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La Hague, grands soirs et petits matins
Lorsque les salariés de l’atome dénonçaient leurs conditions de travail et le nucléaire
mis en ligne le 24 avril 2023 - Z (revue)
La Hague, grands soirs et petits matins
Lorsque les salariés de l’atome dénonçaient leurs conditions de travail et le nucléaire
En mai 2015, Areva, le géant mondial de l’électronucléaire, annonce la suppression de quatre mille postes en France. Parmi d’autres, l’usine de La Hague est visée. Alors que les revendications portées par les syndicats de la filière et celles des antinucléaires peuvent difficilement être plus éloignées, Z revient sur l’histoire d’un mouvement critique impulsé par les travailleurs de La Hague et qui s’est élargi aux habitants et aux antinucléaires du Cotentin dans les années 1970.
La filière nucléaire est aujourd’hui le premier employeur privé du Cotentin. Avec l’arsenal de Cherbourg où sont construits les sous-marins nucléaires, l’usine de retraitement des combustibles usés de La Hague, les centres de stockage de déchets de l’Andra, la centrale de Flamanville et, plus récemment, le chantier de l’EPR, cette extrême pointe occidentale est devenue en quelques décennies l’une des régions les plus nucléarisées au monde. Omniprésente sur cette terre de bocages flanquée de caps venteux et de paisibles anses, l’industrie atomique et les questions qu’elle soulève n’en restent pas moins confinées à l’intérieur des installations. Tandis que les hiérarchies syndicales défendent le maintien de l’emploi, les professionnels de l’écologie détiennent le monopole des différents scénarios de transition énergétique et la voix des travailleurs du nucléaire, elle, se fait peu entendre. Les rencontres entre des collectifs de salariés, de riverains et d’opposants au nucléaire, tous affectés par les conséquences de cette industrie, se montrent – hélas ! – aussi rares qu’infructueuses, lorsqu’elles ne tournent pas carrément à l’affrontement, comme en 1999 à l’usine de La Hague. Aussi épique que sinistre, selon le point de vue, cet épisode de 1999 mérite qu’on s’y arrête un instant ; une première étape rétrospective qui permet de mieux saisir la richesse du débordement impulsé par les travailleurs de cette même usine quelques années plus tôt [1]
Mardi 19 janvier 1999. Dans le brouillard hivernal aussi épais que coutumier du Nord-Cotentin, le car transportant Daniel Cohn-Bendit, en campagne électorale pour les législatives européennes, et une demi-douzaine de Verts français progresse en direction de l’usine de La Hague. La délégation a prévu de présenter son scénario de sortie du nucléaire devant une nuée de journalistes spécialement invités pour l’occasion – un coup médiatique opéré au moment même où l’Allemagne vient de prendre la décision de ne plus faire traiter ses déchets nucléaires en France ; une décision que les écologistes espèrent contagieuse aux autres pays qui envoient, eux aussi, leurs déchets hautement radioactifs à La Hague.
Surmontées de barbelés, les grilles, puis les imposants bâtiments en béton, apparaissent bientôt. Après que l’entrée à deux premiers accès lui a été refusée, la délégation se dirige vers une troisième porte. Elle découvre là son comité d’accueil. Il est à peine 15 h 30 et à la vue des salariés de la Cogema rassemblés là – près de 400 sur 6 000 au total – une voix plaisante au fond du bus : « On va avoir quelques petits problèmes. Dites-leur bien que Dany, c’est le rouquin. » Dehors, l’ambiance est un peu moins riante. « Cloporte, traître, vendu ! Retourne en Allemagne, pédé ! Dehors les juifs ! On va te buter ! » Chauffés à blanc malgré le vent et la pluie, les salariés de l’usine ont décidé que les visiteurs « ne passeraient pas à l’usine comme à la salle des fêtes ». Tandis que la délégation progresse péniblement vers la réception, mottes de terre, œufs et insultes fusent. De leur côté, les FLS – Forces locales de sécurité, un héritage du temps où le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dirigeait l’usine – se montrent plus discrètes que jamais.
Une fois la porte du hall refermée, le directeur adjoint de la Cogema invite ses hôtes à monter dans un bus maison sans présenter la moindre excuse pour l’accueil qu’ils viennent de subir. « Vos méthodes sont inadmissibles ! On se croirait au Chili ! », explose un Vert. « Ou dans la Grèce des colonels », ajoute un autre après s’être sommairement essuyé le visage. Le rassemblement unitaire appelé par les syndicats a été facilité, pour ne pas dire encouragé, par la direction, qui, bonne fille, a accordé l’après-midi à ses employés « au titre des trois heures légales d’assemblée générale annuelle ».
Passées ces amabilités, la visite démarre : piscine de refroidissement des combustibles irradiés, châteaux de plomb prêts à repartir pour l’Allemagne – trois mille tonnes de déchets allemands attendent alors d’être retournés, soit dix convois de « castors » [2] –, atelier de vitrification des produits de fission et salle de contrôle où les salariés à leurs postes arborent un badge au message défrisant : « Écologie = nucléaire ». L’échange avec la direction autour du scénario de sortie du nucléaire – alors envisagée pour dans trente ans par le député européen, un délai qui lui aurait valu d’être exclu de n’importe quel groupe écologiste quelques années plus tôt – est vite expédié.
La sortie de l’usine ne se montre pas plus facile que l’entrée. À la grille, des élus locaux sont même venus renforcer les troupes avec un inspirant slogan : « Cohn-ben-bite. C’est un terroriste. On l’a extradé en 1968. On devrait l’extrader en 1999. » La délégation finit par franchir les portes pour rejoindre Cherbourg, à une vingtaine de kilomètres, où un meeting doit se tenir à la salle des fêtes. Là aussi, les « écolos » sont attendus. Les gilets CGT et FO ont été troqués contre des tenues de camouflage, des cagoules et des manches de pioche. Il est 19 heures, la nuit est tombée, et une coupure de courant est annoncée : « Pas d’électricité nucléaire pour les antinucléaires. » Et toc ! C’est au tour des électriciens de la CGT d’entrer en piste. Meeting annulé. Le préfet a annoncé aux Verts qu’il ne pouvait en assurer la sécurité. C’est sous l’escorte des CRS que le député européen rejoindra Paris dans la nuit.
Emploi versus écologie,rencontre impossible
Le courrier envoyé aux hiérarchies syndicales de La Hague quelques semaines plus tôt n’y aura donc rien fait. La délégation en campagne s’était pourtant montrée attentive aux intérêts des travailleurs : une sortie du nucléaire ne signifierait pas la fin de l’emploi à l’usine puisqu’il faudrait retraiter les centaines de kilos de combustibles français et étrangers accumulés au cours des dernières décennies. Il y aurait donc encore beaucoup à faire et ce pour au moins encore trente ans. Les représentants de l’intersyndicale entendent la situation d’une autre oreille et refusent de discuter avec « ces fossoyeurs d’emplois ». Dans ses tracts, la CGT – assiégée par un inquiétant déferlement Vert – dénonce un « harcèlement continu visant à supprimer un maillon essentiel et indispensable de la filière nucléaire pour mieux la discréditer et obtenir son abandon ».
La Cogema vient effectivement d’être mise en examen. Deux procédures sont engagées : en 1994, le Crilan (Comité de réflexion antinucléaire de Basse-Normandie) dépose une plainte contre le stockage illégal de déchets nucléaires étrangers sur le sol français ; en 1997, une nouvelle plainte est portée par Didier Anger, militant du cru et antinucléaire de la première heure, cofondateur des Verts devenu conseiller régional, pour mise en danger de la vie d’autrui. Dans un communiqué transmis à la presse et distribué à Cherbourg la veille de cette joyeuse journée, la CGT vise Didier Anger en personne, accusé de voir dans la mise en examen de la Cogema la possibilité d’« une sacrée victoire personnelle : la fermeture de l’usine de La Hague, et la suppression au bas mot de quinze mille emplois. » L’emploi versus l’écologie, voilà quelques années que les termes du débat entre antinucléaires et travailleurs de l’usine ne permettent plus d’imaginer une cause commune, ni même un échange.
Vingt-cinq ans plus tôt, Didier et Paulette Anger connaissaient pourtant bien une partie des syndicalistes de La Hague, avec qui ils partageaient une même critique de l’exploitation, de la société policière et un espoir révolutionnaire. Avec certains, ils avaient aussi partagé les bancs de la même école. Les intérêts des uns et des autres ne semblaient alors pas si éloignés. Les syndicalistes CFDT de l’usine n’hésitaient pas à venir s’exprimer aux fêtes antinucléaires organisées à Flamanville ou à Cherbourg ; le Crilan, l’union régionale de la CFDT et Les Amis de la Terre avaient signé un accord commun contre le plan Messmer [3] et avaient conjointement organisé une manifestation de Beaumont-Hague jusqu’à l’usine en juin 1976. C’est donc assez spontanément qu’en septembre 1976, au démarrage de la plus grande grève que le CEA ait connue, Didier et Paulette Anger avaient soutenu l’occupation de l’usine en participant au rassemblement devant les grilles, comme pas mal de gens du coin d’ailleurs. Ils avaient même contribué à « populariser le mouvement », comme on disait alors, en organisant des projections de Condamnés à réussir [4], un film d’information sur les conditions de travail à La Hague, et ce jusqu’au Japon.
La grève qui éclate en 1976 est le fruit d’une dynamique marquée par « l’esprit de Mai » : l’expérience du « soviet » de Saclay est encore fraîche, de nombreux scientifiques – dont des physiciens nucléaires – se sont montrés très critiques du nucléaire et se sont opposés au plan Messmer [5] et la CFDT est majoritaire sur plusieurs sites. Alors clairement anticapitaliste, porteuse d’une forte critique du pouvoir, de la société de consommation et des dégâts du progrès [6], la CFDT est particulièrement bien implantée à Saclay et à La Hague où, sur près de mille salariés, elle compte environ trois cent cinquante adhérents. Or, il se trouve qu’à La Hague, les travailleurs sont particulièrement inquiets : avec le vieillissement des installations, la pollution radioactive qui devait rester confinée dans certaines zones s’étend. Le CEA avait imaginé une usine 9 où l’intervention humaine au contact de la radioactivité ne serait pas nécessaire. La réalité est bien différente : les incidents techniques sont quotidiens et les interventions en milieu radioactif se multiplient. Ces opérations se révèlent en outre de plus en plus longues et fatigantes, car les installations n’ont pas été conçues pour accueillir un travail humain.
Critique du travail contaminé
Le mécontentement qui commence à s’exprimer dans les tracts de la CFDT au début des années 1970 grandit encore à la perspective de travailler dans une société de droit privé. Le 26 décembre 1975, le gouvernement autorise par décret la création d’une filiale pour la gestion industrielle du cycle du combustible dont le CEA cherche à se défaire. Avec la création de la Cogema, entreprise d’État dirigée par Georges Besse, la direction du CEA veut transformer cette unité prototype, déjà usée, en maillon industriel modèle de la filière nucléaire. La filière nucléaire française vise l’exportation et se présente comme l’unique au monde à intégrer toutes les étapes du cycle du combustible, de la transformation de l’uranium à la gestion des déchets. Cette évolution suppose une augmentation de la production et de la productivité du travail qui, les salariés le savent, se fera au détriment de la sécurité. Le tonnage de combustibles irradiés a déjà quasiment triplé en deux ans [7]. Les dépôts radioactifs augmentent dans les tuyauteries et les pannes diverses exigent de fréquentes opérations en zones chaudes. Le nombre d’accidents de contamination explose : 114 accidents en 1971 pour 572 en 1975 [8]. « Les travailleurs ne veulent pas être de la ‘viande à rems’ [9]. Ils veulent la sécurité et la santé, cela ne se négocie pas », peut-on lire dans un tract de la CFDT.
Depuis Paris, au bureau du SNPEA – le Syndicat national des personnels de l’énergie atomique, affilié à la CFDT –, quelques francs-tireurs se déplacent régulièrement dans les usines. Parmi eux se trouvent deux militants au rôle déterminant : Bernard Laponche, polytechnicien et physicien nucléaire, permanent du syndicat, et Jean-Claude Zerbib, ingénieur en radioprotection, secrétaire général du SNPEA, tous deux à l’origine d’un ambitieux travail d’enquête sur le fonctionnement et les risques des installations qui donnera lieu à la publication d’un livre, un best-seller dans son domaine [10]
À l’occasion d’une de ses visites dans le Cotentin, Bernard Laponche fait l’expérience des conditions de travail en milieu contaminé : « Je suis descendu avec un ouvrier, Léon Lemonnier. C’était la première fois que je me retrouvais directement exposé à la radioactivité. Il devait intervenir en zone, on avait dû mettre les tenues shadocks [11]. Il devait couper un tuyau pour changer une pompe, on était dans des espèces de souterrains lugubres, et je me suis alors rendu compte de ce que c’était. Tout était tellement compartimenté que la plupart d’entre nous, les physiciens, ne connaissions rien aux risques. Certains d’entre nous travaillaient dans les applications militaires, un secteur couvert par le secret, d’autres dans les usines comme à La Hague ou à Marcoule, d’autres encore dans la recherche fondamentale. Le nucléaire n’était pas le problème pour eux puisqu’ils faisaient de la physique. Moi, par exemple, j’ai fait ma thèse sur le plutonium (Pu), mais je n’ai jamais étudié ou connu les risques du Pu. Je devais expliquer le sens des résultats d’expériences faites par d’autres ; le risque, ce n’était pas mon problème. On s’est aperçus de tout cela au début des années 1970. Chacun connaissait à peu près ce qu’il faisait, mais n’avait aucune idée de 11 ce que faisaient les autres ni de ce qu’était au juste cette utilisation de l’énergie nucléaire. C’est pour ça qu’on a voulu faire le livre, puis que l’idée du film a été soutenue. »
Un film qui devient mouvement
À La Hague, les travailleurs cherchent des moyens originaux pour faire connaître, en dehors de l’usine, leur situation et leurs dangereuses conditions de travail. Ils pensent à un film. Bernard Laponche, qui vient d’expérimenter la « promenade » en tenue shadock, propose d’en parler à un ami. De drôles d’oiseaux entrent alors en scène. C’est que l’époque est le théâtre de rencontres improbables qui transforment celles et ceux qui en font l’expérience. Aussi précieuse que méconnue, l’histoire du film Condamnés à réussir donne à voir ce que cette séquence des années 1970 ouvre comme perspectives. Financé par la CFDT et réalisé par une équipe non professionnelle, ce 52 minutes est tourné en janvier 1976. En révélant le quotidien des ouvriers, il devient un outil au service de la grève autant qu’un document nourrissant la critique antinucléaire. Il est aussi un catalyseur de rencontres tant au moment de sa réalisation que lors de sa diffusion.
L’ami en question, c’est François Jacquemain. Ils se sont rencontrés dans un des clubs de jazz du cœur de Paris. François Jacquemain a alors une certaine pratique de l’agitation politique et du cinéma militant, qu’il préfère appeler « cinéma d’intervention ». À près de quatre-vingt ans, il garde aujourd’hui une certaine classe. Perfecto sur le dos, coup-de-poing américain, en guise de presse-papier, sur le bureau – on ne sait jamais –, la répartie reste décapante. « J’ai adhéré au Parti communiste en 1950. J’y ai rencontré beaucoup de sales cons de bureaucrates staliniens, mais également des gens formidables, dockers, agriculteurs et intellectuels qui cherchaient une issue au capitalisme. » Inscrit aux Beaux-Arts, il fréquente plus volontiers les bistrots de Saint- Germain-des-Prés que l’Ecole. Il y côtoie un groupe à prétention surréaliste. Des rencontres qui le vaccinent contre « la connerie stalinienne » ; il se fait d’ailleurs exclure du PC. Jusqu’à la fin des années 1950, il peint, avec quelques succès, mais bientôt laisse tomber. Pour lui, comme pour un certain nombre de ses petits camarades, « l’activité artistique ne doit plus seulement consister à représenter le monde de différente façons et par différents moyens ; elle doit le changer ».
Lorsque Bernard Laponche lui propose de faire un film, il contacte des amis d’horizons divers : « L’idée de faire un film ensemble, sur un tel sujet, nous plaisait à tous. Je demande toutefois que le film soit réalisé en 16 mm couleur et que nous disposions d’une liberté totale sur le fond comme dans la forme. Ce film, nous l’avons envisagé dès le départ comme un reportage qui se placerait pour une fois du point de vue des ouvriers sur leur travail. » Le SNPEA prend le film en charge financièrement en faisant une collecte générale auprès de ses adhérents (ils sont à peu près trois mille à l’époque), et, comme celle-ci ne suffit pas, un complément est fourni par des prêts personnels. Ni l’équipe de réalisation ni celle des comédiens, composée essentiellement par les ouvriers de l’usine, ne sont rémunérées mais, pour gérer légalement la production et la diffusion, la société Ciné Information Documents (CID) est constituée.
Laiterie désaffectée et shadocks clandestins
Fin janvier 1976, Claude Eveno, un ami de François Jacquemain, et Joëlle Hocquard, une journaliste originaire de la presqu’île, précèdent l’équipe parisienne pour préparer les conditions matérielles du séjour, organiser les contacts avec la section syndicale, les travailleurs, des habitants et des notables de la région. Sans surprise, la direction de La Hague refuse l’autorisation de tourner dans l’usine. Gilles Lacombe, intronisé décorateur du film, parvient toutefois à y entrer clandestinement avec la complicité de la CFDT et de quelques gardiens sympathisants. Puisqu’il est impossible de tourner à l’intérieur, l’équipe décide de reconstituer ailleurs l’environnement de travail. Après quelques hésitations, c’est une laiterie désaffectée qui est élue pour ses tuyauteries et ses escaliers métalliques qui ressemblent d’assez près à ceux de l’usine, « en plus neuf », disent les ouvriers !
La section CFDT de l’usine a délégué un certain nombre de ses membres pour participer au film. Léon Lemonnier, ouvrier décontamineur originaire de Cherbourg, est désigné comme porte-parole et doit effectuer l’intervention devant la caméra. « On leur a demandé, aux gars de Paris, qu’est-ce qu’ils voulaient faire comme film : est-ce que c’était seulement sur les conditions de travail, ou est-ce que ça risquait d’alimenter le mouvement antinucléaire ? raconte Léon. Il fallait qu’on sache parce que ça engageait autre chose pour nous que pour eux. Ils ont été clairs : pas de doute que ça allait être dur. Ils ne pouvaient pas faire un film qui ne dirait pas la vérité et ne poserait pas les bonnes questions. Nous, à partir de là, on pouvait accepter ou refuser. Mais on a pris le risque. On pensait qu’on allait être virés de La Hague, mais on était contents. Faut dire qu’on n’était pas bien par rapport à cette usine. À partir de là, notre maison est devenue le lieu de rendez-vous de toute l’équipe. » Sa femme, Anne-Marie, n’avait pas le rôle le plus facile : soutenue par Joëlle Hocquard, elle assurait l’intendance pour une équipe d’hommes qui rentraient souvent au milieu de la nuit, après des heures de tournage. Elle en garde toutefois un souvenir au goût de piquant : « Le plancher était en mauvais état, on planquait les pellicules dessous pour pas qu’elles soient prises par la DST. On était sans cesse suivis par deux couillons. »
Le canevas du film est écrit une fois l’équipe locale rencontrée : intervention d’un ouvrier en zone radioactive, relation des travailleurs entre eux, répercussions du travail sur la vie quotidienne à l’extérieur de l’usine, situation de l’usine dans la région, son fonctionnement et sa place dans le problème mondial du retraitement et du stockage des déchets radioactifs. « Moi, je devais jouer mon propre rôle : le plouc local qui a évolué et qui se pose des questions, résume Léon. J’avais des copains intérimaires qui bossaient au bâtiment décontamination, je leur ai demandé de venir et ils sont venus faire devant la caméra le boulot qu’ils faisaient tous les jours à l’usine. On a aussi sorti pas mal de matériel, clandestinement. » Le rendu du film est si fidèle que les responsables de l’usine s’y laisseront prendre lors de sa première projection publique à Cherbourg : ils accuseront la CFDT d’avoir fait rentrer des caméras en zone – ce qui amuse aujourd’hui encore l’équipe, qui explique que filmer dans ces endroits n’aurait pas manqué de « brûler » les pellicules compte tenu de la radioactivité.
Léon se souvient aussi des crispations au sein de la section CFDT de La Hague. Une partie des représentants étaient réticents, ils craignaient que le film véhicule un discours antinucléaire et compromette « l’outil de travail » ainsi que leur image à l’intérieur de l’usine. « Je me souviens d’un dimanche matin, en janvier, on se caillait les meules, je ne vous raconte pas ! C’était la scène d’habillage où j’avais, comme par hasard, un tricot rouge ; et un permanent de la section de m’engueuler : ‘Pourquoi tu prends un tricot rouge ?’ Ça le gênait que ce soit rouge, ça lui évoquait le communisme. Il était un peu nerveux avec cette histoire de film. Certains avaient peur que la destinée du film leur échappe, ils avaient peur que ça donne des billes aux antinucléaires. Ils étaient tellement corpo ! Moi, je savais que ça allait donner des billes parce que le film soulève un tas de questions sur le nucléaire et qui concernent tout le monde ! »
C’est vrai que le film est antinucléaire. « Pas parce que nous l’avons voulu, précise François Jacquemain, mais simplement parce qu’il suffit de montrer aux gens le nucléaire tel qu’il est pour qu’ils réalisent le danger qu’il représente. L’essentiel du film était contenu dans le travail vécu, travail subi ‘pour la survie’, et qui révèle visiblement sa nature aliénante et mensongère. Activité dépourvue de tout sens pour l’individu devenu le serviteur d’un système qu’il ne maîtrise plus, activité qui l’empoisonne lentement mais sous le prétexte apparemment paradoxal de lui fournir les moyens de sa survie ; travail dans une tenue étanche qui matérialise la séparation, la solitude et la dépendance toujours plus grande envers la médiation technologique et le système marchand qui la suscite. Et puis il y a le cancer, maladie spécifique du travail dans l’énergie nucléaire, mais aussi maladie spécifique de la société du capital. »
De la grève aux assises du nucléaire
Le 16 septembre 1976, alors que les agents reçoivent les premières propositions d’embauche de la Cogema, la grève est votée à l’usine de La Hague. Dans les jours qui suivent, elle s’étend aux autres sites – Miramas, Marcoule, Pierrelatte –, eux aussi concernés par la création de la Cogema (qui les fait basculer du statut privilégié d’agents du CEA vers celui de salariés relevant du droit privé). À La Hague, la grève est suivie à 90 % et commence par une occupation de l’usine du 16 au 18 septembre, date à laquelle les forces de police pénètrent pour la première fois dans un centre de production nucléaire. Le mouvement prend ensuite la forme d’une grève des travailleurs affectés à la production, les autres agents soutenant financièrement ces derniers, et ce jusqu’à la fin du mois de décembre.
Lancée contre des conditions de travail dégradées et la menace de la privatisation, cette grève qui dure jusqu’à fin décembre exprime aussi le besoin des travailleurs de faire sortir de l’usine les questions qui les préoccupent, comme en témoigne l’élan suscité par le film Condamnés à réussir. Si une partie des syndicalistes impliqués dans sa réalisation craignaient qu’il serve la critique du nucléaire, lorsqu’il est présenté à l’ensemble des travailleurs au cours de la grève, il est perçu par la majorité d’entre eux comme leur film. Ils organisent à eux seuls plus de 300 projections à travers toute la France, une tournée qu’ils assurent avec leurs propres moyens. De même, les grévistes organisent à Cherbourg, les 27 et 28 novembre 1976, les premières « Assises du nucléaire », débat populaire et contradictoire. Près de dix mille personnes viennent de toute la France pour des discussions, des ateliers thématiques, des concerts. De nombreuses questions sont abordées : les rapports du nucléaire avec la restructuration industrielle, l’écologie, la sûreté, les conditions de travail, les besoins en énergie, la politique de l’emploi, un choix de société.
Les représentants de la filière nucléaire sont (momentanément) désarmés par l’ampleur du mouvement, qui relance le débat sur le traitement des combustibles usés à un moment critique : il n’y a plus – hors de France – une seule usine de retraitement en état de marche. En outre, certains pays, notamment les États-Unis, abandonnent ou renvoient aux calendes grecques tout retraitement ; d’autres, comme la Suède, subordonnent la poursuite de leur programme électronucléaire à la certitude que leurs dangereux déchets seront bien pris en charge par l’usine française. Mais alors que la pression monte au niveau international avec des contrats commerciaux menacés et qu’à La Hague le mouvement de contestation prend une ampleur inquiétante – tant pour ses critiques à l’encontre du programme nucléaire que pour le soutien qu’il trouve auprès de la population –, au niveau national le syndicat se fixe de modestes objectifs : 1. l’arrêt des propositions d’embauche par la Cogema et le retrait de celles déjà envoyées ; 2. des négociations sur les conditions de travail.
Si la CFDT de la première moitié des années 1970 prend position contre le programme électronucléaire, fin 1976, par la voix de ses représentants nationaux, elle exprime un point de vue plus « réaliste » : « Puisque plusieurs centrales nucléaires sont déjà en service et que les déchets irradiés s’accumulent, le retraitement est nécessaire », recadre Michel Rolant, numéro deux de la CFDT, dans la revue Rayonnement. À La Hague, l’effervescence retombe et les troupes sont dispersées avec des propositions d’avancement pour certains et des mises au placard pour d’autres. Quelques uns sont mutés à Caen, au Ganil, où se trouve l’accélérateur d’ions lourds, d’autres sont envoyés à Cadarache, dans le Sud, ou encore à Saclay, aux portes de Paris. Léon Lemonnier, qui avait le premier rôle dans le film, est tenu à l’écart. Affecté à un nouveau poste, il n’y rencontre pas âme qui vive. Désœuvré, il tire toutefois avantage de son isolement en mettant sur pied un service de radioprotection « autogéré » destiné aux travailleurs sous-traitants et aux intérimaires qui assument de plus en plus de tâches exposées sans disposer pour autant de formation, de moyens de protection ou de suivi médical adaptés. De la section CFDT de 1976, il ne reste, à la fin des années 1970, plus qu’un pauvre hère, Jean-Pierre Lhermitte.
Tandis que le noyau le plus contestataire de la CFDT est démantelé et que la critique syndicale s’affaisse, les problèmes dans l’usine persistent. À la hausse constante des impératifs de production s’ajoute une série d’incidents techniques. La pression monte et des formes de protestation inattendues font irruption. En 1979, la révélation d’une tentative de meurtre à l’atome secoue l’usine. Un chef d’atelier réputé injuste et autoritaire retrouve sous le siège conducteur de sa voiture des queusots, pièces utilisées pour fermer les gaines qui contiennent les combustibles irradiés, et donc hautement radioactives. Quelques mois plus tôt, en juin 1978, Noël Leconte, 28 ans, qui n’en pouvait plus des brimades qu’il subissait à l’atelier de dégainage, avait décidé de se venger avec les moyens du bord : « Je me suis dit que les services médicaux s’en apercevraient, qu’il serait fatigué et retiré de ce service », déclare le jeune homme le jour de son procès.
Erreur ! Pendant près de cinq mois, le chef d’atelier soumis quotidiennement à des irradiations circule sur le site sans que le service de protection contre les rayonnements ionisants ne s’aperçoive de rien. C’est dire si la dite protection est efficace. C’est finalement un accident de la route qui lui sauve la vie : une fois sa voiture à la casse, il en récupère les sièges et découvre ce qu’il croit d’abord être une « plaisanterie ». Une plaisanterie qui coûtera deux ans de prison à son auteur.
Espoirs trahis et nouvelles énergies
La direction de la CFDT a pour sa part engagé une nouvelle stratégie : elle vise désormais à peser directement sur le législateur et pour ce faire mobilise ses relations au PSU (parti socialiste unifié) et dans la galaxie Mitterrand. Portée par Bernard Laponche pour la CFDT, mais aussi par les Amis de la Terre ou le PS – vingt deux organisations en tout –, une grande pétition nationale « pour une autre politique de l’énergie est lancée ». « Formidable ! Signée par 19 toute la Gauche ! On était sûrs de notre coup, se souvient Bernard Laponche. L’espoir a duré deux ou trois mois et, en octobre 1981, Pierre Mauroy a fait un grand discours à l’Assemblée pour dire que le nucléaire était formidable. Ça a sonné la fin de cette période des années 1970 qui avaient été extrêmement actives. Un certain nombre d’entre nous se sont alors mis dans les alternatives, l’efficacité énergétique, les renouvelables, avec la création en 1982 de l’AFME – l’Agence française de la maîtrise de l’énergie. »
Que reste-t-il de la grève 1976 ? Progressivement, c’est un double mouvement de morcellement et d’institutionnalisation de la critique qui s’est engagé : tandis qu’une partie des cadres nationaux et locaux de la CFDT se sont déplacés du terrain de la lutte syndicale vers celui de la promotion des énergies renouvelables au sein d’officines gouvernementales, d’autres se sont engagés dans la contre-expertise citoyenne [12]. En parallèle, avec la mort d’un manifestant à Creys Malville en 1977, le mouvement antinucléaire se divise et une partie des opposants investissent la vie parlementaire en multipliant leur participation à des scrutins : élections municipales en 1977, législatives en 1978, européennes en 1979 et présidentielles en 1981 avec Brice Lalonde comme candidat de Aujourd’hui l’Écologie.
Du côté des travailleurs, le bilan est mitigé : le mouvement de 1976 permet d’obtenir des aménagements au contrat initialement proposé par la Cogema (ce qui le rapproche de la fameuse convention de travail acquise par les « soviets » de Saclay, voir encadré) ainsi que la création d’un comité d’hygiène et sécurité (CHS) élargi dont le but est de faire le point sur les problèmes de sécurité et de conditions de travail. Plus généralement, il permet de faire émerger la problématique des conditions de travail. Un angle ô combien dérangeant pour les représentants de la filière, tant il montre le décalage existant entre la réalité et leur représentation d’un univers aseptisé où ne seraient employés que des techniciens, des ingénieurs et des « savants » ; un décalage soigneusement entretenu et toujours d’actualité [13]. La grève et le film permettent de faire connaître l’envers du décor, ce qui va pour un moment nourrir la critique syndicale et celle du mouvement social.
Les problèmes dénoncés en 1976 restent pour autant entiers. Si aucune nouvelle tentative de meurtre à l’atome n’a été recensée, les conditions de travail et leurs conséquences demeurent pour le moins préoccupantes, quoique réduites à une certaine invisibilité par le recours massif à la sous-traitance pour les tâches les plus pénibles et exposées à la radioactivité. Ce sont désormais des salariés d’entreprises sous-traitantes qui assument 90 % des opérations nécessaires au fonctionnement des installations nucléaires. Avec cette organisation du travail faisant reposer les activités les plus dangereuses sur des salariés à la fois peu organisés et précarisés, les mobilisations collectives se montrent rares. Les suicides de travailleurs sous-traitants, eux, sont nombreux [14]. et à ces disparitions brutales s’ajoutent les cancers et autres pathologies radio-induites, rarement déclarées et reconnues comme telles. S’ils ne sont pas légion, un certain nombre de sous-traitants tentent de s’organiser. Bien que la voie de la critique soit périlleuse tant les enjeux économiques et politiques sont importants dans le monde de la sous-traitance et dans celui de l’industrie nucléaire a fortiori, ils se regroupent dans des associations, en marge des syndicats, pour dénoncer leurs conditions de travail et obtenir la reconnaissance en maladie professionnelle de leurs pathologies. Autant de revendications peu relayées par les organisations syndicales comme par les opposants à l’industrie nucléaire.
Majoritaire à La Hague depuis le début des années 1980, le syndicat CGT a pour sa part organisé de nouvelles « Assises du nucléaire » au début de l’été 2015. À Cherbourg d’abord, au Tricastin ensuite, puis au siège national du syndicat, à Montreuil, pour terminer. Malgré la reprise de la formule de 1976, difficile de voir une filiation avec la première initiative. En fait de procès, ces assises ont pris la forme d’un véritable plébiscite de l’industrie nucléaire. Pas question ici de débat contradictoire ouvert aux riverains et aux antinucléaires. Il est encore moins question de s’interroger sur l’utilité sociale de cette industrie ou sur ses conséquences. Et que ce soit les travailleurs de l’association normande Santé-sous-traitance-nucléaire-chimie, ou ceux du collectif des Irradiés des armes nucléaires à Brest, pour la plupart syndiqués à la CGT, aucun n’a été invité à ces nouvelles grandes « Assises ». Un simple oubli ?
Encadré 1
DES DÉCHETS NUCLÉAIRES RECYCLÉS ?
Construite en 1961 par le CEA dans le but d’extraire le plutonium des déchets irradiés et ainsi répondre aux besoins de fabrication de la bombe atomique, l’usine de La Hague devient successivement la propriété de la Cogema en 1976 puis celle d’Areva à partir de 2006. Elle accueille depuis plus de quarante ans tous les combustibles usés des réacteurs français, mais aussi étrangers. Ils y patientent quelques années, certains jusqu’à dix ans, le temps que leur très forte radioactivité décroisse. Puis les deux tiers d’entre eux sont soumis à un processus industriel complexe. D’abord, les fameux crayons d’uranium enrichi sont cisaillés. Puis on les trempe dans un bain d’acide nitrique où ils se dissolvent, se transformant en une solution qui contient un mélange de plutonium, d’uranium et de produits de fission. Il faut ensuite séparer l’uranium et le plutonium du reste. Puis épurer et concentrer ces éléments. Une tonne de combustible irradié, une fois traitée, fournit 950 kilos d’uranium dit de « retraitement » et 10 kilos de plutonium « séparé ». Les 40 kilos restants, qui contiennent produits de fission, coques et embouts (ce qu’il reste des gaines), sont considérés comme « déchets ultimes » : le projet très contesté de l’État est d’expédier ces déchets récalcitrants particulièrement dangereux à Bure, où ils devraient être enfouis à 500 mètres sous terre pour cent mille ans au minimum. Une partie du plutonium est retravaillée afin d’être utilisée dans un nouveau combustible, le MOX. Quant à l’uranium restant, pendant des années 15 % de son volume a été expédié en Russie pour y être réenrichi, tandis que le reste est stocké au Tricastin en attendant des jours meilleurs.
Encadré 2
LES SOVIETS DE SACLAY
Sur le site de Saclay, qui compte alors 10 000 travailleurs, une assemblée de 6 000 personnes vote le 20 mai 1968 la mise en place de conseils élus dans chaque service et département. Cette expérience de démocratie directe durera près d’un an et conduira à la signature d’une convention collective très avantageuse pour les salariés du CEA. En instituant de nouveaux droits syndicaux, cette convention permettra, à la CFDT notamment, de faire élire plusieurs permanents, qui auront à cœur d’établir des liens avec les salariés des autres sites du CEA et d’enquêter sur les conditions de travail. Le mouvement de Saclay va créer des possibilités de rencontre entre travailleurs de différentes catégories et, surtout, de différents sites. Voir à ce sujet le livre de Jacques Pesquet, Des soviets à Saclay ? Premier bilan d’une expérience de conseils ouvriers au Commissariat à l’énergie atomique, Paris, Maspero, 1968.
Encadré 3
LE CINÉMA D’INTERVENTION
« Au contraire d’un cinéma de consommation passive, le cinéma dont nous parlons doit permettre la rencontre dans un même lieu et sur un même sujet d’individus ordinairement dispersés. Quel que soit l’angle sous lequel il l’aborde, il doit avoir pour centre la réappropriation individuelle et collective par les humains de leur propre histoire. Quel que soit le choix de l’articulation forme-contenu, il sera de qualité, reconnaissant là la dimension essentielle du plaisir. Il atteindra l’individu dans sa réflexion, mais aussi dans son émotivité, percutant également dans le rationnel et l’irrationnel. Son but essentiel est de susciter, après la projection, une réflexion commune et un échange critique permettant une communication immédiate, non médiatisée, entre les individus réellement présents et favorisant ainsi leur auto-organisation. » Définition proposée par François Jacquemain lors d’un entretien réalisé en 1982.
Encadré 4
DOCILE, LA PRESQU’ÎLE ?
Le choix du Cotentin a sans doute été déterminé par son exposition à des vents souvent violents et à des courants marins puissants permettant la dispersion rapide des effluents radioactifs. Mais aussi par son petit nombre d’habitants qui à l’époque de la construction de l’usine étaient, en outre, très mal informés. Pour autant, la métamorphose du Cotentin ne s’est pas faite sans heurts. Des premières actions de blocage de convois de déchets, en 1972, au déplacement progressif, dans les décennies suivantes, de la contestation sur le terrain parlementaire et juridique ou encore sur celui de la contre-expertise citoyenne, elle s’est vu opposer les multiples visages d’une résistance locale dont l’histoire commence à s’écrire. Le blocage en gare de Valognes d’un convoi de déchets en partance pour l’Allemagne en novembre 2011 par plus de 500 personnes en est l’expression la plus récente.
[1] Cet article s’appuie sur une série d’entretiens menés avec différents protagonistes de l’époque et sur des archives (presse locale et nationale, rapports, comptes rendus et tracts syndicaux, presse écologiste et antinucléaire). Merci aux anciens militants de la CFDT de La Hague, de Saclay, et à ceux de Condamnés à réussir, à Antoine Costa pour avoir déposé ce film sur le chemin de cette recherche, à Paulette & Didier Anger, Laura Blanchard & Emilie Sievert pour leur accueil..
[2] Conteneur destiné au transport des éléments combustibles usés et hautement radioactifs.
[3] En mars 1974, Pierre Messmer, premier ministre sous la présidence de Georges Pompidou, lance un vaste programme de construction de centrales nucléaires.
[4] Disponible en DVD chez Iskra Production. Ce film qui n’est plus projeté actuellement a été diffusé des Etats-Unis au Japon. En France, la société de diffusion estime à près d’un million le nombre de personnes l’ayant vu entre 1976 et le début des années 1980.
[5] Voir au sujet de l’engagement des scientifiques dans la critique antinucléaire le travail de Sezin Topçu et, notamment, son livre La France nucléaire. L’art de gouverner une technologie contestée, Paris, Seuil, 2013
[6] Syndicat CFDT, Les dégâts du progrès, Paris, Seuil, coll. « Points », 1977
[7] Il est passé de 250 tonnes en 1972 à 635 tonnes en 1974 (archives CFDT)
[8] L’activité de l’usine doit encore augmenter, laissant présager une aggravation de la situation : les projets présentés en 1975 portent sur 800 tonnes de combustibles pour le début des années 1980
[9] Unité de mesure de la radioactivité utilisée à l’époque et remplacée ensuite par le sievert.
[10] Leur travail aboutit, en 1974, à l’écriture de deux brochures très complètes à destination des salariés du CEA. Devant l’absence de toute littérature disponible pour le « grand public », l’équipe décide ensuite de publier L’Electronucléaire en France, ouvrage de référence tiré à 50 000 exemplaires en 1975, et réédité deux fois, en 1980 et 1981.
[11] Combinaison étanche et ventilée devant permettre une protection intégrale
[12] En réponse au mensonge sur le nuage de Tchernobyl, deux laboratoires indépendants de mesure de la radioactivité sont créés en 1986 : la CRII-RAD et l’ACRO
[13] Au sujet des conditions de travail dans l’industrie nucléaire aujourd’hui, lire l’article d’Emma Piqueray paru dans le numéro 6 de la revue Z. Pour un traitement plus spectaculaire de la question, voir Grand Central, un film de Rebecca Zlotowski dont le synopsis s’appuie sur le témoignage publié de Claude Dubout, ouvrier décontamineur.
[14] En mai 2015, Thomas Souchu, salarié de l’entreprise STMI (filiale d’Areva) qui faisait partie des premiers à avoir crée une section syndicale CGT dans une entreprise sous-traitante du nucléaire au début des années 1990, s’est suicidé dans le bois situé à proximité de la centrale de Nogent-sur-Seine. Sa famille et ses collègues livrent le même témoignage : il n’en pouvait plus de ses conditions de travail et des grands déplacements permanents auxquels sont contraints la majorité des travailleurs affectés à la maintenance des installations nucléaires. Son nom rejoint une liste déjà longue où l’on trouve ceux de plusieurs travailleurs du Cotentin
Texte publié en 2015 dans le Z n°9 Toulouse.
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