Depuis la nuit des temps, l’obscurantisme est alimenté par le fantasme que provoque le secret : cultes à mystères, rites initiatiques, fraternités, sociétés secrètes… Les pouvoirs religieux, politiques et économiques se servent de la peur pour stigmatiser des populations jugées indésirables. La conspiration apparaît par écrit à la fin de l’hégémonie religieuse, par des textes fabriqués contre des boucs émissaires [1]. On trouve à la racine de la psychologie fasciste, l’obsession du complot, si possible international [2]. Après les années 1980, le conspirationnisme s’est hybridé avec des thèmes ésotériques : satanisme, anciennes civilisations, magie, extraterrestres [3]...

Les crises successives du capitalisme (financière, écologique, sociale, sanitaire...) provoquent dans notre vie une recrudescence de situations absurdes, injustes ou arbitraires. Depuis deux ans, l’onde de choc du Covid-19 et son lot de désinformations virales, a fait ressurgir et émerger des thèses conspirationnistes. Des rumeurs « pédo-satanistes » et de « Grand Reset » se sont propagées dans le débat public à grande vitesse.

Celles et ceux qui portent ces théories ne sont pas toujours de mauvaise foi. L’utilisation abusive du mot complotiste sert même à couper court à tout débat. Des complots réels (ex : le programme PRISM), sont parfois dénoncés par des lanceurs d’alerte (ex : Edward Snowden) qui risquent leurs vies en publiant des milliers de documents relatant des faits.

Les médias sont comme des lunettes qui nous permettent de comprendre le monde dans lequel nous vivons et de lui donner du sens. La concentration des médias de masse en monopoles a uniformisé le modèle libéral où l’information marchande est individualisée. L’ère du 100% connecté nous a fait basculer dans « l’économie de l’attention », dirigée par les algorithmes de suggestions des réseaux sociaux. Le flux d’information continue dans lequel nous sommes embarqués aujourd’hui permet difficilement de prendre du recul, de faire le tri et de vérifier les sources, par manque de temps, d’argent, de culture... Les internautes et plateformes internet n’étant pas soumis à la déontologie journalistique (vérification des faits, protection des sources d’information...), la propagation d’informations non vérifiées et d’opinions personnelles n’a jamais été aussi massive. N’importe qui peut propager n’importe quoi en faisant « le buzz » (technique marketing).

Bienvenue dans « l’ère post-vérité » ! Une époque où une information fausse se propage cinq fois plus vite qu’une vraie [4], où les croyances et opinions sont plus importantes que les faits eux-mêmes. Équipé·e·s de nos lunettes 3D anti-autoritaires, nous allons voyager dans la complosphère post-vérité. Nous passerons en revue quelques scénarios conspirationnistes, leurs origines, les promoteurs et leurs idéologies, des mouvements citoyennistes et confusionnistes, aux idéologies ouvertement libertarienne [5] et fasciste.

LES SCÉNARIOS DE « LA MATRICE »

Le Nouvel Ordre Mondial

Le Nouvel Ordre Mondial est une formule attrape-tout qui englobe plusieurs théories du complot de domination planétaire : juifs, francs-maçons, jésuites, judéo-maçonnique, judéo-bolchévique, Illuminati, Bilderberg, État profond, « Empire américano-sioniste [6] », « Lobby gay », selon les époques. Le moyen le plus simple de faire émerger un complot consiste à en appeler à la xénophobie. Ces complots prennent souvent pour origine de faux textes antisémites, antimaçonniques, anticommunistes, contre-révolutionnaires...

Le problème de cette vision nébuleuse d’une élite mondiale est qu’elle se focalise sur un petit groupe de personnes stigmatisées et leurs agissements supposés en se détournant du système concret qui gouverne le monde : le capitalisme. Ce scénario d’un contrôle totalitaire sur le monde empêche toute remise en question et restreint à la fatalité. La xénophobie et la haine de l’autre alimentent la violence fasciste, autoritaire et capitaliste. Notons que l’expression « nouvel ordre mondial » est aussi un concept utilisé en géopolitique pour désigner une certaine unipolarité politique incarnée par les États-Unis.

L’État profond

L’origine du mot est turque et signifie à la base un réseau clandestin chargé de lutter contre une éventuelle invasion soviétique, contre les gauchistes... Le terme est récupéré par les médias d’extrême droite depuis une dizaine d’années à des fins polémiques. QAnon [7] répand dans le monde qu’il y aurait une guerre secrète entre Donald Trump et une élite pédophile, sataniste et cannibale qui commettrait des crimes sur des enfants en prenant leur sang pour en extraire une drogue (« l’adénochrome ») ou bien les enverrait dans une colonie secrète sur Mars. QAnon détourne les événements politiques avec son propre vocabulaire : « the storm » (la tempête) ou « the great awakening » (le grand éveil), emprunté à des concepts religieux millénaristes et apocalyptiques. En anglais, deep state est le mot-valise préféré du milliardaire Trump. Il désigne ceux qui l’empêcheraient de gouverner : une sorte d’État dans l’État.

Ce scénario est bien ancré dans une vision fasciste du monde : le méga-complot totalitaire, le culte de la personnalité du héros « anti-système » qui remettrait tout en ordre et une propagande populiste : romans, séries TV et tweets réactionnaires. Propager cette théorie, c’est donner du poids aux idéologies de l’Alt-right américaine [8].

La notion d’État profond est aussi utilisée par certains politologues pour désigner les structures de l’État qui ne varient pas en dépit des changements de la majorité politique.

Le Grand Reset

Cette proposition du Forum Économique Mondial [9] en 2020, utilise la crise sanitaire comme une opportunité de nouveaux business. Le directeur Klaus Schwab précise : « je ne préconise pas un changement de système. Je prône l’amélioration du système [10] ». Le grand patronat libéral ne risque effectivement pas de faire la révolution dans un monde qui lui est favorable ! Pourtant, les spéculations les plus folles ont vu dans le Grand Reset « l’instauration mondiale du communisme », l’élimination de la monnaie, l’abolition de la propriété privée et des frontières. On sent dans ces peurs, l’horreur que représentent certaines idées de la gauche électoraliste ou radicale.

Le paroxysme de la parodie est atteint avec le documentaire conspirationniste « Hold-up [11] » où, après une heure de constat sur la gestion du Covid-19, on plonge dans une dystopie génocidaire où le virus aurait été créé pour tuer la moitié de l’humanité avec les vaccins et la 5G, et soumettre les survivants. La critique de l’État, des médias et de l’industrie pharmaceutique, est instrumentalisée pour imposer une vision du monde totalitaire : celle d’un complot mondial pour expliquer les événements politiques et les phénomènes sociaux [12]. Une partie des intervenant·e·s du film sont d’extrême droite.

La fraude du NOM LEGAL

D’après la mythologie des « êtres souverains » et des libertariens, l’État (profond ou pas) nous volerait à notre naissance la propriété de notre NOM LEGAL (en majuscules). La technique de l’« homme de paille [13] » serait utilisée à notre insu pour nous assigner une personnalité juridique dans laquelle nous serions esclaves. L’État en tirerait profit sur un compte secret dont nous serions privés [14]. Mais ne vous inquiétez pas, les souverain·e·s vont vous aider à redevenir un vrai « Être Humain », grâce à une montagne de papiers qui solutionnerait tout. Ce qui est un comble pour des personnes souhaitant faire sécession avec la bureaucratie étatiste.

Ce scénario libertarien prône des valeurs ultra-libérales : individualisme, propriété privée, « hiérarchie naturelle », privatisation, concurrence, capitalisme sans entrave par l’État... C’est une rogne unique contre l’état qui permet aussi une porosité avec d’autres mouvements proches ou opposés. De nombreux théoriciens libertariens (ex : Ludwig von Mises) prônent les bienfaits du fascisme pour mettre en place des politiques libérales autoritaires [15]. Il y a également une énorme confusion avec l’anarchisme [16] qui est aussi anti-étatiste. La philosophie libertaire prône la liberté collective pour émanciper les individus, alors que la vision libertarienne prône la liberté des plus forts, des plus riches, des plus aptes : le darwinisme social [17], concept qui a permit de justifier « scientifiquement » le colonialisme, l’eugénisme, le fascisme et surtout le nazisme.

LES « SUPER HÉROS »

Les QAnon

QAnon est une secte pro-Trump fondée en 2017 juste après l’élection de Trump et la conspiration du Pizzagate [18], elle a culminé jusqu’à l’assaut du Capitole [19] en 2021. La mouvance se concentre autour de messages publiés sous le pseudonyme Q. Inspiré par un personnage de fiction qui pousse le héros à voir « au-delà de ses propres limites et perceptions », Q serait un soit-disant fonctionnaire haut placé dévoilant des messages secrets aux Anons (anonymous) qui les déchiffreraient pour les révéler au monde. Dans ce flou entre secte 2.0, jeux de rôle, fiction et faits alternatifs [20] politiques, Q entretient cette rhétorique confusionniste : « la désinformation est nécessaire [21] ». L’origine de QAnon provient des pires endroits d’internet : les forums anonymes [22] sans modération qui réunissent le gratin de l’extrême. Il y a par exemple des partages d’images dédiés aux viols d’enfants ou à la pédopornographie. Des terroristes d’extrême droite fréquentent ces sites et y postent des manifestes avant leur passage à l’acte. Alors qu’il y aurait 50 millions d’Américains qui croient aux thèses QAnon, la complosphère francophone continue de relayer ces thèses délirantes à des millions de personnes.

Les Souverains

Le mouvement des « Citoyens souverains » est né aux États-Unis en 1969, créé par des suprémacistes blancs et des milices antisémites [23]. Ils inventent le « terrorisme de papier », consistant à harceler leurs opposants avec des actions en justice absurdes. Le mouvement va essaimer dans d’autres milieux (notamment indigènes et afro-américains) et rencontrer un succès auprès des libertariens ne souhaitant plus payer d’impôts ni de taxes. Ils rejettent toutes contraintes sociales et administratives (ex : jugement, permis…) et tentent de faire valoir leurs "droits" à l’aide de documents qu’ils rédigent, des fausses juridictions [24], des harcèlements administratifs et de la violence sur les personnes [25] .

Le mouvement britannique des « Freeman on the land » est apparu vers les années 2000.

Le « mouvement des Citoyens du Reich » est une version allemande créée dans les années 1980 par des souverains négationnistes de l’Holocauste.

En France et particulièrement en milieu rural, le mouvement des « Êtres souverains » a séduit toutes sortes d’alternatifs new age et écolos à tendance libérale, par des stages d’endoctrinement. C’est une variante ultra-individualiste et confusionniste qui surfe sur la vague mystique et la propagande pédo-sataniste QAnon. Ils mélangent un discours anti-autoritaire (ex : anti-étatisme) avec des formes d’autorités (ex : dogmes new age, complots antisémites, sexisme naturalisé... [26]). L’organisation collective (ex : assemblée, consensus) est assimilée à une autorité illégitime et le soutien collectif (ex : manifestation, grève) est vu comme une énergie inutile qui ébranle leur chère souveraineté. « One Nation », connu pour son lien avec l’affaire de l’enlèvement de la petite Mia [27] et sa tentative d’implantation polémique dans le Lot, recrute des adeptes en recherche de sens.

Dans ce monde magique où « tous les systèmes sont faux », chacun·e choisit sa réalité en fonction de son intuition. On repart à zéro en méprisant toute l’histoire scientifique, sociale et politique : un « Grand Reset » souverain, aussi « syncrétique » que le fascisme.

Les putschistes

Selon Umberto Eco, on retrouve entre autres dans l’idéologie fasciste, les cultes de la tradition, de l’héroïsme, de la guerre, de « l’action pour l’action » et de la violence. Les personnages suivants assument leur position putschiste d’extrême droite.

Eric Fiorile est un souverainiste de l’extrême et complotiste (chemtrails, Nouvel Ordre Mondial génocidaire...). Après une carrière dans les placements financiers et une reconversion dans la médecine holistique, il écrit « Démosophie », un livre censé inventer « la démocratie du peuple ». Il transforme ce mouvement en Conseil National de la Transition (le CNT) qui s’affiche « apolitique ». Le 14 juillet 2015, il lance un appel au coup d’État devant l’Assemblée nationale, attirant 300 personnes en vain. Pendant la crise du Covid, il mobilise ses activistes à taguer des ronds verts pour promouvoir son mouvement putschiste et diffuse des « sommations et rappels à la loi [28] ». Il sera arrêté dans l’affaire de « Barjols [29] » et emprisonné pour port d’arme. Les « Pandora Papers » ont révélé qu’il avait une société offshore domiciliée aux Seychelles !

Rémy Daillet-Wiedemann est un militant d’extrême droite. Exclu du Modem, il lance un site populaire dédié à l’instruction en famille (l-ecole-a-la-maison.com) dans lequel il développe un argumentaire complotiste. Il s’installe en Malaisie et épouse les théories les plus extrêmes de QAnon. Il se rapproche des complotistes néonazis de « Honneur et Nation ». Il organise « Le renversement » qui promeut des commandos pour restituer à leurs parents des enfants placés par l’État « pédo-sataniste ». Il est soupçonné d’être impliqué dans trois affaires d’enlèvements d’enfants (dont l’affaire Mia), plusieurs projets d’attentats terroriste contre des juifs et des Francs Maçons et un projet de coup d’État organisé (« Opération Azur ») visant à s’emparer de l’Élysée à l’aide d’une vaste organisation paramilitaire hiérarchisée en région.

Les gourous "lanceurs d’alerte"

Les gourous récupèrent beaucoup de personnes en perte de sens ou en révolte. Ils utilisent le terme de "lanceur d’alerte" pour faire passer leurs fake news pour des révélations.

Louis Fouché est un médecin qui participe à la désinformation sur la pandémie à travers le réseau « RéinfoCovid ». Ce réseau dit apolitique et citoyenniste est animé par des personnalités d’extrême droite dont des catholiques intégristes [30]. Proche de « la Manif pour tous [31] », des Colibris et de l’anthroposophie [32], Fouché milite contre l’avortement et la PMA. Il fait un clin d’œil à des généraux fascistes séditieux [33], colporte des théories conspirationnistes sur des médias d’extrême droite et participe au film « Hold Up ».

Hayssam Hoballah est un autre animateur de RéinfoCovid, ex-trader de Wall Street devenu « coach bien-être en santé holistique » et proche du CNT et de QAnon. Il pense que « les élites font des sacrifices humains [34] ». Il relaye des sites antisémites, néonazis et invite la fachosphère dans ses visioconférences. Louis Fouché et Hayssam Hoballah sont à l’initiative des listes électorales régionales « un notre monde ».

Guylaine Lanctôt, ex-médecin radiée pour complotisme, est une gourou québécoise qui prône l’arrêt de tous traitements ou médicaments et la guérison par la pensée. Son argumentaire repose sur un complot mondial de l’industrie et des gouvernements qui propageraient secrètement des maladies pour récolter des profits, la vaccination serait une opération meurtrière et le SIDA serait une arme biologique de la CIA [35]. Elle relaie des thèses et auteurs antisémites (ex : Ryke Geerd Hamer [36], David Icke [37]). Ses stages payants de « personocratie » (être souverain) et ses livres à succès (ex : « la Mafia médicale ») permettraient de « faire taire sa raison » et mèneraient à « l’immortalité physique ». Plusieurs adeptes sont décédés suite à ses conseils [38].

Irène Grosjean est une papesse du cru de 92 ans, l’une des voix les plus influentes de la sphère « bien être » francophone. Elle propose des stages de crudivorisme à presque 1000 € et donne des conseils dangereux aux malades du VIH, du cancer ou aux femmes enceintes. L’alimentation serait la réponse à tous les maux de notre monde (ex : l’origine des génocides par l’alimentation des bourreaux). Elle prétend que les femmes battues l’ont bien cherché et elles n’auraient que ce qu’elles méritent d’après les « lois de l’attraction [39] ». L’homosexualité serait d’après elle une pathologie liée à une mauvaise hygiène de vie. Elle recommande aux parents d’agresser sexuellement leurs bébés pour faire baisser leur fièvre.
Jean Jacques Crèvecoeur est né en Belgique dans un milieu bourgeois catholique très conservateur [40]. Dans les années 1980 il devient adepte de l’instinctothérapie créée par Guy-Claude Burger [41]. Disciple de Ryke Hamer, il est également très proche de Ghislaine Lanctôt. En 2009 il se fait connaître pour son opposition radicale à la vaccination lors de la crise H1N1 qui serait un complot organisé par une élite mondiale. Puis en 2020, il a le même discours avec la pandémie du Covid-19. Gagnant en popularité (environ 200 000 abonné·e·s), il vend des formations en ligne et engrange 4 millions d’euros pour une seule des 9 formations qu’il propose. Il participe à des entretiens avec la complosphère antisémite et propage toute sortes de théories du complot contre les juifs et les francs-maçons qui auraient fomenté la révolution française, la révolution russe et la guerre civile aux États-Unis. Il parle de fous qui ne « méritent même plus de vivre sur cette planète » en concluant de manière glaçante : « faites ce qui vous semble juste ».

Thierry Casasnovas prône le crudivorisme et le jeûne extrême sans aucune formation, à 500 000 abonnés (plus de 600 signalements pour dérives sectaires) sur son site rgnr.fr
Il y vend des extracteurs de jus, des compléments alimentaires, du coaching franchisé et un magazine papier. Il est aussi propriétaire de plusieurs biens immobiliers et il est conseiller municipal à Taulis. Toutes ses activités, qu’il fait tourner avec une quinzaine de salariés, lui auraient permis de dégager près de 2 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2019 [42]€. Il pense que « l’avortement est un symptôme de la débauche sexuelle actuelle » et revient à « supprimer un enfant [43] ». Depuis 2014, il se rapproche d’Alain Soral (qui se proclame national-socialiste) et Dieudonné (antisémite négationniste) avec qui il partage « 99 % de commun » et « combat pour la même cause » [44]. Il reçoit une « quenelle d’or » dans la catégorie lanceur d’alerte et relaie les délires de QAnon [45] et des Souverains.

Frédéric Vidal est le fondateur du réseau SOLARIS qu’il présente comme apolitique, sans idéologie, sans hiérarchie, non survivaliste... [46]. Pourtant, celui qui se nomme « le passeur » a toutes les caractéristiques d’un leader sectaire, survivaliste et autoritaire comme en témoigne son ancien site urantia-gaia.info (consultable sur web.archive.org). Il soutient ouvertement Donald Trump, relaie les thèses de QAnon et autres complots de l’Alt-right. Il signe un appel dans le média trumpiste France Soir où il appelle à renverser les pouvoirs iniques (élite mondiale pédo-sataniste). Il diffuse « Le grand appel » sur la plateforme libertarienne Odysee appelant le peuple à se lever pour restaurer sa souveraineté. Il collabore avec toute la fachosphère dont « Égalité et Réconciliation ». Il soutient l’armée et prône « L’épée de la France (qui) se lèvera dans la main d’un homme de la Providence ». Le réseau, implanté dans 15 pays, organise un fichier tentaculaire de personnes, ressources et moyens pour organiser « la résilience [47] » en treillis, sur fond de discours digne des émeutiers trumpistes du Capitole.

LE COMPLOTISME EST UNE ARME

Solaris, RéinfoCovid, Regenere, le CNT, Égalité et Réconciliation... sont des réseaux très poreux avec les mouvements citoyennistes, de gauche réformiste ou radicaux qui se font avoir. Il est de notre devoir de les démasquer, comme tente de le faire cette brochure.

La peur est le moteur de l’extrême droite. Des discours sexistes, racistes, antisémites, anti-LGBT, anti-droits des femmes [48] sont banalisés dans des médias de masse comme Cnews, Sud Radio et des sites de « réinformation [49] » comme France Soir, Planete360 ou l’info en questionS [50].

Aux États-unis, les complots et fake news génèrent un énorme marché [51]. Le complotisme sert à valider le négationnisme : holocauste, réchauffement climatique, SIDA, Covid-19… Il propage également des thèses racistes comme le fantasme du « grand remplacement ». Le complotisme n’est pas apolitique. « La quasi-totalité des théories du complot sont initiées et diffusées par l’extrême droite pour pervertir et manipuler la radicalité sociale à son profit [52] ».

La convergence entre luttes anti-vaccin, anti-IVG et anti-immigration [53] ne présage rien de bon. Les QAnon et les Souverains convergent [54] en un super-complotisme qui valide tous les fantasmes. Ce sont les caricatures des deux mouvements politiques majeurs de cette époque : le fascisme (QAnon) et le néo libéralisme (Souverains). Le premier mouvement met sur un piédestal un leader charismatique providentiel amené par l’armée pour rétablir les valeurs ultra conservatrices, remettre les minorités ethniques et sexuelles dans le droit chemin ; tandis que les souverains professent un libertarianisme individualiste absolu.

Une éducation populaire aux médias est nécessaire pour vérifier les sources d’information, connaître les types de médias et leurs discours. Pour ne plus se faire avoir par le confusionnisme, l’histoire des idées politiques et la lutte des classes doivent être mobilisées pour re-politiser le débat et contrer les idéologies réactionnaires. Il va falloir tracer des lignes politiques claires pour ne plus faire avancer les idées d’extrême droite dans tous les milieux où elles s’insèrent discrètement : santé "naturelle", instruction en famille, développement personnel, new age, "résilience", monnaies/échanges locaux, paysannerie, autonomie, critique sociale...

¡No pasarán !
Coordination Unitaire 09
coordination-unitaire09@riseup.net
Décembre 2022

POUR ALLER PLUS LOIN

Des livres et des textes

• « Q comme Qomplots, comment les fantasmes de complot défendent le système », Wu Ming 1, Éditeur Lux, 2022.
• « L’imaginaire du complot, discours d’extrême droite en France et aux États-Unis », Jérôme Javin, 2009.
• « Ecofascismes », Antoine Dubiau, éditions Grévis 2022.
• « Reconnaître le fascisme », Umberto Eco, éditions Grasset, 1997.
• « S’armer contre l’extrême droite ! », brochure, visa-isa.org, 2021.
• « La tentation écofascistes : migrations et écologie », Pierre Madelin, 2020.
• « Le complotisme antisémite, patriarcal, homophobe », Benoît Bohy-Bunel, 2016.

Des sites internet

• Rumeurs d’extrême droite : debunkersdehoax.org
• Vigilance et initiatives syndicales antifascistes : visa-isa.org
• La Horde, média autogéré antifasciste : lahorde.samizdat.net
• Collectif de soutien aux victimes et pseudo-science : bloglextracteur.wordpress.com
• Critique Action Média, observatoire des médias : acrimed.org
• Plateforme collaborative de vérification des faits : captainfact.io