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Les licornes existent et ont la rage Brochure d’autodefense contre la biphobie en milieu tp(b)g

mis en ligne le 19 juin 2023 - Licornes enragées


* à chaque connerie biphobe prononcée, y’a une licorne qui crève

à nos frangin·es bi·es : nos complices, nos ami·es, nos amant·es on vous aime <3

Y’a quoi dans cette brochure ?
Intro : de quoi on cause, pour qui et pourquoi ?
Cliché : "La biphobie n’est pas une oppression systémique"
Cliché : "Les bi·es ça n’existe pas."
Cliché : "Les bi·es sont des chaudasses infidèles."
Cliché : "Être bi·e, c’est avoir le privilège hétéro"
Cliché : "Les bi·es sont des sales traîtres à la cause"
Théorie politique radicale bie
Conclusion
Bi·bliographie


Intro : de quoi on cause, pour qui et pourquoi ?

On est qui ?

Nous, c’est trois personnes, bi/pan, français·es, blanc·hes, trans et/ou non-binaires. Nos bisexualités ne sont pas identiques et notre façon de la défendre politiquement point par point n’est pas tout à fait identique non plus. Cette brochure est issue de nos vécus, de nos recherches, mais aussi en très grande partie de nos discussions avec d’autres complices bi·es et de témoignages de leurs vies dans les milieux tpg et/ou queer. C’est pas que “nous trois”, quoi.

Mmm. . . bisexualité, mais encore ?

On pourrait nous dire : est-ce qu’au final, on n’aurait pas toustes un peu des pratiques bi.·es (à cause de l’hétérosexualité obligatoire comme système ou de nos genres), mais que pour se différencier d’hétéroland il serait au moins nécessaire d’utiliser un vocabulaire communautaire reconnaissable (pédé, gouine) ? Nous sommes convaincu·es qu’utiliser d’autres mots, comme bi ou pan, ne peut qu’enrichir nos communautés, en faisant exister des vécus, des désirs, des réflexions et des luttes plus complexes que ce qu’apporte l’imaginaire monosexuel porté par les termes gouine et pédé. On pense qu’une fois qu’on change et enrichit sa perspective sur un sujet, c’est un outil, des connaissances, une sensibilité de gagné pour rouvrir des portes que le cis-tème a fermé il y a belle lurette.

Mais alors, qu’est-ce qu’on entend par "bisexualité" ? Il y a plein de manière de la définir, encore plus de la vivre, et loin de nous l’envie d’en normaliser l’usage. Mais on aime bien l’approche de Robyn Ochs, qui a le mérite d’être une des plus englobante qu’on connaisse : "je me dis bisexuelle car je reconnais que j’ai en moi le potentiel d’être attirée romantiquement et/ou sexuellement - par plus d’un sexe et/ou genre, pas forcément de la même manière, et pas forcément avec la même intensité". Donc "bi", pour nous, ici, ça veut dire "plus d’un" (et pas "deux"... chut, on vous a vu celleux au fond qui râlent en disant que "bi" ça renforce la binarité et que c’est caca ! Est-ce qu’on repproche aux meufs et mecs trans de renforcer la binarité de genre ?!). Quand on parlera de bisexualité, ou de personnes bies, ça sera le plus souvent comme d’un terme parapluie pour englober toutes les pratiques et identités non-monosexuelles (pan, omni, queer...). Nous pensons que nous ne pouvons pas échapper complètement à la binarité du système, et que parfois même on la désire. Mais il existe malgré tout des espaces que l’on arrive à créer hors de cette binarité, notamment dans nos relations (sans pour autant en faire naïvement le seul et l’unique lieu de révolte à l’ordre établi).

Les bi.es existent, la biphobie aussi.

Car ouais, la biphobie existe même en dehors d’hétéroland, dans les milieux queer / transpédé(bi)gouines, même si elle y prend des formes un peu différentes.

Les bi·es luttent contre la biphobie partout et depuis toujours. Et iels sont partout dans les autres luttes aussi. Les militant·es bi·es, il y a en des tas. Qui ont travaillé sur la biphobie en général, sur les violences conjuguales, sexuelles et sexistes, contre le patriarcat et les queerphobies. Ce sont des ami·es et des amant·es, des camarades dans les luttes et des complices dans l’action. Iels sont bi·es, on des pratiques bi·es, des vécus de violences, et iels se risquent parfois à s’avancer pour raconter que dans nos milieux, il y a des choses qui font violences, qu’iels sont en galère, qu’iels ont besoin de soutien.

C’est ce qu’on fait aussi, avec cette brochure. On espère qu’elle sera reçue avec la bienveillance et le soutien que l’on attend d’une communauté de lutte et de vie.

Un guide d’autodéfense

Ce texte est d’abord un guide d’autodéfense à destination des personnes bies et de leur allié·es. MAIS il s’adresse aussi aux gouines, pédés et autres membres de nos communautés qui auraient envie d’en apprendre plus sur la biphobie, le monosexisme et, peut-être même, de rouvrir des zones inconfortables de réflexion et de nager en eaux troubles avec nous. En tout cas, on essaie ici de développer des contreargumentaires aux pensées biphobes qu’on a le plus rencontrées dans les milieux queer/tpg, parce qu’on est plutôt pour le partage des bouées de sauvetage de qualité que pour la noyade sans aide à cause des gros courants dominants, qu’ils se pensent radicaux ou non.

Autre précision : ce zine n’est PAS un règlement de compte communautaire pour dire que les bi·es souffrent plus que les autres personnes queers, ou tout autre essai de hiérarchisation sur le plongeoir des oppressions. Aussi, on tient à préciser que comme pour toute autre étiquette identitaire, être “bi·e” n’implique pas les mêmes réalités matérielles pour tout le monde, même s’il y a des points communs. Nos vécus sont multiples et complexes. Partager une étiquette commune, c’est avant tout partager des luttes et comprendre ce qui nous opprime pour mieux cibler nos actions et nos buts : se noyer ensemble ou séparément, sortir de l’eau, choisir une autre bouée, en forme de licorne, de flamand rose, replonger, ouvrir les yeux sous l’eau, changer de plongeoir, faire pipi dans l’eau, etc. C’est en cela que l’on pense que la biphobie et cette brochure sont politiques.

Notre but est aussi de remettre du lien entre certains mots (politiques) et des pratiques (intimes ou pas). Qui aujourd’hui ne relationne encore qu’avec des personnes cis et du même genre dans le milieu queer/tpg ? Il est temps, après l’ouverture non ciscentrée des définitions des termes de gouine et de pédé, de revisiter aussi le terme de bisexualité, au delà du terme queer, ainsi que sa portée concrète et politique à ce que veulent proposer nos milieux : chercher comment articuler d’autres manières de relationner et de produire de la vie.

Comme le pointe Shiri Eisner dans Bi : Notes for a bisexual revolution, il y a deux grandes approches possibles pour aborder la biphobie :

1. En répondant point par point à chaque cliché/critique biphobe en disant "nan, c’est faux, voilà pourquoi [insérer ici un argumentaire]". Même si elle peut être nécessaire dans plein de situations, cette approche peut avoir tendance à venir normaliser/lisser les identités et pratiques bi·es.

2. En venant questionner les raisons profondes de l’existence de ces clichés : que cache la biphobie, que dit-elle du monosexisme ? Cette approche est plus "radicale", dans le sens où elle vient chercher les "racines" de l’oppression afin de mieux la démonter. Mais elle est plus confrontante que la première et donc pas toujours adaptée si on cherche à ne pas trop brusquer nos camarades biphobes.

Tu t’en doutes, on va mélanger ces deux approches dans cette brochure ! :)

"Super pour toi mais moi chuis pas bi.e, je vois pas pourquoi je lirais ce texte"

Si tu n’aimes pas le terme de bisexuel·le pour parler de toi mais que tu lui préfères celui de pansexuel·le ; que t’es asexuel·le mais biromantique ; que t’es un pédé qui couche avec des meufs et/ou des personnes sur le spectre féminin ou une gouine qui couche avec des mecs ou des personnes sur le spectre masculin ; et que, plus largement, tes amours, ta sexualité, tes relations sortent des normes monosexuelles (aka hétérosexuelles ou homosexuelles) : cette brochure est aussi pour toi, darling ! On n’est pas obligé·e d’être bi·e pour vivre de la biphobie, alors on va sûrement décrire dans la suite des situations que tu vis déjà et pour lesquelles tu seras content·e d’avoir des contre-argumentaires. Et c’est aussi possible qu’il y ait des trucs qu’on dise qui te heurtent, où tu te sentirais jugé·e voire nié·e dans tes identités. On s’en excuse d’avance. La biphobie a des racines profondes en chacun·e de nous (oui oui, en nous aussi, qui écrivons ce texte !) et ce n’est pas facile de la critiquer sans donner l’impression de critiquer aussi les individu·es qui la portent.

Et comme on l’a dit plus haut, même si t’es absolument pas bi·e du tout, t’as aussi le droit de vouloir réfléchir à la question, pour toi-même, et ptet aussi pour soutenir encore mieux les bi·es qui t’entourent (car, on le rappelle : on est PLEIN ! <3).

Bi.es et lien avec l’identité de genre et/ou le parcours identitaire

On voudrait encore une fois faire un petit rappel : les vécus bi/pan sont multiples ! Ce n’est pas parce qu’on se regroupe sous les mêmes étiquettes qu’on vit/pense/ressent les mêmes choses concernant la bisexualité et la biphobie.

Notamment dans les milieux queer/tpg, selon notre identité de genre et/ou notre parcours identitaire, on sera plus ou moins accepté·es en tant que bi·es. Par exemple, les meufs cis bies vont être plus hypersexualisées, mais aussi moins prises au sérieux dans leur militantisme queer ; les mecs cis bi vont être très vite accusés d’entrisme et vus comme des ennemis politiques ; et la bisexualité des personnes trans va être plus facilement acceptée, parce que, bon, c’est des trans, c’est déjà le “jackpot identitaire des oppressions”, alors iels peuvent bien coucher avec qui iels veulent, ça sera de toute façon hors d’hétéroland et donc acceptable, voire subversif ! Comme si ne pas reconnaitre le genre qui nous était assigné à la naissance effaçait tous les autres facteurs pertinents dans la lutte contre cishétéroland.

Au contraire, nous sommes convaincu·es que les bisexualités portent en leur coeur une critique politique du système de genre, au delà des positionnements individuels des personnes bi/pan.

Ce refus de la bisexualité comme une identité politiquement valable a des résultats vraiments dégueus dans nos groupes, avec des pratiques qu’on trouve de ouf réac’ : genre ça serait Ok de se dire 100% pédé tout en couchant avec des meufs trans, et Ok de se dire 100% gouine en baisant avec des mecs trans... alors qu’en fait c’est quand même pas mal bien transphobe.

À celleux qui rétorqueraient que "gouine" et "pédé" sont plus des identités de genre que des orientations sexuelles, on ne va pas décider à votre place quel sens vous voulez mettre aux mots pour vous définir. Mais on aimerait bien que vous essayiez de tirer toutes les ficelles qui découlent de votre raisonnement, au regard de tout ce qu’on a écrit dans ce zine : de comment ça vient invisibiliser le genre des personnes trans avec lesquelles vous coucher ; de comment ça vient invisibiliser des pratiques relationnelles/sexuelles qui de fait sont bisexuelles (au delà de comment peuvent bien se définir les gens) ; et du coup de comment ça vient en permanence refoutre au placard toutes les personnes bies/pan de nos milieux, avec toutes les conséquences pourries qu’on connait, en particulier sur la santé mentale, la sociabilité et la difficulté à créer des solidarités politiques (voir plus loin dans la brochure, notamment dans la partie sur l’oppression systémique)

Enfin, y’a sûrement des bi·es qui ne seront pas d’accord avec tout ce qu’on a écrit. C’est ok, on est là pour en discuter. Mais, s’il te plait, TOI LE·A MONO QUI NOUS LIT, n’utilise pas taon pote (ali)bi·e qui dit que la biphobie n’existe pas pour nier tout ce qu’on a pu écrire ici. Essaie un minimum de te remettre en question avant…

Note sur les mots utilisés

Pour parler de nos milieux, on utilise “queer” et/ou “tpg” dans la brochure. C’est pas parfait, ça parle de milieux parfois différents, mais ça nous suffit pour ce qu’on veut dire.

Pareil, des fois on utilisera des mots qui pourront paraitre inexacts ou insuffisants : on vous fait confiance pour les remplacer par ceux qui vous sembleront les plus justes si besoin.

Bonne lecture à contre-courant ! :)

Cliché : "La biphobie n’est pas une oppression systemique"

« La biphobie ça n’existe pas, tout ce que vous vivez c’est de l’homophobie ou de la transphobie »
« Nan mais ok, ptet vous vivez de la biphobie des fois, mais c’est pas non plus comme si c’était une oppression systémique, faut pas le mettre sur le même plan que l’homophobie ou la transphobie ! »

C’est quoi une "oppression systémique" ? Introduction au monosexisme

Un des gros gros point qui est utilisé dans les milieux tpg/queer pour silencier les bi·es qui l’ouvrent sur la biphobie, c’est de rétorquer que, de toute façon, "la biphobie c’est pas une opression systémique". Argument ultime, BAM, ta gueule. Finito. Bon, alors, déjà ça nous saoule d’instrumentaliser le langage militant pour éviter une discussion où on risquerait de devoir se remettre en question (parce que bon, systémique ou pas, la biphobie existe bien dans nos milieux)... mais en plus, on n’est pas d’accord ! D’ailleurs, Shiri Eisner utilise le terme de "monosexisme" pour parler de la structure sociale qui permet la biphobie. Cela nous rappelle que la biphobie/le monosexisme, c’est pas juste une série de clichés sur les bi·es :
c’est toute une structure sociale qui discrimine les personnes non-monosexuelles, dans de nombreux aspects de leurs vies.

Le monosexisme se base sur le sexisme : la division des genres basée sur les génitaux donne accès à des droits spécifiques (cissexisme) et à des modes de relations où l’accès au genre opposé est valorisé (hétérosexualité) tandis que l’accès au même genre (homosexualité) est dévalorisé notamment en terme de droits (accès au mariage, à la procréation, etc.). C’est ainsi que cela structure et fait système. Pourtant, l’injonction à choisir une hiérarchie (cishet) ou la sous-hiérarchie (cishomo) c’est-à-dire le monosexisme, ne rend pas compte des situations des personnes bies qui naviguent entre les deux. Cette invisibilisation des vécus bi est l’un des principaux leviers du monosexisme.

Sur les internets, on a trouvé cette définition qu’on aime bien : une oppression systémique, c’est une oppression qui fait système, c’est-à-dire que personne n’y échappe, personne n’est en dehors de ce système. Elle repose sur quatre piliers : Institutionnel - Structurel - Historique - Individuel.

• Institutionnel : au niveau des institutions d’une société (Etat, système de santé, système judiciaire, etc.)
• Structurel : qui se retrouve dans toutes les strates de la société (logement, travail, école, loisirs, urbanisme etc.)
• Historique : qui trouve ses racines dans le passé, repose sur un système élaboré dans le temps et par des évènements précis et datables (colonisation, guerres, lois etc.)
• Individuel : qui se retrouve au niveau interpersonnel, entre deux personnes ou plus ou qui a été intériorisé (violences physiques, verbales, tout ce qui se fonde sur l’apparence ou le passing, l’automutilation etc.)

Parfois, un mécanisme peut reposer sur plusieurs piliers. Par exemple : le contrôle au faciès aka profilage racial repose notamment sur un pilier individuel et institutionnel car c’est une intéraction entre deux personnes, qui est encouragée par l’institution. De plus, les systèmes oppressifs reposent souvent les uns sur les autres. Ex : la transmisogynie (c’est-à-dire du sexisme spécifique au fait d’être une meuf trans ou une personne trans-féminine) implique le cis-sexisme (soit une organisation sociale basée sur la division des genres, eux mêmes basés sur l’apparence des organes génitaux et leurs accès au droit). C’est l’imbrication de ces quatre piliers qui fonde l’aspect systémique d’une oppression.

Par rapport à la biphobie : même si on pense qu’elle se recoupe à certains endroits avec d’autres oppressions comme l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie ou la misogynie, elle a quand même de nombreuses composantes spécifiques et ça en fait une oppression à part entière. Une meufs cis bie, par exemple, ne vit pas que du sexisme et de l’homophobie, mais aussi des violences liées spécifiquement au fait qu’elle est bie et qui ne sont pas la simple somme des violences sexistes et homophobes. Dans toute la suite de la brochure, vous verrez ces 4 pilliers apparaitre. Si si !

La réalité matérielle du monosexisme

Alors évidemment, dans ce monde plein de science, prouver le monosexisme ça implique de sortir les chiffres... et pas ceux qui donnent la patate !

Malheureusement, les ressources en français sur la question sont assez rares. Mais *pour vous*, cher public (!), nous avons fouillé les tréfonds d’Internet et bravé l’anglais universitaire pour vous raconter la tragique histoire de la biphobie, vue par les sciences humaines. Les études sont parfois menées en Amérique du Nord, parfois en Europe. On sait que selon les régions du monde, les réalités ne sont pas exactement les mêmes. Mais on prend le parti de supposer que le monde occidental est suffisamment homogène sur la question pour qu’on se fasse pas chier à distinguer les pays : peut-être que la biphobie est moins pire en Suède qu’en France (au pif), mais elle y existe quand même. On va donc vous filer ici les principaux résultats, et à la fin de la brochure il y a toutes les ressources qu’on a utilisées, si jamais vous avez envie d’aller vérifier ou de creuser plus le sujet.

Un des gros points, c’est la santé mentale assez caca des personnes bi·es. La principale responsable de ça (mais pas la seule), c’est l’invisibilisation des bi·es et de la bisexualité (voir plus loin dans la brochure), qui a pour conséquences : l’isolement voire l’exclusion, le manque de communauté, le placard, l’incohérence entre ce que l’on est et ce que l’on projète au monde, le doute permanent de son orientation sexuelle (puisqu’on nous dit qu’elle n’existe pas), et d’autres trucs. Du coup, petite liste moche :

• Les bi·es ont plus de risques d’avoir des pensées suicidaires : pour avoir une idée des ordres de grandeur, dans une des études ça concerne 45% des femmes bi·es, contre 10% des hétéras et 29% des lesbiennes ; chez les hommes, on est à 35% chez les bi, 7% pour les hétéros et 25% des gays.
• Dans la même logique, les bi·es sont plus touchées par la dépression, l’anxiété et d’autres troubles de l’humeur.
• ...et idem pour les addictions.

En terme de santé physique, on n’est pas épargné·es non plus : les bi·es sont plus à risque d’avoir de l’hypertension artérielle, iels fument plus et boivent plus d’alcool (avec les conséquences que l’on connaît) et sont aussi plus vulnérables face aux IST, du fait du manque d’informations spécifiques aux bi·es sur la question (brochures, programmes de prévention...) et de la plus grande difficulté à s’outer auprès des soignant·es.

Dans cette pas-si-fabuleuse aventure, les femmes bi·es sont les grandes perdantes (hop, encore une liste moche !) :

• les femmes bies ont en moyenne un niveau d’études plus bas que les autres femmes ;
• elles sont aussi plus nombreuses à vivre sous le seuil de pauvreté ;
• et enfin, "last but not least", les femmes bi·es sont beaucoup plus touchées par les violences conjugales et/ou sexuelles. Ça fait des chiffres du genre : 61% ont déjà été agressées sexuellement ou violées par un partenaire, contre 44% des lesbiennes et 35% des hétéras. De plus, 76% d’entre elles ont subi de la violence psychologique de la part de leur partenaire et 69% ont été victimes de coercition (menaces, contrôle économique et isolement) contre 48% des lesbiennes et 41% des hétéras. Enfin, 63% des femmes bi·es, disent avoir été violée, pour 49% des lesbiennes et 35% des hétéras.

Bon, bien entendu, selon les études les chiffres varient. C’est pas des trucs toujours simples à mesurer, pour plein de raisons. Mais l’éléments qui ne change pas, c’est que les bi·es sont à chaque fois plus touché·es que les autres ! Tous ces éléments (mauvaise santé mentale et physique, difficulté d’accès à l’emploi, pauvreté, violences) sont des facteurs importants de surmortalité chez les bi·es.

Aussi, on sait bien qu’une personne exilée bisexuelle qui demanderait l’asile pour se protéger des persécutions qu’elle vit du fait de son orientation sexuelle ne sera pas prise au sérieux si elle se dit bi·e et se retrouve obligée de se définir comme homo. Ou encore, le monde médical nous renvoie fréquemment qu’une personne bie est une personne au développement “psycho-sexuel” perturbé. Cela montre à quel point le monosexisme est ancré profondément dans les institutions (notamment françaises).

Alors si tout ça, ça ne prouve pas le caractère systémique de la biphobie/du monosexisme, on ne sait pas ce qu’il faut... !

Cliché : "Les bi·es ca n’existe pas."

« T’as juste pas encore choisi  »
« T’es lesbienne, mais tu ne le sais pas encore »
« On est toustes un peu bi·es »
« Les bi-curieux c’est des homo refoulés »

Une histoire de l’invisibilisation des bi.es

Les bi·es sont activement invisibilisé·es dès le départ de nos luttes dans la modernité. Prenons un point de départ précis : les Etats-Unis des années 70. C’est une période pertinente, parce que nos imaginaires militants et communautaires, certaines de nos pratiques, de nos histoires, sont marqués par l’héritage de cette époque : la création des marches des fiertés par exemple, en mémoire aux émeutes de Stonewall à New York en 1969.

On va résumer les choses. A cette époque, il y a d’une part les mouvements gays et lesbiens dont le niveau d’organisation augmente considérablement, sur tous les aspects : nombre de personnes, lieux, journaux, collectifs et associations, écrits, musiques, fêtes, mobilisations, médiatisations... Ils ont en majorité une approche des luttes qui se construit en imitation des luttes pour les droits civiques, notamment issues des luttes des personnes noires.

Cette approche les mène à se constituer, à la fois concrètement et dans la théorie politique, en tant que communauté spécifique, afin qu’elle puisse être reconnue comme telle aux yeux de l’état Etats-uniens. De ce fait, iels pourront obtenir de l’action publique et de la représentation politique.

En même temps, il y des mouvements queer qui se développent, en parallèle et en confrontation avec les mouvements lesbiens et gays. Les motifs de séparations sont multiples : stratégiques, identitaires, dans les objectifs politiques…

L’ambiance est à la montée en puissance comme jamais, et ces deux visions, ces deux mondes, avancent en allié·esadversaires. Les luttes sont ponctuées de victoires et de conflits. Pour une partie des gays et lesbiennes, la subversion et les remises en cause des mouvements queers mettent en péril la nouvelle norme, la possibilité d’acceptation, de pouvoir n’être plus ni dangereux ni bizarre. Mais pour ça, il faut apparaitre comme des communautés organisées et respectables. Pour obtenir une visibilité puis une prise en compte.

Dans les conflits entre gays/lesbiennes et queer, l’un d’eux est sur la définition même de nos communautés et de leurs contours : au début des années 90, un des désaccords majeurs, c’est l’acceptation ou pas des personnes bi·es et des personnes trans. Il y a un rejet de leur intégration, avec pour les un·es comme les autres un argumentaire proche : la peur d’être infiltré·es par des "faux" et le risque que ce soit des traîtres. Et en fondement, la question de la stratégie. Car ’État et les queerphobes jouent sur la fluidité des identités queer : plus nos identités sont fluides, moins elles peuvent être des communautés au sens États-unien.

Prenons une année en exemple : en 93 la pride de San Fransciso, alors la plus importante du monde, choisit en thème "Year of the Queer". Ce choix montre un important changement de rapport de force au sein des organisations, pour l’élargissement des luttes et des communautés. Cette année-là, l’état du Colorado invalide une loi de discrimination positive en faveur des gays et lesbiennes. L’argument, c’est que la fluidité des individus, et donc de leurs communautés, rend cette loi impossible à appliquer.

Ce changement dans le rapport de force se poursuit, et en 95 l’organisation de la pride de San Francisco change de nom, passant de "Gays et Lesbiennes" à LGBT.

Mais du coup, les bi·es et les trans seraient-iels des apparitions des années 90, des nouveautés à prendre en compte en cours de route ? Évidemment, non. C’est plutôt que l’invisibilisation tout au long de cette histoire militante, dans les communautés et dans les luttes, commence à flancher un peu. Parce que dans les émeutes de Stonewall en 69, un tournant politique et symbolique, il y a déjà des bi·es et des trans. Et pas genre un peu, assis·es sur les côtés et qui papotent pendant que ça s’émeute. Iels sont partie prenante des mouvements et des communautés. L’année suivante, à la première célébration des émeutes, la "marraine" (Mother of Pride) de la marche est une militante bisexuelle.

Mais toute cette présence, ces actes, ces réalités du taf militant, ça passe à l’as. Parce que le monde étant ce qu’il est, c’est des mecs cisgenres homosexuels qui récupèrent la visibilité, font l’écriture de cette histoire, bref : qui sont le centre. Les bi·es (et d’autres) étaient là, au départ et ensuite, mais sans autonomie, sans visibilité, ni reconnu·es ni raconté·es.

Cette invisibilisation des bi·es, on peut l’aborder par plein de biais différents. En vrac, quelques exemple : dans les recherches sur les sexualités, qui commencent dans les années 68, la bisexualité est travaillée de manière ultra minoritaire. Rien que pour que le mot bisexualité apparaisse, c’est pas évident : entre 75 et 85, seuls 3% des travaux en parlent, puis 16% sur 85-95 et 19% sur 95-05. Et bien souvent, même quand ça parle de bisexualité, c’est pour expliquer pourquoi on n’en parlera pas trop, ou que c’est un état transitoire des jeunes queer, bref pour justifier que ce ne soit pas un sujet.

En histoire, dans les récits biographiques, les bisexuel·les célèbres sont souvent catégorisé·es comme hétéro ou homo, même lorsqu’iels se réclamaient ouvertement être bi·es. Et quand bien même, que fait-on de celleux qui ne se réclamaient ouvertement de pas grand chose, dont la fluidité au cours du temps les a fait "finir" d’un côté ou de l’autre de la monosexualité, ou même qui se revendiquaient ouvertement être homosexuel·les ou hétérosexuel·les, malgré leurs relations sexo-affectives multiples ?

On ne prétendra pas ici qu’il y aurait une réponse simple ou unique sur comment appliquer un terme et une catégorie (homosexuel·le, bisexuel·le, transgenre) à d’autres époques et d’autres contextes. Mais on peut constater quand même que de nombreux personnages historiques sont étiquettés homosexuel·les, considérant que l’existence de relations sexuelles homo est suffisante, même quand iels étaient marié·es et avaient des relations affectivo-sexuelles hétéro.

Alors pourquoi leur appliquer une étiquette d’homosexualité plutôt que de bisexualité, puisque de toute façon on leur applique un mot et un concept anachronique qu’iels n’utilisaient pas ni même ne connaissaient ?

Dès que des statistiques ont commencé à être faites, la quantité de personnes bisexuel·les est apparue beaucoup plus importante que ça n’est généralement supposé. Ainsi par exemple, en fonction des sondages et des enquêtes, il y a en fRance entre 3,2 à 3,5% de personnes homosexuelles et 3 à 3,9% de personnes bies.

Autrement dit il y a environ autant d’homosexuel·les que que bi·es. Pourtant à lire l’histoire de nos mouvements, à voir nos organisations et nos milieux, on pourrait passer à côté de leur existence tant elle parait anecdotique.

L’invisibilisation est telle que les bi·es elleux même se connaissent mal : dans l’enquête nationale sur la biphobie de 2015, 15% des répondant·es bi·es ne connaissent pas d’autres personnes bi·es qu’elleux mêmes et à peine plus de la moitié connaissent des "bi·es célèbres".

Des clichés pour invisibiliser

Des hétér@s réfoulé·es, qui veulent s’amuser le samedi soir
De toute façon tout le monde est un peu bi·e
C’est juste des pratiques c’est pas politique”... bla bla bla

Pour résumer, être bi·e ce serait pas assez engageant pour être pris au sérieux, jamais assez définitif pour être intégré, et ce serait des pratiques un peu honteuses, bien plus des pratiques de sexualité qu’une réelle orientation sexuelle.

Les clichés et rejets sont là depuis le début de l’organisation des milieux LGBT+ et tpg. Sur eux sont fondées les injonctions identitaires : par exemple, les bi·es doivent prouver leur intégration en ne montrant pas trop d’hétérosociabilisation en public.

Les bi·es doivent assumer leurs choix et pas se plaindre des conséquences. Il est classique de constater une plus grande sororité pour des meufs hétéras en galère dans leur(s) relation(s) que pour les meufs bies, considérées comme ayant eu le choix. Plus encore les mecs bi, quand ils sont cis, sont soupçonnés d’être des infiltrés, et ils ont sérieusement intérêt à montrer la réalité de leur queerness en couchant/sortant régulièrement avec des mecs cis.

Il y aurait deux personnes bi·es sur terre : un mec cis bi, qui gère pas trop avec les mecs avec qui il relationne, et une meuf cis bie qui s’avèrera tôt ou tard être finalement hétéra...

Tou·tes les bi·es ont ce potentiel de merder dans leurs relations sexo-affectives et sont attendu·es au tournant quand iels vivent une situation qui ressemble à ces clichés.

Nous n’avons pas le droit à une diversité de modèles, nous sommes réduit·es à plus ou moins grossièrement ces deux clichés négatifs. Bien sûr, on fait des erreurs dans nos relations. Comme tout le monde. Sauf que les merdes individuelles des bi·es, elles pèsent sur toute la famille : cette meuf bie qu’on connait qui a fait ça, ce mec bi qu’on connait qui a fait ça... ça justifie des accusations générales contre les bi·es, un doute initial et permanent qu’à un moment ou un autre une situation comme ça arrivera.

Et comme on s’attend à ça de nous, toute histoire qui vient valider ce cliché est consciensieusement cataloguée et ressortie à l’envie. Alors qu’au contraire, toustes les bi·es qui sont “bien intégré·es à queerland”, ben on les oublie (quand carrément on ne les voit pas…). Ça s’appelle le biais de confirmation : on ne retient que ce qui vient confirmer nos croyances déjà établies.

De quand date ce péché originel ? Qui est le premier mec cis bi à avoir été plus engagé avec une meuf qu’avec un mec, où est la première meuf cis bie qui s’est finalement casée avec un mec ? Peu importe, on n’a pas fini de payer pour elleux. Tant pis pour la réalité complexe de nos vécus.

L’une des conséquence de tout ça, c’est qu’on est plein à ne pas oser se nommer comme bi·es tant qu’on a pas eu “suffisamment” de relations avec des personnes de genres différents. On a quelques problèmes de légitimié, quoi, et c’est pas sans raison. Y’en a même parmis nous qui se cachent carrément et ne sortent jamais du placard, même dans les milieux queer/tpg. Par exemple, il y a plusieurs années aux UEEH, quand on a voulu faire un groupe de parole pour les personnes bi/pan, certain·es ont demandé à le faire dans un endoit discret, histoire de ne pas s’outer comme bi·es par peur des représailles. Cette peur ne vient pas de nulle part.

C’est hyper galère de relationner avec des personnes queer/tpg quand iels nous abordent avec autant de méfiance (voir aussi la partie Cliché : "Les bi·es sont des chaudasses infidèles."). Du coup on se retrouve souvent remisé·es à hétéroland, venant donc confirmer les clichés…

Bingo ! Si on était accueilli·es par nos camarades des milieux queer/tpg avec plus de chaleur et d’enthousiasme, peut-être qu’on arrêterait de les quitter pour des hétér@s, vous croyez pas ?

Le noeud des mixités choisies

Un autre point qui nous crispe régulièrement, c’est certaines mixités choisies pour nos événements, en particulier : tpg, mtpg, tpgia, ou encore “mtpg, c’est à dire sans mecs cis hétéro”. Y’a d’autres mixités choisies / non mixités qui nous questionnent, mais pas directement en lien avec des bails de biphobie alors on ne va pas développer ça ici, d’autres l’ont déjà très bien fait.

Tous ces acronymes sont de ceux qu’on voit le plus souvent dans nos milieux (mais pas les seuls, heureusement !). Le gros point commun qu’ont toutes ces mixités, c’est qu’elles invisibilisent activement les personnes bies, en refusant de les nommer dans les personnes comprises dans la mixité choisie. Meufs, trans, pédé, gouines, inter et personnes asex ont leur place… mais pas nous. À croire que dans la tête de nombre de camarades, nous n’existons pas. Or, on l’a dit et redit, on est ici depuis le début, pas “à côté”, pas “en soutien”, mais au front, dans les orgas, dans les solidarités, dans les intimités, bref : partie prenante de communautés qui sont les nôtres.

On a voulu comprendre d’où ça venait, notamment ce terme de “tpg”. Alors on a fouillé, on a questionné des ancien·nes. Et on a appris que “transpédégouine”, c’est un terme qui a été créé au début des années 2000, suite à des conflits interpersonnels au sein d’un collectif militant, qui impliquaient notamment des personnes bi·es. Le collectif a fait scission, en deux collectifs : l’un bi-radical, et l’autre organisant des événements en mixité “transpédégouines”. Le terme a été choisi (et inventé) pour exclure spécifiquement les personnes bi·es avec qui il y avait conflit. Un peu démesuré, non ? Et complètement biphobe. Un autre “péché originel” don’t on se passerait bien. Comme si le conflit était là à cause de la bisexualité des personnes impliquées, et que toute personne bi·e portait en elle la même menace de dissension.

Tout le monde n’a pas l’historique de ce terme (nous même on ne savait pas tout ça avant d’écrire cette brochure), alors on veut bien croire que tout le monde ne l’utilise pas avec un objectif d’exclusion des bi·es. Mais vu le contexte biphobe de nos milieux, si nous sommes les bienvenu·es (et on ne voit vraiment pas pourquoi on ne le serait pas !!), alors svp précisez-le. Et évitez à tout prix l’élongation de tpg (mtgp, tpgia) sans nous ajouter, c’est encore plus excluant : genre, on a essayé de penser à tout le monde, mais, oups, on vous a oublié·es.

Aussi, à celleux qui disent ne pas aimer les acronymes, on voudrait pointer que “tpg”, c’en est un. Si si, on vous assure.

Y’a des mots beaucoup plus inclusifs qui existent… comme “queer”, par exemple. Ou des raccourcis qui nomment celleux qu’on exclue (comme “sans mecs cis hétéro”). Ou des paraphrases qui ont le mérite de nommer ce qui nous rassemble : “pour les minorités de genre et/ou d’orientation sexuelle”, “pour toutes celleux qui subissent et luttent contre le cishétéropatriarcat”, etc. Et plein d’autres à inventer.

Enfin, un petit point sur “mtpg” et ses dérivés : ce sont des mixités qui incluent officiellement les pédés cis tout en excluant activement les mecs cis bi. C’est pas un hasard. La biphobie que nos frangins cis vivent est assez spécifique et bien véner. On en parle plus longuement dans la partie “les bi·es sont des sales traîtres à la cause”.

Cliché : "Les bi·es sont des chaudasses infideles."

« C’est l’hétéro qui veut s’amuser le samedi soir »
« Un plan à trois, ça te dit ? »
« En fait, t’es vraiment une chaudasse... ! »
(en couple avec une personne monosexuelle) « mais... ça te manque pas de coucher avec les hommes/femmes ? »

Le gros cliché qui tourne dans la tête de beaucoup de monosexuel·les, c’est que les bi·es sont des grosses chaudasses. Les bi·es seraient toutes des personnes infidèles car potentiellement insatisfait·es de ne sortir qu’avec une seule personne et donc de n’avoir accès qu’à “un seul genre”, cliché qui colle un peu plus aux mecs cis bi qu’au meufs cis bies (c’est les études qui le disent, cf la bibliographie). Y’a plusieurs conséquences à l’existence de ce stéréotype, qui s’entremêlent toutes (et contribuent à faire des bi·es un groupe social opprimé spécifique, cf la partie sur l’oppression systémique) :

1 – Les monosexuel·les, bien qu’iels envisagent pour la plupart la possibilité de coucher avec des bi·es, sont moins chaud·es à développer des sentiments amoureux, et encore moins à se sentir d’entrer en relation amoureuse avec un·e bi·e. Quelques chiffres issus de l’enquête nationale sur la bisexualité de 2015, par SOS Homophobie :

• la moitié seulement des hétér@s seraient ok pour coucher avec un·e bi·e, pour 77 % des lesbiennes et 83 % des gays… mais pas tout le monde, quoi (!!) ;
• sur “développer des sentiments amoureux envers un·e bi·e”, les hétér@s et les lesbiennes ne bougent pas trop, tandis que les gays passent à seulement 68 % à être ok ;
• enfin, quand il s’agit de se mettre en relation amoureuse, c’est la débandade, seulement 42 % des hétér@s, 62 % des lesbiennes et 53 % des gays sont partant·es !! (pour ces trois questions, les bi·es ont aux alentours de 90 % de réponses positives… soit quand même une part non négligeable de biphobie intériorisée, murf :/ ).

2 – Du coup, les bi·es galèrent à nouer des relations amoureuses avec des mono, puisque ces dernier·es veulent bien d’elleux... mais seulement tant qu’on s’en tient au cul (et encore) ! Ce qui vient donc entretenir le cliché que les bi·es sont des chaudasses, qui sont là juste pour s’envoyer en l’air… alors que c’est surtout qu’on ne nous laisse pas le choix (cliché auto-réalisateur, te revoilà !).

3 – Dans le cas où un·e bi·e est en relation amoureuse avec un·e mono, comme ce·tte dernier·e craint de ne pas être “suffisant·e sexuellement”, il y a un risque plus grand d’injonction à devoir à tout prix partager une sexualité “chouette”. Entendre par là : “si on baise pas assez, c’est que je te suffit pas ; alors si tu m’aimes, faut qu’on baise plus”. Ce qui génère viols conjugaux et autres violences, en plus d’entretenir l’image des bi·es ayant une sexualité débridée.

4 – Enfin, parce que les bi·es sont invisibilisé·es voire nié·es dans leur identité, iels doivent un peu en permanence “prouver” que leur orientation sexuelle est réelle. Il y a donc une pression sociale constante à coucher régulièrement avec des gens de différents genres, pour ne pas être “déclassé·e”, de bi·e à homo ou hétér@. Ça fait donc que beaucoup de bi·es ont, de fait, une sexualité ouvertement active et multiple afin de continuer à exister comme bi·e aux yeux de leur(s) groupe(s) d’appartenance. Pourtant, on vous assure : ce n’est pas parce qu’on est bi·e qu’on est forcément polyamoureux·se ou libertin·es.

Bien sûr, tout ça s’exprime différemment selon les groupes sociaux… et les milieux queer/tpg ne sont pas épargnés ! C’est ouf le nombre de refus qu’on essuie de la part de gouines ou de pédés quand iels apprennent qu’on est bi·e. Ou bien l’impression de souillure qu’on a en tant que meuf bie quand on dit aux camarades tpg avoir couché avec un mec cis : genre “mais tu parles d’un mec… il était trans, au moins ?!”.

Et on trouve tout ça quand même vachement ironique. Car le cliché de départ est basé sur une vision essentialiste, en mode : “c’est fondamentalement différent de coucher avec une meuf que de coucher avec un mec, alors si t’es bi·e t’as besoin des deux”. Y’a des bi·es, des lesbiennes, des gays et des hétér@s qui pensent ça.

Mais ce n’est pas le point de vue partagé dans les milieux queer/tpg, en tout cas pas tels que nous les vivons. Nos communautés sont construites sur des bases identitaires ET politiques, notamment féministes matérialistes : nous militons pour que les identités de genre soient traitées comme des constructions sociales et pas comme des éléments innés de nos individualités. Alors c’est quand même grave dommage qu’on perpétue un stéréotype qui s’appuie sur des trucs aussi nazes et en contradiction avec ce pour quoi on se bat, non ?

Cliché : "Etre bi·e, c’est avoir le privilege hetero"

ou le fameux "refuge d’hétéroland"

« Toi t’es à l’abri, tu peux aller te planquer quand tu veux »
« J’en ai marre de ces bi·es qui retournent toujours à hétéroland »
« La biphobie ça n’existe pas, tout ce que vous vivez c’est de l’homophobie, mais avec le privilège hétéro en plus »

Passing Bi

Si on regarde nos vécus de bi·es et si on lit un peu les frangin·es qui théorisent dessus (Shiri, te revoilà !), il semblerait que c’est quasi impossible de sortir du placard en tant que bi·es. Ou alors on doit le faire encore et encore et encore et encore... Il n’y a pas de réel "passing" bi, pas de manière de s’afficher publiquement comme tel·le : si on a un look queer, on passe pour homo ; sinon, on passe pour hétéro. Pas de troisième option, sauf dans des situations un peu drama ou qui impliquent un affichage extrême, du genre "je roule des pelles à des mecs ET des meufs dans la même soirée" ou encore "chérie, je te quitte pour un autre". Et dès que la situation est passée, dans la tête des gens on retourne d’un côté ou de l’autre de la monosexualité.

Les seules personnes qui nous identifient comme bi·es, sans que l’on aie besoin en permanence d’un badge taille XXL qui clame notre bisexualité... ce sont des autres bi·es ! Et encore, pas toustes. Plutôt celleux qui ont déjà (presque) gagné la bataille contre leur biphobie intériorisée. On se reconnait timidement, sur des petits riens qu’on serait bien en peine de nommer. Et on garde l’information secrète, quelque soit le milieu, queer ou hétéro : il ne s’agirait pas d’outer un·e frangin·e bi·e sans son autorisation. On hésite même à en parler à la personne concernée, de peur de se tromper et de s’outer soi même auprès de quelqu’un·e qui ne nous voudrait pas du bien.

Mais du coup, si on ne passe que très peu pour bi·e, il se passe quoi pour nous ? Et bien on passe constamment, de manière volontaire ou imposée, comme faisant partie de groupes auxquels on n’appartient pas vraiment. Cela nous donne certes accès à certains avantages (par exemple via le fait d’être pris·e pour hétér@), mais avec toujours le risque d’être découvert·e comme imposteur. Et alors là, on nous le fait payer cher ! Nous sommes des traitres, on contamine, on souille les espaces bien propres du monosexisme.

En tant que bi·e, la question de "quand s’outer" se pose en permanence, surtout dans les espaces de flirt, sans réponse satisfaisante. D’où par exemple l’isolement, les problèmes de santé mentale, mais aussi les violences conjugales comme moyen de nous faire payer notre transgression.

Le "refuge d’hétéroland"

Enfin, revenons sur cette question des privilèges que les bi·es auraient en passant pour hétér@s. Subitement, être au placard deviendrait une chance... Du fait d’être bi.e, on aurait une porte de sortie des oppressions : retourner au placard et se réfugier à hétéroland, avec tous les privilèges que ça implique. On serait même des genres d’hybrides, éternellement dans l’entrebâillement du placard.

Alors oui, mais : ce fameux privilège de pouvoir continuer à se cacher, sur quoi il tient ? Parce que, admettons que le le placard soit une chance, alors dans ce cas c’est une chance partagée bien au-delà des bi·es. Si on se dit que le placard, c’est une super cabane, ça vaut pour tout le monde, les lesbiennes et les gays compris.

Et habituellement, c’est pas considéré comme une très bonne cabane. C’est même plutôt carrément une souffrance, très souvent une situation subie, associée à la peur. Et sortir son esprit du placard, puis en sortir tout entièr·e, quand c’est voulu, c’est même plutôt considéré comme un grand moment.

Alors pourquoi pour nous, ça serait un privilège d’y retourner et un refuge d’y être ? L’argumentaire classique, celui qu’on entend, c’est qu’on peut se cacher, qu’on peut (se) mentir, qu’on peut nier nos désirs, nos vécus et nos relations, qu’on peut douter… C’est un peu étrange de devoir le redire comme ça, mais le placard, c’est le même, et il a jamais vraiment transpiré le fun. Et que même s’il donne accès à certains (petits) avantages, il ne fait pas disparaître d’un coup de baguette magique toutes les oppressions que l’on peut vivre en tant que bi·es.

Alors, il faut trancher, soit le placard est un havre de paix et de sécurité à Hétéroland, soit c’est source de mal-être et c’est une violence. Et ce, pour TOUT le monde.

Cliché : "Les bi·es sont des sales traitres a la cause"

La trahison par la (soit-disant) intégration

L’idée que la bisexualité aurait une espèce de super statut et d’acceptation dans hétéroland, c’est tenace et ça à de l’ampleur depuis les années 70.

Ça vient pas de nulle part : des médias très populaires et importants font des unes sur la bisexualité, en mode grande vitrine de coolitude. Mais dans les faits, c’est pas un traitement de fond, c’est plutôt quelques pics où la visiblité est grande et fait le focus sur des célébrités. Par exemple, dans le genre ancien il y a la Une ’Bi Chic’ du TimeMagazine, et dans le genre récent, l’énorme succès musical "I kissed a girl". Le reste du temps, la bisexualité est totalement absente (voir la partie sur l’invisibilisation des bi·es).

Il y a donc des trucs qui se popularisent avec cette tendance à la coolitude bi : l’idée que "de toute façon tout le monde est un peu bi·e", des mots comme "bicurieux·ses", tout ça diffusé par les radios, les magazines et les télés, et bientôt ancré comme une représentation type : les bi·es que l’on montre sont avant tout des bi·es blanc·hes, essentiellement des meufs, de classe moyenne sup (et cis, bien entendu). Les autres, nous n’existons toujours pas.

C’est une jolie vitrine de la bisexualité, avec juste derrière tous les principaux clichés qui font tellement de mal aux bi·es : la chaudasse, la licorne, les traitres, l’infidèle, etc. Parce que cette coolitude, elle n’existe qu’associée à hétéroland, au potentiel plan à 3, à une libido démesurée, à une sexualité exotique et dévouée. Toute relation plus sérieuse serait un malentendu, entravé de jalousie et de violences conjuguales (en moyenne plus élevées que celles vécues par les hétér@s, on le rappelle, voir la partie sur les oppressions systémiques).

Cette coolitude de façade peut donner l’impression qu’il n’y aurait aucune oppression. En tout cas, qu’il y a en aurait moins. C’est cette prétendue “meilleure place” qui fait que les bi·es sont dans le meilleur cas considéré·es comme des allié·es au sein milieux queer/tpg, sans jamais vraiment en faire partie. C’est cette prétendue “meilleure place” qui permet par exemple à des queers de moins soutenir des meufs bies que des meufs hétéras dans leurs relations violentes avec des mecs cis.

Les meufs cis bies : la trahison de la gouinerie et du féminisme

(en groupe de parole féministe queer) « Ici c’est pas l’espace pour causer de tes relations hétéro »

La traîtrise politique implique qu’il y a trahison des valeurs politiques du milieu, soit trahison d’un féminisme blanc queer et anar. Cela est dû au fait que la plupart des personnes qui le composent sont afab, avec une majorité de meufs cis gouines blanches et c’est donc à partir du vécu majoritaire de ces personnes que la doctrine et la pensée du milieu s’est construite et imposée.

L’ennemi politique est le mec cis (hétéro mais cis en général) car il incarne la figure dominante du patriarcat. Heureusement, il existe des critiques de plus en plus visibles sur le fait que toutes les masculinités ne se vallent évidemment pas et ne sont pas nécessairement toxiques (hommes racisés, pauvres, hommes trans ou personnes trans masculines, etc.).

Ainsi, dans cette configuration de pensée féministe blanche anar/queer, continuer à VOULOIR coucher avec l’ennemi par désir / amour / etc., sans rétribution codifiée comme celle du travail du sexe est perçu comme une trahison à la "gouinerie".

On s’explique : Le sentiment d’appartenance au milieu tpg et les hiérarchies intracommunautaires se construisent (même si personne ne dit vouloir cela) sur une hiérarchie des oppressions (race, genre, classe, validisme), couplée à une narration de soi "critique", en mode “j’ai bien compris ce qu’on attend de moi pour être reconnu·e dans ma valeur”. Cela a des impacts directs sur nos histoires de coeur et de cul. Autrement dit, pour être reconnu·e dans le milieu, il faut coucher de préférence avec les membres du-dit milieu, SURTOUT quand t’es une meuf cis.

Du coup, sans cadre matérialiste tel que le "travail du sexe", vouloir faire perdurer et incarner une situation d’exploitation (ici les rapports cishétéros) est percu comme une forme avancée de stupidité face à un milieu qui apporterait toutes les solutions alternatives à ce que propose hétéroland, notamment sexuellement et affectivement. Soutenir des bies dans leurs relations avec des mecs cis, ça serait accepter que des frangines “sortent du milieu pour coucher” et donc reconnaître que la gouinerie féministe n’a pas tout résolu en terme d’alternatives de vie au monde cishétéro.

Alors comme le problème ne PEUT PAS venir de notre cher milieu (non non), ce sont forcément les meufs désignées comme bies ou hétéras qui sont les coupables, en retournant toujours vers les hommes cis après des histoires de gouines. À la trahison personnelle s’ajoute donc la trahison politique. Les queers accorderaient-iels donc tant d’importance politique aux relations sexuelles, pour en faire ainsi le centre de leur révolution ? Est-ce vraiment en fliquant mutuellement nos coucheries qu’on veut renverser ce monde ?

Les mecs cis bi : des predateurs infiltrés

(une meuf cis en parlant d’un copain cis pédé) « Ah mais il est bi en fait ?? Je vais plus me sentir à l’aise à dormir avec lui, du coup »

La biphobie envers les mecs cis, en tout cas dans les milieux queer/tpg, est assez différente de celle envers les meufs cis. Parce qu’il n’aurait pas “complètement” quitté hétéroland, le mec cis bi appartient encore à la classe de “l’ennemi”. C’est un prédateur en puissance. L’accepter parmi nous, c’est laisser entrer le traître et le danger. Car c’est bien connu, les mecs cis bi dans les milieux queer/féministes, ils sont juste là pour pécho de la meuf déconstruite. Et d’ailleurs ils sont pas vraiment bi, ils disent juste ça pour augmenter leur street-cred et baiser plus.

Quand on essaie de pousser l’argumentaire sur des bases féministes matérialistes, y’a des trucs qui font sens au premier abord : oui, puisque les mecs cis (bi) sont les terribles agents du patriarcat, sortir avec comporte son lot de violences potentielles. Mais n’est-ce pas la même pour toute dynamique relationnelle, puisque toutes les relations comportent, à des degrés divers, des rapports de pouvoirs et de domination ? Dans ce cas, pourquoi diaboliser les uns, mais pas les autres ? Certain·es pourraient dire qu’un pédé cis avec une personne transmasc, c’est une relation queer, que c’est pas pareil ; que même s’il y a des rapports de pouvoir, c’est pas exactement la même vu que ça concerne des personnes queer. Ok. Mais alors !breaking news ! : une relation entre une personne bie et une autre personne queer… ben c’est une relation queer aussi. Les mecs cis bi sont queers, eux aussi. Aucun·e de nous n’est “à moitié hétér@ et à moitié homo”. On est bi·es, on est là, et on est queer. LES MECS CIS BI AUSSI. Faut le répéter ?

Là encore, avec des croyances pareilles, on voit la difficulté que peuvent avoir les mecs cis bi dans nos milieux à… ben tout simplement à exister, en fait. Aucun·e de nous n’a envie d’être constamment traité·e en ennemi par les gens qui devraient constituer notre communauté.

Et les personnes trans, dans tout ça ?

« Nan mais toi t’es trans, ça compte pas »

On l’a évoqué dans l’intro : du fait de leur parcours de genre, les personnes trans bénéficient d’une sorte “d’immunité à la biphobie”. On est déjà bien assez “cool” d’être trans, on peut donc bien coucher avec qui on veut et s’étiqueter comme on veut. D’ailleurs, la coolitude ça s’attrape comme comme une IST : coucher avec nous, ça fait monter la fame de nos amant·es cis.

Contre-argumentaire : Berk. Caca. #transphobie #biphobie

(ouais, on va pas faire plus d’effort tellement ça nous saoule comme rhétorique)

Theorie politique radicale bie

Malgré la difficulté pour les bi·es de faire communauté, et donc de créer du commun, il existe une pensée politique bi radicale, portée notamment par plusieurs auteur·es bi·es.

Shiri Eisner, dans Bi : Notes for a bisexual revolution , définit l’approche politique radicale comme une approche qui vient critiquer les structures de pouvoir et de domination, structures à la racine des oppressions. Elle y oppose une approche libérale, ou assimilationniste, qui consiste avant tout pour les populations opprimées à lutter pour obtenir des droits égaux (ex : mariage entre personnes de même sexe) et donc à se "normaliser".

Cette question, ce choix entre les deux modes de lutte, se posait dès les débuts des mouvements bi, comme en 1993 dans un article de Paula C. Rust, "Conceptualiser la bisexualité", édité dans le recueil Closer to Home : Bisexuality and Feminism : "Si [...] nous adoptons une idéologie libérationniste, le mouvement bisexuel pourrait réussir à ajouter un nouveau groupe de personnes à la longue liste des minorités opprimées. Si plutôt nous rompons avec les récentes traditions politiques, alors le mouvement bisexuel a le potentiel de changer radicalement la façon dont nous voyons le genre et la sexualité."

Devons-nous préciser que c’est dans la pensée bi radicale que nous – auteur·es de cette brochure et complices – nous retrouvons le mieux ? C’est précisément là que le potentiel subversif de la bisexualité se déploie en chatoyant de mille feux (au moins tout ça !).

Même si tout au long de cette brochure on a principalement donné des contre-argumentaires aux principaux clichés sur les bi·es auxquels nous faisons face dans nos communautés (et à hétéroland !), on veut aussi venir questionner les raisons même de cette biphobie et du monosexisme dont elle découle. Pourquoi cette nécessité d’invisibiliser les bi·es, ou – quand on admet notre existence – de nous faire porter tant de clichés dévastateurs ? Cet effacement des bi·es par le monosexisme a été traité par Yo Shino, dans The epistemic contract of bisexual erasure. Si on nous dénigre autant, c’est parce que notre existence est une menace pour les mondes homo- et hétérosexuels : nous venons brouiller les pistes, transgresser les frontières, pas seulement du désir et de la sexualité mais aussi du genre, de la famille, de la monogamie…

Par exemple : certes, contrairement aux clichés, tou·tes les bi·es ne sont pas infidèles/poly/salopes/etc. Mais il est vrai que la bisexualité en elle-même invite à se questionner sur la monogamie et sa pertinence :

Clairement, la permission et la possibilité du polyamour est une catégorie de questions soulevées par la bisexualité. Lorsque nous imaginons des dynamiques familiales fluides, ou les unions capables d’être créées par de telles relations, nous commençons à entrevoir la nécessité de quelque chose de bien différent des unions monogames approuvées par l’État. (How Queer !, 2016, introduction de Faith Beauchemin - traduction dans la brochure Bisexuality and Feminism - How queer !)

Cette peur de la bisexualité, vue par le monosexisme comme une menace, est développée plus avant par Jo Eadie, dans Activating Bisexual Theory, en s’appuyant sur les travaux de l’anthropolgue Mary Douglas autour de la pureté et du danger. Selon Mary Douglas, la saleté, c’est "de la matière qui n’est pas à sa place", "un sous-produit d’un système d’ordre et de classification" dont les tentatives d’éradication sont en fait des tentatives pour contrôler et réguler l’ordre social. Pour Jo Eadie, tout comme pour Shiri Eisner, la bisexualité fait peur car elle vient polluer l’ordre social monosexiste : elle n’a pas de place, elle s’insère dans les brèches et agit donc comme une menace pour l’ordre établi. Et on le sait : c’est de la transgression, de la pollution, même ! que naissent les révolutions.

La pollution et l’hybridité sont à la base de la bisexualité : au lieu de nous ranger sagement, nous pouvons être férocement inauthentiques, indécis·es, multiples, transgressif·ves, invasifs·ves ! En défonçant les barrières, en mélangeant les genres, en acceptant la diversité de nos identités et de nos désirs, en refusant d’être "acceptables", nous pouvons péter les bases de la cishétéronorme. Rien que ça.

Bon, dit comme ça, ça fait un peu prétentieux. Bien sûr que les bi·es vont pas changer le monde à elleux seul·es. Ici on parle théorie politique. Quand on passe à la pratique, TMTC, ça devient vachement plus complexe et nuancé.

Enfin, comme on l’a pointé dans la partie sur le genre : il y a des liens évidents à faire entre bisexualité et transgression des normes des genre. Et ce, à la fois comme moyens d’expression individuelle et comme outils de lutte. Les transgressions de genre sont si chères à nos milieux queer/tpg... alors pourquoi taper en même temps sur la bisexualité ? Ça fait un peu "deux poids deux mesures", non ?

Conclusion

Bon, on pense qu’on a dit l’essentiel, on va pas se répéter.

A toi, le·a mono qui a lu cette brochure, si ça t’a parlé et que t’as envie d’améliorer les choses : cause avec tes potes et dans tes collectifs, écoute les personnes bi·es qui t’entourent (si si, il y en a !) et nomme les propos et comportements biphobes que tu vois. L’idée c’est pas de sauter à la gorge des gens, mais plutôt d’ouvrir les discussions pour améliorer les choses. Et si tu doutes de ce qu’on te raconte, essaye un peu de regarder autour de toi. Enfin, si tu es de celleux qui font du gatekeeping pour garder la “purete” du milieu, rappelle-toi bien qu’on est là depuis le début, et qu’on ne bougera pas.

A nous les bi·es, n’oublions pas qu’on est nombreux·ses, qu’on est déjà partout dans les milieux tp(b)g et queer, qu’on a toujours fait partie de l’histoire de ces milieux, pis qu’on est flamboyant·es et incroyables, Alors partout soyons allié·es, soyons complices, soyons fièr·es et fort·es.

Bi·bliographie

Bon, on va être honnêtes, on n’a pas lu dans le détail chacune de ces ressources. Si on les cite, c’est soit qu’on les a lues, soit que leurs résultats ont été cités ou utilisés dans d’autres trucs qu’on a lus (comme le bouquin de Shiri Eisner ou bien d’autres études)... ouf !

Bouquins

How Queer ! Personnal narratives from bisexual, pansexual, polysexual, sexually-fluid, and other non-monosexual perspectives, 2016, Faith Beauchemin
Bi : Notes for a Bisexual Revolution, 2013, Shiri Eisner (bientôt traduit et publié en français)
The epistemic contract of bisexual erasure, 2000, Yo Shino
Activating Bisexual Theory : lesbian, gay, bisexual politics , 1993, Jo Eadie

Brochures

Bisexuality and Feminism - How queer !
Deux fois plus de chances le samedi soir

Rapports

Enquête nationale sur la bisexualité de 2019, par SOS Homophobie – l’ensemble des résultats n’est pas encore sorti mais un résumé est disponible sur le site de Bicause : https://bicause.fr/wordpress/wpcontent/uploads/2019/04/Enqu%C3%AAte-biphobie-Pr%C3%A9cis-2-avril.pdf
Etude de l’INED de 2018 sur les personnes qui se disent bisexuelles en France : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28720/population.societes.5 61.decembre.2018.bisexuels.fr.pdf
Enquête nationale sur la bisexualité de 2015, par SOS Homophobie : https://www.sos-homophobie.org/sites/default/files/rapport_bisex ualite_2015.pdf
"Bisexual Invisibility", San-Francisco Human Rights Commission, mars 2011 : https://sf-hrc.org/sites/default/files/Documents/HRC_Publications/ Articles/Bisexual_Invisiblity_Impacts_and_Recommendations_March_2011. pdf

Sites web

Bicause : http://bicause.fr/
Article des ourses à plumes : https://lesoursesaplumes.info/2018/12/10/petit-manueldautodefense-contre-la-bi-panphobie-en-milieu-militant/

Articles de recherche (en anglais)

Attitudes toward Bisexual Men and Women among a Nationally
Representative Probability Sample of Adults in the United States, par Brian Dodge, Debby Herbenick, M. Reuel Friedman, Vanessa Schick, Tsung-Chieh (Jane) Fu, Wendy Bostwick, Elizabeth Bartelt, Miguel Muñoz-Laboy, David Pletta, Michael Reece, and Theo G. M. Sandfort, 2016 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5082634/
Differences in Lesbian, Bisexual, and Heterosexual Women’s Experiences of Sexual Assault and Rape in a National U.S. Sample par Sasha N Canan, Kristen N Jozkowski, Jacquelyn D Wiersma-Mosley, Mindy Bradley, Heather Blunt-Vinti, dans Journal of interpersonal violences, juillet 2019 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31347442/
Sexual victimization and associated risks among lesbian and bisexual women, par Amy L. Hequembourg, Jennifer A. Livingston, and Kathleen A. Parks, dans Violence Against Women, mai 2013 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3706505/
Dimensions of sexual orientation and the prevalence of mood and anxiety disorders in the United States. par Bostwick WB, Boyd CJ, Hughes TL, McCabe SE., dans American Journal of Public Health. 2010 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2820045/
Individual and Social Factors Related to Mental Health Concerns Among Bisexual Men in the Midwestern United States. par Dodge B, Schnarrs PW, Reece M, Martinez O, Goncalves G, Malebranche D, et al. , dans Journal of Bisexuality. 2012 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3383005/
A meta-analysis of disparities in childhood sexual abuse, parental physical abuse, and peer victimization among sexual minority and sexual nonminority individuals. par Friedman MS, Marshal MP, Guadamuz TE, Wei C, Wong CF, Saewyc EM, et al., dans American Journal of Public Health. 2011 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3134495/
Lifetime prevalence of mental disorders and suicide attempts in diverse lesbian, gay, and bisexual populations. par Meyer IH, Dietrich J, Schwartz S. , dans American Journal of Public Health. 2008 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2377299/
A Systematic Review of Research on Intimate Partner Violence Among Bisexual Women, par Autumn Bermea, Brad van Eeden-Moorefield, Lyndal Khaw, dans Journal of Bisexuality, December 2018 https://www.researchgate.net/publication/329591000_Journal_of_ Bisexuality_A_Systematic_Review_of_Research_on_Intimate_Part ner_Violence_Among_Bisexual_Women
Differences in Lesbian, Bisexual, and Heterosexual Women’s
Experiences of Sexual Assault and Rape in a National U.S. Sample par Sasha N Canan, Kristen N Jozkowski, Jacquelyn D WiersmaMosley, Mindy Bradley, Heather Blunt-Vinti, dans Journal of interpersonal violences, juillet 2019 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31347442/

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