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Contre les frontières et les prisons à Toulouse et partout ailleurs
Luttes contre les CRA, paroles de prisonnier·es du centre de rétention de Toulouse
mis en ligne le 5 août 2022 - Toulouse Anti CRA
Les Centres de rétention administrative (CRA) : des prisons pour enfermer les personnes sans papiers
Les CRA sont des lieux d’enfermement et de privation de liberté qui permettent à l’État français d’enfermer chaque année près de 50 000 personnes sans papiers pendant qu’il organise leur expulsion. Les personnes peuvent être maintenues dans ces prisons jusqu’à trois mois.
Depuis les années 2000, l’État français a construit des centres de rétention partout sur le territoire, aujourd’hui, il y en a 28. Les CRA sont un rouage essentiel de la répression des personnes étrangères sans titre de séjour, ils sont au cœur de la loi Asile et Immigration de 2024, dite Darmanin, qui a pour but d’enfermer et d’expulser le plus possible de sans-papiers et de personnes jugées délinquantes. Pour ce faire, grâce à la loi Lompi, votée en 2019, 11 nouveaux CRA sont soit en projet soit en construction à travers tout le territoire. L’objectif de l’État est d’atteindre 3000 places en 2027 soit un triplement depuis 2017.
Lorsque les places sont insuffisantes dans les CRA, les préfectures peuvent créer par arrêtés des locaux de rétention administrative (LRA), souvent une simple pièce dans les commissariats de gendarmerie ou de la police aux frontières (PAF). Les arrêtés peuvent être renouvelés tous les jours, et ce indéfiniment. Par ailleurs, 28 LRA permanents existent et il est prévu d’en ouvrir 43 autres en 2024. Dans ces lieux sans contrôle extérieur, les personnes ne peuvent pas exercer leurs droits aux recours administratifs et juridiques et le nombre de personnes enfermées n’y est pas décompté. Les personnes sont censées y être enfermées pour une durée courte avant un éventuel transfert dans un CRA mais de plus en plus les préfectures utilisent les LRA pour les déportations.
Il existe aussi les « zones d’attente » dans les aéroports, les ports ou encore les gares internationales où les personnes arrêtées à leur arrivée à la frontière française peuvent être enfermées durant 26 jours. Les visites sont interdites et de très jeunes mineur·es isolé·es y sont fréquemment enfermé·es, bafouant le droit international, notamment aux aéroports de Roissy et d’Orly.
Pour l’État, l’enfermement a un double objectif : celui d’avoir à disposition les personnes privées de liberté pour les déporter, mais aussi celui de punir et de soumettre une partie de la population. Il y a la volonté de marquer les corps et les esprits de celleux emprisonné⋅es. Comme à chaque point de la frontière, on rappelle aux personnes qui n’ont pas les bons papiers qu’elles ne sont jamais tranquilles, qu’elles peuvent être humiliées à tout moment, que l’État les traque, qu’il ne faut pas se rebeller face au patron. À celleux qui se font expulser, charge d’aller transmettre le mot à celleux qui veulent ou doivent venir.
Dans les CRA, comme dans tous les lieux d’enfermement, l’État exerce sa violence et son arbitraire par l’entremise de ses agent·es assermenté·es en uniforme. La police procède aux arrestations des personnes suite aux contrôles au faciès et lors de leurs convocations à la préfecture. Les personnes en transit sont contrôlées et arrêtées dans les bus, dans les trains, etc. Elles sont aussi raflées à leur domicile, sur leurs lieux de travail, devant les écoles, et jusque dans les lieux d’accueil médico-sociaux qui leur sont destinés. Ces arrestations sont notamment motivées par une politique du chiffre.
Au-delà de la violence intrinsèque de l’enfermement, les personnes retenues en CRA subissent :
– des violences policières : provocations, humiliations, insultes racistes, chantage, isolement, mise au mitard parfois avec entraves, violences physiques…
– des conditions de vie indignes : absence régulière de chauffage, difficultés d’accès aux produits d’hygiène, aux vêtements, nourriture insuffisante et infecte, parfois périmée. Les personnes enfermées ont faim et la PAF qui gère ces prisons interdit arbitrairement de faire entrer de la nourriture fraîche que les visiteur·euses peuvent apporter.
– l’absence de soins médicaux adaptés, associée à une distribution générale par les médecins du centre de psychotropes visant à assurer la soumission des personnes enfermées.
– un désœuvrement total car aucune activité n’est possible à l’intérieur.
– une incertitude permanente concernant les dates d’une éventuelle sortie et un stress constant du fait de la possibilité d’être déporté·es à tout moment.
Souvent, ces prisons sont accolées aux aéroports pour faciliter les déportations durant lesquelles les personnes peuvent être bâillonnées, scotchées, casquées et contraintes physiquement de monter dans l’avion.
Les CRA tuent : des personnes sont décédées suite à des manques de soins, sont retrouvées mortes dans leur cellule, sont mortes suite à des violences policières ou des suicides. En 2023, quatre personnes sont décédées dans ces prisons, la violence de cet enfermement pousse les prisonnier·es au suicide, notamment par l’absorption de psychotropes distribués par les médecins des CRA, et les automutilations sont fréquentes. En septembre 2018, Karim, 31 ans, s’est pendu dans sa chambre au CRA de Toulouse suite à la prolongation de son enfermement par le juge alors qu’il avait été alerté sur son état psychique.
Les luttes à l’intérieur des CRA
Les personnes luttent quotidiennement face à la violence de l’enfermement et contre l’humiliation de l’administration et de la PAF : résistances individuelles et collectives lors des expulsions, grèves de la faim, automutilations, évasions, incendies… Mais ces luttes ne sont pas suffisamment visibles, alors qu’elles sont nombreuses et régulières dans tous les CRA. À Toulouse, comme ailleurs, beaucoup de prisonnier·es résistent à l’expulsion, au risque de se retrouver condamné·es à une peine de prison puis ramené·es à nouveau au CRA, plusieurs fois de suite. Des prisonnier·es ont réussi à se faire la belle, à organiser des grèves de la faim régulièrement pour exiger leur libération et dénoncer les conditions d’enfermement dans le centre. Les personnes rapportent également comment elles s’organisent individuellement ou collectivement pour dénoncer les violences de la PAF en essayant de déposer plainte. Des personnes malades et des personnes enceintes luttent pour obtenir des soins face au refus du médecin et de l’administration.
Des CRA à la prison et inversement : la collaboration entre l’AP et les préfectures
Les liens entre les CRA et la prison se renforcent du fait de collaboration croissante des préfectures et de l’administration pénitentiaire (AP) qui favorise la multiplication des passages entre ces lieux d’enfermement. Ces dernières années, le ministère de l’Intérieur ordonne aux préfectures d’enfermer le plus possible de personnes ayant commis des infractions ou des délits même si elles ne sont pas expulsables car le pays d’origine peut ne pas délivrer de laissez-passer consulaire. Ainsi, le nombre de personnes sortantes de prison ne cessent d’augmenter. En 2023, sur l’ensemble du territoire, 25% des personnes enfermées en CRA sortaient de prison et cette part montait à 30% pour le CRA de Toulouse.
Les résistances aux déportations, par exemple les refus d’embarquer, sont criminalisées et punies par des peines de prison de plusieurs mois. De même, les personnes qui portent plainte pour des violences policières se voient accusées en retour par la PAF et peuvent être condamnées à de la prison. Dans tous les cas, la prison est suivie d’un retour au CRA.
La double peine, un racisme institutionnel
Du fait des contrôles au faciès, les personnes étrangères sont plus contrôlées et interpellées par la police (les personnes racisées sont contrôlées jusqu’à 20 fois plus que les personnes blanches). Par rapport aux personnes françaises, les personnes étrangères risquent 3 fois plus de passer en comparution immédiate, 5 fois plus d’être placées en détention provisoire, et risquent 3 fois plus la prison ferme. Elles sont donc plus judiciarisées, avec des sanctions plus sévères et représentent un quart du total des personnes emprisonnées.
Les personnes étrangères qui ont un titre de séjour à leur entrée en prison peuvent être expulsées du territoire français. D’une part, la double peine désigne les peines judiciaires d’interdiction de territoire français (ITF) prononcées contre des personnes condamnées et qui constituent une deuxième peine qui vient s’ajouter à la peine de prison. De très nombreuses infractions sont passibles d’ITF (et donc d’expulsion en plus de la peine de prison), et leur nombre augmente avec chaque loi relative à l’immigration. La loi immigration de 2024 rend possible l’ITF dès qu’une infraction est passible de 3 ans de prison ou plus, et fait disparaître en même temps les catégories protégées contre l’ITF (par exemple être parent d’enfant français, être résident depuis plus de 15 ans en France, etc.). D’autre part, la prison est l’occasion du tri des personnes par les préfectures, qui évaluent ce qu’elles considèrent comme « menace pour l’ordre public », mesure « préventive » sur la « dangerosité dans l’avenir ». Celles-ci ont le pouvoir discrétionnaire de ne pas renouveler le titre de séjour ou même de le retirer, et décident ainsi de l’expulsion administrative de personnes emprisonnées qui avaient des papiers. La loi de 2024 renforce le pouvoir des préfectures en permettant de prolonger l’enfermement en CRA pour tout le monde pour ce même motif arbitraire de « menace à l’ordre public ».
Des prisonnier·es parlent maintenant d’ailleurs de triple peine dans la mesure où l’enfermement au CRA peut durer jusqu’à 3 mois, ce qui correspond à une peine de prison supplémentaire, juste après la prison et en attendant l’expulsion.
Une justice d’abattage
La violence que subissent les étranger·es n’est pas que policière ou carcérale, elle est aussi judiciaire. Les personnes enfermées au CRA ont reçu une mesure d’expulsion, le plus souvent une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Elles doivent la contester dans un délai très court (48h) devant le tribunal administratif, tout en contestant par ailleurs leur enfermement au tribunal judiciaire devant le juge des libertés et de la détention (JLD).
Chaque jour, des dizaines de personnes comparaissent devant les différentes juridictions de France, les audiences ont lieu tous les jours de l’année. À l’audience du JLD pour les étranger·es, les personnes comparaissent systématiquement en groupe, et le délibéré est lui aussi rendu collectivement en une fois, contrairement aux audiences de droit commun.
Il est difficile pour les personnes de se défendre : la plupart du temps, les personnes ont des avocat·es commis d’office, n’ayant pas les moyens de payer un·e avocat·e de leur choix. De plus les avocat·es de l’audience du JLD ont connaissance du dossier au dernier moment et parfois ne plaident pas du tout.
Avec loi immigration 2024, l’audience du JLD n’a lieu qu’au bout de 4 jours, au lieu de 48h précédemment, un plus grand nombre de personnes seront expulsées avant même de pouvoir tenter de se défendre, sachant qu’il y a de nombreuses violations de droits et de procédures irrégulières.
Quand une personne est libérée du CRA, elle reste sous le coup de la mesure d’expulsion, et peut être enfermée à nouveau dès 48h plus tard en cas d’arrestation (contre 7 jours avant 2024).
La loi 2024 a rallongé la durée des OQTF à 3 ans et a fait disparaître les protections qui existaient contre les OQTF, comme par exemple être résident régulièrement en France depuis plus de vingt ans, ou être parent d’un enfant français.
La loi prévoit également la généralisation des visio-conférences des audiences. C’est pour les personnes enfermées une entrave supplémentaire à la compréhension de ce qui se dit pendant l’audience, elles ne voient l’avocat·e qu’à travers l’écran, l’interprète est au téléphone. Par ailleurs est prévue l’externalisation des salles d’audiences, par la construction d’annexes des tribunaux dédiées aux personnes étrangères, tout près des CRA, loin des regards, ce qui rendra plus difficile la publicité des débats et isolera encore plus les personnes.
Le CESEDA contribue à la hiérarchisation raciale des rapports sociaux
Le CESEDA (le Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, qui régit le droit des personnes étrangères en France) est un droit d’exception, raciste et sexiste, hérité de l’idéologie coloniale et des codes d’exception tel que le Code de l’indigénat, qui organisait le contrôle des « indigènes » dans les colonies. Le CESEDA s’en inspire : limitation de circulation, enfermement administratif, déportations (vers d’autres colonies dans le cas du Code de l’indigénat).
Les étranger·es, comme les « indigènes » à l’époque coloniale, doivent justifier de garanties de représentations (argent, hébergement, etc.) pour pouvoir circuler sur le territoire et doivent quotidiennement se confronter à la police. Au nom de l’égalité homme-femme les discours politiques stigmatisent les étrangers jugés plus sexistes et violents, mais le CESEDA est un code sexiste car il ne protège pas les femmes qui rencontrent plus de difficultés que les hommes pour régulariser leur situation.
Le droit des étranger·es est l’instrument de légitimation des pratiques répressives de l’État pour « lutter contre l’immigration » de celleux qu’il n’aura pas choisi. Depuis les années 70 ce droit évolue sans cesse par empilements successifs, donnant un enchevêtrement inextricable de lois, de règles et de circulaires. C’est un droit d’exception : les délais de recours et d’appel sont réduits, les erreurs de procédure n’annulent rien tant qu’elles « ne font pas grief à l’intéressé », il y a deux juridictions différentes et donc deux tribunaux différents pour contester l’enfermement d’une part et la déportation d’autre part. La libération du CRA ne lève pas les interdictions de territoire ou les obligations de le quitter : l’arrestation peut toujours survenir à nouveau et ramener au CRA.
Il y a dans la loi Asile et Immigration de 2024 un objectif assimilationniste qui passe par la connaissance de la langue (le niveau demandé pour les titres de séjour est revu à la hausse et contrôlé) et par l’adhésion aux principes et valeurs de la république. La question des valeurs de la république conditionne l’obtention, le renouvellement et le retrait des titres de séjour. La préfecture vérifie pour les titres de séjour si les personnes étrangères adhèrent bien aux modes de vie et aux valeurs de la société française et s’ils respectent les principes de la république. Il s’agit finalement d’être exploité·e tout en s’invisibilisant, gommer ses particularités culturelles, religieuses. La question des valeurs de la république est un vrai fourre-tout juridique qui permet de renforcer le pouvoir discrétionnaire de la préfecture. Et c’est avant tout les musulmans et les musulmanes qui sont encore ciblé·es dans le contexte actuel d’islamophobie d’État.
L’État bafoue la loi
En même temps, l’État montre en permanence qu’il se moque de la loi et la viole sans aucune difficulté quand cela sert ses intérêts. Ses décisions contraires au droit se voient très souvent avalisées par la justice judiciaire et administrative, et ce jusque dans leurs plus hautes sphères : la Cour de cassation et le Conseil d’État. De nouveaux textes viennent ensuite légaliser les pratiques illégales et durcir la loi, et ce de manière cyclique.
Ainsi, le durcissement extrême du droit d’une part et les libertés que l’État prend vis à vis de ce droit d’autre part, font que les personnes concernées n’ont pas les moyens de se défendre et sont broyées par cette machine à criminaliser et à invisibiliser.
Les pratiques illégales ont même précédé l’existence des CRA : l’ancêtre des centres de rétention était le hangar d’Arenc dans le port de Marseille, créé en 1963. C’était une prison clandestine pour enfermer les personnes étrangères régie par aucune loi. Le fonctionnement était encadré par la préfecture des Bouches-du-Rhône en accord avec le ministère de l’Intérieur. Elle a été créée après l’indépendance de l’Algérie dans la foulée des accords d’Évian qui prévoyaient pourtant la liberté de circulation pour les Algériens. Pour la préfecture, il s’agit de stopper l’immigration algérienne qui débarque au port, ceux qui sont jugés « inaptes » au travail sont séquestrés et expulsés.
Les conditions d’enfermement sont terribles, les personnes sont parquées comme des animaux, à peine nourris, sans hygiène. Ensuite, le centre enferme des Algériens qui sont contrôlés sur le territoire, qui sont sans ressources ou sans emploi, appelés « les oisifs ». Puis on séquestre une nouvelle catégorie appelée « faux touristes » et on finit par enfermer les familles. Peu à peu, la préfecture séquestre aussi des Tunisiens, des Marocains, des Sénégalais, des Maliens, des Ivoiriens et des Mauritaniens. Entre 1963 et 1975, près de 50 000 personnes sont séquestrées par la police sans aucune base légale dans ce hangar.
Cette histoire finit par être dévoilée en 1975, une mobilisation s’organise contre la « prison clandestine de la police française ». Une loi est finalement adoptée le 29 octobre 1981 pour légaliser la rétention administrative des étrangers et l’existence du hangar d’Arenc qui ne sera fermé qu’en 2006.
En 43 ans, environ 100 000 personnes ont été séquestrées dans ce même hangar, y compris des enfants.
Les CRA, rouage d’un système de domination capitaliste et d’exploitation coloniale
L’immigration est une variable d’ajustement pour les économies des pays riches. Avant les années 60, la France a eu massivement recours à l’immigration de travailleurs venus notamment des colonies d’Afrique pour remplir ses usines, construire ses infrastructures, etc. Depuis les années 70, les politiques anti-migratoires ont été légitimées par les crises économiques mais aussi par la stigmatisation des travailleurs africains ainsi que leurs descendant·es, les « jeunes de banlieues ». Les préjugés et les catégories raciales produites pendant la colonisation sont perpétuées, légitimant ainsi les politiques menées face à un ennemi intérieur et extérieur dont il faut se protéger : l’étranger violent, fraudeur, profiteur, qui ne peut « s’adapter à la société française ».
Par ailleurs, l’économie française s’appuie sur la main d’œuvre étrangère, notamment dans les secteurs d’emploi les plus pénibles et faiblement rémunérés. Cette exploitation des travailleur·euses sans papiers est rendue possible par la difficulté d’obtenir un titre de séjour.
Le cas de Mayotte : gestion des populations sous régime colonial et pratiques illégales de l’État
Mayotte, île des Comores restée illégalement colonie française à l’indépendance des îles, représente plus de la moitié des expulsions et enfermements dans les CRA du territoire français. À Mayotte, l’expulsion est industrielle. L’État fixe à la préfecture des objectifs d’expulsion de 30 000 personnes par an, c’est à dire près de 10% de la population de Mayotte, cela devient des transferts forcés de population qui constituent un crime contre l’humanité selon le code pénal.
Plus de 3200 enfants ont été enfermés au CRA de Mayotte en 2023, contre 87 dans l’hexagone, sans compter les enfants enfermés en LRA, dont les chiffres ne sont pas communiqués.
La loi de 2024 interdit désormais l’enfermement des enfants, sauf à Mayotte.
Il y a 3 niveaux de discrimination pour Mayotte : le droit d’exception qui est régi par le CESEDA, le régime dérogatoire qui est propre à Mayotte qui diminuent les droits des étranger·es (la constitution le permet car c’est une colonie) et viennent se rajouter les pratiques illégales de l’administration (placement en rétention de mineur·es français·es, rattachement arbitraire d’autres mineur·es à un tiers, etc.)
La chasse aux étrangers à Mayotte est particulièrement violente, elle s’organise notamment avec des collectifs de citoyen·nes pour déloger les comorien·nes avec ou sans papiers, et ce avec la complicité de la police.
Des milliers de morts et un juteux business des frontières
La fermeture, la militarisation et l’externalisation des frontières sont la cause de milliers de morts en Méditerranée, dans la Manche, au large des îles Canaries, entre Mayotte et Les Comores, dans le Sahara, etc. Les États européens sont responsables de ces morts de masse. Des millions d’euros sont dépensés pour construire des murs, des camps et des systèmes de surveillance qui enferment et tuent les personnes exilées, en enrichissant l’industrie militaro-sécuritaire. Ce contrôle des frontières représente un business en plein essor.
Les CRA, comme toutes les prisons, et comme tous les dispositifs de contrôle des frontières, engraissent aussi les entreprises de construction des bâtiments, comme Eiffage. L’État investit des millions d’euros pour construire des CRA et alimenter le business du secteur du bâtiment, secteur qui emploie le plus de travailleurs sans papier exploités. Mais d’autres profitent aussi de ce système : les entreprises de gestion de ces lieux, comme Vinci, ONET et GEPSA (Engie), les entreprises de déportation, comme Air France. Des associations répondent à des appels d’offres lancés par l’État pour obtenir des contrats et des financements (plusieurs millions d’euros) pour s’occuper de l’accompagnement des personnes enfermées. Certaines diffusent des informations sur les violences exercées à l’intérieur, tout en participant au fonctionnement normal de ces lieux. D’autres sont complices de l’État, leur travail maintient bien souvent la paix sociale en CRA et elles tirent profit de cette machine raciste à punir et expulser les étranger·es.
Impérialisme et mécanismes de domination Nord/Sud
La Françafrique, système de soutien aux dictatures, de corruption, d’interventions militaires, de mainmise monétaire par le Franc CFA, etc., permet à la France le maintien de sa domination sur ses anciennes colonies, le pillage des matières premières, la défense des intérêts des multinationales et la préservation de sa puissance sur le plan international. La présence des soldats français sur le continent africain sous le prétexte de « lutter contre le terrorisme » est de plus en plus contestée par notamment les populations des pays du Sahel qui ont demandé le départ des troupes françaises.
Les institutions capitalistes internationales telles que le Fond Monétaire International (FMI) ou la Banque Mondiale ont mis en place des réformes structurelles dans les pays du sud afin d’ouvrir leurs marchés, ce qui profite essentiellement aux entreprises occidentales et a provoqué un déséquilibre des économies locales et une paupérisation massive. Cette oppression économique ainsi que les conflits armés, attisés notamment par la vente d’armes des puissances occidentales, ont pour conséquence l’exil des personnes et les prive de la liberté de rester. Cet exil constitue une main d’œuvre bon marché également qualifiée, formée au frais des pays d’origine, profitant en fin de compte aux pays impérialistes, ce qui représente une autre forme de pillage.
Il existe des accords bilatéraux asymétriques entre les pays européens et les pays d’origine ou de transit pour bloquer l’immigration. L’Europe opère un marchandage avec les États d’origine sous forme d’aide, de délivrance de visas, etc. La loi Asile et immigration de 2024 s’inscrit dans ce rapport de force. Elle officialise une pratique existante qui consiste à refuser les visas aux ressortissants des pays qui ne collaborent pas assez avec la France pour bloquer l’immigration, par exemple avec les pays qui ne délivrent pas assez de laissez-passer pour permettre l’expulsion des personnes car si les personnes ne présentent pas de passeport, les préfectures doivent demander un laissez-passer consulaire aux pays d’origine sans quoi l’expulsion n’est pas possible.
Ce chantage fait également partie du Pacte migratoire européen signé en avril 2024 dont l’objectif est de faciliter l’expulsion des personnes n’ayant pas reçu l’asile.
La loi Asile et Immigration prévoit également que l’aide au développement puisse être revue si les pays d’origine « ne respectent pas les accords » passés avec la France pour lutter contre l’immigration, alors que les transferts d’argent par les immigré.es dans leurs pays d’origine sont beaucoup plus élevés que l’aide au développement et que les investissements étrangers.
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