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Ca roule ? Lutte(s) et réflexions sur le validisme et le capacitisme sociétal

mis en ligne le 3 juillet 2021 - Armel Gueguen , Collectif anticapacitisme de Morlaix

Ça roule, les origines

Bonjour à vous qui allez lire ce livre, il est le résultat de rencontres, d’allers et venues pour jouer cette conférence gesticulée, de la richesse des échanges fait avec les personnes rencontrées et enfin d’une insoumission face au monde capitalo-validiste qui détruit tant d’entre nous.

Il me parait important avant que vous ne lisiez la suite, de vous expliquer mon parcours et comment j’en suis venu à militer pour une société égalitaire et inclusive et plus spécifiquement contre le validisme et le capacitisme de nos sociétés.

Tout d’abord, un petit point sur mon parcours politique.

Jeune adulte, j’ai fait mes armes à la LCR, la ligue communiste révolutionnaire. Là, je me suis ouvert et questionné sur la société productiviste et capitaliste, sur les inégalités de classes, avec comme point d’orgue, la bataille pour le maintien de la maternité de l’hôpital de Carhaix-Plouguer (29).

Plus tard, lassé par le côté stalinien (eh oui) de ce parti et par une remise en question de son identité (LCR/NPA) et par un tas d’autres questions internationales, les élections et un mode d’action et de fonctionnement très sage où il n’y a pas de place pour la critique, je me suis dirigé vers la CNT, la confédération nationale du travail (syndicat anarchiste) où je me sentais plus à mon aise avec la vision du monde et les modes d’actions. Je n’y ai fait qu’un passage car le fait d’appartenir à un groupe ou une institution quelle qu’elle soit me gêne. Je préfère rester libre et ne répondre que de moi-même.

Me voilà aujourd’hui une sorte d’autonome anar même si je regrette toute case, car chacun.e est en (r)évolution permanente.

Je ne renie en rien mon parcours et mes camarades d’hier et d’aujourd’hui.

A chacun.e de se trouver.

Pour ce qui est de l’anticapacitisme, je suis l’héritier du militantisme paternel. Mon père effectivement a mené quelques actions et a constamment interpellé sur les inégalités et les discriminations systémiques que vivaient les personnes en situation de handicap et cela, de par le monde.

En effet, voici quelques-uns de ses faits d’arme. Pour réclamer ses allocations, il n’a pas hésité à mettre un joyeux bordel à la sécu et à ne sortir qu’une fois qu’on lui aurait accordé ce à quoi il avait droit. Il a mené des actions comme enlever des pavés devant la mairie de Morlaix et marquer au sol des places de parking pour personnes à mobilité réduite en distribuant de faux bâtons de dynamite aux gendarmes. L’un d’eux lui confia même qu’il avait raison et son respect.

A la suite des voyages en Amérique du Sud, et suite au constat de l’extrême précarité des personnes mises en situation de handicap là-bas, il a fait parvenir (lui et beaucoup d’autres) un container entier de matériel paramédical (fauteuil, prothèses, béquilles etc.) et monté sur place au Pérou un centre pour que chacun.e apprenne à réparer et entretenir aussi qu’à produire son propre matériel paramédical. Et je n’ai pas l’énergie de tout vous raconter.

Quant à moi, je peux, sans trop dévoiler ce qui est dit par la suite, vous dire que, mis en situation de handicap de manière progressive par le capacitisme de notre société et l’évolution de ma maladie génétique, je refusais de m’identifier à ces luttes tant que je n’étais pas moi-même en situation de handicap.

A partir du jour où j’ai dû utiliser un fauteuil roulant au quotidien, je ne pouvais plus procrastiner sur ces questions. C’est là que débute véritablement ma réflexion sur les discriminations liées aux question de handicap et sur toutes leurs conséquences.

Vivant dans un milieux culturel et militant, j’étais attendu au tournant. Chacun.e se demandait ce que j’allais faire pour militer.

Et bien il m’a fallu un peu de temps. J’ai nourri ma réflexion, je me suis réapproprié mon corps. Car il y a un parallèle entre l’évolution de ma maladie génétique et mon champ de réflexion. Tous les deux évoluent constamment.

Je me disais qu’un jour je trouverai la formule, et paf !

J’assiste à une conférence gesticulée sur l’homophobie de Ronan Pérot « Tu ne seras pas une pédale mon fils ». C’est cela ! C’est l’alchimie qu’il me faut, mélange de témoignage et d’analyse politique.

À partir de là, je commence à réfléchir à comment construire ma conférence gesticulée. Je sais quels thèmes, quelles pistes de réflexion je veux aborder et creuser. Mais comment mettre tout ceci en forme ?

Je contacte la SCOP d’éducation populaire « le Contre-Pied », à côté de Rennes et commence une formation pour construire cette conférence.

Après six mois de formation, je me lance sur les routes pour essayer d’ouvrir les yeux de la société sur certaines réalités et faire ma part dans ce combat contre les inégalités et les discriminations que nous, vous, toi, moi, subissons car mis en situation de handicap pour de multiples raisons par notre société.

Je vous laisse découvrir « Ça roule, conférence gesticulée ».

Armel

« Ça roule ?! » Conférence gesticulée

Le récit qui suit est la transcription de ma conférence gesticulée intitulée « Ça roule ?! » qui traite du validisme et du capacitisme des sociétés occidentales dans lesquelles nous vivons. Ne vous inquiétez pas, ces termes seront explicités plus loin.

Une confé quoi ?

Une conférence gesticulée. La conférence gesticulée est un mélange de « savoirs chauds » : les expériences et analyses du gesticulant et de « savoirs froids » dits institutionnels ou publics.

Ce livre ne détient pas de vérités absolues ou de conseils, il est une « promenade » qui interroge notre mode de vie et la place de ceux et celles qui ne rentrent pas dans le moule capitalisto-validiste.

Ce livre existe uniquement pour vous accompagner dans vos réflexions, il se veut également sincère. C’est un témoignage, un parcours d’une vie, un cheminement.

Bonne balade !

— -

« T’as un fauteuil deux roues, euh quatre roues, t’as pas un petit vélo dans la tête aussi ! »
« Grimper aux arbres c’est bien ça comme atelier ! Ça te dis ? »
« Quand t ’as un vélo tu sais qu’il ne faut pas habiter Morlaix. Quand t’es handicapé tu le sais aussi. »
« C’est ça mettons les ensembles ! On les met tous ensemble et on n’aura plus de soucis. »
« Ah non chui pas validiste, j’ai un ami handicapé ! »

« Salut Armel, ça roule !? »
« Poussez-vous ! Poussez-vous ! Laissez passer les handicapé.e.s ! »
« En fait handicapé.e c’est la belle vie, tout le monde s’occupe de tout pour vous, ça donne envie d’essayer ! »
« Moi je vis pas aux frais de la société ! »
« En plus ils ont des places réservées ! »

« Salut Armel, ça roule !? »
« Mais vous savez monsieur, la foi pourrait vous aider peut-être ! »
« Excuse-moi, mais tu ferais un bon kamikaze ! »

« Salut Armel, ça roule ? »
« Suicide-toi ! »

Voilà, maintenant que j’ai bien détendu l’atmosphère avec ce petit recueil de témoignages sympathiques, on va pouvoir commencer : je m’appelle Armel Gueguen, je suis blanc, trentenaire, athée, anarchiste. J’ai un niveau d’étude assez classique : j’ai eu mon bac en 2006 (je ne sais pas comment mais je l’ai eu). Pour finir, je viens d’un milieu plutôt rural.

Maintenant que je me suis présenté, je vais vous parler « d’accessibilité ».
Accessibilité c’est cet arbre qui est à côté de moi.

(sur scène, c’est un petit arbre en carton d’un mètre de haut situé légèrement devant moi).

Pourquoi est-il là ? Pourquoi prend-il autant de place ? Et bien tout simplement pour illustrer le fait que quand j’aborde le sujet du handicap avec quelqu’un.e, c’est forcément ce qui revient en premier :

« Et vous monsieur, si je vous dis handicap, qu’est-ce que cela vous évoque ?
 Oh ben moi vous savez je me suis rendu compte d’un truc c’est que ma p’tite dernière, Candice, elle n’a pas pu aller à l’anniversaire de sa cousine parce qu’à la suite d’une double fracture des jambes au poney club, elle s’est retrouvée en béquilles et chaise roulante. Elle n’a pas voulu gravir les trois étages pour monter chez sa cousine, donc vous le voyez, un problème d’accessibilité.
 Et vous Madame, si je vous dis « handicap », qu’est-ce que cela vous inspire ?
 Oh ben moi j’ai voulu aider mon frère à aller voir son épouse au cimetière, ben on s’est rendu compte que depuis que mon frère utilise un fauteuil à cause de son grand âge, il ne peut que difficilement - voire plus du tout - franchir les grandes marches qu’il y a à l’entrée du cimetière. Et quand bien même nous les aurions franchies, le revêtement des cimetières n’est pas du tout adapté aux béquilles, aux fauteuils, aux déambulateurs...
 Ok donc encore une fois un soucis d’accessibilité. »

Sauf que moi, si je suis là, devant vous, ce n’est pas pour vous faire une conférence gesticulée sur l’accessibilité. Non, ce qui m’intéresse c’est de vous emmener plus loin. Je veux vous emmener voir ce qu’il y a derrière ce mot « d’accessibilité » parce qu’accessibilité, c’est l’arbre qui cache la forêt. On parle d’accessibilité pour ne pas parler d’autre chose : on essentialise le handicap aux problématiques d’accessibilité.

(sur scène, il y a une forêt avec trois arbres représentant respectivement les discriminations économiques, l’exclusion sociale et l’invisibilisation)

Avant d’aller plus loin et afin de savoir de quoi nous allons parler, il va nous falloir définir trois mots.

Le premier est le terme « handicap ».
Qu’est-ce qu’un handicap ? Eh bien, pour faire simple, le(s) handicap(s) est la difficulté que va rencontrer un individu à entrer en interaction avec son environnement. De ce fait, le handicap peut être physique, psychique, mental et/ou social. C’est cette dernière notion que nous allons travailler.

Deuxième mot : « validisme ».
Le validisme c’est quoi ? Le validisme c’est un peu comme tous ces mots en -isme, le machisme, le sexisme, l’homophobisme (le mot n’existe pas, peut-être en trouver un autre ?), l’agisme... ou autre de ton choix. Le validisme c’est tout simplement le fait de vivre et de penser la société par et pour les valides en excluant de ce fait tout.e.s celles et ceux qui ne le sont pas.

Troisième mot : « valide ».
Qu’est-ce qu’un.e valide ? Pour caricaturer au maximum, un.e valide c’est quelqu’un.e qui est en pleine possession des moyens physiques, physiques, intellectuels auxquels on peut s’attendre à être doté.e.s à la naissance.

Mais juste avant de continuer, je vais vous demander de participer et ce sera la seule fois. Mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous faire venir sur scène, vous mettre une plume entre les fesses et vous ridiculiser. Non, c’est pas mon style. Non, je vais juste vous poser une question et vous laisser une petite minute pour y réfléchir :
« A quel moment chacun.e d’entre vous (et toi aussi qui lis ceci) a-t-elle.il compris qu’il ou elle était valide ou non ? »

Parce que moi, j’en ai un souvenir très précis et je vais vous le jouer/raconter :

On est en juin 98, j’ai alors onze ans, c’est la fin de l’année scolaire, et à cette époque-là, j’adore passer mon temps libre à me balader dans les champs et les sous-bois qui entourent mes maisons. Je dis « mes » maisons parce que mes parents sont fraîchement divorcés depuis deux ans environ, mais ils n’habitent pas très loin l’un de l’autre : quelques kilomètres à peine à vol d’oiseau.

Je pars donc me balader et chercher la fraîcheur dans les sous-bois. Au bout d’une heure, je me rends compte qu’assez bizarrement - ou assez naturellement -, je me suis rapproché du domicile de mon père. Cela fait une heure que je marche, j’ai donc soif. J’hésite un tout petit peu à aller chez mon père parce que ce n’est pas le week-end où l’on est censé être chez lui avec mon petit frère. Mais après tout, il n’y a pas de raison, il sera content de me voir, j’y vais.

Je toque donc à la porte :

« Oui c’est qui ?
 C’est Armel, ‘pa.
 Ah Armel, ben je ne t’attendais pas, mais vas-y, entre. Qu’est-ce que je te sers whisky rouge, whisky vert ? »

Là, il me faut faire un petit aparté pour que vous compreniez. Mon frère et moi nous vivions à la campagne et nous avions donc des hectares de champs, forêt et sous-bois comme terrains de jeux. Et nous, ce qu’on aime, c’est jouer aux cow-boys et aux indiens. Du coup, après avoir crapahuté pendant des heures, on rentrait à la maison en claquant la porte style saloon et on disait à notre père « Hey, barman, sers-nous un whisky vert ! » Là, notre père jouait le jeu et nous servait deux petites menthes à l’eau et ce jeu du whisky rouge, whisky vert a perduré.

Bon ben je m’en fais un petit ! (et là, sur scène, je bois une menthe à l’eau dans un grand verre)

Maintenant que je n’ai plus soif, je cherche à m’asseoir. Je suis fatigué après ma longue marche, et je tombe sur un des fauteuils roulants de mon père, car oui, mon père est en fauteuil roulant. Il en a même toute une collection ! Il en avait un qu’il gardait propre pour aller en ville, un qu’il utilisait pour aller chercher le bois et aller dans son atelier de menuiserie, il en avait un autre pour se verticaliser, histoire de faire travailler le dos et la circulation sanguine dans les jambes et le top du top, il s’en était fabriqué un avec lequel il était tracté par ses deux chiennes labrador.

Alors imaginez le tableau, un gars, cheveux longs, en fauteuil, à la campagne, ça détonne. Mais un gars cheveux longs, en fauteuil, tracté par ses chiens, c’était incroyable ! J’en garde un super souvenir.

Toujours est-il que je m’assois donc dans ce fauteuil, et là, comme n’importe quel bambin de dix/onze ans, je commence à jouer avec. Je regarde ce que l’on peut faire dedans (sur scène, je me balance avec le fauteuil en basculant sur les roues arrières, en « deux roues », je tourne sur moi-même).

Et là, au moment où je relève la tête et que je capte le regard de mon père, je vois que celui-ci a changé du tout au tout.

Mon père, c’est quelqu’un qui chante, qui blague, il a tout le temps la moustache qui rigole... Et là non, je vois qu’il va me dire quelque chose : « Mais tu sais Armel, là tu joues avec mon fauteuil mais comment te dire cela... Voilà, tu as la même maladie génétique que moi. Quand tu seras grand, toi aussi tu seras en fauteuil roulant. »

A partir de là je suis sonné, j’ai beau, du haut de mes onze ans, ne pas comprendre ce qu’est une maladie génétique, je comprends tout de suite que ce qu’il vient de me dire est vrai.

Je ne me souviens plus comment, ni par quel chemin ou combien de temps cela m’a pris pour retourner chez ma mère. Toujours est-il que celle-ci, en me voyant rentrer, me dit :
« Ben qu’est-ce qui se passe Armel ? Dis-moi, tu n’as pas l’air bien. »

Là je lui demande : « Euh Mam’, est-ce que c’est vrai que quand je serai grand je serai en fauteuil roulant ? »
Et ma mère de répondre : « Oui mon fils, je suis désolée que tu l’aies appris comme ça. Mais oui, quand tu seras grand, tu seras en fauteuil roulant ».

Voilà comment j’apprends qu’un jour je vivrai en fauteuil roulant. C’est ce jour-là qu’est apparue au-dessus de ma tête cette espèce d’épée de Damoclès. Je sais que cela va m’arriver mais je n’ai aucun moyen de savoir quand ni comment.

A partir de ce moment-là - et aujourd’hui encore -, il va être très difficile pour moi de savoir ce que je veux faire plus tard, de me projeter. D’autant que l’on demande très tôt aux enfants ce qu’ils/elles veulent faire quand ils/elles seront plus « grand.e.s ». C’était vrai à mon époque et ça l’est encore de nos jours. Je n’ai jamais su quoi répondre à cette question. J’ai toujours éprouvé la plus grande difficulté à m’orienter. Pas uniquement à cause de cette épée de Damoclès - ce serait trop réducteur-, mais je me disais « A quoi bon apprendre un métier, m’orienter dans telle filière, si au bout de deux trois ans, la maladie et le handicap te rattrapent et t’empêchent de travailler ? »

Maintenant j’aimerais porter votre attention sur une chose qui a son importance. La planète Handicap ce n’est pas quelque chose d’uniforme, il ne faut pas tomber dans la caricature (même si cette dernière peut être positive elle n’en reste pas moins une caricature). Nous ne sommes pas tous en fauteuil roulant, on ne nous a pas tous mis les mêmes barrières, nous ne vivons pas tous la même vie. II y a autant de manière de vivre le handicap que de personnes mises en situation de handicap. On va prendre trois exemples afin que vous puissiez mieux comprendre.

Premier exemple : Quelqu’un.e qui nait avec un handicap. Prenons le cas d’une personne malvoyante : il/elle ne sait pas ce que c’est que de vivre sans, cela fait partie de son identité, il/elle s’est construit.e avec.

Deuxième exemple : Quelqu’un.e qui, à cinquante ans, a un « accident de la vie ». J’adore ce terme... (sourire jaune). Un accident de moto par exemple et qui, du jour au lendemain, se retrouve tétraplégique (tétraplégique c’est lorsque l’on est privé de l’usage de ses membres inférieurs (sur scène je montre mes jambes) et de ses membres supérieurs (je montre ici mes bras et mes mains). Et bien là, il y a tout un vécu de valide derrière soi et on peut imaginer que pour se (re)construire, cela va être difficile.

Troisième exemple : Moi. Je nais avec une maladie génétique qui va petit à petit me paralyser les jambes mais je n’ai aucun moyen de savoir quand ni comment, à quelle vitesse celle-ci va survenir et se développer.

Voilà tout cela afin de bien vous faire comprendre les innombrables facettes des handicaps.

Arrive maintenant l’adolescence. J’évolue, ma maladie également. De temps en temps, elle va venir se rappeler à mon bon souvenir. Je me souviens qu’en cinquième j’ai dû arrêter le sport à l’école. Je me souviens de ma dernière ballade en VTT lorsque j’étais en troisième...

Je vais malgré tout réussir à retarder ce moment fatidique du passage au fauteuil au quotidien grâce notamment aux séances de kinésithérapie, deux fois par semaine, depuis que j’ai treize ans. Grâce également à une opération sur laquelle je reviendrai plus tard. Grâce aux semelles, puis aux chaussures orthopédiques, aux béquilles...

Nous allons maintenant nous intéresser à ce premier arbre (sur scène, derrière moi, je montre le premier arbre du décor sur lequel est écrit « Discrimination économique »).

DISCRIMINATION ET/OU SURCOUT ECONOMIQUE

Lorsque que l’on est comme moi, mis en situation de handicap, on va fréquenter pour beaucoup ce que l’on appelle les « centres de rééducation ». Ce mot m’interpelle et m’interroge toujours. Le fait est qu’il faut - et souvent nous l’acceptons - « rééduquer », c’est-à-dire faire travailler notre corps afin qu’il soit le plus mobile et le plus fonctionnel possible, et c’est à chacun de l’accepter. Le mot « rééducation » peut aussi sous-entendre qu’il faudrait absolument nous réparer, nous mettre au maximum dans la « norme », essayer d’égaler au maximum le modèle des corps « valides », des canons de nos sociétés.

Bref pour ma part, je vais fréquenter le centre de Kerpape à Ploemeur près de Lorient pour ceux/celles à qui cela parle. C’est un centre que je vais fréquenter pendant une quinzaine d’années, avant d’être plus tard, suite à mes déménagements, suivi dans le centre de Perharidy à Roscoff.

Dans ce centre de Kerpape je vais vivre des choses...
Et bien des choses plus ou moins drôles. C’est notamment là-bas que je vais, pour la première fois de ma vie, tester le gaz hilarant.

Je vous le raconte. Alors un jour, mon médecin me dit : « Voilà Armel, tu commences à avoir les jambes raides et une marche très saccadée, ce qui est un peu hasardeux pour ton équilibre et mauvais pour ton dos.

Je te propose donc de t’injecter de la « toxine botulique » dans les jambes afin d’assouplir tes muscles et de préserver ton dos. Entre parenthèses, la fameuse toxine botulique ce n’est rien d’autre que du « botox », vous savez ce que les stars se mettent partout pour paraître jeunes, frais/fraîches et éternel.le.s. Moi on m’en propose gratos, alors ni une ni deux, je dis banco !

Arrive le jour J. J’arrive au centre, mon médecin me reçoit dans une petite salle. Je m’allonge sur une table, caleçon tee-shirt. Mon médecin me dit : « Bon alors, Armel, je vais t’injecter la toxine à l’aide de ces aiguilles » (là, sur scène, je montre mon plus grand doigt). Effectivement l’aiguille est vraiment longue mais très fine, rassurez-vous. Il m’indique les zones où il va piquer, ensuite, il m’installe un masque pour m’anesthésier. Il m’annonce : « Bon Armel, on va y aller, tu respires à fond, le gaz que tu respires va t’anesthésier pour que tu ne sentes pas les piqûres. »

C’est bon Armel, tu vas bien. Moi je m’amuse. Le bruit que fait le masque me fait penser à un homme grenouille ou à Dark Vador « Luke je suis ton père ».
« Alors Armel, si tu commences à rigoler c’est normal, c’est un gaz qui peut provoquer l’hilarité. » Il commence à piquer et juste à ce moment- là je tombe sur le regard de mon petit frère qui se marre de la situation et là je commence à rire avec lui, on rit, on rit. J’oublie totalement ce qui se passe à côté de moi, je suis concentré sur mon frangin. Cela restera l’une de mes meilleures rigolades de l’époque !

Mais trêve de fantaisies, on n’est pas dans ce centre que pour rire !

Je vais y faire de nombreux allers retours pour mon suivi médical donc, mais également pour passer mon permis de conduire.
C’est maintenant que nous allons entrer dans le vif du sujet.

Il aurait été bien trop simple que je puisse passer mon permis de conduire à l’auto-école du coin. Je passe cependant mon code avec succès à l’auto-école qui se situe près de chez moi.

Une fois le code en poche, il y a ce un moment de conduite test qui permettra évaluer le futur nombre d’heures de conduite.

Je prends le volant et c’est parti ! Au bout de quelques kilomètres, mes jambes se mettent à trembler. Je commence à ne plus être à l’aise (trop d’effort physique notamment avec mes jambes me provoque des maux de tête et une extrême fatigue). La monitrice de l’auto-école me fait me garer sur le bas-côté et me dit : « Armel je pense que tu as compris. Il est trop dangereux pour toi et pour les autres de te faire conduire une voiture « normale ». Je sais que tu es suivi au centre de rééducation et je sais qu’il y a là-bas une auto-école où tu pourras apprendre à conduire avec les aménagements qui te conviennent. »

Je vais donc apprendre à conduire à l’auto-école de Kerpape. A cette époque je suis lycéen, je vais à l’auto-école le mercredi.

Ma journée type du mercredi : lever à 6h bus à 7h. Début des cours à 8h jusqu’à midi : quatre heures de philo ! Puis je pars pour l’auto-école. Je dois faire une heure vingt de route pour arriver à l’auto-école. Là, j’enchaîne avec deux heures d’apprentissage de la conduite non-stop puis retour à la maison une heure vingt plus tard. Puis j’enchaîne avec ma vie d’ado.

Tout cela fait que, quand j’arrive à l’auto-école, je suis déjà complètement lessivé. Il va me falloir beaucoup de temps pour décrocher mon permis. J’ai retrouvé mon manuel, il m’aura fallu 86 h de conduite pour le décrocher.

Alors 86 heures de conduite à 35€, plus le carburant une heure vingt aller une heure vingt retour, plus les quatre présentations à l’examen tout cela sur deux ans... J’ai compris bien plus tard que ma famille, ma mère notamment s’était sacrifiée pour que je puisse l’avoir ce fameux permis de conduire !

J’arrive donc à avoir ce fameux permis. La suite logique, c’est quoi ?

Eh oui, pour faire simple, il me faut une voiture automatique avec conduite manuelle (cercle accélérateur plus freins à côté du volant). Ces aménagements coûtent grosso modo 3000€. On ne fait pas trois mille euros d’aménagement sur une voiture qui ne va faire que six mois. Je préfère, comme beaucoup, récupérer une petite occase pour me faire la main.

Comment fait-on lorsque l’on vit chez papa/maman et que l’on n’a aucune autonomie financière ? Vous l’avez compris, je peux pas faire de petits boulots, je n’ai aucune qualification et pas l’âge ou le niveau d’incapacité pour avoir droit aux minima sociaux.
Tout ceci alors que l’on vient déjà de se sacrifier pour payer le permis, comment fait-on ?

Certain.e.s me diront qu’il existe des aides...
Oui et non. Il y en a certes. Mais souvent elles ne recouvrent pas la totalité des frais et il faut les avancer pour pouvoir être remboursé. J’ai la chance d’avoir une famille (qui ne roule pas sur l’or) mais qui va m’aider. Une partie pour m’offrir la voiture et l’autre pour les aménagements.

Quelle épreuve hein ? Sachez ceci : n’importe qui ne peut donc pas s’offrir un permis de conduire et une voiture, synonymes d’indépendance et d’autonomie. Beaucoup ne peuvent avoir tout cela. Encore moins s’endetter pour cela.

Autres difficultés économiques.
Je vais maintenant vous parler du matériel paramédical et plus exactement du fauteuil roulant. Je suis à Kerpape. Pour faire simple on vient de m’opérer, on m’a sectionné 90% des nerfs derrière les mollets (neurotomie) et ce, encore une fois, pour améliorer mon confort de marche. J’ai environ 25 points de suture de chaque côté. Tout ceci pour contrebalancer avec ce que je disais tout à l’heure : je n’ai pas vécu que des trucs méga chouettes dans ce centre.

Bref je me retrouve en rééducation pour un mois et demi, et c’est à cette occasion que je fais pour la première fois la rencontre de ce que l’on appelle un.e ergothérapeute.

Un.e ergothérapeute c’est quelqu’un.e qui est justement censé faciliter tes interactions avec ton environnement. Celle que je rencontre me dit alors : « Vois-tu Armel, il ne faut pas t’inquiéter, tu es en rééducation pour quelques semaines. Tu ne vas pas pouvoir marcher pendant un petit moment, mais ne t’inquiète pas, on fait bien notre travail et après quelque temps tout pourra remarcher et mieux qu’avant. Cependant comme tu le sais toi-même, un jour tu auras aussi besoin d’un fauteuil roulant. Je te propose donc de profiter de ton séjour pour faire l’acquisition d’un fauteuil roulant. »

Je me dis oui, tout ceci est logique. C’est à ce moment-là que l’on fait appel à un.e revendeur.se de matériel paramédical. Il me propose alors un échantillon de fauteuils à tester.
J’en essaie plusieurs, j’en choisis un léger « actif », qui convient à mes besoins. Le fauteuil dont je vous parle c’est celui-ci (sur scène il y a deux fauteuils, un sur ma droite et un sur ma gauche. Je montre celui de droite) et je signe, je le commande.

AÏE AÏ AÏE ! Qu’est-ce que je ne n’ai pas fait ! Je ne m’en rends pas compte, moi qui suis néophyte dans ce domaine, mais au moment où je commande ce fauteuil, je m’endette. Je m’en apercevrai très vite quand on me demandera de le régler. Ce fauteuil et les options incluses coûtent 3600€. Comment fait-on quand, encore une fois, on n’a aucune autonomie financière et que votre famille ne peut plus suivre car elle vient de se saigner pour vous offrir permis et voiture ? Voilà pourquoi je me retrouve endetté à hauteur de quasiment 2000€.

Là je vois les sceptiques me dire qu’il y a des aides. Encore une fois il faut avancer l’ensemble et elles ne couvrent pas tout. D’autres diront « Mais pourquoi n’a-t-il pas pris le fauteuil « sécu » ? » (Sur scène je montre l’autre fauteuil)

Et bien le voilà le fauteuil « sécu ». Je l’appelle comme cela car il est au tarif sécu, tout frais payé, rien de ta poche. A l’époque, je l’ai acheté environ 650€.

Nous allons faire le test, la comparaison, et vous allez vite comprendre. (Je me hisse sur ce fameux fauteuil). Alors, vu comment il est long et large, pas sûr que je passe les couloirs chez moi. Vous me direz passer les couloirs chez soi, c’est un luxe, du surplus, c’est pas remboursé par la sécu.

(J’essaie d’attraper quelque chose qui serait à côté de moi ou un petit peu derrière)

Oui ! Vu comment le dossier et les accoudoirs sont hauts et massifs, je ne peux attraper des objets qui seraient juste à côté de moi. Mais attraper des objets dans son environnement proche, c’est du « confort », du surplus, cela n’a pas à être remboursé par la sécu.

Ah et il est lourd aussi ! Je l’ai pesé avant que vous n’arriviez. Il fait environ 13 kg. Celui que je choisis en fait 4,7kg. Je dis ça, je ne dis rien. Alors comme il est costaud, long et large, je ne peux, de manière autonome le mettre dans ma voiture et partir à un rendez-vous pôle emploi ou aller voir des proches, bref avoir une vie sociale. Mais cela aussi, avoir une vie sociale, chercher un emploi, c’est du « confort », du luxe, ce n’est pas remboursé.

J’insiste sur le terme confort car c’est réellement en ces termes que les catalogues désignent leurs produits.

Pour finir (j’essaie de faire du deux roues, c’est-à-dire de faire basculer le fauteuil en arrière de manière à être en équilibre sur les roues arrières) et bien non, on ne peut faire de deux roues avec ce fauteuil. Faire du deux roues pour ceux et celles qui le peuvent, c’est vraiment utile, cela nous permet notamment de pouvoir franchir marches et autres obstacle que l’on doit affronter partout et tous les jours.

(Je me réinstalle sur ma chaise, bien entouré de mes deux fauteuils). Voilà pourquoi je choisis ce fauteuil plutôt que celui-là et que je me retrouve endetté à hauteur de pratiquement 2000€. Je vais mettre plus de deux ans à payer cette dette. Je vais solliciter tout un tas d’organismes et de collectivités pour pouvoir me remettre à flot. Quelle épreuve !

Maintenant que je vous ai accroché.e.s que l’on est bien ensemble, j’ai envie de partir, de voyager.

Je vais maintenant vous emmener dans le monde magnifique et merveilleux de la MDPH...

La MDPH quesako ?
La MDPH, autrement appelée Maison Départementale des Personnes Handicapées, c’est l’organisme qui gère ta vie, c’est lui qui va dire oui, non, tu as le droit de vivre ceci, tu as le droit de vivre cela, à telle hauteur, à tel pourcentage. C’est véritablement elle qui va dicter ta vie.

Une des premières fois que j’ai affaire à elle, c’est arrivé à l’âge de jeune adulte. Ayant obtenu dans la « facilité » un fauteuil (pour quand j’en aurai besoin), une voiture, la suite logique était de prendre mon envol, de trouver un logement, de quitter le cocon familial. Pour cela, encore une fois, il me faut une autonomie financière. Je prends donc contact avec la MDPH de Quimper et je fais une demande d’AAH, c’est-à-dire d’Allocation Adulte Handicapé.

Et tant qu’à faire une demande, j’en fais plusieurs. Je profite de cette occasion pour renouveler ma carte de stationnement avec ce fameux sigle bien connu (ce sigle est un peu pour moi comme les symboles qu’ont imposés certains certaines, vous vous souvenez...) Je fais également une demande de RQTH (encore un sigle sympatoch’...). La RQTH, c’est la reconnaissance en qualité de travailleur handicapé.

À l’époque, je suis super crédule. On me dit : « Mr Gueguen, cela va vous faciliter l’accès à l’emploi, chouette ! »

Bon, il ne faut pas cracher dans la soupe. Beaucoup ont un emploi grâce à cette reconnaissance, mais il faut savoir que beaucoup d’entreprises préfèrent payer des amendes que d’employer des personnes mises en situation de handicap. Je rajouterai qu’en ce qui me concerne, je ferai même le choix plus tard de me déclarer moi-même (un peu en avance), inapte au travail. Laisser tomber cette reconnaissance en même temps que mes illusions d’emploi pour avoir droit au complément de ressources (autre aide financière) pour gagner un petit peu plus par mois. J’irai même, comme beaucoup, me désinscrire volontairement de Pôle Emploi, ce qui veut dire qu’en France les chiffres du chômage des personnes en situation de handicap sont largement sous-estimés.

Revenons à cette demande d’AAH, je monte donc mon dossier, un certificat de mon kiné, un de mon médecin, un de mon généticien de famille car on est nombreux.ses à avoir la même maladie génétique dans ma famille, et enfin je justifie mon projet car quand tu es mis en situations de handicap il faut te justifier. Un parent d’un enfant atteint de trisomie 21 me racontait un jour que tous les deux ans, il fallait qu’il refasse toute la paperasse et qu’il justifie de la trisomie de son enfant.

Terrible non ! Ça change petit à petit, mais pas assez vite.

Au poids de la différence, s’ajoute la charge émotionnel et bureaucratique !

Je me justifie donc, quitte à mitonner un petit peu car je ne sais pas trop ce que j’ai envie ou peux vivre.

Pour terminer, il faut passer la visite médicale devant les médecins experts de la MDPH.

Je vais donc à Quimper, à un peu plus d’une heure de route. Comment vous dire, ce jour-là, je vais y passer une bonne vingtaine de minutes dont quelques-unes à attendre en salle d’attente.

« M. Gueguen ?
 Oui c’est moi, bonjour monsieur.
 Très bien M. Gueguen, expliquez-nous ce qui vous amène ?
 Et bien je suis jeune, j’en veux, je suis en marche ! J’aimerais vivre de manière autonome et avoir mon propre logement. Quitter papa, maman, mais pour cela, j’ai besoin d’autonomie financière. Du fait de mon handicap et de mon manque de qualification, il m’est très difficile de trouver un emploi. C’est pourquoi je viens devant vous, pour vous demander l’Allocation adulte handicapé.
 Très bien Monsieur, Robert tu notes, moi je vais examiner Monsieur. Alors vous résistez hein ! Je teste votre force (là il teste la force de mes bras ce qui me laisse pantois car moi c’est aux jambes que j’ai des difficultés, passons...)
 Très bien M. Gueguen, veuillez-vous allonger. (Là, il me manipule les jambes dans tous les sens, parle de raideur, de spasticité, et tout un tas de mots latins que je ne comprends pas)

Ici encore, il me faut faire une pause.

J’aimerais attirer votre attention, cher.e lecteur, lectrice, sur le fait que nos corps ne nous appartiennent plus totalement. Je m’explique. En effet, pour beaucoup d’entre nous, nos corps sont vus (entièrement) et manipulés par un tas de personnes. Cela va du ou de la kiné.e à l’infirmier.e, les aides à domicile, l’ergothérapeute en passant par le médecin. Toutes ces personnes savent comment est votre corps et comment il fonctionne dans le moindre détail. Votre intimité en prend un sacré coup.

 Très bien M. Gueguen, maintenant vous allez lire la plus petite ligne que vous pouvez alternativement avec votre œil droit puis avec votre œil gauche sur le test de lecture au fond de la salle.

Je m’exécute (sur scène, je joins le geste à la parole en me cachant alternativement les yeux).

A S S (je change d’œil) I S T E,
Assisté !

 Très bien M. Gueguen, vous avez une super vue dites donc ! »

 Maintenant, et pour finir voulez-vous faire quelque allers retours pour nous montrer votre démarche ?
Très bien, ... oui, (là ils murmurent entre eux) ok..., ah attention oui, ne vous cassez pas la figure. Oui on voit, ça tremble, c’est raide, saccadé, les pieds raflent le sol. Très bien M. Gueguen, c’est fini, enfin. Cela vous fait mal ? Je n’ose répondre à cette question que je trouve pour le moins déplacée.
 Très bien, nous avons ce qu’il nous faut, au revoir M. Gueguen. »

Et tout ceci donc à vitesse grand V, en moins de 15 minutes. Je leur sers la main. Au revoir.
35€, 35€, 35€ les 15 minutes. A ce tarif-là, faut pas se priver !

Bref, j’ai enfin mon dossier complet. Je n’ai plus qu’à attendre la réponse...

Magie de l’administration française. 1, 2, 3, 4, 5, 6 mois plus tard, je reçois le fameux courrier. Je me souviens parfaitement de ce moment : fin de journée, on rentre tous à la maison, ma mère du travail, mon frère du lycée. Et là ma mère me tend cette lettre avec le logo de la MDPH. C’est un moment important. Cela fait plusieurs mois que j’attends ce courrier.

« Cher M. Gueguen,

Après examen de votre dossier, nous vous avons reconnu un taux d’incapacité égal ou inférieur à 79,9% et de ce fait nous ne pouvons vous accorder l’AAH. »

Encore une grosse claque.

Pourquoi 79,9% ? Parce que, vous l’aurez compris, c’est à partir de 80% que tu as le droit à l’AAH. (Le vice dans les petit détails) Déçu, abattu par ce courrier, je me ressaisis, me remobilise. Non, je ne peux décemment pas accepter cette décision car elle sonne ainsi pour moi : « Eh bien non, mon gars, tu restes dans ta misère, tu restes chez papa/maman, à leurs crochets... »

Je décide de faire appel de la décision. On a le droit de faire appel. J’écris une missive salée de chez salée mais avec les formes ! Je convoque mes meilleurs censeurs et les experts familiaux : dans la famille cela fait plus de 50 ans que l’on fait des dossiers - COTOREP à l’époque - MDPH. La famille Gueguen, estampillée experte (sur scène je mime le geste du coup de tampon).

Je renvoie donc mon courrier d’appel et là, encore une fois, magie de l’administration française : un mois, deux mois, trois mois. Après, je reçois à nouveau un courrier. J’aurais eu le temps d’avoir un enfant entre temps qu’ils ne s’en seraient même pas rendu compte !

« Cher M. Gueguen, après réexamen de votre demande (ils disent réexamen mais ils ne m’ont jamais revu) nous vous avons reconnu un taux d’incapacité égal ou supérieur à 80% et de ce fait nous vous accordons l’AAH. »

Victoire !!!

Vous ne pouvez pas imaginer le bien que cela m’a fait de recevoir cette lettre. Cela voulait dire que je pouvais enfin vivre comme je l’entendais de manière autonome, avoir un chez moi... Mais que se fut fastidieux ! Il a fallu que je demande la permission pour vivre ainsi. Que l’on m’autorise à vivre ma vie de jeune adulte (plus ou moins) indépendant.

Nous allons maintenant faire un bond dans le temps.

Je vais vous raconter maintenant la première fois que j’ai osé prendre mon fauteuil roulant en public, affronter le regard des autres.

Nous sommes en juin 2017. Ce n’est pas si lointain. Avec l’arrivée de l’été, arrive également la saison des festivals. Un jour, deux copines arrivent à la maison et me disent qu’elles ont repéré un festival reggae bien sympa dans le nord Finistère. Me voyant hésiter, l’une d’elles comprend pourquoi j’hésite et me dit : « Ne t’inquiète pas Armel, si tu as besoin du fauteuil et on te donnera un coup de main au besoin. Cela ne nous dérange aucunement et de toute façon on sait que tu ne peux trop faire sans. »

Je ne remercierai jamais assez ces deux copines qui m’ont compris et m’ont aidé à passer le pas.

Arrive donc le jour j. On part dans le cametard de la copine, de bonne humeur, en direction du fameux festival. Arrivés sur place, on installe nos tentes. On arrive à l’entrée du festoch, on met nos bracelets histoire de montrer que l’on n’a pas fraudé l’entrée. Un concert, deux concerts. Ah tiens, cette artiste je l’aime beaucoup, et je me sens un petit coup de pêche alors je me lève de mon fauteuil et je danse pendant une dizaine de minutes (en m’aidant notamment de la barrière de sécurité pour m’appuyer). Au bout de dix minutes, j’ai la tête qui tourne et mes jambes se mettent à trembler. Je remonte sur mon fauteuil et m’écarte de la foule pour continuer à apprécier le concert tout en me mettant en retrait. Là, j’apprécie vraiment le moment, je me dis que j’ai bien fait de sauter le pas et de prendre mon fauteuil car quand je suis fatigué, il me permet d’évoluer sur le site de manière indépendante. Je peux aller boire un whisky vert, manger une frite, aller de scène en scène, bref c’est chouette !

Puis je tombe sur le regard insistant d’une personne qui me fixe. Quand on est en situation de handicap, on connaît terriblement bien ce regard. En général, la personne se plante devant vous et vous dit : « Oh mon pauvre, c’est terrible ce que tu vis, mais c’est chouette t’as la niaque, tu souris hein ! » et ceci en vous tapotant le dos et en vous pinçant les joues comme à un vulgaire bambin.

Sauf que là, ce n’est pas pour cela. Cette personne se pointe devant moi et me fait : « Eh mais qu’est-ce que tu fais dans ce fauteuil ? C’est un jeu pour toi ? Je t’ai vu y’a pas dix minutes en train de danser au premier rang, quelle image tu donnes des handicapés ! Moi j’ai une cousine en fauteuil roulant électrique, elle ne peut pas venir à cause de ça, et toi tu fais le mariole tu t’es dit c’est festival, on prend le fauteuil pour jouer et porter les binouzes, mais t’es vraiment qu’une merde, soit tu es handicapé, soit tu ne l’es pas !  »

Je ne comprends pas ce qui se passe. Je suis sur le cul (oui il fallait que je la fasse). Toujours est-il qu’une des amies avec qui je suis venu arrive et envoie cette personne prendre le large, estomaquée. C’est une première pour moi. Je me ressaisis, allez un petit coup de whisky vert et sur ce, je me décide à aller sur la scène Sound system dans le petit chapiteau, de l’autre côté du site.

Un Sound system, qu’est-ce que c’est ? C’est un mur d’enceintes avec à l’opposé un disc-jockey qui passe des vinyles, chante par-dessus ou fait du scratch. On est devant les enceintes et on gesticule dans tous les sens. On montre que l’on aime héhé.

On bout d’un moment, saisis par la musique et ayant retrouvé les copines, je me laisse aller à me remettre sur pieds et à danser encore quelques minutes. J’ai des cotillons. Il y a vraiment une super ambiance, on rigole bien. Au bout d’un moment, rebelote, la tête me tourne et mes jambes ne me supportent plus. Où est-ce que j’ai mis mon fauteuil ? Ah oui, ici. Là, je me rends compte qu’il y a énormément de monde qui est entré dans ce petit chapiteau. Je m’aide des poignées du fauteuil et sors laborieusement du chapiteau. Une fois à l’extérieur, je me rassois dessus, puis, en regardant devant moi et en continuant d’avancer, sur qui je tombe qui fait la queue pour rentrer ? La même personne que tout à l’heure. Je sens que cela va mal se passer. La soirée est bien avancée, les yeux sont rouges, moi je sais pas, whisky vert pénard ! Ça ne loupe pas. Cette personne revient vers moi, prend toute l’assistance à témoin et m’humilie, me traite de dégueulasse de simulateur de merde !

S’en est trop. Je sors de mes gonds. Je prends sur moi et me relève tant bien que mal (ce qui laisse coi ceux /celles qui assistent à ça) J’attrape cet individu par les épaules et le fait tomber avec moi et au sol : « Mais tu te prends pour qui merde ! Tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce que je vis, mon corps, mes douleurs... Fiche-moi la paix, casse-toi ! » Tout ceci en le secouant comme je n’ai jamais secoué personne...

Voilà... Ma première fois en fauteuil. Alors cela ne m’a pas empêché de continuer à aller en concert ni de danser avec ou sans mon fauteuil, car la musique et les amis occupent une place trop importante dans ma vie pour que j’en fasse fis. Mais je peux vous assurer que cet événement est gravé a jamais dans ma mémoire et mon corps.

Histoire de se détendre et de se poser un peu, on va se faire un petit morceau. Allez, musique !

Et là j’envoie à travers mon enceinte le morceau de reggae suivant : « You can do it, if you really want » de Desmond Dekker.

Nous allons maintenant nous intéresser à ce deuxième arbre qui est derrière moi (sur mon fond de scène, je désigne le 2ème arbre sur lequel est écrit « exclusion sociale ») :

EXCLUSION SOCIALE

Voilà un phénomène entraîné par la mise en situation de handicap. J’avais bien évidemment connaissance de ce phénomène car beaucoup de personnes dans ma famille m’en avait parlé mais c’est une chose qui, comme beaucoup d’autres, ne peut être appréhendée que si l’on est directement concerné ou qu’un.e proche l’est. Je vous rassure, c’est un mécanisme totalement humain.

Bref. Je vais maintenant vous raconter le 19 juillet 2017. On est un peu plus d’un mois après ce fameux festival reggae et cette première fois en fauteuil roulant en public.

Le 19 juillet 2017, je chute.

Je chute une première fois en prenant ma douche. Je m’étale dans ma cabine, j’ai mal, je me fais un beau bleu. Quelques heures plus tard, je rechute. Cette fois-ci en faisant ma vaisselle. Je me retrouve affalé sur mon carrelage, éraflé sur le côté et un bon mal de tête. Je me traîne jusqu’au canapé afin de reprendre mes esprits. Je cogite et, petit à petit, je comprends que cette épée de Damoclès dont je vous ai parlé au début, me tombe dessus. Cela ne me laisse pas de marbre. J’ai eu beau avoir quasiment 20 ans pour voir venir, je vous assure que quand cela vous tombe dessus, ça fait quelque chose. Sur mon canapé, je me souviens avoir pris mon téléphone pour annoncer à ma famille, mes ami.e.s et proches qu’à partir de ce jour je serai en fauteuil au quotidien. Ce qui n’est pas un événement dramatique en soi, mais ça bouscule quand même !

A partir de ce jour, ma vie change du tout au tout. Je me retrouve exclu par le simple fait de me mettre au fauteuil tous les matins. En fait je me retrouve exclu de deux types de lieux différents. On va faire le distinguo.

Premièrement, je me retrouve exclu des lieux où l’on est être « social ». Depuis que je suis en fauteuil, (j’habite à Morlaix et sa région depuis quelques années) je ne peux plus aller au bar, je ne peux plus aller au restaurant, à la bibliothèque, au cinéma, à la Maison de la Jeunesse et de la Culture, au théâtre etc. Je ne vous parle même pas des commerces. Cela fait beaucoup, d’autant que j’adorais aller au café le matin, lire le journal, discuter, voir du monde... « Salut Robert, alors ton chantier, ça avance ? Tu termines ce week-end ? Super, on passera prendre un pot. Et toi Laetitia, ta fille ? Elle a réussi son examen ? C’est super, tu dois être contente ! »

Bref, la vie quoi ! Et bien tout cela m’est interdit désormais.

Entendez bien sur une chose, ouvrez grand vos oreilles, c’est l’instant accessibilité. Pour moi, un lieu est accessible quand chacun.e peut, en totale autonomie et en fonction de ses capacités, y accéder et y évoluer de façon indépendante.
Pour ma part je n’ai pas forcément envie que l’on me manipule dans tous les sens. Un, parce que ça peut être douloureux et deux, parce que ça peut être blessant !

Mais cela ne s’arrête pas là.

Il existe d’autres types de lieux au sein desquels je ne peux plus accéder. Là, je m’y attendais un peu moins, ce sont les lieux dit de « services publics ».

Je vais maintenant vous raconter la première fois que j’ai voulu aller à la mairie, près de chez moi (à ce moment-là, j’habite à Pleyber-Christ). Je m’y rends car j’ai quelques courriers à déposer. Je me gare sur le parking, sors mon fauteuil puis me rends compte que je dois avoir un petit côté Gaston Lagaffe car pile au moment où je m’assieds, il se met à pleuvoir. Je ne me démonte pas. J’arrive devant le bâtiment et là ! Stupeur ! Je m’aperçois qu’il y a deux énormes escaliers pour y entrer. Je n’ai pas accès à la mairie. Il faut faire vite, je vous rappelle qu’il pleut. J’aperçois de la lumière à une fenêtre alors qu’est-ce que je fais ? Je ramasse deux trois cailloux par terre et les lance sur la fenêtre, tac ! Tac ! tac ! Au bout de quelques cailloux, quelqu’un arrive en panique et me dit : « C’est vrai que ce n’est pas facile ! » Je préfère ne rien dire. Je donne mon courrier, je prends mes sacs jaunes pour le recyclage mais entre-temps, mon courrier et moi-même sommes complètement détrempés (jusqu’au slip, et ce n’est pas qu’une image). Voilà le fameux service public.

Bon, vous me direz, on ne va pas toutes les 5 minutes à la mairie. Mais ça ne s’est pas arrêté là, ça aurait été trop simple ! Je vais maintenant vous raconter la première fois que j’ai voulu aller à la poste de la ville où je vis actuellement (Plourin-lès-Morlaix).

Il faut préciser que c’était un jour où je m’étais déjà pris deux trois gamelles. Je me rends donc à la poste, un peu bougon, un peu égratigné. J’y vais afin de savoir où sont certains vinyles de reggae dont j’ai passé commande et qui mettent du temps fou à arriver.

Arrivé devant la poste, il n’y a point de bateau sur le trottoir. Les bateaux sur les trottoirs, ce sont ces petits espaces creusés aplatis pour faciliter le franchissement des trottoirs pour les fauteuils, poussettes, personnes à mobilité réduite...

Comment je fais ? Je fais un vieux détour et escalade le trottoir de manière acrobatique puis je passe devant les toilettes publiques (toujours sympa cette petite brise parfumée !) avant d’arriver enfin devant la porte.
C’est une porte à l’ancienne en bois, bien costaud ! Je donne un grand coup d’épaule et j’use de toute ma force pour l’ouvrir. Là, je me retrouve face à un espace grand comme une cabine de douche ou, pour ceux et celles qui ont connu cela, de la taille d’une cabine téléphonique. Je relâche la porte et aie !, je me coince la peau, ça pince !

Aller, deuxième porte, c’est fort boyard, le truc un vrai parcours du combattant... J’donne un grand coup dans cette porte et envoie valdinguer tous les cartons et prospectus publicitaires qui se trouvaient derrière, mais cette fois c’est bon je suis entré !

Petite anecdote : nous qui sommes en fauteuil ou les personnes ayant une petite taille, on se fait toujours très mal au cou pourquoi ? Eh bien tous les comptoirs sont forcément très hauts et l’on est obligé de tendre le cou : « Bonjour Madame, voilà j’ai un colis de vinyles qui met du temps à arriver si je vous donne le numéro de ce dernier, pouvez-vous me dire ce qu’il en est ?
 Oui voyons voir, voyez Monsieur, il n’est plus très loin, il est au centre de tri de Rennes, mais vous savez en ce moment il y a une grève à la poste »

Grrr, encore des gens qui réclament on ne sait trop quoi !
Non, je déconne, ils ont bien raison. Maintenant que j’ai mes renseignements, il faut bien que je sorte. Je me retourne pour faire face à la sortie et là je me rends compte que cela va être beaucoup plus difficile dans ce sens. Alors je prends mon élan et bam dans la porte. Je retrouve ma cabine téléphonique. J’ai beau avoir fait du cerceau quand j’étais gosse (je mime les mouvements du hula hoop) je suis complètement coincé. Je commence à m’énerver, là-dessus un usager vient à ma rencontre et me dit : « Excusez-moi Monsieur, est-ce que je peux vous aider ? Vous avez besoin de quelque chose ?
 Oui merci. N’auriez-vous pas deux trois bâtons de dynamite ? Il faut faire de la place ! Pourquoi moi je n’ai pas ce droit, pas accès ?! ».

A ce moment précis, je pète les plombs. Ce qui ce passe est extrêmement violent pour moi : « Pourquoi moi je n’ai pas droit, pas accès à un simple service public, pourquoi je dois me faire violence et avoir mal et honte... Ah société de merde ! » Les larmes me viennent.

Toujours est-il que dans mon énervement j’ai réussi je ne sais comment à me sortir de là. Je regrette un peu mon comportement et aurais bien voulu m’excuser auprès de l’employé et des personnes présentes, mais pour cela il faudrait que je retourne à la poste donc ce n’est pas près d’arriver !

Je suis tout de même un peu bousculé par ces événements qui arrivent sans prévenir. En plus la poste, on m’avait dit qu’on avait tous à y gagner ! Hé hé !

Voilà pour ce qui est des services publics. Je ne vais pas tout vous raconter.

Je veux maintenant vous faire comprendre une chose. La vie quand on est mis.e en situation de handicap, c’est quelque chose de très violent. Ça va être l’inaccessibilité d’un lieu (je désigne le petit arbre accessibilité), les regards douteux ou bien insistants, les paroles blessantes souvent sur notre soi-disant incapacité à avoir une vie sexuelle, les remarques déplacées, les insultes, les gens qui veulent absolument t’aider alors que toi tu refuses poliment. Cela peut aller jusqu’à la baston. Et oui, à force d’insister et à force de refus d’écouter que je n’avais besoin de rien, un jour je me suis retrouvé dans une bagarre. Ce peut être aussi les coups de pressions de la gendarmerie. Cela m’est arrivé pas loin de chez moi. Une voiture de gendarme s’arrête à ma hauteur (façon de parler) : « Mais dites-moi Monsieur, ce n’est pas parce que vous êtes en fauteuil roulant qu’il faut vous abstenir de rouler sur les trottoirs, d’autant que ceux-ci sont accessibles il me semble !

 Ah excusez-moi Monsieur l’agent, mais si vous aviez un bon sens de l’orientation, vous auriez remarqué que non, ces trottoirs ne me sont pas accessibles et que ce n’est pas par plaisir que je suis sur la route me mettant en danger moi et les autres.

 Grrr »

Ils continuent de me suivre pendant quelques mètres puis repartent en trombe !

Un jour j’ai voulu faire une expérience je me suis dit que j’allais faire une croix dans mon calendrier chaque fois que je serai discriminé à cause de mon handicap. Eh bien j’ai très vite arrêté pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas un jour sans une ou plusieurs croix. Voilà, tout ceci pour vous conter la violence que l’on vit quotidiennement quand l’on n’est mis.e en situation de handicap.

La sémantique officielle est pour une fois très juste ; c’est la société qui te met en situation de handicap !

Il n’y a pas grand-chose à dire. Un jour, un commerçant me dit : « Mais vous savez monsieur, les gens comme vous, ils ne viennent pas dans mon magasin, pourquoi je m’embêterais à mettre une rampe ? »

Ben c’est peut-être parce qu’il n’y en a pas qu’on ne vient pas... Bref chacun sa logique !

Qu’est-ce que tout cela veut finalement dire ? Tout cela signifie que je n’ai plus le droit de citée, de faire partie de la vie urbaine, on m’a tout simplement enlevé ma « citoyenneté ». Le handicap ce n’est pas qu’un problème d’accessibilité comme on voudrait nous le faire croire, c’est bien plus que cela !

Pour moi, la vie en situation de handicap c’est comme si j’étais un enfant de 5/6 ans que l’on emmène dans un parc d’attraction ou à la fête foraine :

« Oh regarde papa, le tourniquet je peux...
 NON !
 Oh la barbe à pa..
 NON !
 Oh le joli...
 NON ! »

T’es là, tu as juste le droit de regarder, de ressentir, mais tu n’as absolument pas le droit de faire ! C’est cela pour moi, la vie dans une société validiste ! Alors que je suis sûr qu’avec un peu plus d’entraide de cohésion sociale, de bienveillance, un peu moins de condescendance et de pitié dégueulasse, tout irait déjà mieux, oui avec un peu plus de respect mutuel !

Allez, on s’en fait une autre !

Là j’envoie une deuxième chanson : « RESPECT » d’Aretha Franklin.

Nous allons maintenant nous tourner vers ce dernier arbre (je montre sur mon fond de scène celui-ci) et la dernière partie de cette conférence qui est Invisibilisation !

Ne cherchez point dans vos dictionnaires c’est un mot que j’ai inventé pour l’occasion.

INVISIBILISATION

Pourquoi ce terme ? Tout simplement parce qu’à chaque fois que je fais ce geste de me mettre au fauteuil (je le fais sur scène) et bien, c’est comme si d’un coup hop (je me cache derrières mes bras) plus personne ne me voit et je deviens totalement invisible.

Alors on peut penser aux super héros dotés de super pouvoirs, l’homme invisible, la cape d’invisibilité d’Harry Potter et se dire que c’est chouette, enfin, « chouette » quand on a le choix... Je vais rester un petit moment là-dessus, sur la notion de choix.

En effet, pour nous qui sommes mis en situation de handicap, souvent on ne nous laisse pas faire nos propres choix. On vous lave à telle heure, on vous lève à telle l’heure, on vous habille de telle manière, on vous donne ceci à manger... Moi, aujourd’hui, je n’avais pas envie de soupe et j’aurais aimé me vêtir de mon pull vert jaune rouge... Bref, on fait pour vous et bien souvent sans vous demander votre avis (en partie par manque de temps, il est vrai, mais pas uniquement !)

Alors que si l’on laisse à chacun.e la possibilité de faire ses propres choix, ne serait-ce qu’en proposant divers choix ou en étant à l’écoute... « Bonjour M., que voulez-vous porter aujourd’hui ? Cette chemise ou plutôt un marcel vu qu’il fait beau ? » Et bien ça changerait tout et l’on pourrait se sentir dès lors respecté et intègre, en tant qu’humains, que personne, qu’individu.e à part entière et c’est hyper important !

Avec le handicap et ma maladie qui évolue, je vais devoir déménager plusieurs fois. En effet, lorsque j’arrive dans la région de Morlaix où j’habite maintenant depuis plusieurs années, je m’installe avec d’autres dans une colocation.

Cette période est vraiment bien, il y a de la vie, du passage, des enfants qui passent, des réunions, des préparations d’actions militantes, des boums surprises et tout cela dans le respect du rythme des un.e.s et des autres, ce qui est fort appréciable en colocation. Sauf qu’arrive un moment où ma maladie évolue et où il devient difficile voire dangereux pour moi de rester dans cette colocation. De cela aussi je vais devoir faire le deuil. En effet c’est une maison à l’ancienne, avec plein de cloisons et de petits couloirs, ce qui fait que si je veux me servir de mon fauteuil, c’est impossible. J’ai beau m’accrocher aux meubles, aux radiateurs... C’est trop dur pour moi.

Je fais donc le choix de quitter cette colocation et je fais une demande de logement à loyer modéré (HLM). Devant l’urgence et l’inconfort de ma situation, je prends un peu le premier logement que l’on m’attribue, je vais le visiter, il est bien, la douche est même déjà aménagée et il y a un petit jardin pour mon chien, super.

Il y a tout de même un détail qui me met la puce à l’oreille. Certes, comme je l’ai demandé, le logement est de plain-pied mais il y a deux énormes marches pour y accéder ! Je me dis que l’ingénieur a dû travailler à la MDPH dans une vie professionnelle antérieure, des fois les normes, c’est à n’y rien comprendre.

Je me décide quand même à le prendre car, à l’époque, je marche encore un petit peu et j’ai des copines et copains bricoleur.euse.s qui pourront me faire une jolie rampe en bois de palette.

J’arrive donc sur la commune de Pleyber-Christ, vous vous rappelez, c’est là qu’il y a la super mairie top accessibilité discriminante !

J’arrive donc dans mon nouveau quartier, et, comment vous dire, c’est un quartier froid, stérile. Pourquoi ? Et bien parce que tous les logements sont identiques : pour une personne ou un couple de plain- pied. Ce qui fait que, nous toute.s qui habitons là, sommes en situation de handicap physique, psychologique - les deux -, handicapés par l’âge, etc.

C’est un donc un quartier qui respire la joie de vivre. Le seul bruit que j’entends, c’est, à la nuit venue, le bruit des chaussons qui glissent sur le carrelage, chhhhh...,chhhhh...

Alors, on peut en sourire, mais quand vous commencez à prendre conscience de ce bruit et à l’entendre continuellement, c’est qu’il est plus que temps pour vous de mettre les bouts.

Autre élément qui me fait bizarre dans ce quartier, c’est sa situation géographique. De fait, il est situé entre la voie de chemin de fer et la maison de retraite. Alors c’est comme si la société nous disait, à moi et mes semblables, « vous voyez, vu que vous êtes handicapés et bien c’est ici que vous vivrez avec tous vos amis. Si vous en avez marre, PAF, vous vous mettez sous la voie de chemin de fer, soit vous êtes sages, vous attendez et c’est là que ça se passera (je désigne la direction de la maison de retraite). Pour le coup, on ne me laisse le choix. Mais, comment dire, je n’ai pas envie de choisir, non, vraiment pas.

C’est également dans ce quartier que je ressens pour la première fois de mon existence le sentiment d’être ghettoïsé, de vivre dans un ghetto.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un ghetto ?
Un ghetto c’est un endroit où une population spécifique est mise et où elle va vivre et se développer entre elle, bien à l’écart du reste de la population.
C’est exactement ce que je vis avec mes voisin.e.s dans ce quartier.

Qu’est-ce que tout ceci veut dire ? Eh bien, nous vivons en marge. Pas par choix, vous l’aurez compris. Donc nous ne sommes pas visibles. Si nous ne sommes pas visibles, nous ne sommes pas reconnus, pas reconnus donc pas pris en considération. Au final, nous sommes exclus, mis à l’exacte place qui est la nôtre par la société validiste !

Au début, quand les gens me croisaient, c’était comme s’ils ou elles faisaient : « Ah mais cachez moi ces handicapés que je ne saurais voir, ah en plus lui il bave ahh ! »

Mais après quelque temps, je me suis rendu compte que c’était plutôt : « Ah mais cachez moi ces handicapés que je ne voudrais être ! » Tout est là : nous inspirons peur et dégoût à la société, c’est pourquoi elle préfère nous mettre à la marge, nous cacher, nous invisibiliser.

On m’a dit un jour, texto et en face : « Mais vous savez Monsieur, ma pire crainte dans la vie c’est d’être comme vous ! »
Que voulez-vous répondre quand vous prenez ce genre d’uppercut ?

Bien que la différence effraie, ce qui a toujours été un phénomène humain, n’est-il pas temps et souhaitable de faire face à celle-ci ? Autre grief que l’on nous fait quotidiennement, oui, quotidiennement, c’est le fait que nous ne soyons pas des éléments productifs et à peine consommateurs au sein de nos sociétés validisto-capitalistes. En effet, nous n’apportons rien, nous sommes un coût. Nous devrions être satisfait.e.s des miettes qu’on nous donne, non ?

Ah la pitié dégoulinante et affreuse...

Nous ne saurons jamais nous satisfaire de votre pitié, tant que nous ne serons pas vos égaux !

Alors, nous voyons donc que la société nous exclue, mais je vais maintenant attirer votre attention sur le fait qu’elle, elle ne va pas se priver pour venir chez toi.

Je m’explique. Depuis que je suis petit et que je me rends chez ma tante et mon oncle (mon oncle est aussi atteint de la même maladie de moi) et bien j’ai pu remarquer le ballet incessant des personnes qui passent la journée à aller et venir chez eux.

Ces personnes sont les kiné.e.s, les infirmier.e.s, les aides à domicile, les médecins, les assistant.e.s social, etc.

Ce qui fait que toutes ces personnes savent tout de vous et de la manière dont vous vivez. Comme je vous l’ai dit précédemment, votre corps ne vous appartient pas vraiment car il est vu, observé, manipulé, soigné, lavé, rééduqué par beaucoup de monde. Même votre chez vous n’est pas tout à fait chez vous car tout ce joli petit monde connaît tout de vous. Quand vous recevez du monde, si vous avez une vie sexuelle, vos goûts musicaux, vos idées politiques, votre situation bancaire, sociale, ce que vous mangez, quel est votre style de vie... L’intimité en prend encore un coup !

Je vais vous raconter la première fois que j’ai dû faire appel à quelqu’un.e de l’extérieur. C’était pour la venue d’un.e aide à domicile car à l’époque, je ne vivais pas dans un logement super bien aménagé. Aujourd’hui, alors que je vis dans un logement qui l’est, et bien il y a de nombreuses choses que je ne peux plus faire seul car c’est trop difficile ou tout simplement plus possible.

Arrive le jour J. On toque à ma porte :
« M. Gueguen ?
 Oui, entrez.
 Oui bonjour c’est l’aide à domicile, comment allez-vous ?
 Alors M. Gueguen, on va prendre le temps. Avant que je commence on va se présenter et vous allez me dire ce que vous voulez que l’on fasse mais également ce que vous voulez garder pour vous. »

Tiens, voilà qui est très intéressant. On me laisse le choix. Là je dois dire que certains préjugés que j’avais concernant ce corps de métier tombent soudain devant le tact et le professionnalisme de cette personne. Mais n’ayons pas peur de se l’avouer, on a tous des préjugés sur plein de sujets, voilà qui est encore une fois totalement humain.

L’heure de ménage se passe tranquillement. Je n’ai jamais été à l’aise quand les aides à domicile sont chez moi, et j’ai mis un moment avant de comprendre pourquoi.

En général, je lis un journal et je vois cette personne laver le sol. Je suis au-dessus et elle en-dessous. Il y a comme une sorte de rapport de domination avec lequel je ne suis pas à l’aise. Aujourd’hui encore j’essaie d’être absent quand ces personnes interviennent chez moi.

Mais tout ceci, on l’accepte, comme bien d’autres choses.

Au bout d’un moment, j’ai fini mon journal et vais dans ma chambre afin d’y prendre une bande-dessinée. Là je vois cette personne que je ne connais que depuis une demi-heure en train de plier et de ranger mes sous-vêtements ! S’il y a bien quelque chose d’intime, ce sont les sous- vêtements ! Ce qui veut dire que même cet intime-là, il est public, il vole en éclat, tenez je vous l’offre ! (sur scène j’ouvre mes bras vers l’assistance)

Alors, qu’est-ce que cela veut dire ?
Eh bien tout ceci veut dire que l’on s’occupe de vous et qu’on le fait bien ! On vous donne du matériel paramerdical (lapsus ?) premier choix, on vous loge dans des quartiers qui respirent le confort et la joie de vivre, on vous donne l’Allocation Adulte Handicapé... On vient même chez vous !

Pourquoi tu irais te plaindre et protester ? Dire que tu n’es pas satisfait.e, réclamer une meilleure inclusion, une meilleure considération et de meilleures conditions de vie ?

Avec tout, le système, la société, achètent la Paix Sociale !

Le handicap ce n’est pas qu’une affaire d’accessibilité (je pointe mon petit arbre accessibilité).

Conclusion

Pour conclure, je vais vous raconter une première fois et ce sera la dernière des premières fois. J’ai fait fausse route, je me suis trompé. Lorsque je construisais cette conférence gesticulée, je faisais l’analyse suivante : « Mais c’est terrible, en France les noir.e.s ont le droit de monter dans les transports en commun depuis très longtemps (ce qui est bien normal) mais pour nous, personnes mises en situation de handicap, il est toujours très difficile d’avoir accès aux transports en commun.

En France, les femmes ont le droit de vote depuis avril 1944. Nous, personnes mises en situation de handicap, c’est encore très difficile de faire valoir ce droit ! (Au passage je signale que ce n’est que depuis le 23 mars 2019 que les personnes sous tutelle peuvent exercer légalement le droit
de vote ainsi que se marier).

Sauf qu’avec ce raisonnement je faisais fausse route, pourquoi ?

Et bien je divisais, je hiérarchisais les discriminations. Comme si celle que je vivais était plus injuste ou plus importante que celles que d’autres subissaient. Ainsi, je faisais le jeu de la société inégalitaire dans laquelle nous vivons, le fameux : « diviser pour mieux régner ». Avec ce type de raisonnement, je permettais au système de rester en place.

Alors que si l’on veut vraiment faire trembler ce dernier, il faut que chacun.e - qu’ils ou elles soient victimes de discrimination ou non – (âgisme, discriminations de genre, de sexualité, racisme, validisme etc.) se fasse l’allié.e de tou.te.s.

Car c’est en acceptant les différences et tout ce qui nous fait en tant qu’humains, que ces dernières nous rendront ce qu’elles ont de mieux à offrir.

Je vous ai dit beaucoup de choses tout au long de cette conférence gesticulée et vous vous dites peut-être : « Mais qu’est-ce que l’on peut faire pour améliorer tout ça ? »

Malheureusement, je ne suis pas venu avec mon catalogue de solutions, c’est à chacun.e de savoir ce qu’il ou elle peut et veut faire.

En revanche, je peux vous dire ce que je fais. Avec d’autres, nous avons créé le collectif anticapacitiste du pays de Morlaix. Le capacitisme c’est le fait de méjuger et de discriminer quelqu’un.e en fonction de ce qu’il ou elle serait capable de faire ou de vivre. Plus de personnes se reconnaissent dans ce terme qu’en celui de validisme.

Nous organisons des projections, des débats, des tables de presse, des discussions, des ateliers d’écriture, des expositions. Nous allons à la rencontre de tous les publics : scolaires (maternelles, primaires, collèges...) et professionnels (école de soins infirmiers, centres de formation d’éducateur.trice spécialisé.e et de futur.e.s assistant.e.s sociaux).

Et à titre plus personnel, j’ai fait le choix de monter une conférence gesticulée et d’aller là où l’on veut bien de moi pour dresser le portrait de la société validiste/capacitiste dans laquelle nous vivons tou.te.s et ce, afin de faire changer les choses.

Si j’ai une chose à vous dire, c’est que je pense que chacun.e d’entre nous a, à son échelle, le pouvoir de faire changer les choses !

Je vous remercie. C’est tout pour moi.

Là je lance le morceau de musique : « People have the power », « les gens ont le pouvoir » de Mme Patti Smith.

Fin de la conférence gesticulée


Pensées et vagabondages


Voici quelques textes et poèmes écrits d’un seul trait au gré de pensées et vagabondages de l’esprit et du corps. Une plongée par le prisme de la mise en situation de handicap, ou pas.

Laissez-vous porter et nourrissez vos pensées et réflexions.

Bonne lecture !

Différent ?

Différent aurait pu être mon nom.

Mais il ne l’est pas,
Différent est mon État
Et de tout cela, je ne m’en fais pas...

Des tas

Des tas d’exemples où l’on me regarde de haut

De ce haut inaccessible
Où, malgré moi, je suis pris pour cible

Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien tes yeux

Dans ce regard, je lis la peur que ce soit toi à ma place

De ce sentiment naît l’indifférence, la pitié.

Au pire, la haine

Ce sont mes pensées qui me peinent

Mes Différences nous sont Communes

Nos différences nous font Communs

A ce que peut-être nous sommes

Des êtres... Humains ?

Ma vie (d’avant ?)

A ma vie d’avant, comme roulant

Je regrette tant que tant,
Je regrette mon corps, mes ballades...
Indolores,
Dans la Nature.

La mienne change,
Petit à petit privé de ma sensibilité et de ma force

Je n’en garde remord,
Mais m’engage dans un corps à corps
Avec le mien

Je n’en reviens, ou plutôt, si, j’en fais ma force,
Ma droiture, mon Armure,
Et exprime mes Vœux, mes souhaits,
À ceux et celles qui les attendent et les entendent

A travers le murmure du vent

A travers la lande de nos vies.

9h30 samedi matin

9h30 samedi matin, j’ai déjà fait tout ce que je pouvais avoir à faire aujourd’hui.
Mon prochain contact réel avec un autre être humain ce sera lundi matin (taxi et kiné, chouette, non ?)

Cette pensée me bouffe et m’angoisse. Car passent les fins de semaine, des semaines, des mois, deux années, et combien encore ?
Et si c’était l’histoire de ma vie ?

Heureusement, ma compagne la douleur est là pour me tenir compagnie. Elle focalise mes pensées, pour le pire ou le meilleur.
Elle m’aide à passer le temps, sa gestion occupe ma tête et mon esprit. Douce litanie.

Car quand elle n’est point-là, l’horrible vide et le non-sens de mon existence sont plus que manifestes.

Mes rares moments de joie, de plénitude, même s’ils sont précieux et m’aident à tenir sont durs pour me faire ?

Tenir...

Ma vie a si peu de sens, je n’arrive à me plonger dans une infinie patience ou léthargie, de laquelle il me faudrait sortir quelques heures par semaine pour donner le change et conforter la société dans ses inégalités.

Quoi faire ? Quoi dire ?

Il est des jours ou même la lobotomie, informative ou télévisuelle ne suffit à faire passer... la vie ?

Même la musique n’arrive plus à me plonger dans le spleen ou à m’en faire sortir.
Que puis-je faire ?
Déménager ? Pas sûr que cela suffise.

Plus de moyens, humains, de présence, pour mon quotidien, pour recoller avec mes contemporains.
Et pourquoi pas même rêver, mes utopies, plus de contact notamment physique avec les autres humains et pourquoi pas, de temps en temps, changer de vue, arrêter d’observer ces murs qui m’entourent et m’emprisonnent.

Allé ! Ecrire ceci ou le lire fait passer la pilule et peut étonnamment te donner la force de continuer ta vie, tes combats et espérer en l’humanité !

Holding on !

Mon fauteuil

Mon fauteuil c’est mon corps,
Je l’aime autant que je le déteste,
Quand il est sale je suis sale
Quand il est cabossé moi aussi je le suis

Je ne sais si c’est lui ou moi que les autres regardent...
Peut-être les deux
Sommes-nous indissociables, oui je le pense
Enfin je le veux, le souhaiterais
Des fois

Si tu prends son contrôle, c’est moi et mon corps que tu contrôles
Attention, si tu le fais sans mon consentement, c’est moi que tu violes !

Handicap et identité(s)

Je ne suis plus

Je ne suis plus moi-même, ce moi a progressivement disparu avec l’avancée de mes handicaps,

Je ne suis plus ce que j’étais capable de faire il y a quelques temps,

Je ne suis plus danseur, déconneur, voyageur de proximité
Désormais envolée, cette identité m’a été prise par la société,
J’ai perdu des amitiés, j’ai perdu des identités,

Qui-suis-je ?
A mes yeux, je ne suis pas grand-chose, je suis mes pensées et mes habitudes, elles qui ont tant changé, elles qui sèment mes inquiétudes.

Qui-suis-je ?
Un frère, un fils, un ami ?
Un cœur meurtri de n’avoir assez dit
Je t’aime, mon frère, mon père, ma mère, vous qui pour moi avez vécu mille tracas
Aujourd’hui mon corps n’est que fracas et ces maux de corps virent à l’âme plus fort qu’une vague,
Je me laisse emporter par celle-ci.

Afin de fuir mon isolement et mes tourments, je me réfugie ici où finalement, j’é...cris.

Les Murs

Les murs que l’on regarde,
Les murs qui nous gardent...

Depuis que je n’ai plus de voiture,
Mon quotidien se mue en de multiples tortures

Tortures de l’esprit, qui, pour meubler regarde
Dans le vide ces murs,

Qu’ils soient la rue, la télé ou de véritables murs
Mon esprit et mes yeux s’y triturent...

Mon crime : la différence

Ma peine, la solitude.

A mes ami.e.s

A mes ami.e.s perdu.e.s par la distance du temps, des idées et des possibles

Car l’amitié c’est aussi entretenir ce possible avec l’autre qui ne nous est étranger que si on le veut.

Si tu as la capacité d’entretenir parce que tu es, ces amitiés, et qu’il ne t’en coûte, qu’il te fait plaisir de le faire et de le vivre, je t’en prie, vas- y ... !

Car moi dont cette capacité m’a partiellement été ôtée par ce maux que l’on nomme « handicap », j’ai perdu, et regrette un peu, alors vas-y, nourris ce terreau social que tu peux encore choisir, moi la société m’a privé de ces choix.

Mais que je le veux, je nourris ce terreau qui est le nid de notre humanité.

Ce qu’il nous reste....

Heureusement qu’il nous restera toujours nos rêves,

Nos fantasmes

Et nos utopies

Eux et elles qui ne souffrent d’aucune barrière,

Frontières, ou non accessibilité.

Ceux-là,
Personne ne peut et ne pourra nous les enlever !


Pour poursuivre la /les réflexion(s), quelques liens utiles :

La conférence gesticulée « Ça roule conférence gesticulée » est sur YouTube en 5 parties : urlr.me/9xwdp

Sites Internet :
yanous.com
clhee.org
https://www.handi-social.fr
lesdevalideuses.org
https://melitruc.wordpress.com/author/melitruc
https://www.archivesautonomies.org/spip.php?article9 http://www.med-h.net/

Films :
« Vivir y otras fictiones » de Jo Sol, 2018.
« Defiant lives » de Sarah Barton, 2018.
« Hasta la vista » de Geoffrey Enthoven, 2011.
« Crip Camp : la révolution des éclopés » de Nicole Newnham et James Lebrecht, 2020.
« Piss on pity », documentaire de Roustabout Media https://www.pissonpitymovie.com

Livres :
Tous les livres de Charles Gardou
« Handi gang » de Cara Zina, 2017, éd. Libertalia

Musique :
« Piss on pity » de Johnny Crescendo, 2013.

Contact : collectifanticapacitistemx@@@gmail.com



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