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Cash investigazine Zine de la mutuelle TPGQIF Panam

mis en ligne le 28 juin 2023 - mutuelletpbgpanam

Retour sur le processus de création de la mutuelle

Au printemps 2019, des personnes s’étaient retrouvées pour organiser un pink bloc pour la manif du 1er mai à Paris. À la suite de ça, il y a eu l’envie d’initier des assemblées générales (“AG queer VNR”) régulières pour se rencontrer et s’organiser entre personnes et collectifs transpédébigouinesinter/ queer féministes qui gravitent en Île-de-France. Dans ce cadre d’abord, un petit groupe inspiré par d’autres expériences de mutualisation a voulu créer une mutuelle et s’est réuni mensuellement à partir de septembre 2019. 

Assez vite on a essayé de se redistribuer de l’argent entre nous pour voir ce que ça donnait, mais pendant plus d’un an on a aussi beaucoup discuté, tâtonné, on s’est bien pris la tête par moment à base de grandes réunions de 5h. Après un an et demi, le fonctionnement s’est stabilisé tel qu’il apparaît dans la charte (ci-dessous), même s’il continue d’y avoir des propositions de modifications. 

Au fil des mois, des personnes ont lâché l’affaire et d’autres ont rejoint le groupe, soit parce qu’elles connaissaient une personne de la mutuelle, soit parce qu’elles en avaient entendu parlé par les ag queer (plus rare). Officiellement, on a décidé que la mutuelle ne fonctionnait pas par cooptation mais qu’il est possible de la rejoindre en prenant contact par mail pour rencontrer deux membres avant d’assister à une réunion. Dans les faits, le groupe s’est élargi surtout de manière affinitaire. La question du “recrutement” de nouvelles personnes fait l’objet de nombreuses discussions autour des enjeux de mixité choisie, de l’équilibre financier, de l’ambiance, des différentes envies…
Contrairement à d’autres mutuelles dont nous avons entendu parler, les situations dans notre mutuelle sont assez stables : les personnes en situation de donner au départ le sont resté-es, et de même pour les personnes en situation de recevoir. 

Actuellement, entre 18 et 21 personnes participent à la redistribution mensuelle, et on est plutôt moins d’une dizaine en réunion. Les membres cotisent, selon leurs situations, entre 150e et rien, pour un total situé autour de 1200e tous les mois. Cette somme permet de rembourser le déficit des personnes qui sont dans le rouge pour le mois (de leur garantir un revenu de zéro euros après dépenses, donc) ; il s’agit en général de quatre ou cinq personnes. Les bons mois, on peut garantir un revenu allant jusqu’à 120e (c’est-à-dire que personne ne gagne moins que 120e sur le mois après dépenses courantes, v. plus bas pour les calculs).

La redistribution a lieu tous les mois sans faute depuis trois ans, et nous en sommes fièr-es, parce que l’un de nos objectifs était de pérenniser la solidarité financière. Cependant, les montants redistribués varient considérablement d’un mois sur l’autre, ce qui a pour conséquence que les personnes en situation de recevoir restent dans l’incertitude quant à la somme dont elles vont pouvoir disposer pour le mois.

Mutuelle TPGBI-QF Panam : fonctionnement

En créant cette mutuelle, on a clairement conscience de ne pas ré-inventer la dynamite, aussi big up pour les mutuelles de Marseille, Lyon, Toulouse, Saint-Étienne et Rennes, les textes produits et/ou les discussions nous ont carrément inspiré-es ! 

Quel est le but de la mutuelle ?

On veut assurer un revenu minimum à toutes les personnes qui participent à la mutuelle sur la base d’un partage régulier d’une part des revenus des membres qui en ont. L’idée c’était aussi de créer un espace où on se fait suffisamment confiance et où on peut parler ca$h en brisant le tabou et la honte pour pouvoir plus/mieux se soutenir concrètement, construire des solidarités matérielles entre les membres de la mutuelle (pour commencer) pas seulement en faisant tourner la tune mais aussi en se refilant les bons plans (de garants/logements/travail/santé etc.), en partageant ses compétences administratives/sa caisse/son canap, etc.

Cimetière des pratiques abandonnées #1

“Un espace où on se fait suffisamment confiance et où on peut parler ca$h en brisant le tabou et la honte pour pouvoir plus/mieux se soutenir concrètement”

En tout cas, c’était l’idée de départ. En réalité, on n’y est pas arrivé-es. On pourrait mettre ça sur le dos de la pandémie (#Mars2020) ou sur nos emplois du temps chargés et notre fatigue militante. Et même si c’est un peu vrai, il faut dire qu’on n’a pas su comment faire pour créer ces discussions de fond sur nos rapports à la thune en fonction de qui l’on est, d’où l’on vient et où on se situe maintenant. Que se rendre compte des disparités des conditions financières et matérielles de chacun-e a été difficile à vivre pour les personnes précaires et a parfois laissé les autres dans une forme de culpabilité. Bref, on a pendouillé fort au début ce qui a poussé les personnes précaires de la mutuelle à choisir de créer un groupe pour échanger entre elles sur certains sujets, se filer des bons plans, se checker après des réunions ou après des situations qui seraient arrivées.
Et après, il y a la pandémie et depuis on galère à reprendre ces discussions.

Qui peut entrer dans la mutuelle ?

Trans, gouines, bi-es, inter, pédés, meuf hétéra racisée, que tu ne saches pas quoi faire de tes économies ou que tu n’arrives pas à boucler les fins de mois avant même le 15, tu peux venir.

Comment se passent les réunions ?

Les réunions se font tous les deux mois, dans n’importe quel lieu susceptible de nous accueillir. Elles sont dissociées des redistributions.

A chaque fin de réunion, deux personnes s’auto-désignent comme référent-es pour organiser la prochaine (envoyer le mail de rappel sur la mailing list, prendre le CR, l’envoyer après la réunion, animation). Les tâches de prise du tour de parole, prise du compte rendu, etc. sont réparties entre les présent-es et tournent.

En intégrant la mutuelle, on s’engage à venir aux réunions tous les deux mois et à donner sa cotisation tous les mois.

Bien sûr, on peut faire une pause de la mutuelle ou partir mais c’est cool de prévenir, en particulier si on est en position de donner de l’argent, ça a des conséquences sur le groupe.

Comment prend-on les décisions dans la mutuelle ?

On prend les décisions au consensus et toute décision prise lors d’une réunion peut être modifiée/révoquée à la réunion suivante (ce qui laisse notamment la possibilité aux absent-es de s’exprimer). Une fois la décision validée, on expérimente la proposition pendant une certaine durée avant de décider si on garde l’idée ou non.

Comment marche la redistribution mensuelle ?

En bref : chaque mois, les membres de la mutuelle mettent en commun une partie de leurs revenus et de leurs économies qui sont ensuite redistribuées à celles et ceux qui en ont besoin ce mois-ci. Les redistributions sont mensuelles et se font entièrement en ligne, sur Paypal ou par virement, avec un tableau en ligne pour les calculs (dans le cas où une personne ne peut donner ou recevoir qu’en cash, on s’arrange entre membres).

Quel est le fonctionnement précis de la redistribution, comment calcule t-on sa cotisation ?

Attention accroche-toi, c’est sur les pages qui suivent après un petit jeu, histoire de se détendre.

Cimetière des pratiques abandonnées #2

Initialement, les réunions étaient mensuelles, entre le 6 et le 8 du mois, souvent chez l’un-e des membres de la mutuelle (on pouvait filer 1% de la caisse pour l’accueil si besoin), et à chaque réunion avait lieu la cotisation et la redistribution de l’argent, en cash. Les personnes qui ne pouvaient vraiment pas être là refilaient/ récupéraient leur argent auprès d’un-e autre membre de la mutuelle. Le but était d’éviter les problèmes liés à la dématérialisation de l’argent (tout le monde n’a pas Paypal ou un compte bancaire, et les personnes touchant des aides ne veulent pas forcément que des transferts d’argent soient visibles sur leur compte), mais surtout nous souhaitions sortir de la dynamique de la charité, ou des personnes aisées peuvent donner des sous de loin sans réellement collaborer ou s’impliquer dans une construction communautaire. La pandémie a eu raison des réunions physiques rapidement, et nous avons conservé les redistributions dématérialisées par la suite. Nous avons aussi, après à peu près deux ans, acté que les discussions autour du rapport à l’argent n’avaient pas eu lieu. Ce travail n’a jamais vraiment été fait ; les outils d’éducation populaire autour de ces questions ont été peu utilisés ; les conversations n’ont pas eu lieu ; et surtout elles n’avaient jamais intéressé tout le monde : nous avons ainsi décidé qu’il était inutile de forcer les gens à se déplacer physiquement.

Le fonctionnement de la redistribution

Étape 1 : Calculs des cotisations

Chaque mois, les membres de la mutuelle cotisent à hauteur de 5% de leurs revenus « nets » (auxquels on a soustrait nos charges) et 0,5 % de leurs économies.

COTISATION = ( REVENUS NETS x 0,05) + ( ÉCONOMIES x 0,005)

Revenus = salaire + aides de l’État (APL, bourses, RSA, AAH, allocation demandeur-euse d’asile, allocation chômage, etc.) + bénéfice d’entreprise + prime d’activité + aides financières autres + rentes + dividendes + gains aux jeux, etc.

Charges = loyer + factures d’eau, électricité, gaz, téléphone, internet + transports + personnes à charge + frais médicaux (dont psy et mutuelle santé et frais de transition non remboursés) + remboursements de prêts/dettes.

Économies = ça peut recouvrir beaucoup de choses différentes et de moyens de les avoir acquises, aussi on parle ici d’économies de sûreté et pas d’économies prévues pour un projet précis (permis, achat d’un véhicule, frais de santé prévus, frais de justice, etc.) sur autodétermination.

Étape 2 : Remplissage du tableau commun

Chacun.e calcule pour soi puis indique dans un tableau de manière anonyme et sur autodétermination :

• son revenu une fois les charges soustraites. Toutes les personnes ayant un revenu net (revenu - charges) positif (supérieur à zéro) cotisent même faiblement
• si iel a des économies supérieures à 2000€ (« oui » ou « non »). Seules les personnes ayant moins de 2000€ bénéficient de la redistribution
• le montant de sa cotisation (calcul ci-dessus)

Et si on a des dettes ? On distingue ses dettes urgentes (ex. CB bloquée, interdit bancaire, situation tendue, etc.) et les dettes non urgentes. Les premières sont à soustraire à son revenu (qui peut donc être négatif) et les secondes à ses économies.

Étape 3 : La redistribution
La somme des cotisations est intégralement redistribuée chaque mois, suivant un système de paliers.
• 1er palier : Dans un premier temps la somme obtenue est redistribuée de manière à ce que tout le monde bénéficie d’au moins 200 euros de revenus. La hauteur de ce premier palier peut être modifiée en fonction des revenus de la mutuelle (parfois atteindre un premier palier de 0€ est difficile).
• 2ème palier : s’il reste de l’argent, on le redistribue entre toutes les personnes dont le revenu est inférieur ou égal à 400€. Si jamais il n’y a pas assez dans la caisse, on calcule un seuil intermédiaire, qui correspond au plus haut revenu parmi les personnes qui avaient moins de 400 euros.

Comment ça se passe pour les dettes ?

• les dettes urgentes sont comblées lorsqu’on comble les revenus pour atteindre le premier palier (200 euros) ;
• une fois le premier palier atteint, l’argent restant est divisé en deux : une moitié pour atteindre le deuxième palier (400 euros), une moitié pour combler les dettes non-urgentes (pour qu’elles ne deviennent pas urgentes).

Par exemple : Gigi a une dette urgente de 50€ et une dette moins urgente de 300€ qu’iel rembourse de 10€ tous les mois. Gigi peut compter moins 50€ dans ses revenus et moins 300€ dans ses économies. Gigi a un revenu nul après déduction des charges, et soustrait en plus sa dette urgente de 50€, pour un total de moins 50 euros ; lors de la redistribution, iel reçoit 250€ pour atteindre le premier palier de 200€.

Exemple (fictif) de redistribution

Calcul de la cotisation de Gigi Hadid

Revenus = 100€
Charges = 20€ (forfait internet/téléphone) + 100€ (frais de santé) + 20€ (remboursement de la dette moins urgente) = 140€
Revenus charges déduites = -40€
Économies = Pas d’économies. 500 € de dette peu urgente

→ GIGI HADID a un revenu en négatif (les charges sont supérieures aux revenus). GIGI HADID ne cotise pas et peut piocher au moment de la redistribution car ses économies sont inférieures à 2000 euros.

Calcul de la cotisation de GIGI l’amoroso
REVENUS = 500€ (RSA) + 200€ (APL) - 100 € (dette urgente)
= 600 €
CHARGES = 350 € (de loyer)
ECONOMIES = 1000 € pour payer le permis (donc ne sont pas prises en compte)
COTISATIONS = (600 – 350)x0,05 + (0x0,005)
= 12,5
→ GIGI l’Amoroso cotise 12,5€

Calcul de la cotisation de GIGI D’Agostino
REVENUS = 2000 €
CHARGES = 450 € (loyer) + 50€ (frais médicaux)
= 500 €
ECONOMIES = 5000€ de sûreté
COTISATIONS = (2000 – 500)x0,05 + (5000x0,005)
= 100 €

→ GIGI d’Agostino cotise à hauteur de 100 € et ne bénéficiera pas de la redistribution, car iel a plus de 2000€ d’économies.

Calcul de la cotisation de GIGI Gorgeous
REVENUS = 4900 € (salaire) + 100€ (prime)
= 5000 €
CHARGES = 660 € (loyer) + 40€ (pass Navigo)
= 700€
ECONOMIES = 10000 € de sûreté
COTISATIONS = (5000 - 700) x 0,05 + 10000 x 0,005
= 265

→ GIGI Gorgeous cotise à hauteur de 265 € et ne pioche pas, car iel a plus de 2000€ d’économies.

SAVOIR SE SITUER : Quelques idées de questions à se poser soi-même avant de rejoindre/pendant la mutuelle…

Accès à l’emploi
• Est-ce que j’ai un travail salarié ?
• Est-ce que j’ai un travail stable ?
• Quel est mon accès au marché du travail (en fonction de mon absence de/mes privilèges dus à ma position sociale, mes diplômes, etc.) ?
• Est-ce que j’ai déjà fait/je fais un travail alimentaire qui a peu à voir avec mes intérêts/compétences ?
• Est-ce que j’exerce un travail qui me plaît/m’intéresse ?
• Est-ce que je subis un temps partiel ?
• Est-ce que je cumule différents emplois pour vivre ?
Situation financière, soutien, patrimoine
• Est-ce que je touche des aides financières de l’État ou d’une autre personne ?
• Est-ce que j’ai un-e/des backup en ce moment dans la vie ? Genre des personnes qui peuvent me donner/prêter sans intérêt de l’argent facilement ?
• Est-ce que j’ai des économies ? (Plutôt 10 balles et 1 mars, 5000 euros d’épargne ou 75000 ?)
• Est-ce que je suis propriétaire d’un bien immobilier ?
• Est-ce que je suis propriétaire d’un véhicule ?
• Est-ce que j’ai bénéficié ou je bénéficierai d’un héritage ? Quel type d’héritage ? (plutôt des dettes ? Plutôt l’équivalent d’un smic d’économie ? Un bien immobilier ? Une assurance vie ?)
• Quel type d’accès j’ai au logement ? (en fonction de mon absence de/mes privilèges dus à ma position sociale, etc.) ?
• Est-ce que je paye un loyer ? Est-ce qu’il correspond à plus de la moitié de mes revenus ?
• Est-ce que je bénéficie d’aide pour le loyer ?

Banques
• Quel accès j’ai au système bancaire ?
• Est-ce que j’ai déjà été/suis interdit bancaire ?
• Est-ce que j’ai des dettes ? Un crédit ?
• Est-ce que j’ai une ou des personnes à charge ?

Accès à la santé
• Est-ce que j’ai l’assurance maladie ?
• Est-ce que j’ai une (bonne) mutuelle ?
• Quel est mon accès aux soins ? Est-ce que j’ai bénéficié de soins sans limite au cours de ma vie ?

Nourriture
• Quelle part de mon budget représente la bouffe environ ?
• Est-ce que j’ai la possibilité de chourer ? Est-ce que je pourrais m’en passer financièrement ?
• Est-ce que j’ai la possibilité de faire des récup ? Est-ce que je pourrais m’en passer financièrement ?
Rapport à l’argent
• Est-ce que je me sens à l’aise économiquement ?
• Quel est mon rapport à l’argent ? Quelle place ça occupe dans ma tête ? (j’y pense H24 / quand je fais mes comptes une fois par mois / régulièrement / …)
• Est-ce que je parle facilement d’argent ?

Caisse d’urgence et dons ponctuels

Est-ce qu’on reçoit des dons extérieurs ?
Oui ! Ils alimentent une caisse d’urgence et viennent des boîtes à sous posées dans les endroits camarades d’île de france, des dons ponctuels de personnes extérieures à la mutuelle et les recettes des évènements qu’on organise dans ce but. Les personnes qui font des dons ponctuels passent soit par le mail de la mutuelle, soit par le numéro de téléphone de la personne référente du moment. On leur envoie ensuite la marche à suivre.

Gestion interne de la caisse d’urgence
Pour tenir les comptes de la caisse d’urgence, on utilise un tableau en ligne qui recense les montants d’entrées, les montants de sorties, l’état des transferts d’argent.Le/la référenx paypal est aussi en charge de remplir le tableau de comptes. Iel s’assure spécifiquement que le tableau soit clair au moment de le faire tourner à un/ une autre référenx. Les référenx paypal le sont pendant 3 mois (durée qui peut varier, s’il y a eu beaucoup de transferts d’argent – le mandat est écourté – ou s’il n’y en a pas eu – il peut être allongé).

Pourquoi la caisse d’urgence externe ? Pourquoi l’avoir abandonnée ?

En mars 2020, pendant le premier confinement Covid, il nous a semblé nécessaire de créer une caisse d’urgence : plusieurs d’entre nous avaient perdu leurs revenus, plus de personnes extérieures nous ont contacté-es, les redistributions mensuelles n’étaient pas suffisantes.

L’idée de la caisse d’urgence c’était de recevoir des dons ponctuels de personnes extérieures à la mutuelle et de pouvoir redistribuer cet argent à des personnes de la mutuelle qui n’auraient peu ou pas d’autres ressources pour des galères ponctuelles (frais de santé, loyer, frais juridiques, factures, dettes urgentes, etc.) et dans un premier temps à des personnes ou collectifs extérieures à la mutuelle.

En mai 2021, on a pris la décision d’arrêter de redistribuer de l’argent à des collectifs extérieurs. Notre capacité financière est trop faible, on a déjà pas assez d’argent pour assurer un revenu correct (parfois juste un revenu positif) à nos membres. On s’est dit qu’on pouvait prêter main forte aux collectifs de manières différentes : en donnant des coups de main en cas d’organisation d’évènements pour récolter de la thune par exemple, en mobilisant des ressources matérielles et militantes.

En novembre 2021, on a décidé d’arrêter la caisse d’urgence externe. Après la grande braderie qui avait permis de récolter beaucoup d’argent (voir l’encadré “How to make a lot of money : récit de la Grande Braderie”), trop peu de genx pouvaient la gérer. Les demandes se sont multipliées, des gens ont dû courir dans tous les sens pour l’apporter aux personnes qui en avaient besoin, la comptabilité était tenue par une ou deux personnes débordées en plein été, on a commencé à multiplier les critères d’octroi pour trier les demandes… Bref, on se transformait en fond social, sans en avoir ni l’ambition ni les moyens. On a jamais voulu être/faire ça ; ce qu’on aimerait vraiment c’est une multiplication des créations de solidarité matérielles continues, sur des plans matériels, administratifs, affectifs. On a décidé d’arrêter la caisse d’urgence externe pour renforcer les liens et les prêts entre les membres. On voulait quand même laisser une trace de ce qu’on avait testé, pour aider de futures expérimentatrices.

Quand on recevait une demande pour la caisse d’urgence de la part de quelqu’un-e extérieur à la mutuelle :

• Si c’est pas fait, on demande à la personne de définir un montant et un motif ;
• On informait le reste de la mutuelle de la demande (montant + motif). Si on pouvait/voulait pas gérer personnellement la demande, une autre personne se désigne pour prendre la suite ;
• On essayait d’abord de proposer des solutions autres que de l’argent (bons contacts de soignant-es/avocat-es, bons plans administratifs, distribution alimentaire, associations, réseaux de solidarité, etc.), éventuellement on en discute collectivement ;

• Si aucune solution alternative n’était trouvée, et qu’il n’y avait pas d’opposition à la proposition d’argent à transférer au bout de 3 jours, on voyait avec la personne référente de la caisse d’urgence pour faire un virement/filer la thune en liquide.

Un seuil de 100 euros était toujours conservé dans la caisse d’urgence (en théorie...) : c’était censé servir aux personnes de la mutuelle qui ne pourraient pas attendre la prochaine redistribution mais aussi à avancer l’argent quand on organise des évènements pour engranger plus d’argent. Si on avait un surplus à donner en plus de notre cotisation, on le donnait plutôt direct durant la redistribution mensuelle car nos paliers sont relativement bas et qu’on favorise plutôt l’augmentation des revenus et de l’autonomie des personnes qui participent à la mutuelle.

TUTO : How To Make a Lof Of Money pour remplir ta caisse d’urgence ? Récit de notre grande braderie

Nombre de participant-es : 86 personnes (445 intéressé-es) selon Facebook, un peu plus d’une centaine en vrai. Il y avait seulement 8 stands mais certains étaient tenus par 4-5 personnes, avec beaucoup d’affaires. Des pièces remarquables ont été aperçues avant de disparaitre, l’ambiance était cool même si c’était intense côté crew d’orga, c’est passé vite. Le FLIRT - Front de Libération Transfem - étant venu en force et en chic, avec le plus de sapes à écouler et de la marchandise de grande qualité.

Énergie : ✭✭ (moins qu’une soirée, plus qu’une cagnotte)
Niveau de difficulté de l’action : ✭✭ ( moins que braquer une banque, plus que jouer au loto)
Valeur lucrative : ✭✭✭ (plus que le montant d’une action chez LVMH)

💈 OBJECTIFS 💈

☭ Faire un max de tunes pour la caisse d’urgence de la mutuelle en organisant un évènement tout de même convivial consistant à faire circuler de mains en mains fringues, chaussures, accessoires divers et d’été, bijoux volés, make-up, livres/fanzines et CA$H.

☭ De chacun-e selon ses moyens, à chacun-e selon ses besoins : les participant-es ont la possibilité de donner, vendre à prix libres ou à prix fixes, de garder l’argent pour elleux-mêmes (pour les personnes qui s’auto-déterminent précaires, en raison de leurs conditions matérielles d’existence réelles et non imaginées) ou de le reverser à la caisse d’urgence. L’entrée est gratuite. Des boîtes à sous sont disposées dans l’espace pour récolter d’éventuels dons directs.

Propagande : présenter la mutuelle et sa caisse d’urgence prévue par l’exposition de sa charte, d’affichages et de caisses physiques pour récolter des dons.

Brossage : Pour augmenter les chances que des personnes viennent et s’offrir la totale d’un event queer aux normes, la grande braderie peut être l’occasion de convier les couzines qui font des flash tattoos, de la coiffure à prix libre, des cartes postales ou de la sérigraphie en direct, sortir l’infokiosque de référence sur les questions de classe et les expériences de mutualisation, prévoir à boire et à manger.

💈 MATÉRIELS INDISPENSABLES 💈

1). Un crew de choc : au moins trois personnes pour organiser le truc en amont (en vrai plus c’est pas du luxe, ça permet d’éviter de se retrouver avec des camarades épuisé-es et tendu-es le grand jour). Le jour J, quelques amix en plus sont indispensables pour tenir l’accueil, le bar, le banquet, les stands du crew d’orga et faire le ménage à la fin.

2). Un lieu : accessible de plain-pied, relativement spacieux pour accueillir au moins une dizaine de stands et entreposer des vêtements à l’avance. S’il y a en plus un bar/ frigo/cuisine/tireuse à bière ou d’autres infrastructures (toilettes, zone extérieure, etc.) c’est tout bénef’ ! Si c’est possible (selon le fonctionnement du lieu), les recettes du bar vont à la mutuelle aussi.

3). Une date et une durée : par exemple, une douce aprèm de 5 heures un dimanche en lendemain de pride.

4). Des joueur-euses : soit des personnes qui ont envie de vendre des vêtements et petits accessoires sur un stand + des personnes qui ont envie de faire du shopping (et/ou juste de soutenir la mutuelle) et qui ont des sous.

5). Un ou plusieurs tableaux : rien ne vaut des outils clairs et accessibles pour tout le crew afin de s’organiser avec efficacité et sérénité. L’inscription en avance des teneur-euses de stand est conseillée et peut être notée dans l’un des tableaux pour prévoir le bon nombre de tables et l’aménagement de l’espace.

6). Équipements incontournables : portants, penderie, porte manteau, tables, chaises, cintres, grandes glaces pour se mater avec les tenues essayées…

7). Une playlist de qualité

💈DÉROULÉ DES OPÉRATIONS 💈

1). Réflexion en réunion minimum 1 mois en avance : imaginer le fonctionnement de la braderie, l’accueil et se répartir de manière claire la communication, le contact avec le lieu et les couzines artistes, quelques courses, la cuisine.

2). Prise de contact minimum 1 mois en avance : le lieu, les couzines artistes, chiner des lots pour la tombola en contactant tous types d’individus (cf. « Tombola ») ;

3). Communication à partir de 3 semaines avant : production de visuels et textes de présentation à diffuser sur les réseaux, impressions et distribution de flyers, affiches, etc. (cf. notre super affiche !) ;

4). Cuisine la veille et/ou le matin : (cf. « recettes de maquis vegan et de Banana breads ») ;

La grande braderie a généré 2785 € dont 453,47 € de bénéfices du bar, environ 600€ de tombola, 300€ de sérigraphie. Le reste vient des stands sans qu’on ait le détail précis. La majorité des teneureuses de stands (braderie ou autres activités) ont choisi de reverser la totalité des tunes amassées à la caisse d’urgence.
Une contribution de 300 € a été reversée au lieu et environ 100€ remboursés aux personnes qui avaient avancé les courses.
Comme c’était convenu, le FLIRT a gardé les 500€ (non compté dans les 2785€ donc). On s’attendait clairement pas à faire autant avec si peu de frais et un event qui n’est pas une soirée de soutien. Évidemment le fait que l’événement se passe dans un lieu comme la Flèche d’Or et Paris intra-muros joue beaucoup sur le montant, beaucoup de participant-es avaient les moyens d’acheter ou de vendre sans garder les bénéfices à la fin.

💈 CE À QUOI IL FAUT FAIRE ATTENTION / AMÉLIORER 💈

• Presque 3000 balles en liquide, avec plus de pièces que de billets de 50, c’est une petite logistique à penser pour tout redistribuer via la caisse d’urgence (cf. Chapitre « Feue la caisse d’urgence externe »).
• Il est plus que probable que beaucoup d’articles restent invendus à la fin et soient abandonnés par leurs ancien-nes propriétaires. Limiter l’ampleur du phénomène en communiquant dès le début sur le fait que les participant-es en position de vente sont responsables du grand remballage (et/ou monnayer vos capacités de stockage).

Prévoir un plan B : un lieu pour les entreposer en vue d’une autre grande braderie, une association où apporter les vêtements, etc.
• Il y avait une surreprésentation de vêtements de tailles plutôt XS/S

💈 L’organisation de la TOMBOLA 💈

Étape 1 : rassembler les lots.

On a d’abord pensé à tous les lots qu’il serait cool d’avoir et on a ensuite contacté les personnes. Les contacts sont venus soit de connaissances soit en contactant direct les personnes sur instagram (parce qu’il y avait pas mal de lots d’illustration). Les lots ont été divisés en catégories : illustration, livre, objets divers (poing américain, boucles d’oreille), habits (t-shirts sérigraphiés surtout + quelques pièces de la grande braderie), et catégorie bon (pour un massage, pour une coupe de cheveux, pour un repas, pour un tatouage etc).

Étape 2 : décider d’un endroit stratégique

On était placé-es juste à côté de l’entrée/ sortie, histoire de pouvoir alpaguer avec un grand sourire quiconque s’approche un minimum. Il faut un lieu de passage donc. En plus à l’accueil de l’évènement, les personnes présentaient la tombola. Il faut vraiment pas hésiter à aborder les gens qui s’approchent du stand pour convaincre les curieux-ses de participer. On insiste aussi bien sur le nombre de lots à gagner (qui était d’environ 100).

Étape 3 : déroulement logistique

Le ticket était à 2euros. Mais j’ai vu plus tard à la tombola de 2MSG à Lyon un système plus efficace : prix normal à 2euros et prix de soutien à 3euros, ce qui laisse la possibilité aux gens de donner plus.

Pour les tickets, pas besoin d’acheter des carnets tout faits, il suffit de prédécouper des petits bouts de papier. On garde une pile à côté de soi. Quand une personne vient on inscrit son numéro sur les deux bords opposés du papier et on le coupe en deux. On en garde une partie dans un sac en plastique (ou ce qu’on veut), et on donne l’autre partie à la personne qui repart avec son numéro. Pour la grande braderie, on a aussi demandé aux personnes d’inscrire leur nom et numéro de tel au cas ou iels n’étaient pas présentes au moment du tirage. Mais avec du recul, c’est un peu une perte de temps, on ne les a pas tellement utilisés. L’avantage c’est que les gens hésitent moins, et donc plus de personnes participent. Il faut voir ses capacités à faire du service après vente de la tombola / ou sa capacité à dire quelque chose qu’on sait qu’on fera pas.

Étape 4 : la vente

C’est bien d’être deux, comme il faut écrire et découper les tickets.

Étape 5 : le tirage

On avait organisé le tirage par catégories. Le principal défaut de cette partie c’est que ça devient très long et les genx se lassent un peu, voire sont déçu⋅es quand iels gagnent pas ; faire moins de lots peut-être ? On a quand même récolté 500 euros.

Mots mêlés : trouve la richesse ;)

💈 RECETTE DE MAKIS VEGAN 💈

Makis doux au basilic vegan

• 1kg de riz rond à sushi ;
• vinaigre de riz 200ml + sucre 80g + sel 1 cuillère à café ;
• 1 grand concombre ;
• Un bloc de 500g de tofu ferme nature (pas le truc des bios granuleux pas bon stp) ;
• Sauce soja salée ;
• Huile neutre.
Pour la mayonnaise basilic :
• 20cl de crème de soja ;
• 1 bouquet de basilic ;
• Huile neutre ;
• Sel ;
• Jus d’un citron.
+ un paquet de 10 Feuilles nori en fonction de comment tu fais le montage

Riz : Mesurer ton volume de riz sec. Rincer le riz trois fois, laisse tremper 20mn. Cuire avec 1,2x son volume d’eau (à partir de la mesure à sec), à couvert, à feu moyen pendant 12 minutes environ. Laisse reposer 10 minutes à couvert hors du feu.
Prépare l’assaisonnement en faisant chauffer le vinaigre avec le sucre et le sel pour que ce soit dissout. Mélange au riz et laisse refroidir.

Garniture : Coupe ton tofu dans l’épaisseur en faisant des grandes tranches fines. Tu les fais cuire dans de l’huile et de la sauce soja en les retournant délicatement jusqu’à avoir la consistance qui te fait plaisir. Tu laisses refroidir. Prépare ta mayo en mettant la crème de soja dans un verre doseur ou un autre récipient étroit et profond. Ensuite tu mets un peu de jus de citron (tu goûtes, tu vois, tu rajoutes au fur et à mesure), des feuilles de basilic, un peu de sel. Mixes et ajoutes l’huile en filet jusqu’à ce que ça ait une consistance de mayo. Mets au frais vite fait pour que ça solidifie.

Épluche ton concombre, enlève le milieu (tu peux faire une petite citronnade avec le reste du citron coupé en morceau, le milieu du concombre et un peu de menthe si t’as ça qui traîne). Tu coupes ton concombre de manière à avoir des lamelles fines.

Pour le montage : Dans un grand plat carré avec du film alimentaire pour que ça colle pas, une couche de riz, une couche de mayo, une couche de tofu, une couche de concombre, une autre couche de riz. Comme un sandwich géant ensuite coupé en plein de petits carrés. Tu peux aussi le rouler en maki avec des feuilles nori ou en onigiri.

Laisse poser une petite heure au frais c’est toujours mieux (on parle dans l’idéal là).

Tu peux ajouter des épices ou assaisonnement supplémentaires (genre des zestes dans la mayo par ex, ou du piment quelque part).

💈 RECETTE DE BANANA BREAD 💈

Pour 100 parts : 
• 5000g de banane très mure (environ 40 bananes). Ne pas hésiter à utiliser des bananes noircies.
• 1700g de farine
• 450g d’huile neutre 
• 800g de sucre 
• 350ml de lait végétal 
• 100g de levure chimique
• 1 pincée de sel*
• Facultatif : 600g de chocolat pâtissier
• Facultatif : Une cuillère à soupe des épices que tu veux (cannelle, muscade, gingembre etc)

Éplucher et peser les bananes. Les écraser par tous les moyens possibles jusqu’à avoir une purée avec plus ou moins de morceaux.

Ajouter la farine, la levure, les épices si tu veux, et le sucre, et mélanger. Ajouter ensuite l’huile, et remélanger. Si tu mets du chocolat, coupe-le en petit morceaux et met le maintenant. Couler les préparations dans des moules de la taille que t’as, en faisant en sorte que ça colle pas (beurre / papier cuisson ou autre si tu veux). Cuire à 180 degrés pendant 30 minutes environ, mais ça dépend de ton four et de la taille de tes gâteaux. Vérifier la cuisson à l’aide de la pointe d’un couteau. Sortir du four, c’est délicieux tiède mais c’est aussi bien froid.

Si tu le fais la veille, emballe-le gentiment dans du film alimentaire, le laisse pas se dessécher à l’air libre.

“Réflexions sur les limites des collectes. Pour des solidarités collectives et durables”

Par Queer et Trans Révolutionnaires (mai 2017)

Qu’il s’agisse de répondre à des urgences ou d’aider sur le temps long, les collectes sont de plus en plus conçues pour aider des individuEs ou des familles en difficulté, c’est à dire des particuliers, et nous distinguons cela des collectes par exemple pour une organisation, un projet commun, festif et/ou solidaire (festival, construction d’une structure d’entraide), ou contre la répression (soutien pour les frais d’un procès etc.), parce que même si là aussi une réflexion peut être nécessaire, cela ne répond pas aux mêmes logiques.

Pour ce qui est donc précisément des collectes pour des particuliers, et en dehors d’un moment politique comme une répression dans le cadre d’une lutte, mais qui renvoient aux galères quotidiennes auxquelles ces individuEs ou familles font face, nous sommes abattuEs de voir qu’au final ce moyen d’aide est limité pour plusieurs raisons :

• la première c’est le manque d’argent évident qui fait que si on peut un jour donner 10 euros pour la collecte de X et 5 euros pour la collecte de Y, on ne pourra rien donner pour les 20 autres qui vont sortir dans le même mois, vu le nombre de personnes précaires ou pauvres…
• toutes les collectes ne suscitent pas le même intérêt, parce que selon leur degré d’anonymat (et donc le degré de confiance que ça inspire ou pas) ou qui est concernéE cela ne va pas recevoir la même attention, et concrètement voir des collectes qui grossissent vite quand d’autres pour des situations tout aussi graves stagnent, ça ne nous met pas du tout à l’aise
• aussi, sur un point de vue plus politique maintenant, l’aide au cas par cas ne correspond pas à la façon dont nous voulons participer à des actions de solidarité et de redistribution
• de même, toujours d’un point de vue politique, ça enrichit des sites organisateurs, qui ne sont pas vraiment des modèles d’anticapitalisme…

Il ne faut pas voir ce qu’on dit comme une manière froide et insensible de considérer les situations qui amènent à recourir aux collectes. Nous n’avons ni mépris, ni condescendance pour les collectes, nous en avons même déjà organisées, promues, sollicitées et nous comprenons amplement pourquoi on passe par là : c’est parce que les alternatives sont quasi inexistantes.

C’est pourquoi plutôt que de prendre de haut les collectes ou les ignorer, nous préférons contribuer à ce qu’on se lance collectivement (au moins dans les milieux féministes, queer, trans, ancrés dans une critique de classe) dans une réflexion sur les solutions qui nous permettraient de sortir de l’aspect personnalisé et limité des collectes. Pour que justement le plus de personnes puissent en bénéficier, et de manière efficace, notamment dans la durée.

Par exemple, est-il possible d’envisager des tontines à large échelle ? Des structures qui se créent et qui se spécialisent sur la question de l’entraide matérielle ?

Beaucoup de choses restent à penser, et on y arrivera que collectivement. Mais pour ça, se pose aussi une question de fond, bien au-delà des collectes. Question qui se pose notamment à nos milieux politiques féministes, queer, trans, non institutionnels (mais c’est vrai aussi ailleurs) et nous concerne touTEs : nous manquons de structuration et existons globalement de manière fragmentée, comme des regroupements d’individus aux sensibilités proches, avec très peu d’orgas. Voilà pourquoi les alternatives communautaires, larges et durables peinent à émerger. Il y a donc quelque chose de plus profond que cette réflexion sur les collectes nous oblige à penser : l’urgence de passer d’une nébuleuse féministe, queer, trans autonome à un mouvement féministe, queer, trans autonome structuré, autour d’organisations ayant des liens solides et existant ensemble comme un corps politique constitué, autour d’objectifs communs clairement identifiés.

Mais même si nous souhaitons aller plus loin que la multiplication des collectes, nous refusons dans le même temps de penser que la question des conditions matérielles pourrait être mise entre parenthèse et qu’il faudrait se concentrer sur « la lutte », car ça ne fait que créer des milieux militants où se forment des « avant gardes » tenues par des personnes dans un confort matériel qui peuvent effectivement réfléchir sur la Révolution parce qu’elles n’ont pas la tête sous l’eau :

« Nous sommes à cheval entre un monde où ceux qui militent ne vivent même pas une fraction de ce qui les pousse à l’action, et un autre où l’on vit constamment ce contre quoi on ne parvient à agir que de façon fragmentée ou diffuse. »

Ainsi au-delà des collectes nous devons aussi réfléchir à pourquoi dans beaucoup des milieux politiques radicaux la question des conditions matérielles est soit ignorée soit pensée avec mépris.

Affronter honnêtement cette question est un bon moyen de commencer à penser l’alternative aux collectes. On ne peut pas par exemple se montrer dédaigneux envers ce phénomène si dans le même temps on vit dans sa tour d’ivoire et qu’on ne construit rien qui aide à répondre aux besoins immédiats des populations sur lesquelles on construit pourtant sa légitimité révolutionnaire.

En fin de compte, si nous refusons l’individualisation des problématiques et l’intrusion toujours plus dangereuse des logiques néolibérales dans nos luttes, nous voulons aussi que la solidarité soit un enjeu pris au sérieux dans le cours de la lutte elle-même. Parce que nous ne voulons pas conforter un système de caste au sein même du militantisme avec une division des tâches qui rejoint les lignes de classe de la société : les uns pensent, théorisent la révolution et sont acclaméEs pour ça ; les autres tentent de survivre, s’organisent comme ils peuvent, de façon fragmentée et se voient offrir des leçons de morale sur leur prétendu réformisme.

Alors oui à la critique des collectes, mais pas sans réflexions sur les conditions matérielles et la construction collectives d’alternatives concrètes et durables.

******

« Nous essayons de répondre aux besoins des gens, des plus petits aux plus grands. A l’heure actuelle, les problèmes principaux sont les vêtements et la nourriture. Nous avons quatre programmes de petits déjeuners qui fonctionnent en ce moment. Quand une mère vient nous voir et nous dit que ses enfants ont faim et qu’ils ont besoin de chaussures, nous ne pouvons pas sortir le Petit livre rouge et lui dire « voilà ce que dit Mao », parce que cette dame nous claquerait la porte au nez ou se moquerait de nous. Donc ce que nous faisons, c’est leur dire : « Ensemble, vous et moi nous pouvons remplir le ventre de vos enfants et leur trouver des chaussures à se mettre, si on s’y met tous. A vous seule, vous ne pouvez pas le faire, et nous tous seuls non plus, mais ensemble nous le pouvons ».

Rafael Viera, révolutionnaire portoricain de la Young Lord Organization, le 17 février 1970, entretien accordé au Black Panther Party

RESSOURCES

​À lire…
• La brochure de la Mutuelle de Lyon (printemps 2014) = retour sur le processus de création, témoignages et guide pratique sur l’expérience de mutuelle à Lyon qui existe depuis 2010 : https://infokiosques.net/spip.php?article1406
• Un article sur la mutuelle queer/ meuf de Marseille et la Mutmut dans le n°8 de Panthère Première (automne 2022)

À écouter …
• Émission de radio « Salut Camarade Héritière » sur les inégalités matérielles dans les milieux militants, partenariat "Libre débat" sur Radio Galère et Panthère Première ( 17 janvier 2018) https://pantherepremiere.org/texte/salut-camarade-heritier·e%E2%80%89/
• Émission Radio Galoche “LA MUTMUT - Histoires et cas très pratiques de mutualisations solidaires, par et pour nous #1 Part. 1 : C’est quoi une mutuelle ? ” (6 decembre 2020) http://www.galoche.online/podcasts?id=283&podcast=1607693535_WE4_2DIM_19h20_la_Mutmut_part1
• Émission Radio Galoche “LA MUTMUT - Histoires et cas très pratiques de mutualisations solidaires, par et pour nous #2 Part 2 : Comment fonctionne notre Mutmut ?” (13 decembre 2020) http://www.galoche.online/322
• Émission radio Comme un Ouragan : « Mutuelle d’argent » https://radiodio.org/podcasts/comme-un-ouragan-mutuelle-dargent/

Si vous avez des ressources en tête, mutualisez-les ! mutuelle_tpbgi_panam@@@riseup.net

Comment rejoindre la mutuelle ?

On t’en a parlé, tu es tombé-e « par hasard » sur ce texte, écris à :

mutuelle_tpbgi_panam@@@riseup.net

ou retrouve-nous sur insta :

@mutuelletpbgpanam

pour avoir plus d’infos et rencontrer 1 ou 2 membres de la mutuelle si c’est pas déjà le cas. Idéalement, tu viens à une réunion pour comprendre le fonctionnement avant d’être mis-e dans la boucle, mais c’est aussi possible de commencer à participer à une ou deux redistributions en ligne avant de venir à ta première réunion. Dans les deux cas, quelqu’un de la mutuelle sera en contact avec toi pour t’expliquer les calculs.



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