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Plantons le thym, la montagne fleurira et autres textes sur l’insurrection contre le Coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 dans les Basses-Alpes et ailleurs

mis en ligne le 29 juin 2015 - Christian Maurel , Jean Rambaud , Philippe Bourguignon , Pierre Dupont

LA PROVENCE INSURGÉE

(...) Sur les vingt et un départements français où se manifesta l’opposition des républicains, au coup d’Etat, treize se situaient en pays d’Oc, dont le Lot, le Lot et Garonne, le Gers, les Pyrénées orientales, l’Hérault, le Gard, l’Ardèche et la Drôme.

En Provence la protestation prit souvent l’ampleur et la vigueur d’une véritable insurrection. Dans les Basses-Alpes (actuelles Alpes de Haute Provence) on assista à une quasi-mobilisation générale. Après l’écrasement de cette « Révolution nouvelle » [1], le Procureur général d’Aix en fit – sans plaisir ! – le constat dans son rapport de janvier 1852. On peut y lire : « Dans ce département pas une commune n’a manqué. Dans certaines tous les hommes et les jeunes valides ont pris les armes. »

Dans le Var, 87 communes furent engagées dans l’insurrection.

Echauffourées, combats dans le Vaucluse voisin, mouvements dans les Hautes-Alpes, manifestations durement réprimées à Marseille et Toulon, etc. mais, plus encore, on vit se dérouler trois véritables batailles rangées mobilisant plusieurs dizaines de milliers d’hommes en armes. A Crest (Drôme), les républicains, « mitraillés à canon » lancèrent des assauts successifs, malgré de lourdes pertes, contre les troupes de « Badinguet » très supérieurement armés.

A Aups (Var) une colonne d’insurgés – 6.000 hommes – venus de tout le département fut encerclée alors qu’elle tentait de rejoindre les Bas-Alpins. Emile Zola a fait dans La fortune des Rougon le récit de ce véritable massacre. (On peut voir à Aups un monument à la mémoire des victimes de la répression). Aux Mées (Basses-Alpes), les troupes du colonel Parson durent reculer jusqu’à Vinon (Var) sous la pression de quelque 4.000 « Gavots » résolus, dirigés par le Garde général des forêts Ailhaud, de Volx. (On peut voir, aux Mées également, un monument aux Républicains, tués dans le combat). Parallèlement un « gouvernement provisoire » [2] était instauré à Digne. Il légiféra.

Victoire éphémère. Dans tout le reste de la France, à commencer par Paris, Louis-Napoléon l’emportait. La répression qui suivit allait être « féroce » [3]. Outre les exécutions sur place et le suicide de plusieurs chefs insurgés, des milliers de condamnations furent prononcées : prison, confiscation des biens, bannissement, « transportation » à Cayenne et en Algérie. (...)

Si l’on ajoute à cela tous ceux qui réussirent à se réfugier au Piémont et dans le comté de Nice, alors sarde, la Provence dut subir un autre désastre : « Dans le Var et les Basses-Alpes », nota Noël Blache « il sera impossible de faire labours ou récoltes faute d’hommes. » [4]
Enfin, au-delà des « événements » délaissés par l’Histoire, apparaît le caractère singulier, exceptionnel, de cette « véritable révolution » avortée : un contenu politique résolument différent et plus encore « oublié » que les faits eux-mêmes. (...)

Jean Rambaud

UN SILENCE ASSOURDISSANT

Dans la suite du roman, le narrateur rencontre le journaliste Mazaud, passionné de cette période, qui lui livre ses réflexions sur les raisons de « l’oubli ».

(...) Interrogez au hasard dans la rue, monsieur Arnaud... Faites un sondage, comme on dit, et voyez combien de Français savent autre chose que la mort de Baudin, les « 25 francs », la revanche de l’armée, Paris maté en deux jours et l’exil de Victor Hugo... Insurrection en Provence ? Connais pas. C’est que, voyez-vous, dans la France centralisée par les rois, les jacobins, Napoléon et la suite, trois barricades à Paris font l’Histoire de France mais une population en armes, un gouvernement communal révolutionnaire qui légifère vingt ans avant la Commune de Paris, trois batailles rangées, des centaines de morts au combat, des fusillés, des exilés, des emprisonnés, des déportés, des domaines confisqués, des villages entiers réduits à la misère par la répression, cela fait à peine quelques lignes dans les manuels.

Ainsi ne vous excusez pas, monsieur Arnaud, de votre ignorance d’hier. Elle n’est pas due à votre indifférence ni au hasard, vous le voyez. Pour moi – sans parler davantage du « plébiscite de la terreur » et du délire répressif qui médusa pour longtemps nos populations – je vois au moins trois raisons à ce silence... (...)

Je vous ai donné la première : en France, à l’inverse par exemple de l’Italie ou de l’Allemagne, tout événement provincial est négligeable ; Paris l’a décidé.
La seconde ? On voit dans les textes se rejoindre l’Histoire écrite par le vainqueur et celle qu’élabora la république bourgeoise ; sur les démocrates citadins elles divergent mais haro, ensemble, sur ces paysans qui se mêlent d’avoir des idées et, qui plus est, des idées socialistes. Des hordes rouges, on vous dit ! Des partageux, des Jacques, des brutes à la tête tournée !

La troisième raison me paraît encore plus fâcheuse. Elle ressemble un peu trop, pour mon goût, à la seconde. La gauche – vers qui je suis, nécessairement, plus porté – fut trop longtemps sur la réserve.

(...) Vous imaginez bien, monsieur Arnaud, que pour moi, Karl Marx demeure un formidable géant, comme on n’en voit guère qu’un par siècle. Mais je me range volontiers à l’opinion de Bernard de Chartres : « Nous sommes des nains assis sur les épaules des géants ». C’est sans doute pourquoi nous voyons parfois un peu plus loin...

(...) Et ce n’est tout de même pas ma faute si le géant s’est parfois trompé ! Et d’abord à propos des paysans. Car enfin... N’est-ce pas dans les pays industriels avancés – en Angleterre, en Allemagne – qu’il prévoyait la révolution communiste ? Or, qu’est-ce que je vois de mon coin, du pied de mes montagnes ? Ni Grande-Bretagne ni Allemagne. Je vois la Russie de 1917 : une poignée d’ouvriers, un peuple de moujiks... U.R.S.S., un sixième des terres émergées. Je vois la Chine de Mao : des paysans, des paysans par centaines de millions. Chine, un cinquième ou – davantage – de la population du monde.

(...) Vous allez me dire que les exégètes de Marx lui ont fait proférer bien des choses contradictoires, en passant sous silence ce qui les gênait, les uns ou les autres. Permettez-moi une brève lecture. Un auteur célèbre entre tous nous dit d’abord, à propos du coup d’Etat : « Il apparaît clairement que les Rouges ont abdiqué, totalement abdiqué. »

Certes le vrai peuple de Paris, floué par la IIème République, ne s’est pas battu. Trois ans plus tôt, le brave général « républicain » Cavaignac avait massacré trois mille de ses meilleurs enfants. Vallès l’a écrit, avec quelque amertume, en décembre 1851 : « Les gens lisent les proclamations (de Louis-Napoléon) les mains dans leurs poches, sans fureur. Oh ! Si le pain avait augmenté d’un sou il y aurait plus de bruit. On ne se battra pas... »

Le 3 et le 4, quelques velléités de résistance sur la rive gauche et puis la Ligne et les dragons mitraillent les boulevards où frondait, sans armes, une bourgeoisie libérale. « Le 5 on se leva tard, c’était fini. Le faubourg ne s’est pas battu. »

(...) Mais notre soulèvement, ici ? Nos paysans en armes par dizaines de milliers ? Nos batailles rageuses, malgré la soumission du reste du pays ? Qu’en dit l’auteur célèbre – et visiblement réactionnaire – qui se gargarise à pleines pages de ses « Rouges qui ont totalement abdiqué » ? Oh ! C’est vite expédié ! Je reprends. Il s’agit, nous dit-il, « d’excès commis par les paysans dans le Sud ». Et c’est tout. Il croit bien vite aux « informations » du prince-aventurier, Frédéric Engels, le 16 décembre 1851 ! Car c’est Frédéric Engels qui parle, et non pas Badinguet. Et il renchérit, avec délectation :

« On ne pouvait d’ailleurs pas attendre autre chose de cette race de pillards barbares. Ces gaillards se moquent du gouvernement comme de l’an 40. Leur premier mouvement c’est de démolir la maison du percepteur, et du notaire, de violer leurs femmes et de les assommer eux-mêmes s’ils les attrapent. »

Même le procureur général chargé de la répression a démenti ces prétendues atrocités – vous l’avez relevé – et nié ces désordres. Qu’importe à M. Engels ! Que lui importent les mille témoignages, sur place, de gens pourtant hostiles aux Rouges ! Mal informé ? Peut-être... Quant à ces « gaillards qui se moquent du gouvernement comme de l’an 40 », c’est de l’ignorance crasse. Son mépris des paysans l’aveugle et, surtout, son schéma l’exige, selon lequel seuls les citadins ont le droit de faire une révolution et d’être socialistes. Marx le corrige, il est vrai. Même s’il néglige la Nouvelle Montagne à qui les paysans ont apporté un sang neuf, du moins parle-t-il politique et non pas jacquerie ou banditisme. Ecoutez Marx !
« Dans les insurrections qui suivirent le coup d’Etat une partie des paysans protesta les armes à la main contre son propre vote du 10 décembre 48. » (Les élections présidentielles.) « A ces gens les expériences faites depuis 1848 avaient ouvert l’esprit ».

Fort bien ! Encore que cette « partie des paysans » soit bien vague et que Marx raille au passage une apparente contradiction à laquelle il a par ailleurs fait justice lui-même. Parlant de ce même 10 décembre 48, n’a-t-il pas constaté dans la Lutte des classes en France :
« Ce fut le jour de l’insurrection des paysans. La République qu’ils abattaient de leur vote, c’était la République des riches. »

Juste hommage ! Mais il y a mieux. Voyons dans Le 18 Brumaire de Louis-Bonaparte, toujours Marx :

« Jamais la bourgeoisie n’avait régné de manière plus absolue. Cette République n’était que l’infamie combinée de la Restauration et de la monarchie de Juillet. »

Alors, quelle clairvoyance politique, ces Jacques ! Là-dessus, « les expériences faites depuis 1848 », leur ont encore « ouvert l’esprit » ? Et ils se lèvent en masse, en armes ? Et ils prennent le pouvoir ? Et ils légifèrent, comme nous allons le voir ? Karl Marx n’en parle pas et laisse subsister l’image du « paysan foncièrement réactionnaire ». (...)

Jean Rambaud

« PLANTONS LE THYM ET LA MONTAGNE FLEURIRA » [5]

Olivier Favie replace les événements de 1851 dans leur contexte historique et politique.

Au matin du 3 décembre 1851, Victor Schoelcher et d’autres députés républicains parcourent le faubourg Saint-Antoine. Devant le peu d’enclin des ouvriers à défendre leurs représentants, Alphonse Baudin s’écrie : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs ! » [6]Il tient promesse dans l’après-midi [7] en haut d’une barricade. Rapportée par Eugène Ténot [8], cette célèbre anecdote vaut pour ses paradoxes. Quand ceux qui ont fait la République presque malgré eux sont dans la rue pour la défendre, le peuple tarde à répondre, à Paris tout au moins.

Elu député en mai 1848, Louis-Napoléon Bonaparte a dû renoncer à ses fonctions. Il est le grand absent des massacres de juin, rentrant d’exil en septembre après de nouvelles élections. Le 20 décembre, le suffrage universel masculin en fait le premier président de la République. Appuyé par le parti de l’ordre, il réprime la résistance de la gauche montagnarde en juin 1849, dont de nouvelles élections, un mois plus tôt, ont révélé l’ancrage en milieu rural, dans le quart Sud-Est notamment. En mai 1850, une nouvelle loi exclu trente pour cent des votants : elle impose une résidence de trois ans et la virginité pénale – ne fût-ce que pour vagabondage. Le Président la désavoue plusieurs fois pendant l’été, au profit de sa seule légitimité : « L’élu de 6 millions de suffrages exécute les volontés du peuple et ne les trahit pas » [9].

La même année pourtant, il fait doubler ou presque pour la seconde fois son traitement qui dépasse alors les deux millions de francs annuels [10]. Son mandat unique de 4 ans s’achève en 1852. L’opération Rubicon du 2 décembre 1851, jour anniversaire du Sacre et d’Austerlitz, s’appuie sur une police et une armée auxquelles le général Saint-Arnaud a rappelé dès novembre le devoir d’obéissance passive. Le 5 décembre au matin, la résistance parisienne est entièrement brisée. Le 6, le Panthéon est rendu au culte catholique. C’est le premier décret du Prince-Président [11].

En province, certaines préfectures n’apprennent la nouvelle que le 3 au soir. Elle se répand le 4, quand les grandes villes sont sous contrôle. Le 5, seule Orléans résiste dans le Nord. Les campagnes du midi passent à l’offensive. Le 6, le département des Basses-Alpes, aujourd’hui Alpes de Haute-Provence, l’un des plus pauvres et des moins peuplés de France [12], est entièrement républicain. Les premiers doutes apparaissent le 7, lorsqu’un régiment de ligne venu de Marseille entre dans le département.

En février 1849, le rédacteur républicain, Louis Langomazino [13] est venu porter La Voix du peuple à Digne, six mille habitants, où il fonde L’Indépendant des Basses-Alpes l’année suivante. Ce journal diffuse en français de février à juillet une pensée républicaine avancée. En octobre, Langomazino est arrêté comme l’un des trois principaux meneurs du complot de Lyon. Ils sont une quarantaine à être accusés d’avoir tissé sur quinze départements un réseau de sociétés secrètes. Exilé aux Marquises en août 1851, Langomazino devient une icône. « A votre tour maintenant à aller à Nouka-Hiva ! » lancera un insurgé au sous-préfet de Forcalquier, au premier jour de la rébellion. Ailhaud de Volx, lui, a été acquitté aux Assises, et il est bien présent chez le docteur Rouit, au soir de la foire de Mane, le 4 décembre, parmi les chefs républicains. Cet ex-candidat à la députation a perdu son poste de garde général des eaux et forêts en mars 1849 après avoir lancé, à Manosque, un toast « à l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme » [14]. Ses activités de militant achèvent de lui donner une parfaite connaissance du terrain. Les grandes villes de la région sont loin et peu accessibles. Tout concourt en décembre au soulèvement général. (...)

La composante rurale et le rôle joué par les sociétés montagnardes, reconnu, voire grandi par les autorités, ont alimenté deux versions officielles et difficilement conciliables de l’insurrection basse-alpine : la jacquerie et le complot. Par sa forte composante agricole, elle ne pouvait entrer du reste dans la légende marxiste. Or, si le manque de communications a permis l’illusion d’une insurrection générale, il semble qu’un certain nombre de facteurs ont fait naître – cas unique en France – un processus révolutionnaire immédiat et organisé. Les sociétés secrètes ont disposé d’hommes de terrain exceptionnels pour préparer le soulèvement tant d’un point de vue tactique que par leurs contacts étroits avec les populations locales. Le nouveau préfet affirme en février 1852 que les « arrondissements de Digne et de Forcalquier ne faisaient qu’une seule et immense société secrète (qui ne devait plus l’être beaucoup), 9 individus sur 10 lui étaient affiliés ». Plus modestement, on estime à 15.000 le nombre des hommes ayant pris les armes, sur un total de 45.000 électeurs. Les effets de la crise – bien plus que le nouvel ordre politique – ont généré la colère : ce sont les décisions sociales de l’éphémère dictature montagnarde qui ont permis la victoire des Mées, quand les propos du sous-préfet sur les garanties institutionnelles n’ont trouvé aucun écho. L’espoir de ces quelques jours est attesté par l’ordre parfait qui a régné dans les villes et les campagnes soulevées. A l’échelle départementale, mais de manière exemplaire, le peuple et ses meneurs ont retrouvé sans farce l’élan de 1793.

Olivier Favier

CHRONOLOGIE DE L’INSURRECTION BAS-ALPINE DE DÉCEMBRE 1851

La dépêche annonçant le coup d’Etat, exécuté à Paris le 2 décembre, arrive à Digne dans la soirée du 3. Le préfet Dunoyer s’empresse de publier les décrets présidentiels. Le 4 décembre, il fait arrêter l’avocat Charles Cotte et quatre autres républicains influents. Une vive émotion se manifeste dans le chef-lieu du département, sans que le calme soit véritablement troublé.

Le signal de l’insurrection est donné

Tandis que la partie haute du département ne bouge pas, c’est de la zone méridionale que va partir l’insurrection. Le 4 décembre en fin d’après-midi ou en début de soirée, sitôt connues les nouvelles parisiennes, les principaux chefs de la Montagne de l’arrondissement de Forcalquier, à l’appel du docteur Louis-Marius Rouit, ancien maire révoqué de la commune de Mane,

« se réunissent dans une petite campagne près de Forcalquier, dite le bastidon de Manuel. La police en est instruite et la gendarmerie les force à se disperser. Ils se réunissent alors dans la salle même de la mairie de Mane. Le maire de cette commune, entièrement dévoué au parti de Rouit, fait partie de la réunion. C’est là que le mouvement est arrêté. Audoyer de Forcalquier part, monté sur le cheval de Rouit, il va porter à Buisson de Manosque l’ordre d’opérer le mouvement » (rapport Marquézy) [15].

Le journaliste Eugène Ténot note pareillement :

« Le jeudi soir, assez tard dans la nuit, un agent secret vint l’avertir (le sous-préfet de Forcalquier) qu’Ailhaud, Escoffier et quelques autres chefs des plus influents du parti démocratique étaient réunis en conseil, aux portes de la ville, dans une maison de campagne, appartenant à M. Manuel. Le sous-préfet essaya de les faire arrêter (en vain)... Pendant la nuit, un certain nombre de républicains, parmi lesquels les citoyens Escoffier, Pascal, Audoyer, etc. se réunirent au bourg de Mane, entre Manosque et Forcalquier, et envoyèrent partout le signal du mouvement. Ailhaud était parti pour l’arrondissement de Sisteron, attendant le mot d’ordre. »

Interrogé par le juge d’instruction de Marseille, au moment de son arrestation le 27 décembre 1851, André Ailhaud précisera :

« Le 4 décembre courant, je me trouvais à Forcalquier, lorsque j’appris par un journal la nouvelle du coup d’Etat. Nous nous réunîmes immédiatement au nombre de 4 ou 5 dans un bastidon. Nous rédigeâmes une sorte de proclamation qui n’a pas été imprimée mais copiée à la main en plusieurs exemplaires destinés à être distribués dans les communes, ce qui fut fait. Dans cette proclamation nous donnions avis de ce qui se passait et nous engagions nos amis à se tenir prêts à prendre les armes. »

C’est donc de Mane dans la nuit du 4 au 5 décembre que fut lancé le signal de l’insurrection générale, préparée à Forcalquier en fin d’après-midi du 4 par le docteur Rouit, l’ex-garde général des Eaux et Forêts Ailhaud de Volx et l’horloger Pierre Emmanuel Escoffier, principal meneur montagnard de la ville.

La sous-préfecture de Forcalquier est prise

De Manosque, dont la municipalité est tout acquise aux idées républicaines, une colonne de plusieurs centaines d’hommes part le 5 au matin sous la direction de l’ancien maire, également révoqué, Joseph Buisson. Gonflée par les apports des communes voisines, elle comprend un millier d’individus à son arrivée à Forcalquier en fin de matinée. Eugène Ténot précise : « Elle se grossissait en chemin de nombreux contingents. A Mane, elle rejoignit un rassemblement nombreux à la tête duquel se trouvaient les citoyens Pascal, ancien instituteur et Escoffier de Forcalquier, excellent républicain, aussi généreux que brave ». Les républicains n’ont aucun mal à s’emparer de la mairie et de la sous-préfecture ainsi que de la gendarmerie et de la recette particulière ; le sous-préfet Paillard et le substitut du procureur de la République Paulmier, sans troupes et abandonnés par presque tous les hommes du parti de l’Ordre, sont arrêtés.

Ténot a publié le récit de la prise de la sous-préfecture.

« Escoffier, à cheval, et sabre à la main, commandait :
- Montagnards, halte !
cria-t-il en arrivant devant le balcon de la sous-préfecture (où se tenait le sous-préfet). Les insurgés s’arrêtèrent et firent face. Alors Escoffier s’adressant au sous-préfet :
- Citoyen, dit-il, la Constitution est violée ; l’insurrection est un devoir sacré pour tous, et vos pouvoirs sont finis.
Le sous-préfet essaya de répliquer :
- Citoyens, on vous trompe. Le Président maintient la République ; il a rétabli le suffrage universel, il fait appel au peuple.
Cette interprétation du coup d’Etat qui avait si bien réussi sur la population ouvrière de Paris, n’eut aucun succès à Forcalquier. Il put à peine achever ces paroles. Une tempête de cris couvrit sa voix :
- A bas ! Rendez-vous ! Résignez vos pouvoirs.
Plusieurs hommes le couchèrent en joue. M. Paillard découvrit sa poitrine et leur dit :
- Si vous êtes des assassins, tirez, si vous l’osez !
Mais Buisson s’était déjà jeté au-devant d’eux et leur avait fait abaisser leurs fusils. Cependant, Escoffier, reprenant la parole, cria :
- Au nom du peuple, je vous somme de descendre.
Déjà quelques hommes ébranlaient la porte à coups de hache. Le sous-préfet avait montré une rare fermeté ; il lui était difficile de faire davantage. Il descendit ».

Le désir de venger les républicains du Sud-Est arrêtés à l’automne 1850 et jugés en août 1851 dans le cadre du « complot de Lyon », en particulier le journaliste Louis Langomazino, apparaît très vif, comme en témoigne cet autre propos lancé par Escoffier au sous-préfet : « Vous êtes notre prisonnier. A votre tour maintenant à aller à Nouka-Hiva ! » [16]. Le Courrier de l’Isère du 16 décembre 1851 livre une version dramatique des mêmes événements :

« Les bandits des Basses-Alpes ont bien tenté d’égorger M. Paillard, sous-préfet de Forcalquier, ainsi que M. Paulmier, substitut, mais ceux-ci sont parvenus à leur échapper. Ces deux malheureux fonctionnaires ont subi les violences les plus cruelles. M. Paillard a reçu un coup de pointe de sabre au-dessus de la cuisse, l’os arrêta la lame. Ce fut dans cet état qu’on l’entraîna vers Manosque mais, aux Rencontres, le sous-préfet tomba épuisé, il était dans un état affreux, son sang ruisselait sur ses vêtements et débordait par dessus ses bottes, il s’évanouit. Un jeune ingénieur du département et un percepteur sont parvenus, à force de courage, à les sauver. MM. Paillard et Paulmier sont à Avignon ; le premier dont on avait annoncé la mort n’est que gravement malade des suites de sa blessure, de ses fatigues et de ses émotions ».

Le sous-préfet ne fut que légèrement blessé et Escoffier en personne s’attacha à garantir sa protection.

Au cours de la journée du 5, la colonne de Manosque est rejointe par des contingents venus du nord et de l’ouest de l’arrondissement (Reillanne, Banon, Saint-Etienne-les-Orgues...). Finalement quelque 3.000 hommes occupent Forcalquier. Un Comité insurrectionnel d’arrondissement est formé, placé sous la présidence de l’instituteur révoqué Noël Pascal. Selon les propres termes du substitut Paulmier, l’arrondissement de Forcalquier apparaît bel et bien comme « le foyer de l’insurrection, qui a envahi ensuite presque tout le département. »

Le mouvement gagne les arrondissements de Sisteron et de Digne

Dans la journée du 5, les zones méridionales des arrondissements de Sisteron et de Digne commencent à bouger à leur tour.
Les chefs de la Montagne à Sisteron envoient des émissaires dans tout l’arrondissement pour demander aux républicains des villages alentour de venir leur prêter main-forte. A l’instigation de l’avocat Aimé Barneaud et du mécanicien Auguste Férévoux, l’émeute gronde à Sisteron toute la journée du 5. Des groupes d’insurgés se forment activement dans le canton de Volonne sous l’impulsion d’André Ailhaud qui, depuis la commune de Château-Arnoux où il est domicilié, engage « les communes voisines à se préparer au mouvement ». La gendarmerie de Volonne est désarmée. Une échauffourée oppose André Ailhaud et sa troupe à quelques gendarmes volonnais au lieu-dit de Font-Robert, à la sortie de Château-Arnoux en direction de Sisteron : elle vaudra à André Ailhaud sa traduction devant le Conseil de guerre de Marseille en mars 1852.

« Le 5 décembre dernier, Ailhaud, à la tête d’une bande de cinquante à soixante hommes, se dirigeait sur Sisteron, lorsqu’il vit venir à lui deux gendarmes de la correspondance qui portaient des ordres. A leur vue, l’accusé arrêta sa troupe et, se portant en avant du tambour qui la précédait, il arma son fusil à deux coups, le tint en garde prêt à tirer et cria aux gendarmes : ‘Halte-là, canailles !’ Ceux-ci, qui étaient à peu près à trente mètres, s’arrêtèrent et quelques mots furent échangés, à la suite desquels le brigadier, se voyant couché en joue, tourna bride ; au même moment, un coup de feu partit tiré par Ailhaud et deux grains de plomb traversèrent le chapeau du brigadier. Le second gendarme faisait sauter un fossé à son cheval, pour s’enfuir à son tour, lorsqu’un second coup partit immédiatement et l’atteignit de treize grains de plomb, soit à la tête, soit à l’épaule. Quelques secondes après, une décharge sans résultat fut faite par les hommes de la bande. Pour sa défense, l’accusé allègue que les grains de plomb n’ont pu sortir de son fusil, puisqu’il l’avait chargé à balle et qu’il n’avait tiré que pour faire peur aux gendarmes. »

Durant la journée du 5, sur la rive gauche de la Durance, les républicains d’un grand nombre de communes des cantons de Riez, Moustiers, Valensole et Les Mées courent aux armes à la réception de la proclamation du Comité insurrectionnel de Forcalquier. Sous la conduite de l’avocat Aristide Guibert et de l’ancien juge Gustave Jourdan, la colonne insurgée de Gréoux marche sur Valensole, chef-lieu du canton, puis remonte la grande route de Marseille à Digne par Oraison et Les Mées, forte au total d’environ 1 800 hommes. Les insurgés de Riez, sous la conduite du docteur Prosper Allemand, se mettent en marche, bientôt rejoints par les contingents d’Allemagne-en-Provence et de Sainte-Croix (avec à leur tête le curé Chassan) ainsi que par les insurgés du canton de Moustiers.
Le 5 décembre a vu le glissement de la révolte sur place à la guerre de mouvement. Et Philippe Vigier d’écrire :

« Le mouvement de protestation contre le coup d’Etat prend ainsi dans les Basses-Alpes, dès le 5 au soir, une ampleur inconnue dans le reste de la région alpine, où il faudra attendre la journée du 6 pour assister à l’éclosion de mouvements insurrectionnels d’une réelle importance. »

(...)

L’armée insurrectionnelle se concentre à Malijai

Le samedi 6 au matin, les républicains de Sisteron, renforcés par les contingents des communes rurales environnantes, dont un contingent venu des Hautes-Alpes, se rendent maîtres de la ville. A la suite d’une grande manifestation populaire, le maire et le conseil municipal sont contraints de démissionner : ils sont remplacés par une Commission municipale révolutionnaire, présidée par le chef montagnard Férévoux. Le sous-préfet et le faible détachement dont il dispose (80 soldats environ) se retirent dans la citadelle. La colonne insurgée de Sisteron quittera la ville dans la journée pour descendre la vallée de la Durance.
C’est que les colonnes insurrectionnelles des arrondissements de Forcalquier et de Sisteron ainsi que des cantons de Valensole et des Mées devaient faire leur jonction à Malijai le 6 au soir. Malijai formait un centre stratégique important au croisement des routes de Marseille, de Forcalquier et de Sisteron à Digne. Le témoignage d’André Ailhaud est net :

« Dans la nuit du 5 au 6, je revins à Forcalquier. Là les communes étaient réunies, la plupart avaient des armes. Je me mis à la tête de 4 ou 500 hommes et nous marchâmes sur Digne. A Château-Arnoux, ma colonne se recruta de 300 hommes venus des communes d’alentour. De là, je me dirigeai vers Malijai, où était le rendez-vous général. »

L’objectif des républicains est de marcher sur le chef-lieu du département, en remontant la vallée de la Bléone.
A Digne même, dans la matinée du 6, la population s’est portée à la mairie. A l’issue de violentes discussions, le maire, le docteur Fruchier, réussit à convaincre le préfet Dunoyer et le procureur de la République Prestat de faire remettre en liberté Charles Cotte et ses compagnons. A 2 heures, le préfet passe en revue la troupe composée d’environ 300 jeunes soldats ainsi que la garde nationale. Dans la soirée, l’arrivée des insurgés venus du bas pays paraît imminente. L’anxiété des habitants est à son comble. En grand nombre les gardes nationaux quittent les rangs, ne laissant plus à la disposition des autorités que les jeunes recrues de la garnison. Convaincu de l’impossibilité de toute résistance, le préfet quitte bientôt Digne clandestinement au cours de la nuit en compagnie du procureur de la République, pour se réfugier au fort de Seyne et de là gagner les Hautes-Alpes à la recherche de renforts.
Pendant ce temps, l’armée insurrectionnelle, partie de Malijai, avance sur Digne. Et Ailhaud de témoigner :
« Pendant la route, il n’a été commis aucun attentat ni contre les personnes ni contre les propriétés. Nous n’avions pas désigné de chef suprême. Chaque colonne marchait sous les ordres d’un chef particulier ». Selon Ténot, les insurgés rassemblés à Malijai « étaient déjà au nombre de 7 à 8.000 ». De son côté, la colonne venue des cantons de Riez et de Moustiers, grossie des insurgés de Mézel et de son canton, compte plus d’un millier d’hommes lors de son arrivée le 6 vers minuit à l’auberge de Gaubert, à 8 kilomètres de Digne.

Le chef-lieu du département est occupé

Dimanche matin 7 décembre : Digne est envahie. Eugène Ténot note : « A trois heures du matin, toute la population se réveilla au bruit des tambours et au chant de la Marseillaise. C’étaient les douze à quinze cents hommes de Riez, Moustiers, Mézel qui entraient par la route du Var. » Dans son témoignage rédigé en 1881, un ouvrier forgeron de Riez, René Girard, se souviendra : « Nous passons sur le pont de Digne auquel il y avait de gros arbres en feu qui nous réchauffaient en passant parce qu’il faisait beaucoup froid et beaucoup de neige. » Le peintre dignois Eugène Jaubert, dans ses Souvenirs de 1851, confirme : « La neige, tombée la veille, couvrait tout le Pré-de-Foire » ; et de poursuivre :

« Dès avant l’aube du jour suivant, un bruit lointain, se rapprochant de minute en minute, éclatant bientôt en roulements de tambours, en cris nourris à travers lesquels perçaient les notes enflammées de la Marseillaise, mit sur pied tous les habitants. C’étaient les premiers insurgés qui arrivaient par la route de Gaubert, ayant englobé dans leur marche toute la population républicaine de Riez, de Moustiers, de Mézel, de tous les gros bourgs disséminés sur la rive gauche de la Durance ».

C’est Charles Cotte, venu au devant d’elle à l’auberge de Gaubert, qui conduira l’avant-garde insurrectionnelle jusqu’à Digne, où elle pénètre entre 3 et 4 heures du matin. Très vite, les républicains s’emparent de la Préfecture, du Palais de Justice et de la Mairie.
De petites bandes armées arrivent ensuite de divers points, ainsi du canton de Barrême. Mais surtout, vers 10 ou 11 heures, c’est la grande troupe de Malijai, qui fait son entrée. Ecoutons Eugène Jaubert :

« Cependant le gros des insurgés allait être là. Une foule énorme s’était portée vers le Grand-Pont, au-delà duquel, sur la route des Sièyes, grouillait une multitude bariolée, où les couleurs rouge et bleue étaient dominantes. Les premiers rangs, plus resserrés à cause de l’entrée plus étroite du pont, précédés de quelques hommes qui battaient du tambour à tour de bras, s’avançaient vers nous comme une grosse vague houleuse. Bientôt le défilé commença sur le boulevard Gassendi. Malgré la fatigue de leur longue marche, tous ces paysans avaient le visage épanoui, comme accomplissant allègrement leur devoir. Ils avaient pour la population des paroles rassurantes ; ils caressaient de la main les gamins de la rue qui leur demandaient à porter leurs fusils, puis ils reprenaient en choeur le refrain de la Marseillaise. »

« Rien de plus pittoresque que l’aspect des insurgés en marche. Ils marchaient par groupes, formés des contingents de cantons et de communes. Chaque groupe était commandé par un chef, que l’on distinguait à son brassard rouge, posé sur la blouse bleue. La blouse était le vêtement du plus grand nombre ; mais la diversité des costumes n’en était pas moins étrange. Les uns, surpris au moment du labourage par le passage des insurgés, avaient laissé là leur charrue au milieu du champ, pris en hâte, qui un vieux fusil, qui une fourche, et avaient suivi les autres avec la grosse bure fauve et usée qu’ils portaient en travaillant. Les autres avaient soit un pantalon rouge sous la blouse bleue, soit une veste de soldat s’arrêtant à la taille, lambeaux rapportés jadis du régiment, où ils avaient fait leur congé. D’autres, qui avaient aidé à s’emparer de quelques gendarmeries, portaient des vestons noirs, dont les aiguillettes et les parements blancs avaient été en partie arrachées. Les contingents des sous-préfectures, Sisteron et Forcalquier se remarquaient à leur costume moins disparate. Leurs chefs laissaient voir, parfois, leur redingote noire sous la blouse bleue et dominaient la foule avec leur chapeau haut-de-forme. Ceux-là, on les connaissait presque tous ; ils saluaient de la main ou d’un sourire grave ceux de leurs amis qui, au milieu de la population de Digne, faisaient la haie de chaque côté du boulevard. Le plus connu et le plus populaire d’entre eux était l’avocat Charles Cotte, chef du parti républicain (de Digne). »

« Parmi les coiffures chamarrées d’étoffes voyantes ou de rubans tricolores, un grand oiseau tout rouge (empaillé), perché sur le feutre gris d’un paysan, attirait tous les yeux (...) L’homme qui le portait avait une figure joviale. Il paraissait le chef d’un groupe assez important et ses camarades, se ralliant autour de ce singulier Henri IV au panache rouge, l’apostrophaient avec bonne humeur sous le nom de Tonin. Il souriait aux enfants, qui le regardaient avec une ardente curiosité et qui, pour ne pas le perdre de vue, se mirent à le suivre. »

« Le défilé continuait, mais maintenant le spectacle était plus triste. Au milieu des rangs des insurgés, on voyait de longues files de prisonniers, presque tous des gendarmes, au costume souillé et lacéré, quelques-uns ayant les bras serrés dans des menottes, et la vue de ces figures mornes, gardant une attitude ferme dans leur marche lassée de vaincus, étreignait le coeur d’une émotion poignante. »

« Déjà le Pré-de-Foire, où s’étaient arrêtés les premiers arrivants, était comble, malgré son étendue. La troupe se répandit dans toutes les rues, dans les faubourgs, dans le cimetière, partout où elle pouvait poser un moment à terre son étrange armement, et elle attendait là avec patience qu’on eût trouvé des logements pour tout ce monde. Ce n’était pas chose facile, pour une ville de 5.000 habitants que d’héberger 8.000 hommes ! Chaque famille un peu à l’aise reçut en moyenne de six à huit insurgés ; tous les édifices publics regorgeaient, et l’on ne put arriver à trouver un gîte pour chacun. Au reste, on ne séjournait dans les maisons que pour le repas du soir et pour la nuit. Dans la journée, on préférait vivre en plein air sur le Pré-de-Foire, où de grands feux furent allumés... »

A sa manière, le Glaneur des Alpes du 20 décembre 1851 notera :« Ils parcourent la ville au chant de la Marseillaise et autres cris séditieux. »

Quant à l’effectif de l’armée insurrectionnelle, si Eugène Jaubert parle de 8.000 hommes et si Eugène Ténot donne le chiffre de huit à neuf mille hommes, le Glaneur des Alpes du 20 décembre qui, par ailleurs, signale la présence de « quelques femmes dans cet immense rassemblement », évaluera « à plus de dix mille hommes le chiffre des insurgés qui occupent la ville ». Enfin, l’ouvrier-forgeron Girard écrira en 1881 : « Nous étions plus de 15.000 combattants. »

Après avoir désarmé la gendarmerie (composée d’une quarantaine de gendarmes), les insurgés s’emploient à faire de même avec la garnison consignée à la caserne. Le major Chevalier signera une véritable capitulation, livrant aux républicains la poudre, les munitions et la caisse du Receveur général qui avait été confiée à sa garde par le préfet au moment de son départ. La municipalité, contrainte de résigner ses pouvoirs, est remplacée par une administration provisoire.

Les chefs des insurgés, installés à la préfecture, constituent aussitôt un Comité départemental de résistance, chargé de remplacer le préfet en fuite. Deux proclamations sont successivement imprimées, la première sans date, la seconde datée du 7 décembre. La première proclamation est signée d’Ailhaud de Volx, Aillaud Pierre, Barneaud, Charles Cotte et Buisson ; les signataires de la seconde sont Charles Cotte, Buisson, Escoffier, Ailhaud de Volx, P. Aillaud, Guibert et Jourdan. Le Comité de résistance comprend les dirigeants de la Montagne des arrondissements de Forcalquier, de Sisteron et de Digne : le liquoriste Joseph Buisson de Manosque, l’ancien garde général des Eaux et Forêts révoqué André Ailhaud, l’horloger Pierre Emmanuel Escoffier de Forcalquier, l’avocat Aimé Barneaud de Sisteron, l’avocat Charles Cotte de Digne, l’huissier révoqué de Valensole Pierre Eustache dit Pierrette Aillaud, l’ancien juge Gustave Jourdan et l’avocat Aristide Guibert de Gréoux. On remarquera qu’à l’exception d’Escoffier, tous les membres du Comité étaient issus de la petite bourgeoisie. Ces proclamations décrètent la suspension des juges de paix, l’abolition des contributions indirectes, la création de comités de résistance dans les communes, cantons et arrondissements. Outre les caisses de la Recette générale, dont les fonds s’élevaient à 15.000 francs, le comité de résistance fait saisir les caisses du directeur de la poste, du conservateur des hypothèques, de l’entreposeur des tabacs et du percepteur. Selon le Glaneur des Alpes, « une somme de 2 francs cinquante par homme est distribuée à l’armée insurrectionnelle », assertion confirmée par André Ailhaud lui-même :

« Nous nous emparâmes aussi de la caisse du receveur général qui contenait 15.000 francs, nous en donnâmes un reçu et la somme fut portée à la Préfecture. Nous prîmes sur les 15.000 francs une somme de 50 francs chacun. Quant à moi, j’en ai dépensé plus de cent pour ma troupe. Une distribution d’argent fut ensuite faite à la troupe à raison de 2f50 par tête. Après cette distribution, il resta 8.000 francs. Un grand nombre avait refusé de recevoir cette solde. » Eugène Jaubert raconte que pour célébrer les décrets rendus par le Comité de résistance, « on dansait et farandolait autour des feux ».

Ce dernier témoin apporte également un éclairage intéressant sur l’état d’esprit de l’« insurgé de base » ainsi que sur les relations entre les insurgés et la population dignoise. L’oncle de Jaubert était adjudant de la compagnie confinée dans la caserne.

« A la nuit tombée (du 7 décembre), inquiet de savoir ce que nous étions devenus, il sortit je ne sais comment de la caserne et vint à la maison par une porte de derrière. En entrant dans la salle à manger, il s’arrêta surpris à la vue d’une tablée où huit insurgés avaient pris place avec nous : tous mangeaient tranquillement, se reposant dans le bien être et la chaleur, des fatigues de la longue marche sur les routes gelées. La vue soudaine de l’uniforme d’officier les secoua d’un vague frisson : allaient-ils donc être attaqués et pris comme dans une souricière ? Deux d’entre eux s’étaient levés et, dans un coin de la salle, on entendit le crissement métallique de fusils remués. Il y eut là une minute d’angoisse réelle. Mon père sauva la situation par sa présence d’esprit : ‘Viens, dit-il à son frère, t’asseoir là et manger un morceau avec ces braves gens.’ Déjà mon oncle, qui avait eu à peine un instant d’hésitation, prenait place à la table au milieu d’eux et leur parlait en provençal. Ils furent bien vite rassurés et se mirent à raconter ce qu’ils avaient laissé au village : leur femme, leurs enfants, le champ qu’ils n’avaient pas fini de labourer ; mais il fallait bien, disaient-ils, servir avant tout le pays et défendre la Constitution ».

Le mouvement gagne Barcelonnette

Presque partout dans le Sud-Est, la journée du 8 décembre voit s’évanouir les derniers espoirs des républicains. Seules dans les Basses-Alpes, la résistance républicaine va durer plus longtemps qu’ailleurs. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, le mouvement insurrectionnel éclate dans le nord du département, à Barcelonnette, jusque-là restée calme. Quatre cents hommes se réunissent sur la place, désarment les gendarmes et arrêtent le sous-préfet et les autorités locales. Un Comité de résistance est constitué, formé de trois républicains influents, Jean-Pierre Gastinel, propriétaire-cultivateur de Saint-Pons, l’horloger Pascal Buffe et le libraire Jean-Baptiste André de Barcelonnette : il administrera la ville et ses environs pendant plusieurs jours.

A Digne dans la matinée du 8, les insurgés allument un grand feu de joie sur le Pré-de-Foire, dans lequel sont brûlés des papiers et registres des contributions indirectes. Dans la même journée, la dernière sous-préfecture restée calme, Castellane, accueille avec enthousiasme une colonne d’insurgés venant de Digne. De façon générale toutefois, l’arrondissement de Castellane restera tranquille.

Philippe Vigier conclut : « En deux jours, l’insurrection républicaine triomphe dans presque toutes les Basses-Alpes qui, seules de tous les départements français, parviennent ainsi à se débarrasser temporairement des fonctionnaires de Louis-Napoléon. » (...)
Mais ce même lundi 8, vers 5 heures de l’après-midi, la nouvelle parvient qu’un bataillon du 14ème léger parti la veille de Marseille marche sur Digne. Selon le Glaneur des Alpes du 20 décembre, le Comité de résistance rassemble l’armée insurrectionnelle qui « défile vers le grand pont au chant de la Marseillaise. Quelques membres du Comité sont à sa tête. Deux mille hommes environ restent à Digne ».

L’armée régulière marche sur les Basses-Alpes

Selon Eugène Jaubert :

« La plupart des chefs insurgés restaient confiants dans la victoire prochaine. Ils parcouraient les rangs pour communiquer à leurs hommes l’ardeur qui les animait et redonner du coeur à ceux qui commençaient à faiblir. Ils décidèrent que l’on marcherait à la rencontre de la troupe envoyée de Marseille. Le soir venu, la ville reprit son aspect lugubre. Les tambours battaient le rappel dans les rues. Sur les visages des paysans, on ne voyait plus ni la résolution ni l’allégresse de la veille. Les bourgeois et les artisans (dignois), qui restés simples spectateurs du drame, discernaient mieux le péril de la situation, contrebalançaient maintenant l’influence des chefs, et, pris de commisération pour ces braves gens qu’ils avaient hébergés, ils leur représentaient que la lutte ne pouvait plus désormais se terminer que par leur défaite : ‘Vous avez assez fait pour la défense de vos droits. Ne vous exposez pas à être massacrés inutilement. Rejoignez vos enfants et vos femmes.’ Ces conseils timorés mais humains ne furent pas partout repoussés. Beaucoup de ceux qui regrettaient déjà le village natal se détachèrent furtivement de leurs groupes, gagnèrent les faubourgs et les bords de la Bléone et, jetant leurs mauvais fusils, disparurent isolés dans la nuit. Cependant, vers 7 heures, le gros de l’armée républicaine se mit en marche, en chantant la Marseillaise. Ils étaient environ 5.000 et, malgré le froid glacial qui présageait une nuit très dure, ils partageaient l’enthousiasme de ceux qui dirigeaient la colonne. »

Il s’agissait de barrer la route de Digne à la troupe : le 8 au soir, l’armée insurrectionnelle bivouaque aux abords de Malijai.

Le combat des Mées

Le lendemain, 9 décembre au matin, ce sera le « combat des Mées ». Selon le commentaire de Ténot,

« la grande route avant d’arriver aux Mées est serrée entre la Durance et des hauteurs escarpées. Elle forme ainsi une sorte de défilé fermé par le bourg et difficile à forcer s’il est défendu avec quelque résolution. C’est là que se posta la petite armée insurrectionnelle. Une partie occupa fortement le bourg ; le reste prit position sur les hauteurs dominant la route. Le garde général des Eaux et Forêts, Ailhaud de Volx, semble avoir dirigé ces dispositions ».

Fort de sa connaissance des lieux [17] et de ses compétences de stratège, André Ailhaud avait su positionner ses troupes avec habileté. Les républicains se défendirent avec « rage et fanatisme », si l’on en croit le procureur de la République de Sisteron, c’est-à-dire, avec énergie, courage et détermination. Selon Ténot, « le colonel Parson, ne les supposant pas capables de tenir contre la ligne, ordonna l’attaque... La troupe, parvenue à l’entrée du défilé, se trouva en présence d’obstacles insurmontables. Le colonel Parson consentit à parlementer... ».
Mais bientôt,

« les parlementaires (républicains) furent saisis et conduits à la queue de la colonne. La troupe recommença, sinon à attaquer, du moins à tâter la position des républicains. Ceux-ci firent la meilleure contenance. Une compagnie d’infanterie s’engagea dans un sentier qui conduisait au-dessus des crêtes occupées par les insurgés. Le succès de ce mouvement allait permettre une attaque vigoureuse sur le bourg. La compagnie, assaillie à l’improviste dans un chemin creux, fut surprise, rompue et dispersée, laissant le capitaine, le sous-lieutenant et une vingtaine de soldats entre les mains des républicains. Ces prisonniers, conduits au bourg des Mées, furent un instant menacés. Quelques furieux se jetèrent sur les deux officiers et menacèrent de les fusiller. Ailhaud de Volx les arracha de leurs mains et les préserva de toute violence. Cet échec compromettait la petite colonne de troupe. Le colonel Parson ne s’obstina pas à enlever une position aussi forte et bien défendue, il relâcha les parlementaires arrêtés et battit en retraite. Il rétrograda le soir même jusqu’à Vinon sur Verdon, petite ville du Var à la limite des trois départements des Basses-Alpes, Bouches-du-Rhône et Var. Les pertes étaient de part et d’autre de quelques hommes tués et blessés ».

La nouvelle d’un « engagement aux Mées entre les troupes et les insurgés » n’est connue à Digne que le lendemain. L’événement est relaté par le Glaneur des Alpes dans son numéro du 20 décembre. Quoiqu’il parle de débandade chez les insurgés, celui-ci n’en reconnaît pas moins la retraite du 14ème léger sur Vinon ainsi que la capture des deux officiers et de quelques soldats. Le Glaneur fait état d’une quarantaine de tués ou de blessés chez les insurgés et de 3 ou 4 blessés chez les militaires.

« Au-delà des Mées où les émeutiers s’étaient fortifiés, ils rencontrèrent un détachement du 14ème léger envoyé en avant. Des coups de feu partent du rang des insurgés. La troupe riposte par quelques feux de peloton qui abattent ou blessent une quarantaine d’émeutiers, le reste se débande et prend la fuite ; quelques uns jettent leurs armes et se précipitent dans la Durance qu’ils tentent de traverser à la nage. Tandis que le détachement se replie sur le bataillon, une petite troupe d’insurgés parvient à se rallier et, embusqués sur les hauteurs qui bordent la route, harcèle la retraite du bataillon, qui revient sur Oraison. Deux officiers et quelques soldats tombent entre les mains des émeutiers qui les emmènent aux Mées. L’intervention de chefs influents sauve ces militaires au moment où ils allaient être fusillés. Le bataillon a eu 3 ou 4 blessés. »

La version présentée par le Courrier de l’Isère du 16 décembre 1851 est plus partielle et encore plus partiale : « Les insurgés étaient organisés et armés. Il a fallu, pour les disperser et les réduire, en arriver à des engagements sérieux dont le principal a eu lieu à Malijai (sic au lieu des Mées), sur les bords de la Durance. Soixante insurgés environ ont été tués ; plusieurs soldats ont également péri. La plus grande partie des révoltés se sont sauvés en traversant la Durance à la nage. » Le chiffre de soixante morts du côté des insurgés sera propagé au loin, ainsi par l’Indépendance Belge.
La déposition d’André Ailhaud devant le juge d’instruction de Marseille le 27 décembre 1851 apporte plusieurs précisions importantes :

« Aux Mées, nous rencontrâmes le bataillon qui, à la suite d’un engagement où il y eut des blessés de part et d’autre, se retira sur Vinon. Jourdan et moi, nous avions été envoyés en parlementaires à l’effet d’engager le commandant à prévenir des malheurs. A peine arrivés, nous fûmes brutalement rejetés au milieu des soldats et accueillis par ces paroles : ’On ne parlemente pas avec des brigands.’ Pendant deux heures, nous fûmes ainsi retenus prisonniers ; mais le juge de paix des Mées, craignant les effets de l’exaspération de la phalange (républicaine), vint nous réclamer et nous fûmes rendus à la liberté. Après l’engagement, nous fîmes à notre tour prisonnier un capitaine, un sous-lieutenant et plusieurs soldats et quoique j’eusse été maltraité, alors que j’étais parlementaire, j’eus pour eux tous les plus grands égards ».

Lors du procès d’Ailhaud devant le conseil de guerre de Marseille en mars 1852, « un officier que les insurgés avaient tenu en leur pouvoir aux Mées » confirmera que « au moment où on voulait le fusiller, ainsi qu’un de ses camarades, qui avait partagé son sort, Ailhaud a réussi à les soustraire à cette lâche et basse vengeance... ».
On l’aura noté, les chiffres de quarante tués ou blessés (Glaneur des Alpes) ou de soixante tués (Courrier de l’Isère et Indépendance Belge) ne sont pas repris par Ailhaud, qui ne parle que de blessés des deux côtés.
Dans sa lettre à la commission d’indemnisation en 1881, l’ouvrier forgeron Girard se souvient également :

« Nous avons campé toute la nuit dans une grande plaine par un froid rigoureux. Au jour, nous prenons une position solide près du village des Mées. C’est là que nous nous rencontrons. Il y a eu combat. Nous avons fait quelques prisonniers et parmi eux quelques officiers. De notre côté, ils avaient fait prisonnier notre brave commandant en chef Monsieur Buisson de Manosque (sic au lieu d’Ailhaud de Volx et de Gustave Jourdan ?). Nous apprîmes la triste nouvelle que Paris hélas était vaincu. Nous nous sommes échangés les prisonniers et tout s’est dispersé. »

De fait, les nouvelles recueillies auprès des soldats faits prisonniers durant l’engagement ne permettent plus de douter de la réussite du coup d’Etat. La plupart des meneurs républicains, Buisson en tête, donne aux insurgés, pourtant invaincus, le signal de rompre les rangs et de regagner leurs foyers. En même temps, dans la nuit du 9, les derniers insurgés restés sur place à Digne abandonnent la préfecture. Seul Ailhaud de Volx poursuit la résistance :

« Buisson, sans nous consulter, notifia à nos phalanges qu’elles pouvaient se retirer et attendre un nouvel appel. Tous les membres du Comité de résistance disparurent à l’exception d’Escoffier et de moi. De leur côté les phalanges se débandèrent et nous pûmes Escoffier et moi rallier 200 hommes que nous conduisîmes à Forcalquier où nous arrivâmes le 10. »

L’armée réoccupe le département

Mais les forces armées arrivent maintenant en masse dans un mouvement concentrique. Elles viennent non seulement du Sud – un bataillon du 21ème léger commandé par le colonel de Sercey entre à Manosque dès le 10 et rétablit l’ordre à Château-Arnoux et dans le canton de Volonne le 12 – mais aussi du Nord – les troupes des Hautes-Alpes sous le commandement du préfet Dunoyer réoccupent Sisteron le 10, Digne le 12 et Barcelonnette le 15 au matin – ainsi que de l’Ouest – Forcalquier est réoccupée le 12 et Saint-Etienne les Orgues le 14 par un détachement du 54ème de ligne envoyé du Vaucluse sous le commandement du colonel Vinoy. En quelques jours, elles tiennent tout le département, déclaré en état de siège depuis le 9.
Le Glaneur des Alpes note ainsi qu’à l’arrivée à Sisteron du préfet Dunoyer, à la tête de 300 hommes d’infanterie et de 20 gendarmes,

« le sous-préfet et les autres autorités de la ville étaient encore enfermées dans la citadelle avec quatre-vingt-sept hommes du 25ème léger qui la veille avaient eu à se défendre contre une bande revenant de Malijai et de Digne. Les portes de la ville et la mairie étaient occupées par des insurgés. La municipalité socialiste improvisée le 5 délibérait à l’Hôtel de ville ; elle fut immédiatement dissoute et Sisteron rendu à la direction de ses autorités légitimes sans qu’il ait été besoin cette fois de verser une goutte de sang ».

Ailhaud prend le maquis (...)

André Ailhaud raconte :

« Le 11 nous étions à Sigonce, Escoffier était resté à Forcalquier. Le 12 nous étions à Saint-Etienne. J’avais appris que cette commune était dans la consternation, elle redoutait des excès et des attentats. J’étais parti avec 150 hommes environ dans le but de rassurer ces habitants. A mon arrivée, j’adressai à la population réunie une allocution qui dissipa toutes les craintes. Pendant mon séjour à Digne, la maison du maire (et notaire Prosper Hyacinthe Tardieu) avait été saccagée. Faisant allusion à cet acte coupable, je dis au peuple que je regrettais que quelques individus isolés se fussent livrés à de pareils actes de vandalisme, que la démocratie n’en acceptait pas la solidarité et que les auteurs en seraient sévèrement punis. J’appris avec plaisir que Audoyer qui se trouvait à Saint-Etienne avait fait arrêter le principal auteur et l’avait envoyé garrotté à Forcalquier. Le 13, ayant appris que la troupe était arrivée à Forcalquier et qu’on avait proclamé la mise en état de siège du département, je licenciai ma troupe et depuis lors je n’ai plus pris part à aucun événement. »

Le Glaneur des Alpes du 25/12/1851 précise que :

« le 14, l’avant-garde des troupes libératrices (un détachement du 54ème de ligne envoyé de Forcalquier) arriva dans la matinée. Les insurgés se dispersèrent à son approche. Aillaud s’enfuit le premier vers la montagne et chacun de ses soldats en fit autant. Si le reste du bataillon fut arrivé quelques heures plus tôt, tout ce monde là était pris sans peine. A une heure entrèrent dans le village 2 escadrons de hussards et 800 hommes d’infanterie, spectacle magnifique inconnu à Saint-Etienne. Les rues furent cernées et les arrestations commencèrent. On arrêta (suivent différents noms d’insurgés de Saint-Etienne) et quelques autres habitants ou étrangers, en tout 16. Deux de ces derniers et le sieur Gaubert dit Béguin de Saint-Etienne, pris les armes à la main, ont été fusillés ».


Selon, le témoignage d’un habitant de Banon, du nom de Delhomme, qui accompagnait les troupes du colonel Vinoy : « Les insurgés à l’approche des hussards envoyés en éclaireurs avaient pris la fuite. On en prit 6 ou 7 qui furent fusillés. » L’Indépendance Belge parlera de neuf insurgés fusillés.
Avec les réoccupations de Saint-Etienne-les-Orgues le 14 et de Barcelonnette le 15, tombent les derniers bastions insurgés de France. C’en est totalement fini de la grande insurrection bas-alpine.

Les débuts de la répression

Le général de brigade Morris, nommé commandant supérieur de l’état de siège dans les Basses-Alpes, arrive à Digne le 15 décembre. Par arrêté du 17 décembre, « toutes les chambrées, cercles ou réunions de ce genre sont formellement et complètement interdits à partir de ce jour dans toute l’étendue du département » (Le Glaneur des Alpes, 20/12/1851). Un autre arrêté, rendu quelques jours plus tard, stipule que « à partir du 22 décembre courant, tous les cafés, cabarets et généralement tous les débits de boissons seront fermés à 9 heures du soir dans les communes rurales et à 10 heures dans les villes et bourgs où réside une brigade de gendarmerie. Ces établissements ne pourront être ouverts avant le jour » (Glaneur des Alpes, 25/12/1851).
Selon le même journal, des colonnes mobiles parcourent le département, désarment les gardes nationales des villages soulevés et organisent de véritables chasses à l’homme : « Les troupes opèrent de grandes battues dans le bois de Lure où plusieurs centaines d’émeutiers se sont réfugiés. »

Outre les fusillés de Saint-Etienne, le Glaneur du 25 décembre rapporte que : « deux autres insurgés ont été tués entre Saint-Etienne et Fontienne, pendant qu’ils fuyaient, et cette nuit on en a encore fusillé trois autres dans la montagne. On assure qu’Aillaud, suivi de près par quelques soldats, n’a dû son salut qu’en se précipitant d’un rocher élevé de plus de 15 mètres, au bas duquel il a disparu sans qu’on sache ce qu’il est devenu » [18] !

Le témoignage d’Eugène Jaubert rend bien compte de l’atmosphère de répression qui s’abat sur Digne et l’ensemble du département :

« L’insurrection était terminée. Mais la réaction allait se produire, terrible et parfois sanglante (...) Partout, dans le département, on arrêta ceux qui étaient convaincus ou soupçonnés d’avoir pris part au mouvement. Un bon nombre de chefs purent s’enfuir et gagner le Piémont, entre autres l’avocat Charles Cotte. D’autres furent pris chez eux et emprisonnés (...) Les insurgés arrêtés de tous côtés étaient journellement ramenés en grand nombre à Digne par les gendarmes et les soldats. Avant de les expédier devant les Conseils de guerre, on les interrogeait sommairement, puis on les entassait où l’on pouvait. La prison départementale une fois comble, on remplit une maison de trois étages, que l’on appelait la Caserne des passagers sur le boulevard Gassendi. A chaque fournée d’hommes qu’on empilait là-dedans, des cris de protestation s’échappaient à travers les murs et ne se calmaient qu’à de rares intervalles pendant la nuit. Des odeurs nauséabondes s’exhalaient de cette foule d’êtres pressurés et foulés, qui ne trouvaient pas même une place suffisante pour allonger leurs corps brisés de fatigue. »

A la faveur d’un mouvement d’exaspération collective, l’insurgé Tonin (l’homme au grand oiseau rouge) sera tué par la sentinelle de la Caserne des passagers.

« Le lendemain, on évacua la Caserne des passagers, et tous ces malheureux, pour qui les souffrances ne faisaient que commencer, suivirent la voie douloureuse de ce calvaire, dont les stations devaient être les Conseils de guerre, la prison, la déportation, l’exil et, pour beaucoup la mort loin du pays natal. »

En raison de l’ampleur et de la durée du mouvement insurrectionnel bas-alpin, le plébiscite des 20-21 décembre est décalé d’une semaine. Louis-Napoléon Bonaparte avait appelé aux urnes le peuple tout entier pour entériner son coup d’Etat. Du fait sans doute de l’atmosphère de peur suscitée par la répression, mais aussi peut-être afin d’obtenir la libération de leurs parents et amis arrêtés, les électeurs du département votent massivement en faveur du Oui (98,2 % des votants, soit le deuxième meilleur score national)...

Et si Marseille...

En 1865, Eugène Ténot, s’appuyant sur une déposition du colonel de Sercey devant les Conseils de guerre, écrira :

« Marseille était la vraie capitale de cette partie du Midi. Le Parti révolutionnaire, surtout, en recevait l’impulsion et la direction. Dans le plan des sociétés secrètes pour la lutte éventuelle de 1852, Marseille devait être la base et le point d’appui de la levée en masse du Midi. Sa population, ses richesses, ses ressources de tout genre, sa belle position stratégique, en faisaient un centre admirablement choisi. Marseille insurgée, les autorités des départements voisins privés de secours, eussent été impuissantes à se défendre contre un soulèvement dont l’influence de Marseille eût décuplé l’énergie. L’insurrection républicaine aurait vu accourir des masses de paysans du Var, des Basses-Alpes, de Vaucluse ; se joignant par les ponts du Rhône aux insurgés du Gard et de l’Ardèche, et ayant en tête les rudes montagnards de la Drôme, ils auraient constitué le plus formidable soulèvement. Par contre, Marseille restant au pouvoir de l’autorité, les insurrections des départements voisins, n’ayant ni base, ni direction, ni centre, ni lien, devaient promptement succomber. C’est ce qui arriva. »

 [19]

Christian Maurel

L’INSURRECTION DES « MARIANNES »

Le Sud-Est n’a pas été la seule région à se soulever. La Nièvre qui avait une tradition « rouge » depuis fort longtemps, ne fut pas en reste.

Si vous passez par la petite ville de Clamecy dans le Nivernais-Morvan, vous pouvez visiter le Musée des Flotteurs, ces hommes qui fournirent Paris en bois de chauffage pendant plus de deux siècles. Ils jouèrent un rôle non négligeable dans les différentes révoltes et grèves qui eurent lieu durant des années, et dont le point culminant fut le soulèvement de 1851.

Les flotteurs, de par leur métier, se rendaient régulièrement dans la capitale, apportant en retour les idées socialistes dans le Centre de la France. Très vite, ils s’y structurèrent en sociétés secrètes. Vers 1848 s’implante à Clamecy la société secrète des Marianne, filiale de celle de Lyon, la Marianne qui donna son nom à la République. S’y réunissent les républicains rouges, les démocrates socialistes et autres « bouffeurs de soutanes » et « terreurs des bourgeois ». On retrouve ces sociétés secrètes principalement à Paris, Clamecy et sa région, le Morvan, le Centre, Lyon et le Midi. Par ailleurs, les flotteurs avaient depuis longtemps, en raison du caractère dangereux de leur métier, constitué des mutuelles d’entraide en cas d’accident. Sur ce terrain fertile, les idées généreuses du socialisme grandirent et se perpétuèrent jusqu’à nos jours.

Le 2 décembre de cette année-là, le futur Napoléon III prend le pouvoir par un coup d’Etat. Qui sont les putschistes de 1851 ? On les appelait alors le « parti de l’ordre ». Leur but, « rétablir la société sur ses bases », c’est-à-dire « la famille, la religion, la propriété ». Pour Péguy, c’est « Une bande de forbans distingués qui souhaitaient l’écrasement des républicains », pour l’historien Henri Guillemin « une meute d’appétits lâchés dans un flamboiement d’or et de sang ». Ce grand parti de l’ordre, cette union sacrée naît au lendemain de février 1848. On y trouve de tout : légitimistes, orléanistes, bonapartistes, ultramontains. « Toutes ces opinions se coudoyaient et aboyaient à la fois contre la République : on s’entendait dans la haine » écrit Emile Zola. Quant aux raisons du coup d’Etat, il s’agit d’éviter une possible victoire des républicains aux élections de 1852.

Les flotteurs de Clamecy réagissent très vite. Ils sont persuadés que la capitale va se soulever. N’en est-il pas presque toujours ainsi ? Les nouvelles de Provence sont bonnes : toute la région de Forcalquier et de la Montagne de Lure est en armes. Le 3 décembre au soir, une dépêche arrive : « On se bat à Paris ». L’issue du combat reste incertaine. Le 4 et le 5 furent des journées d’hésitation et de préparation. Mais le 5, le temps pressant, la décision est prise. L’insurrection aura lieu à 8 heures du soir. On envoie des courriers aux communes voisines, avec comme consigne de d’abord renverser les autorités locales, et de laisser la direction du pays aux hommes les plus âgés parmi les républicains. Le but était ensuite de marcher sur la ville d’Auxerre, où, semble-t-il, la population était favorable, puis sur Paris où la victoire semblait certaine.

Les républicains de Clamecy, unis et forts, pensent que la France est à leur image. Le 5 à 9 heure du soir, ils passent à l’action. Ils prennent la mairie, la prison, où ils libèrent les détenus qui se rallient (certains républicains avaient été arrêtés quelques temps auparavant en prévision du coup d’Etat). Là, les choses se gâtent : six gendarmes, dépêchés sur les lieux, font feu sans sommation. Six insurgés sont touchés. La riposte est immédiate : deux gendarmes tombent, dont un raide mort. Cette affaire, d’ailleurs, aura son importance au moment des procès qui suivirent. Le Conseil de Guerre, appliquant une justice sommaire, accusera les insurgés d’avoir tiré les premiers. Pourtant, à partir de là, les révoltés sont maîtres de la ville. Exceptée toutefois la gendarmerie, où est réfugié tout ce que la ville compte de réactionnaires, mais qui ne constitue pas, selon eux, un danger réel.

Ils tiennent aussi toutes les communes dans un rayon de 20 km. Le 6, on apprend que le soulèvement de Paris a été écrasé. La Provence est bien loin, et Clamecy se retrouve seule, mais décidée à résister jusqu’au bout. On monte des barricades, on se fait livrer poudre et munitions, on réquisitionne la nourriture ; le receveur des finances lui-même se voit allégé de 5.000 francs. On se prépare pour un siège. Des troupes, menées par le Préfet du département et fortement armées, notamment de canons, font route vers la ville insurgée. Voulant éviter une confrontation directe avec les forces républicaines, grosses d’environ 700 hommes et bien armées, elles encerclent Clamecy, se positionnant sur les hauteurs. Le 7 décembre, piégés, et après de vives discussions, les républicains décident d’abandonner la ville. Tout est fini, et pour longtemps.

L’heure est à la répression. Les insurgés sont traqués, les razzias se multiplient à Clamecy et dans les villages alentour. Les arrestations aussi. On compte un moment 742 détenus dans la prison de la ville, pour un nombre estimé de 745 insurgés. Le 31 janvier 1852, le Conseil de Guerre, après une instruction bâclée, se met en place. Il prononce 6 condamnations à mort, dont deux furent exécutées. Eugène Millelot, vieux chef de la résistance, condamné à mort, puis gracié, fut envoyé à Cayenne où il mourut très rapidement. Sept insurgés furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité, 312 déportés à Cayenne et 222 en Algérie. La ville de Clamecy comptait à cette époque environ 5.000 habitants. La saignée fut brutale, et la région mit longtemps à s’en remettre.

Philippe Bourguignon

Le flottage

Depuis le Moyen Age, le flottage consistait à faire descendre du massif du Morvan du bois de chauffage coupé en bûches, en utilisant les rivières nombreuses dans la région, en direction de Clamecy. Là, des ouvriers le triaient par propriétaire et l’empilaient. D’autres confectionnaient avec ce bois des radeaux longs d’environ 70 mètres, les « trains », que les flotteurs se chargeaient de diriger vers Paris sur l’Yonne, puis la Seine. Un voyage de plus de 200 kilomètres. Le flotteur, une fois le transport accompli, après quelques jours passés à Paris, rentrait à pied, chargé de nouvelles, d’idées (souvent révolutionnaires) et d’informations diverses.

Philippe Bourguignon

LE CHANT DES PAYSANS [20]

Quand apparut la République
Dans les éclairs de Février,
Tenant en main sa longue pique,
La France fut comme un brasier :
Dans nos vallons et sur nos cimes
Verdit l’arbre de liberté ;
Mais les quarante-cinq centimes
Et juin plus tard ont tout gâté.

Refrain :
Oh ! quand viendra la belle ?
Voilà des mille et des cents ans
Que Jean-Guêtré t’appelle,
République des paysans ! (bis)

Mais ce beau feu s’écroule en cendre ;
Le diable en passant l’a soufflé,
Le crédit n’a fait que descendre,
Et l’ouvrage est ensorcelé ;
La souffrance a fait prendre en grippe
La jeune Révolution
Comme le vieux Louis-Philippe,
Et nous nommons Napoléon.

Napoléon est sur son siège,
Non point l’ancien, mais un nouveau
Qui laisse les blés sous la neige
Et les loups manger son troupeau,
Quand l’aigle noir fond sur les plaines,
Terre d’Arcole et de Lodi,
Il se tient coi... dedans ses veines
Le sang du Corse est refroidi.

Que va donc devenir la France,
Si rien n’en sort à ce moment
Où le cri de l’indépendance
Nous appelle au grand armement ?
Soldats, citadins, faites place
Aux paysans sous vos drapeaux ;
Nous allons nous lever en masse
Avec les fourches et les faux.

Les noirs et les blancs sans vergogne
Voudraient nous mener sur Paris,
Pour en faire une autre Pologne,
Et nous atteler aux débris :
A bas les menteurs et les traîtres,
Les tyrans et les usuriers !
Les paysans seront les maîtres,
Unis avec les ouvriers.

La terre va briser ses chaînes,
La misère a fini son bail ;
Les monts, les vallons et les plaines
Vont engendrer par le travail.
Affamés, venez tous en foule
Comme les mouches sur le thym ;
Les blés sont mûrs, le pressoir coule :
Voilà du pain, voilà du vin !

Pierre Dupont

Explications

Mais les quarante-cinq centimes...
L’impôt des 45 centimes est un impôt créé en 1848 par le Gouvernement provisoire après la Révolution de 1848. Cet impôt représente une augmentation de l’imposition de 45 % sur les quatre contributions directes (foncière, mobilière, portes et fenêtres, patente). Fortement impopulaire, il détache une bonne partie des paysans de la République naissante au moment des élections à l’Assemblée nationale.

Et juin plus tard ont tout gâté...
Sans doute une référence aux « Journées de juin 1848 » : après les élections d’avril, les notables avaient repris le pouvoir à l’Assemblée nationale et voté, le 20 juin, la fermeture des Ateliers Nationaux, créés pour fournir du travail aux ouvriers parisiens après la Révolution de février 1848. Les émeutes et barricades qui s’en suivirent furent réprimées dans le sang : on estime de 3000 à 5000 le nombre d’insurgés tués pendant les combats, auxquels il faut ajouter le 1500 fusillés sans jugement.
Sur 25.000 arrestations, 11.000 entrainèrent des peines de prison ou de déportation en Algérie. Ces faits étaient encore tous frais dans les mémoires lorsque les élus de la même chambre qui avait décrété ces massacres voulurent soulever les Parisiens contre le coup d’Etat, d’où leur peu d’enthousiasme !

Que Jean-Guêtré t’appelle...
Je n’ai pas réussi à trouver qui est le Jean Guêtré cité dans la chanson mais il semble que ce nom symbolisait l’attachement à la terre et à la république. Il a été repris comme pseudo par au moins deux personnes : Jean Placide Turigny, de la Nièvre. Né en 1822 et mort en 1905, c’était un médecin opposant à l’Empire, puis radical, enfin socialiste (non membre du Parti).
Jean Guêtré est également le pseudonyme de Marguerite Victoire Tinayre, co-auteure avec Louise Michel des Méprisés, grand roman de mœurs parisiennes, et de La Misère en 1882.

BoiteAoutils

[1Philippe Vigier, La seconde République dans la région alpine,P.U.F., 1963

[2Georges Weil, Histoire du parti républicain, Paris, 1868.

[3Eugène Ténot, La Province en décembre 1851, Paris, 1865.

[4Noël Blache,Le soulèvement de 1851 dans le Var, 1869, réédité en 1983 par la Table Rase.

[5Mot de passe des sociétés secrètes dans les Basses- Alpes (et refrain d’une chanson révolutionnaire chantée par les insurgés).

[6Salaire quotidien d’un député à l’époque (voir aussi note 6).

[7En fait, la barricade édifiée vers 9 heures, il fut tué moins d’une heure après. Victor Hugo, suite à un malentendu concernant l’heure du rendez-vous, fixée la veille au soir arriva sur les lieux trop tard. (Victor Hugo le confirme dans son Histoire d’un crime.)

[8Ce journaliste républicain du Siècle a donné deux ouvrages fort documentés sur la question, Paris en décembre 1851, étude historique sur le coup d’Etatet La Province en décembre 1851, étude historique sur le coup d’Etat, parus tous deux en 1868 aux éditions Armand le Chevallier et réédité pour le 1er chez Kessinger publishing en 2010 et en fac-simile chez Elebron Classics, pour le 2ème.

[9Discours du 15 août 1850.

[10Rappelons que le revenu d’un ouvrier des Ateliers nationaux en 1848 était de deux francs par jour travaillé, un franc pour les femmes. Voir Louis Girard, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986.

[11Voir Maurice Aguhlon, 1848 ou l’apprentissage de la république, le Seuil, 1973.

[12Voir Luc Willette, Le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Aubier Montaigne, 1982, page 184 et suivantes. Luc Willette est aussi l’auteur de Et la montagne fleurira, un roman inspiré de l’insurrection des Basses-Alpes, paru chez Denoël en 1975 et réédité en 2001 chez Aubéron.

[13Voir Dominique Lecoeur, « Du socialisme ouvrier à la république des paysans, l’itinéraire de Louis Langomazino », sur le site de l’association 1851-2001 ; Dominique Lecoeur est aussi l’auteur de Louis Langomazino (1820-1885), un missionnaire républicain de la Provence aux Iles Marquises, éd. Alpes de Lumière, 2002. Voir aussi Provence 1851 : une insurrection pour la République, Actes des journées de 1997 à Château-Arnoux et de 1998 à Toulon, Association 1851-2001, Les Mées, 2000, pages 82-90.

[14Voir Romain Gardi, Reconquérir la République, Essai sur la genèse de l’insurrection de décembre 1851 dans l’arrondissement d’Apt, Mémoire de Master 2, année universitaire 2008-2009, Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, page 149.

[15Le bastidon de Manuel était un pavillon, aujourd’hui détruit, appartenant à Jean Elzéar Manuel, situé au pied de l’ancien château-citadelle de Forcalquier (recherches d’Eloïse Magilaner).

[16Selon une déposition postérieure du sous-préfet Paillard devant les Conseils de guerre (Gazette des Tribunaux, 1er mai 1852).

[17Au début de sa carrière, il avait été en poste à Digne et aux Mées, dans les années 1831-1835.

[18Il sera arrêté à Marseille le 27 décembre, alors qu’il tentait sans doute de passer à l’étranger.

[19E. Ténot, p. 127, renvoyant à la déposition faite par le colonel de Sercey dans le procès d’Ailhaud, de Volx devant le Conseil de guerre.

[20Paroles et musique de Pierre Dupont (1849), la musique a été reprise par Jean-Baptiste Clément pour sa Semaine sanglante


)

Les textes

 La Provence insurgée, extraits de la préface à la nouvelle édition de La Provence insurgée, Frédéric Arnaud - 1851, éd. Autre Temps, coll. Temps mémoire, 1995, paru à l’origine en 1974 aux éditions Stock. Prix Emile Zola. (p. 3)
 Un silence assourdissant, extraits du chapitre V, Journal 4 de La Provence insurgée, Frédéric Arnaud - 1851. (p. 5)
 Plantons le thym, la montagne fleurira, Olivier Favier, extrait d’un article paru sous le titre La résistance au coup d’Etat dans les Basses-Alpes (4-15 décembre 1851), sur le site de l’association pour le 150ème anniversaire de la résistance au coup d’Etat du 2 décembre 1851 (www.1851.fr). Olivier Favier se présente lui-même comme auteur photographe et journaliste. (p. 8)
 Chronologie de l’Insurrection bas-alpine de décembre 1851, paru dans le N° 11 du Bulletin de l’association ci-dessus et sur son site. Christian Maurel est chercheur en histoire et descendant d’insurgés. (p. 11)
 L’insurrection des « Marianne », de Philipe Bourguignon, paru dans Archipel N° 41, juin 1997. (p. 31)
 Le chant des paysans, de Pierre Dupont, 1849. (p. 34)



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