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Sur le psyvalidisme et la place des personnes handies-psy dans les milieux militants

mis en ligne le 2 avril 2023 - anonymes

On était deux à vouloir organiser une discussion sur ce sujet pendant le festival des écologies vénéneuses - Les Digitales en juin 2022 à la Baudrière, squat féministe transpédégouine, dans le but de parler de nos vécus et difficultés communes dans les milieux militants, notamment écolos. La discussion part donc de nos propres expériences, en tant que personnes neuroA et/ou ayant des problèmes psys et qui cherchent avec plus ou moins de succès à s’engager dans les luttes. Nos spécificités neuro/psys affectent nos capacités à militer, les manières dont on peut s’engager mais aussi comment on se sent dans ces milieux.

Les questions de psy-validisme sont invisibilisées car rarement (voire jamais) abordées dans ces milieux (et même dans la société plus large) ou reprises sous le prisme néolibéral ultra-individuel de la santé mentale qui, pour nous, n’a pas de sens.

Du coup, on voulait en discuter, partager nos expériences, réfléchir à des stratégies et luttes militantes contre la psychophobie, et éventuellement parler plus précisement de comment un concept comme l’écoanxiété dépolitise et individualise nos luttes.

Ce doc est réalisé par des concernéEs mais se destine à toustes.

Évidemment, nous ne pouvons pas représenter l’ensemble des personnes handies-psy : cette brochure n’est pas exhaustive, elle ne fait que proposer des pistes de réflexion et de changement.
Pour des raisons de facilité et d’accessibilité, on reprend certains termes communs/médicaux, mais ils ne sont pas forcément utilisés ni appréciés par toutes les personnes handi-psy.

Il est impossible de mettre de côté une approche intersectionnelle du handicap car la personne valide ne se définit pas seulement par ses capacités physiques et sa structure cognitive mais aussi par d’autres caractéristiques comme le genre (masculin), ou la race sociale (blanchité) et on peut aussi rappeler que la précarité peut empêcher d’adapter son environnement et donc créer des situations de handicap.

0 - être handi-psy


Les normes sur lesquelles se basent les définitions médicales /psychiatriques des troubles sont ancrés dans la suprématie blanche, patriarcale et capitaliste. Ce système va donc juger et nommer les comportements "déviants" à ces normes pour notamment les contrôler.

Le terme de trouble psy est un terme parapluie qui recouvre les neuroatypies (au sein desquelles on retrouve des conditions neurodéveloppementales telles que l’autisme, le tda/h, les troubles dys,… et des conditions neurologiques — épilepsie, tourette,…) et ce qui relève de ce qu’on appelle la « santé mentale » (dépression, anxiété, schizophrénie,…). Beaucoup des symptômes se recoupent, se retrouvent dans plusieurs conditions et peuvent évoluer dans le temps chez un même individu. Une personne qui a un trouble psy et identifie des problèmes qui en découlent dans son expérience est handi-psy. Les difficultés rencontrées peuvent être une conséquence d’une situation sociale et contextuelle spécifique, et pas forcément inhérentes à sa propre condition neuro/psy. Cela recoupe une très grande diversité de vécus : il n’y a pas d’unique manière d’être handi-psy.

Tout le monde ne se reconnaît pas dans ces termes, certainEs préfèrent ne plus du tout utiliser le vocabulaire médical et vont donc plutôt parler "d’états de détresse" pour recouvrir une grande variété de ressentis, d’autres encore vont préférer se rassembler autour de termes représentant une identité commune et un vécu partagé comme les survivantEs/usagerEs de la psychiatrie, ou psychiatriséEs. De manière similaire à la réappropriation d’insultes des transpédégouines, certainEs vont aussi employé le terme fol·le.

On parle alors de personnes valides et/ou neurotypiques pour les personnes qui ne se retrouvent pas sous ces termes parapluie et ne partagent pas ces expériences.

/ !\ Les troubles psys ne sont pas que mentaux : ils peuvent également affecter la mobilité, notamment en raison des grandes fatigues, mais aussi parce que la condition cognitive change notre rapport au corps. Certaines neuroatypies sont détectées parce que les enfants marchent sur la pointe des pieds par exemple. De la même manière, la dyspraxie affecte directement les mouvements du corps.

1 - Enrayer les mécanismes d’exclusion (dans nos pratiques et milieux militants)

Exemples de situations auxquelles on a pu être confrontées :
- Il m’est déjà arriver de faire une crise parce qu’une personne refusait de baisser le son de sa musique dans un espace partagé.
- Il m’est souvent difficile de me déplacer mais très peu (voire aucune) d’alternatives aux réunions en physique ne sont discutées. La position "anti-tech" non nuancée élimine d’emblée de nombreuses formes possibles d’accessibilité.
- La sensation "d’urgence" qu’il peut y avoir dans nos milieux nous conduit à toujours vouloir faire plus et plus vite, sans laisser de place réelle au care ou à l’entraide. J’ai souvent vécu des moments de détresse quand je n’étais pas capable de suivre le rythme imposé par les membres valides du groupe. Cela est d’autant plus néfaste que les valides finissent par en subir aussi les effets, les conduisant notamment au burn out.

Il est important de se questionner sur les potentielles auto-exclusions de nos milieux.
On peut reprendre les idées énoncées par Liz Kessler ou Lee et traduite sur le site zinzinzine (ici :
https://www.zinzinzine.net/2016/05/comment-rendre-votre-milieu-militant-plus-inclusif-pour-les-personnes-neurodivergentes.html et là : https://www.zinzinzine.net/2016/10/comment-etre-un-e-allie-e-pour-les-personnes-handicape-e-s-et-neurodiverses-dans-les-communautes-militantes-et-universitaires.html).

a) formaliser les interactions qui peuvent l’être (notamment sur l’avancement des travaux) et prendre en compte les différentes manières de communiquer, notamment avoir en tête que tout le monde ne communique pas verbalement.

b) se renseigner sur l’accessibilité des lieux de lutte et d’organisation (au niveau sensoriel et matériel) et organiser nos événements avec ces problématiques à l’esprit (manif, cantine solidaire, AG,…)

c) accepter que tout le monde ne peut pas donner autant ni de la même manière au collectif
Cela signifie également de ne pas retirer l’entraide et le soutien aux personnes qui s’engagent moins, ou prennent une "pause militante".

d) diversifier les pratiques, ne pas trop sacraliser les pratiques sacrificielles
c’est-à-dire ne pas mettre en avant que les pratiques qui ont le plus de risques (pour la santé, vis-à-vis du système carcéral, etc), ni celles qui demandent le plus de temps ou d’énergie, surtout qu’elles ne sont pas souvent les plus efficaces.

Et finalement, le plus important : nous écouter et nous prendre au sérieux. Si une critique vous est faite, elle se base sur un vécu et sur des difficultés rencontrées.

Aussi, continuez à apprendre et à réfléchir à comment des personnes peuvent être exclues. N’attendez pas de nous de toujours faire de la pédagogie, éduquez-vous !

2 - Gérer une crise

Ce "protocole" est surtout adapté à une crise autistique ou à une crise d’angoisse, car ce sont nos propres vécus. La diversité des crises et comment elles se présentent font que le consentement et l’écoute avant d’entreprendre quoi que ce soit sont primordiaux.

En amont ça peut être bien d’en discuter en groupe, par exemple en se basant sur la brochure "Guide de navigation en eaux troubles - Se fabriquer des ressources pour se faire du bien quand on vit une crise ou un moment pas cool" qui a en annexe une proposition d’atelier pour ça. Il existe différentes crises et différentes personnes ne vont pas réagir de la même manière à un même type de crise, il est donc important de créer la possibilité pour que chacan puisse s’exprimer sur ses propres besoins et réactions.

(le schéma général)
a) début crise
b) éloigner les potentiel·les curieux·ses
c) se mettre au niveau de la personne
d) identifier la situation et les risques qui en découlent
e) trouver le bon moyen de communiquer avec la personne
f) demander s’il faut faire appel à quelqu’un·e d’extérieur (proche, secours, médecin)
g) établir s’il y a des problèmes sensoriels et des besoins spécifiques
h) répondre aux besoins autant que possible
i) être patient·e : la crise n’est pas éternelle
j) fin de la crise (ce n’est pas un moment précis)
k) une fois au calme, discuter de ce qui pourrait mieux se passer / laisser à la personne l’espace nécessaire pour exprimer ses besoins afin de prévenir une prochaine crise

a) début crise

Une myriade de différents facteurs peuvent faire partie des causes d’une crise : ressentis intérieurs, situations, lieux, personnes, odeurs, comportements etc.

Comment déjà est-ce qu’on peut reconnaître une personne en crise / ou qui commence ? La première chose c’est si iel arrive à le dire (par ex : "je me sens pas bien", "ça ne va pas", "j’y arrive pas" etc etc) Le fait que la personne arrive à le verbaliser est également un signe de confiance et demande généralement des efforts à la personne concernée.

Pour une crise "immédiate" : Si vous avez l’impression qu’une personne commence à avoir du mal à respirer, à transpirer plus que de normal, à être crispéE, à trembler, ne répond plus aux sollicitations extérieures...

Pour une crise qui peut durer : si la personne ne mange plus, disparaît, ne répond plus.


— > être 1 ou 2 pour pouvoir à la fois rester avec la personne et répondre à ses besoins sans l’abandonner

— > par exemple si elle est assise / allongée / en boule, il peut être bien de s’accroupir en lui laissant tout de même l’espace de respirer (un mètre ?)

d) identifier la situation et les risques qui en découlent

— > quel est le problème ? surcharge sensorielle ? angoisse ? bouffées
délirantes ? … ?

— > est-ce que la personne risque de se blesser ?

— > est-ce qu’une autre personne peut être un danger pour elle

e) trouver le bon moyen de communiquer avec la personne

Une crise peut rendre non-verbal·e, s’il n’est pas possible de discuter, il est possible de proposer d’autres moyens de connaître les besoins de la personne :

f) demander s’il faut faire appel à quelqu’un·e d’extérieur (proche, secours, médecin) et respecter sa décision


g) établir s’il y a des problèmes sensoriels et des besoins spécifiques

— > tout d’abord, demande à la personne si ta présence est bienvenue / est de trop, et si elle veut que tu restes silencieux·se ou non

si elle a besoin que tu parles :

— > essaie de voir si tes propres sens sont encombrés pour poser les questions dans un ordre pertinent (+ vite vous trouvez des solutions, mieux c’est, rappelle-toi que vous êtes dans le même environnement !)

— > « est-ce que tu as mal au niveau de *tel sens* ? » à demander pour les NEUF sens suivants (si tu en oublies ce n’est pas gravissime mais ça peut être bien de les avoir en tête au moins sur le principe, le nom n’est pas important) : ouïe, odorat, toucher, goût, vue, nociception (sensation de douleur), équilibrioception (les vertiges par exemple), thermoception (sensation de la chaleur/fraîcheur), proprioception (repérage dans l’espace, est-ce que la personne sait où elle est ?)
pour chacun, à toi de voir ce que tu peux faire : baisser le son, faire écouter une musique calme/répétitive, faire sentir un parfum, aider la personne à retirer/mettre un vêtement, lui donner à manger, proposer un anti-douleur, l’aider à s’asseoir, lui expliquer calmement où elle est / pourquoi

— > de manière générale, tu peux : proposer un verre d’eau ou quelque chose à manger, demander si la personne a besoin d’être seule, si elle a besoin d’un médicament, lui proposer de la prendre dans tes bras si c’est correct pour toi ou de lui passer une couverture (être compressé·e peut être très rassurant, que ce soit par quelqu’un·e ou en étant recouvert·e par quelque chose de lourd)

h) répondre aux besoins autant que possible

Pour les crises "plus longues" cela peut notamment passer par de l’entraide au quotidien, par exemple sur des tâches ménagères, la cuisine ou tout ce qui pourrait être difficile pour la personne en ce moment.

i) être patient·e : la crise n’est pas éternelle

j) fin de la crise (ce n’est pas un moment précis)

k) une fois au calme, discuter de ce qui pourrait mieux se passer / laisser à la personne l’espace nécessaire pour exprimer ses besoins afin de prévenir une prochaine crise

ne pas oublier :
 la personne en crise sait mieux que quiconque ce qui est bon pour elle : respecte ses demandes et ses besoins
 elle est ton égale : ne l’infantilise pas, garde un ton normal
 si tu sens que tu n’es pas capable de gérer la situation, sois honnête avec toi-même, dis-le à la personne et demande-lui si elle préfère être seule ou que tu ailles chercher quelqu’un·e d’autre
 parfois, être présent·e suffit, prends l’espace que la personne t’accorde sans chercher à l’étendre
 tout ce qui est écrit ici n’est pas une marche à suivre parfaite et universelle, ce ne sont que des pistes sur la manière dont on peut aider quelqu’un·e qui fait une crise
Il est également important de respecter des demandes spécifiques faites en amont : par exemple ne pas faire appel à telle ou telle personne (parents/ex/docs), ne pas laisser seulE, etc

3 - Les luttes politiques des personnes handies-psy

a) l’antivalidisme

Déjà qu’est-ce que c’est que le validisme (aussi appelé capacitisme) ? De la même manière que le racisme et le sexisme font référence aux systèmes d’oppressions spécifiques subies par les personnes racisées (non-blanches) et séxisées (non mecs allocishets*), le validisme fait référence à celles subies par les personnes handicapées. Pour le définir assez largement, le validisme est un système de domination se basant sur notre capacité à effectuer un certain nombre de tâches avec une certaine qualité dans un temps imparti.

Le manifeste du Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Emancipation (CLHEE) le définit : "Le validisme se caractérise par la conviction de la part des personnes valides que leur absence de handicap et/ou leur bonne santé leur confère une position plus enviable et même supérieure à celle des personnes handicapées." Cette conviction se traduit dans notre environnement matériel (absence de rampes ou d’ascenseur par exemple) mais aussi dans nos lois, nos institutions (notamment à l’école et la médecine) et notre langage (insultes validistes). Elle est le plus manifeste dans les discours eugénistes.

Et donc l’anti-validisme, c’est la lutte contre ce système de domination. En parallèle des autres mouvements sociaux des années 70, des collectifs militants anti-validistes se forment, tels que les "Handicapés méchants". Avant cela on note déjà des luttes pour l’émancipation et contre la ségrégation en établissements spécialisés, notamment contre les asiles dès les années 1880.
https://clhee.org/2021/03/21/histoire-des-luttes-handicapees-france-culture-fevrier-2021/
Aujourd’hui, il est important de distinguer les assos gestionnaires (qui vont contribuer à l’exploitation des personnes handix, tels que l’APF ou les cafés joyeux) des collectifs militants tels que CHLEE, Objectif Autonomie, Les Dévalideuses, La Marginale, Handipsy (Lyon) etc
https://cle-autistes.fr/handicap-campagne-associations-gestionnaires-objectif-autonomie/
L’anti-validisme cherche à détruire la construction productiviste de l’individu ("tu n’as de la valeur et tu ne mérites de vivre que si tu travailles suffisament") et néolibéralisme ultra-individualiste ("chacan fonctionne de manière rationnelle et selon ses propres intérêts"), et c’est donc une lutte foncièrement anti-capitaliste et qui cherche à revaloriser l’entraide collective.

b) l’antipsychiatrie

L’antipsychiatrie, dans sa version "politique/radicale" est portée depuis les années 1880 par des personnes concernées, à l’époque enferméEs dans des asiles. Sa version "réformiste" est portée par des psys dans les années 60.

Pourquoi s’opposer à la psychiatrie ? En quelques mots : les psys sont les alliés de la police. La psychiatrie est une institution de contrôle des individux non conformes aux normes dominantes. Pour citer zinzinzine : "Cette institution ne vise pas à résoudre les problèmes des individus, mais à résoudre les problèmes que des individus posent à l’ordre établi." Elle est source de violences sur des individux déjà marginaliséEs, par le genre, leur race, ou leur classe. L’objectif est, comme avec le complexe carcéral, d’abolir la psychiatrie, ce qui évidemment ne revient pas à refuser les pratiques de soin.

"Notre combat se fonde donc avant tout sur les besoins et les intérêts des personnes les plus touchées par les violences psychiatriques, en terme de solidarité, de soutien, d’autodétermination, ou de soin. Cela passe entre autres par la lutte contre nos conditions matérielles d’existence, par l’entraide collective face aux difficultés psychiques, par le fait de regagner dès aujourd’hui un maximum de pouvoir face à l’institution psychiatrique, par exemple en luttant contre tout recourt possible à la contrainte."

L’antipsychiatrie, c’est aussi une partie des luttes anti-validistes, plus spécifiquement celles contre le psyvalidisme.

c) les liens avec les luttes contre l’enfermement

Les luttes contre le système carcéral recouvrent principalement les luttes contre les prisons, le système pénal, les forces de l’ordre et l’industrie qui tire profit de ce système. Ces luttes visent ainsi à mettre fin aux pratiques d’enfermement, de punition, de coercition, de contrôle social et de ségrégation. Les recoupements entre les luttes antipsychiatriques et antivalidistes et les luttes anticarcérales sont multiples. La psychiatrie a un fonctionnement carcéral, tandis qu’en prison et centre de rétention, l’usage répressif des médicaments psychiatriques est banalisé. En outre, non seulement la police et les prisons sont en soi une source de traumatismes et de handicaps, mais on retrouve aussi en prisons un nombre considérable de gens qui sont là parce que leurs difficultés psychologiques ont été criminalisées. Ce phénomène touche disproportionnellement les personnes non-blanches et marginalisées. Plus généralement, les personnes handicapées sont le groupe social le plus touché par l’enfermement institutionnel et la ségrégation sociale. Prisonnier’es, psychiatrisé’es et handi’es sont déshumanisé’es et (mal)traité’es comme des indésirables et des nuisances. Que ce soit en prison, en psychiatrie ou en institut médico-social, à chaque fois, des systèmes prétendant exister pour régler les problèmes de la population, sont en fait construits pour nous maintenir sous contrôle et protéger les intérêts de l’État et de la bourgeoisie. Aucun de ces systèmes n’est véritablement fait pour le bien de tout le monde, et tous créent bien plus de problèmes qu’ils n’en résolvent.

4 - Comment l’écoanxiété dépolitise l’écologie

Quand on comprend que la plupart des diagnostics psychiatriques sont une manière de pathologiser et d’individualiser les ressentis et vécus face au(x injustice du) monde, on voit rapidement que coller le suffixe "éco-" devant anxiété va probablement poser problème.

Les approches psychologiques conventionnelles pathologisent et médicalisent les réactions négatives des gens aux changements climatiques, dépolitisant ainsi ces sentiments, nous encourageant non pas à l’action collective mais à un recentrement sur l’échelle individuelle et à une "guérison" (soit via des médocs type anxiolytique, soit via une thérapie dépolitisée) pour éradiquer ces émotions "négatives". — On n’a jamais vu un psy dire à une personne précaire en dépression de s’engager dans la lutte des classes. — Ces approches vont donc chercher à supprimer ces émotions, idées et comportements qui remettent en question ou perturbent les normes culturelles dominantes. On nous dit que nous (ou notre vision des choses) sommes le problème et non la situation politique, et on nous propose donc des solutions individuelles thérapeutiques plutôt que des changements radicaux socio-politiques. On pathologise même nos actions et nos mots, dans la continuité de la pathologisation des opposants du système. Et au delà, ça peut aussi vouloir dire plus de financements publics pour la psychiatrie et la psychologie plutôt que vers l’alimentation, les logements, ou autres. On ne peut pas laisser les psys décider de ce qui est "normal" ou non comme réactions aux bouleversements socio-environnementaux. Le système de santé mentale néolibérale contribue toujours à gérer la société en maîtrisant les émotions ou les comportements qui sont légaux mais considérés comme trop perturbateurs pour les normes dominantes.

Mais un repli psychologique sur soi ne peut pas nous sortir d’une quelconque "écoanxiété" et peut au contraire nuire à la responsabilisation et l’entraide nécessaire à la construction collective de nos communautés. Laisser nos détresses et vulnérabilités communes aux services psys, c’est aussi perdre nos capacités collectives à faire face ensemble. Nous perdons toustes notre capacité à nous occuper véritablement des autres en détresse et à accepter, célébrer et intégrer dans nos vies des sentiments inhabituellement intenses ou extrêmes ou des "déviances" comportementales chez nous ou chez celleux qui nous entourent - sans parler de travailler ensemble pour les canaliser vers un changement communautaire constructif - parce que nous nous tournons constamment vers les professionnellEs.

On nous dit qu’on est "éco-anxieux" comme on a pu dire aux féministes qu’elles étaient "hystériques" et aux hommes noirs, "schizophrènes".

Plus largement sur l’anxiété on peut lire le zine "we are all very anxious - six thèses sur l’anxiété et les raisons pour lesquelles elle entrave concrètement le militantisme, et une stratégie possible pour la surmonter" (traduite en français sur le site de zinzinzine)

Il est important de rappeler ici aussi que prendre des médicaments / aller faire une thérapie, même si ce n’est souvent pas suffisant ni une fin en soi, reste pour certaines personnes des stratégies de survie nécessaires.

Les Ressources

 à regarder (films, vidéos, etc) :
Crip Camp
12 jours
Mad world sur sub.media

 à écouter (podcast, etc) ;
l’intempestive, Radio renversée n°3 : renverser la société validiste
H comme Handicapé-E

 à lire (livres, brochures, articles etc) :
tout le site zinzin zine
"De chair et de fer : Vivre et lutter dans une société validiste" par Charlotte Puiseux
les écrits sur l’anti-psychiatrie de Freaks
les brochures dans la rubrique antipsychiatrie du site infokiosques.net

 à suivre (sur les réseaux sociaux) :
Les Folifols
Léna Dormeau
Dandelion (@lyingrain) et son blog
Mad Freaks Pride
CATA-TONIQUE

 pour militer :
Le FLAP (Front de Libération Anti-Psy) en région parisienne



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