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Pour qu’on n’ait plus à porter nos enfants la peur au ventre
Les hippocampes

mis en ligne le 10 décembre 2025 - Les hippocampes

Avertissements de lecture

Dans cette brochure des actes (réels ou supposés) et des propos (réels ou supposés) transphobes et/ou cis-sexistes vont être évoqués, parfois via des témoignages, parfois par des personnes concernées, parfois par des personnes non concernées.

Prenez soin de vous.<3

Qui sommes nous ?

Le collectif des hippocampes est un petit collectif en non-mixité de personnes transmasc ayant porté un enfant après leur transition, et actuellement uniquement composé de personnes blanches. Formé à partir d’un discord créé en 2023, il est pensé comme un espace d’échange et d’entraide qui a été vital pour plusieurs d’entre nous dans des moments difficiles comme la grossesse, le post-partum. C’est un espace où on s’apporte mutuellement du soin, du soutien émotionnel, et où on peut élaborer des stratégies pour vivre au mieux ces moments.

La deuxième fonction de notre collectif est de créer des liens entre nos enfants : on a envie qu’iels se rencontrent, se connaissent et puissent grandir dans un monde où chacun.e d’elleux n’est pas le seul bébé à avoir été porté par son parent transmasc, par son papa, par un de ses papa.x.s. On espère que ces liens leur apporteront de la sécurité, et de l’empouvoirement pour leur vie future.

À l’Existransinter 2024 de Paris, on a marché avec nos bébés derrière une banderole portant l’inscription « ParentEs et tatas trans, nos parentés sont puissantes », et on a distribué notre premier tract. Parce que notre troisième fonction est aussi d’élaborer des revendications et de les défendre dans l’espace public pour faire avacer nos droits !

Les hippocampes – hippocampes@proton.me

Pour qu’on n’ait plus a porter nos enfants la peur au ventre

Si l’Etat français ne veut pas qu’on soit trans, il veut encore moins qu’on soit trans et parents. On a dû se battre jusqu’en 2016 pour que la stérilisation chirurgicale ne soit plus nécessaire pour faire changer la mention de sexe à l’état civil. Cette histoire de transphobie, d’eugénisme est très récente, c’est notre histoire ; on s’est construit.x.s avec cette violence-là, avec cette idée que pour l’Etat français c’est soit la transition, soit la parentalité, mais surtout pas les deux.

Sauf qu’en réalité il y a beaucoup de personnes trans qui sont parent.e.s : soit qu’elles aient eu des enfants avant leur transition, soit qu’elles choisissent de ne pas faire de Changement d’Etat Civil (CEC). On est loin d’être les premier.x.s à choisir ET la transition ET la parentalité, mais chacunx, dans son petit monde, est le premier. Souvent, le premier mec trans enceint qu’on a vu, c’était nous-même ! Être trans et enceint, c’est une expérience à la fois socialement invisible, et hypervisible dans les médias sensationnalistes. Notre existence est constamment niée, effacée, gommée, et en même temps mise en spectacle dans des émissions sur M6 qui posent sur nos corps un regard violemment altérisant. En fait, l’invisibilisation sociale et l’hypervisibilité médiatique fonctionnent ensemble : on n’existe pas, on n’a pas le droit d’exister, sauf sur le mode du spectaculaire.

Pour nous, ce manque de représentations est un manque de repères. Avant de se lancer dans une grossesse, on a eu du mal à se représenter ce qui allait nous arriver. En étant trans et enceint, on fait bugger le cis-tème, l’hétéropatriarcat, et c’est nous qui faisons les frais de ce bug. Par exemple, l’un d’entre nous a fait congeler ses ovocytes en Espagne en 2018, avant que ce ne soit possible en France. Il les a fait congeler avec un état civil féminin. Or, il ne peut désormais changer son état civil en France, parce que la clinique espagnole l’a prévenu : s’il y avait un M sur ses papiers d’identité, elle ne pourrait pas lui remettre ses propres gamètes. Elle ne peut pas remettre des ovocytes à un homme ! Même si ce sont ses ovocytes à lui. Voilà le genre de bugs avec lesquels nous devons composer, et qui nous mettent des bâtons dans les roues.

Alors on a envie de faire connaître les difficultés spécifiques d’une grossesse quand on est trans. Ce texte est basé sur nos quatre témoignages ; nous sommes quatre personnes trans blanches qui avons porté nos bébés entre 2023 et 2025.

« Des murs à abattre » pour devenir enceint

Oui, on préfère dire « devenir enceint » plutôt que « tomber enceint », qui implique un processus accidentel, en tout cas une forme de passivité, dans un paradigme straight où la grossesse est un effet secondaire de la sexualité. Dans nos parcours, on a souvent organisé nos vies entières autour de cet objectif, parfois pendant des années, en faisant de nombreux sacrifices ; et nul n’a chu ! Donc on y tient : on ne tombe pas enceint, on le devient.

Bien en amont de la grossesse, la transphobie affecte brutalement nos trajectoires, en nous privant de sécurité matérielle et affective, et en retardant notre construction individuelle et donc la construction de nos parentalités. La transphobie, c’était celle de nos familles, de nos pairs, et des médecins. En 2010, en début de transition, l’un d’entre nous s’est vu répondre, par une endocrinologue à laquelle il demandait si la testostérone allait l’empêcher de porter un enfant : « Je ne suis pas Dieu... Vous ne pouvez pas me demander de devenir un homme, puis une femme, puis de nouveau un homme... Parfois, en tant que médecin, on a la sensation d’être pris en otage par les patients trans. » No comment.

La société nous perçoit comme des gens déséquilibrés, donc comme les pires parents possibles. On peut bien sûr avoir intériorisé cette vision transphobe, jusqu’à douter de notre légitimité à devenir parents. J dit par exemple : « Ça a été un chemin difficile : la prise de décision de devenir parent. J’avais des doutes autour de la légitimité d’être parent, sur le fait qu’en tant que mec trans je pouvais devenir parent dans cette société et dans ma communauté. Ça a été tout un chemin d’abattre des murs. La société a une vision de nous très jugeante, très infantilisante, il n’y a pas de soutien pour accompagner les trans, pour qu’on grandisse en tant qu’adultes et qu’on se sente capables d’être parents. » Il faut donc parvenir à construire, contre vents et marées, une estime de soi suffisamment solide pour se penser en tant que parent. Il faut aussi supporter la cisnormativité et l’héténormativité de toute la littérature autour de la grossesse si on veut être un minimum informé.x.s. Ainsi N dit : « Parfois, j’arrive pas à lire les livres de grossesse tant j’existe pas dans ces écrits. » Et puis il faut avoir construit suffisamment de sécurité matérielle et affective pour supporter le temps de la conception, qui peut être long et particulièrement pénible pour nous : on doit arrêter les hormones, parfois pendant plusieurs années, ce qui peut induire un inconfort dans l’espace public ou dans nos milieux professionnels. Plusieurs d’entre nous ont vécu des épisodes dépressifs pendant ce temps de la conception ; et tout cela est redoublé par le fait que les soignant.e.s, même d’excellente volonté, ne peuvent pas nous accompagner adéquatement : il n’y a pas d’études sur les effets de l’arrêt de la testostérone, pas d’informations, pas de connaissances fiables à ce sujet.

De tous ces obstacles sociaux et médicaux, il résulte des obstacles psychiques : on est plusieurs à avoir fait des cauchemars avant la grossesse, où on se voyait être tabassé.x.s, être noyé.x.s parce qu’on était enceints. Dans ces conditions d’adversité extrême, vouloir devenir enceint est une prouesse de résistance, d’indépendance, de force et d’amour de soi.

Être enceint : une situation ubuesque *

Le fait que la grossesse transmasculine soit hors du pensable se traduit par une difficulté à accorder l’adjectif « enceint » au masculin, y compris pour des personnes qui nous genrent correctement et qui sont très soutenantes : on a pu entendre par exemple « tu seras content quand tu seras enceinte ». En France, sur tous les papiers administratifs, il est absolument impossible d’éviter le mot « femme » quand on est enceint. Le congé lié à la grossesse s’appelle « congé maternité » ; impossible de faire modifier son appellation : on reçoit donc des courriers où on nous appelle « Monsieur » (dans le meilleur des cas) et où on nous parle de notre « congé maternité ». A contrario quand on fait une PMA en Belgique, il est question sur les formulaires de la « personne gestante » - langage transinclusif qui fait très peur à certain.e.s, mais qui nous fait beaucoup de bien, à nous.

La grossesse est une période intense - c’est le moins qu’on puisse dire -, où l’on peut ressentir beaucoup de fragilité. Or, pour nous, c’est l’occasion d’un festival de transphobie et de cisnormativité. Premier obstacle sur notre route : les examens médicaux, qui sont très nombreux pendant la grossesse et qui peuvent être un énorme facteur d’anxiété tant on risque de se faire « madamiser » (se faire appeler « madame »), ou d’avoir à faire de la pédagogie, ou de découvrir une nouvelle forme de transphobie qui n’ était pas encore au répertoire (les gens sont très inventifs en la matière). Au sujet des prises de sang mensuelles, I dit : « Plusieurs fois, j’ai hésité à les faire. J’avais décidé de ne pas les faire dans le laboratoire à coté de chez moi, même si ça aurait été super pratique. Je craignais en effet l’absence d’anonymat et que l’information circule dans mon quartier, et je ne voulais surtout pas être identifié comme enceint dans mon quartier, car je me disais qu’on est jamais à l’abri d’une personne malveillante. Cela m’a conduit à faire les prélèvements sanguins chaque mois loin de chez moi, toujours avec des personnes différentes, toujours avec des réactions différentes. Ce qui était fatiguant et stressant. »

* On emploie ce terme pour faire un petit clin d’oeil à Emmanuel Macron, lequel a affirmé qu’il serait ubuesque d’accorder aux personnes trans le droit de faire changer leur état civil en mairie, sur simple déclaration.

En raison de l’invisibilisation précédemment mentionnée, on peut nous prendre pour des femmes trans qui auraient bénéficié d’une greffe d’utérus (bien que... ça n’existe pas), ou pour des mecs cis qui auraient usurpé l’identité de leur épouse ou de leur sœur pour pouvoir faire une prise de sang (pas sûr non plus que ça existe, mais on est moins formels).

Le paradoxe, c’est qu’on ne peut pas dire qu’on est enceint sans s’outer en tant que personne trans, ce qui selon les contextes peut être risqué ou carrément dangereux. On est donc parfois amené.x.s à renoncer à demander le confort ou la protection dont on a besoin en raison de la grossesse. N raconte : « Au travail, je me cache et je gère mon énorme fatigue et mon énorme faim en silence. » Dans le monde professionnel, devoir cacher sa grossesse pour cacher qu’on est trans se révèle très pénible physiquement, mais aussi douloureux psychiquement. F dit : « Au taf, la dissimulation atteint des proportions folles et malsaines. À 5 mois de grossesse, je m’interpose dans une bagarre entre ados, oubliant que je suis enceint. À 6 mois de grossesse, ma sage-femme me fait remarquer que je tire constamment sur mon T-shirt, comme pour cacher mon ventre. Je ne peux pas dire que je suis enceint, c’est trop risqué et j’ai déjà perdu un poste à cause de ça. Un matin, je surprends le regard d’une collègue sur mon ventre et je sens l’angoisse monter. Je me suis arrêté ce jour-là. »

L’annonce de la grossesse peut aussi être compliquée à gérer lorsque notre famille transphobe peut l’interpréter comme le signe d’une détransition qu’elle continue d’espérer.

Enfin l’espace public nous pose un énorme problème, surtout vers la fin de la grossesse : on a tous eu peur pour notre sécurité et pour celle de notre bébé. F dit : « La seule fois où une personne m’a laissé sa place dans le métro, j’étais partagé entre la gratitude et la terreur d’être visible, d’être identifié comme un mec enceint ». D’autant que certains, comme J, étaient connus et identifiés dans leur voisinage : « Avec la grossesse, j’ai subi de la réassignation, c’était plus possible pour les gens de dire ‘il’. Si j’étais une meuf cis, ma grossesse aurait été un évènement agréable pour tout le monde et j’aurais pas eu peur qu’on malmène mon identité. Là c’était une grosse nouvelle, ils en parlaient dans les villages voisins, l’épicier enceint, ça a fait le buzz. »

Dans certaines situations, la grossesse peut aussi nous donner de la force, quand on pratique fort heureusement l’autodéfense féministe, comme J : « J’ai été hélé par des gens bourrés qui essayaient de capter mon attention. Je les ai ignorés la première fois, j’ai adopté une stratégie de fuite. Mais en repassant devant eux, ils m’ont de nouveau hélé et j’ai fait un gros bras d’honneur. Avec mon gros ventre je me sentais super ancré. » Être un mec trans enceint, c’est faire l’expérience d’une forme de dépossession, puisqu’on ne peut pas maîtriser ce qu’on montre et ce qu’on cache de soi. On ne peut pas être visible en tant que personne enceinte sans être visible en tant que personne trans. Tant de fois, on se retrouve alors obligé.x.s de renoncer à demander un siège, un verre d’eau, ou un peu de douceur. F raconte : « Pour moi, le sommet de l’absurdité, c’est le jour où j’ai laissé passer une femme enceinte devant moi dans une file d’attente. J’étais enceint de 6 mois, debout depuis 1h, au bout du rouleau. Elle touchait son ventre, ce que je m’interdisais de faire en public. Je n’ai pas osé passer pour un mec cis qui capte rien, et je l’ai laissée passer. »

La grossesse transmasculine donne lieu à maintes situations de non reconnaissance, où on n’est pas vu.x.s pour ce qu’on est. En tant que personnes trans, on est pour ainsi dire entraîné.x.s à vivre ces situations répétées, et à ne pas les laisser nous détruire. On utilise les stratégies et les outils qu’on peut trouver : l’humour par exemple peut nous être d’une grande aide, et faire partie de notre kit d’autodéfense. Mais pendant la grossesse, notre état émotionnel change, et on ne peut pas toujours s’appuyer sur nos anciennes stratégies. F dit par exemple : « Et cette douleur, pendant les premières semaines de la vie de mon bébé, quand on est à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) ou chez le médecin et que tout le monde suppose que c’est ma compagne qui a porté le bébé, alors que je sens encore mon ventre vide et ma chair déchirée. Je me sentais dépossédé de ma grossesse. »

On peut ressentir une certaine amertume de ne pas avoir pu vivre nos grossesses et attendre nos bébés dans un cocon de douceur ; d’autant qu’en plus des problèmes spécifiques aux mecs trans enceints, on subit en même temps toutes les injonctions liées à la grossesse en général. Et souvent, on se sent pris en étau ! « Faites de la place au bébé », nous disent les livres de grossesse (enfin, les livres de « future maman ») ; tandis que la société nous dit plutôt « cachez ce ventre que je ne saurais voir ». Tout ceci est épuisant, et pire encore, peut nourrir un sentiment de culpabilité : l’impression de ne pas prendre adéquatement soin de soi ou du bébé.

Nos revendications

Afin qu’on se sente en sécurité pendant la grossesse, il faudrait déjà que soit légalisée la Procréation Amicalement Assistée (PAA), c’est-à-dire l’utilisation des gamètes d’un ou d’une amie pour concevoir un enfant. En effet, à l’heure actuelle, le fait de dire aux soignant.e.s qui accompagnent notre grossesse qu’on a fait une PAA peut être risqué, parce qu’on peut craindre que le dossier médical soit saisi au moment de la procédure dite d’adoption par l’autre parent. I raconte : « Au bout de plusieurs rendez-vous au cours desquels la confiance avec la sage-femme s’est développée, et après avoir fait quelques recherches sur internet, on a décidé de lui dire qu’on connaissait le donneur. On a pu partager les informations médicales qu’on connaissait du donneur, mais toujours avec le stress que le dossier pourra être saisi lors de la procédure d’adoption si on tombe sur des juges un peu zélés, et que ça remette en cause l’adoption par mon partenaire. »

À propos de cette procédure d’adoption, notons qu’il s’agit d’une injustice totale, puisque nous n’avons pas en la matière les mêmes droits que les couples cis hétéros. N dit à ce sujet : « N’importe quel homme cis, qu’il soit le géniteur biologique ou non, peut passer en mairie pour dire qu’il est le père de l’enfant, sa parole faisant foi. Il acquiert ainsi en quelques minutes des droits pour lesquels nous, nous aurons à nous battre, justifier, prouver et payer (passages chez le notaire) et dont la validation reste au bon vouloir d’un juge qui ne nous aura jamais vu.e.s ! » Cette procédure dite d’adoption n’a pas lieu d’être et nous fragilise énormément en cas de séparation.

N’oublions pas que la Procréation Médicalement Assistée (PMA) en France n’est pas ouverte aux personnes trans, et que c’est une discrimination insupportable. Seuls les couples de lesbiennes cis et les femmes cis célibataires ont accès à la PMA : les lesbiennes trans ne sont pas incluses puisque la loi présuppose qu’un couple de femmes fera appel au sperme d’un donneur (et non pas au sperme de l’une d’elle, préalablement congelé). Quant aux personnes transmasculines, il leur est impossible d’y avoir accès si elles souhaitent porter leur enfant (à moins de ne pas avoir changé son état civil, et de faire avec la violence de l’invisibilisation et de la dissimulation).

Enfin, nous restons vigilant.x.s face à la remise en question de nos droits reproductifs, et nous sommes inquiet.x.s que la loi qui garantisse le droit à l’IVG en France mentionne « les femmes » et non pas « les personnes » : cela pourrait être utilisé pour nous priver de ce droit fondamental au motif que nous serions des hommes (en particulier pour ceux qui ont changé leur état civil). Les enjeux linguistiques sont des enjeux matériels ; et n’en déplaise à certain.e.s, l’IVG comme la grossesse ne concernent pas que les femmes cis.

Nous revendiquons donc la légalisation de la PAA, une filiation fondée sur l’intention (c’est-à-dire sur simple déclaration à la naissance de l’enfant), l’ouverture de la PMA à toutes les personnes trans, et la protection du droit à l’IVG pour toute personne.

Être trans et enceint nous rend extrêmement vulnérables : le sexisme, la transphobie et la binarité du monde s’abattent sur nous plus que jamais, car pendant la grossesse on a (ou on est) non pas un, mais deux corps impossibles à genrer (nous-même, et le fœtus ou bébé, que les gens s’acharnent à vouloir genrer). « C’est une fille ou un garçon ? » est une question qui obsède les gens pendant la grossesse, et on se demande parfois de qui iels parlent. Bien sûr, toute personne féministe s’en offusquera politiquement ; mais quand on est trans et enceint, ces mots nous font physiquement du mal.

Vulnérables, mais aussi plus fort.x.s parce qu’en résistance. On se dit que notre peau, que notre corps protègent encore notre bébé de cette stupide binarité ; mais qu’il faudra bientôt qu’iel vienne au monde, et qu’iel subisse tout ça à son tour. Alors on construit les espaces féministes qui nous ont jadis manqué, et on résiste de multiples façons : grâce à notre bagage trans et féministe, qui nous donne de l’endurance, du savoir, et des stratégies notamment pour recadrer les médecins, pour poser nos limites. Le paradoxe, c’est qu’on est peut-être mieux armé.x.s face à la violence médicale tant on en a subi dans nos vies trans.

Et au fond, on est peut-être mieux armé.x.s face à la grossesse parce qu’on est trans. La grossesse est une telle transformation du corps et de la subjectivité qu’on peut la considérer comme une expérience queer. C’est ce que fait Maggie Nelson dans Les Argonautes : « Comment une expérience si profondément étrange, sauvage et transformatrice peut-elle aussi être perçue comme le symbole ou la promulgation de l’ultime conformité ? » Penser la grossesse comme une expérience queer, comme une expérience trans, ça nous donne de la puissance, de l’empouvoirement ; parce qu’on peut se dire que ça, on sait le faire. Si tu es trans, tu peux tout faire.

Les hippocampes – hippocampes@proton.me

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Les hippocampes - v2 - Nov 2025 CC-BY-NC-SA



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