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Le/a DS en vous
mis en ligne le 26 octobre 2024 - ciprine
SOMMAIRE
Introduction
- Avant le jeu
- I. La négociation
- II. Se préparer
- III. Réflexions sur le consentement
- IV. Les autres domMEs
- Pendant le jeu
- I. Les activités pour se mettre dans le rôle
- II. Parler
- III. Rester connectéE
- IV. Le plan de scène
- V. L’érotisme
- VI. La honte
- VII. Punitions
- VIII. La peur
- IX. Le Mindfuck
- X. Le soin comme domination
- Après le jeu
Glossaire
Introduction
Dans cette brochure il est question de domination en tant que pratique BDSM* consentie. Nous allons explorer le monde de la domination cérébrale/ mentale/ psychologique. Nous n’allons pas parler de comment « faire mal », utiliser des martinets et des cannes. Mais il y a quand même des techniques précises qui aident à pratiquer cette activité qui utilise des mots et de l’esprit. C’est une pratique très créative, cependant pour improviser il faut savoir ses gammes, apprendre à manier ces techniques pour se faire plaisir.
Pourquoi je me suis mise à écrire cette brochure ?
Plusieurs personnes d’horizons différents m’ont approchée ces derniers temps pour que je leur « apprenne à dominer » parce que je me suis rendue visible comme passionnée et comme dominatrice professionnelle. Certaines de ces personnes désirent apprendre pour en faire un moyen de gagner de l’argent. D’autres veulent découvrir pour pratiquer avec des partenaires dans leur vie personnelle. Pour d’autres, c’est un mélange des deux.
Parfois, l’idée d’être approchée uniquement comme un moyen de se faire de la thune m’a mise mal à l’aise alors que j’ai un intérêt pour la domination qui va au-delà. ChacunE a son cheminement sur cette pratique et je n’ai aucun jugement à ce que les gens en fasse une pratique lucrative, j’ai même envie de l’encourager, au point de me mettre un peu la pression. Avec ce texte je peux toucher plus de monde tout en ignorant quelles sont leurs intentions et la nature de leur intérêt, ce qui est idéal.
J’aimerais avoir plus de camarades avec qui partager ma passion, d’ailleurs peut-être qu’il y aura plus de personnes qui auront les compétences et l’aplomb de me dominer moi, si ce style de domination se développe parmi nous.
Transmettre en tant que personne expérimentée est un devoir à mes yeux et je le fais avec joie car j’en retire forcément une certaine valorisation, mais aussi une humilité devant ce qu’il me reste à apprendre, tout comme de l’inspiration de toutes mes autres camarades perversEs, qu’iels soient expérimentéEs ou pas.
Enfin la domination est pour moi est une manière de me libérer de certains carcans oppressifs.
Faire tout ce qu’une femme ne doit pas faire dans cette société cis/hétéro/patriarcale et le faire dans une expression si féminine de moi-même (et parfois être rémunérée pour cela) est une bouffée d’air. S’il ne vous manque que quelques techniques et de la confiance en vous pour goûter à cette expérience, j’aimerais donner un coup de main car cela vaut le coup !
Pour qui ?
J’écris pour les personnes oppressées pas ce ci/hétéro/patriarcat sus-mentionné. Je ne pense par comprendre très bien la perspective des mecs cis hétéros vis-à-vis de la domination consentie. Je ne la juge pas, l’idée ne me dégoûte pas en soi, mais leur expérience m’échappe encore trop.
Je m’adresse donc à mes camarades : les meufs, les gouines, les pédés, les biEs, les pans, les queers les personnes trans, les personnes non-binaires et touTEs celleux qui cumulent plusieurs de ces identités avec d’autres oppressions encore. À celleux qui subissent communément de par leur situation dans cette société, un certain nombre de normes sur la sexualité et leur accès au pouvoir, et ce dans la diversité enrichissante de nos expériences.
Bien que j’ai envie que cette brochure soit accessible au personnes débutantes dans la domination ou dans le BDSM, je ne vais pas tant expliquer la base de base de ce qu’est le BDSM, ses codes, son jargon et encore moins justifier son existence pour les septiques, il y a d’autres ouvrages pour cela (ou internet ma foi). Il y a cependant un glossaire et des références à la fin du texte.
J’ai l’espoir que cette brochure inspire les personnes qui désirent dominer, se soumettre ou comme moi qui aiment pratiquer les deux. Et qu’elle contribue également à une culture / communauté BDSM anarcho-queer-féministe en constante évolution.
Qui je suis ?
Je suis une femme cis et dyadique (c’est à dire pas intersexe), mon orientation sexuelle est queer (je ne suis pas attirée par les mecs cis / j’évolue dans la culture gouine depuis 15 ans) et je suis fem*. Je suis blanche, je viens d’un milieu social petit bourgeois d’un côté, et aristocrate de l’autre, je suis valide la plupart du temps, et j’ai 33 ans.
J’ai commencé à faire du BDSM à 20 ans avec l’un de mes partenaires (pas un mec cis) et nous avons eu la chance immédiatement d’intégrer une communauté de personnes intéressées par le sujet, avec des ressources accessibles, des ateliers pour apprendre des pratiques, ainsi que des évènements où rencontrer des partenaires. Je suis complètement switch* car j’ai à la fois beaucoup d’expérience dans la domination mais aussi dans la soumission. Je suis par ailleurs dominatrice professionnelle depuis environ 6 ans, avec des pauses parfois assez longues.
En ce qui concerne ma pratique du BDSM, je ne prétends pas n’avoir jamais fait d’erreurs. Je peux même imaginer que des personnes qui ont joué avec moi pourront lire ma brochure comme une « leçon » et réagir car j’ai pu déroger à mes propres principes sous leurs yeux. Ces réactions arrivent souvent maintenant que je suis dans le même milieu depuis longtemps.
Les gens évoluent pourtant, apprennent de leurs erreurs. Raisonnablement on ne peut pas suivre l’évolution intérieure de chacunE dans un milieu peuplé et en constante évolution. Je serais toujours ouverte à entendre mes erreurs (en dehors bien sûr de manipulations mentales toxiques et de pointages publics stériles). La domination est en réalité une expérience d’humilité, j’apprends depuis 13 ans et je me sens excitée de continuer à apprendre.
Je précise que cette brochure est très fem-orientée. Je n’ai pas toujours été fem mais je le suis passionnément depuis un moment et je parle de domination de ce point de vue spécifique. Je pratique énormément ce qu’on peut appeler le « femdom* ». J’ai bien en tête que toute les personnes dominant dans l’univers du femdom ne sont pas fem et aiment pourtant parfois s’exprimer dans la féminité lorsqu’elles dominent. Je pense que des personnes qui aiment s’exprimer autrement quand ielles dominent tireront des techniques utiles de cette brochure, mais d’autres inspirations ne leur parleront pas, je m’en doute et je préfère les avertir tout de suite.
Cette brochure n’a aucune vocation à être exhaustive, ce n’est pas un manuel. Elle est très personnelle dans le fait que je mets l’accent sur des difficultés que j’ai moi même rencontrées et que j’ai vu des gens rencontrer autour de moi.
Pourquoi les gens aiment pratiquer la domination ?
Les gens peuvent apprécier :
- La connexion à l’autre et à soi-même.
- Le bonheur de mettre les autres dans l’état de transe intense du subspace*.
- Le bonheur de prendre soin, même si c’est peu conventionnel
de prendre soin comme ça (en faisant honte, en donnant de la douleur, mais si les gens aiment cela, cela revient à prendre soin d’elleux !) - L’excitation sexuelle que cela procure.
Le subspace est un espace mental de soumission, une sorte de transe agréable et intense à la fois. Dans cet état, on n’existe plus trop et en même temps plus que jamais. C’est le calme plat dans notre cerveau (enfin !) ; un état d’acceptation des choses inimitable, qui nous fait être dans le moment présent à 100 %, sans doutes, voix parasites et projections futures.
On appelle communément domspace* l’état dans lequel je cherche à être lorsque je domine. Je le définirai comme le fait d’être extrêmement dans le moment présent aussi, tout en sentant l’excitation du pouvoir couler dans ses veines.
En ce qui me concerne, la domination ça m’excite. Ça me fait jouir plus fort. Ça me défonce/perche un peu comme une drogue. Ça me donne confiance en moi. Ça m’a permis d’explorer la sexualité malgré mes traumas sexuels, me donne l’espace d’exprimer mes limites. Ça me donne une bonne image de moi car cela accroît mon attention à l’autre. Être très concentrée cela me défonce aussi, c’est hypnotique en quelque sorte. Clairement ça me permet d’exprimer des parties de moi qui ne peuvent pas s’exprimer ailleurs, ça libère des tabous, des limites de ce qui se fait ou pas. C’est puissant et déculpabilisant de jouir du pouvoir, quand on nous le donne. C’est une expérience qui m’a permis de me connaître très précisément et de vivre des choses impossibles dans la réalité. C’est aussi un révélateur de ma vulnérabilité extrême et une façon puissante de la vivre. Enfin cela m’a offert une vision en kaléidoscope du pouvoir dans un monde qui ne jure que par le binaire du fort/faible.
Ce dont je ne vais pas parler : brats, résistances et service topping
Je précise tout de suite, sans jugement aucun, ce dont je ne vais pas parler : des brats*, de service topping*, de jeux de résistance forte. Les brats sont les personnes qui aiment provoquer les domMEs*, une dynamique de résistance verbale ou physique pour exciter petit à petit la/e domME à répondre en prenant le pouvoir sur lea brat. Le service topping consiste à réaliser les projets des bottoms* (personnes qui aiment recevoir une pratique dans le jeu BDSM) avec le plaisir de se mettre au service de leurs envies, même si c’est nous qui « donnons/faisons » les pratiques demandées. Les jeux autour de la résistance consistent à ce que les soumiSEs résistent à la domination verbalement et / ou physiquement.
Moi j’aime et je vais parler de dynamiques où les soumisEs se donnent complètement et apprécient le non-contrôle, l’abandon de soi ; où les rôles de pouvoir sont figés dès le début de la scène.
Seul dans ce contexte très précis où le pouvoir n’est plus une luttemais un statu quo éphémère consenti de part et d’autres, puis-je en tant que domME laisser libre cours à l’expression de mes vulnérabilités sans rien risquer de perdre de ma superbe.
Avant le jeu
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Je m’enfonce une heure durant dans un bain où ma main se fait généreuse en m’offrant plusieurs orgasmes de très forte intensité, animée par le sentiment d’avoir atterri dans un lieu paradisiaque : il n’y a que des queers qui habitent ici, des gouines, des trans, évoluant dans l’immensité de l’entre-deux du genre, rendant finalement pauvre et caduque toute binarité. Des polyamoureuses incurables côtoient de vrais petits couples, des masos en mal de sensations fortes peuvent y trouver des sadiques à leur mesure, les rôles se testent, s’éprouvent, s’échangent, et moi je me sens soudain tellement honorée d’être sous la coupe de celle qui a permis qu’un tel lieu existe, un espace parmi les féministes où la perversité qui m’anime paraît avoir sa place, enfin.
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I. La négociation
1° Qu’est-ce que c’est ?
La négociation consiste à définir un cadre pour jouer, en collaboration avec toutes les personnes motivées pour jouer ensemble.
Je pense que lorsqu’on a du temps devant nous et qu’on n’a aucune idée des pratiques des autres, avant la négociation il peut y avoir une sorte de brainstorming qui permet, non pas de négocier un jeu, une scène*, mais juste d’échanger sur les pratiques qu’on affectionne, dans lesquelles on excelle, ou qui nous rendent curieuses, comme un espace pour apprendre à se connaître différencié de celui où on va prendre des décisions sur ce qui va se passer. Ça n’engage à rien de se renifler un peu.
Dans le langage courant, la négociation désigne souvent un rapport de pouvoir : il s’agit de discuter, certes, mais aussi de faire céder en sa faveur. En BDSM c’est tout le contraire, la négociation est une collaboration pour arriver à mettre en place un cadre sécurisant pour que deux ou plus de personnes se lâchent à être une version différente d’elles-mêmes que celle qui serait acceptable et spontanée d’habitude. Donc au contraire on va veiller à ce qu’il n’y ait pas de rapports de pouvoir dans cette collaboration et s’il y en a, il nous faudra les pointer pour les corriger.
Aussi dans une relation, la négociation ce n’est pas une bonne fois pour toutes ! C’est à chaque jeu que l’on définit des cadres, en fonction des changements de nos envies et limites, de nos expériences passées etc.
2° Le paradoxe de la domination consentie
Une bonne personne dominatrice c’est avant tout quelqu’unE qui respecte les limites des autres, est proactive dans le fait de les chercher, donne d’elle-même pour créer ou recréer de la confiance avec ses partenaires. Cela demande des talents de communication et de la subtilité émotionnelle, car il faut bien garder en tête que quand on est bottom*, c’est bien plus dur de dire STOP (ou son code de sécurité/ safeword*) à de la domination psychologique qu’à un coup trop fort.
Qu’est ce que les personnes qui apprécient le rôle de soumission attendent de nous ?
Qu’on respecte totalement leurs limites, et en même temps que l’on fasse complètement ce qui nous fait plaisir.
Comment concilier cela ? Imaginons que les limites du bottom tracent un cadre. On peut faire tout ce qu’on veut, dans ce cadre. J’aime l’image de la clôture des champs : dans un pré clôturé on a encore de quoi pas mal gambader !
Quand j’ai les clients au téléphone avant de les rencontrer, un nombre incalculable de fois à la question « De quoi vous avez envie ? », ils répondent « j’aime que la maîtresse fasse ce qu’elle veut ». Déroutant pour une pratique basée sur consentement n’est-ce pas ? Mais c’est pourtant bien ce qu’on attend de vous. De vous mettre dans cet état où tout vous est dû et où vous faîtes ce que bon vous semble, tout en faisant attention aux limites des soumisEs. Les soumisEs qui le sont passionnément recherchent cet état où iels sont en proie à vos désirs et caprices, comme si iels étaient vos jouets, mais en toute sécurité.
3° Les limites
Les limites, c’est génial ! D’ailleurs c’est le terreau de la créativité : moins d’angoisses de la page blanche, si on commence par tracer le champ des possibles ! On imagine aussi des déviations pour arriver où l’on veut en prenant en compte l’autre et ses spécificités, et ces constructions recèlent de raffinements originaux. Et puis face à quelqu’unE qu’on désire ardemment ou qui nous indiffère (typiquement, un client), c’est un bon endroit où commencer la conversation de la négociation qui n’est pas toujours simple à entamer, étant donné qu’il s’agit d’étaler froidement des sujets tabous et des fantasmes intimes dans une concentration de temps inédite, parfois avec des inconnuEs.
4° Les envies
Cependant, si les limites sont une bonne amorce de conversation, il a pu, en tant que soumise, à la longue, me sembler ennuyeux et quelque peu « négatif » d’avoir les limites comme point de départ à la négociation, d’autant que certaines étaient improbables dans certains jeux, donc inutiles à énoncer. Lorsqu’on a beaucoup d’expérience et de « terrains de jeu » différents, partir de nos envies permet de les réaliser plus efficacement et allège la négociation. Mais même pour les débutantEs, il me semble parfois que partir des envies plutôt que des limites est bien plus engageant dans l’idée.
En clair, les limites c’est très important mais il ne faut absolument pas perdre de vues ses envies, en particulier pour la domination cérébrale, (qui consiste à faire ce que l’on a envie dans le cadre des limites de ses partenaires). Si l’on oublie de proposer ce qu’on a envie, on fait du service topping (rien de grave à cela mais si on voulait faire de la domination, on a manqué le coup).
5° Négocier en tant que domME
Attention quand on est domME on a tendance à diriger les négociations. Ce qui devient extrêmement pratique au travail car cela vous permet de bien poser vos limites dans un rapport de genre et marchand qui n’est pas en votre faveur. Mais c’est une tendance à exclure avec vos partenaires personnels.
Essayer de pas le faire consiste pour moi à : ne pas proposer mes idées en premier, ne pas sauter sur les silences pour avancer mes fantasmes et demander souvent à l’autre de quoi iel a envie.
Le vrai talent de la personne dominatrice dans la négociation, en-dehors de l’écoute et la construction de la confiance, c’est de savoir parler des choses sans tout dévoiler pour garder une possibilité de suspens dans la scène. Pour cela, la clé c’est de connaître les termes génériques pour parler de pratiques. Je ne vais pas demander : « ça te dirait que je te fesse pendant que tu me lèches les pieds ? » Non, je vais demander : « es-tu d’accord pour de l’impact sur tes fesses et du fétichisme des pieds ? ». La personne donne son consentement mais ne sait pas exactement ce que je vais lui faire. C’est important car les personnes qui aiment la soumission cherchent à être à la merci de vos désirs, donc elles ont plus de chances de ressentir cela s’il y a des éléments d’information qu’elles n’ont pas. Par exemple, si elles ne savent pas dans quel ordre vont apparaître les pratiques qu’elles ont envie de faire.
Les pratiques ont toutes des noms, renseignez-vous. De plus le fait qu’elles aient un nom valide nos fétishs* : si ça a un nom, c’est que ça existe et qu’on est pas la/e seulE à être excitéEs par ça.
N’hésitez pas à prendre en notes les envies et limites de vos partenaires et clients pendant la négociation. Cela fait un peu bizarre, comme « pas très passionné » mais en fait c’est le meilleur moyen d’être sérieuxSE à propos de sécurité et d’avoir confiance en vous. J’ai toujours mon plan de scène ou au moins une liste de limites/envies avec moi au travail ou dans une scène de ma vie privée. Je commençais à trop flipper d’oublier une limite et cela me rendais l’espace mental dominant inatteignable, attaquée que j’étais par la peur de merder.
Veillez à ne pas être dans votre rôle de domME tout le temps, pendant la négociation ou en société pendant des évènements BDSM. Cela a pu être difficile pour moi car c’est un espace mental si agréable, c’est confortable d’y accéder quand on a envie de se sentir à l’aise dans la sociabilité, ce qui est dur pour nombre d’entre nous. Sachez que ça ne vous apportera pas plus de partenaires et de scènes. C’est de faire se sentir en sécurité les gens avec vous qui attirera vos soumisEs. Et il y a plein de techniques pour vous visibiliser à un évènement BDSM en tant que top*, inutile d’humilier à la ronde sans consentement les membres de votre communauté. Par exemple vous pouvez proposer un tour de présentation à tout le monde, vous promener avec un signe « top » sur le dos, ne jamais quitter votre canne lorsque vous prenez un verre au bar etc.
6° Le cadre spacio-temporel
Négociez le lieu et la durée de la scène sont des choses importantes, car c’est souvent à vous qu’il incombe de planter le décor, de transformer cette cave en donjon, cette chambre en salle de classe, ce lit en table d’opération, ne serait-ce que par la force de votre imagination et la finesse de votre persuasion. Dominer c’est clairement dominer l’espace, même si ce n’est pas le vôtre. D’ailleurs lorsque je me déplace chez un client, je lui demande toujours de me faire visiter l’espace de jeu. En tant que pute chez un client, c’est mieux que je visite l’appartement pour ma sécurité. En tant que domina, je prends mes dispositions pour m’approprier l’espace, traiter le client comme mon majordome, renverser le fait que je suis son invitée et que je ne sais pas où se trouvent les verres.
Pour négocier le temps, il est bon d’apprendre à se connaître petit à petit : ce qui nous convient le mieux, en combien de temps on arrive à accomplir telle ou telle pratique tel qu’on le veut, etc. J’ai remarqué que dès qu’on insère des pratiques sexuelles dans les scènes, elles sont indéniablement plus longues. Je me souviens d’une de mes premières soumises à qui j’avais eu le bonheur de planter 32 aiguilles, ce qui était beaucoup pour moi. Me connaissant mal dans cette situation, je n’ai pas bien calculé le temps que cela me prendrais de les enlever. Résultat : j’étais déjà complètement perchée au moment de commencer de les retirer. Une fois retirées, ma bottom était pleine de sang et a dû se nettoyer toute seule à la salle de bain car hypnotisée par la vue du sang, des picotements agréables dans les membres me paralysaient, j’oscillais entre sourire béat et fous rires inopinés, et avais du mal à marcher droit. Fort heureusement, j’avais prévenu lors de la négociation que cette pratique me faisait beaucoup d’effet, mais j’en ai retenu tout de même une petite leçon sur ma gestion du temps dans cette pratique.
J’ai eu aussi le bonheur de vivre deux fois l’expérience de jouer avec une soumise une journée entière, de 8h à 18h pour être plus précise. C’est une opportunité formidable de se vautrer dans le domspace pendant des heures, de faire des allers-retours dans celui-ci, d’apprendre à gérer son énergie dominante dans la durée et de dépraver des activités triviales du quotidien.
Lorsque je faisais du travail du sexe classique, j’étais toujours apeurée à l’idée de ne pas contrôler le temps car je me voyais mal regarder l’heure en pleine action, je n’osais pas le faire par politesse envers le mâle cis dominant qui sait pourtant très bien que sa session est tarifée à l’heure. Aujourd’hui en tant que dominatrice, il est beaucoup plus aisé pour moi de regarder le temps qu’il reste sans que le client s’en aperçoive, puisqu’il est à quatre pattes sur le sol. Mais je suis aussi dans une position bien meilleure pour ne pas avoir à m’embarrasser de la politesse patriarcale qui me bloquait auparavant.
Donnez des repères de temps dans la scène aux bottoms. Cela permet aux bottoms de tenir une activité difficile ou simplement à décider en elleux-même si iels sont encore aptes à suivre le programme que vous aviez envisagé. C’est une technique importante pour les faire se sentir en sécurité, mais aussi pour leur donner la force de se mettre au défi, de se dépasser elleux-mêmes, ce qui est extrêmement gratifiant et est un élément recherché chez les soumisEs. Mettons que vous être en train d’imposer une activité difficile à votre soumisE pendant une scène. Lui donner l’indication que cela est bientôt fini l’aidera à encaisser un peu plus. Mais bien sûr, dans ce contexte, iel peut toujours dire STOP ou ROUGE à n’importe quel moment. C’est une chose atroce de voir ses limites dépassées par quelqu’un d’autre. Cependant c’est une fierté sublime que de dépasser par soi-même ses propres limites. En donnant de petites indications de temps ou d’étapes dans le scénario, vous créez des opportunités pour lae bottom de faire ce choix de se pousser ellui-même ou pas. Par exemple dîtes « nous allons faire telle activité et tu seras récompensé ». Ou bien annoncez à votre serviteur « tu crois que c’est la fin, mais non il va te falloir me nettoyer ce sperme sur le sol avec ta langue pour avoir le droit de quitter ton service » (très pratique pour faire que votre client ai hâte de « quitter son service » , c’est à dire de partir à l’heure).
7° Types de négociations
On imagine que la négociation en BDSM est une conversation orale un poil formelle. Mais il y a d’autres types de négociations à ne pas ignorer.
Par exemple, l’écrit peut prendre une place assez forte. Vous pouvez prendre des notes pendant la négociation, je le redis. Mais vous pouvez arriver à la négociation avec déjà des pratiques, limites, envies, écrites. Je me souviens que pour avoir un certain aplomb et ne rien oublier je m’étais fait un cahier où je notais mes limites pour ne pas me laisser emporter dans la négociation. Un peu comme on arrive chez le médecin avec une liste de bobos. À force, j’ai même fini par créer une sorte de « mode d’emploi » de la soumise que je suis, modifiable par mes soins au fil des expériences.
Nous sommes nombreuxSES à négocier par écrit complètement, par exemple par e-mail. Cela laisse l’espace de la réflexion et une possibilité de bien se centrer pour donner un consentement éclairé grâce au temps de l’introspection entre deux messages. Et il y a une trace écrite, la prise de notes est exhaustive en quelque sorte.
Je ne garantis pas leur efficacité mais il existe aussi des techniques intéressantes de négociation à beaucoup de protagonistes. Imaginons un jeu où nous serions 10 à avoir le désir de jouer ensemble. La conversation serait épuisante et des détails importants pour la sécurité de tousTEs pourraient se perdre.
Dans ce cas, un cadre général peut être discuté puis chaque personne bottom peut avoir sur elle une sorte de petite carte où sont écrits des détails importants.
Les tops glanant dans l’espace des bottoms avides sont alors invitéEs à demander à celleux-ci leur petite carte pour déterminer laequelle cueillir. J’ai d’ailleurs participé à un jeu où nous étions 40 et nous avons utilisé ce système. Il n’a sans doute pas fonctionné pour tout le monde, à vous de déterminer ce qui vous correspond. À l’intérieur d’une relation BDSM à long terme, un cahier peut être instauré et utilisé de différentes manières.
Comme un cahier de liaison entre les partenaires, ou comme un outil à usage personnel pour ne pas oublier un détail entre deux séances éloignées dans le temps.
Quand on est timide, il est parfois plus simple d’écrire un désir honteux que de le dire à voix haute devant notre partenaire. Je ne conseille pas de jouer avec quelqu’unE qui nous impressionnerait tellement qu’on n’oserait lui dire ce qu’on aime ou ce qu’on refuse. Mais il faut savoir s’adapter à nos petits blocages égrainés dans nos esprits par cette société oppressive et normative. Un cahier de soumission que l’on donne de temps en temps à lire à notre domME offre une certaine liberté de parole.
Il est même possible qu’une partie de la négociation se passe pendant la scène. Je dis bien une partie seulement. Je me souviens d’une soumise à qui je trouvais beaucoup de timidité même si nos négociations étaient claires et fluides. Une fois en début de scène, alors qu’elle était d’accord pour que j’utilise ce procédé, je lui ai demandé d’écrire dans un cahier ce qu’elle souhaitait vivre pendant les 3 jours que nous allions passer ensemble.
Interrogatoires :
Une autre très bonne manière de vérifier le consentement de votre partenaire pendant la scène est l’interrogatoire. Il ne s’agit pas forcément d’un scénario policier/mafieux ou de faire référence à ces univers. L’idée est simplement de poser des question et torturer en même temps.
Le truc qui est pratique c’est que si la réponse à la question est donnée, cela peut être défini comme un code que votre partenaire n’en peux plus de cette torture. Vous avez donc un code pour arrêter la douleur sans avoir à dire le safeword, ce qui n’est pas un mal en soi. On peut le voir comme un code de « je voudrais continuer à jouer mais passer à une autre activité ».
Résistances :
Je ne joue pas avec des personnes qui s’excitent dans la résistance. Encore moins les personnes qui veulent provoquer, par leur paroles et leur actes, mon sadisme. Donc je n’ai pas grand-chose à en dire, mais si vous le faites, négociez bien ! J’ai eu parfois envie de jouer avec une résistance modérée. La négociation ressemblait donc à cela : pour chaque acte auquel lae soumisE voulait résister, il était entendu qu’iel résisterait 3 fois seulement, puis céderait. Si je sentais une quatrième résistance, je disais mon safeword pour savoir ce qui se passait. Cela a pu être excitant et m’a permis de rester dans ma zone de confort, alors je vous le conseille si vous débutez dans la résistance.
8° L’alcool, les prods, les médocs.
Un certain nombre de produits peuvent altérer non seulement notre capacité à donner un consentement clair et éclairé, mais aussi à savoir nous-mêmes où nous en sommes, sans parler de notre ressenti de la douleur.
Cependant, pourquoi pas jouer sous influence ? Après tout, certains médicaments ne peuvent pas être retirés du sang au moment de jouer. Et on a peut-être besoin de ces produits pour se sentir à l’aise dans son corps, ou même pour avoir de la libido. En bref, mon opinion sur le chemsex n’est pas jugeante, c’est une expérience comme une autre ; lorsqu’on négocie, on évalue les risques pour les prendre ensemble. Pour cela, il est important d’être clairE sur son état avec l’autre et de bien connaître les effets de ce qu’on a pris sur soi-même. Dire « j’ai bu quelques verres mais je ne me sens pas soûlE, as tu quand même envie de jouer avec moi ? » est la manière que je préfère pour gérer la chose. Ensuite, on pourra ajuster les pratiques à l’état d’influence décrit honnêtement. Ne vous forcez pas à jouer avec unE partenaire alcoliséE/ sous drogue pour ne pas paraître jugeante/toxophobe, par contre ! Écoutez-vous !
Je finirai sur ce point en recommandant quand même aux débutantEs de ne pas jouer sous influence. En vérité pas mal de pratiques, qu’elles soient physiques ou cérébrales, ont la possibilité de créer un sentiment de défonce proche de la drogue dans votre cerveau. Cela vous sera difficile d’apprendre à vous connaître sur ces pratiques si vous êtes déjà sous influence. Par exemple, si vous testez une nouvelle drogue, vous la prendriez a jeun pour en connaître l’effet pur sur votre corps et votre esprit n’est-ce pas ? En tout cas, moi j’ai une certaine habitude de ce principe. D’autant que la puissance de la « perche » causée par le BDSM a toujours tendance à me surprendre.
9° La vulnérabilité des domMEs
Les tops aussi ont des limites ! Même si cela est plus facile pour nous de les énoncer pendant le jeu. Il y a quand même des trucs qui nous font dire stop ; on est plus dans le rôle, déstabiliséEs.
Vous allez découvrir les vôtres petit à petit. Par exemple, en tant que dominatrice, mes limites sont : pas de brats, provocation, résistance etc, le scato et je ne supporte pas qu’on me dise « je m’ennuie ». Quelles sont les vôtres ?
Négocier son aftercare* en tant que top c’est très important, j’y reviens dans la dernière partie de cette brochure. Mais c’est bien pendant la négociation qu’il faut anticiper vos besoins et les communiquer, cela ne vous fera pas paraître moins dominantE ! Dominer n’est pas anodin, vous allez vous dévoiler, vous surprendre vous-même, manipuler des outils dangereux, tripoter des sentiments profonds et prendre une responsabilité immense. Donc vous avez autant de légitimité à définir vos besoins pour vous reconnecter à la réalité et vous sentir rassuréE.
10° La sécurité des bottoms
Pour assurer la sécurité physique et émotionnelle de touTEs dans une scène BDSM, il y a, entre autres, le safeword*. Le safeword est un code de sécurité qui permet de communiquer sur le consentement pour éviter toute ambiguïté avec le scénario. Si je dis « Aïe, pitié, arrête, stop », cela pourrait très bien faire partie d’un petit jeu tordu de résistance très excitant. Des mots hors contexte comme « boulgour » ou « Vert/Jaune/Rouge » peuvent être utilisés pour communiquer plus clairement, et graduellement, nos ressentis. Les safewords et leurs significations sont à déterminer ensemble dans la négociation. Cependant « vert, jaune et rouge » sont très utilisés dans les communautés BDSM, ils offrent la possibilité de créer une vigilance collective à la sécurité de touTEs. Si tout le monde a les mêmes safeword dans un espace collectif, tout le monde peut vous porter secours si votre domME abuse de vous/ ne vous entends pas. Et ces codes deviennent pratiques lorsque vous voulez jouer avec différents partenaires sur un évènement. C’est une sorte de langage commun qui doit pourtant être reprécisé dans une négociation interpersonnelle.
Traditionnellement l’Etiquette BDSM veut que Vert signifie un consentement clair et enthousiaste, Jaune l’expression d’un besoin qui nécessite un petit réajustement sans pour autant que tout s’arrête, et Rouge un besoin nécessitant un arrêt immédiat de la scène en entier.
Si lae soumisE dit « jaune » (safeword), je vous conseille de faire une pause pour demander ce qui se passe, en dehors de votre rôle de domME. Moi qui aime juxtaposer les pratiques, je peux vite tomber dans la perplexité quand jaune est utilisé, comme c’est souvent le cas, comme code de « arrête ce que tu es en train de me faire ». Car je sais en tant que bottom, que l’on peut apprécier chaque coup de fouet mais avoir juste besoin d’un coussin sous ses genoux qui endurent inutilement le parquet, ou bien de changer la position de son bras qui est attaché. Si à « jaune ! » les coups de fouets s’arrêtent, on manque une occasion de communiquer et de rectifier uniquement ce qui est dérangeant, tout en continuant ce qui est kiffant !
S’il y a un « rouge » qui est prononcé : arrêtez tout, la scène d’un point de vue concret mais aussi votre domination mentale. Desserrer les liens si iel est attachéE, enlever bâillon ou bandeaux, câliner, rassurez, faîtes en sorte qu’iel ait chaud, qu’iel soit confortable, qu’iel soit dans un endroit sécurisant, s’il y a blessure, soignez tout de suite tout en restant présentE au maximum.
Sachez inventer d’autres moyens de communiquer son safeword au bottom pendant une scène si la personne se retrouve bâillonnée. Évidemment si vous avez prévu ce moment, autant se mettre d’accord sur un code non verbal pendant la négociation. Mais si dans le courant de la scène vous avez spontanément l’idée hilarante de mettre un baîllon-gode à votre partenaire pour l’utiliser comme votre sextoy, tout de suite informez lae qu’iel peut frapper trois fois le sol pour tout arrêter et faîtes lui faire le geste pour être sûrE que cela est compris.
A mes yeux, si pendant la négociation, on reçoit un « je sais pas » sur une proposition de pratique, cela veut dire NON. Vous pourrez y revenir plus tard, si vous rejouez avec cette personne.
Évitez les zones d’ombres, ne pas les approcher va créer de la confiance en votre soumisE.
Explorer plutôt les zones explicitement OUI ! Il n’y a pas besoin de beaucoup de pratiques pour faire une scène géniale !
Avertissez si vous êtes débutantE dans une pratique, c’est plus poli, et ça aide la personne à décider si elle a envie de devenir votre cobaye ou pas. Cela vous enlèvera peut être un peu de pression à performer un truc sans défauts. Peut-être y a-t-il un petit coté excitant à être la première fois de quelqu’unE ? Lae soumise peut se sentir utile et dévouéE : quoi de mieux que d’être utiliséE pour permettre à sa maîtresse bien-aimée de parfaire son savoir-faire tout en redoutant quelques ratés douloureux relatifs à son apprentissage.
Plus concrètement toucher les extrémités de vos partenaires pour regarder si iel les a froides, même en dehors de pratiques de contraintes/bondage, est de votre responsabilité. Si les extrémités sont froides, opérez un changement de position pour refaire circuler le sang dans les membres.
Attention si vous jouez avec quelqu’un que vous transformez en un objet, vous allez bouger et iel va rester immobile. Donc vous n’allez pas vous rendre compte si iel a froid, pensez à vérifier souvent. Ecouter bien sa respiration pendant la scène. Si ses pupilles sont dilatées et qu’il y a une lenteur ou une absence de réaction, ne pas forcément s’inquiéter mais ramener dans le concret, dans l’action par la parole, cela peut être dû à une transe de subspace intense.
Si vraiment vous avez un doute, vous pouvez, vous aussi, dire « vert ? » pour demander si tout va bien ! Ou jaune pour faire une pause hors de vos rôle pour communiquer quelque chose de plus complexe. Ou rouge si vous êtes trop déstabiliséE. Encore une fois, écoutez-vous ! Vous avez le droit aux safewords en tant que top, je ne le répèterais jamais assez. Quoi de mieux pour montrer à l’autre : 1) que tout le reste de ce qui est arrivé dans la scène était bon pour vous, en contraste 2) qu’il y a la place pour iel de prononcer ces mots, ça n’est pas un drame ni une vexation, c’est un cadeau, une manifestation de confiance et de la valeur que vous accordez à l’autre. Enfin je reconnais que ce n’est pas adapté à toutes les situations mais essayez au maximum de créer des espaces temps de retours (débriefing*). C’est vraiment un très bon moyen de progresser que d’entendre en détails comment votre partenaire a vécu le jeu de son côté.
11° Le consentement au travail
Attention : en termes de consentement, le travail et la vie personnelle, ce n’est vraiment pas le même territoire. N’en déplaisent aux féministes qui ont le privilège de voir leur corps et leur sexualité comme quelque chose de sacré, pour ... euros de l’heure je n’ai pas les mêmes limites que dans ma vie intime. Cela ne veut pas dire que je n’en ai plus. Cela signifie que je me pose la question différemment, que j’établis de nouvelles limites, dépendantes de la façon dont je me sens et de mon besoin d’argent à ce moment précis. Les bons cotés du taf, c’est d’apprendre à être moins déstabilisée, de se lancer à des pratiques qui sont moins nos habitudes, de se faire la main, d’avoir moins peur de faire mal, et parfois il y a des pratiques qu’on ne fait que au taf parce que c’est dur de trouver des gens qui ont le même fetish spécifique dans notre communauté.
Je vous conseille, lors de la négociation avec les clients, d’être à l’écoute tout en restant légèrement dominante pour les attirer, mais aussi pour naviguer dans le rapport patriarcal fort qui se joue, renforcé par l’idée capitaliste oppressante que vous êtes à leur service, sans compter que le stigma de pute joue en votre défaveur. Ce que vous faîtes est secret et stigmatisé donc personne ne viendra à votre secours. Organisez-vous pour avoir du renfort de copaines et écoutez votre instinct à chaque client. Certaines féministes pro-sexe non-travailleuses du sexe pensent que vous combinez dans votre être un courage héroïque et un glamour inatteignable.
Ce travail peut être libérateur mais il a ses côtés pénibles, et les relous plus ou moins gérables sont partout. Fort heureusement dans ce travail du sexe spécifique, être sur vos gardes, froide ou directive, s’intégrera aisément à votre personnage de domME.
Pour moi cela a été comme le stop, plus je le faisais, moins j’ai eu peur. On apprend à recadrer, être ferme, se faire payer au début, compter les billets et regarder l’heure en érotisant ce qui nous paraît froid, impoli ou en dehors de notre rôle social grâce à l’archétype de la dominatrice. On veille toujours à ce que l’aisance que l’on prends ne nous fasse pas baisser la garde. Et on apprends à bien s’entourer pour les cas où on rencontre des difficultés.
II) Se préparer
1° Préparer l’espace
Avant de jouer il est bon de s’approprier l’espace de jeu ; pousser les meubles, rajouter des coussins ou des instruments de torture, créer de la place pour promener en laisse etc. Où que vous soyez, vous devez vous comporter comme chez vous, c’est déjà un point de pouvoir pour vous. En ce qui me concerne, la propreté est essentielle pour m’approprier le lieu et pour me sentir bien. C’est également mieux pour faire ramper les soumisEs à terre et ne pas salir le dessous de mes escarpins qu’iels vont sûrement lécher à un moment donné. J’ai enfin remarqué que j’aspire à un espace sans distractions qui rappellent le monde réel pour laisser carte blanche à mon imagination. Donc les affiches, tags, to-do listes et fringues en boules dans mes placards sont souvent recouverts si je joue dans ma chambre. Je désire me télé-transporter dans un univers de fantasmes pour un temps précieux et rare, ce pas de côté de la réalité me demande souvent beaucoup de préparation. L’espace choisi doit planter le décor pour vous exprimer.
2° Se préparer
J’aime aussi prendre du temps à préparer mes habits et mes jouets. C’est un moment important pour entrer dans le rôle, pour moi. Avec le temps, on trouve une routine (qui doit s’adapter à tous les donjons d’un soir que l’on traverse) qui nous rassure, nous excite, place notre mental entre une très forte concentration et un lâcher-prise nécessaire à la créativité. On ne joue pas vraiment un rôle, le rôle et le contexte nous permettent d’extérioriser une partie de nous.
C’est comme aller sur une autre planète, on est toujours la même personne, mais le contexte change donc on peut être autrement. Dans mon expérience, c’est là que se trouve l’essence du Femdom. Au bout du compte, la féminité est clairement un fetish pour moi. Devant ma coiffeuse, mon plan de scène bien établi, la magie des bas qui galbent mes cuisses, la sensualité des pinceaux à maquillage sur mes joues, la forme que prennent mes pieds dans les escarpins sont une masturbation visuelle et sensorielle dans laquelle je plonge pour oublier ce monde hideux et violent. Un voyage intérieur qui me transporte dans un monde beau, vain et coloré.
C’est en explorant du bout des doigts le pouvoir que la féminité a sur moi que je réalise, dans mon esprit puis en actes, le pouvoir inhérent qu’elle recèle.
Je peux très bien imaginer, pour l’avoir vécu, qu’il n’y a pas que le rouge à lèvres et les talons pour accéder à cet état. Plongez dans vos fetishs, caressez vos accessoires, habitez votre corps par ce biais et vous n’en aurez que plus de facilité à vous connecter à votre domspace intérieur.
3° Préparer la scène
Pendant fort longtemps, je ne faisais qu’improviser lorsque je dominais. Et d’ailleurs c’est toujours ce que je fais au travail. Cependant, je ressentais toujours une impression vague de non-satisfaction à la fin. J’appelais ceci « terminer en eau de boudin ». J’avais assisté à un atelier à Berlin sur le thème de la domination qui détenait la clé, mais j’ai mis encore des années à me lancer à ce que cette dominatrice suggérait pour avoir moins de stress lors de ses scènes : le plan de scène.
Depuis que j’ai essayé, je n’en reviens pas de tout ce que cela m’apporte. Plus aucun moments de flottements pendant la scène où je me demande ce que je vais faire après ! Un meilleur rythme qui équilibre mon énergie tout au long de la scène ! L’élaboration narrative d’un jeu de rôle s’en retrouve plus fine ! Et surtout la construction pas à pas d’une apothéose ! C’est grâce à l’apothéose que je peux me sentir pleinement satisfaite à la fin de la scène. Je détaillerais plus tard quel sont les parties de ce plan mais en voici les grandes lignes : 1) activité pour se mettre dans le rôle, 2) une activité qui challenge lea bottom, apothéose, 3) redescente « plaisir » pour touTEs les deux.
III. Réflexions sur le consentement
1° Le stress avant la scène
Malgré toutes ces techniques de préparation, vous êtes nerveuSEx. Laissez-moi vous dire comment le BDSM m’a appris la différence entre le trac et le stress.
Je ne suis pas sûre de la façon dont les choses vont se dérouler, j’ai le trac, clairement, je suis nerveuse. Mais si ce sentiment est amplifié, qu’il résonne dans mes insécurités, alors je me compare aux autres, je suis constamment en train de chercher des petites modifications de contexte ou des échappatoires dans mon cerveau, je suis anxieuse sur mes performances : c’est le stress.
À mes yeux, inutile de jouer si vous êtes stresséE. Vous vous sentirez ensuite comme quand vous avez eu une relation sexuelle pas complètement consentie. Oui vous l’avez fait, et jusqu’au bout. Vous avez même exécuté le plan mot pour mot, réalisé ce fantasme. Mais l’avez-vous fait pour vous, ou pour l’autre ? Parce que c’était prévu ? Parce que vous vous étiez engagéE ? Parce que vous êtes à une playparty* et que vous vous laissez entraîner dans le délire des autres ? Qu’il n’y a rien d’autre à faire à cette soirée ? Que vous ne vouliez pas laisser ceTTE débutantE seulE au bar à sa première playparty ? Est-ce que vous avez fait 1500 km pour venir à cette évènement ? Que vous ne voyez pas ceTTE partenaire souvent ? Qu’on vous a laissé rentrer gratuitement à cette soirée si vous faisiez tel ou tel truc ? Tant de choses créent des micro ou macro-pressions ! Les autres, mais aussi vous-même !
Cela vaut aussi pour les soumisEs : si vous ressentez du stress car la dominatrice n’est pas sécurisante, cassez-vous ! Mais si vous expérimentez de la nervosité car elle vous impressionne et que vous avez peur de ne pas dire ce qu’il faut, relax, si vous faîtes une erreur ou ne dîtes pas le bon truc, vous serez puniE ! C’est pas formidable ? Dîtes le premier truc qui vous passe par la tête ! Voilà comment enfin trouver un espace sans filtres où on peut se dévoiler sans conséquences négatives !
2° Le consentement
En BDSM la responsabilité individuelle de chacunE doit être au premier plan. Quelque part, votre premier devoir envers les autres est de vérifier avec vous-même si vous êtes dans le bon état pour jouer, en tant que top ou en tant que bottom.
Il y a longtemps, une camarade féministe m’avait dit qu’elle avait un problème avec le BDSM parce qu’elle avait l’impression que l’aspect non-spontané de la scène rendait le consentement problématique. Si c’est prévu, négocié et préparé, c’est qu’il FAUT le faire, non ? Sur le moment, je lui ai répondu avec de la théorie. En théorie, il n’y a jamais de moment où on ne peut pas dire non. Avant, pendant, au moment de commencer, on peut tout le temps arrêter l’interaction grâce au safeword même si on avait prévu de jouer et tout préparé.
Avec les années, j’ai pas mal de choses à ajouter, qui viennent de l’expérience, sur la façon de pratiquer le consentement, au-delà du basique « NON, c’est non ! », même si c’est important de le rappeler. Les retours sont essentiels dans la pratique du consentement : on peut revenir sur quelque chose plus tard dans le moment de débriefing*. Et si on nous demande : « Pourquoi n’as-tu pas dit ton safeword à ce moment-là dans ce cas ? » Cela doit être juste une demande d’information pour améliorer une relation de jeu ou pour améliorer sa pratique du BDSM et du consentement en général, PAS un reproche, une demande de justification ! J’insiste : les retours négatifs sont des sources immenses et marquantes d’apprentissage car elles touchent les sentiments de personnes qui vous font suffisamment confiance pour vous exposer leur vulnérabilité. C’est un cadeau à mes yeux, une preuve qu’on pense que vous avez un peu de valeur si on vous croit capable d’écouter, de vous remettre en question et de vous améliorer.
Vous allez faire des erreurs aussi, c’est inévitable. Peut-être est-ce même ce qui vous bloque à vous lancer. Vous allez apprendre de vos erreurs, c’est chouette, et vous vous ferez des alliéEs.
Ce qui fait de ces erreurs un parcours intéressant et non une perspective angoissante, c’est bien notre volonté inextinguible d’apprendre et de s’améliorer.
Dans du sexe vanille* (c’est à dire pas BDSM) on a souvent l’impression que si une limite est dépassée, c’est la faute de la personne qui a dépassé la limite et on se place dans une dynamique aggresseur.se / victime, qu’il y ait eu un STOP clair d’exprimé ou pas. Je n’ai pas d’opinion, c’est juste le cas, je trouve, et souvent cela s’est avéré correct avec mon expérience, et m’a servi pour trouver du pouvoir dans des situations sexuelles qui ne m’avaient pas convenues. Par contre dans le BDSM, tant que le safeword n’est pas prononcé, il y a une co-responsabilité très forte et très égale philosophiquement à mes yeux. Si, pendant les retours, ma soumise me dit que je l’ai frappée trop fort à un instant T de la scène, je vais m’en sentir désolée et m’en excuser. Surtout je vais faire attention la prochaine fois. Je peux me renseigner, si la confiance est suffisante, et en faisant attention à ce qu’elle n’ait pas l’impression que je la rends responsable entièrement de ce problème, sur ce qui l’a bloquée à me le signaler sur le moment. Cela permet aussi d’améliorer la communication dans notre relation. Peut-être est-elle impressionnée par moi parce qu’elle est débutante ? Peut-être se met-elle la pression à vivre certaines choses car on ne s’est pas vues depuis longtemps ? Ou tout simplement elle aussi veut avancer dans sa pratique et se sentir fière de ce qu’elle arrive à endurer ! Le stress des soumisEs doit nous renseigner et être anticipé ! Que pouvez-vous dire ou faire pour construire de la confiance ?
Comme je suis aussi soumise, je peux complètement comprendre que c’est dur de s’ouvrir à quelqu’unE qui nous impressionne ou qu’on peut avoir une certaine image de lae soumisE qu’on veut être dans sa tête. Il existe mille raisons qui nous font outrepasser nos propres limites avec un résultat négatif. En tout cas dans cette occurrence, moi la dominatrice, je suis AUTANT responsable que lea soumisE que tout se passe bien. Et ça change tout ; on sort d’une dynamique d’accusations et de reproches, on entre dans une collaboration pour améliorer les choses ; non pas un drame, mais une occasion merveilleuse d’apprendre quelque chose sur soi et l’autre. Que c’est bon et empowering de se connaître ! Parfois on ne savait pas clairement qu’on avait une limite à cet endroit et c’est de jouer et de dire rouge qui nous l’apprend. C’est fantastique ! Ce n’est pas un échec ! Et ça apprendra à nos partenaires à négocier cela avec les autres personnes aussi. Car on peut difficilement tout négocier. Donc cela nous crée des repères personnels, voire communautaires.
Je m’entends souvent dire avec bienveillance aux bottoms débutants : « c’est ton job de dire stop si ça ne va pas. Presque ton seul job, mais hautement important. ». Elleux aussi doivent plonger, pour leur sécurité, dans cet état d’hyper-concentration sur leurs ressentis qui vous guide en dominant. Le domspace se nourrit du subspace, voilà pourquoi on dit de la domination/soumission que c’est une dynamique. Quel horreur que le pouvoir arraché et subi, mais quelle beauté que le pouvoir donné et partagé !
Selon moi, la responsabilité des domMEs pendant le jeu (planter le décor, veiller à la sécurité physique, mener le scénario etc.) est égale à la responsabilité de tout arrêter quand ça ne va pas pour lae bottom. Mais pourquoi voir la responsabilité comme une denrée quantifiable, une chose délimitable ? Par exemple si je décide de jouer avec unE soumisE complètement débutantE, je prends en quelque sorte plus de responsabilité qu’avec une personne expérimentée. Mais le fait que je prennes plus de responsabilité ne lui en enlève pas un chouia ! Elle est toujours à 100 pour 100 responsable d’elle même ! Et moi aussi ! Il faut être à 200 pour 100, 100 pour 100 responsable de soi même et 100 pour 100 là pour l’autre. Le fait que ce soit mathématiquement impossible ne change rien au concept. Ceci n’est que mon opinion, à débattre et réfléchir, mais selon moi, notre pratique du consentement demande un raffinement qui va au-delà de deux mots, « oui » et « non », donc il faut bien une pensée collective sur cette question à laquelle je n’entends que participer.
Tout ceci appelle à mentionner un énorme frein à vivre des relations clairement consenties et épanouissantes, j’ai nommé les rapports de domination structurels ou conjoncturels. En effet quels rôles jouent la différence de privilèges dans la négociation entre une personne cis et une personne trans ? Une personne blanche et une personne racisée ? Une personne qui a la côte dans le milieu et une débutante ? Dans nos milieux politiques, quel pouvoir supérieur accorde-t-on parfois à une personne « plus oppressée » que nous, jusqu’à passer sous silence qu’elle a pourtant dépassé nos limites dans une scène ? Qu’avons-nous comme outils pour désamorcer ceux-ci ? Et quelles sont les influences probables de la relation amoureuse ou amicale préexistante avec la personne avec qui on s’apprête à jouer ? Si je n’ai pas les réponses qui seraient adaptées à toutes les situations, fort est de constater que la première étape est de là encore briser des tabous et de poser ces questions sur la table dans vos relations, avec cette scène-d’un-soir, dans notre communauté. Mais contrairement aux images de sexualité spontanée et dévorante valorisées dans notre culture télévisuelle dominante, en BDSM, il y a une conversation, la négociation, en quelque sorte protocolaire, une sorte d’étape d’usage acceptée par un ensemble de pairs comme nécessaire. Il n’y a plus qu’à y participer avec de nouvelles questions pour changer les choses.
3° Le consentement, une relation à soi
Jouer c’est donc, de mon opinion, une activité de co-responsabilité et l’idée est de décider ensemble en collaboration de prendre certains risques pour le plaisir de toutes les parties impliquées. En tout cas dans l’idéal, idéal qu’il faut travailler à atteindre par de nombreuses techniques et une intelligence émotionnelle à écouter l’autre et soi comme jamais. En effet, comment accéder au domspace dans notre esprit, se sentir dans l’instant présent intensément, si subsiste le doute que lae bottom ne prend pas cette part de responsabilité ? En tout cas pour moi, cela s’avère impossible et dangereux.
Pourquoi cette immense digression sur le consentement ? Parce que c’est la base. La base de ce qui différencie la violence du BDSM, la condition nécessaire pour faire du jeu une expérience libératrice. En tant que dom co-responsable d’une scène, si vous êtes super stresséE à l’approche d’une scène, prenez votre part de responsabilité et annulez ou reportez, le temps de comprendre ce qui vous stresse. Jouer, c’est pour s’amuser avant tout ! (bon, sauf au travail où s’amuser peutêtre un dommage colatéral).
Si je me sens très mal psychologiquement, dans mon expérience, il m’est arrivé d’être moins empathique et du coup moins ouverte aux retours négatifs/ d’avoir moins de ressources pour remettre en confiance après un « rouge » alors attention ! Si vous vous forcez parce que vous vous êtes engagé, dans mon expérience les dégâts sont colossaux, notamment pour vous-même.
Dans une perspective positive, dominer c’est avant tout avoir une relation de consentement incroyablement grande avec soi-même. J’organise des ateliers/espaces de partage autour du consentement et il ressort souvent qu’au-delà de la négociation, c’est découvrir ce que l’on aime et de quoi on a envie qui bloque beaucoup de camarades à avoir des relations charnelles épanouissantes, en particulier les personnes qui grandissent en étant la cible du patriarcat et du cis/hétérosexisme, victimes des normes sexuelles hétéro-cis, avec peu ou aucune représentation sincère de leurs désirs dans la culture, et une générale invalidation par les images dominantes de leur corps et leurs désirs.
Or comme je vais le répéter souvent, lorsque vous êtes prêtE à jouer, la manière d’accéder au domspace dans votre mental, c’est de vous écouter comme jamais, de regarder à l’intérieur de vous et de tout écouter, de tout valider, de remarquer que vous avez des envies plutôt que de laisser passer ces images sans les voir, de remarquer que vous avez des contrariétés, même minuscules, scruter chaque partie de votre corps et améliorer son confort ou son plaisir.
Démultipliez-vous ! Dans le sexe vanille, on envisage souvent le consentement comme une question posée à son cerveau et à son entrejambe. Mettez-vous dans chaque partie de votre corps et faites-lui dire de quoi elle a envie, et pas juste à vos seins et votre cul ! Cessez d’ignorer ces images obscènes qui trottent dans votre mental. Tellement de partenaires que j’ai eu ignorent leurs fantasmes, regardent de l’autre côté dès que cela apparaît sur la toile cinématographique de leur cerveau. Inutile de vous dire que vous voulez absolument réaliser trait pour trait ce que vous voyez, l’intérêt étant au moins de tirer de l’inspiration et des informations sur vos envies en les regardant en face. Et parfois d’ailleurs, à l’analyse, on s’aperçoit que ce ne sont pas des fantasmes, mais au moins on y accorde de la considération ! C’est cette hyper-attention à vous-même, couronnée par une hyper-attention à votre partenaire qui fait disparaître le monde autour et vous transporte dans le domspace.
Faîtes également attention d’une manière accrue à vos limites physiques, c’est ce que je nomme, en partie, le « flemme dom » : si cela vous tire dans les cuisses quand vous vous faites lécher les pieds, ordonnez qu’on vous les soutienne ! Ordonnez que votre partenaire se baise sur votre gode. Inutile de vous fatiguer, traitez-vous comme une reine !
Quand on est travailleuSE du sexe, c’est d’autant plus important de bien se respecter dans ses relations avec les partenaires dans sa vie privée. Personnellement, j’accorde une importance forte à faire dans ma vie privée du BDSM que lorsque j’en ai réellement super envie et pas seulement lorsque l’occasion se présente ou parce que je PEUX le faire. Au travail, je fais ce que je suis capable de faire. Dans ma vie personnelle, je fais ce que j’ai vraiment envie de faire.
IV. Les autres domMEs
1° La compétition
Aujourd’hui, lorsque je pense à mes autres camarades qui aiment
dominer, je vois des alliéEs et l’espièglerie lie nos sourires pervers dans le noir. Mais cela n’a pas toujours été le cas. En tant que dominatrice débutante, je me suis souvent retrouvée à me mettre en compétition. Je n’en suis pas fière et ces quelques mots sont extrêmement vulnérabilisants à écrire mais c’est pourtant ce
que je veux montrer, que ce n’est pas que puissance et glamour que ce projet de dominer. Quand mon premier soumis rentrait à la maison couvert de bleus que je n’aurais jamais infligé à personne, mon insécurité était incomparable à ce que j’ai pu ressentir lorsqu’il avait d’autres histoires de sexe ou d’amour.
C’était bien pire. Alors que je faisais mes premiers pas dans la guilde des femdomMEs de Berlin, mon esprit s’est mis dans une boucle douloureuse, tellement impressionnée que je l’étais par mes comparses, des femdomMEs de 15 ans de plus que moi, équipées jusqu’au dents et si expérimentées, créatives et perverses, que ma petite confiance en moi acquise auprès de mes congénères de Grenoble et de bottoms transiEs, s’est recroquevillée en boule dans les tréfonds de mon âme. Incapable d’être complètement à ce que je faisais vu qu’une partie de mon esprit ronflait dans ce mode négatif, j’ai bien failli arrêter de faire du BDSM.
Ce qui m’a finalement sauvée, c’est de ne plus aller à Berlin. On a le droit de se protéger des contextes insécurisants. Développer une relation longue et privilégiée avec une soumise, moi qui était à cette époque plutôt une habituée des playparties m’a fait le plus grand bien également. Une bonne domination cérébrale se construit à deux. Là, dans le confort douillet bien qu’épisodique d’une relation stable, me concentrant sur le concret à améliorer grâce à nos discussions plutôt que de me comparer à une supériorité imaginée des autres, j’ai repris lentement confiance en moi. Je suis restée fragile à l’idée d’être abandonnée pour une dominatrice « meilleure » que moi dans mes relations à long-terme avec des soumisES, ce dont je les préviens. Mais la compétition générale est terminée, et ce pour mon plus grand plaisir de partager ce pouvoir en abondance.
Cependant lorsque vous dominez, vous êtes omnipotentE dans le cadre des limites de la réalité et de votre partenaire. Comment donc partager ?
2° Le mentoring
Une bonne façon est de décider d’une sorte de hiérarchie entre les domMEs dans la scène. Un schéma assez classique du femdom à mes yeux est le mentoring, (littéralement mentorat, ou transmission de pouvoir) mais on le retrouve dans d’autres dynamiques courantes, presque institutionnalisées comme le daddy/boy de la culture gay cuir/bdsm, où la dynamique comporte une composante liée à l’âge et à l’expérience, mais est rarement à proprement parler un jeu de rôle qui met en scène des relations sexuelles intrafamiliales. Énormément d’autres scénarios sont possibles pour marquer une différence hiérarchique entre les personnes domMEs de la scène. UnE assistantE au travail, unE servantE, unE écuyerE, unE secondE en chef sur un vaisseau spatial, lea bonNE flic dans un interrogatoire, etc. Il est même possible que le rôle de la personne « au milieu » hiérarchiquement évolue pour avoir de plus en plus de pouvoir au fur et à mesure que la scène avance.
C’est d’ailleurs exactement le but du mentoring. Il s’agit de partir d’une hiérarchie d’expérience entre les deux personnes dominantes. Le rôle de lae domME est d’inspirer, d’encourager et d’enseigner en toute sécurité à la personne apprentie, à dominer en général voire à dominer cette soumisE en particulier.
En tant que femdom débutante, j’ai eu l’honneur d’apprendre de plein de manières différentes. J’ai regardé du porno, j’ai écouté mes propres désirs, je me suis renseignée sur certaines pratiques sur internet, auprès de personnes expérimentées en informel, j’ai assisté à des ateliers donnés par des personnes humbles, expertes et passionnées en même temps. J’ai surtout énormément appris en me soumettant, étant aux premières loges pour assister à la magie de la domination par une maîtresse talentueuse. J’ai aussi beaucoup appris de mes partenaires, dans les moments de retours qu’iels me faisaient. J’ai appris en faisant, clairement. Mais j’ai eu aussi la chance de faire une séance de mentoring une fois. La femdom qui m’a prise sous son aile dans cette scène m’a ordonné de faire des choses sur un soumis et m’a corrigée, en prenant soin de la personne bottom. Puis elle m’a dit, alors que je m’adaptais à ses corrections, que j’étais faite pour être une femdom, et cet encouragement m’a en quelque sorte adoubée. Le pouvoir se partage et il ne fait que grandir en se partageant.
En tant que mentor, j’aime beaucoup transmettre parce que c’est ma passion. Évidement, parler de ma passion me valorise, la transmettre aussi. Cela agrandit mon pouvoir de le partager, d’être capable de l’enseigner aussi. Voilà pourquoi c’est très attirant de prendre ce rôle en plus de l’humilité et la gratification que cela représente de faire partie de la prise de confiance en soi de quelqu’unE d’autre dans un domaine où l’on sait quel parcours cela demande de l’atteindre. De plus, tout comme parler de sexe pendant qu’on en fait augmente l’excitation, parler de domination pendant qu’on en fait peut augmenter le plaisir de la domination.
Quelques techniques pour mentorer : avoir des rôles clairs, se définir une pratique spécifique à transmettre au moins pour ne pas être perdue dans le plan de scène ou dans la leçon (ni vous, ni la personne à qui vous transmettez). Prendre soin des soumisEs tout en étant éloquentE pour parler des pratiques. Bien s’entraîner à être précisE dans ses directives pour l’enseignement. Penser à encourager de temps en temps pour que le sentiment dominant augmente en la personne apprentie. Tout en encourageant le sentiment de pouvoir, encourager son empathie et sa sensibilité pour la personne soumisE, surtout si cette personne n’a pas d’expérience étendue de soumission.
3° Le complotage
Lors d’une négociation à trois personnes, l’envie peut également être de n’avoir pas de hiérarchie entre les deux domMEs ! Dans ce cas, je nomme ce type de co-topping, le complotage. Il sera nécessaire dans les deux cas d’avoir une négociation à trois et une négociation entre les deux personnes tops, mais c’est d’autant plus important dans ce cas puisqu’alors dans ce moment va se décider des choses qui sont gardées cachées à lae soumisE, pour créer une scène dans ses limites et avec ses envies, mais avec une part d’imprévisible excitante pour iel.
Si vous avez une relation régulière avec unE soumisE et que vous désirez touTEs deux inviter unE autre dominantE, pour alléger la négociation, vous pouvez négocier avec votre partenaire, puis négocier avec l’autre domME, et ensuite vous comporter comme si vous « prêtiez » votre soumisE à l’autre, en étant ainsi la garante de ses limites et désirs. Ce qui marche d’autant plus dans le cas où la soumise prend un rôle d’objet...
4° L’objectification.
Il me tenait à cœur de parler de cette pratique dans le contexte d’une scène avec plus de deux partenaires. Il se trouve que c’est une pratique de domination que j’adore. J’ai eu des expériences proprement magiques en tant que soumise en étant une table, un tapis ou une poupée, et j’ai tout autant de bonheur à recréer cette magie dans mes scènes en tant que dominatrice.
Il est possible de pratiquer l’objectification par moment dans une scène ou de baser la scène sur le fait que la soumisE sera un objet du début à la fin de la scène (plus intense). Dans le deuxième cas, la parole devient parfois problématique. Vous n’êtes que deux : l’unE d’entre vous est un objet et ne parle donc pas ou sauf sur commande (robot, poupée qui parle etc), et il est plutôt attendu d’un objet de ne pas s’exprimer non-verbalement non plus. Ce sera donc un sacré défi de planter le décor, raconter une histoire, dominer par la parole. Ce n’est pas du tout impossible, mais ce n’est pas toujours aisé de parler toutE seulE. Moi j’adore, mais il ne faut pas avoir peur d’avoir l’air un peu folle. La personne-objet a besoin de paroles pour qu’on lui rappelle qu’elle est un objet, qu’on la maintienne dans ce rôle, car s’il y a trop de silences, iel peut déconnecter de son rôle, ce qui est dommage. Tout ceci n’est pas insurmontable et j’ai vu des débutantEs très bien s’en sortir et s’amuser parfaitement.
Cependant je recommande à quiconque aime être un objet ou jouer avec des objets soumis de pratiquer à plusieurs domMEs. Car dans ce contexte, on peut parler de l’objet ensemble ou rendre l’ignorance de cet objet qui ne mérite pas d’attention plus agréable. Cela augmente l’intensité de l’expérience et rend la pratique plus facile à mettre en place pour les personnes dominantes. Je me rappelle d’une scène avec deux amies où nous avions joué à deux dominatrices qui arrivaient dans un appartement qu’elles avaient loué, pour s’apercevoir que l’état en était déplorable. Agacées, nous trouvâmes une serpillière dans le placard (qui était ma soumise) pour l’utiliser à toutes les fins possibles.
- - -
Des talons s’approchent du placard à balais. La porte s’ouvre.
— Ça y est ! Elle est ici ! Mais... elle est toute ratatinée, c’est pas sérieux ça… Ma Maîtresse se penche et me ramasse.
— Beurk ! Elle pue ! C’est pas sympa de nous l’avoir laissée dans cet état-là !
Sa complice s’approche de moi et m’attrape à son tour du bout des doigts, me regardant avec dégoût.
— C’est typique ça : ils l’ont rangée encore mouillée… et voilà ce que ça donne.
— Dans l’état où elle est, on aurait qu’à la foutre à la poubelle et en acheter une nouvelle, non ?
Je blêmis.
— On peut peut-être encore en faire quelque chose, on va l’épousseter, déjà.
Je me retrouve étalée sur la table basse, frappée de toute part.
— Toute cette poussière ! Tiens, on aurait qu’à prendre ça, ce sera plus efficace !
Mes fesses me disent qu’elles ont empoigné un martinet chacune.
— Ah, ça devient rouge, on retrouve par endroit la couleur initiale…
Elles s’en donnent à cœur joie, et semblent ravies de redonner vie à cette pauvre serpillière.
— Voilà du violet maintenant !
— Que va-t’on trouver dessous ? Un bleu schtroumph ?
Elles fouettent encore longtemps, de plus en plus fort, jusqu’à ce que je me torde de douleur.
— Elle a l’air mieux, maintenant, tu trouves pas ?
Leurs mains me caressent tout le corps, celles de ma Maîtresse se logent sous mon aisselle.
— Mais c’est une serpillière à poils longs !
— Ça aussi, ce doit être à cause de l’humidité… Des doigts me palpent les fesses, les cuisses, remontent vers mon pubis, s’y arrêtent.
— Ya encore plein de crasse ici, il va falloir frotter…
Et elles frottent. Je couine et me tortille, jusqu’à ce qu’un doigt entre alors dans ma fente.
— Oh mais il y a un trou !! Mieux que ça, c’est un pas-de-vis !
Je sens venir les choses…
— Parfait, on va pouvoir y mettre mon manche à balais.
— C’est vrai, ça on va pas se casser le dos, non plus…
Je connais l’engin : c’est un balai-gode récemment confectionné par ma Maîtresse, que j’ai déjà eu l’occasion d’éprouver. Sa complice me flanque au sol, et m’immobilise, la croupe bien relevée, les genoux sur une serviette, maintenus écartés par un bambou, ficelé à chacune de mes cuisses. Ma Maîtresse est venue derrière moi et me travaille au corps pour faire entrer son manche.
— Voilà, un peu de musique, et c’est parti !
Elle me pousse par derrière, et moi je rampe sur le sol en ravalant les gémissements qu’une serpillière ne saurait émettre, je contourne les meubles, je me laisse guider, il semble que le ménage ne soit qu’une simple affaire de gouvernail.
— Ah, c’est bon d’avoir une serpillière qui fait tout le boulot… ça libère la femme !
- - -
Pendant le jeu
I. Les activités pour se mettre dans le rôle
Bien, selon le plan que je vous conseille, après avoir bien négocié et préparé votre scène, vous allez débuter par des activités pour vous mettre dans le rôle. Pensez à l’eau d’une piscine ou d’un bain, et imaginez-vous y rentrer petit à petit, en commençant par les orteils, en ressortant parfois de l’eau un peu trop chaude, en appréciant peu à peu la sensation de flottement de votre corps.
Quelques conseils :
Il est assez crucial d’imaginer le tout début d’une scène. Comment passer d’un monde à l’autre sans sentiment de gêne ? Moi aussi je ressens toujours un petit trac à ce propos. J’ai quelques favoris que je veux bien partager avec vous. Comme j’adore que l’espace dans lequel je joue, si c’est une pièce, soit comme je le désire, j’ai tendance à la préparer et y passer du temps avant l’heure de jouer. C’est donc négocié qu’au moment de toquer à la porte, ma soumise s’apprête à rentrer dans le jeu en même temps que dans la pièce. Je lui dis alors où se mettre puis je la renomme/la vouvoie. Et je lance mon activité pour me mettre dans le rôle. Au travail le client aussi est dirigé pour ne pas être perdu. « Bonjour, c’est par ici, déshabillez-vous sur cette chaise et rejoignez moi au salon avec l’offrande ». Rien n’est à laisser au hasard dans ce petit moment de transition pour vous permettre d’accéder au domspace.
On peut aussi se préparer pendant le début de la scène, cela crée de l’attente, plante le décor, on peut alors plonger dans ses fetishs, se maquiller ou mettre ses bas devant lea bottom à genoux.
Dans tous les cas prendre les bonnes positions pour se sentir dominantE : se tenir droitE dans ses bottes avec ouverture du plexus solaire. La position de votre partenaire de jeu peut jouer sur votre sentiment de confort, de centrage, de domination, ordonnez donc celle qui vous convient. Pensez à avoir une bonne respiration, même engoncéE dans un corset. Garder en tête que votre confort est très important, même en talons et en string, et commencez la scène dans une position confortable. Respirez pour prendre conscience de votre corps en entier. Caressez maintenant votre tenue et l’étalage des jouets comme un prolongement de votre corps.
Ensuite, marchez dans l’espace, faîtes claquer vos talons (n’ayez pas peur du bruit !), vous pouvez vous toucher, vous étirer, prendre de l’espace, la place qu’on vous donne/qui vous revient.
Une fois cela fait, il peut aider de se faire vénérer/complimenter. Par exemple : « fais-moi un compliment, bof, un plus original, c’est tout ce que t’as ? Répète-le dix fois en me suçant la bite »,
Faîtes-vous renifler, admirer, toucher du bout des doigts, masser etc. Tant de moments de nos vies nous nous dissocions de nos corps, nous avons des complexes, profitez-en pour renverser ces lourdeurs qui appesantissent la relation à votre corps. Ordonnez qu’on complimente votre ventre que vous trouvez d’habitude trop flasque, qu’on embrasse en gémissant la cellulite de vos cuisses qui vous agace en temps normal. Faîtes-vous masser, caresser les parties de votre corps qui vous donnent du souci ou des douleurs. Il y a bien quelque chose que vous aimez dans votre corps/ votre tenue, là tout de suite. Mettez-le valeur dans votre position, parlez-en, faîtes-en l’objet d’un culte dans l’esprit de votre soumisE, un objet de louanges, d’offrande, de prosternation.
L’essentiel n’est pas de suivre cela à la lettre mais de se centrer, de créer cette connexion intense à soi-même, sans compromis. Dans la vraie vie, on est toujours en train de laisser passer les petites choses qui nous gênent, de faire des compromis avec l’extérieur, les autres, le temps, et avec les sensations et limites de notre corps. Pour une fois, on va s’écouter, aller au-delà.
Comment faire ? tout arrêter, respirer, peut-être fermer les yeux pour regarder à l’intérieur de soi et ne rien laisser passer comme « pas important », écouter les pensées qui nous traversent le cerveau et toutes les petites sensations de notre corps.
Mais il ne s’agit pas que du début. Vous découvrirez petit à petit les activités qui vous mettent dans le rôle, vous permettent de vous centrer. Ce qui est très important, c’est de faire une liste de ces activités qui nous mettent dans le rôle et d’y revenir dès qu’on est déstabiliséE ou qu’on ne sait plus quoi faire dans le jeu. Dès qu’on rencontre un moment comme ça, ces activités permettent de se recentrer, de retrouver la connexion à soi.
Pour ne pas ressentir l’attente de l’autre pendant ce moment de centrage, on peut s’arranger pour ne pas sentir son regard plein d’attente(s) qui peut nous perturber : par exemple lae mettre dans une position qui fait qu’iel ne nous regarde pas, ou juste ordonner « regarde par terre, baisse les yeux », même juste d’un index pointé vers le bas.
Les soumisES aiment l’attente, elle est excitante, iels anticipent, se vident l’esprit. Donc prendre son temps pour se centrer, ça n’en sera que meilleur pour les deux personnes. Cela vous paraîtra encore moins bizarre si le centrage se fait pendant une activité ordonnée au bottom : cela peut être tenir une position, masser des pieds, embrasser le sol, faire la table ou le repose-pieds.
Dominer c’est prendre le pouvoir sur le temps, le temps c’est quelque chose qui passe inexorablement, et ça on le subit. Pendant la séance, quand on domine, enfin tout est à notre rythme, ce qui nous permet de profiter pleinement des choses. Plus je prends mon temps, plus j’approfondis chaque pratique. D’ailleurs parfois mes meilleures scènes comportent deux ou trois pratiques physiques seulement, et dans ce cas je m’en délecte encore plus, j’en explore toutes les facettes, je me laisse l’espace de la créativité.
II. Parler
1° Les blocages
Je voudrais explorer pourquoi il est si délicat pour beaucoup de domMEs en herbe de parler. Nous sommes éduquéEs dans une culture du viol qui fait que cela paraît insensé de parler pendant le sexe. Surtout pour les personnes qui ont été éduquées pour devenir des femmes ou le sont devenues dans cette société binaire et patriarcale, à mon humble avis. Mais le sexisme a aussi une autre conséquence : on a peur de sonner comme du porno macho, en particulier pour les féministes de tous poils. Enfin je trouve que dans les représentations genrées, la masculinité est plutôt associée au silence, à la retenue émotionnelle. Et je pense que c’est une des causes de la difficulté à parler en dominant pour les personnes assignées « femme » à la naissance qui ont une expression de genre masculine.
À vrai dire le silence c’est nécessaire dans une scène, ça crée de la tension, de l’expectative, de la place pour la transe et l’introspection. Mais j’ai envie que dominer encourage à faire voler en éclats les blocages ! Et il peut être pratique de parler pour ordonner, pour exciter, pour créer une histoire, pour humilier, etc.
Il y a une raison pour laquelle je vais insister sur la parole : c’est une difficulté que j’ai moi-même rencontrée. J’ai commencé dans le BDSM par la domination, et à l’époque j’avais une expression de genre masculine. Au bout d’un an, cela a commencé à devenir impossible de parler, j’avais peur de ces parties éduquées au porno hétéro à l’intérieur de moi, alors que je devenais féministe. Les phrases venaient à mon esprit mais restaient bloquées, engluées par ma honte. J’ai carrément arrêté de topper en partie à cause de ça, pour y revenir des années plus tard. Il y avait la peur d’être jugée par l’autre, mais avant tout par moi même. J’ai surmonté le problème grâce à plusieurs méthodes, que j’ai vraiment envie de partager, au cas où certaines personnes auraient le même problème que moi…
… parce que maintenant je suis une telle bavarde ! C‘est vrai que parler c’est prendre des risques, c’est s’exposer. Mais comme c’est libérateur de vaincre ses tabous ! De plus parler pendant une activité érotique, c’est comme un mode à enclencher. Une fois les vannes ouvertes, il est alors bien plus facile pour moi de dire à haute voix que quelque chose ne me convient pas. C’est donc une stratégie pour faire savoir mon consentement. Qui n’a pas eu du mal à briser un moment sans mots et pleins de halètements pour dire : « je ne veux pas faire cette pratique » ou « un peu plus bas, s’il te plaît » ? Or si vous êtes déjà en train de tout commenter, la voie est plus accessible, vous n’avez rien à « briser » pour vous faire entendre. Aujourd’hui, mes blocages dépassés, je peux littéralement jouir d’un « bon mot » : une boutade décalée me provoque une joie pure, un double sens spirituel est un plaisir que je recherche et l’escalade dans l’obscénité du vocabulaire inonde ma petite culotte. Les mots sont désormais à ma disposition pour tordre cette réalité si sinistre et la rendre tour à tour drôle, renversée, absurde ou terriblement sexy.
Tout d’abord, si on redoute ces facettes de nos fantasmes qui nous rappellent l’oppression, il convient de se souvenir que nous ne sommes pas responsables de ce que la société nous a appris à sexualiser. Imaginons une machine à laver le linge brassant le lavage de cerveau de cette société, ce qu’on en pense, nos expériences positives et négatives. Et dedans il y a nos désirs propres jetés dans la bagarre sans qu’on ne puisse plus les distinguer du reste. On peut agir dessus, mais essayer coûte que coûte par la volonté de notre mental de les changer n’est pas très efficace. Le premier pas est d’abord de s’accepter.
Pour moi c’est définitivement d’expérimenter avec ces fantasmes tabous qui a tout changé. À partir de là, il y a eu deux conséquences récurrentes à mes mises en pratiques : soit j’apprécie sur le moment, mais au sortir de la scène je me dis que « c’est bon, c’est fait, et ce n’est pas à refaire », je suis à la fois satisfaite et repue. Sûrement parce qu’une large partie de l’attrait était la honte ou le tabou. Une fois démystifié par la mise en pratique, le fantasme disparaît aussitôt. Soit j’en viens alors à la conclusion que j’adore ça et j’explore autant que je le peux. À force d’affiner par l’expérience comment j’aime le faire, il devient moins cliché car il devient mien, je me l’approprie, dans un processus émancipateur faisant voler en éclat le caractère oppressif ou dégradant de la chose. De plus, le mettre en scène avec des partenaires réels, touTEs plus différentEs les unEs que les autres dans leur approche, leur identité, leur expression de genre, et qui me respectent et ne me font subir aucune oppression, je finis par le « re-signifier », sa manifestation imagée dans mon esprit change, il n’est plus tellement un stéréotype mais un fantasme très personnel qui se nourrit d’expériences positives avec des protagonistes queers. À ce propos, cela peut être une bonne idée de jouer avec des personnes qui ont la même identité, ou qui subissent en partie une même oppression que nous. En tant que personne féminine, jouer avec d’autres fems (cis ou trans) m’a ouvert la porte d’un monde où mes fantasmes misogynes avaient la possibilité d’être explorés, puisque cela ressemblait moins au clichés de les mettre en scène sans élément masculin d’aucune sorte.
Ce que vous allez faire en dominant, c’est invoquer parfois de grands fantasmes communs/ collectifs, surtout au travail. Un peu comme une sorcière invoque des esprits. Ils sont là dans la pièce, il suffit d’un mot d’une phrase et ils se manifestent, touTEs les partenaires voient de quoi on parle. Libre à vous de vous en moquer, de les pousser à bout ou de les transformer pour s’adapter à votre réalité queerféministe. Il n’y a pas de règle autre que ce qui vous excite et reste dans les limites de vous et votre partenaire.
Une fois la peur du cliché dépassé, sachez que même une brève recherche sur internet avec votre nouveau vocabulaire de pratiques et fétishs collecté pour bien négocier vous amènera à du porno amateur ou professionnel qui n’est ni hétéro ni cliché ni oppressif. Sans en faire l’apologie car il sera toujours plus stéréotypé que votre pratique en réel, regarder du porno (ou lire des nouvelles érotiques) permet de se muscler de phrases percutantes ou juteuses et de faire le tri dans ce que vous aimeriez dire.
J’ai traversé un moment d’angoisse de la page blanche en domination et cela vous arrivera peut-être aussi. Mais si les phrases chocs sont en vous, il faut les écouter ! Et vous pouvez toujours vous tourner vers vos comparses perverses pour trouver de l’inspiration.
Souvent les clients, quand je leur demande ce qu’ils veulent au téléphone, me répondent, comme si c’était une pratique à part entière : « les mots crus ». C’est dire si votre habilité à les manier vous donne un avantage sur le bourgeois qui la « respecte trop » pour demander cela à sa femme.
Parallèlement, je vous encourage à vous entraîner seulE à parler très fort et distinctement. En effet, parfois la phrase sort enfin de votre bouche mais n’est pas comprise parce qu’on a bredouillé, cela la rend moins sexy et agréable pour nous. Je vous conseille de parler lentement en accentuant chaque syllabe, cela vous donnera l’air encore plus autoritaire et infantilisante !
Si vous manquez d’inspiration il est aussi possible de faire parler les soumisES puis commenter ou élaborer dessus : vous pouvez tout à fait ordonner « trouve-nous un sujet de conversation qui est dans mes intérêts », « décris ce que tu ressens », « raconte-moi une histoire érotique pour me divertir, parle-moi de ton plus grand fantasme, dis-moi comment tu te masturbes, dis-moi quelque chose que tu n’as jamais dit à personne sur tes désirs ». Ou bien pour commencer leur faire lire des textes érotiques et commenter.
2° Parler cochon pour les nulLEs.
Parler cochon ce n’est pas seulement du talent ou des gros clichés ! Il y a des techniques. Tout d’abord bien négocier comment ton/ta partenaire appelle les parties de son corps. Ensuite pendant la scène se lancer à faire une phrase uniquement descriptive. Par exemple « Je te caresse la chatte ». Cela vous fera un peu bizarre au début, mais c’est juste une amorce ! Ou lui demander : « qu’est ce que je suis en train de te faire, dis-moi ». Ensuite vous allez répéter cette phrase. Puis la répéter en rajoutant un adjectif : « je caresse ta chatte mouillée ». Puis la répéter encore en ajoutant un autre adjectif ou en changeant un des mots « parties du corps » : « Je caresse ta fente bien juteuse ». Puis faire répéter à la soumise. Le résultat est une prise de conscience de ce qui se passe pour la soumise, elle n’est plus que dans la sensation physique, elle se voit se donner en même temps, ce qui participe à l’augmentation de l’excitation des deux côtés.
3° Donner des ordres pour les nulLEs
Si donner des ordres est un peu ardu pour vous, un bon exercice est de se mettre dans une position confortable, respirer, s’écouter et si la moindre contrariété existe après s’être scrutéE, c’est l’occasion d’en faire un ordre.
Une fois installéE et bien centréE vous remarquez que vous avez une tension dans l’orteil ? Hop massage de pied ! Une pensée parasite ? Hop « raconte-moi la dernière fois que tu t’es masturbéE », On n’aime pas ce qu’on entend ? « Chante-moi une chanson ! » Visitez tous vos sens ! On n’aime pas ce qu’on voit ? Range-moi ça, change de vêtements, écarte plus les jambes ! N’oubliez pas le toucher, l’odorat…
Autre exercice : toujours dans une position confortable, bien centréE sur vous, l’exercice consiste à ne bouger pour rien. J’appelle cela le « flemme dom ». Plutôt que de faire les choses soi même, tout ordonner : « fais-moi boire mon thé, enlève mes bas sans toucher ma peau, apporte-moi les cannes ! » Pour une fois dans votre vie de féministe, ne rien faire c’est le pouvoir. Ne faire surtout aucun effort pour aider, comme ça la tâche est plus dure pour elleux et cela peut soit vous divertir, soit être le ressort qui vous amène à punir ou humilier.
Dans mon expérience, le truc déstabilisant c’est les soumisEs qui se précipitent. Cela revient à me couper la parole ! C’est vous qui avez le pouvoir sur le temps, tout se déroule à votre rythme alors que ce soit clair, les soumisEs doivent écouter entièrement l’ordre, s’en imprégner puis l’exécuter quand celui ci est bien ingéré. Prenez votre temps et imposez votre rythme.
4° Renommer
Autre technique pour insérer de la parole, renommer. Évidemment vous pouvez commencer par vous renommer vous-même : madame, maîtresse, ma reine, monsieur le professeur etc. Cela peut être négocié en avance mais aussi être une des premières phrases que vous prononcez dans la scène : « à partir de maintenant tu vas t’adresser à moi dans ces termes ». Un amusement sans limites pour moi est de renommer les soumisES : avec des noms ridicules, des noms d’objets, des pratiques sexuelles, des noms d’animaux, des numéros plus ou moins grands, des insultes. Le vouvoiement/tutoiement, notamment des soumisEs, est une technique que j’affectionne, car en effet, vouvoyer est une domination puisque cela met à distance. Et vous vous sentirez peut-être plus vénéréE si on vous vouvoie avec déférence.
5° L’équilibre parole/silence
Pour finir sur la parole : je vous conseille de ne pas non plus avoir peur des silences, ils créent de la tension dramatique. En revanche il ne faut pas non plus avoir peur de trop parler. En tant que soumise, je plonge dans l’état hypnotique de subspace intense surtout dans le silence. Mais c’est le rôle de lae domME de me ramener de cet état de temps en temps pour que je sois présente aussi dans l’interaction dynamique de domination / soumission.
Les paroles ça me permet de me mettre dans le rôle de dominatrice, et aux bottoms de se sentir soumisES : donc ne pas avoir peur de trop parler. Avoir la parole c’est indéniablement avoir le pouvoir, là je n’ai rien inventé.
Donc l’idée serait de bien doser les moments intenses de parole, puis les moments ou il y a plus de silences mais où chaque phrase, parce qu’elle est rare, aura plus d’intensité.
Surtout n’ayez pas peur de parler toutE seulE. Faîtes les questions et les réponses, racontez une histoire, inventez un épisode précédent la scène. Moi je fais carrément des jeux de mots qui ne font rire que moi, ou bien je me délecte des double-sens à foison, appuyéE par le décalage entre ce que je déclame et ce que je fais. Ecoutez-vous parler, un plaisir coupable auquel il est malpoli de goûter dans la réalité et tout à fait permis dans votre scène. Planter le décor de votre univers, parlez de vous, ce que vous aimez, comment vous l’aimez, vous avez toute la place pour une fois.
- - -
Elle se maquille et se contemple, face au miroir depuis lequel elle me surveille.
Je suis assise sur le lit, j’observe ses gestes appliqués, sa nuque rasée, le grand tatouage qui habille son buste, et ses petits coups d’œil jetés à mon égard. Elle enfile un bustier, une paire de bas, et se retourne.
— Prends le coussin noir et rejoins-moi.
Je m’exécute. Elle désigne le sol à ses pieds.
— Pose-le là, et assieds-toi dessus.
Je deviens toute petite alors, recroquevillée sous son corps me surplombant.
— C’est ta place, désormais.
Elle pose une main sur ma tête, me caresse doucement, comme on prend possession d’un petit animal de compagnie. Puis elle resserre les doigts et m’empoigne les cheveux, tirant ma nuque en arrière.
— À partir de maintenant, tu vas m’appeler Maîtresse. Son regard me dévisage.
— Et bien sûr, tu vas me vouvoyer, cela va sans dire. Mon silence acquiesce, mais cela n’est pas suffisant, car son autre main attrape ma gorge et y enfonce ses ongles.
— C’est bien compris ?
Il y a urgence à répondre.
— Oui... Maîtresse !
Elle me lâche et retourne à son miroir.
— C’est bien.
- - -
III. Rester connectéE :
1° À soi-même
J’ai évoqué plus haut mon utilisation d’un plan de scène pour créer une apothéose dans le jeu. Cela a aussi l’avantage qu’il y a moins de moments de flottements, de « zut, je sais pas quoi faire après » ; on sait où on va et on prend son temps (et son pied) pour y aller.
Plan ou pas, il y aura toujours des moments où on se sent déconnectéE de l’autre, mais aussi déconnectéE de soi. Dans ce cas, le remarquer et plutôt que de se jeter dans l’action, s’arrêter et passer à une activité qui nous recentre et nous mets dans le rôle (voir dans le chapitre Pendant, I) et de là, décider de la façon de continuer. Cela peut être un massage de pied, ou vous asseoir alors que lae bottom se prosterne ou même aller faire pipi, boire, vous admirer dans un miroir. SeulE vous avez en tête la liste des activités qui vous recentre. Il convient de bien s’écouter, d’être attentiVE à la connexion à l’autre, de ne pas se dire « c’est pas grave, je fais ce qui est prévu » (dans le plan ou dans la négociation), l’important c’est de prendre du plaisir à chaque instant.
Écoutez bien votre niveau d’énergie, de perche, vos limites physiques (mal au pieds, faim, soif etc) et soyez souple sur le plan s’il est clair que vous avez moins d’énergie que prévu. Anticiper et apprendre à se connaître peut éviter les fins de scènes abruptes, ce qui représente souvent moins de plaisir pour vous et lae soumisE. Une apothéose savamment amenée et une redescente bien maîtrisée, c’est étirer le plaisir jusqu’à bien après la scène.
Attention : anticiper la redescente, la prendre en compte si on a décidé d’un timing pour jouer. Aussi anticiper qu’on doit enlever le bondage, ou les aiguilles etc. Notamment si on est perchéE déjà. À mesure qu’on joue, on apprend à se connaître là-dessus.
2° À l’autre
Ce qui peut déconnecter, c’est souvent l’incertitude qu’on est bien dans les limites de l’autre. Il y a des manières de ne pas sortir de son rôle et de vérifier cela. Même si en cas de gros doutes, on peut juste dire « jaune » et vérifier, il vaut mieux ça que de faire une connerie ou de rester dans le doute le reste de la scène (alors on ne va pas prendre du plaisir, on ne sera pas dans l’instant présent). On peut par exemple faire écrire à l’autre sur un papier ce qu’iel veut, ce qu’iel ressent, ce qu’iel a envie pour notre scène. On peut imaginer d’instaurer un bouton sur la personne sur lequel dès qu’on appuie, iel doit dire ce qu’iel ressens. On peut lui ordonner : « prends quelques secondes pour y réfléchir et dis trois mots qui décrivent ce que tu ressens là tout de suite ». On peux aussi poser des questions, faire des commentaires, exprimer par exemple que ça nous embête que la personne refuse une pratique, mais bien sûr au final on va respecter sa limite. « Ah non ? Bien, dans ce cas on va faire autre chose » et introduire une pratique soit plus difficile soit plus apparentée à une récompense. Ou alors infantiliser « oh alors comme ça on a peur de l’électricité, pauvre petitE, c’est vrai que ça fait mal, surtout aux petits bébés comme toi, tiens viens téter maman ». C’est à nous de trouver des alternatives. C’est mieux d’un point de vue du consentement et cela montre parallèlement qu’on est impossible à déstabiliser.
Restons clairEs : dire un safeword ou arrêter la scène parce que la personne dit son safeword ce n’est pas à éviter. La sécurité avant tout ! Mais si on connais bien la personne ou si on est au travail (négociation très rapide et désirs des clients très communs), pour des raisons de fluidité de la scène, des possibilité existent pour renégocier des choses ou s’assurer du consentement du/de la soumisE tout en restant dans son rôle.
Pour recréer de la connexion n’oubliez pas de faire attention au confort du corps de votre partenaire et de bien écouter sa respiration. Vous pouvez donner, pendant la scène, des repères sur où en est on dans le déroulé prévu, ce qu’on va faire après, cela aide les bottoms à se repérer et à tenir une activité qui pousse leurs limites, à se dépasser. Par exemple : « Encore 10 coups et tu auras ta récompense ».
IV Plan de scène
1° Plan de scène type
J’ai déjà parlé plus haut de ce que m’avait apporté de penser à l’avance un plan de scène. Je vais maintenant détailler comment je procède pour le faire. J’ai donc un « plan type » que je n’ai pas inventé, mais qui m’a été conseillé par une dominatrice berlinoise, qui proposait un atelier et une brochure sur le thème « Dominer avec moins de stress et plus de contrôle ». Le plan type est en 3 parties, j’ai rajouté une apothéose, un sorte de pic d’intensité dans la construction de la scène.
- Rentrer dans son rôle : Au début faire des activités qui nous mettent dans le rôle, prendre son temps pour mettre en place une ambiance.
- Défier : Ensuite enchaîner sur une activité qui met au défi lae soumisE. Une activité graduellement difficile dans ses limites et son intérêt. S’iel est maso, faire de la douleur, si iel aime l’humiliation, lui faire faire une activité qui attirera vos commentaires salaces et dégradants, si iel aime leservice, donner une tâche et compliquez-en la réalisation en lae contraignant physiquement ou avec un tas d’autres tâches. Mettez la pression. C’est le moment où on va progressivement dans une intensité de pouvoir forte et où lae soumisE va dans ses retranchements de soumission, qu’iel décide de pousser ses limites et de se sentir fièrE d’y avoir survécu.
- Apothéose : moment le plus intense, Climax
- Redescendre : Prévoir une ou des activités qui sont agréables pour vous deux.
Quand je négocie, je prends soin d’écrire les pratiques que lae soumise et moi avons envie de faire, et je réfléchis d’abord à l’apothéose. Ensuite, je cale les pratiques dans les différents autres moments afin qu’elles mènent à l’apothéose, et c’est comme ça que je construis la scène.
Dans chaque partie, je peux mettre plusieurs pratiques, soit parce que je prévois une scène longue et qu’on se sent de faire plusieurs pratiques, soit parce que je ne connais pas bien les personnes ou ai du mal à prévoir mon état, et dans ce cas je me prévois plusieurs options pour chaque partie et je choisis au moment donné sur le tas.
Avoir un plan de scène m’a également permis d’intégrer plus de bondage dans mes scènes. En effet, vous attachez la personne à quatre pattes mais finalement vous avez envie de donner des coups de martinet sur le torse de la personne. Que faire, vous voilà coincéE. Plus que tout autre pratique, le bondage force à anticiper, je trouve. Mais d’autres pratiques sont en quelque sorte très intenses et demandent que la soumisE soit déjà dans un certain état de soumission pour l’accepter. Donc avoir des plans de scène permet clairement de construire le « chemin » vers ce geste, cette situation ou ce mix de pratiques vers lequel vous voulez aller. Ou alors vous désirez avoir du plaisir sexuel dans cette scène ? Pareil, il vous faut construire un parcours de santé avec à chaque étape des pratiques pour en arriver à un certain état d’excitation pour vous ou pour l’autre. Construire une scène pour moi, c’est avoir un plan.
2° La souplesse du plan
Bien sûr le plan n’interdit pas l’improvisation (dans les limites déjà négociées). Pour moi le plan, au contraire, permet la créativité. Il faut se sentir bien, libre, infiniment soi-même et en confiance pour être créatifVE ! Donc il vaut mieux être dans l’instant présent et non dans le doute et l’anticipation crispée. Un plan n’est pas strict et vos réactions comme celles de votre partenaire pourront parfois vous surprendre. Cela fait partie de votre rôle de rebondir sur les imprévus, ce que vous ferez avec plus de facilité si vous savez où vous allez dans votre esprit. Le plan vous libère, il n’est pas là pour créer du stress.
V. Érotisme
1° La place de l’excitation sexuelle
Parce que je joue parfois avec des amiEs, ou parce que c’est possible de jouer avec des personnes asexuelles ou simplement des bottoms qui ne sont pas attirés par l’érotisme dans le BDSM, ou encore parce que ce n’est pas ce qu’iels recherchent dans cette scène ou dans le fait de jouer avec moi, je pense qu’il est important de négocier si la scène aura ou pas une couleur érotique.
Si on décide que non par exemple, dans ce cas je ne vais pas aller dans cette direction. Même si moi je ressens de l’excitation sexuelle pendant la scène, je ne vais pas en parler, insister sur des pratiques qui le feraient apparaître, et moi-même je vais ignorer ce sentiment en moi. Inutile de le réprimer ou d’en avoir honte, je vais juste le remarquer, l’accepter et choisir de passer à une autre sensation parmi les nombreuses sensations qui existent dans mon corps et mon esprit à ce moment là.
Maintenant, si on décide que la scène peut avoir une connotation érotique, dans ce cas elle peut très bien l’être sans qu’il y ait à proprement parler de sexualité, de toucher génital, ou anal, de jouissance orgasmique. Comment ? Je dirais qu’une partie importante réside dans la gestuelle. Pour indiquer de l’excitation, c’est toujours intéressant de se toucher soi-même. En tant que domME, s’aimer, se caresser les bras, les jambes, toucher les parties fétish de sa tenue, prendre certaines poses pour être admiréE et désiréE sont des choses simples, qui n’impliquent même pas de génital ou de jouissance, ni forcément de toucher des parties traditionnellement vues comme érogènes (les seins, le sexe, les fesses) et qui ne réclament que votre consentement avec vous-même. Ces gestes et postures qui vous font vous sentir désirable et sexy, vont donner une connotation érotique forte à la scène, susciter l’excitation et la faire exister. Quel bel espace pour la partager avec une personne consentante ! Indéniablement, cela renforce votre pouvoir car une excitation sexuelle décomplexée, assumée et appropriée est un élément de pouvoir notamment pour les femmes/ les personnes féminines (cis ou trans). Étant donné l’immense slut-shaming* qui régit nos vies de femmes ou assignéEs telles, l’interdiction récurrentes pour les personnes féminines ou femmes de ressentir de l’excitation et de l’exprimer, la satisfaire selon leur propres termes, il en faut peu pour en faire un instrument de pouvoir. C’est indubitablement ce qui attire beaucoup de clients vers les dominatrices pro.
2° La sensualité disséquée
La sensualité est tout à fait essentielle. On a parlé du toucher, se toucher soi-même, ses vêtements ou sous-vêtements, ses chaussures, les murs et meubles qui nous entourent aussi, vos jouets et accessoires. Si vous créez une scène où vous touchez peu de vos mains lea soumisE, les rares caresses que vous effectuez sur le dos, dans la nuque, au creux de l’oreille de votre partenaire seront magnifiées. Vous pouvez vous servir de cette technique pour souffler le chaud et le froid aussi. C’est grâce aux quelques caresses, frôlements et « huuuuuum » indiquant votre plaisir que vous aiderez la personne à apprécier et tenir le coup des activités qui lae mettent au défi.
Les sens, ce n’est pas que le toucher, les sons sont importants, vous pouvez indiquer votre excitation ou votre plaisir par une quantité de bruits non verbaux, gémir, glousser, faire rouler votre salive dans votre bouche, laisser libre cours à votre respiration qui devient plus lourde et plus sonnante. Mon petit préféré : ordonner à votre partenaire de gémir. Qu’iel soit excitéE ou non n’est pas tellement votre souci, vous voulez créer votre propre porno, lae faire gémir pour votre plaisir, en train de faire une activité sexuelle ou pas. Pourquoi ne pas lui ordonner de gémir alors qu’elle lave la baignoire sous vos ordres ? N’hésitez pas aussi à faire dire ou répéter à l’infini des phrases qui vous ravissent, comme « je suis une petite salope à la fente avide » ou « votre talon enfoncé dans mon dos est un délice, maîtresse ». Vous pouvez aussi lui demander de vous faire des compliments.
Il y a le goût également. Goûter les fluides de votre partenaire si cela vous tente et que c’est négocié. Ou les vôtres. Goûtez vos lèvres, vos doigts.
L’odorat (oui on va tous les faire). Reniflez bruyamment, une culotte mouillée, un anus frétillant, des pieds adorables, des aisselles dégoulinantes. Même de loin vous pouvez sentir l’air s’épaissir d’excitation, de sueur dépensée pour vous faire plaisir, de latex polit et brillant. Profitez de toutes ses sensations et montrez-le car elles sont à vous, pour votre plaisir (profitez- en pour faire des pauses, respirer, vous recentrer sur ce que vous désirez).
Enfin la vue. Vous êtes lea metteurE en scène. Ce qu’il vous plaît de voir, vous pouvez l’ordonner (dans les limites du possible et dans celles de vos partenaires). Faites attention à chaque détail qui vous dérange. Apprenez les parties du corps, votre gauche de votre droite et prenez votre temps pour indiquer précisément dans quelle position vous désirez voir votre partenaire. Ou le décor.
Faites plaisir à vos yeux, d’un point de vue esthétique ou pornographique.
3° La parole encore
Parler d’excitation est aussi une excellente manière de teinter une scène d’érotisme sans forcément avoir des activités sexuelles. Faîtes des commentaires sur ce que vous ressentez dans votre corps, votre mouille qui patine votre trou, vos seins qui pointent, votre anus qui frissonne, vos orteils qui vibrent, faites des commentaires sur l’excitation de l’autre, un cul qui se dandine, un mouvement de hanche convaincant, un clito /dicklit / pénis (ne pas présumer du genre de qui porte chacun de ces organes svp) qui se durcit, des spasmes dans le bas-ventre, de la salive qui coule, un string humide, châleur et transpiration, rien ne vous échappe, et c’est en partie pour cela que vous êtes puissantE. En en parlant, vous provoquerez sans doute un accroissement de la sensation. Attiser l’excitation en la mettant en valeur, c’est une technique simple et accessible.
Vous pouvez toujours ordonner à votre partenaire d’être excitéE si vous êtes déjà suffisamment entréE dans son esprit par la construction de la scène et les pratiques qui vous ont amenées à ce stade. Si vous avez un doute sur le fait que vous puissiez être complètement à côté de la plaque, demandez à votre partenaire d’évaluer son excitation sur une échelle de nombres. Choisissez un nombre très élevé et incongru comme ça vous ne serez pas déstabiliséE ou vexéE (en tout cas moins déstabiliséE si on vous dit 166 sur 400 que 4 sur 10).
Je me répète mais encore une fois, en cas de doute sur quoi que ce soit, trouvez un moyen d’avoir la vérité, vous resterez plus connectéE à votre bottom mais aussi à votre espace dominant. Un doute, si on décide de l’ignorer, reste là et vous déséquilibre.
4° La lenteur toujours
C’est peut être très personnel mais pour moi sensualité = lenteur, donc si vous voulez apprécier chaque sensation, il faut que les ordres soient exécutés lorsqu’ils sont bien entendus et avec lenteur. Je n’ai jamais pris de plaisir à une bouche empressée qui me dévore les pieds, alors qu’une langue qui prends son temps et me laisse le loisir d’apprécier chaque léchage d’orteil est précieuse. Arrêtez de vous adapter à ce monde si frénétiquement rapide, ne vous adaptez qu’aux limites de votre soumisE et à l’espace que vous avez en main.
5° Transcender l’anatomie
Une autre manière de créer de l’érotisme sans pratiquer de sexe est de transcender l’anatomie par vos actes et paroles. Inventer des zones érogènes, déplacez-les, multipliez-les par rapports aux traditions et normes du sexe vanille*. J’aime découvrir des clitoris à des endroits incongrus, comme au bout des tétons, derrière les oreilles, dans les replis de l’extérieur d’un anus. Quel que soit le genre et le corps de la personne, en particulier si vous jouez avec des personnes déconnectées de leurs parties génitales à cause de la dysphorie de genre, de problèmes de santé ou de traumas passés. Cet espace entre les dents et l’intérieur de la joue n’est il pas un parfait nouveau vagin à doigter ? Cet orteil ne doit il pas être bien sucé comme une verge, l’intérieur de ce genou ne mérite-t-il pas un cunnilingus en bonne et due forme ?
L’excitation produit également des réponses physiques très factuelles. Par exemple, le sexe se gorge de sang, on a chaud, la respiration et le rythme cardiaque s’accélère, on transpire, on salive, on mouille (pas seulement les vulves).
Pourquoi ne pas faire des pratiques qui feront arriver au même résultat afin de provoquer un peu les choses ? Par exemple mettre des pinces agréables avec du poids sur les lèvres extérieures d’une vulve va provoquer un afflux sanguin dans cette partie-là du corps. Voilà une bonne base. Crachez sur un sexe, il sera mouillé ! Faîtes faire des pompes, votre chaussures posée sur un dos et vous obtiendrez transpiration, chaleur et rythme cardiaque accéléré !
Une activité qui me met souvent en excitation lorsque je domine alors que je ne le suis pas, (par exemple si je fais un client) : les faire danser sur de la musique de pétasse, cela me fait bouger, me fait rire et me rappelle de bon souvenirs de libération de ma pétasse nymphomane intérieure avec mes copines sur le dancefloor. Instantanément, je me retrouve excitée à la fin du morceau. Trouvez-vous aussi vos interrupteurs d’excitation et utilisez-les ! Les fétishs en sont de très bons si vous connaissez les vôtres. Est-ce les chaussures, le cuir, les couches, les jolis pieds odorants ? Explorez-vous !
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Elle reprend une aiguille et soupire de contentement.
— Aaah... j’ai toujours rêvé de faire du point de croix...
Elle me décore le ventre de six autres aiguilles. Voilà, c’était la dernière. Elle prend du recul et me contemple ainsi tricotée. J’ai le regard qui fait des huit, des picotements me traversent tout le corps.
— C’est beau…
Sa grande joie est réconfortante, même si la douceur de ses mains flirte avec la morsure des aiguilles. Je sens son regard caresser ma douleur, et j’ai alors le sentiment qu’elle entre dans un état second, dans une contemplation toute particulière, à l’image de l’application que j’ai vu dans chacun de ses gestes, à la croisée entre sadisme et bienveillance. Elle se lève soudain, et revient avec un rouleau de ruban à cadeau, brillant d’une belle couleur violette ; je vais être assortie à sa robe à dentelles, et j’ai l’impression qu’elle va se faire un plaisir de m’emballer comme elle l’entend. Elle passe un ruban sous le premier point de croix, et monte l’autre extrémité jusqu’au plafond, où m’attend l’anneau que j’avais dû fixer l’après-midi-même.
Un petit nœud, un sourire en ma direction.
Petit à petit les rubans s’élèvent, se tendent. Je la regarde faire, absorbée dans la patience de son œuvre, aller et venir de mon nombril à son plafond, et j’imagine alors une grande araignée, tissant sa toile méticuleusement autours de sa prise, posant les jalons de son empire. Le dernier ruban noué, elle reste debout, me surplombant, comme de l’autre côté d’un rideau. Ses mains passent entre les rubans, les écartent plus ou moins doucement, ça me tire la peau, ça m’arrache des plaintes, ses doigts jouent, ses yeux rient. Il y a dans son regard à nouveau cette teinte fascinée, ces éclairs de jubilation, à tel point que je me sens moi-même hypnotisée par la magicienne qu’elle est soudain devenue. Me voilà petit pantin qui tressaille à distance, répondant, fidèle, à la finesse des intentions d’une marionnettiste avisée. Toute puissante alors elle s’improvise harpiste, et fait tinter chacune de mes cordes, se délectant de mes tonalités gémissantes, des silences qui résonnent entre les lignes des mots que je prononce :
— Vous êtes magnifique.
Et de ceux qu’elle file entre ses lèvres comme une soie perverse.
— Je sais.
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VI. La honte
1° Jouer avec la honte
La honte est une des émotions avec laquelle je préfère jouer, avec le recul c’est clairement ce qui m’a attirée en premier vers le BDSM. J’en avais trop, logée dans ce que je désirais et en même temps trop peu à certains endroits, selon le jugement des autres. Il y a beaucoup de tabous dans notre société et ils nous impriment profondément, jusqu’à ressortir de manières diverses dans nos fantasmes, parfois recréés à la perfection, parfois qui en prennent le contre-pied. Les tabous sont parfois excitants à rejouer, ils créent comme un effet hallucinatoire dans le cerveau. Lorsque je mets en scène un tabou dans une scène, je me détache parfois de ce que je fais, soit pour en rire, soit parce que je suis sous le choc : le décalage entre l’interdit du tabou bien intégré dans mon esprit et son exécution dans le réel (en « pour de faux ») crée le sentiment d’halluciner.
C’est parfois un sentiment que je garde bien après une scène et que j’adore ressentir.
2° La honte de la personne dominante.
En tant que dominatrice, j’ai honte de certains de mes désirs, de certains de mes fantasmes. Et pourtant je joue avec. Je crée les conditions pour ressentir de la honte dans un espace safe, que je contrôle, et cette honte est profondément érotique. Donc non, la honte dans la domination ce n’est pas seulement mettre les soumisEs dans l’embarras mais jouer avec sa propre honte. Exemple, j’adore jouer à la maman et c’est un jeu qui m’excite sexuellement énormément. J’en ai honte. Je le fais justement dans ce but, car la honte est une partie de ce que je recherche dans ce jeu, et le fait même d’en ressentir m’excite encore plus. Quel cercle vertueux...
3° La honte des soumisEs
L’humiliation est une pratique délicate à négocier. Ce qui ne veut pas dire que c’est impossible ! Pour commencer il faut comprendre que l’humiliation a globalement deux types de réponses chez les soumisEs : il y a l’humiliation érotique et l’humiliation réelle. Par réponse j’entends que à aucun moment la personne domME ne cherche à humilier réellement ! Par contre ce que vous allez utiliser pourra être mal reçu, pour cela il faut négocier, utiliser ses safewords, puis affiner dans une relation de jeu à long-terme si c’est souhaité.
L’humiliation érotique est un sentiment éminemment positif. Un mot, une phrase, un geste humiliant et on se sent touchéE par la grâce, enfin comprisE, valoriséE et renforcéE de pouvoir vivre son fantasme dégradant selon ses propres termes. Certes, une petite partie de nous se recroqueville un instant mais pour mieux rebondir dans une chaleur brillante qui nous parcourt le corps et nous arrache un sourire. Elle densifie l’excitation comme un coup de canne bien placé. Elle nous libère de la honte en nous l’infligeant. Elle nous donne une conscience aiguë de notre être tout en le magnifiant.
L’humiliation réelle est un sentiment négatif. Elle crée le vide en nous enlevant tout pouvoir. On a envie de se rouler en boule à l’intérieur de soi-même, on ne se sent ni libéréE ni valoriséE. Et encore moins excitéE.
Avec la pratique les personnes qui se soumettent apprennent à distinguer quelles pratiques d’humiliation elles n’ont pas envie de vivre car elles provoquent un sentiment d’aliénation chez elles, et lesquelles sont plutôt des catalyseurs de leur excitation. Il y a aussi des pratiques qui nous rebutent d’emblée, avant même de les avoir vécues, il faut carrément s’écouter là dessus. Cela peut être général, par exemple, on ne veut pas être infantilisée, ou plus spécifique, on ne veut pas être humiliée sur notre pilosité, ou se faire traiter de « chienne ». Cela ne veut pas dire qu’on ne va pas apprécier d’être objectifiéE sexuellement, humiliéE sur l’étroitesse de notre vagin/la petitesse de notre verge ou traitéE de « salope » ! Je conseille d’ailleurs aux soumisES débutantES d’avoir beaucoup de limites, il vaut mieux les faire tomber à son rythme en découvrant de nouveaux délices que d’être traumatiséES dès les premières fois. D’ailleurs, face à unE soumisE débutantE qui me dit n’avoir aucune limite, je suis très hésitante à entamer une initiation.
4° Cartographie de l’humiliation
Après avoir négocié ce qui est de l’ordre de la honte érotique (avec laquelle on peut jouer) et de la honte réelle (à proscrire) avec votre partenaire voilà un certains nombre non exhaustif de pratiques que vous pouvez envisager ensemble, liste pratique pour négocier :
- Humiliation sur le non-suivi des règles générales et implicites de comportement en société comme être habillé, être propre, se tenir debout ou assis, que certaines choses soient considérées « privée ».
– (Se) Salir : ordonner que lae bottom se fasse pipi dessus, qu’iel mange sans couvert, rampe à quatre pattes dans la boue, jeux avec différents fluides : pisser sur les bottoms, leur cracher dessus, l’éjaculat, la transpiration, le liquide prostatique, les règles ...
– L’habillement / la nudité : soumisE nuE/dominantE habillée, s’habiller sexy, la féminisation forcée (sur n’importe qui, quelque soit son corps ou son genre), devoir marcher avec son pantalon / ses sous-vêtements baissés
– La privation d’intimité : ordonner à l’autre de laisser la porte des toilettes ouvertes, de tenir un journal de masturbation, raconter ses fantasmes à lae top,
– Positions : Lae top s’assoie sur une chaise, le bottom sur le sol, prendre des positions exposantes comme les mains derrière la nuque et les jambes écartées, ou le ventre à terre et le cul vers le plafond
- Déshumanisation
– Humiliation sur le self-control : remarquez quand les bottoms mouillent, ont une érection (d’un pénis, les clitoris durcissent aussi avec l’excitation et il y a les dicklit et les godes aussi dans la vie), se bavent dessus, se font dessus
– Votre contrôle : les bottoms doivent demander pour aller aux toilettes ou la permission d’avoir un orgasme, vous décidez de l’heure du coucher. Contrôler l’érection grâce à une cage de chasteté, restreindre le contact visuel, les faire envoyer des photos / vidéos de tâches accomplies. Vous pouvez écrire des choses humiliantes sur le corps nu de lae soumisE.
– Le divertissement : ordonner aux soumisES de chanter, danser ou faire des strip-teases pour vous.
- Dégradation humoristique :
– Rire de, vous moquer (vous pouvez aussi rire avec la personne, rire de vous-même, que vous soyez top ou bottom) il n’y a pas de règles sur la façon de jouer avec cela.
– Ordonner de porter des vêtements ridicules (comme des vêtements qui ne correspondent pas à votre âge, votre genre, votre statut social, ou le dresscode de la soirée), porter un nez de clown, porter un panneau stupide autour du cou
- Humiliation sur le désir :
Celle-ci est très efficace dans cette société sexe-négative où le désir est une honte, en particulier le désir des personnes oppressées par le cishétéropatriarcat. En anglais on appelle ça communément le « slut-shaming * ». Je pense que cette brochure contient un grand nombre d’exemple précieux, mais je peux ici en donner d’autres pour se faire une idée : faire faire une activité dégradante sexuellement dans l’imaginaire commun et remarquer à voix haute que ça excite la/ soumisE, l’humiliation sur la tenue sexy de la personne, sa mise à disposition sexuelle à d’autres personnes, même imaginaires.
– Dégradation sexuelle possibles : scenarii de viol, gang bangs, orgasmes forcés, devoir se masturber devant lea top, abstinence, cage de chasteté par exemple, utilisation de la pornographie comme forcer à regarder ou forcer à produire
– Humiliation publique : remettre vos sous-vêtements à lea dom dans un espace public, demander un tape-tapis ou une poire à lavement dans un magasin, subir une fouille corporelle complète devant d’autres personnes à une fête. Comme je le disais plus haut, il faut quand même s’assurer que les personnes qui regardent soient consentantes. En tout cas moi, je préfère jouer publiquement dans un espace BDSM dédié, avec des règles. u
- Dévalorisation
– Humiliation sur les compétences : cela peut être des compétences générales ou personnelles comme de se tenir droite, de terminer ce qu’on a commencé, de faire des efforts de bonne tenue. Mais aussi des compétences de soumisE : exprimer ce qu’on ressent, lécher des pieds, nettoyer des sous-vêtements délicats, faire du service sexuel
– Jouer avec des zones personnelles de honte : « Je suis unE mauvaisE élève », « Je suis trop grande gueule », « je suis maladroitE », « je ne suis pas assez motivéE »
– Faire parler lea soumisE, lae faire lire, réciter en même temps qu’une autre activité qui rend la concentration difficile, comme le fait de se prendre des coups de canne ou de se faire pénétrer
– Infantilisation : cela va du tapoti sur la tête, en passant pas l’adjectif « petitE » jusqu’au véritable jeu de rôle adulte / enfant. Certaines infantilisations humiliantes peuvent aller de servir de la nourriture d’enfants pendant que les « grands » mangent de la nourriture normale à forcer un temps de sieste.
- Humiliations évoquant les oppressions structurelles
Par exemple l’humiliation raciste, transphobe, grossophobe, sexiste, misogyne, validiste… Je ne donnerai pas d’exemples, cela pourrait être lourd et violent à lire. Mais voilà, c’est un fait que cela excite des gens. Tant que cela se passe entre adultes consentantEs conscientEs des risques sur la psyché que cela comporte, pourquoi pas ? Quels sont ces risques ? Cela dépend beaucoup de chaque personne. Se connaître soi-même et ses potentiels déclencheurs de trauma est un long chemin, essentiel pour jouer et donner son consentement de façon éclairée. Et parfois c’est dans le jeu que l’on se découvre. Soyez conscientEs que jouer signifie prendre des risques ensemble et demandez vous bien si vous avez la ressource de passer 1h à ramasser quelqu’unE après un ROUGE si vous vous lancez dans un tel jeu. Si vous ne vous sentez pas si proche de la personne mais que vous voulez quand même avoir du BDSM avec elle, ayez des ressources d’amiEs et de camarades à portée de voix. Négociez bien tout cela.
Après j’ai surtout rencontré des personnes qui veulent jouer avec ces oppressions qui en sont elleux-même victimes (ou qui l’ont été). Qui peux les juger ? Tant que les participantEs s’amusent et le désirent, à mes yeux tout va bien (faîtes attention au public néanmoins). Enfin certaines personnes recherchent le jeu autour des choses qui les oppressent d’habitude pour revivre des situations, réparer des trucs, se confronter à des choses, ce n’est pas forcément un hasard que ce qui nous excite.
– Jouer avec des tabous sociaux, la honte quand à différents aspects de son corps, la classe, la race, la religion, le genre, l’orientation sexuelle. Il y a des normes de genre et de corps sur tout le monde, le slut-shaming et l’humilation sur la taille/l’aspect du sexe peuvent être pratiqués sur tous les genres, quelque soient leur génitaux, ou le rôle qu’iels ont envie de prendre dans une scène.
– Pour l’humiliation classiste ce peut être soit avec des rôles assez classiques comme maîtresse de maison et larbinE, soit patronne/ ouvrière, le plombier et la femme au foyer, secrétaire etc
- Animalisation
Humiliation animale, attention : jouer le rôle d’un animal dans une scène n’est pas forcément humiliant ! Mais pour certaines personnes être « traitée comme unE chienNE » peut signifier quelque chose d’humiliant qu’iels ont envie d’explorer. On peut aussi traiter lae soumisE comme un chiot, un cochon, avec des aspects humiliants comme se salir, apporter le journal à sa/on top …
- Objectification :
Il s’agit de faire comme si lae soumisE est un objet. Les possibilités sont illimitées ! Meubles, moteur de voiture, robot, objet de la vie courante...
On peut utiliser lae soumisE comme repose-pied, baiser lae soumisE par derrière en lisant un livre sur son dos, habiller lae soumisE et la traiter comme une poupée, une serpillière, une canalisation.
5° Comment humilier verbalement
— Comme dans la partie sur le parler cochon, décrivez ce que vous voyez ! « Oh tu rougis maintenant », commentez la tenue « tu as choisis ce string pour moi ? », commenter les réactions soumises « tu as du mal à me regarder dans les yeux, à ce que je vois ».
— Assigner des pensées et ressentis aux soumisES : « maintenant tu espères que je vais oublier le devoir à la maison que je t’avais donné ». « On dirait que quelqu’unE s’est habilléE un peu vite ce matin, tu pensais que j’allais te demander de tout enlever dès le début n’est ce pas ? » N’attendez pas la réponse, c’est une question rhétorique ! Si vous êtes à côté de la plaque, lae soumisE ressentira de la révolte et une envie de vous prouver sa soumission, si vous avez bon, vous prenez encore plus d’emprise sur son cerveau également.
— Dire des choses sadiques et humiliantes avec un ton doux et gentil.
— Ordonner aux soumisES de supplier.
— Donner des ordres.
— Mettre en valeur l’impuissance/ donner l’impression qu’il y a un choix alors qu’il n’y a pas de choix, ou forcer à choisir entre deux tortures. Parlez des réactions des soumisEs d’une façon curieuse ou narquoise. C’est bien là ce que font les gens qui ont du pouvoir, iels peuvent tout commenter. Pour une fois c’est votre tour.
— Rectifier : « tut tut, ce n’est pas comme cela qu’on supplie une déesse telle que moi ».
— Reformuler les phrases des bottoms pour leur faire dire autre chose.
— Être « choquéE » des désirs pervers des soumis pour leur mettre la honte.
— Ordonner aux soumisES d’exprimer de la gratitude pour une activité de torture.
— Les interrompre lorsqu’iels parlent.
— Exprimer de l’ennui ou du désintérêt.
— Menacer (inspire de la peur mais aussi de la honte d’être en position de faiblesse).
— Invoquer des témoins imaginaires « qu’est ce que tes camarades diraient ? » ou « Si mes autres amies dominatrices étaient là, elles ne voudraient même pas de toi ».
— Faire parler les soumisES de leur corps, de la façon dont iels aiment se masturber ouêtre baisés, raconter ses fantasmes pour vous divertir, invoquer les sujets tabous, ce que d’habitude on fait sans en parler dans les détails. Vous apprendrez beaucoup de choses sur la façon de bien les dominer, tout en leur faisant ressentir de la honte.
— Humilier sur le fait de ne pas avoir honte : « oh vraiment tu bandes/mouilles que je te traite ainsi ? Tu n’as pas honte ? »
— Renommer : J’en remets une couche car renommer est une de mes techniques préférées pour installer une dynamique de domination/soumission humiliante et elle est très accessible ; on peut leur donner des prénoms ridicules, des noms d’objets (sol, table basse, canalisation), des numéros (jamais le numéro 1 sauf si vous voulez les valoriser, un numéro compliqué si vous voulez ajouter une difficulté pour elleux à le retenir). Au travail, comme la négociation est très courte, en ce qui concerne l’humiliation notamment, je choisis d’utiliser un peu de tout, comme je montrerais un échantillonnage si je vendais de la peinture. Comme ça, si ce que je fais n’est pas un truc qui excite le client, cela n’a pas duré longtemps, je n’approfondis pas, sauf si je vois que leur réponse verbale ou physique est forte.
6° Les insultes
Il y a beaucoup d’insultes que vous pouvez utiliser : traînée, larve, sous-merde, tas de graisse, lopette, salope. Elles sont toutes valides si vous avez bien négocié les zones d’humiliation avec lesquelles votre partenaire avait envie de jouer. Et n’hésitez pas à entourer d’adjectifs pour pimenter le tout.
Dans mon travail, l’humiliation des hommes cis hétéro consiste souvent à les féminiser. Dans ma vie personnelle, jouant souvent avec des fems ou des personnes aimant exprimer de la féminité dans les jeux, je restais un peu coincée entre les sempiternels « salope » et « petite pute ». Au début j’ai eu un mal fou à les sortir. À mesure que je rencontrais des partenaires fems je suis devenue plus à l’aise en tant que fem féministe ayant envie de jouer avec la misogynie. Mais après quelques années cela devient un peu ennuyeux et on ne trouve plus le même plaisir à les dire.
J’ai eu la chance de participer à un atelier en petit comité sur les insultes avec des camarades féministes et nous avons écrit sur des petits papiers des insultes, des adjectifs et des périphrases, que nous avons mis dans trois petits pots en verre. Ensuite nous avons tiré un papier de chaque petit pot et nous avons pu écrire un nombre assez conséquent de nouvelles insultes assorties d’adjectifs et de périphrases. Certaines étaient monstrueuses. D’autres délicieuses. Le résultat était en tout et pour tout hilarant et inspirant. J’ai eu la chance de garder les petit papiers et n’hésite jamais à m’en inspirer pour préparer une scène ou bien même pendant une scène afin d’obliger lea soumisE à s’insulter lui/elle-même à l’infini.
Pensez enfin aux insultes qui vous ont le plus blesséE étant jeune. Vous verrez que c’est en rendant votre pratique vraiment personnelle que vous vous éloignerez de cette désagréable sensation de ressasser ce qu’on vous a obligé à remâcher comme phrases érotiques.
VII La punition
- - -
Sa cuisse entre les miennes.
— Vas-y, frottes-toi.
Je ne me fais pas prier :
— Avec plaisir, Maîtresse. Ses mains sur mes reins m’encouragent.
— Aimes-tu être punie ?
Ma voix hésite un instant puis répond avec certitude :
— Oui, quand c’est justifié.
Elle laisse s’échapper un petit rire.
— C’est bien, continue.
Mon corps entier se gorge du plaisir que j’ai à me stimuler de la sorte. Mais elle m’arrête soudain et s’écrie :
— Tu as vu ce que tu as fait ? Qu’est ce que c’est que ça ?
Je me retourne et considère d’un air absolument désolé la trace reluisante qui souille son bas. J’aurais dû m’en douter, c’était couru d’avance.
— C’est moi, j’ai... j’ai mouillé sur votre bas, Maîtresse.
— Lèche !
Ma langue vient nettoyer ce que je n’aurais su retenir.
— Lèche ma botte, à présent. Elle pinaille :
— Mieux que ça, je n’ai pas vu ta langue. Je recommence.
— Trop vite, tu vas trop vite, tu as un train à prendre ? Moi je ne suis pas pressée et j’aime avoir tout mon temps.
C’est avec beaucoup d’application que ma langue, une énième fois, parcourt le cuir noir, pour qu’enfin elle me redresse vers elle, sa main me tenant par la mâchoire inférieure. Sans un mot, elle plante son regard dans le mien. Caresse ma bouche du bout des doigts. Je me laisse imprégner par ses gestes consciencieux, par ce doigt qu’elle enfile entre mes lèvres, en ressort, m’effleurant le menton, et ses yeux sombres qui me scrutent encore et que j’interroge…
Une grande gifle me traverse le visage, et la surprise illumine mon regard vers elle.
La vivacité de la douleur ressentie est tout-à-fait secondaire, rien n’égale l’immense respect que je ressens pour elle, d’avoir su tromper ma vigilance avec autant de tact. D’autres gifles suivent, pleuvent, peut-être me dit-elle des choses, je ne sais plus, mon souvenir ici se trouble, peut-être suis-je encore fautive de quelque chose, est-elle énervée, amusée, qu’importe à présent, car je suis sous le charme.
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1° Récompenses versus punitions
Les récompenses et punitions constituent une bonne dichotomie d’activité pour créer une scène où l’on assoie son pouvoir. Classer les activités que vous et votre partenaire aimez faire en punitions ou récompenses, et cela vous aidera à construire une scène. Vous pouvez construire un plan de scène comme suit 1) activité pour se mettre dans le rôle, 2) activité qui défie le bottom, ce qui amènera une faute puis une punition 3) récompense / redescente. L’apothéose sera soit pendant la punition, soit pendant la récompense.
Pour construire son pouvoir sur une soumisE, je trouve intéressante l’idée de souffler le chaud et le froid, et donc de mêler des activités qu’iel trouve agréable avec d’autres qui la mettent au défi. En effet, si on regarde la domination non-consentie dans notre vie réelle en dehors du BDSM, il existe certes des systèmes de domination assez abstraits qui nous enferment et qui nous touchent irrémédiablement. Cependant on peut, par de multiples choix courageux, s’en libérer et s’en éloigner. Je ne suis pas hétéro dans un monde profondément homophobe mais je peux par exemple avoir une communauté queer et m’éloigner lorsque je me sens fragile, des personnes homophobes à proprement parler. Ou bien je peux riposter.
Cependant, les relations de pouvoir dans lesquelles je me suis sentie profondément dominée dans ma vie d’adulte ont été clairement celles à qui j’ai donné de l’importance. J’ai donné dans ma vie accès à mon intimité à des personnes qui me semblaient de confiance, qui semblaient m’aimer, qui m’ont fait du bien à des moments et ce sont ces personnes dont j’ai eu le plus de mal à m’éloigner quand elles se sont octroyées du pouvoir sur moi. Elles ont eu ce pouvoir fort sur moi car elles m’ont renvoyé aussi quelque chose d’agréable. On peut tirer une quantité de leçon de ce genre d’expériences. Celle qui m’intéresse est la façon dont la domination fonctionne sur un esprit qui a pourtant la possibilité de faire des choix indépendants. Si vous n’êtes que dure et sévère, il me semble que vous aurez à la longue vite fait de révéler un esprit de révolte chez votre partenaire qui sortira de son rôle, ou même un certain ennui dû au manque de nuance de votre personnage. Le pouvoir que vous pouvez inspirer par une juxtaposition de paroles et d’activités tour à tour agréables et sévères est plus fort tout en étant plus subtil.
Négocier avec votre partenaire vers quoi vous voulez aller comme style de domination et demandez, quand vous avez un doute, si telle ou telle pratique est ressentie par iel comme une punition ou comme une récompense.
J’ai longtemps eu un malaise avec la gentillesse et l’attitude souriante que j’avais lorsque je dominais. J’ai remarqué au fil du temps que dans mes fantasmes, j’étais toujours froide et cruelle et lorsque je dominais, chaleureuse et encourageante. Quelle paradoxe ! Maintenant j’arrive à mettre mon personnage de domina dans les deux situations car je voulais refléter un peu mieux la réalité de mes fantasmes. Mais j’ai aussi arrêté d’être mal à l’aise avec la partie souriante et gentille de mon personnage. D’abord parce que cela me paraît incroyablement pervers d’exprimer mon sadisme avec une attitude enjouée (« c’est pour ton bien, voyons »), ensuite parce qu’exprimer mon amusement peut être le ressors de mon pouvoir (j’ai le pouvoir de faire ce que je veux dans les limites de maon partenaire et cela se voit). Cela peut provoquer une attitude infantilisante parfois, des encouragements imbus d’une position supérieure inébranlable à d’autres moments. Je n’ai pas à me conformer à l’image de ce que doit être une dominatrice (et vous non plus !) et c’est un geste de pouvoir également que de s’affranchir de cette norme.
De plus, pour aider les soumisES à tenir pendant des activités inconfortables (qui ne sont pas au-delà de leurs limites), il est parfois nécessaire de les saupoudrer d’activités agréables, de paroles réconfortantes, érotiques et valorisantes. C’est une façon de pousser votre soumisE, de lae soutenir dans son envie de se dépasser. Également si iel sait qu’il y a à coup sûr ou probablement une récompense à la clé, iel se donnera à fond et c’est ce que vous voulez.
Je joue la plupart du temps avec des soumisES qui sont extrêmement dociles car la résistance des soumisE ne m’intéresse pas. Donc il m’est arrivé de me poser de grandes questions sur la punition car les soumisES de ma vie sont difficiles à punir puisqu’iels sont très bonNEs à me servir. J’ai eu une soumise que je trouve parfaite et qui réussi tous les défis que je lui pose. Elle est de plus très belle et serviable et j’en suis tombée peu à peu amoureuse. Elle est devenue meilleure avec les années à anticiper mes besoins du fait qu’elle me connaît bien. Je trouvais donc de moins en moins de raisons de la punir et cela nous mettait toutes les deux dans l’embarras, bien sûr. Mais ce n’est pas une impasse. Plutôt le début d’une conversation passionnante sur ce qu’elle entend par punition et les raisons pour lesquelles elle pense devoir être punie à ses yeux.
2° Pour quoi punir ?
Vous pouvez toujours punir pour une faute qui n’existe pas. Qui n’a pas eu lieu dans la scène. Vous pouvez négocier cette raison de lae punir en amont dans la négociation. Vous pouvez aussi l’inventer sur le tas et débriefer ensuite. Je me souviens d’une scène où j’avais écrit une fausse lettre d’une autre dominatrice imaginaire qui avait été déçue des services de ma soumise lorsque je lui avais prêté celle-ci. C’était un fabuleux début pour une scène et cela a beaucoup plu à ma partenaire avec qui nous envisagions de jouer à 3 sans parvenir à l’organiser.
Vous pouvez punir sans raison également, mais beaucoup de soumisES n’aiment pas cela. Vous pouvez punir pour des raisons courantes, ce sont des ressors que j’aime utiliser au travail, car je ne connais pas les tréfonds de l’esprit de mes clients. Par exemple je te punis parce que tu es excitéE (slut-shaming), je te punis parce que tu n’es pas excitéE, je te punis parce que tu es perversE, je te punis car tu es un homme etc.
Lorsqu’on a des partenaires avec plus de proximité qu’au travail on peut aussi s’intéresser à leurs insécurités, pour les punir sur des choses plus personnelles, si iels en ont la volonté. L’une de mes soumises m’a confié qu’elle se trouvait souvent fainéante et qu’elle s’en voulait souvent dans des recoins sombres de son cerveau de ne faire toujours que les choses à moitié dans sa vie. Elle m’a confié qu’elle était tentée de jouer avec cela. Donc je vais la punir pour cela dans nos scènes et voir comment ça l’impacte ensuite lors du débriefing. Il faut faire bien attention au débriefing quand on joue avec des choses personnelles.
On peut aussi tricher, mais de sorte à ce que les bottoms pensent qu’iels ont fauté. Combien de fois n’ai-je pas demandé à mes soumisES à quatre pattes de ne pas faire tomber ce qu’iels avaient sur le dos ? Combien de fois ne les ai-je pas puniEs alors que c’est en fait moi qui avait fait tomber les objets sans qu’iels me voient ? Pour cela mieux vaut avoir déjà bien mis la personne en subspace. Ou alors m’avaient-iels vue, mais qu’à cela ne tienne, c’est un jeu que nous jouons touTEs les deux. Une dominatrice cassa sa flûte de champagne une fois alors que nous étions en train de ranger ses jouets dans un contexte où j’avais décidé de la servir. Son pouvoir sur mon esprit était tel à cet instant que je crus et ressenti vraiment en mon fort intérieur que j’étais responsable de cette flûte cassée.
3° Punition et absolution
Cette anecdote de la flûte à champagne s’ajoute à la liste de moments dans mon parcours de soumission où j’ai désiré plus que jamais être punie. Car si on est puniE, on est absoutE, ensuite. Qu’il est stérile et désagréable de rester les bras ballants avec son sentiment de culpabilité. Au moins, la punition nous permet de transcender la faute, d’aller au-delà. Et voilà pourquoi elle devient parfois saine dans une relation BDSM.
Vous-même pouvez être irritéE dans votre personnage de domME, et pouvez pardonner seulement après avoir donné une punition. Je me souviens de ce client empressé qui me toucha la chatte de ses doigts alors que je ne le lui avais pas autorisé. Il m’est venu une vraie colère. Presque une colère « hors-jeu » car oui la domina que je suis est courroucée de ce geste non ordonné. Mais à ce moment-là, je suis une femme qui subit une fois de plus un geste non-consenti de la part d’un homme cis, qui, de par le patriarcat, est encouragé à se sentir le droit de me pénétrer et de toucher mon corps dans ce qu’il a de plus intime. Cependant étonnamment, je n’ai pas arrêté la scène. Je l’ai puni dans mon rôle avec ma vraie colère. C’était un mélange pas si facile à réaliser mais cette fois, ça a marché, sans doute car je voulais être « professionnelle », comme on dit, c’est-à-dire modifier mes limites à la baisse pour le bien d’une relation monétarisée. Il n’y a pas de règle écrite sur ce qui advient de l’argent payé d’une séance si la scène s’arrête au milieu. Et je n’avais sûrement pas envie de me poser la question et de gérer cette situation que pourtant j’ai déjà dû gérer plusieurs fois en 6 ans de cette profession occasionnelle. Mais plus que tout à cet instant je n’avais pas envie de me laisser déstabiliser alors que j’étais dans mon espace mental dominant depuis 8h le matin. Je l’ai donc puni, et en le punissant je lui ai pardonné. Et lui s’est aperçu de sa faute et a imploré mon pardon puis s’est senti absout (et encouragé à ne plus refaire un tel geste en général sur les femmes, qu’elles soient travailleuses du sexe ou pas). La scène a pu se dérouler et c’était satisfaisant.
Mais en dehors d’une colère réelle ressentie, pour être bien à l’aise dans votre trône mental, il vous faudra vous débarrasser de toutes les petites contrariétés. Donc si votre soumisE vous contrarie, il peut vous venir un besoin de punir dans les limites de ce qu’iel nous a indiqué, pour lui pardonner, l’absoudre et vous retrouver de nouveau touTEs deux dans un rôle confortable (surtout vous).
4° La mise en échec
Plutôt que de tricher, vous pouvez mettre en échec. Utiliser les pratiques BDSM comme des morceaux d’un mix techno que vous superposez pour créer une toute nouvelle musique. Mixez les pratiques et juxtaposez-les pour créer des activités tellement difficiles que votre soumisE n’aura d’autres possibilités que de faillir et donc de s’attirer une punition. Par exemple, vous demandez à votre partenaire de vous mettre vos chaussures, une bonne activité pour se mettre dans le rôle pour la fétichiste des talons que je suis. Par ailleurs, vous aimez la pratique très courante de bander les yeux de votre partenaire afin d’augmenter ses autres sens et son anticipation haletante. Passez au niveau supérieur et demandez à la personne soumise de vous mettre vos chaussures avec les yeux bandés. Après tout, depuis le temps qu’elle est à votre service, elle devrait y arriver « les yeux fermés ! » Et les mains liées dans le dos aussi d’ailleurs ! Et voilà que vous créez une toute autre musique ! Lae voilà essayer de vous chausser avec sa bouche en se démenant sur le tapis comme un misérable ver de terre. Dans cette situation, iel ne pourra qu’échouer et la punition sera alors méritée et n’en sera que plus appréciée.
Une autre mise en échec que je suggère pour les personnes qui aiment se faire servir : accumuler les règles et les tâches. C’est une chose d’ordonner à votre soumisE de s’occuper de votre matériel de jeu. C’est une première étape. Maintenant ordonnez-lui de les disposer par taille, par thème, de plier vos sous-vêtements d’une certaine manière, vérifiez derrière son dos, ordonnez que cette tâche soit exécutée en rampant. Soyez de plus en plus spécifique. Si vous avez peur comme moi d’oublier l’accumulation de règles que vous avez ordonnée, demandez à votre soumisE de les écrire ainsi vous n’en perdrez pas le fil.
Vous pouvez utiliser la vitesse à laquelle vous donnez les ordres pour mettre votre partenaire en échec également, donnez beaucoup d’ordres de service, vite, rapprochés les un des autres, la confusion et la semi-panique vous donnerons l’ascendant sur votre servantE empresséE et surtout ne laissez rien passer. Écoutez-vous, si vous vous dites en vous-même « bon ce n’est pas ce que j’avais en tête mais iel l’a fait quand même, c’est bien », alors rectifiez ce qui ne vous plaît pas. Si on se centre suffisamment, on peut écouter la moindre de ses contrariétés et y remédier par un ordre pour se sentir de nouveau dans son trône mental. Si vous hésitez, que vous ressentez que l’ordre n’est pas exécuté selon votre envie, revenez à une activité pour vous mettre dans le rôle. Par exemple : j’ai ordonné qu’on me fasse des makis la culotte baissée. Je vois ma soumise revenir de la cuisine la culotte remontée. J’en ressens une vague contrariété. Je l’appelle pour la mettre à mes genoux, elle regarde le sol, ne sait pas ce qui va lui arriver. Mais moi non plus. Pour décider je veux me sentir en pleine possession de mes moyens, voilà pourquoi je l’ai mise dans cette position. Je ferme les yeux, je respire, je me recentre. Et là après un moment de silence insoutenable elle apprend, lentement, de ma bouche, que j’ai remarqué qu’elle a remonté sa culotte alors que mon ordre était qu’elle reste à mi-cuisse. J’ai pris mon temps pour intervenir mais elle sera punie quand il sera temps, pour moi.
Voilà un autre sujet que je voudrais aborder : il est inutile que la punition arrive rapidement après la faute. On peut déclarer ce qu’on a remarqué et annoncer qu’iel sera punie plus tard, si la faute n’arrive pas à un moment qu’on juge opportun pour la punition. Peut-être est-on en train de se faire masser les pieds et nous n’avons pas envie de tout d’un coup nous relever, et dans un accès de violente colère punir illico un mordillement d’orteil non désiré. Peut-être avez-vous un plan de scène qui inclut une punition et vous désirez le suivre pour ne pas vous perdre et imposer votre rythme. Donc la punition peut avoir lieu plus tard mais vous verbalisez qu’il y a eu faute. Cela augmentera l’expectative de la personne soumise qui anticipe la punition qui va arriver plus tard. Elle se sent fautive jusqu’à la punition et c’est là une manière de créer de l’emprise.
Plus les soumisES sont obéissantEs et douéEs en service, plus il est difficile de les mettre en échec. On combine alors les 3 techniques : déjà bien s’écouter et comme ça dès qu’on est légèrement insatisfaitE, qu’on ne ressent pas un pur bonheur découlant de l’exécution des tâches, le dire, se demander pourquoi et serrer la vis. Ensuite prendre son temps pour observer l’exécution, comme ça on a le temps de se checker sur notre complète satisfaction. Ensuite accumuler les règles. Plus il y en a plus les soumisES peuvent échouer ou en oublier une. On se retrouve à punir pour une vraie faute, ce qui est plus intense pour les bottoms que des fautes imaginaires.
Ensuite Level 2 : les soumises doivent « anticiper les besoins » pour les partenaires régulierEs, bien entraînéEs ou simplement qu’on a envie de mettre en échec pour punir.
Donner des ordres impossibles est fortement gratifiant lorsqu’on jouit de la confusion dans les yeux de l’autre. On peut aussi donner des ordres qui peuvent être soumis à interprétation pour mettre en échec. « Chante pour me divertir ! Non cette chanson ne me plaît pas ». « Nettoie ma chaussure ! » « Non, avec ta langue petite gourde » etc. Ainsi deux ordres contradictoires sur un rythme très rapide peut aussi créer de la confusion et c’est du pouvoir en barres pour vous. Cependant, ce que je dirai de la rapidité des ordres, c’est que ce n’est qu’une technique. Je ne vous conseille pas de l’utiliser sans arrêt. Le mieux c’est quand même de revenir à sa propre lenteur juste après l’avoir utilisée afin de ne pas griller ses batteries et finir exsangue au bout de 40 min.
5° Douleurs et punitions
Les punitions ne sont pas toujours des pratiques de douleur. Cage de chasteté, cage tout court, déni d’attention, privation de récompense, privation d’orgasme, il existe bon nombre de punitions qui ne feront pas rougir la peau de vos soumisES.
Cependant la douleur comme punition est un classique que j’ai beaucoup exploré intellectuellement et notamment parce qu’il me mettait dans une position inconfortable. En effet, en tant que masochiste moi-même, je sais comment j’aime la douleur. Je l’aime progressive et j’accorde une grande importance au chauffage*. Petite explication pour les profanes : il existe des personnes qui aiment la douleur forte d’emblée, la trouve libératrice, cathartique et parfois érotique. Ils l’apprécient en soi. Mais d’expérience ce type de masochistes est très peu courant. Par contre, il y a aussi des personnes comme moi et nombre de mes camarades qui apprécient la douleur seulement lorsqu’elle est bien amenée. En particulier ce que je vais décrire s’applique à toutes les pratiques d’impact mais il est possible d’imaginer des « chauffages » pour les autres types de douleur (pincements, électricité, piercing, cutting, strangulation…). Les pratiques d’impact sont par exemple la fessée ou les claques, la canne, le martinet, le fouet… Lorsque vous commencez une pratique d’impact, la chair, la peau et le muscle en-dessous de la zone torturée est « froide ». Si l’impact est fort, il va avoir tendance à rester en surface parce que sous la douleur, la personne frappée va, par réflexe, contracter ses muscles, notamment celui qui est visé. Le muscle va ensuite se détendre un peu après le coup, mais pas complètement. La douleur sera moins profonde et la contraction générale des muscles des bottoms rendra leur expérience souvent peu agréable. Et donc vous avez des chances de rapidement briser son envie de continuer. Le corps et l’esprit se défendent contre cette douleur soudaine.
Par contre, si vous commencez par frotter la peau pour la réchauffer, la masser, la malaxer, faire gigoter la chair, vous allez commencer sur une base où le muscle et lea soumisE sont détenduEs (corps et âme). Ensuite vous débutez par tapoter très gentiment. Cela ne doit pas faire mal. Ça provoquera de la châleur, ça rend lea soumis un peu guilleretTE. En plus vous utilisez un rythme stable donc il se produit un effet quelque peu hypnotique sur le cerveau de lae soumisE qui se détend, s’amuse, est en confiance et s’abandonne. Petit à petit, extrêmement progressivement, vous augmentez la force d’impact. Le corps va libérer peu à peu des endorphines dans le corps pour en supporter la douleur. Se produit un état de défonce qui augmente la résistance à la douleur. Et donc bientôt vous pourrez frapper plus fort et plus longtemps, et vraiment vous amuser, tout en procurant un état de transe corporelle et cérébrale à la personne que vous torturez. Le masochisme, c’est chimique. Il y aura aussi un léger effet de défonce dans le cerveau, car votre esprit abandonne ses réflexes et se laisse aller à quelque chose qu’il a appris à traiter différemment. Cet état est un délice.
Comme c’est ce que j’ai envie de ressentir quand je prends de la douleur, j’ai également envie de faire ressentir cette expérience à mes soumisES. Pour cela il faut prendre son temps (donc j’y parviens moins souvent au travail). Le moment du chauffage est clairement un moment agréable, où je « prends soin ». Comment punir avec de la douleur, dans ce cas ? Si ma soumise renverse mon thé, il serait logique que je lui fonde dessus, la retourne et lui donne 15 grands coups de cravache pour qu’elle soit punie. Où placer dans ce scénario entendu les 15 min où je tapote gentiment et légèrement son postérieur avec ma canne pendant qu’elle glousse de sentir ses chairs se balancer et son entrejambe vibrer ? Car pour punir ou en avoir la sensation, il faut frapper fort et pour cela il faut emmener lea partenaire vers l’état où iel peut prendre des coups forts.
Cela me donnait du fil à retordre intérieurement. J’ai fini par trouver un bon nombre de solutions que j’ai l’envie de partager. D’abord reporter la punition. Comme je le disais plus haut, inutile de se précipiter pour sauter sur la faute commise et punir ! La punition sera délicieusement anticipée dans le frisson mêlant peur et excitation qui envahit votre partenaire, chaque fois que vous notez ses erreurs. Il peut même y avoir un registre écrit de fautes qui méritent punition. Puis quand vous avez envie de faire de la douleur, vous commencez par le chauffage puis évoquez les fautes au moment des coups forts. En faisant répéter/deviner à votre soumisE pourquoi iel est puni, par exemple.
Deuxièmement, anticiper le chauffage : en particulier si vous allez tricher ou mettre en échec votre bottom c’est-à-dire que vous savez à quel moment de la scène iel va mériter une punition, vous pouvez faire du chauffage un peu par ci, un peu par là pendant une autre activité. Ça ne passera pas pour de la punition mais la préparera. Attention les parties du corps chauffées peuvent refroidir si elles ne sont pas stimulées pendant un temps.
Enfin, le chauffage peut aussi ne pas faire partie de la narration du scénario. C’est-à-dire que vous le faîtes mais vous n’en parlez pas donc ça n’existe pas vraiment. Ainsi, pendant une leçon, vous pouvez demander à votre élève de lire debout les mains sur le bureau et commencer le chauffage de l’arrière de ses cuisses. Comme iel est occupé à une tâche que vous lui avez donnée et que vous commentez celle-ci, le fait que vous travaillez agréablement son cul, ne fait en quelque sorte aucune apparition dans le scénario que vous déroulez. Il est bon d’occuper la tête de votre bottom par une lecture ou une gorge profonde pendant que vous vous occupez de son cul. D’une manière générale il est toujours bien d’occuper la tête des bottom avec un ordre ou un objet si vos deux mains sont prises vers son entrejambe, vous êtes partout et donc vous augmentez votre contrôle.
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— Tu vas te prendre ta première aiguille. Tu es prête ?
J’ai largement eu le temps de me préparer à ce qui m’attend, durant ces longues minutes où j’ai observé ma Maîtresse, dans la lumière du soir, souligner le contour de ses yeux, de ses lèvres, s’apprêter comme une reine pour un combat. Je contemple ces instants comme je savoure la minutie d’un long préliminaire, celle qui présage de toute l’intensité à venir.
Elle caresse mon ventre.
Puis une douleur vive me traverse la peau. L’aiguille entre d’un côté, ressort de l’autre. Pas un cri, un souffle à peine, s’échappe de mes lèvres. Son regard s’arrête sur le mien, puis retourne vers ma peau, qu’elle caresse d’une main lascive.
La lumière est belle.
Ma Maîtresse est belle.
J’aime ce moment, gorgé d’attente.
Une deuxième aiguille passe sous ma peau, placée en croix sous la précédente. Ma respiration relève d’une écoute hypnotique du moindre de ces gestes sur moi, qu’elle pose de manière précise, consciencieuse, autant qu’elle contient une grande excitation. Le temps se dilate entre nos regards, aucune parole ne s’échange, seulement le rythme des aiguilles trottinant sur mon ventre, battant la chamade des secondes, quand mon cœur retient son souffle…
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VIII La peur
La peur est un élément intéressant à manier pour dominer, même s’il n’est pas obligatoire. Il y a en premier lieu le suspens : si, comme je l’ai indiqué au début, vous avez su négocier habilement des pratiques en général sans rentrer trop dans le détail (avec quel objet, à quel moment du jeu, comment, en même temps que quelle autre pratique), et si la personne soumise se plie volontiers à ce type de négociation peu spécifique, vous avez de quoi créer du suspens. Lea soumisE peut savoir qu’iel va subir de l’impact, de l’humiliation et du bondage, mais en aucun cas iel ne sait qu’iel va devoir vous enlever vos bas avec la bouche alors qu’iel aura les mains attachées aux chevilles et que malgré ses efforts misérables, iel n’y parviendra pas sans les filer. Au mieux iel ressemblera à une larve ridicule qui se plie et se déplie sur le sol, et sera donc puniE au martinet de son échec. Vous voyez où je veux en venir ? Sans pour autant parler de peur à proprement parler, le peu de contrôle qu’iel a sur le déroulement du scénario et l’état d’attente qui s’ensuit crée de la soumission.
Je dirais que la « surprise » n’a pas besoin d’être brutale dans le sens où elle rompt le rythme de la scène (un moment je suis douce et d’une seconde à l’autre je suis sèche), ni brutale dans le sens d’un coup fort (je caresse une joue puis je la gifle avec force), bien que ce soit également des attitudes qui créent de la peur, car lea bottom vous lit désormais comme imprévisible.
Il existe une technique qui consiste à faire peur aux bottoms sur les limites qu’iels ont exprimées. Par exemple, lors de la négociation, iel vous a dit qu’iel ne voulait pas se faire baiser en levrette. Si pendant le jeu, iel se retrouve à 4 pattes, vous pourriez dire que c’est une bonne position pour lae baiser, mais ne pas le faire. Cela crée de la peur dans le scénario, sans briser les limites. Par contre parfois ça ne marche pas, ou ça fait vraiment flipper les gens et ça les sort de leur rôle. Négociez cela en demandant si c’est possible de lui faire peur sur ses limites. Et écoutez bien les retours par la suite.
Dans tous les cas, si vous voulez volontairement faire peur, le plus efficace sera toujours de savoir ce qui fait peur aux personnes avec qui vous jouez. Comme pour l’humiliation, il y a des classiques dûs à la société dans laquelle nous grandissons, et des peurs originales et personnelles.
De façon générale, le simple fait d’en parler ou de faire « semblant de » peut déjà produire un effet incommensurable. Je me souviens d’une scène à 3 fems où ma compère et moi avions fait de notre soumise une poupée. Après l’avoir fistée vaginalement, nous commentions ce grand trou vide qui la rendait moins belle, et nous parlions ensemble de la solution qui nous paraissais évidente alors : lui recoudre la chatte. À aucun moment nous n’avons transpercé avec une aiguille et du fil sa vulve délicate et pourtant capable du pire, mais le fait d’en parler tout en lui mettant trois petites aiguilles dans l’arrière des cuisses a produit un effet extrêmement puissant sur nous 3. Il nous a été suffisant de faire semblant.
Ma soumise se souvient aussi de la peur qu’elle ressentait lorsque j’avais en main ma raquette électrique. Pour elle la peur des impulsions à venir étaient délicieuses et effrayantes. Dans ce contexte la peur devient aussi intéressante que la douleur en elle-même : elle la prévient, la provoque, l’accentue, la magnifie.
Certains objets sont en soi vecteurs de terreur. Par exemple, les aiguilles font peur à beaucoup de gens. Donc quand vous allez jouer à mettre des aiguilles, le facteur peur sera présent avec certainEs bottoms. Il y a aussi le feu, donc un banal jeu de bougies peut provoquer une frayeur sans nom. Enfin les couteaux sont un grand classique. Et vous pouvez mélanger le maniement du couteau avec des paroles qui font peur, sans pour autant couper une seule cellule de peau. Je me souviens d’un client qui voulait essayer d’être féminisé. À la fin de la séance, comme je promenais un couteau près de sa bite tout en disant à voix haute à quelle point je la trouvais petite et inutile, j’ai fait semblant d’avoir l’intention de la couper, jouant sur une peur très présente et toute pleine de symboles pour le mec cis hétéro viril de base. J’en étais toute retournée d’être allée aussi loin alors que je fais de la féminisation forcée très souvent. C’est définitivement le couteau qui a catalysé la scène dans une nouvelle dimension.
L’évocation de jeux avec des couteaux me fait penser que la privation sensorielle (bander les yeux, boucher les oreilles par exemple) peut être utile pour augmenter l’effet de peur. Et n’oubliez pas les menaces de toutes sortes !
IX Le Mindfuck
« Mindfuck » signifie littéralement « baiser l’esprit ». D’une manière générale, on pourrait se dire que cela pourrait recouvrir toute pratique de domination cérébrale. Mais dans le jargon BDSM, il s’agit spécifiquement de faire croire quelque chose au/à la soumisE qui n’est pas réel.
Par exemple, après avoir promené sensuellement un couteau très aiguisé et pointu sur mon corps, unE top pourrait avoir envie de me bander les yeux et de me pénétrer le vagin avec un couteau à beurre. Cependant je vais vraiment croire que je me fais baiser avec un couteau de chasse. Ça va métaphoriquement faire exploser mon cerveau, lui qui est si bien modelé pour assurer ma survie. Se produit alors un sentiment hallucinatoire dans mon cerveau, né de ce décalage. Encore une fois, la privation sensorielle peut vous être d’une grande aide matérielle pour créer l’effet voulu.
Vous pouvez aussi amener les soumisES à désirer le pire. Notamment en les faisant choisir entre deux tortures. Si vous sentez que vous avez la personne dans le subspace adéquat, ne passez pas à côté de l’opportunité d’ordonner que lae soumise se fasse mal iel-même, avec son ustensile le moins apprécié, bien sûr. Je me souviens d’un jeu sur skype avec ma maîtresse de Berlin. À l’époque la canne me faisait flipper à cause d’une mauvaise expérience, et elle a quand même réussi à ce que je me donne des coups de canne toute seule devant mon ordinateur !
N’hésitez pas à être de mauvaise foi ! Maintes fois alors que je me lamentais d’un bas filé entre deux séances au travail, j’ai tourné ce désagrément en avantage ! Le client suivant se voyait vite accusé d’avoir filé mon bas, méritant une punition au bout de la cinquième minute de jeu.
Enfin je voudrais terminer par aborder l’ennui comme technique de mindfuck car mes expériences ont laissé une forte impression sur moi en la matière. Il se peut que vous exprimiez de l’ennui en tant que domME. Il n’est pas réel, c’est une technique pour rajouter du mindfuck à la personne qui est déjà en train de se mettre en quatre pour vous servir. Je l’utilise au travail sur mes clients. Mais dans ma vie personnelle, j’ai été deux fois forcée d’arrêter mes scènes, une fois en tant que dominatrice, l’autre en tant que soumise, car l’annonce du fatidique « je m’ennuie » en plein jeu me déstabilise émotionnellement vraiment fort. Alors je vous conseille de bien vous scruter sur la question et de négocier avec délicatesse ce sujet.
X Le soin comme domination :
Je ne pourrai terminer cette brochure sans parler de ce domaine cher à mon cœur, le « care »/soin. Il y a pour moi, et tout le monde est différent bien sûr, une joie pure à apposer un pansement sur le genou d’unE partenaire jouant unE petitE enfant, à changer une couche sale, à donner à manger dans une cuillère en plastique. Le besoin que l’autre a de moi m’apporte une sorte de validation et une valorisation profonde. C’est agréable et doux. Physiquement je me sens comme après un repas un peu copieux. Je sais que la partie « maman / infirmière / institutrice encourageante » de mon personnage de dominatrice peut sembler scandaleuse, attendue ou même inoffensive. C’est pourtant bien une position de puissance que d’être en charge du bien- être physique et moral d’une autre personne, quand on y pense. Si dans le jeu de rôle, vous détenez ce pouvoir pour l’autre d’accéder à des choses aussi vitales que de la nourriture, du soin médical ou leur possibilité de se soulager, vous avez de sacrées cartes en main pour obtenir ce que vous voulez. Voilà une excellente position d’où manipuler, dire et faire des choses indicibles avec le sourire d’un ange. N’est-ce pas ce qui fait le plus froid dans le dos, finalement ?
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Une douleur lancine dans mon ventre.
— J’ai... j’ai un peu mal.
L’émotion me submerge. Elle retire sa main doucement. S’allonge près de moi, et me demande, à l’oreille :
— Te rappelles-tu de tes safewords ?
J’acquiesce.
— Viens, blottis-toi contre moi.
Mon visage entre ses seins, je suis soudain une toute petite enfant que l’on console d’un gros chagrin, j’écoute sa voix qui se fait très douce, je sens tout son corps m’envelopper, et sa main faire des petits cercles sur mon sexe.
— Ça va, c’est bientôt fini.
Son mouvement me berce et je suce le piercing qui orne son téton. — Dis-moi comment tu as mal.
Je désigne mon ventre.
— J’ai quelque chose... enfermé là.
— Ah, je comprends...
Sa main me caresse comme un souffle sur un bobo.
— Ça y est, ça y est...
Ma jouissance alors ressemble à une blessure qui, doucement, se referme. Et je m’endors sans tarder, repue, soulagée, heureuse d’être entre de si bonnes mains.
- - -
Après le jeu
L’ Aftercare
Il s’agit du soin d’après le jeu que vous accordez à votre partenaire et que vous vous accordez à vous-même. Une transition entre le jeu et la réalité. La petitesse de cette partie dans la brochure n’a aucun lien avec l’importance de ce moment. Au contraire il est très important, comme j’ai pu l’évoquer en filigrane dans la partie Négociation. Négociez bien de quoi vous aurez besoin avant le jeu, car il est parfois difficile de communiquer à cet instant précis. Dans mes débuts, j’ai connu des scènes tellement fortes (et cela me prenait par surprise), qu’il m’était très difficile de dire de quoi j’avais besoin sur le moment de l’aftercare.
Je donnerai ces conseils au domMEs :
- Veillez à appeler votre partenaire par son prénom si vous l’avez renomméE, humiliéE, objectifiéE ou déshumaniséE de quelque sorte que ce soit.
- N’hésitez pas à rassurer sur la pire humiliation qu’iel a subit pendant la scène : « non tu n’es pas une mauvaise soumise, au contraire, tu es la plus intrépide que j’ai connu »
- Gardez en tête que si vous avez voulu dominer l’esprit de votre partenaire, c’est bien de cela aussi qu’il faut prendre soin. Les risques psychologiques sont plus durs à évaluer que les blessures physiques. Il faut, bien que cela n’arrive pas à chaque fois, ouvrir la possibilité que votre jeu ravive des traumas. Vous n’en êtes pas entièrement responsable et ce n’est pas qu’à vous d’en prendre soin. Mais vérifiez toujours que vous avez un minimum d’empathie en vous pour écouter, rassurer et aider à trouver des ressources sur la question.
- Sauf cas urgent (blessure ou ROUGE), à mes yeux il vous faut vous occuper des besoins de lae bottom en premier : des câlins, des mots doux, de l’eau, de la chaleur, la possibilité d’aller aux toilettes, de manger quelque chose, de parler si nécessaire et une fois cela fait, ne vous oubliez pas et occupez-vous de vos besoins d’aftercare, c’est très important.
En ce qui me concerne, j’ai beaucoup de défonce quand je joue mais parfois, c’est au moment de l’aftercare que je le ressens le plus. En effet, pendant la scène je perche, mais je suis aussi grandement responsable et je dois contrôler beaucoup de paramètres. Donc l’aftercare est le moment où je laisse choir ce contrôle et une deuxième vague de perche peut me frapper, dans ce cas j’aime faire en sorte de l’apprécier pleinement. Et pour cela il faut du calme, ne pas repartir tout de suite dans la vie courante. Pour bien apprécier une scène, c’est essentiel pour moi que cette partie ne soit pas bâclée.
De quoi avez-vous besoin après la scène ? De vous débarrasser de votre corset ? De vous allonger près de votre soumisE en appréciant la défonce que la scène vous a provoqué ? De boire, de fumer, de faire pipi, de manger ? D’être câlinée ? Rassurée sur le fait que vous n’êtes pas un horrible monstre ?
Dans le pire des cas, vous pourriez vivre ce qu’on appelle un « top drop* ». Je l’ai vécu moi-même au tout début de ma pratique. Les quelques jours après la scène, je me sentais vide, seule avec un certain dégoût de moi même. Je ne regrettais pas du tout la scène mais ce sentiment sombre d’être un horrible monstre misogyne m’envahissait. Être rassuréE sur le fait que la domination que vous avez fait vivre à l’autre pendant la scène était désirée et a été globalement appréciée peut prévenir ce problème. On fait ces choses tordues à deux car on le désire ensemble, cela renforce une certaine intimité avec votre partenaire de scène. Si vous n’êtes pas assez rassuréE là-dessus pendant l’aftercare (par des mots ou par des gestes), vous allez peut être vous sentir seulE. Montrer votre part dominante et sadique est aussi un état de vulnérabilité. Faîtes attention à vous !
Ce phénomène existe aussi du côté des soumisEs mais je ne l’ai jamais expérimenté. Il me semble que c’est également un sentiment sombre de solitude, de confrontation à sa honte, ses démons, peut-être ses traumas. Renforcé par la stigmatisation autour du désir et du BDSM dans cette société. C’est exactement pour l’éviter que vous allez soigner l’aftercare de vos partenaires.
Evidemment au travail il est très succinct, mais en quelques petites phrases vous pouvez déjà faire la différence. Après une scène particulièrement intense vous pouvez avoir envie d’envoyer un message pour réaffirmer la validité de ce que vous avez vécu ensemble, même à des partenaires occasionnels ou d’un soir. N’hésitez pas.
Dans une relation à long terme ou pas, ne négligez pas sur le débriefing*. Surtout si c’est la première fois que vous jouez avec cette personne. Ou par exemple si vous êtes débutantE. C’est fantastique de vous être lancéE ! Maintenant il faut apprendre de l’expérience de l’autre pour progresser et affiner toujours plus.
Que faire si l’aftercare arrive car lae bottom a dit ROUGE ?
- Mettez tous vos besoins de coté pendant au moins 1/2 h.
- Surtout n’exprimez pas votre frustration ou votre déception que la scène ne continue pas à ce moment-là.
- Ne demandez pas tout de suite pourquoi, d’abord occupez-vous de votre partenaire pour qu’iel aille bien physiquement et mentalement.
- Ne lui demandez pas de se justifier sur pourquoi iel n’a pas dit le safeword avant.
- Surtout ne pas faire de reproche sur le fait qu’un rouge ait été exprimé, ou sur ce qu’iel a eu besoin de faire pour se sentir bien sur le moment. Ni là, ni plus tard.
- PUIS si vous êtes amenéEs à vous revoir ou si vous avez une relation à long-terme, cherchez à tout prix à reconstruire de la confiance par des paroles, une lettre, des discussions, une modification de votre comportement dans et hors du jeu, de l’écoute absolue et sincère.
- Veillez à ne mettre AUCUNE PRESSION à ce qu’iel rejoue avec vous. La balle est dans son camp.
Petite conclusion :
L’écriture de cette brochure m’apporta bien des réaffirmations sur mon rapport au BDSM, ce qui était important pour moi de transmettre dans cette passion d’une vie. C’est le goût d’écrire qui m’a prise par surprise alors merci de m’avoir lue. J’espère que par dessus tout, au travail comme dans votre petit boudoir personnel, vous allez vous amuser, gagner toujours plus de confiance en vous et trouver de la force à tout cela ! Lae D/S est en vous !
Bien à vous mes chèrEs PerversES, vous êtes mon inspiration !
Ciprine
ciprine@riseup.net
GLOSSAIRE
BDSM : Bondage-Discipline/ Domination-Soumission/ Sado-Masochisme. Accronyme apparu aux Etats-unis dans les années 90 pour concilier ces différentes pratiques qui se pratiquent de manière consensuelle pour le plaisir partagé des tousTEs les partenaires impliquéEs. Sans consentement ce n’est pas du BDSM, tout comme se prendre un coup de pelle ce n’est pas du jardinage, ou se faire violer ce n’est pas faire du sexe !
Jeu/Scène : Moment de pratique du BDSM entre deux ou plus de partenaires.
Bottom/ Top/ Switch : Les Bottoms sont les personnes qui reçoivent les pratiques, ou aiment se soumettre dans le jeu. Les Tops donnent ou dominent. Etre Switch signifie qu’on aime prendre les deux rôles soit à l’intérieur d’un seul jeu, soit en général dans la vie, aimant faire des scènes en tant que bottom et d’autres scènes en tant que top.
DomMEs : Les personnes qui dominent, les dominatrices, les dominateurs, mais voilà un mot qui évite de genrer.
Fetishs : Objets, pratiques ou parties du corps qui sont source d’un intérêt sexuel de manière immuable et détachée de qui les tient, les porte ou les fait. Certains fétishs comme les gros seins ou les grosses bites sont communément acceptées dans notre société cishetéro. Le même intérêt sexuel que les « fétishistes » ont pour les pieds, le latex ou la pisse est marginalisé dans la catégorie « perversEs » par l’ordre moral sans autre forme de procès que l’adoration d’éléments qui n’ont rien à voir avec la procréation.
Fem : Personne qui a une expression de genre féminine, quel que soit sont identité de genre, ses génitaux, son orientation sexuelle. C’est à l’origine plutôt une identité queer néanmoins, située à l’intersection entre l’autodéfinition des personnes, le concept socialement construit de « féminité », et sa réappropriation en dehors de son caractère obligatoire extrêmement normatif pour les personnes lues comme « femmes » (trans ou cis) dans cette société.
Femdom : Littéralement Domination Féminine. Utilisé dans sa version cishétéro pour les jeux où les femmes dominent les hommes, mais réapproprié par la scène BDSM queer pour désigner la domination par des personnes qui prennent une expression de genre féminine pour dominer (ponctuellement ou toujours), quelque soit leur identité de genre, leur génitaux, leur expression de genre dans la vie courante.
Subspace / Domspace : Espace mental soumis ou dominant dans lequel on entre pour jouer. Service topping : Consiste à topper, c’est à dire faire, donner une pratique à unE bottom, la performer pour lui faire plaisir, sur sa demande. Différent de la domination.
Brats : En anglais, « sales gosses ». Désigne les bottoms qui aiment provoquer la domination chez l’autre en se comportant de manière résistante ou désobéissante. u
Safeword : Mot de sécurité, code qui peut être un mot ou un geste, ou un son qui donne l’indication essentielle à son/sa partenaire que quelque chose ne va pas, qu’on ne consent pas à quelque chose. Traditionnellement dans la communauté BDSM organisée, les codes sont Rouge pour tout arrêter et Jaune pour arrêter seulement un détail.
Aftercare : Soin d’après la scène
Playparty : Soirée, évènement BDSM où il est possible de jouer
Débriefing : Moment après une scène où l’on se fait mutuellement des retours sur ce qu’on a fait pendant la scène
Vanille : désigne la sexualité non-BDSM dans le jargon des pratiquants du BDSM
Slut-shaming : Toute action ou parole qui vise à faire ressentir à une personne, en particulier les femmes (trans ou cis) dans cette société binaire, de la honte d’être capable de désir(s) et de le(s) satisfaire en ayant de la sexualité avec autant de personnes qu’elles le veulent.
Chauffage : action de préparation à la réception de la douleur sur la partie du corps qui va la recevoir.
Top drop / sub drop : Chute émotionnelle qui peut intervenir après une scène BDSM particulièrement intense.
Quelques références :
Tous les extraits sont tirés de l’ouvrage Même Pas Mal de Cléo de Montis, sauf l’extrait p. 23 et 24
- Brochure BDSM Jouez safe : Fais moi mal mais fais le bien ! (le Kiosque Infos Sida)
- L’art de dominer, et L’art de se soumettre, Dossie Easton, Janet Weiz
- Laisse moi t’expliquer : mon consentement au travail, de Emy Phoenix et Ophélia L.
- Fetlife.com, un réseau social de personnes qui pratiquent le BDSM, contient de nombreuses ressources et groupes pour discuter de pratiques.
- Pervers and Safe de Wendy Delorme
à Cléo...
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