, pour accompagner
4 personnes convoquées.
(...)
Jean-Baptiste et José
La stratégie est de dire : nous sommes
tous solidaires, nous n’acceptons pas que
des têtes de turcs payent pour les autres,
nous exigeons que tous les participants
soient condamnés.
On organise donc des « pouvoirs » :
on remplit un papier déclarant avoir
participé au fauchage de Menville et
demandant â être convoqué pour ces
faits.
On insiste pour que seules les
personnes ayant réellement participé
remplissent ce papier.
350 papiers sont ainsi récoltés.
On exige d’accompagner les 4 convoqués.
Très légère résistance policière,
le portail de la gendarmerie cède.
Notre requête est transmise à la brigade
de recherche, qui accepte d’inclure les
« pouvoirs » dans le dossier.
C’est une grande victoire pour nous,
car cela permet de briser la logique
de criminalisation de quelques-uns.
C’est aussi une reconnaissance
de la désobéissance civile.
Cette acceptation avait été décidée
à l’avance, puisque les gendarmes
nous remettent un papier à signer,
avec le texte suivant :
Monsieur, madame
Vous tenez à être auditionné(e) par les
gendarmes de la brigade recherches
de TOULOUSE-Mirail, sis 02, avenue
du Général-De-Croutte à TOULOUSE,
afin d’expliquer les raisons de votre
présence sur les lieux de la destruction
d’une parcelle de maïs transgénique à
MENVILLE (31), le 25 juillet 2004.
Nous vous invitons à renseigner le
présent document qui sera remis à la
gendarmerie de TOULOUSE-Mirail ou
à la gendarmerie du lieu de votre
domicile. À charge pour cette dernière
de le transmettre à TOULOUSE.
Nous vous précisons toutefois, que
seules les personnes qui ont été formellement
identifiées (sur clichés
photographiques ou films) seront
auditionnées par les enquêteurs. Vous
pouvez bien évidemment joindre une
photographie d’identité à la présente
fiche de renseignements pour faciliter
le travail des enquêteurs et leurs permettre
de vous auditionner le plus
rapidement possible.
Cette lettre contient un piège : nous
rayons la phrase :
Nous vous précisons toutefois, que
seules les personnes qui ont été formellement
identifiées (sur clichés
photographiques ou films) seront
auditionnées par les enquêteurs.
En effet cela leur aurait donné
une brèche leur permettant de n’en
criminaliser que quelques-uns.
147 de ces documents sont signés
et joints au dossier.
(...)
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