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En lutte contre les CRA ! [volume 2] Voix et combats de l’intérieur, solidarités à l’extérieur pour entraver la machine à expulser (mars-novembre 2019)

mis en ligne le 9 avril 2020 - anticra

SOMMAIRE

- Introduction
- Témoignages de prisonnie·er·es
- Des prisonnières du CRA du Mesnil-Amelot racontent les conditions d’enfermement et leur quotidien
- Mouvements de lutte au CRA de Lyon Saint-Exupéry
- La Poste balance des sans-papiers
- Des luttes collectives
- Tentatives d’évasion et punition collective
- Lettres et communiqués de septembre-novembre 2019
- Témoignages de novembre 2019

INTRODUCTION

Le CRA (Centre de Rétention Administrative) est une prison pour sans-papiers. Depuis 2018, la durée maximale d’enfermement est passée de 45 à 90 jours. En Ile-de-France, il y a quatre CRA. Il y a 240 places à Mesnil-Amelot (77 990), idem à 240 à Vincennes (75012), 40 à Palaiseau (91 120) et 28 à Plaisir (78 370).

En février 2019, dans la foulée de grèves de la faim et de révoltes dans des prisons pour sans-papier (CRA) en Ile-de-France et ailleurs, une première brochure sur trois mois de luttes (décembre-février) était sortie pour continuer à les relayer plus largement.

Depuis les mouvements collectifs ont continué : grève de la faim, incendies de cellules ou de bâtiments, communiqués, manifestations à l’intérieur des centres, montée sur les toits, des prisonnier·e·s qui se mettent en lien entre différentes prisons.

Cette brochure est faite dans la même optique que la première : non pas pour faire le récit d’une histoire qui n’est pas encore terminée, mais pour faire circuler la parole de celleux qui luttent à l’intérieur et relayer leurs revendications, pour renforcer la solidarité à l’extérieur, pour inventer d’autres moyens qui puissent entraver la machine à expulser.

Les personnes qui n’ont pas les bons papiers sont toujours raflées, emprisonnées et déportées, et la violence quotidienne des keufs et des tribunaux ne s’arrête pas. Les révoltes dans les CRA non plus ! Et à l’extérieur des gens continuent à s’organiser contre ces prisons et pour soutenir les prisonnièr·es, à Paris comme ailleurs.

QU’EST CE QU’UN CRA ?

Les CRA (centres de rétention administrative) sont des prisons. Même si les textes juridiques ne les désignent pas comme telles, ce sont des lieux d’enfermement et de privation de liberté, où les violences policières, les menaces et les humiliations sont à l’ordre du jour. Les prisonniers et les prisonnières reclu.e·s derrière les murs des CRA ont été jugé.e·s coupables d’un crime particulier : celui de ne pas avoir les “bons papiers”. Pour l’Etat, seul ce bout de papier compte, et son absence suffit pour enfermer et expulser.

C’est la raison d’être des CRA. Enfermer et expulser loin des regards. C’est pour cela que les CRA sont souvent situés dans des coins paumés, éloignés de tout sauf des casernes ou des écoles de police, pour que les flics puissent intervenir rapidement en cas de révolte. Voire à proximité des aéroports (CRA de Mesnil Amelot) pour enfermer les personnes encore plus près de la déportation. Il suffit d’aller faire un parloir avec un·e prisonnier·e pour se rendre compte que l’isolement de ces lieux ne sert qu’à rendre davantage invisibles celleux qui y sont, et dissuader la solidarité depuis l’extérieur. La solitude et l’absence des liens avec leurs proches sont calculées pour briser le moral des retenu.e·s afin de mieux les maîtriser.

Les CRA sont des lieux d’isolement et d’abus. Mais ils sont un maillon d’une chaîne bien plus large. Cette chaîne va des relations néo-coloniales qui organisent les visas et les accords bilatéraux, jusqu’aux frontières militarisées, des centres d’hébergement et d’accueil aux prisons, des préfectures à la commission d’asile, des tribunaux aux rafles et aux contrôles au faciès dans les rues et dans les gares. Les CRA font partie d’un système d’exploitation et d’humiliation raciste, auquel un ensemble d’acteurs participent. Certains se disent humanitaires, d’autres sont explicitement répressifs, mais que ce soit pour trier, expulser, ou “éduquer et intégrer”, ils participent tous au grand jeu de fichage et de contrôle des étrangers·e·s, de leurs mouvements, de leurs comportements, de leurs vies.

Les CRA sont le visage le plus explicite et brutal de la mise à l’écart des migrant.e·s “sans les bons papiers”. Mais ils ne produisent pas que de l’exclusion. Ils ont pour objectif de fabriquer des travailleurs et des travailleuses toujours plus exploité·e·s, soumi·es au chantage continu de la réclusion et de l’expulsion. Ils sont l’outil de l’État et des patrons pour discipliner et faire baisser la tête aux prisonniers-ères, certes, mais aussi à tou.te·s celleux qui, un jour ou l’autre, pourraient se faire contrôler par des flics dans une station de métro et être renfermé.e·s. Les CRA, comme toutes les prisons, sont une menace toujours présente.

Les CRA sont aussi une source de profit pour les grosses entreprises. L’enfermement paie, comme le savent bien les différentes boîtes qui collaborent avec les forces de répression dans les centres de rétention tout comme lors des expulsions. Les entreprises qui assurent la bouffe, la surveillance, le transport, mais aussi les guichets qui balancent les sans-papiers sont des rouages de la machine à expulser. Ce sont ces boites collabos qui permettent concrètement l’existence et le fonctionnement de ces lieux.

ACTUALITÉ : Lois, institutions et constructions

Les lois contre les étranger·e·s se durcissent toujours plus, et fournissent autant d’outils pour consolider le racisme d’Etat. La dernière loi en vigueur ne se contente pas de rallonger la durée de rétention à 3 mois, elle complique encore l’accès à un titre de séjour et systématise des mesures d’éloignement beaucoup plus dures (exemple OQTF/IRTF [1]). Pendant ce temps, le gouvernement en place prépare déjà le terrain pour couper aux dubliné·es [2] les droits auxquels ielles ont accès aujourd’hui, par exemple en supprimant les Conditions Matérielles d’Accueil (qui comprennent l’allocation pour demandeurs d’asile et l’hébergement d’urgence).

Depuis mars dernier, des travaux d’élargissement ont eu lieu dans plusieurs centres de rétention (Nimes, Oissel, Lyon, Coquelles...). En septembre, le gouvernement a annoncé la construction de trois nouvelles prisons pour étrangers·e·s (Lyon, Olivet, Bordeaux), pour arriver à 1 549 places d’ici 2020 [3]. En octobre, Macron se rend à Mayotte et annonce 24 000 déportations depuis le début de l’année, soit 80 par jour. On n’en parle presque jamais, mais il est important de rappeler que l’enfermement et le refoulement à la frontière sont peut-être encore plus systématiques et vénères dans ces territoires, que l’Etat français continue à gouverner comme des colonies.

Tout cela va donc bien au-delà du territoire de l’Hexagone : il est une des formes que l’impérialisme français prend dans ses anciennes, ou actuelles, colonies. Mais il fait aussi partie d’un système des frontières qui fonctionne à l’échelle européenne. Ça n’est pas nouveau, ça remonte à bien avant les soi-disant « crises des réfugié·e·s » et aux développements actuels des politiques racistes et répressives. Depuis la création de Schengen et la mise en place d’une pseudo libre circulation à l’intérieur des frontières européennes, la coopération entre les différents États en matière de « lutte contre l’immigration illégale » s’intensifie. Ouvrir les frontières, certes, mais d’abord pour les capitaux et les marchandises, ensuite pour les citoyen.ne·s européen.ne·s (de préférence blanc.he·s et riches) ; en échange, on fait la guerre aux sans-papiers.

L’UE (Union Européenne) s’est donné pas mal de moyens pour combattre cette guerre. D’abord, en externalisant les frontières en Afrique et au Moyen Orient : que ce soit à travers des missions « de paix » et la militarisation des territoires, ou grâce à la pression diplomatique et économique (les accords bilatéraux, le co-développement etc.), pour ceux et celles qui veulent rejoindre le continent européen, les frontières commencent bien avant la Méditerranée : les ambassades et les aéroports sont de plus en plus des outils dans les mains des gouvernements faisant partie de l’UE pour empêcher les gens d’arriver sur les cotes européennes. Les États européens organisent le fichage, blocage et tri dès les pays d’où les gens partent mais aussi ceux qu’ils et elles traversent.

En plus, une agence a été créée en 2004 pour réprimer aux frontières : Frontex, d’un budget de 7 millions en 2007, 420 millions en 2020 : autant de gardes côtes qui refoulent aux frontières, que de la surveillance haute technologique (satellite, drône etc.). En parallèle, des fichiers européens de contrôle des étrangers·e·s ont été mis en place, comme Visabio (qui regroupe toutes les empreintes des demandeurs de visa) et Eurodac (qui regroupe toutes les empreintes des personnes rentrant sans autorisation dans un pays ou y faisant leur demande d’asile). La surveillance aux frontières et le fichage massif rendent aussi encore plus efficace l’enfermement des personnes qui n’ont pas les « bons papiers » : dans tous les pays européens y a des prisons pour sans-papiers où ils et elles peuvent être enfermé·e·s plus ou moins longtemps (jusqu’à 18 mois en Suisse).

Non seulement les frontières sont externalisées, mais aussi l’enfermement. Les centres de rétention sur le sol européen ne semblent pas suffire, voilà donc des prisons, des centres et des camps qui se développent partout en Libye, au Niger, au Maroc pour ficher et enfermer les migrant.e·s qui tentent de traverser ces territoires. Ces prisons sont l’effet direct des politiques migratoires made in EU. Union Européenne qui préfère sous-traiter une partie du sale boulot toujours plus loin de ses frontières.

REGARD SUR LES LUTTES

D’abord, un constat : dans les CRA, des luttes et des résistances, qu’elles soient individuelles ou collectives, il y en a toujours. Ce qui manque le plus souvent c’est de la solidarité à l’extérieur, la capacité de relayer les paroles des prisonnier·e·s en lutte, de s’organiser pour les soutenir. Les rares fois où on entend parler des révoltes à l’intérieur, c’est par des communiqués des flics ou dans les médias dominants (qui reprennent les premiers), où les keufs se plaignent des évasions, de l’insubordination des prisonnier·e·s, des risques pour leur sécurité physique.

Face à cette parole univoque, nous cherchons dans cette brochure à reproduire simplement sur papier les luttes des prisonnier·e·s à l’intérieur des CRA, et celles menées à l’extérieur en solidarité, pour qu’elles puissent rester dans le temps. Nous ne cherchons pas à tracer des bilans ou à apprendre quoi que ce soit aux prisonnier·e·s. Nous pouvons regarder la manière dont les luttes à l’intérieur se transforment, pour essayer de nous coordonner mieux avec elleux et tenter de construire une solidarité plus efficace, pour frapper plus fort.

Le 4 janvier 2019, une nouvelle grève de la faim collective est décidée par des prisonniers du CRA 2A de Vincennes. Un appel à un parloir sauvage en solidarité avec cette lutte est lancé pour le 7 janvier. Suite à ce parloir, une assemblée se lance en Ile-de-France. Entre fin décembre et fin janvier plusieurs révoltes collectives se suivent et se répondent dans différentes prisons pour sans-papiers : à Vincennes, Mesnil-Amelot puis rejointes par des prisonniers de Oissel et de Plaisir. Jusqu’en mars, là où s’était arrêtée la dernière brochure, des mouvements collectifs continuent d’être lancés par des prisonnier·e·s malgré les tentatives de répression par les keufs de la PAF. Une manif publique contre les centres de rétention et les rafles est appelée à Paris le 3 mars suivie d’un parloir sauvage derrière la prison de Vincennes.

On va essayer de raconter dans cette brochure la suite de ces luttes menées par des prisonnier·e·s et dehors par l’assemblée, même si on sait que les informations qu’on a sont toujours très limitées : nous ne sommes pas au courant de tout ce qui se passe à l’intérieur.

Depuis la dernière brochure les mouvements collectifs ou les luttes individuelles ont continué dans tous les centres de rétention. Que ce soit par des grèves de la faim, des blocages de promenades, des tentatives de bloquer ensemble des expulsions, des incendies des lieux d’enfermement, des révoltes faces aux violences policières.

C’est compliqué d’analyser des périodes de luttes dans les CRA, plein de choses se passent sans qu’on le sache et l’ambiance dans ces prisons pour sans-papiers change rapidement. Quand on a commencé à écrire cette intro en septembre, on avait l’impression que la situation n’était plus la même : les camarades en lutte de ces derniers mois ont été libéré·e·s ou déporté·e·s, la répression avait frappé violemment une partie de celleux qui se sont révolté·e·s. Mais déjà à la fin de septembre, une grève de la faim commençait dans les CRA de Plaisir et de Palaiseau le même jour. Depuis les révoltes n’ont pas cessé.

Entre chaque lutte collective, plein de prisonnier·e·s tentent de lutter comme ils et elles peuvent pour faire face aux expulsions et a l’enfermement. Lors des expulsions, beaucoup de prisonnier·e·s se révoltent dans l’avion en essayant d’appeler à la solidarité des passager·e·s et des travailleur·se·s.

Aussi il existe une pratique de l’automutilation ou de la prise vénère de médocs comme tentative de résister au vol. Cependant l’État expulse quelque soit l’état de santé des prisonnier·e·s, il essaye juste d’éviter que les personnes meurent pendant le vol.

On observe aussi que le lien entre prison et CRA s’intensifie : toujours plus de personnes entrent en CRA après une peine de prison, et cette année il y a eu beaucoup de procès et d’allers retours CRA-prison pour des révoltes et des tentatives évasion. Par exemple, ça a été le cas à Rennes après l’incendie d’un bâtiment (deux personnes ont pris un et deux ans de prison ferme).

Et donc, que faire ? A Paris une assemblée à lieu tous les mercredis pour s’organiser. Dans pas mal d’autres villes existent aussi des collectifs qui luttent pour la fermeture des prisons pour étranger·e·s.

Concrètement, on continue à montrer notre solidarité de plusieurs façons. Par exemple, à Paris depuis septembre il y a eu 3 parloirs sauvages ; on a aussi essayé, quand c’était possible, de nous organiser avec des proches ou avec des collectifs de sans-papiers.

En parallèle, nous avons continué à mettre en place un travail d’information sur les entreprises et les acteurs qui participent au fonctionnement des CRA, des boites qui ramènent la bouffe et font le ménage dans les centres, aux guichets (de la Poste, de le SNCF, etc) qui balancent les sans-papiers, des juges qui prolongent sans cesse la rétention, aux assos qui cautionnent ou collaborent avec les flics dans les prisons pour étrangers·e·s. Les CRA existent aussi à cause d’elles !

Nous pensons aussi qu’il est fondamental de faire sortir les paroles collectives et individuelles des prisonnier·e·s et relayer les luttes. Pour ça, nous nous appuyons sur plusieurs supports.

- Un blog : abaslescra.noblogs.org où on relaye tous les communiqués, témoignages et d’autres infos sur les frontières.

- La radio : avec l’émission L’Envolée, tous les vendredis de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 (en région parisienne). La radio permet aux prisonnier·e·s d’appeler en direct pour raconter leurs luttes et d’avoir des nouvelles d’autres prisons pour sans-papiers.

- Brochures :
Une brochure racontant la lutte entre janvier et mars 2019 contre les centres de rétentions.
Un 12 pages de conseils pratiques pendant les arrestations et en rétention.
(Toutes ces brochures sont disponibles sur infokiosques.net.)

- Plein d’affiches et tracts dispos sur le blog abaslescra.

- Un mail pour nous contacter : abaslescra@@@riseup.net

Paris-Banlieue, décembre 2019

DES TÉMOIGNAGES DE PRISONNIER·E·S

Les révoltes contre l’enfermement sont quotidiennes et permanentes. Nous relayons dans cette brochure des fragments de luttes qui ont eu lieu dans les Centres de Rétention Administrative (CRA) entre mars et novembre 2019. Ces fragments sont connus et relayés grâce aux liens que nous créons avec les prisonnièr·e·s. Nous ne pouvons en parler que quand nous sommes en lien avec elleux . L’essentiel de ces luttes est resté entre les murs.

“T’es suicidaire, ton état de santé il est pas compatible avec le mitard” / Retranscription de l’ émission de radio L’ Envolée du 24 mai 2019, sur un appel du CRA du Mesnil-Amelot

Après que j’ ai fini une peine de prison je me suis trouvé ici, voilà. La préfecture a refusé de renouveler mes papiers, ils m’ ont mis dans un centre où je suis aujourd’ hui.

T’ as été incarcéré combien de temps tu peux nous dire ?

J’ ai été incarcéré pendant 28 mois. Et à la fin de la peine ils m’ ont mis dans un centre de rétention. Et voilà aujourd’ hui je suis à l’ isolement. Je suis pas dans le bâtiment où se trouve tout le monde je me trouve à l’ isolement, toujours entre l’ hôpital, parler avec les médecins et les psychologues, et l’ isolement j’ ai pas le droit de sortir, j’ ai même pas le droit d’ aller me promener, voilà...

Mais pourquoi ils t’ ont mis à l’ isolement ?

Ils m’ ont mis à l’ isolement parce qu’ ils m’ ont dit « vous voulez vous suicider ».

Ils sont contradictoires ces gens-là normalement quelqu’ un qui est suicidaire il a pas à être à l’ isolement il doit être mélangé à tous non ?

Non, je sais pas, normalement quelqu’ un qui voulait se suicider c’ est qu’ il est arrivé à bout c’ est que... il devrait pas être là...

Et les psychologues ils jugent... c’ est quoi leur rapport ?… heu... j’ arrive à ressentir un peu la douleur que tu peux avoir dans ton corps pour en arriver là parce que bon je suis une ancienne prisonnière donc j’ arrive un peu à me mettre à ta place même si ce que tu vis c’ est plus grave que la détention pour moi parce que c’ est... voilà t’ as connu les deux et je pense que tu sais c’ est pire que la taule pour moi je sais pas si.. Voilà...

Oui au moins la taule on est là pour faire notre peine, on connait la date de sortie mais là... notre problème, on est dans l’ angoisse, la peur, dans le stress total tous les jours voilà moi le fait qu’ aujourd’ hui je suis pas bien parce que je suis père de famille, j’ ai un enfant voilà, c’ est pas le fait qu’ ils veulent que je parte vers mon pays d’ origine. C’ est le fait que j’ aurais plus le droit de voir mon enfant c’ est ça qui me...

Oui ils rompent les liens familiaux complètement.

Voilà et aujourd’ hui ces gens-là qui m’ ont mis ici, ils veulent rien savoir, ils ont du pouvoir, et aujourd’ hui je suis là et maltraité même...

Et les psychologues ils disent quoi ?

Les psychologues ils disent « Cette personne là on la laisse à l’ isolement. On peut pas le laisser dans un bâtiment avec les autres retenus, on le laisse à l’ isolement. Parce que il peut faire des trucs dangereux. Il est dangereux on peut pas le laisser comme ça avec les autres retenus » Et c’ est pas le cas, c’ est pas le cas, depuis que je suis ici j’ ai jamais fait quelque chose qui nuise à la...

A la santé d’ autrui ?

Voilà, soit des retenus, soit des fonctionnaires. Moi aujourd’ hui c’ est mon problème personnel j’ essaie de passer le message, c’ est de pourquoi pas si des gens s’ intéressent à ce genre de problème, si ils peuvent aider ou je sais pas. J’ aimerai bien que les gens soient au courant de ce qu’ il se passe. En guillemets, oui c’ est un centre de rétention, mais pour moi c’ est un camp de réfugiés, voilà.

Ouais et moi je me demandais parce que toi tu disais que t’ étais passé de la prison au centre de rétention. C’ est à quel moment qu’ ils t’ ont prévenu qu’ ils allaient te mettre en centre de rétention ?

Oui quand j’ étais en détention, en fait j’ avais posé mon dossier à la préfecture pour renouveler mes papiers. Ils m’ ont dit « Ok il y a pas de problème » mais avant ma sortie, deux jours avant la date de ma libération, le greffe ils m’ ont convoqué ils m’ ont dit « Monsieur, on refuse de renouveler vos papiers. Monsieur, on va vous placer dans un centre de rétention. » Moi je connais pas ce que c’ est un centre de rétention. Voilà deux jours après les gendarmes sont venus me chercher ils m’ ont ramené en centre de rétention. Voilà, ils m’ ont pas prévenus à l’ avance rien du tout, ou si deux jours avant ma sortie quoi. Et moi je dis peut être j’ ai de la chance et je suis encore ici en train de me battre et mais j’ aidais des gens qui avaient pas cette occasion là... Le fait que je sois ici c’ est la prison, encore la prison, c’ est pas une double peine c’ est plusieurs peines. Bon je parle pas de la prison parce que certes j’ ai commis une erreur dans ma vie. J’ ai fait quelque chose, j’ ai été condamné à la prison, bon ça c’ est normal il y a une justice. J’ ai pas gagné…

Après il faut que tout le monde mange quand même hein.

Mais là je parle de... ils veulent me priver de mon propre enfant et le fait que je sois ici là c’ est ça et j’ arrive pas à accepter, j’ arrive pas a accepter, j’ arrive pas à croire que... J’ arrive pas à... je réalise pas en fait.

Et tout à l’ heure là quand t’ as commencé à raconter t’ as dit qu’ il t’ avait amené voir le psy tu crois que tu peux raconter un peu comment ça s’ est passé ? C’ est quoi les questions qu’ il te pose le psy ?

Nan il m’ a pas posé de questions en fait. J’ étais ici les policiers sont venus me chercher ils m’ ont menotté et ils m’ ont ramené à l’ hôpital ils m’ ont dit vous allez voir un psychologue parce que vous êtes malade. J’ ai dit non je suis pas malade ils m’ ont dit « Oui vous êtes malade, si les gens comme vous tentent de se suicider c’ est qu’ ils sont malades. » donc je suis parti là-bas. Il y a un médecin psychologue qui s’ est présenté à moi médecin machin. Je lui ai dit « écoutez monsieur, moi je suis pas malade certes j’ ai fait pour ça pour toucher les gens qui m’ enferment pour leur montrer qu’ il faut qu’ ils traitent mon cas autrement. C’ est pas de m’ enfermer ici, et c’ est pas de m’ éloigner de mon enfant, c’ est pas ça qui va régler le problème. Il m’ a dit bon moi je peux rien faire pour vous, vous allez rester à l’ isolement parce que vous, entre guillemets, vous présentez du danger pour vous même et pour les autres retenus. Je peux pas vous laisser dans le bâtiment. Moi je suis d’ accord pour que vous restiez à l’ isolement. Voilà il m’ a pas posé d’ autres questions sur ma vie personnelle, sur ma vie professionnelle ou ma vie familiale ou...

Il a fait une conclusion et c’ est tout. Il a suivi des ordres surtout.

Ouais, pour moi c’ est sûr qu’ il a reçu des ordres, bien sûr ! Parce qu’ avant qu’ il me voit il a parlé avec les policiers. Moi je dis il croit plus les policiers que moi.

Ouais et ils écouteront plus les policiers quoi qu’ il arrive. Si les policiers ils lui disent vous le laissez là...

Bien sûr. Mais malgré que les policiers je les appelle les monstres c’ est pas des policiers c’ est des monstres ces gens-là. Moi ici dans un centre de rétention c’ est des pauvres gens juste parce qu’ ils ont pas de papiers ils sont enfermés ils sont maltraités parce que juste... leurs problèmes c’ est administratif, on les maltraite. Pour moi le fait de rester ici 90 jours c’ est une peine de prison. 90 jours ça...
Là par exemple tu m’ as parlé du psychologue d’ ici du centre d’ ici. Je suis parti le voir deux jours avant que j’ ai ces problèmes-là. J’ ai parlé avec lui il m’ a dit : « Monsieur vous pouvez pas changer le monde » j’ ai dit : « Moi monsieur devant vous, je veux pas changer le monde, c’ est pas à moi de changer le monde moi je veux changer ma situation et trouver une solution pour mon problème. » il m’ a dit : « Moi je peux rien faire pour vous, voilà si ils veulent vous expulser bah, ils ont le droit voilà. Parce que vous avez commis un truc quand vous étiez en prison » j’ ai dit : « Oui en prison j’ ai payé pour ce que j’ ai fait normalement vous devez pas me parler du passé, j’ ai été en prison et j’ ai payé pour ce que j’ ai fait aujourd’ hui j’ ai le droit de vivre normalement comme tout le monde. Est-ce que j’ ai pas le droit de vivre dans la société ? » Et il m’ a dit « Oui vous avez le droit. » Je dis : « bah dans ce cas-là pourquoi vous me dites ça monsieur si j’ ai le droit de vivre dans la société ? Si j’ ai le droit de voir encore mon enfant, devant moi, pourquoi vous êtes d’ accord avec eux pour qu’ ils m’ expulsent ? » Comme tu viens de me dire moi je confirme que bien sûr c’ est un complice. C’ est un complice de ce système-là.
Et aussi je voulais dire quand t’ es en prison et que t’ es suicidaire ton état de santé il est pas compatible avec le mitard. Tu comprends ? C’ est pour ça que ça m’ intéressait le fait qu’ il soit suicidaire et qu’ ils le mettent au mitard. Ce qui prouve encore que c’ est vraiment une putain de zone de non droit ! »

“Ferme ta gueule, tu es en situation irrégulière, tu n’as aucun droit ici en France” / Plainte et récit contre les violences policières à Vincennes - 16 avril 2019 (on relaie ici la plainte d’un copain enfermé à Vincennes, victime de violences policières, et expulsé par un vol caché quelques jours plus tard…)

Monsieur le Procureur,
Je voudrais porter à votre connaissance les faits suivants.Je suis descendu au coffre vendredi 1er février vers 15h30-16h. Un policier m’ a demandé ce que je voulais. Je lui ai dit que je voulais prendre des affaires dans le coffre. Il m’ a dit “le coffre il est là”. Je lui ai dit “non je veux descendre au coffre d’ en bas”. Dans le coffre d’ en bas il y a mes vêtements, je voulais prendre des affaires pour me changer. Le policier m’a dit qu’ il n’ y a pas de coffre en bas, le coffre est à côté. Je lui ai dit “vous avez compris ce que je veux, vous jouez aux jeux de mots avec moi”.Le policier a dit ”tu as du répondant toi. Si c’ est comme ça tu ne vas pas y aller au coffre”.Je lui ai dit “bah comme vous voulez”.Le policier a pris ma carte et est reparti vers la policière qui est au bureau. Le policier lui a remis la carte et lui a dit “il est interdit de coffre”.J’ attendais sur le banc pour qu’ ils me remontent. Ils m’ ont laissé sur le banc environ 20 minutes. La policière est passée devant moi. J’ ai demandé d’ accéder au coffre ou alors qu’ on me remonte. La policière a dit “vous me cassez les couilles”. Je lui ai dit “vous aussi vous me cassez les couilles si c’ est comme ça”.La policière s’ est retournée et m’ a crié dessus. Le policier a vu la policière en train de me crier dessus et est venu vers moi et m’ a attaqué. Il m’ a attrapé, il m’ a secoué. Il m’ a dit vous me cassez les couilles. Il m’ a mis hors caméra et m’ a tapé la tête contre le mur 3 ou 4 fois. Je commençais à perdre connaissance. Il m’ a jeté par terre. Il m’ a donné des coups de poing sur la figure, ils étaient 4 policiers et une policière. Le policier a une marque sur la main gauche tellement il m’ a frappé. Je n’ arrivais pas à bouger. Ils m’ ont insulté. Ils m’ ont dit “sale arabe vous croyez que vous êtes chez vous ici ou quoi”. Ils m’ ont donné des coups de pieds dans la gueule. J’ ai pris au moins trois coups de pieds dans la gueule. J’ ai des bosses dans la tête et j’ ai mal à la mâchoire. Je n’ arrive pas à mâcher. J’ ai l’ oreille bleue et gonflée. J’ ai l’ œil bleu et j’ ai le cou bloqué. Dans la brigade, il y a des policiers qui ont dit aux policiers d’ arrêter et ils ont dit “là vous êtes partis trop loin”. Les policiers ont arrêté et ils m’ ont ramassés et ils m’ ont mis sur le banc. J’ ai demandé à remonter au centre et à voir un médecin. Quand ils ont entendu ça ils sont partis voir leur chef. J’ ai ensuite attendu environ 30 minutes sur le banc. Ils m’ ont ensuite conduit au commissariat du 18e. Les policiers du CRA ont parlé avec les policiers du 18e dans un bureau fermé du commissariat. Quand les policiers sont sortis, je suis rentré dans le bureau. Le policier du commissariat a dit aux policiers du CRA “quand même vous l’ avez massacré”. Les policiers du CRA ont répondu “vous dîtes qu’ il est tombé sur le banc”. J’ ai dit à la policière du commissariat du 18e que ce n’ était pas vrai. Elle m’ a répondu “ferme ta gueule, je ne t’ ai pas donné la parole”. Je lui ai dit “je connais mes droits”. Elle m’ a répondu “ferme ta gueule, tu es en situation irrégulière, tu n’ as aucun droit ici en France”. Je lui ai dit que je voulais porter plainte. Elle m’ a dit “non tu ne peux pas porter plainte, c’ est les policiers qui portent plainte”. Le policier est grand, il a une barbe, il est châtain foncé. Le policier est en civil. La policière a les cheveux teints en rouge. Je n’ ai pas eu accès à un avocat. Ils ne m’ ont pas expliqué mes droits lorsque j’ étais au commissariat. Ils ne m’ ont pas proposé d’ avocat et ils ne m’ ont pas autorisé à appeler ma femme.

Fait à Paris le 4 février 2019.

“Si t’étais pas toxico avant… tu deviens toxico dedans avec les cachets du médecin” / Témoignage du CRA de Bordeaux sur les conditions d’enfermement et la grève de la faim en cours. Soutien à tou·te·s les prisonnier·e·s, liberté pour tou·te·s ! 5 mars 2019, texte déjà relayé par la CIMADE

« Au CRA de Bordeaux on se fait traiter comme des chiens. Déjà on est 22 au maximum, 6 chambres de 3 et une chambre de 4… bon en ce moment on est 11. Mais on est au sous-sol ! On a 1m2 de ciel dans la promenade, avec des grillages et tout autour les grands bâtiments de la police, pas de fenêtre rien. On s’ennuie on fait rien, on stresse alors on boit des cafés et on fume des clopes, ça nous stresse encore plus… En ce moment les toilettes sont cassées, ça fuit c’est mouillé. Puis même imagine, une seule toilette pour 20 personnes, le matin c’est dégueulasse et faut faire la queue, c’est trempé par terre, faut nettoyer avant d’y aller… y’a des travaux en plus en ce moment donc on a même pas d’eau chaude. On est vraiment traités comme des chiens c’est dégueulasse. En ce moment y’a des algériens, des chinois, des libanais, des guinéens, on est tous dans la même merde.
Y’a eu une tentative de pendaison, c’est nous qui l’avons sauvé on l’a soulevé et tout. Les gens deviennent fous, si t’étais pas toxico avant… tu deviens toxico dedans avec les cachets du médecin. Ils prennent des Valium, des Diazépal, c’est censé nous calmer mais ça rend les gens fous, tout le monde essaye de se suicider, de se couper de partout ou de se tuer, tous les soirs c’est la même chose. La bouffe ici, même les chiens ils la mangeraient pas. Déjà il faut jamais toucher la viande. C’est de la nourriture en plastique, ça se voit que c’est vieux. C’est de la nourriture de garde-à-vue pendant 90 jours. Personnellement je prie Dieu pour qu’ils me mettent en prison, c’était mieux la prison ! 90 jours ici c’est pas possible. Ici y’a 4 vols par semaine, par Air Algérie ou des compagnies comme Aigle Azur. Les flics ils préviennent pas, ils viennent la nuit ils te réveillent, ils te font une clé pour t’immobiliser et après tu te fais scotcher ; on te met le casque direct. T’as pas le temps de résister ou de crier, t’es scotché comme en centre psychiatrique. Si tu résistes, ou si tu veux te révolter ou te battre pour aider quelqu’un à résister à son vol, les policiers ils parlent pas ils envoient direct du gaz et ils s’en vont ils te laissent dans le gaz. Ici on a pas le droit aux briquets dans les chambres, y’a un briquet dans la promenade, et les draps ils sont dans une matière spéciale pour nous empêcher de tout brûler. Y’a 2 portes électroniques on peut pas s’échapper. […] Les gens du consul [d’Algérie] ils harcèlent et draguent nos femmes et nos filles, ils proposent de coucher avec elles pour nous libérer ces chiens ! Ou alors ils veulent de l’argent… C’est des corrompus.. Tous les consulats c’est des collabo et des corrompus, faut les dénoncer. Et les commandants de bord pareil. Au Mali les consuls ils se sont fait brûler leur maison à cause de leur collaboration avec la France, bientôt faudra faire pareil ! […] Donc on est en grève de la faim, on boit de l’eau on mange du sucre. Il faudrait que tout le monde arrête de prendre les cachets aussi, mais certains en prennent pour oublier qu’ils ont mal au ventre.
Quand je suis arrivé au CRA y’a un mois, on avait fait grève de la faim pour avoir du café et un distributeur d’eau et de boissons, et aussi pour qu’ils réparent les toilettes, ils ont accepté finalement pour être tranquilles. Donc faut continuer parce que ça marche, même si c’est très dur. Nous on veut être tous libérés. Mais aussi : on demande le respect c’est simple ! De la bonne nourriture, une meilleure promenade, on veut voir le ciel un peu ! Ça fait 1 mois que j’ai pas vu le ciel moi.
On va tenir jusqu’au bout. »

Témoignage de M., prisonnier au CRA
de Bordeaux. 5 mars 2019.

Cette violence est organisée. Elle se déroule hors caméra, ces mêmes caméras qui servent à envoyer en prison les personnes qui se révoltent dans les CRA comme à Lyon et Rennes ces dernières semaines. Elle est couverte par la hiérarchie, les collègues, les médecins et l’association du centre. Le même groupe de flics profite de l’isolement des prisonniers à la fouille et de l’absence de caméra pour tabasser. S’ensuit alors la chaine de répression habituelle : plaintes des keufs, GAV, et parfois prison. Quatre jours après, un prisonnier, passé à tabac par une dizaine de policier, dormait à Fresnes.
“Le temps que le mec il grimpe là-haut et accroche le drap, ils étaient où ? Sur leur smartphone ?” / mars 2019

« Il a reçu un avis défavorable du tribunal, pour le retenir encore là au centre. Parce qu’il a déjà passé 28 jours, ils ont rajouté une trentaine de jours. Voilà, il était vraiment dans un état dépressif après avoir reçu la décision du tribunal. Il a demandé l’asile. Il avait une attestation de l’asile déjà. Ils ont pas voulu de l’attestation. Apparemment, c’est une attestation qui n’est plus valide, qui a expiré. Du coup elle n’était pas renouvelable. Du coup aujourd’hui il a reçu la décision. Il a compris que c’était pas en sa faveur. On lui a dit que ça fait rien, que ça va aller. On était tous ensemble pour essayer de le consoler quoi. Et du coup moi je suis rentré dans ma chambre tranquille, j’ai pensé il est allé dans sa chambre lui aussi. Et là un mec, depuis la salle télé, l’a vu en train d’attacher la corde à son cou dehors. On est arrivé juste à temps pour le décrocher.
En fait dans la cour y a une cage à l’extérieur. Vous voyez comme y a des cages là où on met des oiseaux. Ou bien les animaux voilà. C’est une cage, et il s’est pendu au niveau des barreaux extérieurs de la cage. Il a réussi à grimper. C’est fou quand même … à attacher le drap et à se pendre. Avec un peu de chance on a réussi à grimper et à le descendre en bas. Après, ils l’ont emmené dans une ambulance et on sait plus rien du tout de lui. Ils l’ont amené à l’infirmerie puis dans l’ambulance. Et la police n’a même pas cherché comment ça s’est passé. Ils nous ont pas interrogé, qui l’a décroché, pourquoi et tout… Le minimum, une petite enquête. Et dans la cour, aux deux extrémités, il y a deux cabines avec des policiers qui sont là en permanence jour et nuit, à ta droite et à ta gauche. Le temps que le mec il grimpe là-haut et accroche le drap, ils étaient où ? sur leur smartphone ? J’sais pas. Ils ont rien vu du tout. C’est nous de l’intérieur qui avons réussi à le voir et nous sommes précipités vers lui. Pourtant, eux leur travail consiste à nous surveiller.… »

Retranscription d’ un coup de téléphone le lundi 11 mars 2019.

“Les policiers ils savent très bien ce qui se passe, tout ça c’est à cause d’eux” / mars 2019

Baston générale et grosse répression au CRA du Mesnil-Amelot, le 12 mars 2019. Les copains du Mesnil-Amelot craquent et les embrouilles et bagarres s’enchaînent. Mardi 12 mars, une bagarre générale a eu lieu au CRA sous la pression de l’enfermement et de la violence des keufs.
“Il y avait tout le monde, c’était bagarre générale !”
Beaucoup de personnes sont blessées et envoyées à l’hôpital. Au total, il y a eu 7 personnes sorties du CRA. 3 ont été envoyées en prison et les autres ont été transférées dans d’autres CRA hors de l’Île-de-France. Les keufs ont gazé tout le monde pendant la bagarre et un keuf a été blessé à la bouche avec une lame. Des prisonniers aussi ont été blessés par des lames de rasoir.
“Les policiers ils savent très bien ce qui se passe, tout ça c’est à cause d’eux.”

« Ceux qui sont dehors il faut vraiment manifester pour ça » / Une grève de la faim et une grève de l’infirmerie et de l’ASFAM (l’association présente dans le centre) ont éclaté au CRA 1 de Vincennes le jeudi 21 mars 2019 et se sont poursuivies jusqu’au vendredi, partiellement suivies au CRA 2

« On va dire ici les objectifs de la grève de la faim. Les 3 mois ici c’est pire que la prison, nous on est dans un centre de rétention et c’est pire que la prison. Parce qu’ici on a un pied dedans et un pied dehors, parce qu’à tout moment on peut nous expulser. Y en a ça fait plus de 60 jours qu’ils sont là… c’est trop.
Ceux qui sont dehors il faut vraiment manifester pour ça.
Les sanitaires c’est dégueulasse, la bouffe c’est immonde, la façon dont on nous ramène au tribunal dans des cages c’est pas possible Les gens malades sont là… laissez tomber c’est déplorable. C’est un centre de merde, on nous a mis dans ce centre de rétention de merde ici.
Nous sommes dans un centre où on nous dit que c’est pas une prison, mais on dirait que c’est pire. On a pas le droit à nos téléphones, juste les téléphones sans photo. On peut même pas communiquer avec Whatsapp. Ils nous ont privé de tout ça. Nous mangeons trop mal, nous buvons l’eau de leurs robinets. Leurs fontaines d’eau sont pleines de rouille.
Y a des gens malades, de la tuberculose, du sida, hépatite… y a tout ici. Y a un petit qui est ici qui est fou.
On n’a pas le droit de manifester ici, y a des gens ils sont censurés on les a renvoyés dans leurs pays. On leur met des scotchs sur la bouche, on les attache et tout ça. On les envoie forcés quoi. Avant de monter dans l’avion on leur met le scotch, on leur met le masque. On a l’info par les copains qui sont au pays. Y en a d’autres quand même qui ont réussi au CRA [à refuser les vols].
Y en a un ils l’ont tapé, alors qu’il est même pas envoyé au pays. Ils l’ont tapé parce qu’ils l’ont pas réussi.
On utilise une tondeuse pour 100 personnes , 1 coupe ongle pour tout le monde.
Ici y a beaucoup de vols, d’argent et tout.
Même au centre y a de la discrimination, on dirait qu’ils nous mettent en conflit entre les arabes et les noirs. La manière dont on les traite les noirs.
On met plus les noirs dans un secteur, dans une même chambre. Ça a créé des conflits, un des nôtres a été emmené à l’hôpital même, et changé de CRA.C’est la stratégie de la police de nous mettre en conflit. Quand on veut revendiquer ils nous permettent pas. Rien n’est de leur faute, y a une hiérarchie et ils sont obligés d’exécuter. Les juges font partie de l’équipe de la préfecture, parce que quand tu prends un privé (avocat) t’es libéré, mais quand c’est d’office y a pas de libération.
La nourriture n’est pas hallal.
Tout le monde se plaint de la même chose, quand les délais arrivent à leurs fin ils créent quelque chose (genre aller voir ton ambassade) et comme ça t’es prolongé. Comme ça tu prends la peine maximale. Quand ils voient qu’il te reste un ou deux jours, ils te font quelque chose comme ça le juge te prolonge en disant qu’ils ont pas eu le temps de te faire voyager mais que c’est en cours.
Au premier jugement on te dit la peine maximale de 28 jours, alors après ils font tout pour te prolonger. Quand t’es un français quand on te dit peine maximale, c’est la fin. Pas pour nous.
On leur demande d’améliorer la situation des détenus, que les choses se fassent dans des brefs délais. On a pas besoin de 3 mois pour quitter un territoire. Même 28 jours pour quitter un territoire. C’est pour ça qu’on fait la grève de la faim, on préfère mourir qu’attendre leurs choses. On se dit que c’est un centre où y a pas de délai.
On est là dans une condition déplorable, inhumaine. On peut pas supporter 3 mois. C’est pour ça qu’on est en train de grever.

En solidarité avec la grève, le 24 mars 2019, nous avons fait un parloir sauvage (rassemblement pour communiquer avec les gens de l’intérieur) devant le centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes.
Deux personnes ont été interpellées par la police et placées en garde-à-vue, puis placées au CRA pendant 5 jours.
Solidarité avec tou·te·s les enfermé·e·s !

“Ils m’ont pris dans une prison à l’hôpital” / Violences policières à répétition au CRA de Vincennes, un prisonnier harcelé par les flics porte plainte, voici un extrait du document. Deux semaines avant, des personnes ont résisté à la déportation de l’un des leurs au CRA de Vincennes. Elles se sont faites tabasser par les flics du centre. Plusieurs sont parties en GAV suite aux plaintes de flics. Des violences similaires ont conduit à l’incendie du CRA de Rennes il 10 jours avant par des prisonniers. Depuis le début du Ramadan début mai, les violences et humiliations quotidiennes dans les CRA semblent avoir redoublé / Mars 2019

« On est arrivé aux urgences le policier qui conduisait a voulu venir avec moi, il fait la fouille il a demandé à venir avec moi car c’ est son pote, ils ont pas arrêté de dire que j’ avais fait ça tout seul. A l’ hôpital le policier a demandé à parler avec sa collègue, il a demandé ce que j’ avais il a dit “j’ ai fait ça tout seul” elle a dit “sérieux”, il a dit “oui oui”. J’ ai vu j’ étais juste derrière lui. Après le monsieur qui était en train de conduire à l’ accueil des urgences a commencé à me parler normalement et alors qu’ avant il me parlait trop méchamment. J’ étais en train de me rappeler qu’ est ce qui m’ était arrivé. J’ ai dit soit toi soit les deux qui restent m’ avez poussé la tête vers l’ angle et vous avez fait ça exprès. Il a dit “non c’ est pas moi j’ étais à cinq mètres de toi”. J’ ai dit “c’ est le policier qui porte le numéro 1448229 qui est responsable”.
Après ils m’ ont fait les procédures des urgences, températures, tensions, ils m’ ont entré dans la salle des soins j’ ai perdu la conscience pour faire les points de suture parce que j’ ai perdu trop de sang car j’ ai attendu pas mal de temps dans la salle avant qu’ ils m’ amènent à l’ hôpital. Ils sont restés là dedans, j’ ai fait un scanner. Quand je suis redescendu j’ ai fait les points de suture et le médecin a dit que je peux pas revenir au CRA.
Ils m’ ont pris dans une prison à l’ hôpital. Ils m’ ont enlevé le téléphone et mes vêtements et m’ ont donné les habits de l’ hôpital. C’ était la première fois que je vois ça, j’ avais trop peur. J’ ai pris mon traitement et j’ ai dormi direct. Le matin le médecin m’ a revu et m’ a dit “tu restes une nuit de plus pour que je te surveille”. Et j’ avais trop peur j’ ai dit “je veux repartir au CRA. J’ ai plus de liberté”. J’ ai demandé le certificat médical au médecin mais il ne m’ a pas donné en mains propres. Il l’ a donné au chef de poste qui l’ a donné aux agents qui m’ ont fait venir au CRA.
J’ ai été menotté et je suis resté deux heures à l’ accueil. J’ étais trop fatigué. Quand j’ ai dit que je voulais me reposer après une heure d’ attente une policière m’ a dit “pourquoi tu fermes pas ta gueule“.
Je peux reconnaître tous les policiers. Il y a des témoins et tout le monde a dit “Ohhh, pas comme ça” quand ils m’ ont tapé la tête. Ils n’ ont même pas vu le sang, ils ont entendu que le bruit. (...) »

H.
Fait à paris le 27 mars 2019

DES PRISONNIÈRES DU CRA DU MESNIL-AMELOT RACONTENT LES CONDITIONS D’ENFERMEMENT ET LEUR QUOTIDIEN

Pour les copines enfermées en CRA, c’est la double peine du racisme et du sexisme c’est-à-dire qu’en plus des violences subies par tous et toutes, elles doivent supporter d’autres « formes » de violences. Elles ont toujours pour but d’intimider et d’humilier la personne. Ça peut être des insultes liées à leur genre, de la drague non consentie, donc du harcèlement,de la part des flics, des menaces par rapport à leurs enfants. En plus du stress des conditions de vie en CRA et de la déportation, elles doivent vivre avec la possibilité et une probabilité plus élevée de se faire violer. Au Mesnil-Amelot, en décembre, une femme enfermée s’est faite violer par un keuf du CRA. Le viol est aussi utilisé comme une punition, une forme de répression de la part des keufs. Un autre moyen de leur faire fermer leur gueule, de leur mettre la pression. Les copines avec qui on était en contact nous racontaient que face à ce viol, elles avaient décidé de résister ensemble, c’est-à-dire de rester toujours ensemble, de ne jamais se retrouver seules. Il y a souvent une grande solidarité et complicité entre les meufs au Mesnil. Elles s’échangent les produits de première nécessité comme les serviettes hygiéniques, elles s’entraident moralement, elles partagent les informations sur les résistances, sur les parloirs sauvages.

“Une mort douce”

« Par où commencer : les toilettes sont sales. Il y a des fuites d’eau dans la salle de bain. La chasse d’eau ne fonctionne pas. Le réfectoire est sale. La nourriture est immangeable. Les portes ne se ferment pas. Les lits font trop de bruit, du coup les filles dorment par terre pour pas déranger les autres. Ça sent pas bon et les couloirs sentent les égouts.

Une mort douce j’appelle ça. Ils ne laissent pas les visiteurs faire entrer de la nourriture chaude.

Il y a tellement de choses à dire et à changer : maltraitance, mauvaise nutrition.

Ils ont prolongé le délai de la rétention de 45 à 90 jours.

Une communauté musulmane, ils cuisinent avec du porc et de la viande. Les retenues malades et qui ont une santé fragile ne sont pas bien prises en charge.

J’ai écrit ça étant sous Attarax, comprimé calmant. »

« Vraiment c’est avec le cœur serré que je parle de ces différentes conditions, c’est vraiment gênant de la part de la France. »

« On ne mange pas bien, des femmes avec leurs bébés et des nourrissons sont enfermées. »

« On nous traite comme des chiens et chiennes sans respect, pas de nourriture, les sanitaires sont tellement insalubres qu’on risque de se faire piquer, d’attraper des infections incurables, les policiers nous traitent comme des moins que rien alors que le sang qui circule dans leurs veines est le même sang que nous. »

« Quand on demande du papier toilette les personnes nous refusent c’est-à-dire c’est un calvaire total. Hier j’ai été à l’infirmerie pour prendre mon traitement. Il y a une infirmière raciste qui se permet de me dire que je faisais semblant de me faire mourir alors que tout le monde savait que j’avais fait une crise 3 fois depuis le début de cette histoire. Si je pouvais faire une plainte contre cette infirmière je le ferais. J’ai tellement à raconter, donc je préfère le tête à tête avec vous, j’ai vu des choses qui m’ont épatées, vraiment. »

“On a prévu de faire une grève de la faim, car on est en contact avec le centre de Vincennes” / Témoignage d’une copine prisonnière au CRA du Mesnil-Amelot retranscrit de l’émission l’Actu des luttes du 5 avril 2019

« Je suis au CRA de Mesnil-Amelot depuis 25 jours. Je me suis faite arrêter au travail, j’ai été en GAV pendant 24 heures. Puis on m’a emmené au CRA. La police n’était pas sympa, ils étaient horribles racistes, tout ce que vous voulez. Arrivée ici, comme c’était la première fois, je ne savais pas comment ça allait se passer, c’était quoi la prochaine étape. La Cimade m’a guidée un petit peu. Puis j’ai pris un avocat, je suis passée au premier jugement, j’ai été rejetée, et j’ai fait l’appel à Paris, mais personne n’est libéré à Paris, donc je n’avais pas beaucoup d’espoir quand je suis allée à Paris. Et il y a trois jours, je suis passée à Melun, et pareil j’ai été rejetée, donc j’ai décidé de rentrer chez moi. En fait, ils font tout pour nous faire craquer. Il y a des gens qui ont des santés fragiles qui ne sont pas bien traités. Il y a une femme asthmatique qui fait des crises et ils ne la prennent pas au sérieux. Elle est tombée par terre et une policière lui a dit « relevez-vous, vous faites de la comédie ». Et puis ils mettent du temps à appeler les pompiers, car ils ne veulent pas se casser la tête, ils ne veulent pas passer leur nuit à l’hôpital. Une autre dame qui se fait super mal traiter par la police, qui est une femme voilée, elle a droit à rien, si elle va devant la Cimade, elle attend une heure, deux heures, et après on lui dit que c’est fermé, pour la fouille, pareil. Et il y a les sanitaires aussi, qui sont déguelasses, les douches sont bouchées, et quand quelqu’un prend sa douche, ça sent les égouts dans le couloir. La bouffe, c’est pareil, absolument immangeable. Il y a des bébés, des enfants, des familles. Il y a même un nouveau né, ils l’ont ramené et ils ont dit qu’il allait resté ici trois mois, car il a été rejeté au JLD de Meaux. Ça c’est aberrant, c’est affreux. Il y a tellement de choses qui se passent, des gens malades, des gens perdus, qui ne savent pas parler le français, qui ne savent même pas lire le délibéré du juge. Donc ils ne savent même pas ce qui se passe. Parfois, ils partent au tribunal, et ils n’ont pas d’interprète.

[...]

Je ne sais pas pourquoi les CRA existent, pourquoi ils ramènent des gens de chez eux, du travail, ou de n’importe quel lieu, ils les ramènent ici, ils leur donnent de la merde à bouffer, et ils les traitent comme des chiens. Même les chiens ils ont une meilleure vie que les êtres humains d’ici.

Dès que je suis arrivée, on est très solidaires avec les autres filles. Elles m’ont expliqué comment ça allait se passer, ce qui se passe, comment faire. Il y a une fille qui est partie il y a pas longtemps, il lui ont fait un vol caché. Je n’ai jamais compris le principe des vols cachés. Elle a vécu toute sa vie en France, et elle voulait renouveler ses papiers. Je pense qu’elle avait déjà un OQTF, et ils l’ont ramené ici. Au bout de 19 jours, ils lui ont mis un vol, elle a refusé et le jour où elle partait à la Cimade pour contacter le ministre de l’intérieur, c’était sa dernière chance, car c’est une fille qui est venue à l’âge de 8 ans en France, elle a fait ses études ici, elle a tout fait ici. Ils l’ont pris du lit, en survêt, comme ça, et elle savait pas. Ils disent « présentez-vous avec toutes vos affaires au couloir ». C’est comme ça qu’ils font pour les vols cachés. Donc là maintenant, on connait le jeu, on sait que c’est un vol caché, surtout si c’est le matin. Ils l’ont pris comme ça, et elle s’est retrouvée au Maroc. Elle a pratiquement jamais mis les pieds au Maroc depuis son arrivée en France. Et là on a des nouvelles, ça va elle essaye de se débrouiller, mais c’est choquant, et je ne comprends toujours pas pourquoi ils font ça. Au début, ils mettent un vol affiché, et parfois, avant de passer au tribunal administratif où il y a plus de chances d’être libérée, ils affichent un vol. Et après le deuxième vol, tu peux refuser mais c’est un vol caché. Et au troisième vol, ils te mettent un casque de boxe et ils te scotchent et te mettent dans l’avion.

On a prévu de faire une grève de la faim, car on est en contact avec le centre de Vincennes, et on a vu que leur grève de la faim a marché, donc on voudrait faire pareil. On essaye d’aller vers les gens, de leur dire voilà, il faut qu’on s’organise. On propose de faire une journée où on ne va pas manger. Moi je ne vais jamais au réfectoire, mais il y en a qui y vont et on est pas encore arrivé à convaincre tout le monde de ne pas y aller. Même par rapport à la Cimade, on a parlé de ne pas aller à l’infirmerie, à la Cimade, de ne pas parler à la police et de rester juste à l’intérieur du CRA ou dans la cour, pour pouvoir nous exprimer, et on est en train d’organiser ça, et j’espère pouvoir le faire avant de partir.

Depuis que je suis là, j’essaye d’aider tout le monde, quand un nouveau arrive, on lui donne des vêtements propres. J’ai eu au téléphone À-bas-les-CRA, ils sont venus, ils ont ramené des serviettes hygiéniques, ramené des vêtements propres, qu’on peut donner aux nouveaux. J’ai beaucoup appris, même si c’est une mauvaise expérience, ça nous apprend plein de choses, ça nous sensibilise, ça n’arrive pas qu’aux autres. Jamais je ne me serais imaginé être là, mais ça n’arrive pas qu’aux autres.

Y’a des personnes vraiment abandonnées, oubliées par l’État et par tout le monde. L’autre jour, je suis partie voir un chef gradé, et un policier m’a dit, « pourquoi tu sens bon tout le temps ? pourquoi tu t’habilles bien ? tu veux attirer qui ici ? il n’y a que des sans-papiers, ça va te servir à quoi ? » Il m’a démoralisé, je lui ai répondu « toi tu sais pas c’est qu’être une femme, si je fais ça, c’est pour moi, ça ne te regarde pas du tout ». Donc j’en ai parlé au chef gradé, il m’a dit « oui oui, c’est noté ». J’ai profité de l’occasion pour lui montrer qu’une dame n’avait pas de lumière dans sa chambre, car les ampoules ont cramé. C’était une dame qui a été libérée depuis, on était très très très contente pour elle. Il a fallu que je fasse une crise de panique et que je sois en larmes et dans tous mes états pour qu’ils viennent voir ce qui se passe ici, dans les chambres. Et si les policiers ramènent une personne à minuit, ils viennent, ils frappent pas aux portes, alors qu’on est des femmes. Aucun respect. Et il y a aussi les policiers qui viennent à 6h du matin prendre les gens pour le TGI et tout ça. Ils chantent dans les couloirs, ils crient, ils frappent aux portes. Ils menacent les gens. Une dame est venue, elle est restée 24h avant d’être déportée. Et une flic lui a dit, la personne la plus raciste que j’ai jamais vu je crois. Elle est venue et elle lui a dit « si tu refuses le vol, on va te mettre en prison, te scotcher » alors que c’était son premier vol, et qu’elle voulait repartir.

Il y a tellement de choses, c’est sidérant, je suis dégoutée de la France, de tout ça. Il n’y a pas de droits de l’homme. Ils se battent pour que les chiens se fassent adopter, alors que les gens sont oubliés, expédiés. »

MOUVEMENTS DE LUTTE AU CRA DE LYON SAINT-EXUPERY

“C’est la prison politique c’est pas la prison humanitaire ici, c’est pas un centre de rétention”

Lundi 15 avril 2019, une personne détenue a tenté de se suicider à Lyon. Les personnes à l’intérieur se sont révoltées et l’une d’elles a lancé un appel au secours et à mobilisation qui a été diffusé le lendemain. Ci-dessous l’appel au secours du prisonnier ; enregistré avec son accord.

« - Ok donc y a deux jours y en a qui ont essayé de faire une tentative de s’ évader. Il y en a trois qui ont réussi et trois qui se sont fait attraper, ont été grave blessés. Ils ont été quarante-huit heures en garde à vue et ils ont passé en quarante-huit heures et aujourd’ hui ils rentrent au centre, et aujourd’ hui il y a quelqu’ un tout à l’ heure qui a monté sur la porte où il y a le barbelé. Et il s’ est suicidé avec le barbelé. Et il s’ est étranglé avec le barbelé. Et la police ils ont rien fait, c’ est nous qu’ on l’ a descendu. La police ils ont mis à peu près 25 minutes juste pour ramener une échelle. Ils étaient même pas loin, à 200 ou 300 mètres. Nous on a voulu le récupérer malgré tout y a les portes entre nous, donc on s’ est grimpé tout le monde et on a essayé de descendre mais sauf que eux ils nous a gazé ils nous a frappé ils nous a violé, laisse tomber.
Ici tout le monde a pété un plomb, tout l’ monde a commencé à brûler, brûler les chambres, à brûler les matelas, à brûler tout. Donc ici les gens ils sont traités comme des chiens, si il y a moyen de nous aider, ici on est des êtres humains on est pas des animaux, voilà notre seul délit qu’ on a pas de papier, c’ est notre seul délit, notre seul problème dans cette vie. Vous pouvez appeler les associations, ou appeler les médias ou appeler les journalistes, ou toutes les personnes qui sont là pour l’ humanitaire, pour de vrai, il faut qu’ ils soient là pour nous, pas de cinéma, pas de spectacle, pas de théâtre, ici c’ est des êtres humains, on n’ a pas besoin de théâtre, on n’ a pas besoin de spectacle, on a besoin des gens qui luttent pour nous. C’ est un message d’ au secours.
- D’ accord
- Voilà c’ que j’ veux dire, et c’ est pour ça que aujourd’ hui, vraiment, y en a un qui s’ est suicidé, y a même pas 20 minutes ou 25 minutes, y a du sang partout, y a des gens ici qui sont prêts à faire même plus que ça parce qu’ on est traité comme des chiens. C’ est pour ça on fait appel à tout l’ monde, c’ est un appel au secours ça.
- D’ accord et là qu’ est-ce que vous faites en ce moment ?
- Là en ce moment on essaie de se calmer mais malheureusement il nous a fermé mais c’ est brûlé, y a des chambres qu’ ont déjà brûlé, malheureusement y a rien on n’ a pas le choix, si on reste ici on va mourir brûlés, ou on va s’ étouffer avec la fumée. Les gens ici ils peuvent plus en fait c’ est, c’ est, c’ est... pire que la prison ici, c’ est la prison politique c’ est pas la prison humanitaire ici, c’ est pas un centre de rétention, c’ est la prison, c’ est même pas la prison, je sais pas c’ que c’ est. Faut aider ces gens-là, aujourd’ hui on est des êtres humains, des étrangers, il faut les aider. J’ peux plus trop parler là. »

Samedi 13 avril, des personnes détenues ont tenté de s’évader du CRA de St-Exupéry pour échapper à l’enfermement, à la répression policière et aux conditions déshumanisantes qu’elles subissent.
Parmi ces personnes, trois ont réussi à s’échapper et quatre ont été rattrapées, tabassées, placées en garde à vue. Elles ont été déférées devant le tribunal en comparution immédiate ce jeudi 18 avril ; l’audience a finalement été reportée au 3 mai. Dans l’attente de cette prochaine date, la juge a décidé de les enfermer à la prison de Villefranche s/Saône.
Suite à ces tentatives d’évasion, les flics se sont vengé en réprimant les personnes emprisonnées au CRA. Iels ont infligé des punitions collectives : gazages, tabassages, maintien en cellule…

“Un chien, on l’enferme chez vous pendant 48h, il va tout faire, même il va se suicider”

Après une première comparution immédiate le 18 avril 2019, le procès de quatre évadés a eu lieu le 3 mai, ils ont tous écopé de 4 mois de prison ferme. Compte rendu de l’audience du 3 mai, où un détenu se défend seul.

Trois détenus seront assistés par une interprète.
On reproche aux quatre personnes une « tentative de soustraction à une mesure de rétention administrative » le 13 avril et pour deux d’entre elles « la dégradation ayant causé un dommage grave dans le mur du Centre de Rétention, dégradation commise par plusieurs personnes en qualité d’auteur ou de complice ».

- LA JUGE, résume les faits : à 17h45 le 13 avril, l’alarme du CRA se déclenche, deux flics arrivent et voient un trou creusé dans un mur extérieur donnant sur une coursive. Les flics voient trois personnes en train d’escalader et une qui repasse à l’intérieur du CRA. Tous seront interpellées. La juge montre des photos et décrit le dispositif qui barricade le CRA : sur la coursive, il y a des haies avec derrière un grillage de 4m, et le dernier mètre est constitué de panneaux inclinés vers l’intérieur, eux-mêmes terminés par des herses pointues. S’adressant à D. qui a choisi de se défendre lui-même : Concernant votre participation aux faits, vous vous êtes blessé en tombant du grillage, vous n’êtes pas parvenu à l’escalader. Vous dites que vous avez entendu parler de l’évasion qui était en projet en début d’après-midi. Vous contestez avoir participé aux dégradations mais vous avez vu le trou se creuser. Vous reconnaissez par contre que vous vous y êtes intéressé, que vous avez fait du bruit, que vous avez donc évidemment participé à cette tentative d’évasion qui a échoué. Alors, qu’est ce que vous souhaitez dire ?

- D. : Je ne suis pas d’accord parce que c’est pas ce que j’ai dit, ce qui est écrit. J’avais une avocate à côté de moi, j’ai demandé, j’ai dit, je n’ai pas dit ce qu’il est écrit, trois fois je l’ai dit à l’avocate. Jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas vu mon dossier. Je sais pas ce qu’on me reproche. J’ai pas eu de réponse. J’ai refusé d’avoir un avocat.
Par rapport l’évasion, n’importe qui il a un chien chez lui, qui le ferme pendant 48h, il va tenter de s’évader. L’être vivant, c’est comme ça. Moi je suis un être vivant. J’ai été en prison, de prison on m’a envoyé au centre de rétention, c’est la première fois de ma vie que je suis enfermé. Donc moi je pense et je crois, y a rien qui va changer, je crois profondément que c’est dans mes droits d’essayer de s’évader. Parce que je me sentais pas libre, n’importe qui va chercher sa liberté. Moi j’ai voulu chercher ma liberté, c’est dans les droits de chercher ma liberté [La juge tente de l’interrompre, mais il ne lâche pas]. Mais moi, de mon point de vue personnellement, j’ai pas fait un délit. Je vois pas pourquoi aujourd’hui je suis en prison. J’ai cherché que ma liberté.
Un chien, on le met chez vous pendant 48h, il va tout faire, même il va se suicider, il va pas rester enfermé. Moi je suis pareil, je suis un être vivant. Voilà. Y’a des gens qui peuvent être incarcérés, moi je peux pas être incarcéré ». La juge s’impose et, dans un ton condescendant et moralisateur, fait la leçon : « Alors, je vous explique une chose, si vous ne comprenez pas la différence entre un chien et un être humain, le chien ne connait pas la loi et vous vous la connaissez. On en a fini avec les faits, je n’ai pas de question ».

[Le proc’] demande quatre mois d’emprisonnement pour chacun avec maintien en détention.
C’est au tour de la personne sans avocat d’assurer sa défense, disons S.

S. : - J’ai demandé le 18 pour que je prépare ma défense. En prison, on ne m’a pas fourni le dossier pour relire la police ils ont dit, les faits qu’ils ont dit sur moi. La tentative d’évasion, c’est vrai la loi française elle interdit ça. Mais moi comme être humain, aujourd’hui, même si on me met en prison, je trouve n’importe quel moyen de s’évader, je vais chercher ma liberté. Je suis un être humain, je suis un être vivant, moi j’ai frappé personne, j’ai fait de mal à personne, j’ai touché personne, j’ai juste cherché ma liberté. Y’a 100 ans de là, y’avait l’histoire de l’être humain, y’a que 100 ans qu’il y a les frontières, y’a 100 ans, juste 100 ans que y’a les frontières. Peut-être ça changera un jour. Je vais être jugé par ces lois-là, moi pour moi, c’est un procès politique déguisé dans une enveloppe de jugement d’affaires je sais pas comment dire. Pour moi, c’est injuste si je suis aujourd’hui en prison, parce que juste j’ai tenté de m’évader. Pourquoi j’ai tenté de m’évader. (...) Au centre de rétention, j’étais pas, je me sentais pas un être humain. Je me sentais… tout à l’heure j’ai dit un chien, un chien c’est un être vivant, pour moi il a total respect, pour moi n’importe quel être vivant, il doit avoir le respect. Aujourd’hui, moi je me trouve en prison, je trouve ça injuste, ça c’est mon point de vue personnel bien sûr, je trouve ça injuste que je, honteux aussi que je me trouve en prison à cause de ça. Dégradations, je veux bien qu’on me le prouve. Moi j’ai pas dégradé, j’ai rien fait ou quoi. J’ai pas pu préparer ma défense, Madame. Aujourd’hui je suis en train de subir, c’est mon point de vue personnel Madame, je suis en train de subir aujourd’hui la torture, que j’ai rien fait du tout.
Aujourd’hui, moi si on m’a pas pris mes papiers, je m’évaderais pas, je serais pas entré en prison, je serais pas là devant vous. Moi mes papiers ils me les ont pris injustement. J’ai un recours. Je considère pas que je suis sans-papier, non. Ma présence au centre de rétention, je la trouve aussi injuste. Donc injuste pour ce qu’on me reproche, un délit que moi je trouve pas un délit, n’importe quel être humain, n’importe quel être vivant va chercher, va faire pareil, voire même mieux, peut-être il va réussir, moi j’ai pas réussi, malheureusement. Ne le niez pas Madame, n’importe quel moment que j’aurai un p’tit, un p’tit point que je pourrai m’évader… C’est pas contre la loi...

LA JUGE, tente de l’interrompre : On a bien compris.

S. : ...c’est juste pour récupérer ma liberté. C’est tout Madame.

La juge tente de mettre un terme à sa plaidoirie, mais il souhaite ajouter quelque chose :

S. : J’ai pas pu récupérer le dossier pour préparer ma défense. Je sais même pas si c’est légal ou pas. S’il vous plaît, c’est vous qui va me dire ça : est-ce que c’est légal ? Aujourd’hui, j’ai lu rien depuis la garde à vue, jusqu’à ce moment-là, j’ai pas eu quoi que ce soit comme papier, madame. Vraiment, ça, c’est légal ou pas ? Je sais pas. La juge, ne voyant aucune trace de ces demandes dans le dossier, choisit d’ignorer complètement sa parole.

Le procès aura duré 1h15. Les quatre, avec ou sans avocat, sont finalement condamnés à quatre mois de prison ferme, comme le demandait le procureur.

En solidarité avec les prisonnièr·e·s du CRA de Lyon, un parloir sauvage a eu lieu le 23 avril 2019 devant la prison/CRA. Plusieurs dizaines de personnes étaient présentes dont pas mal de familles !

“Tant qu’il y aura des CRA il y aura de l’auto-mutilation”

Témoignage d’un prisonnier du CRA de Lyon, 26 avril 2019 (publié sur Rebellyon.info)

« Bah j’ai fait ça parce que j’ai des enfants ici et qu’ils veulent m’expulser au pays. Je comprends pas pourquoi ils veulent m’expulser au pays, j’ai un enfant de quatre ans et un enfant de cinq ans et ils veulent m’expulser au pays. Ils m’ont fait un premier vol et le deuxième vol, je l’ai refusé et voilà ! Et là, je me suis charclé et j’attends, j’attends pour mon jugement et je regarde, quoi. En fait c’était vendredi dernier. Au lieu de me ramener faire des points de suture, ils m’ont foutu là, ils m’ont ramené à l’isolement, ils m’ont gardé toute la nuit là-bas. Ils m’ont nettoyé juste le truc, et j’ai au moins treize points de suture, ils m’ont rien fait. J’ai neuf points à peu près dans la main et treize points dans les pieds. C’est le docteur qui a dit : “ouais, ben mettez-le à l’isolement.”
À part ça, c’est le bordel aussi, là. Comme au Forum, ils aident pas les gens, ici, ils expliquent rien aux gens, les gens, ils appellent la Cimade et les gens de la Cimade qui passent ici, ils aident un petit peu. Mais le Forum, il y a un bureau de le Forum, c’est pour aider les étrangers. Ils aident rien du tout. Il y a une infirmière aussi, ils font pas leur boulot comme il faut, c’est comme le médecin, c’est comme tout le monde. Les gens, ils ont attrapé des maladies, ils ont la gale et tout, ici, l’infirmière elle s’en fout. Il y en a un la dernière fois qui a fait une crise ici, aussi, pareil. Ils s’en foutent aussi. Ils leur donnent des médicaments, n’importe quoi, vraiment, ça sert à rien du tout. »

Les Centres de rétention administrative (CRA) sont des prisons pour étranger·e·s dont l’administration ne reconnaît pas le droit de séjourner dans le pays. L’enfermement et ces conditions désastreuses, ainsi que les violences policières, ont cristallisé les tensions en leur sein. Rassemblons-nous ce dimanche 28 avril en soutien aux révolté·e·s à l’intérieur et contre toutes les formes d’enfermement !
Pour que vive la révolte, par-delà les murs, contre ce monde de barreaux et de barbelés.

“Paf la Paf, ils paieront les pots cassés”

Extrait d’un communiqué d’une action de soutien suite à l’appel au secours sorti le 16 avril 2019 du CRA de Lyon

En réponse à l’appel au secours des détenu.e·s du CRA de Lyon Saint-Exupéry, ce mercredi 1er Mai 2019, nous avons mené une action contre la PAF (police aux frontières) de Part Dieu. En cette journée de mobilisation internationale, nous affirmons que nous devons défendre la dignité de tou.t.es : des travailleurs.ses, mais pas seulement. Nous nous sommes retrouvé.e·s et avons décidé de redécorer leur triste façade à l’aide de bocaux de peinture. Nous devons tou.te·s combattre continuellement ces institutions. (...)
On brise du verre, ils brisent des vies.

C.A.R.G.L.A.S.S
(Compagnie Autonome Révolutionnaire Gardant L’Anonymat pour Sa Sécurité)
Carglass répare, carglass remPAF !

LA POSTE BALANCE DES SANS-PAPIERS

À La Poste de Champigny, on balance des sans-papiers aux flics...

Pour réagir face aux pratiques de collabo de La Poste et les visibiliser, on est plusieurs personnes à être allées à Champigny le samedi 1er juin au matin. On a collé des affiches sur deux bureaux de Poste de la ville, tendu une banderole devant l’une d’elles et tracté le texte ci-dessous. De manière générale, les gens étaient très réceptif·ive·s : beaucoup étaient choqué·e·s, voulaient en savoir plus sur ce qui s’était passé, ce qu’on peut faire contre ça, etc. Après avoir lu le tract, une personne est d’ailleurs allée embrouiller un employé de La Poste au guichet en lui demandant qu’est-ce que c’était que cette histoire. Embarrassé, il est allé chercher le directeur. Ce dernier a clairement exprimé son positionnement en répondant que l’employé de La Poste qui avait balancé la personne n’avait fait que respecter la loi. On se demande bien de quelle loi dégueulasse il parle, mais surtout on s’en fout complètement qu’il y ait une loi ou pas pour justifier sa collaboration à la machine à expulser en balançant les gens aux flics.

“La liberté c’est d’abord dans nos cœurs”

Lettre collective du 25 avril 2019 d’un prisonnier du CRA de Vincennes

Nous vous écrivons cette lettre avec toutes les blessures dans nos cœurs et corps, derrière les barrières de prison qu’eux appellent « CRA », il n’existe pas de justice ni les droits de l’homme. On se fait violer mentalement chaque jour par leur harcèlement.
Nous écrivons cette lettre et nous savons bien que ça ne changera rien. Nous avons vécu beaucoup de problèmes avec cette dictature de la police. Nous avons fait une grève de la faim pendant 5 jours et après ils nous ont obligé à manger par la force.
S’il vous plait, nous avons besoin de votre aide pour nous libérer de cet enfer parce que nous ne sommes pas des criminels et la liberté c’est d’abord dans nos cœurs.

Les retenus du bâtiment 2B du CRA de Vincennes

DES LUTTES COLLECTIVES

“Ils ont pris deux piges pour ça. Pour avoir brûlé des matelas dehors”

Des révoltes à Rennes et Rouen.
Au centre de Oissel, en février 2019, une grève de la faim réprimée a poussé les prisonniers à brûler des bâtiments. Résultat : 8 cellules sur 12 rendues inutilisables. Cette révolte est passée sous silence partout. Sauf dans le CRA de Rennes où une dizaine de prisonniers de Oissel ont été transférés après la révolte. Suite à un vol caché violent, des prisonniers du centre de Rennes se révoltent et y foutent le feu. La répression ne se fait pas attendre, déjà quatre d’entre eux ont pris du ferme. (Extrait d’une émission de L’Envolée en avril 2019)

« Là au centre (de Oissel près de Rouen) il doit y avoir 4 chambres. En tout y en avait douze. Mais j’crois y a deux trois mois ici ils ont fait une grève de la faim, ils ont démonté les chambres ils ont démoli tous les lits. Là il reste 4 chambres. Chaque chambre c’est 6 ou 8 personnes. Donc là on est ptet 30 ouai… On est quatre chambres, y a deux chambres où la douche elle marche pas.
[…]
Bah en fait depuis ça (les grèves de la faim), moi j’étais au centre de rétention de Rennes, je suis rentré le 26 là bas. Et y‘avait des mecs ils étaient ici à Rouen, ils avaient fait la grève de la faim et tout ça. Y’en avait 10 ils les ont tous transférés. Y’a 10 personnes ils les ont transférées à Rennes. Et c’est là bas j’ai appris ils avaient fait la grève de la faim et tout ça. Et moi quand ils m’ont transféré de là bas (Rennes), c’est parce qu’il y a eu un incendie. Et ils ont scotché un mec. Tu sais comment ils font. Ils rentrent dans ta chambre. Ils viennent le soir hein. Ils voient si tout le monde est là. Ils font l’effectif à minuit et ils repassent à deux heures voir si t’es bien dans ta chambre. A quatre heure du matin ils sont rentrés et à ce qu’il parait ils m’ont dit, moi je sais pas j’étais pas dans le même bâtiment, à ce qu’il parait ils s’apprêtaient à faire la prière. Ils sont venus sur lui, ils se sont jetés sur lui. Une éponge dans la bouche pour qu’il se morde pas la langue, un casque de boxeur sur la tête, pour qu’il se tape pas la tête sur les murs, et menottés par derrière, et scotché menotté les pieds, le mec il touchait pas le sol. Moi j’ai entendu les cris et tout ça j’étais pas dans le même bâtiment. Il touchait pas par terre le mec. Son vol il a commencé là où il était en fait.
Et les mecs qui étaient avec lui, ses binômes, ceux qui dorment avec lui, ses co, bah ils étaient enragés je crois. Ils ont foutu le feu, devant les caméras.
[…]
J’étais en contact avec un Tunisien là-bas et il m’a dit ils ont pris deux ans deux ans et un an. En plus le Tunisien avec qui je parlais hier il a pris l’avion. Il a dit franchement moi je rentre.
[…]
Les mecs ils ont mis le feu, ils ont brûlé les matelas tout ça. Parce que les mecs ils ont brûlé le feu, c’était à l’extérieur. C’est pour dire. A l’extérieur…
Alors les mecs ils ont commencé à foutre le feu dehors, devant les caméras. Je te dis ça parce que vraiment les gens qui prennent deux piges deux piges une pige c’est compliqué tu vois. Ils ont pris deux piges pour ça. Pour avoir brûlé des matelas dehors. Ca veut dire y a rien qui brûle. Les keufs t’as vu ils sont arrivés, ils ont sorti l’armurerie. Les matraques, les gaz. Ils ont mis les personnes accroupies dans un coin là-bas et puis ils les ont dispatchés dans les autres bâtiments. Et la nuit les gens ils ont pas dormi. Parce que les autres bâtiments y a dix personnes ils sont blindés. Ils ont passé une nuit blanche dans la salle télé.

« On appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centres à nous rejoindre dans la lutte »

Alors que leur centre de rétention est en travaux suite à des révoltes qui l’ont mis partiellement hors d’usage deux mois auparavant, les prisonniers du CRA de Oissel, près de Rouen, se mettent en lutte pendant plusieurs jours. Ils ont écrit le jeudi 6 juin 2019 un communiqué pour raconter les raisons de leur colère et de leur mobilisation.

Nous on fait grève par rapport à la nourriture qui est pas bonne. Le centre de rétention est sale. Les douches sont bouchées. Les lavabos sont bouchés. Y a un terrain de foot où personne peut faire du sport. C’est les policiers qui font du sport à notre place. Y a pas d’activité ici. Le CRA est en travaux. Hier on s’est embrouillé avec eux, ce matin ils ont reveillé tôt le matin tout le monde pour prendre des gens et les ramener en Espagne. Toute la journée y a du bruit parce que le centre est en travaux. Il est en travaux parce qu’il a brûlé recemment. On devrait être sortis pendant les travaux. Il devrait pas y avoir de prisonniers ici.
Hier ils ont mis un gars qui avait 16 ans a l’hôpital pour lui faire le test osseux et depuis pas de nouvelles des résultats. Il est toujours là. Ici les flics ont conseillé à la femme d’un prisonnier de divorcer de son mari si elle veut avoir un jour les papiers. Y a des gars qui devraient être à l’hôpital. Y a un gars qui doit se faire opérer, il ne peut pas respirer par le nez. Y a un mec ici qu’a l’hépatite B et un autre l’hépatite C. Ils devraient être à l’hôpital. On sait qu’à Rennes depuis l’incendie du CRA de la bas c’est plus pareil. Ils ont plus de sport, les visites c’est plus compliqué. Les policiers écoutent tout et laissent les portes ouvertes. Face à tout ça, on appelle les prisonniers de Rennes et de tous les autres centres à nous rejoindre dans la lutte !
Des prisonniers du CRA de Oissel
Force et courage à tou·te·s les enfermé·e·s !

Les révoltes dans les centres de rétentions continuent ! Il y a plusieurs semaines les prisons pour étranger·e·s de Oissel puis de Rennes étaient en partie détruit par des révoltes de prisonniers. En fin de semaine dernière c’est au CRA 2 du Mesnil Amelot qu’une autre révolte a eu lieu. Résultat : tout le batiment 9 du CRA2 a brûlé.

“Chaque policier par exemple il travaille trois jours – trois jours, il vient il fait sa loi !”

Des prisonniers du CRA de Lyon Saint Exupéry racontent les conditions d’enfermement et leur quotidien : inondation, gazage et isolement, le 1er juillet 2019 (crametoncralyon.noblogs.org)

« Hier comment il pleuvait. Il y a de la pluie, il y a l’inondation et y’a de l’eau il est rentré dans les chambres. Et les gens ils ont crié pour avoir de l’aide. Et euh 5 minutes ils sont venus les policiers avec des masques, avec des bombes lacrymogènes avec des gaz, avec des bâtons et ils commençaient à battre tout, tous les gens. Il sont sortis avec la pluie qu’il y a, ils ont sorti les gens dans la cour. Ils les ont laissés là avec la pluie. Et ils insultent. Puis ils ont ramené des pompiers. Ils ont nettoyé tout et ils ont débouché je sais pas quoi. Ils ont débouché quelque chose et de l’eau. Ils ont ramenés deux au mitard, à l’isolement. Ils ont laissé jusqu’à 11h. Et ils ont frappé aussi hein !! Ils ont frappé ils ont… comment ça se dit.. Ils ont tiré des pieds je jure hein ! Comme un sac ! Comme un sac de patates jte jure ! Ils ont pris jusqu’à la chambre, ils ont fermé la chambre. Il resté tout seul jusqu’à le matin, à 11h du matin ils ont laissé sortir. Euh je suis pas d’accord avec eux. Ce qu’ils ont fait. Ils ont pas le droit de frapper des gens et, ils ont pas le droit de frapper des gens et aussi pour jeter le gaz lacrymogène dans le visage. C’est pas une bonne idée y’a des gens qui sont malades, qui sont asthmatiques et ça c’est moche.
Nous on a rien fait ! Et c’est ça moi pour cette raison que je parle. Oui aussi les gens qui ont de la famille, ils sont venus, ils ont pris la route 100 km, ya des gens qui viennent de Chambery, qui sont venus de Annecy pour les visites, ils ont pas laissé pour voir ce qu’il passe, le bordel qu’il passe avec les policiers, avec nous. Ils disent qu’il y a trop. Il y a des gens qui sont venus aussi, ils ont des femmes qui sont mariées à Grenoble ou il viennent des gens d’Annecy et jusqu’à maintenant ils n’ont pas laissé. Ils ont laissé rien passer, 5 personnes ou 6 personnes aujourd’hui.
Mon copain il t’a dit aussi pour les médicaments il a mal au dent ils donnent du doliprane. Il a mal de l’estomac ils donnent du doliprane. Il a mal de la tête ils donnent du doliprane. Les yeux c’est le même ! Doliprane ! Doliprane ! Ici rien d’autre que du doliprane, le même médicament pour tout ! Y en a ils donnent du Valium, ça pour tuer des gens, des arabes, pour les droguer. Lyrica, Diazepam, c’est rien que pour les arabes hein, jte jure les albanais ils prennent pas. Je sais pas pourquoi ils leur donnent pour les arabes. Tu les vois se droguer c’est les mêmes que des animaux hein ! Alors que c’est des gens. Moi ça fait 48 jours que je suis là. Il y a des gens qui ont maintenant 52 jours. Et eux aussi hein, les pauvres comme moi le stress et tout pour cette raison ils leur donnent Valium, ils leur donnent ça pour se calmer hein. Le stress de la prison, comment on nous traite. Ils frappent, ils insultent tu as compris ? Ils nous disent “tu es ici, nous on fait ce qu’on veut. Chacun chez nous tu es ici, toi tu peux rien, sinon tu prends ton bagage et tu pars au bled” Chacun il fait la loi ici ! Chaque policier par exemple il travaille trois jours – trois jours, il vient il fait sa loi ! »

Dans la nuit du 7 au 8 juillet une personne est morte à 32 ans dans le CPR (Centri di Permanenza per il Rimpatrio, équivalent des CRA en Italie) de Turin, une ville dans le nord de l’ Italie. Elle est morte en cellule d’ isolement dans le CPR après avoir dénoncé un viol. Il y a eu des révoltes et des manifestations à l’ exterieur.
7 juillet : un détenu du CPR de Torino meurt faute de soins. Dans les jours qui suivent, une révolte secoue le CPR. Une tentative d’ incendie, des affrontements avec la police, des prisonniers blessés.
12 juillet : pour protester contre la bouffe immangeable et dans la foulée de la révolte pour le détenu laissé crever, une grève de la faim débute dans le CPR de Turin. Pendant 3 jours, presque personne ne mange. Des détenus montent sur le toit, gros tabassages de la part des keufs.

Suite à ce rassemblement, nous sommes allé·e·s en parloir sauvage au CRA de Vincennes ou nous avons pu crier notre solidarité et entendre qu’elle avait été entendue. Sur le retour une trentaine de BRAV (flics à moto) et des quelques camions de CRS nous ont fait courir et découvrir les recoins de Joinville. Quelques contrôles d’identité mais pas d’arrestations.

Action contre Air France et les déportations pendant la Marche des Fiertés à Paris !
De plus en plus d’entreprises s’invitent à la Marche des Fiertés, ce 29 juin 2019, c’était autour d’Air France avec un char Person’Aile. Une centaine de personnes décident de bloquer le char, et de rappeler le rôle d’Air France dans les milliers de déportations qui ont lieu chaque année.

“On a allumé le feu”

Le 8 juillet 2019, des copains du bâtiment 1 du CRA de Vincennes (il y a deux bâtiments distincts dans ce CRA, les retenus ne sont pas mélangés) ont incendié une cellule pour protester contre leur enfermement et leurs conditions de vie en CRA.

On a allumé le feu. Après on est restés bloqués dans la cour dehors du midi jusqu’au soir. Ici on nous considère comme des chiens, on nous respecte pas, on nous parle mal, on a aucun droit contre la police. La police nous insulte, l’autre jour un policier m’a filmé je lui ai dit d’arrêter, je lui ai dit qu’il a pas le droit, qu’on n’est pas des singes, il filme pour mettre sur son mur facebook et rigoler. Le policier a répondu qu’on est des singes.
On est des animaux pour elles et eux, on peut rien faire, on se fait taper et on doit fermer notre gueule. On peut pas répondre si on se fait taper. Si on répond on va en prison, après le vol arrive plus vite. L’ASFAAM [association au CRA de Vincennes], le Juge des libertés et les keufs ils travaillent ensemble.
Et puis le JLD c’est de la merde. Y a quelqu’un dans le CRA qui a les papiers espagnols, qui a toute sa vie là-bas et ils le laissent pas sortir, le JLD veut pas l’envoyer en Espagne. Y en a un autre au bout de 88 jours (durée d’enfermement : 90 jours) il a été déporté avec la force physique, amené à l’aéroport et dans l’avion.
Les médecins ont pas donné un certificat à quelqu’un qui s’est cassé le bras au CRA pour l’amener à l’hôpital. Ils l’ont jamais amené à l’hôpital. Un autre qui était diabétique il avait pas accès à l’insuline, quand il faisait des crises il tombait par terre.
Ici c’est l’angoisse, que des problèmes, personne rigole, y a que des insultes avec les keufs. On sait pas quand on va sortir, quand y aura un vol. Le CRA c’est comme une peine de prison.

“Ce lundi on est une trentaine à avoir refusé le repas ce midi...”

Début juillet, la situation est très tendue depuis plusieurs semaines dans la prison pour étrangèr·e·s du Mesnil Amelot. Cette semaine après plusieurs tentatives de suicides violemment réprimées, les prisonniers des deux centres du Mesnil (CRA2 et CRA3) ont lutté collectivement contre le racisme et la violence des keufs de la PAF.
_ Dans la foulée, la CIMADE (l’asso qui fait du soutien juridique dans le centre) a décidé d’exercer son droit de retrait pendant trois jours. Avec des témoignages de 2 copains, S. et O., enfermés au CRA2 du Mesnil on revient sur ce qui s’est passé cette semaine.

Le 13 au soir une nouvelle commence à tourner :
« Là on est tous dans la cour avec toutes nos affaires, ceux des bâtiments 10,11 et 12 ! »
Le lendemain on prend des nouvelles :
« Hier soir après avoir essayé de bloquer la cours on est rentrés dans les bâtiments. A 22h40 ils ont amadoué tout le monde. Ils ont pris un gars du bâtiment 10 et ils lui ont donné une pétition à remplir.
_ Mais moi je pense qu’une pétition c’est pas une bonne idée. Y a le “représentant” du bâtiment 10 ils lui ont passé qu’à lui la pétition. Il faut tout écrire, qui on est, qu’est ce qu’on veut..
_ Obligé ils vont essayer d’avoir ou de trouver des leaders et de les virer tout ça. Des gars vont prendre des vols c’est sûr. Cette pétition c’est eux qui ont dressé les règles..
On dirait un jeu et c’est eux qui contrôlent le jeu. C’est un délire.
La police dit ce qu’elle veut quoi...”
S.

Le lundi 15 juillet, un mouvement collectif a eu lieu au CRA 2B de Vincennes (donc l’autre bâtiment). S., enfermé là bas raconte ce qui s’y passe.

Ce lundi on est une trentaine à avoir refusé le repas ce midi. Trente cinq pour être précis.
Le lundi soir on a mis tous les matelas dans la cour. Et on a pas dormi de la nuit. Tôt le matin ils sont venu pour un vol caché. Le gars ils l’ont tabassé devant nous. Alors y en a ils ont réagit. On s’est fait taper et tout. Dans la journée de mardi, on était de moins en moins nombreux dehors. Y avait plein de flics autour de nous avec des gazeuses.
Y a une personne qui est venu nous parler. Ils sont venu le deuxième jours. Ils sont repartit. Après ils venaient chaque cinq minutes pour des fouilles etc. On nous appelait pas pour le médecin et tout.. Maintenant ça c’est calmé avec eux.
Le gradé nous a demandé pourquoi on faisait ça. On leur a dit que c’était à cause des trois mois, que c’était trop pour les violences policières et tout. Ils nous ont dit que c’était pas de leurs ressort et ils sont repartit.
Les gens sont allés manger peu à peu tout seul parce qu’ils pouvaient plus tenir. Ils ont pas de parloir ni rien.

Aujourd’hui on est le 18 juillet. On est encore sept en grève de la faim. Ça devient tendu. Hier j’ai perdu une dent, je sors la bouche en sang avec la dent dans la main pour demande avoir le docteur. On me dit “Ouais attends..” J’ai vu personne. En plus je suis tombé malade.

« On est encore une dizaine à toujours être en grève de la faim. C’est pas tout le monde qui tient le coup »

Pendant ce temps là, le CRA de Palaiseau entre aussi en lutte. Des prisonniers du CRA de Palaiseau se mettent en grève et font sortir un texte collectif.

Ici il y a une grève de la faim depuis ce matin mercredi 17 juillet 2019. Si on fait ça c’est par rapport à la nourriture déjà. Il y a tout le temps de la viande et pas hallal. Alors qu’ici y a beaucoup de musulmans ou végétariens comme les rastas. C’est aussi par rapport à l’accès à l’eau, ici y a pas de machine à eau fraiche. L’OFII à refusé aujourd’hui de nous laisser acheter de l’eau en bouteille, alors même qu’il a fait très chaud. Sur les 3 derniers jours la machine à café a fonctionné une seul apres midi.
L’infirmerie faut en parler. Y en a ils sont malade mais on les soigne même pas.
Tout ça c’est un moyen de pression pour les keufs sur les retenus.
Ici y a beaucoup de pères, de gens qui ont des familles. Et tout ce qu’on nous propose c’est de partir au pays.
Ici y en a un il est malade du coeur, mais vu qu’il a perdu son dossier médical il est pas soigné.
Y en a un ici il était a l’hôpital de Villejuif et ils l’ont ramené au centre de rétentions. Ils ont changés ses médocs comme ça.
Y en a un ici son pays n’a pas d’ambassade en France, dans tous les cas c’était impossible pour lui de faire les papiers.
Y en a un ici c’est la préfecture qui a égaré tous ses papiers marocains, ce qui fait qu’il est ici et qu’il attend. Un autre s’est fait arrêter en allant a l’aéroport, après avoir acheté son billet. La France l’empêche de partir. Il le ramène ici et le font galérer. C’est n’importe quoi.
Y en a un il s’est présenté au comico pour répondre à une convocation et ils l’ont ramené au CRA. C’est pas le seul.
Ici y en a une quinzaine qui sortent de la prison. Il faut arrêter la double peine, et les aller retour cra-prison-cra.
Tout cela c’est un moyen de pression pour faire craquer les gens et quitter la France. Les 3 mois c’est beaucoup trop. Ici c’est pas de la rétention c’est de la prison. C’est même pire que la prison parce que t’as pas le droit de cantiner ni nourriture ni eau.
Y a un état d’esprit électrique ici. Tout le monde court partout. En 2h la police est intervenu 5 fois. On veut des changements rapidement dans le centre sur l’accès à la nourriture, à l’eau et au soin.
On appelle les autres centres à se mettre en lutte aussi !

22 prisonniers du centre de rétention de Palaiseau

“On dirait qu’on est à Guantanamo quoi ! Une cage !”

Au mois de juillet 2019, les prisonniers du CRA de Lyon Saint-Exupéry ont fait une grève de la faim. On relaie leurs témoignages de lutte.

Du coup à ce moment-là au CRA depuis euh mardi soir, là on est jeudi, ya une grève de la faim. On a commencé la grève de la faim parce qu’ils ont volé à quelqu’un ses vêtements, ses propres vêtements dans le coffre. Chez les policiers il a pas trouvé ses vêtements. Il a réclamé, il a réclamé, il a parlé avec tous les policiers qui étaient là-bas mais rien !
Il était énervé, il est rentré dans le couloir il a allumé une couverture. À chaque fois on se fait voler notre argent, nos affaires, nos trucs personnels et eux, ils disent « on ne sait pas ».Mais y’a des caméras, il y a tout ce qu’il faut là-bas !En fait ils nous donnent pas les bonnes réponses. Ils essayent à chaque fois d’esquiver notre question. Et nous on a commencé la grève de faim. Personne qui mange jusqu’à ce qu’on récupère nos sacs, nos affaires.
Si on se fait pas voler nos affaires, ils prennent les gens chez eux dans les bureaux et les frappent. Même tu peux pas frapper quelqu’un parce qu’il a insulté !Si c’est physiquement ça c’est une autre chose, mais s’il te dit juste une insulte on a pas le droit de ça. Alors chaque fois s’il y a quelqu’un qui rentre là-bas et les insulte et même quelqu’un il a des problèmes, ils le tapent, ils l’amènent au mitard.
Ils nous contrôlent partout. Si vous rentrez ici vous voyez les cages qu’ils nous ont mises un peu partout ça c’est pas normal quoi on dirait que on est à Guantanamo quoi ! Une cage ! On est dans une cage ici ! Tout est fermé dehors, et dehors et de tous les cotés ! Ils ont mis un mur ! Une sorte de mur comme ça de métal vert, que on peut pas voir dehors, on peut rien ! Et toute la journée le soleil il tape dedans et la chaleur elle rentre dans les chambres. Là on est le 4, il fait très chaud ! Ça veut dire si dehors il fait 40°, dans les chambres c’est 60°. Alors que nous on est juste des personnes qu’on a pas des papiers, on est pas des criminels !
Alors tout tout… Tout ce qu’ils amorcent ici ça marche à l’envers en fait ! Ils veulent nous faire chier comme comme ça on ramène nos passeports, on ramène tout ce qu’il faut pour partir d’ici le plus vite possible. Ça c’est pas normal ! Vous voyez ce que je veux dire ? C’est ça en fait ! C’est ça ! C’est ça.
Depuis que la grève de faim a commencé ils sont venus, ils ont commencé à essayer de parler avec nous mais on a pas parlé avec eux. On a donné nos cartes parce que quand on rentre pour manger faut qu’on montre nos cartes. Alors si tout le monde il mange pas, on a dit « voilà nos cartes, nous on mange pas ! » C’est pour ça, c’est ça la raison. Pour leur dire que nous on veut pas manger, on fait la grève de la faim. Ouais tout le monde a donné sa carte. Nous on a dit donnez-nous, donnez-nous nos affaires. Ils nous disent « Non ! Il faut manger d’abord et boire de l’eau et après on va vous rendre vos cartes ».Vous voyez ce que je veux dire ? Ça c’est pas normal ! Alors si on refuse de manger, eux ils refusent de nous donner nos affaires. Nos propres affaires ! Notre propre argent ! Sans la carte ça marche rien du tout, on peut même pas acheter du tabac. Rien ! Ils nous coupent tout comme ça, ils veulent nous couper tout ! Tout ce qu’il faut, tout ce qui vient de dehors comme ça on est obligé de manger ici chez eux alors comme ça eux ils disent, « ok, vous avez fini votre grève de la faim ». Alors premièrement ils nous ont dit « oui on va vous donner vos affaires et tout ça » et après il ont vu le premier jour, le deuxième jour et maintenant le troisième jour qu’on fait vraiment la grève de la faim. Alors ils essayent de nous couper de tout le monde. De tout ce qu’on peut rentrer de dehors. De tout ! Vous voyez ?
On est pas des animaux on est comme des êtres humains ! Juste qu’on est partis parce qu’on est pauvres ! On a même pas le moyen de manger, c’est pour ça on essaye juste de vivre comme tout le monde. On est pas tous des criminels ou jsais pas quoi. C’est ça mon message.

“Ils fouillent les chambres. 3 ou 4 fois par jour des fois”

En août, la situation est tendue au centre de Palaiseau, où une équipe de flics particulièrement s’en prend aux prisonniers. Un prisonnier raconte quelques moments un peu chauds. Publié le 12 août 2019

« À peine tu descends les escaliers pour aller a l’infirmerie, t’y es déjà. Ici on est 36 mais la cour elle est plus petite qu’en quartier d’isolement sécuritaire en prison.
À Palaiseau, y a une des deux équipes de keufs... ils triquent vraiment les gens. Dans chaque équipe y a un gradé, et celui-là il aime trop aller vers les gens et crier « TA GUEULE ! ». Il est grand, genre 1m80, 100kg. Il emmène les gens à l’isolement parce qu’il n’y a pas de caméras et là-bas ils se font défoncer.
Ce matin déjà c’était tendu. Y a un gars qui est parti les voir, il était 12h17. Déjà le matin même ils n’ont pas voulu lui donner le ptit déj. À midi ils ont fermé la cantine avant l’heure, alors il n’a pas mangé. Normal, il pète un cable au bout d’un moment.
Il a pissé dans un gobelet et il l’a jeté sur la porte de la police. Il a craché dessus. Ils sont sortis avec gazeuse et tout. Ils l’ont ramené en bas, ils l’ont triqué bien comme il faut. Après, ils ont voulu prendre sa veste pour nettoyer la pisse. Normal, il n’a pas voulu. Après, les flics tournaient dans le centre pour prendre ses affaires et nettoyer la pisse avec. Ils n’ont pas trouvé. Lui il a déjà eu deux vols donc vu comment ils se comportent avec lui, c’est sûr ils vont le soulever et ça va être vénèr.
Y a un aussi un ptit keuf tatoué qui trique tout le monde. Lui, à tous les repas il trique les gens. Les gens, ils veulent même pas manger après. Il est un peu costaud, comment il fait le fou…
Il met les nerfs... La dernière fois, y a un gars il avait même pas mangé, le policier commence à l’embrouiller dès qu’il arrive, genre il a déjà mangé. Le gars lui dit de vérifier sur sa liste. Le keuf vérifie et le gars avait raison. Mais au final il est parti sans manger. Même son collègue lui a dit « ah ouais toi t’es direct ».
Tous les jours ils rentrent et ils fouillent les chambres. 3 ou 4 fois par jours des fois. Y a une équipe qui tourne toute la nuit. Toutes les 20 minutes, elle ouvre. Quand je dis tous les jours c’est vraiment tous les jours. Pas un jour sur deux. Alors qu’ils n’ont pas le droit de faire une fouille systématique. Même en centrale sécuritaire c’est pas ça.
L’équipe de nuit dont j’te parle, eux ils dorment pas. Ils claquent les portes, ils allument la lumière des fois. Sur le poignet d’un des keufs il y a écrit « GO » tatoué sur le poignet. C’est un asiat costaud bien grand. Lui ça se voit il veut que la bagarre.
Y a une keuf, toute la nuit elle braque les lampes sur les fenêtres. C’est ça son délire. La, ça fait deux nuits qu’elle fait ça. La nuit, elle ne nous laisse pas nous mettre à la fenêtre, elle nous insulte. L’autre fois, on l’appelle pour changer les chaînes, elle nous dit « ah mais c’est avec nos impôts », plein de petits trucs comme ça.
Y a un gars, quand il était à l’aéroport, ils lui ont mis des patates, il était menotté, ils l’ont jeté par terre. Ils lui ont dit « la prochaine fois, t’inquiète, on t’attend ». Obligé, lui, il va prendre cher à l’aéroport.
Un prisonnier du centre de Palaiseau, le 11 août 2019

“Crever dans un CRA n’est jamais un accident”

Lundi 19 août, un prisonnier est retrouvé décédé dans la cellule où il était enfermé, dans le Centre de rétention administrative de Vincennes. Un jeune homme de nationalité roumaine, rentré depuis quelques jours dans cette prison pour étrangers. Les journalistes ne perdent pas de temps pour répéter qu’ il s’ agit d’ un accident individuel finalement inévitable, que les matons et les autres collabos qui travaillent dans le CRA, n’ y sont pour rien : « les premiers éléments d’ enquête, notamment médico-légaux, conduisent à écarter l’ intervention d’ un tiers ».
Selon les journaux, la cause de la mort serait liée à des médicaments. Mais d’ où il se serait procuré ces médicaments ? A l’ entrée du CRA, tout est saisi et mis au coffre, c’ est l’ infirmerie du centre qui file les médocs aux prisonniers (bien sûr, surtout des somnifères pour que la situation reste tranquille dans la prison mais aussi des calmants). Certains prisonniers du bâtiment 1 de Vincennes parlent d’ overdose de méthadone : dans ce cas aussi, difficile d’ imaginer que les keufs ne soient pas au courant. D’ autres prisonniers sont plus sceptiques, y voient des responsabilités directes de l’ administration et des matons.
En tout cas, les personnes avec qui on a pu parler n’ ont pas beaucoup d’ infos car dès que son décès a été annoncé, tous les prisonniers de l’ aile de sa cellule ont été sortis des bâtiments pendant plusieurs heures, de manière à ce que personne ne sache vraiment ce qui s’ est passé. Tout doit être caché, dissimulé, effacé, d’ autant plus lorsqu’ il s’ agit d’ une mort. Les morts qu’ on dit accidentelles dans les CRA, sont loin d’ être rares, en France comme ailleurs. [...]
L’ enfermement pousse à bout et tous les jours dans les CRA en France des personnes se mutilent ou tentent de se tuer en avalant des lames, en s’ ouvrant les veines, en essayant de se pendre ou en se gavant de médicaments. Comme Karim qui est mort en 2018 au CRA de Toulouse-Cornebarrieu où il était prisonnier.
Mais crever dans une prison n’ est jamais un accident : que ce soit à cause de la violence des keufs, du manque de soins, de l’ enfermement, c’ est le CRA même qui produit ces morts.

Quelques jours après la mort de ce prisonnier au CRA de Vincennes, dans le même bâtiment, un prisonnier très âgé a eu une crise cardiaque. Les flics ont attendu avant d’appeler les secours, ils vont jusqu’à se moquent de lui alors qu’il est au sol souffrant. Un autre prisonnier réagit, insulte les flics. Résultat : il est placé au mitard. Encore un exemple de comment les keufs pensent pouvoir jouer avec la vie des prisonnier·e·s dans les CRA, un exemple quotidien de résistance et de répression au sein de ces machines à expulser qui sont aussi, bien souvent, des machines à tuer.

TENTATIVES D’ÉVASIONS ET PUNITIONS COLLECTIVES

Comme dans toutes les autres prisons, tou.te·s celles et ceux qui y sont enfermé.e·s pensent ou tentent un jour de se nachav.

Au CRA de Ponte Galeria de Rome il y a des révoltes et une évasion collective.
La section masculine du CPR (CRA)de Ponte Galeria, restructurée et remise en service il y a environ un mois, a finalement été inaugurée de la meilleure manière possible : entre le 5 et le 6, une grande révolte a éclaté pour protester contre les invivables conditions du camp d’internement. Selon la seule source disponible pour l’instant (un article d’un syndicat de keufs), plusieurs dizaines de prisonniers, après avoir déchiré portes et fenêtres, « ont contourné et forcé le garde inter-force placé pour protéger et surveiller la structure ». Les fugitifs se sont dispersés dans le coin et certains ont été capturés et renvoyés dans les cellules. Actuellement 17 personnes ont réussi à retrouver la liberté. On parle de certains blessés, parce qu’ils se sont « blessés avec des lames de rasoir et d’autres armes improvisées ».
CONTRE TOUTES LES GALÈRES, CONTRE TOUTES LES FRONTIÈRES, FEU AUX CPR !
SOLIDARITÉ AVEC LES PRISONNIERS EN LUTTE, VIVE LA LIBERTE !

Dans la nuit du 18 au 19 mai, trois prisonniers du centre de rétention de Hendaye (au Pays Basque) ont réussi à s’évader ! Dans la semaine suivante deux des évadés se sont fait arrêter.

« Mardi aprem y en a deux qui sont montés sur les toits du batiment 12 et l’autre sur les grilles. Ils en ont marre de ce qui se passe ici. Lui (celui des grilles) voulait être extradé en Belgique où il avait fait sa demande d’asile mais non eux ils veulent le renvoyer au Maroc. Lui il voulait pas y retourner. Il a parlé avec eux, mais personne nous écoute ici.. Après il a mis le barbelé autour du cou. Juste il n’en pouvait plus.
C’est d’autres prisonniers qui parlaient arabe qui l’ont calmé.
Les gars sur les toits ils voulaient juste pas rester 3 mois ici. 3 mois c’est trop. Y en a deux qui ont été transférés dans d’autres CRA. »

22 juillet : double tentative d’évasion du CPR de Turin (les deux personnes ont été malheureusement rattrapées).

Quelques nouvelles du Plaisir et du Mesnil-Amelot, et pour une fois même une bonne nouvelle !
Mardi 6 août, Mesnil-Amelot. Un prisonnier est transféré vers l’aéroport pour être déporté. A l’arrivé, pendant le transfert des affaires, une porte mal fermée et.. une personne de plus qui est libre !
De ce qu’on sait, aujourd’hui, 5 jours plus tard il est toujours libre. Beaucoup de force à lui !

Puis le vendredi 8 août au Plaisir, trois prisonniers ont essayé de s’évader tard dans la nuit. Malheureusement les keufs les ont rattrapés, et un d’eux à été transféré immédiatement dans une autre prison pour sans-papiers.
Force à tou.te·s les évadé.e·s !

« Salut ! Je vous appelle pour vous dire qu’y a eu une évasion à Plaisir ! La y a même pas une heure ! Au moins 3 gars. Askip ils ont fait un trou dans le mur et se sont tiré. Je vous tiens au courant. »
« C’est moi à nouveau. Les 3 sont loin apparemment, mais les suivants ont trop hésité et y en a un il s’est fait peté en passant par le trou. En fait c’était la fenetre dont ils avaient pété les barreaux. Ca fait plaisir ! Je vous laisse faire tourner l’info ! Avec le gars de Mesnil la semaine dernière ça fait trois évasions là. »
Mi-août au CRA de Plaisir

Verdict : “3 mois de prison avec maintien en détention”

Le vendredi 16 août dernier, la PAF a une fois de plus tabassé des prisonniers du Centre de Rétention Administratif de Lyon-St-Exupéry. Des personnes se sont retrouvées à terre, gravement blessées, pendant que d’autres appelaient à l’aide. Les keuf.es les ont parquées pendant plusieurs heures, et bien évidemment, iels n’ont fait venir aucune assistance médicale malgré les appels. Pour se faire entendre, T., emprisonné au CRA, met le feu à un matelas. Il a été jugé le lundi 19 août en comparution immédiate, et a été condamné à 3 mois de prison avec maintien en détention.

“J’ai fait un outil avec la poignée de la porte de ma chambre et deux vis, pour couper le grillage”

Tentatives d’évasion, auto-mutilations… le quotidien dans le CRA de Vincennes

On relaye ici le témoignage de M., prisonnier au CRA de Vincennes depuis plus de 30 jours (soit depuis le 1er octobre). Un témoignage en deux temps où il raconte d’abord l’auto-mutilation d’un co-retenu puis sa tentative d’évasion quelques jours plus tôt (cette semaine-là plusieurs tentatives d’évasion ont eu lieu au CRA de Vincennes ainsi qu’à celui de Mesnil-Amelot). Suite à sa tentative d’évasion M. a fait une garde à vue mais n’a pas été poursuivi.

Moi je suis là depuis 33 jours, j’ai un vol bientôt. La bouffe c’est pas terrible, les télés, une marche pas et l’autre fait un bruit incroyable tu peux pas rester à coté, y a un ballon de foot tout déchiré on peut pas l’utiliser, il y a deux tables de ping pong mais il y a pas le reste pour jouer. C’est des petites choses mais ça fait beaucoup pour nous on est enfermés 24 sur 24, ça nous sort d’ici un peu, surtout pour la tête.

Il raconte l’auto-mutilation de son pote :

Après il y a la personne que j’aime bien ici, j’ai fait une relation d’amitié avec. Je suis son ami il est mon ami voilà. Mais après une visite de sa femme qui s’est pas bien passée, il a explosé il est fatigué voilà d’être maintenu ici sans aucune raison, comme moi. Donc il a explosé, il s’est coupé lui même, avec une lame de rasoir (ici il y a tout ici). Il a eu de la chance j’étais à coté de lui j’ai vu je suis tout de suite venu, ça coulait trop, juste sur le ventre il a pris 27 points de suture, c’est quand même beaucoup hein. Je l’ai pris, je l’ai retenu dans mes bras, il avait une force incroyable j’ai mal au dos à cause de ca. Je l’ai pris tout seul, je l’ai ramené à l’infirmerie tout seul, de la police j’avais peur. Je l’ai embrassé, je l’ai pris dans mes bras pour pas le laisser faire plus parce qu’il essayait toujours de donner des coups de tête à la porte tout ça. Et pour éviter ça il faut une force incroyable t’imagines même pas j’ai très mal au dos. Et voilà. Après ça il est allé à l’hôpital, le jour après il est revenu. J’ai fait mon lit « tu dors sur mon lit et je dors par terre ya pas de soucis et demain on va voir. » parce que sa chambre elle est restée fermée. Le jour après ils sont venus nous parler pour dire qu’ils vont ouvrir sa chambre bientôt mais il y avait du sang partout tout ça tout ça. « dans une heure maximum votre chambre elle est ouverte ». Il a passé une heure, deux heures, trois heures, quatre heures, rien. Il a tout dans sa chambre toutes ses affaires, il a à manger il a tout. Il est revenu demander j’étais à coté de lui il y avait un petit policier. (j’appelle ça le syndrome du petit chien, le petit policer qu’on voit en CRA il arrive « wouwouwou… » après il devient un grand chien et « WOUAF ! ») et il a commencé a provoquer et il a agressé mon collègue au ventre là où il a les points de suture et après je me suis mis au milieu et voilà et mon ami il peut pas se défendre contre la police sinon c’est comme s’auto-mutiler encore. il s’est retapé sur la porte après je l’ai repris dans mes bras, ramené à l’infirmerie et il s’est stabilisé. Mais en fait c’est la fatigue, il est arrivé à un point de fatigue, sa femme elle est enceinte de 8 mois bientôt elle va mettre au monde et lui il veut rester à coté de sa femme, t’as compris. C’est un truc de malade.

Il raconte sa tentative d’évasion :

On a du temps pour penser ici ! La première fois que je suis arrivé ici j’ai commencé à voir les points fragiles pour sortir. J’ai mis dix jours pour regarder les angles morts des caméras et tout pour trouver la faille. Comme je travaille dans le bâtiment je connais les matériaux je connais comment ça marche c’est pour ça que c’est facile pour moi d’identifier certaines choses ou qu’est ce que t’as besoin de couper.. voilà. Après j’ai trouvé, j’ai fait un outil avec la poignée de la porte de ma chambre et deux vis, pour couper le grillage. Sauf que j’avais besoin de huit carrés de grillage pour passer, mais je suis arrivé à la 7e et mon outil il s’est cassé. Mais j’ai pensé quand même sept peut-être je passe, je force un peu.. j’ai essayé de passer mais euh.. c’était pas suffisant. Comme je suis pas passé j’ai donné du temps à la vigilance, ils ont un local au fond et la police m’a vu elle a déclenché l’alarme. Après je suis rentré j’ai changé de vêtements et j’ai mangé beaucoup, vite fait, je savais qu’après j’allais aller en garde à vue et après je peux plus manger. Et après j’ai attendu qu’ils viennent me chercher, c’est tout.

LETTRES ET COMMUNIQUÉS DE SEPTEMBRE-NOVEMBRE 2019

Je m’appelle D.H. Je suis au centre depuis le 15 août 2019, je suis venu avec une bonne santé et maintenant je suis pas bien du tout.
Je prends des médicaments que mon corps supporte pas.
J’ai eu quelques mauvais comportements par certains agents du centre.
J’ai eu une hospitalisation ce mercredi pour une maladie grave, pour l’instant je n’ai eu ni de vol ni de liberté, je suis très fatigué physiquement et moralement, tellement y a beaucoup de stress je souffre et je pense trop.
Même la nourriture n’est pas bonne du tout, les conditions d’hygiène du sanitaire (toilettes, douches) très dégueulasses.
Par contre j’ai eu une longue garde à vue sans traducteur, ni médecin, la police m’a arrêté pour rien du tout, je marchais normalement sans aucune erreur ou bêtise.
Dans ce centre c’est la galère, c’est la souffrance, c’est la misère, les conditions de vie sont insupportables et invivables.
Je suis venu dans le bateau jusqu’en Italie, j’ai vu des morts dans le voyage en mer.
19 septembre 2019 - Vincennes.

Ce soir, le CRA du Mesnil-Amelot est en flammes

La prison pour sans-papiers du Mesnil-Amelot (77) est juste à côté de l’aéroport CDG. Y sont enfermé plus de 230 prisonnier·e·s et c’est aussi la seule prison en IDF pour femme sans-papier. Depuis la création de ce blog en novembre dernier, on a souvent relayé des luttes collectives, des révoltes qui y ont eu lieu. Mais aussi les violences policières, les expulsions cachées et violentes, le racisme des keufs..

C’est au moins la troisième fois cette année que des prisonniers du CRA2 essayent de mettre à mal la machine à expulser en tentant de brûler des cellules.

Ce lundi 28 octobre 2019 en début de soirée, dans trois batiments (le 9, le 10 et le 11) des feux se déclenchent. Le batiment 10 est le plus touché.

Les pompiers interviennent (trop) rapidement et jugent qu’on peut continuer à y enfermer des personnes sans danger pour la santé. Résultat les prisonniers des batiments concernés se retrouvent à dormir dans ces mêmes cellules qui ont brulés, sans matelas ni draps.

La répression à déjà commencé : deux prisonniers ont été amenés à l’isolement (et peut être en garde-à-vue). L’un deux a été reconnu par un keuf du CRA parce qu’il l’avait déjà tapé l’année dernière.

Un prisonnier fait savoir que : “Aujourd’hui les keufs sont chauds chauds. Ils cherchent qui c’est. Mais ils savent pas. La direction du CRA a dit jusqu’à jeudi pour le nettoyage. Mais rien a commencé. Pas de shampoing de gel douche aujourd’hui c’est pour la punition. Alors qu’hier y avait déjà pas de shampoing, alors qu’y avait pas eu de feux.”

Des nouvelles bientôt.

Pour rappel : ce dimanche dans la soirée, une cellule a brûlé aussi au centre de rétention de Plaisir dans le 78.

Force et solidarité avec tou.te·s les prisonnièr·e·s !

Pour s’organiser en IDF en solidarité avec les prisonnier·e·s en CRA : RDV tous les mercredis à 18h au CICP (21 ter rue Voltaire, Paris XIe, métro Rue des boulets sur la ligne 9).

Suite à l’incendie du CRA de Mesnil-Amelot et à la répression qui l’a accompagné, un parloir sauvage a été organisé dans la soirée de mardi.
Des personnes sont allé crier leur solidarité avec les retenu·e·s et leurs luttes. Les « Liberté ! », « Huriya ! » et « Mur par mur, pierre par pierre, nous détruirons tous les centres de rétention ! » ont traversé les grilles et fait des allers-retours entre intérieur et extérieur.

Jeudi 7 novembre : Rassemblement en solidarité avec Amadou et tou·te·s les autres !

SOLIDARITE AVEC AMADOU ET TOU.TE·S LES PRISONNIER·E·S EN CENTRE DE RETENTION !

Amadou Diop est un habitant du foyer Olympiade dans le 13e arrondissement de Paris. Il a été arrêté le 25 septembre 2019 à Gare de Lyon suite à un contrôle raciste par la police. On ne lui a pas demandé son titre de transport mais directement s’il avait des papiers.

Depuis il est enfermé au centre de rétention de Vincennes, une des prisons pour sans-papiers. On rappelle les conditions d’enfermements des ces prisons qui sont insupportable pour tou.te·s le monde, en plus de la pression permanente a cause des expulsions quotidiennes.

Notre camarade y est enfermé depuis presque 40 jours, il ne repassera pas devant le juge avant 20 jours. Pour que la police puisse expulser Amadou, il faut l’accord d’un consulat. Nous exigeons donc du personnel du consulat qu’il ne fasse pas ce laisser-passer, pour Amadou et tous les autres.

La famille d’Amadou, les habitant.es et le collectif sans-papiers Paris 1 appellent donc à une mobilisation de tout le monde : habitant.e·s des foyers, étudiant.e·s et habitant.e·s du quartier !

RENDEZ VOUS JEUDI 7 NOVEMBRE A 13h30 devant le FOYER OLYMPIADES (80 rue de Tolbiac, Paris XIIIe, métro Olympiades) pour partir ensemble montrer notre solidarité face aux consulats !

NI POLICE NI CHARITE ! VIVE LA LUTTE DES SANS-PAPIERS !

TÉMOIGNAGES DE NOVEMBRE 2019

Témoignage de résistance (réussie !) à la déportation

On publie le récit d’un prisonnier d’un CRA francilien qui raconte la manière dont il a résisté, avec succès, à sa tentative de déportation vers le Soudan.
En plus des violences policières qu’il dénonce, son témoignage fournit quelques conseils pour les personnes menacées d’expulsion dans les différentes prisons pour étrangères (par exemple, le fait d’essayer de garder la calme jusqu’à quand on est dans l’avion, et seulement à ce moment-là crier et se faire entendre par les autres passagers-ères, de manière qu’iels s’opposent à la déportation, en se levant debout et en demandant au pilote de ne pas décoller).
Et enfin, une bonne nouvelle : le camarade, après presque 90 jours de rétention et le refus du vol, a été libéré !

Le 30 Octobre les policiers sont venus me chercher dans ma chambre du centre de rétention à 9h. J’étais allé aux toilette, j’ai été interpellé devant les toilettes et ils m’ont demandé d’aller rassembler mes affaires.

J’ai été fouillé, on m’a posé des questions sur l’asile et ma nationalité, et on m’a annoncé qu’on allait m’emmener au Soudan.

Je suis arrivé à l’aéroport et je n’ai pas subi de violences jusqu’à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. J’ai été reçu par 5 policiers en civil et un avec un policier en uniforme. Ils m’ont proposé de prendre des cachets sans m’expliquer ce dont il s’agissait et m’ont proposé une bouteille d’eau pour les boire. J’ai refusé de les avaler.

Ils m’ont escorté vers l’avion.

Trois agents m’ont installé dans l’avion et m’ont menotté et recouvert d’un drap rouge pour me cacher des autres passagers. Il n’y avait encore personne dans l’avion. A ce moment, j’avais un policier à ma gauche, un à ma droite et un devant. Deux autres discutaient avec le capitaine.

Les passagers sont arrivés et je hurlais et je pleurais, les policiers ont alors commencé à me frapper. J’ai reçu des coups de poings et ils m’ont étranglé. J’ai surtout été frappé à la tête.

Ensuite je n’ai pas tout compris et entendu mais j’ai vu le pilote parler avec les officiers, et il a refusé de me laisser prendre l’avion notamment à cause de la violence que j’ai subi devant tout le monde.

Les policiers m’ont fait sortir de l’avion. J’ai continué d’être frappé et j’ai été insulté « suce ma bite » « ferme ta gueule » « fils de pute » dans la voiture qui m’emmenait au poste de police dans l’aéroport. J’ai été frappé à la tête et étranglé pour m’empêcher de crier.

J’ai été emmené dans un poste de police dans l’aéroport pendant deux heures et j’ai été frappé par deux des trois policiers.

Tout au long de ces moments, j’ai protégé mon visage avec mes bras en criant que je respecte la police.

Après j’ai été emmené au centre de rétention.

« Au CRA, l’infirmerie, c’est une boucherie ». Un autre mort à Vincennes, ni oubli ni pardon !

Le CRA est une machine à tuer. Luttons pour que la mort de Mohammed, prisonnier dans le CRA de Vincennes, ne soit pas oubliée.

Vendredi 8 novembre, un prisonnier est décédé au centre de rétention de Vincennes. Il s’appelait Mohammed et avait 19 ans. Il était enfermé depuis 28 jours. Au matin, ses co-détenus l’ont découvert entre la vie et la mort dans son lit. Ces derniers parlent d’une overdose survenue à la suite d’une prise d’un cocktail de médicaments. Quand ils ont appelé à l’aide, les flics ont mis des plombes à réagir. Finalement une infirmière est appelée, faute de médecin sur place, et les pompiers ont mis une demi-heure à arriver, trop tard. Le parquet de Paris a « ouvert une enquête en recherche des causes de la mort » et la presse s’empresse de mettre en avant un mélange entre médicaments et stupéfiants.

Mais où a t-il trouvé ces médicaments, et ne sont-ils pas des stupéfiants ? A l’entrée du CRA tout est saisi et mis au coffre. Ses camarades dénoncent la responsabilité des médecins du centre, c’est eux qui ont filé ce cocktail empoisonné : « L’infirmerie, c’est une boucherie, pas une infirmerie ». Ils soutiennent que chaque jour, Mohammed recevait de l’infirmerie des pilules de valium, de tramadol et autres somnifères (des pilules colorées). Un de ses co-détenus raconte qu’il le retrouvait régulièrement dans des sales états après avoir pris les médicaments donnés par les médecins :

« Le médecin, il donne des calmants, il shoote tout le monde et après peut rentrer se coucher. Dans le centre de rétention, on traite les prisonniers comme des fous, c’est un HP, pas un centre de rétention. Tous les jours, ils nous appellent, "venez chercher vos médicaments". Et les gens, ils courent, dans l’état dans lequel ils sont »

Souvent à l’intérieur, on nous dit que les médecins administrent des calmants et tranquillisants au moment de l’expulsion et avant que les prisonnier·e·s passent devant le juge, pour qu’iels restent bien tranquilles. Le lendemain de sa mort, Mohammed devait passer devant le juge des libertés. La veille, avec ses co-détenus, ils avaient évoqué qu’il ne survivrait pas à 30 jours de plus d’enfermement.

Le CRA est un lieu d’enfermement où les prisonnier·e·s sont constamment poussés à bout. Tout pousse à leur destruction physique et psychologique. En plus de l’enfermement, les violences des keufs sont quotidiennes. De l’intérieur, on raconte ces violences subies, par Mohammed comme par tou.te·s les autres :

« La veille de sa mort, il avait encore mal [parlant de Mohammed], il s’était fait étrangler par des flics. Tous les jours, on voit des prisonniers qui ont des bleus, des traces de coups »

« Je suis en train de voir des choses ici, que j’ai jamais vues, l’autre jour, j’étais posé avec un gars ; il avait mal au ventre, j’appelle les flics, « y a quelqu’un qui va pas bien », le flic il me regarde avec un petit sourire « il est mort, il respire ? » »

Les morts dites accidentelles dans les centre de rétentions sont loin d’être rares. C’est le deuxième décès qui a lieu à Vincennes en trois mois. Le 19 août, un prisonnier, de nationalité roumaine avait aussi été retrouvé mort dans sa cellule. Selon les journaux, sa mort serait due à des médicaments, les prisonniers parlant d’une overdose de méthadone. Lors de cette affaire, au moment de la découverte du corps, les prisonniers avaient été sortis du bâtiment pendant des heures, de manière à ce que personne ne sache vraiment ce qu’il s’était passé.

Quand il s’agit d’un mort, il faut vite tout cacher, dissimuler, effacer. Aujourd’hui, les camarades de Mohammed craignent, qu’encore une fois, les policiers fassent tout pour étouffer l’affaire. Ils appellent à se mobiliser pour Mohammed, pour qu’il ne soit pas oublié.

Crever dans un CRA n’est jamais un accident : que ce soit à cause de la violence des keufs, du manque de soins, de l’enfermement, c’est le CRA même qui produit ces morts. Dans ce cas, les médecins sont clairement dangereux et responsables car ils laissent entre les mains de prisonnier·e·s du véritable poison.

L’AG contre les CRA et le collectif sans-papiers Paris 1 appellent à une réunion publique, le mercredi 13 novembre 2019 à 18h, au CICP (21ter rue Voltaire).

Ne laissons pas cette énième mort passer sous silence. Soyons solidaires des prisonniers-ères, organisons la lutte à l’extérieur.

L’enfermement des étranger·e·s et les frontières tuent.

À bas les CRA !

[1Obligation de Quitter le Territoire Français/ Interdiction de Retour sur le Territoire Français.

[2Personnes demandant l’asile mais menacées d’être expulsées vers le premier pays européen où leurs empreintes ont été prises.

[3En « métropole ».


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Textes, parfois recoupés, issus de :
abaslescra.noblogs.org - crametoncralyon.noblogs.org
Et aussi de :
paris-luttes.info - larotative.info - lacimade.org

https://abaslescra.noblogs.org/
anticra@@@riseup.net



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