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Munich (Allemagne) : à propos de perquisitions et de la saisie d’une imprimerie
mis en ligne le 17 mai 2022 -
Munich : A propos de descentes de police et d’une procédure de §129 contre des anarchistEs et du vol d’une imprimerie
(Traduit de l’allemand de Zuendlappen, 7 mai 2022.)
Que s’est-il passé ?
Comme nous l’avons déjà relaté, des descentes coordonnées de flics ont eu lieu mardi 26 avril contre des anarchistes de Munich, sur la base de l’accusation de création d’une organisation criminelle (§129). Dans ce cadre, quatre appartements ont été perquisitionnés (dont deux sans qu’aucun des accusés n’y habite), ainsi que plusieurs caves (parfois aussi les pièces voisines de celles prétendument attribuées aux accusés), une imprimerie et la bibliothèque anarchiste Frevel.
Coordonnés par le service de protection de l’Etat (K43, soit « Criminalité à motivation politique », NdT), une bande de flics cagoulés, armés de béliers, parfois d’armes à feu dégainées et même d’une cotte de mailles (oui, on ne sait pas si ce flic a perdu un pari ou si c’était la semaine des chevaliers), ont fait irruption dans les appartements à 6 heures pile du matin. Ces fameux paquets de testostérone ont même défoncé une porte dont la clé se trouvait à l’extérieur. Dans certains cas, eux-mêmes ou leurs collègues du service K123 (investigation numérique/surveillance des télécommunications) devaient s’être connectés au préalable au réseau WLAN local, en tout cas ils semblaient savoir exactement quels appareils étaient à ce moment-là connectés au réseau WLAN local. Munis de powerbanks [batterie portable] et de cages de Farraday en forme de sac (qui servent de protection contre les signaux radio), les agents se sont immédiatement jetés sur ces appareils (tous des smartphones) et les ont sécurisés lorsqu’ils étaient allumés.
Après ce prélude, les enquêteurs du K43 se sont approchés et ont présenté aux personnes concernées les ordonnances de perquisition et les pseudo-témoins amenés sur place par les autorités municipales locales. Et c’est parti pour un tour : pendant environ six heures et demi, les porcs ont fouillé à la recherche des objets habituels, comme des ordinateurs, des supports de stockage, des téléphones portables, mais aussi des imprimantes, des publications anarchistes, des « documents et/ou des fichiers qui renseignent sur les idées d’extrême gauche et anarchistes » des accusés, des enregistrements personnels, des données financières, des « documents et/ou fichiers renseignant sur d’éventuels projets d’attentats des accusés », ainsi que des « plans, outils et/ou matières premières pour la fabrication de bombes, d’engins incendiaires ou d’autres objets susceptibles de servir à commettre un attentat terroriste », rien que ça. Ils ont surtout saisi des supports de stockage, des ordinateurs (y compris ceux de non-accusés), des imprimantes, des notes personnelles, de la correspondance, plusieurs centaines de publications anarchistes dans des langues les plus diverses. En outre, ils ont cherché avec zèle des contrats de location pour des locaux loués, et les ont certainement réclamés aux propriétaires des caves perquisitionnées.
Les perquisitions dans une imprimerie, dans plusieurs caves et dans la bibliothèque anarchiste Frevel ont dû avoir lieu en même temps, mais il manque les mandats de perquisition et les procès-verbaux de saisie. Là aussi, les flics sont entrés par effraction et ont ensuite changé les serrures ou laissé les locaux ouverts.
Dans la bibliothèque anarchiste Frevel, les flics n’ont pris que quelques publications, affiches, autocollants et autres, et ont également volé l’imprimante qui s’y trouvait.
La situation a été différente dans l’imprimerie entièrement équipée. Ici, les flics ont fait venir un camion et une grue et ont tout confisqué : du Risograph (une machine d’impression) avec les tambours correspondants jusqu’au massicot, de l’assembleuse jusqu’à l’encolleuse, et même une presse typographique historique et ses jeux de plombs, tout cela a atterri dans la salle des pièces à conviction des flics. Mais ce n’est pas tout. Des milliers de livres, de brochures et de journaux, des paroles de Malatesta et de Kropotkine à celles de Bonanno, mais aussi de nombreuses brochures et journaux actuels, ont été emportés par les flics, tout comme environ 50 000 feuilles de papier vierge, de l’encre et bien d’autres choses encore. En signe de respect, ils ont finalement versé le café dans l’évier et sont repartis avec leur butin dans un camion de 40 tonnes.
De quoi s’agit-il ?
Trois prévenus sont accusés d’avoir formé une association de malfaiteurs, non seulement parce qu’ils seraient « membres des milieux anarchistes d’extrême gauche », qu’ils « rejettent l’existence et les valeurs de la République fédérale d’Allemagne et toute forme d’ordre étatique » et qu’ils « considèrent la violence, en particulier celle contre les biens et/ou les fonctionnaires de police, comme un moyen légitime d’imposer leurs vues », mais aussi et surtout parce qu’ils auraient fabriqué, publié et distribué l’hebdomadaire anarchiste Zündlumpen. Il s’ensuit une liste de 15 citations tirées de différentes éditions du journal Zündlumpen (sur un total de 85 numéros), pour lesquelles il s’agirait à chaque fois de « contenus punissables ». Nous reproduisons ici quelques perles sous forme de citations tirées du mandat de perquisition :
« Le 10.04.2020, les prévenus ont publié sur le site Internet de Zündlumpen, à l’adresse https://zuendlumpen.noblogs.org/post/2020/04/10/, le court message « Brenn, E-Scooter, brenn ! » [Brûle, E-Scooter, brûle !] Ils y relataient l’incendie de deux de ces véhicules à moteur le 04.04.2020 dans le quartier de Freimann à Munich et le 06.04.2020 au bord du jardin anglais à Munich. Ils qualifiaient ces véhicules de « fléau » qu’il fallait saboter. Par ce titre, les accusés approuvaient les incendies criminels commis par des inconnus le 04.04.2020 et le 06.04.2020 ».
« Dans le numéro 61 du 13.04.2020, les accusés ont appelé, dans l’article « Rébellion contre le couvre-feu », rédigé sous forme de bande dessinée, à crever les pneus des véhicules d’intervention de la police, à incendier les véhicules d’intervention de la police et à ériger des barrages routiers à partir de poubelles en feu. Les dessins fonctionnent comme des instructions d’action précises. Les accusés incitaient ainsi au sabotage anticonstitutionnel, à la dégradation de biens, à la destruction d’outils de travail importants, à l’incendie volontaire et à la violation de la loi ».
« Dans le numéro 62 du 21.04.2020, les accusés ont publié dans l’article « Ce que nos lecteur/trices (clandestins) pensent, disent et écrivent à notre sujet » un message menaçant adressé au ministre d’État de l’Intérieur bavarois, le Dr Joachim Herrmann, libellé comme suit : « Cher Joachim, … pour ma part, j’ai tiré les leçons des expériences d’autres subversifs avec des gens comme toi. Discuter avec un tyran ? Tu dois savoir que je suis historiquement du côté de ceux – purement mentalement, cela va de soi (smiley) – qui ont préféré que les tyrans mordent la poussière bien avant leur heure. Et une chose devrait être claire pour toi : les chefs de police ont toujours eu la cote – plus haute encore que celle des empereurs, des tsars et des rois ». Les accusés ont au moins accepté à bon compte que la partie en cause prenne cette menace au sérieux ».
Un prélèvement d’ADN a été ordonné à l’encontre des trois prévenus.
Encore plus de contexte ?
Étant donné que cette histoire a été montée de toutes pièces par le Bureau central bavarois de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme (ZET), créé en 2017 au sein du parquet général de Munich, et que les informations nécessaires à l’enquête sous-jacente proviendraient du LKA et du Verfassungsschutz [police criminelle et services de renseignement, NdT] bavarois, il est clair qu’il s’agit de bien plus que de quelques citations d’un journal anarchiste qui a cessé de paraître depuis plus de six mois.
On pourrait bien sûr se demander si le ZET et la protection de l’Etat s’ennuient ou s’ils ont besoin de se prouver qu’ils sont utiles à quelque chose, ne serait-ce qu’à taper sur les nerfs des anarchistes, mais ce serait peut-être un peu court.
Toujours est-il que les procédures basées sur les paragraphes 129 et 129a connaissent une véritable renaissance ces derniers temps : dans de plus en plus de villes, les flics engagent des procédures 129 contre des anarchistes ou des antifascistes, mais il est rare qu’elles aboutissent à des accusations quelconques. Ces procédures sont plutôt un prétexte commode pour espionner abondamment ces milieux et leurs proches. Les descentes de police, qui visent également des personnes non inculpées, ne sont qu’un élément des enquêtes structurelles de la police. Les filatures, la surveillance des télécommunications, la pose de micros, de caméras et d’autres équipements destinés à espionner et à surveiller des personnes accompagnent souvent ces procédures. On peut donc soupçonner que dans ce cas également, on cherche à espionner de manière ciblée un milieu particulier.
Et puis, il y a aussi le vol audacieux et planifié de longue date de toute une imprimerie et de milliers de publications ! Une tentative évidente de démantèlement d’une infrastructure de diffusion éditoriale des idées anarchistes. S’il s’agit soi-disant d’un journal particulier, Zündlumpen, pourquoi d’autres journaux et publications ont-ils été séquestrés en masse ? Pourquoi emporter du papier vierge, de l’encre, ainsi que tout le matériel nécessaire à la fabrication de livres, de brochures et de journaux ?
Il est évident que les flics et le bureau du procureur général (ZET) visent plus loin : ils essaient d’empêcher la diffusion des idées anarchistes et d’attiser la paranoïa en saisissant des archives entières de textes anarchistes et en profitant de la possession (d’un seul exemplaire !) d’un journal dans une bibliothèque familiale pour le saisir, ainsi que toutes sortes d’appareils techniques et toutes sortes d’autres publications anarchistes.
Cela ne nous étonne guère. Les idées anarchistes ont toujours été en dehors de toute loi, et il y a donc une longue histoire de persécution des idées anarchistes. Les récentes descentes de police à Munich n’éteindront certainement pas la flamme dans nos cœurs ! Pas plus qu’elles n’empêcheront d’autres personnes de prendre une imprimante et de réimprimer tout ce que les flics ont confisqué.
Si se battre pour la liberté est un crime, l’innocence est la pire des choses !
Fraîchement perquisitionnés et pourtant toujours là,
Quelques anarchos de Bavière
[Publié le 9 mai 2022 sur Sans Nom.]