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Manuel de la Justicière Lesbienne Un guide pratique pour faire la révolution à sa façon !

mis en ligne le 9 juin 2015 - Lesbian Avengers

Après une première traduction parue dans les années 90, voici enfin la seconde édition française revue, augmentée et numérisée du Manuel de la Justicière Lesbienne, initialement publié par les Lesbian Avengers en 1993 (et révisé en 2011)... Un témoignage historique d’une période clé pour l’activisme lesbien, et un guide qui ne demande qu’à être remis en pratique !
Vous trouverez ci-dessous le texte des 30 premières pages du Manuel de la Justicière Lesbienne, ainsi que quelques extraits des annexes. Dans la version PDF, vous trouverez en plus 50 pages d’annexes exclusives, avec modèles, flyers, affiches, communiqués, etc.
N’hésitez pas à la télécharger pour une lecture plus complète !

LE MANUEL DE LA JUSTICIÈRE LESBIENNE

Un guide pratique pour faire la révolution à sa façon !

* seconde édition française *


SOMMAIRE

Préface
Introduction
Réunions
Planifier une Action
Liste Préliminaire des Tâches
Graphisme / Visuels
Identifier les Ressources
Audio : Fanfares
Arbre à Téléphones / Mailing Lists
Tractage & Collage
Réseaux / Contacts
Collecte de fonds
Argent / Factures
Médias
Vidéo
Service d’ordre
Soutien Juridique
Police & Autorisations
Avocates
Témoins Juridiques
Annexe 1 : Résolution de Conflit
Annexe 2 : Logos, Modèles & Formulaires à reproduire
Annexe 3 : Affiches, Flyers & Communiqués des New York Avengers
Annexe 4 : Contacts Médiatiques
Crédits


PRÉFACE

Nées en 1992 dans la ville de New York, les Justicières Lesbiennes sont rapidement devenues un mouvement de grande ampleur, avec plus de cinquante sections à travers le monde. Luttant sur tous les fronts pour la survie et la visibilité des lesbiennes, les Justicières Lesbiennes ont milité pour des programmes scolaires dans lesquels seraient intégrés des enseignements sur les vies des lesbiennes, ont envahi des stations de TV et de radio homophobes, ont arpenté les États-Unis lors des Marches des Fiertés, ont lâché des armées de criquets vengeurs sur les ministères impies, ont intégré des défilés populaires, et ont marché en masse de Washington, DC à La Nouvelle Orléans, en passant par Vancouver et Londres. Nous avons également amené le militantisme homo là où on l’avait rarement vu auparavant, au cœur des politiques intérieures des États ruraux, combattant avec succès les lois anti-homos en Idaho.

Deux décennies plus tard, il est temps de partager l’histoire et les techniques des Justicières Lesbiennes avec les nouvelles générations. Tout ce dont vous avez besoin pour renverser vos ennemis et initier vos amies, c’est d’audace, de créativité et d’organisation. L’action politique n’est pas réservée aux élites riches et influentes. Votre ville et votre pays vous appartiennent. En utilisant le pouvoir de la rue et de l’action directe, vous pourrez faire entendre votre voix même si aucun lobby ne défend vos droits ou qu’aucun parti ne vous représente.

Dans cet esprit, je suis heureuse de vous présenter la troisième édition du Manuel de la Justicière Lesbienne : un guide pratique pour faire la révolution à sa façon. Les fautes de frappe ont été corrigées, et les nouvelles technologies ont été prises en compte et intégrées afin de nous faire entrer dans le 21ème siècle.

Alors mettons nous au boulot. Faisons des ravages. Prenons notre revanche.

–Kelly Cogswell,
Lesbian Avenger Documentary Project,
le 24 juillet 2011.


INTRODUCTION

Les Justicières Lesbiennes forment un groupe d’action directe qui utilise l’activisme populaire pour lutter pour la survie et la visibilité lesbiennes. Notre objectif est d’identifier et de promouvoir les perspectives et problématiques lesbiennes tout en donnant de la force aux lesbiennes et en leur permettant de devenir des militantes expérimentées pouvant prendre part à la rébellion politique. Apprendre des techniques et inventer des stratégies ensemble sont au cœur de notre existence.

Au sein de la communauté lesbienne, il existe une large palette d’opinions sur le type de stratégies à employer. Certaines personnes veulent participer à des thérapies de groupe. Certaines personnes veulent travailler sur la réforme juridique et électorale. En tant que groupe activiste d’action directe, les Justicières Lesbiennes ne conviennent pas à tout le monde, et c’est bien ainsi. Il s’agit d’un groupe destiné aux femmes qui veulent s’impliquer dans l’activisme, travailler en commun, être créatives, faire le sale boulot, prendre des responsabilités régulièrement, ouvrir en grand leurs yeux, faire radicalement travailler leur esprit, faire évoluer leurs opinions et partager leurs capacités d’organisation. D’autres stratégies sont tout aussi valables, mais la raison de vivre des Justicières est l’action directe.

Les Justicières Lesbiennes ont été fondées en juin 1992 par six activistes politiques expérimentées. Elles avaient en vue de fonder un activisme lesbien populaire dans le but, au-delà de la visibilité, de bâtir un mouvement plus large. À la Gay Pride cette année, ces six là ont distribué 8000 cartes vertes fluo de l’association qui disaient : « Lesbiennes ! Gouines ! Femmes Homosexuelles ! Nous voulons la revanche et nous la voulons tout de suite. » Cinquante lesbiennes sont venues à la première réunion. Depuis, un nombre croissant de lesbiennes a rejoint les Justicières dans un esprit de coopération, de compromis et de souplesse dans le but de construire une communauté d’habiles organisatrices politiques engagées dans l’action.

Dans la suite de ce guide, vous trouvez des informations concrètes sur la façon d’organiser un groupe d’action directe. Plus vos structures seront efficaces, plus vos membres seront motivées à faire un travail créatif et imaginatif. Nous avons laissé de l’espace dans les marges tout au long de ce manuel pour que vous puissiez ajouter vos propres idées, inspirations et listes de vos contacts. En avant les meufs !


RÉUNIONS

Si vous voulez la revanche, organisez une réunion. Une réunion est la première étape d’une vie faite de vengeance et un élément essentiel dans l’organisation des Justicières Lesbiennes. Les réunions sont un bon moyen pour échanger des informations et pour apprendre à connaître d’autres lesbiennes. C’est le bon moment pour rendre compte des actions passées et à venir, pour s’échanger les nouvelles, et pour s’inscrire aux commissions. Les membres des commissions se voient en dehors de la réunion générale pour planifier et organiser les actions et en font alors le compte-rendu à tout le groupe pour un vote. Une animatrice, armée de l’ordre du jour de la réunion, fera en sorte que les choses avancent et que les participantes restent concentrées.

Souvent, nous commençons la réunion en faisant un tour de table des participantes et en invitant chaque gouine à se présenter. Quelquefois nous finissons en reprenant le tour de table pour que chaque femme puisse annoncer de quelles tâches elle aura la responsabilité durant la semaine à venir. Dans l’espoir que chacune dans la pièce aura pris sa part de responsabilité.

Dans l’idée, on essaye de travailler de manière suffisamment efficace pour que les réunions durent le moins longtemps possible, tout en donnant du temps aux participantes pour discuter de manière productive des stratégies politiques et de la création de l’action. Dans la mesure où les détails sont déballés et décortiqués dans les réunions des commissions et que c’est là aussi que s’expriment les délires créatifs, le rôle de l’animatrice est crucial pour éviter la dispersion au moment de la réunion générale.
Les animatrices sont des participantes volontaires et restent habituellement en exercice quatre semaines. Nous organisons un stage de formation à la gestion des réunions tous les deux ou trois mois, et des femmes sans expérience ne peuvent être animatrices sans avoir suivi ce stage. Nous demandons aussi à la personne qui anime des réunions pour la première fois d’inviter quelqu’une de plus expérimentée à s’asseoir près d’elle pour l’aider pendant les premières semaines.

L’animatrice est responsable de la tenue de l’ordre du jour à chaque réunion. Mais plus important encore, elle doit créer une bonne ambiance de travail efficace et respectueuse. Si parfois certaines personnes sont imprécises ou inexpérimentées, l’animatrice doit les écouter attentivement et essayer de centrer la discussion autour de propositions spécifiques adaptées à l’action. Si certaines personnes arrivent à la réunion dans un état d’esprit rigide ou négatif, l’animatrice doit disperser la tension et s’assurer que la réunion des Justicières reste un lieu de libre échange d’idées (des conseils pour la résolution des conflits sont disponibles dans l’annexe 1, p. 28). Chacune doit avoir la possibilité d’exprimer son point de vue sans être agressée et avoir suffisamment de place pour approfondir ses idées. Nos réunions doivent rester souples et générer de la pensée créatrice. C’est le boulot de l’animatrice de garder une dynamique de groupe et d’encourager les participantes à faire des suggestions concrètes, à proposer des alternatives et à prendre leurs responsabilités quant à leurs idées. Elle doit s’assurer que les propositions soient présentées de manière à permettre au plus grand nombre de Justicières de s’impliquer.

L’animatrice devrait tenir un ordre du jour centré sur les affaires les plus importantes, et garder pour la fin les annonces et les échanges de savoirs. Elle doit veiller au bon déroulement de la réunion et à ce que les participantes restent concentrées sur les tâches à accomplir. Habituellement, la discussion en tant que telle ne doit pas durer plus de dix à quinze minutes, au bout desquelles l’animatrice peut proposer à l’assemblée de voter ou de poursuivre la discussion plus en profondeur. Si elle voit que les participantes commencent à se répéter, elle peut demander si personne n’a rien de nouveau à ajouter.


PLANIFIER UNE ACTION

Une action a pour but de faire connaître nos revendications, de provoquer des changements et d’impliquer autant de lesbiennes que possible dans tous les aspects organisationnels.

Quand des Justicières ont une idée d’action, elles peuvent en faire part au groupe de deux façons. Elles peuvent proposer aux autres une action précise déjà définie ou bien elles peuvent n’avoir qu’une vague idée et faire circuler une feuille (voir annexe 2, p. 32) sur laquelle s’inscriront les personnes intéressées par le projet. Celles qui se sont inscrites se réunissent dans une commission à part et reviennent vers le groupe entier avec une proposition élaborée. Ainsi la discussion en grand groupe se basera sur une proposition concrète, créant ainsi un cadre pour un débat plus constructif et satisfaisant, orienté vers le côté pratique.

Une fois le plan d’action approuvé par les Justicières, la commission s’attelle à la concrétisation du projet. C’est en commission que peuvent éclore toutes les idées brillantes et déjantées. Chaque commission de planification d’action nécessite deux coordinatrices chargées de suivre toutes celles qui se sont engagées à des tâches, et de régulièrement rendre compte des avancées au grand groupe.

Les coordinatrices doivent s’assurer que leur commission se pose les questions suivantes :

Idées générales : Quel est le but de cette action ? Qui essayons-nous d’atteindre ? Quel est notre message ?

Logistique : Quels sont le moment, la date, le lieu et la durée de l’action ? Ces choix ont-ils un sens lié aux buts et au message de l’action ? De quel espace disposons-nous ? L’action se déroulera-t-elle dedans ou dehors ? Risquons-nous d’être bloquées quelque part ? Où sont les entrées et les sorties ? Risquons-nous d’être confrontées à des agents de sécurité ? L’action aura-t-elle lieu dans un endroit public ou privé ? La rue est-elle assez large pour dérouler des banderoles ? Il faut faire une reconnaissance des lieux aussi tôt que possible. Combien y-aura-t-il de participantes ? Est-ce que ce seront uniquement des Justicières ? Uniquement des Lesbiennes ? Est-ce ouvert à tou-tes ? De quels supports et matériels avons-nous besoin ? Qui les transportera sur les lieux de l’action, et qui les ramènera ?

Tactiques : Quel type d’action préparons-nous : symbolique, zap/perturbation ou pédagogique ? Éviter à tout prix les vieilles tactiques dépassées. Crier des slogans, faire uniquement des piquets de grève et tous les autres trucs du genre, ça n’a plus d’impact. Rester debout, passivement, à écouter des discours est ennuyeux et ne donne de force à personne. Trouvez des tactiques innovantes, audacieuses et participatives, qui soient cohérentes avec la spécificité de votre action. Les Justicières de New York ont occupé des lieux durant des nuits entières, ont surpris des politiciens par des intrusions éclaires osées dans le hall de l’hôtel Plaza, ont envahi les bureaux de SELF Magazine, ont descendu la 5ème Avenue à l’heure de pointe avec des torches enflammées et ont distribué à des écolier.es des ballons sur lesquels était écrit : « Posez des questions sur la vie des lesbiennes », ceci dans un quartier anti-gay. Par quel support visuel allez-vous illustrer votre action ? Il doit renseigner clairement et rapidement les gens sur qui nous sommes, et sur pourquoi nous sommes là. Plus ce sera surprenant, drôle et original, mieux ce sera. Les Justicières de New York ont utilisé une large gamme d’images : avaler du feu, un autel grand de 3 mètres 50, une bombe géante, ou encore une statue en plâtre de 3m. Plus c’est original, mieux c’est !

Contingences : Les actions doivent être préparées aussi bien que possible pour que chacune sache pourquoi nous sommes là et se sente impliquée. Mais il n’y a aucun moyen de tout prévoir à l’avance, alors nous devons être prêtes à prendre des décisions collectives et rapides une fois sur place. Réfléchir à l’avance aux questions suivantes peut vous aider à réagir instantanément en cas de besoin au cours de l’action :

• Qu’est-ce qu’on fait si on ne peut pas atteindre l’endroit prévu ?
• Qu’est-ce qu’on fait s’il y a moins/plus de monde que prévu ?
• Avons-nous envisagé quelque chose en cas de mauvais temps ?
• Qu’est-ce qu’on fait si la police intervient ?
• Sommes-nous prêtes à prendre les décisions nécessaires en cas d’arrestation au moment de l’action ?
• Comment est-ce qu’on sait quand l’action est terminée ?
• Comment fait-on pour clore une action ?


LISTE PRÉLIMINAIRE DES TÂCHES

Une fois le cadre général et la forme de l’action défini-es, les membres de la commission peuvent commencer à s’attaquer aux tâches suivantes. Les deux coordinatrices sont responsables du suivi de chaque membre de la commission et s’assurent que les tâches sont effectuées dans les temps (voir la fiche « Vérifications finales avant action » dans l’annexe 2, p. 34).

• Graphisme / Visuels : tracts, flyers, affiches, banderoles, pancartes et supports
• Audio / Bruits : fanfares, casseroles, sifflets
• Photocopies
• Mailings
• SMS / Tweets
• Collages
• Relations extérieures : contact avec d’autres groupes / lesbiennes
• Collectes de fonds
• Médias
• Équipe vidéo
• Tract / Fiche explicative (à traduire si besoin) à distribuer au cours de l’action
• Service d’ordre
• Assistance juridique
• Avocates
• Témoins juridiques

Attention, ne perdez pas de vue que le but est d’impliquer autant de Justicières que possible dans l’organisation. C’est assez simple d’y parvenir si chaque membre de la commission responsable d’une tâche particulière arrive à la réunion générale avec une feuille d’inscription (par exemple : « Inscriptions pour la distribution de flyers dans les bars lesbiens », « Inscriptions pour apprendre le maniement du bâton de majorette pour telle action », etc.). Puis, la personne responsable de la tâche contacte ensuite celles qui se sont inscrites pour leur rappeler les moments et endroits où le travail sera fait. Plus les coordinatrices sont organisées, plus c’est simple pour les autres personnes de s’impliquer.


GRAPHISME / VISUELS

S’il vous est déjà arrivé de taguer des slogans contre la haine partout dans la ville, vous savez à quel point c’est jouissif de vandaliser pour la bonne cause. Mais l’action directe, ce n’est pas juste de la catharsis. Dans notre ère post-moderne, la couverture médiatique constitue en elle-même le message. Le but de l’action directe est d’attirer l’attention, alors ne soyez pas timide. Les médias adorent prendre des photos, alors donnez leur quelque chose à voir : des gouines en robes de bal, des banderoles et des pancartes arborant des slogans outrageux, des sérénades saphiques, des autels embrasés...

Une fois que vous avez choisi la cible — un homme de loi ouvertement homophobe, un cardinal, un politicien borné — organisez une action spectaculaire. Il est primordial d’avoir un message clair, donc faites simple. Vos revendications détaillées peuvent être expliquées dans le tract que vous distribuez lors de l’action. Ce tract doit aussi expliquer clairement pourquoi vous faites cette action, et situer les faits qui sous-tendent votre revendication.

Le côté visuel de nos actions est un aspect crucial du travail des Justicières. En général, nous essayons de nous renouveler à chaque action et d’adopter un style et une esthétique qui n’ont jamais été utilisés auparavant. Le matériel (chariots, autels, torches enflammées, bombes en papier mâché, statues de plâtre,… ou quoi que ce soit d’autre !) y joue un grand rôle. Les illustrations que vous utilisez doivent avoir un sens et être visuellement captivantes. Plus nos actions seront visuellement créatives, imaginatives et personnelles, plus elles seront attirantes, ludiques et stimulantes.

L’identité graphique d’une action est définie en premier lieu par le flyer préliminaire annonçant l’événement à la communauté. Un dessin original et innovant, un graphisme moderne et soigné, et même la couleur du papier sont des moyens essentiels pour faire savoir à la personne qui lit à quel point notre approche est courageuse, franche et novatrice. Jusqu’à présent, les tracts d’invitation aux actions des Justicières ont été nos meilleures cartes de visite (Voir l’Annexe 3, p. 43, pour un aperçu de visuels créés par les Justicières de New York).

En règle générale, le flyer définit un slogan ou une phrase qui sera réutilisé-e tout au long de l’action. Nous essayons de ne jamais utiliser de clichés ou de vieilles rhétoriques usées. Au contraire, nous avons réussi à trouver de nombreux titres accrocheurs. Quand nous avons élevé l’autel pour les deux homos brûlé-es vif-ves dans l’Oregon, nos affiches disaient : « NE LES LAISSONS PAS REPOSER EN PAIX ». Quand nous avons harcelé le maire de Denver pendant 48 heures, nos pancartes disaient : « BOYCOTTEZ L’ÉTAT DE LA HAINE » ; pour la soirée de réveillon du nouvel an, l’affiche montrait une photo de Pam Grier, une actrice phare du cinéma de Blaxploitation des années 70, en caleçon hyper moulant et tenant un fusil : « ACTIVISTE GO-GO ».

Notre action de la St Valentin en l’honneur de Gertrude Stein et Alice Toklas célébrait : « UN BONHEUR CONJUGAL POLITIQUEMENT INCORRECT ». Nos banderoles en faveur du programme multiculturel du Service Pédagogique de la ville New York disait : « FAITES LA LUMIÈRE ! DONNEZ DES COURS SUR LA VIE DES LESBIENNES ». Les banderoles du défilé aux flambeaux sur la 5ème Avenue disaient : « RÉVEILLEZ-VOUS ! C’EST ICI QUE ÇA SE PASSE », et celles pour la marche sur Washington disaient : « JUSTICIÈRES LESBIENNES : DANS LA RUE AU GRAND JOUR POUR RÉCLAMER NOS DROITS ». Qu’on soit énervées ou fantaisistes, nos mots d’ordre ont toujours été clairs, pertinents et percutants.

N’oubliez pas d’inscrire les coordonnées de votre groupe sur tous les tracts, affiches et autres documents, afin que d’éventuelles Justicières puissent vous contacter. N’oubliez pas d’inclure le logo de la bombe et la phrase : « Les Justicières Lesbiennes sont un groupe d’action directe centré sur les questions vitales pour la survie et la visibilité lesbiennes ». Faites passer le mot. Il est important de savoir que de bons visuels, collés partout suffisamment à l’avance, peuvent vraiment conditionner la réussite ou l’échec de votre action. En gardant bien ça en tête, tout le processus de création graphique et de communication doit commencer AU MOINS trois à quatre semaines avant le jour de l’action. À ce stade, le groupe de travail doit se réunir avec la graphiste pour conceptualiser l’affiche. De plus, le groupe de travail doit fournir les choses suivantes à la graphiste :

• un titre choc ;
• un petit texte expliquant pourquoi les Justicières mènent cette action ;
• le dessin ou la photo que le groupe a choisi ;
• les détails de l’action : jour, heure, lieu, instructions particulières si nécessaire.

Vous devez aussi déterminer où et comment vos flyers seront diffusés (collages, distribution dans les bars, publications sur internet, etc.), car il peut être nécessaire de le réaliser en plusieurs formats. Pour un collage, les formats standards les plus appropriés sont le A4 ou le A3. Le format flyer A6 est le plus adapté pour glisser dans les mains des femmes dans les bars. COMPTEZ AU MOINS UNE SEMAINE POUR RÉALISER LES VISUELS ET UNE DE PLUS POUR LA REPROGRAPHIE.


IDENTIFIER LES RESSOURCES

Beaucoup de lesbiennes disposent de moyens qu’elles sont prêtes à partager avec les Justicières, même si elles ne souhaitent pas pour autant venir aux réunions ou organiser des actions. Quelqu’une pourrait vouloir être assistante juridique, rédiger un tract, gérer un site internet, réaliser une vidéo, ou juste participer à un collage.

Trouvez qui, à son bureau, peut utiliser gratuitement un photocopieur ou une imprimante. Contactez-les à l’avance et aidez-les à transporter les textes subversifs.


AUDIO : FANFARES

Les slogans, parfois, ça ne suffit pas. Une fanfare, des tambours, une section rythmique, etc. peuvent vraiment apporter quelque chose en plus à toute action. Dans le groupe, les différentes musiciennes peuvent jouer toutes ensemble, ou chacune dans leur coin. Dans tous les cas, assurez-vous de les prévenir suffisamment à l’avance.


ARBRES À TÉLÉPHONES / MAILING LISTS

En vue d’impliquer autant de gouines que possible, les Justicières doivent savoir s’organiser et travailler en commun, et plus important encore, doivent savoir utiliser les listes d’adresses comme outils d’organisation. À chaque réunion des Justicières, nous faisons circuler une liste d’adresses avec les noms et les numéros de téléphone. Les nouvelles participantes sont invitées à ajouter leur nom et leur contact à la liste. Une liste réactualisée de militantes est apportée chaque semaine.

Cette liste constitue notre réserve d’activistes. À chaque action, nous contactons chaque personne qui s’y est inscrite. Que ce soit pour distribuer des tracts, coller des affiches, préparer une danse ou fabriquer des accessoires, nous appelons la liste à chaque fois que nous avons besoin de monde

À chaque soirée ou événement publique, nous nous assurons de placer à l’entrée une liste d’adresses pour les sympathisantes. Cette liste forme notre base constitutive. Les personnes qui s’y inscrivent sont informées de chaque événement ou action. Dans la mesure où ces personnes ne sont encore jamais venues aux réunions, nous ne nous permettons pas de leur demander de l’aide pour préparer les actions, mais quand il s’agit de remplir les rues ou notre compte bancaire, elles sont celles sur qui nous comptons le plus. Il en va de même pour les contacts récoltés via des sites internet et des réseaux sociaux. Nommez une Diva de la Liste, chargée de la tenir à jour et de passer le mot à chaque fois que vous avez besoin d’aide ou que vous organisez une action.


TRACTAGE & COLLAGE

Les tracts et les flyers sont faciles à faire circuler et ne coûtent pas chers : laissez-en sur les bancs d’église, dans les vestiaires des gymnases, dans les bars et les librairies, accrochez-les sur votre chienne avant de la laisser sortir, collez-en partout.

Le collage est le terme utilisé par les activistes pour désigner le fait de faire adhérer une œuvre d’art à plat sur les murs extérieurs des bâtiments, de manière à transformer une communauté peu attentive en un public captivé. Aussi longtemps que nous avons des corps, la clé de la réussite reste d’être présentes dans le monde physique et réel. Voici la liste de ce dont vous aurez besoin :

• Une feuille d’inscription remplie de noms de Justicières compétentes et volontaires sachant où et quand se retrouver ;
• De la colle à papier peint en poudre — en général une boîte de 500g ;
• Une brosse à papier peint — de préférence avec un manche en bois et des poils en paille ;
• Une bassine en plastique — de 5 litres ou plus ;
• Des gants en caoutchouc — en option ;
• Des lunettes jaunes spéciales vision nocturne (pour protéger les yeux et lancer la mode) — en option

(Tous ces produits se trouvent très facilement dans les quincailleries – sauf les lunettes spéciales vision nocturne.)

Préparez la colle en suivant le mode d’emploi inscrit sur le paquet. Pour éviter les grumeaux, mélangez lentement avec de l’eau chaude. Mais si vous êtes dans l’urgence, une bouteille d’eau trouvée dans une épicerie de nuit fera l’affaire.

Il faut être au moins trois personnes pour constituer une équipe efficace et rapide. L’une colle, l’autre applique le tract sur le mur, et la troisième fait le guet. La colleuse encolle le mur à l’endroit où sera placé le tract. La poseuse applique le tract sur la surface encollée. Puis la colleuse remet une couche finale de colle sur le tract. Celle qui fait le guet surveille les environs l’air de rien, en cas d’arrivée de la police ou d’un groupe important d’homophobes. Si elle remarque quelque chose, elle doit immédiatement avertir les autres pour qu’elles puissent quitter les lieux.

Les meilleurs endroits pour les collages sont : les réverbères, les boîtes aux lettres, les devantures de magasins abandonnés, les chantiers et les bennes à ordures. Évitez si possible les murs en briques ou toute autre surface irrégulière. Essayez de coller un grand nombre d’affiches ou de tracts à un même endroit, afin de créer un message visuel qui retienne plus l’attention. D’accord, c’est illégal, mais la loi est rarement appliquée à New York. Cela dit, ça reste quand même mieux d’exercer cette activité à l’heure traditionnelle des vampires.


RÉSEAUX / CONTACTS

Avant chaque action, nous essayons de prendre personnellement contact avec un maximum de groupes lesbiens et de lesbiennes dans des groupes mixtes, afin de leur faire savoir ce que nous projetons. Les Justicières qui sont impliquées dans d’autres groupes peuvent être volontaires pour maintenir un contact régulier avec ces groupes. C’est un boulot qui convient bien à celles qui prônent le plus les regroupements et la coopération.


COLLECTE DE FONDS

Dès le début, nous avons décider de ne solliciter aucune subvention de la part de fondations, et de nous procurer de l’argent directement au sein de notre communauté. Nous organisons régulièrement des fêtes farfelues, originales et déjantées, illustrées et annoncées par des affiches vraiment travaillées, généralement à la suite d’une action importante. Plus l’action est réussie, plus les gens de la communauté se mobilisent et nous soutiennent. Comme la plupart d’entre nous sont pauvres, les événements ne coûtent jamais plus que ce que nous pouvons payer. Pour la soirée de nouvel an (1992), l’entrée était à 4€, le vestiaire à 0,30€, la bière à 1,50€, et on a récolté 4000€.

En général, nous faisons des fêtes avec un thème sympa que l’on prépare minutieusement, avec de la bonne musique, et nous prévoyons aussi une salle spéciale pour la communication, où l’on peut trouver des tracts et des vidéos. Nous ne faisons pas ces fêtes uniquement pour nous amuser. Nous les concevons aussi comme un outil d’organisation. Là, nous pouvons mesurer combien la communauté nous apprécie, nous pouvons montrer aux sympathisantes ce que nous faisons, et d’autres lesbiennes s’inscrivent sur nos listes de contacts.

Il faut à peu près un mois pour préparer une fête, et cela requiert deux coordinatrices. La première chose qu’elles ont à faire est de dresser une liste de tâches précises et d’apporter les feuilles d’inscription à la réunion générale pour impliquer le plus de Justicières possible dans la planification et la création de l’événement. Les coordinatrices doivent s’assurer qu’elles ont recruté suffisamment de gouines pour s’occuper des tâches suivantes :

Lieu : Trouvez un lieu inhabituel que votre public ne connaît pas, mais assez grand pour danser, traîner, se détendre, s’amuser, etc.

Publicité : Sortez un flyer attractif suffisamment à l’avance pour réserver la date — faites en sorte que ça ne tombe pas en même temps que d’autres événements dans la communauté. Envoyez (par courrier ou e-mail) le flyer à toutes les personnes inscrites sur votre liste de contact. Distribuez-en de grandes quantités très tôt. Faites passer le mot à temps via les médias locaux et/ou communautaires : bulletins d’information, journaux, radios, blogs, followers sur twitter, etc. Faites des collages massifs.

Musique : La musique est la clé d’une soirée réussie. Si aucune live-DJ n’est volontaire, trouvez quelqu’une qui connaît bien toutes sortes de musiques. Une bonnne sono est absolument nécessaire.

Entrée & Sécurité : Deux femmes se postent à l’entrée pour gérer la caisse et s’assurer que chaque personne qui entre s’inscrit bien sur la liste de contacts. Une autre personne doit régulièrement relever le contenu de la caisse et l’entreposer dans un endroit sur. Quelques Justicières doivent par ailleurs être constamment sur le qui-vive pour pouvoir réagir en cas de problèmes de sécurité.

Nourriture & Boisson : Repérez l’épicerie de nuit la plus proche pour pouvoir refaire le plein de bière et de glace en cas de besoin. Proposez aussi des boissons non-alcoolisées. De grandes poubelles et des sacs plastiques remplis de glace sont ce qu’il y a de mieux pour tenir au frais les boissons.

Installation & Nettoyage : Il faut constituer des équipes pour l’installation, la décoration et le nettoyage. Enrôlez quelques personnes pour ramasser les bouteilles et autres déchets à plusieurs reprises dans la soirée. Assurez-vous qu’il y ait assez de papier toilette et d’essuie-mains.

Salle Multimédia : Deux Justicières peuvent prendre en charge la projection de nos fabuleuses vidéos et la diffusion de notre magnifique matériel de propagande.

Événements particuliers : Go-go girls, rencontres coquines en cabines, voyance et cartomancie, etc. …tout ce qui vous passe par la tête !

En plus de l’organisation de soirées et d’autres événements pour collecter de l’argent, nous faisons aussi circuler une enveloppe estampillée « ACTIONS » à chaque réunion, en demandant à chacune d’y mettre un ou deux euros. Nous vendons aussi des tee-shirts et des vidéos, mais ce sont en même temps des outils d’organisation. Nous ne voulons pas trop nous enliser dans le business du merchandising.

Les Justicières et leurs amies peuvent aussi organiser des soirées d’anniversaire ou autres et demander à leurs invitées de faire des dons au groupe de Justicières plutôt que d’apporter des cadeaux.


ARGENT / FACTURES

Si vous prévoyez une action importante ou un gros événement, il est recommandé de nommer une personne responsable de la comptabilité. Les Justicières doivent absolument garder les reçus et les factures de tous leurs frais, car nous ne pouvons rembourser quiconque sans un justificatif.

Nous devons tenir un livre de comptes à jour afin d’éviter que les impôts aient la moindre raison de nous harceler. Sur chaque reçu, notez simplement l’objet de la dépense et votre nom, par exemple « fournitures pour l’action du 19 novembre ». Vous n’avez pas besoin de détailler les dépenses car nous n’utilisons que des catégories générales telles que « Photocopies », « Fournitures », « Correspondance », « Transport ». Mettez tous vos reçus dans une enveloppe ou agrafez-les ensemble, et apportez-les à la prochaine réunion. Mais s’il-vous-plaît, n’espérez pas être remboursées en espèces.


MÉDIAS

Médias classiques : Un travail médiatique efficace est essentiel à toute organisation militante. La première chose à faire est d’établir une liste de contacts dans les médias. Parcourez tous les quotidiens et hebdomadaires de votre région ainsi que les médias en ligne et repérez les journalistes qui écrivent des articles sur des thèmes lesbiens ou gays. Repérez aussi d’autres employé-es qui pourraient être ouvertement ou discrètement lesbiennes ou gays et qui travaillent dans les coulisses des rédactions ou dans d’autres services.

Appelez chaque radio ou télé locale et demandez-leur directement les noms des employé-es (pas uniquement des chargé-es de communication) qui sont particulièrement intéressé-es par les sujets LGBT. Prenez personnellement contact avec toute personne ouvertement lesbienne dans la sphère médiatique.

Quatre jours avant votre action, envoyez votre communiqué de presse à tous les médias de votre liste et passez les jours suivants à faire des relances téléphoniques pour encourager la presse à couvrir votre événement. Utilisez toujours le même modèle de communiqué de presse avec le logo de la bombe et l’en-tête des Justicières Lesbiennes, ainsi que le texte de descriptif : « Les JUSTICIÈRES LESBIENNES sont un groupe d’action directe centré sur les questions vitales pour la survie et la visibilité lesbiennes »). N’oubliez pas de mentionner le jour, l’heure et le lieu où se tiennent vos réunions générales. Notez aussi les différents moyens pour vous contacter (site internet, e-mail, téléphone, etc.) afin de permettre aux gouines intéressées de trouver toutes les informations dont elles ont besoin.

Lors de l’action proprement dite, parlez à chaque représentant-e de la presse et notez son nom et un moyen de la/le contacter. De cette manière, vous saurez qui a répondu présent-e, qui ajouter sur votre liste, et qui appeler les jours suivants pour assurer un suivi de votre action. Le contact personnel est le meilleur moyen pour s’assurer une couverture médiatique.

Traduction : les tracts et les communiqués de presse destinés aux médias hispaniques doivent être traduits en espagnol. Idem pour les autres langues. [1] Les traductrices doivent avoir suffisamment de temps pour faire un bon travail et rendre leur traduction à la graphiste sans que celle-ci soit retardée.

Presse LGBT : La presse LGBT s’étend des magazines nationaux sur papier glacé aux fanzines tapés à la machine et déposés dans les bars. Il existe dans le pays des centaines de feuilles d’infos, de journaux, de sites internet et de blogs LGBT. Leur envoyer des communiqués de presse, des tracts, des articles et des liens est un autre bon moyen d’encourager l’esprit militant chez les lesbiennes et de leur donner envie de créer de nouvelles sections des Justicières. Cela permet également une excellente couverture médiatique de nos enjeux et problématiques, chose que l’on ne peut pas forcément attendre des médias classiques.

Sites Internet & Réseaux Sociaux : Ce sont toujours les médias traditionnels qui ont la plus large portée, mais nous n’en sommes plus dépendantes pour répandre notre message. Soyez présentes sur la toile. Mettez en ligne tous vos communiqués de presse (écrits avec soin) sur votre propre site internet et/ou sur d’autres sites de réseaux sociaux, et documentez vos actions notamment avec des photos et des vidéos. Tweetez et re-tweetez les actualités. Postez des liens. N’hésitez pas à promouvoir sans vergogne vos contenus.


VIDÉO


Chaque action doit être couverte par une équipe vidéo des Justicières. Les prises de vue filmées avec des téléphones portables et qui peuvent être mises en ligne pendant l’action sont toujours bonnes à prendre, mais elles ne doivent pas remplacer l’utilisation de caméras digitales classiques capables de filmer des vidéos de bonne qualité pouvant être diffusées sur grand écran ou sur TV. De cette façon, même si vous ne parvenez pas à obtenir de couverture télévisée, vous pourrez toujours fournir aux télés votre propre film après l’événement. Postez aussi des clips vidéos sur la toile, et inondez les chaînes publiques locales (ou régionales) avec vos propres bandes.

Assurez-vous que vos vidéos soient facilement trouvables sur internet, en leur dédiant une page ou une chaîne. Ces vidéos ne sont pas juste des reportages à destination de la presse, mais elles sont surtout votre meilleur outil d’organisation pour recruter de nouvelles activistes. À l’époque où le phénomène des Justicières était totalement nouveau, les vidéos étaient essentielles pour communiquer sur le type d’actions que nous entreprenions et pour illustrer l’esprit qui nous définissait. Les vidéos peuvent aussi être utilisées pour documenter toute action inhabituelle de la police susceptible d’entraîner une confrontation.


SERVICE D’ORDRE

Toute action nécessite un service d’ordre — c’est-à-dire un groupe de femmes qui prennent la responsabilité des grandes décisions (quand marcher en plein milieu de la rue, quand s’asseoir au milieu de la circulation, etc.). Les membres du service d’ordre doivent suivre une formation avant toute action, connaître les implications légales de chaque action, et mettre au point une méthode de communication et de coopération entre elles. Si possible, elles doivent aussi suivre une formation à la désobéissance civile (invitez une formatrice de votre section locale d’Act Up, des Quakers, ou d’un groupe pacifiste). Les membres du service d’ordre sont habituellement identifiables par des brassards de couleur vive. Elles servent de rempart entre les manifestantes et la police et sont aussi celles qui bloquent la circulation pendant que le cortège avance tranquillement.

Ci-dessous, vous trouverez quelques conseils pour le service d’ordre, mais ça ne peut en rien remplacer une vraie formation.

1. Le rôle de la police lors d’une action
• Protéger les bâtiments et les biens contre tout dommage
• Vous empêcher de semer le trouble

2. Le rôle du service d’ordre
• Fournir les informations
• Faciliter l’action
• Gérer la police, les emmerdeurs, les passant-es

3. Qu’est ce qui est légal ?
• Faire tourner un piquet de grève avec des pancartes en scandant des slogans sur un trottoir public
• Marcher sur un trottoir avec des pancartes en scandant des slogans
• Distribuer des tracts (sans bloquer les piéton-nes ou le trafic)

4. Ce qui nécessite une autorisation (les Justicières de New York ont fait ces choses sans autorisation)
• Utiliser une sono
• Défiler dans la rue / bloquer ou gêner le trafic

5. Ce que fait le service d’ordre pendant un piquet de grève
• Faciliter la circulation des passant-es
• Motiver les troupes et lancer les chansons
• Surveiller les environs (en cas de danger ou d’emmerdeurs)
• S’il y a désobéissance civile, montrer les frontières entre ce qui est légal et ce qui est illégal

6. Ce que fait le service d’ordre pendant une manifestation
• Guider le défilé d’un pas tranquille
• Bloquer la circulation aux carrefours (face aux voitures)
• Surveiller les environs, rester vigilant
• Fermer la marche
• S’assurer que personne n’est laissée à l’arrière ou abandonnée en marge du cortège

7. Ce que le service d’ordre ne doit pas faire
• Ne pas faire le boulot de la police
• Ne pas paniquer, jamais

8. Faire face aux problèmes
• Police : Bluffer et Retarder, S’arrêter et S’asseoir
• Leur dire que c’est légal
• Leur demander quelle est la loi et pourquoi ils pensent qu’on l’enfreint
• Demander à voir leur officier supérieur
• Connaître ses droits et les faire continuellement valoir
• Ne JAMAIS toucher un officier de police
• Emmerdeurs : leur faire face, les isoler, leur parler si possible
• Violence : isoler, séparer, attirer l’attention
• Urgence médicale : aller chercher la police, laisser une membre du service d’ordre avec la personne blessée [2]


ASSISTANCE JURIDIQUE

Une assistance juridique organisée est nécessaire s’il y a possibilité ou probabilité d’arrestations.

Celles qui assurent le soutien juridique doivent suivre celles qui ont été arrêtées tout au long de la procédure, et attendre leur libération. Elles ont la responsabilité et l’obligation de rester devant le commissariat jusqu’à ce que la dernière ait été libérée. C’est très important pour celles qui sont à l’intérieur de savoir qu’elles sont soutenues par celles qui sont à l’extérieur.

Avant l’action, les gouines qui sont chargées de l’assistance juridique récupèrent les fiches d’infos légales remplies en deux exemplaires (voir Annexe 2, p. 40). Un exemplaire est gardé sur place par la coordinatrice de l’assistance juridique et l’autre exemplaire est gardé ailleurs, au cas où la coordinatrice serait arrêtée par erreur. [3]

Pendant l’action, essayez de ne pas être arrêtée. Dressez en temps réel la liste de celles qui sont arrêtées. Demandez-leur de crier leur nom si vous ne les reconnaissez pas. Si vous êtes témoin de violences policières, essayez de noter le matricule du policier. Demandez aussi à quelqu’une de filmer discrètement, et arrangez-vous pour que sa bande ne soit pas saisie. Demandez poliment à la police (à l’officier supérieur si possible) à quel commissariat les personnes arrêtées sont emmenées, et rejoignez-les sur place. Quand les paniers à salade arrivent, essayez de leur faire savoir que vous êtes là pour elles.

Après l’action, rassemblez tout le monde au commissariat et restez-y jusqu’à ce que la dernière personne soit relâchée. Au fur et à mesure, pointez le nom des Justicières libérées et récoltez autant d’informations que vous pouvez sur les conditions de détention (ex : ont-elles été bien traitées ?). Contactez l’avocate et apportez-lui les procès verbaux, tout en vous assurant que celles qui ont été arrêtées savent bien quand elles passeront en jugement.


POLICE & AUTORISATIONS

En règle générale, les Justicières Lesbiennes ne demandent pas d’autorisation préalable à leurs actions et ne négocient pas à l’avance avec la police. Bien entendu, des circonstances particulières peuvent nous amener à changer ponctuellement cette façon de faire. Tout est discuté dans le groupe.


AVOCATES

Recrutez le plus tôt possible des avocates sympathisantes prêtes à être présentes lors de l’action. L’association locale des avocat-es homos ou d’autres groupes d’action directe pourront vous mettre en contact avec des avocates susceptibles de vous aider. Si possible, prévoyez un moment où elles pourront s’adresser au groupe — de préférence lors de la réunion générale qui précède l’action — afin que toutes les Justicières qui participent à l’action puissent bien avoir connaissance de leurs droits avant de venir.


TÉMOINS JURIDIQUES

En général, nous avons besoin d’au moins deux témoins juridiques pour chaque action. Avant le début de l’action, les témoins juridiques doivent s’assurer de connaître les noms et visages des avocates et des gouines chargées de l’assistance juridique. Elles doivent prévoir du papier et des crayons pour pouvoir prendre des notes sur le comportement de la police durant toute l’action. Si une avocate ou une personne chargée de faire la liaison avec la police s’engagent dans des négociations avec la police, au moins une témoin juridique doit noter ce qui se dit. Notez le nom de toute lesbienne qui est arrêtée. C’est essentiel, d’autant plus si vous ne voyez pas celles chargées du soutien juridique aux alentours. Demandez aux personnes arrêtées de crier leur nom si vous ne les reconnaissez pas. Si vous êtes témoin de violences policières, essayez de noter le matricule des policiers, et de faire des photos ou des vidéos. Sur le moment, mettez à l’écrit ce qui est en train de se passer, et notez les noms des personnes impliquées.



EXTRAIT DE L’ANNEXE 1


RÉSOLUTION DE CONFLIT

Depuis que les Justicières ont débuté leur travail collectif, nous avons compris qu’être organisées d’une certaine manière nous permettait d’effectuer un travail dynamique, valorisant, efficace et fructueux. Une de nos plus grandes trouvailles a été d’éviter les discussions théoriques abstraites. De fausses polarités peuvent rapidement se créer quand il n’y a rien de concret sur la table, mais quand notre réflexion politique tourne autour de la création et du but d’une action, c’est beaucoup plus facile de tomber d’accord et de partager les points de vue.

Une autre idée majeure qui a émergé au cours de notre travail est d’encourager chaque Justicière à prendre la responsabilité de ses propres suggestions — c’est-à-dire d’avoir envie de les voir se réaliser. De cette manière, « Quelqu’une devrait faire ... » devient « Je ferai ... » ou « Qui veut faire … avec moi ? ».

En tant que lesbiennes, nous avons tellement été exclues du pouvoir que la plupart d’entre nous ont développé une posture négative qui consiste à penser que notre seule influence possible est de dire « non ». Les Justicières forment un groupe où les lesbiennes peuvent voir leurs idées se concrétiser, ou chacune peut avoir un impact. Il y a dans ce processus une étape cruciale qui est d’apprendre à proposer des solutions alternatives au lieu de se contenter de critiquer. Alors, si vous n’êtes pas d’accord avec une proposition, au lieu de juste l’écarter, proposez une autre manière d’atteindre l’objectif.

Si une question discutée est litigieuse et ne recueille qu’une petite majorité d’accords, au lieu de procéder directement à un vote nous essayons de négocier un compromis. Dans ces moments-là, chaque partie doit adopter une attitude suffisamment souple et ouverte pour arriver à une solution qui convienne à toutes. Cette volonté de négociation passe avant les partis pris et les analyse étroites.

Afin de nous centrer sur des solutions tangibles plutôt que sur les rapports de force et de nombre entre les partisanes des différents camps, nous pouvons donner alternativement la parole à des oratrices d’avis différents. Ainsi, les différentes positions seront également représentées, et des solutions auront une chance d’émerger. Dans ces conditions, nous essayons toutes de ne pas prendre la parole à moins d’avoir quelque chose de nouveau à apporter au débat. Nous nous efforçons aussi, en dépit de nos positions passionnées, de traiter les autres Justicières aussi respectueusement que possible et de concentrer notre fougue sur nos objectifs et non sur les personnes.

Avant de prendre une décision, nous avons également trouvé utile de réaliser un sondage préliminaire ou un vote « pour du beurre ». Si ce vote est très divisé (dans un sens ou dans l’autre), nous pouvons chercher à bâtir un compromis avant le vote définitif, essayant ainsi de construire des alternatives apportant des réponses aux questions qui divisent.

Si un débat particulièrement divisé a lieu à la fin d’une réunion, quand toutes sont épuisées, nous pouvons décider de reporter la discussion au début de la réunion suivante. De cette manière, nous pourrons envisager sérieusement une solution plutôt que d’agir à la va-vite pour nous débarrasser du débat.

Chaque animatrice ou participante peut décider/demander le recours à ces méthodes de résolution de conflit. Si malgré tout aucune solution n’émerge alors que les différentes parties négocient en toute bonne fois, le vote majoritaire déterminera le résultat final.



EXTRAITS DE L’ANNEXE 3


COMMUNIQUÉ N°1
— DES NOUVELLES DU FRONT —

DÉCEMBRE 1992 – Wellington Webb, le MAIRE DE DENVER, était sur le point de payer ses œufs tranquillement sous le regard amusé d’un grand rédacteur du Journal de Wall Street, quand huit JUSTICIÈRES LESBIENNES se sont introduites dans la luxueuse SALLE À MANGER DU REGENCY HOTEL en scandant à gorge déployée « Nous sommes là. Nous sommes queer. Et nous n’irons pas skier ! » et « Boycottons le Colorado ! ». Le maire était venu à New York pour promouvoir le tourisme et l’investissement dans le Colorado – L’ÉTAT DE LA HAINE. Il était environ 9h du matin, le lundi 7 décembre – un jour que les puissantes convives du Regency n’oublieront pas – LE JOUR OÙ ELLES ONT APPRIS QU’ON NE PEUT PAS SE METTRE À L’ABRI DES JUSTICÈRES LESBIENNES.
Pendant que les agents de sécurité de l’hôtel caquaient frénétiquement comme des poulets décapités, les Justicières déterminées ont déambulé à travers la pièce durant trois triomphantes heures, agitant bruyamment leurs pancartes et distribuant des tracts à tout le monde, y compris au maire. Le matin suivant, cette événement faisait la une des journaux du Colorado. Le message : il y a un prix à payer, en dollars et en cents, quand un état prive ses citoyen-nes lesbiennes et gays d’une protection de leurs droits civiques, comme l’a fait le Colorado le 2 novembre en ajoutant le haineux Amendement 2 à sa constitution.
Après l’altercation au Regency, c’est tout de suite devenu plus difficile pour le maire de limiter les dégâts de sa visite à New York. Ce qui prouve une fois de plus qu’un petit groupe de JUSTICIÈRES courageuses peut semer un chaos politique considérable en quelques heures. NOUS L’AVONS HARCELÉ SANS INTERRUPTION le lundi 7 et le mardi 8 décembre, de ABC jusqu’au Time, du New York Times à Newsweek, du Plaza Hotel à l’Hotel de Ville. Pour couronner le tout, la nuit du lundi, environ 80 personnes ont manifesté bruyamment à nos côtés devant le centre de radiodiffusion de CBS pendant que le maire était à l’intérieur en train de donner un interview à la radio.
À la fin de son voyage, c’était un maire Webb plaintif qui racontait à la presse qu’il était venu à New York pour parler de tourisme et d’investissement et que la seule chose dont tout le monde avait voulu lui parlé était l’Amendement 2 et du mot d’ordre « Boycottons le Colorado ». Heureusement, en partie grâce à la pression exercée dans la rue par les Justicières Lesbiennes, sa visite pour courtiser les élites médiatiques, économiques et politiques de New York s’est retournée contre lui et s’est transformée en campagne de boycott, avec beaucoup de mauvaise presse ici et là-bas, et allant jusqu’à une déclaration du MAIRE DINKINS approuvant publiquement l’appel au boycott. Mission accomplie.
Durant les deux jours de cette action, nous nous sommes consciencieusement concentrées sur le mot d’ordre « Boycottons le Colorado », évitant toute attaque personnelle contre le maire Webb. Le maire, un homme Africain-Américain, s’était fortement opposé à l’Amendement 2 avant qu’il soit adopté : nous l’appelons « à continuer ouvertement son combat ».
C’EST DANS UNE TORNADE TUMULTUEUSE D’ACTIVITÉS QUE L’ANNÉE DES JUSTICIÈRES LESBIENNES SE TERMINE. Depuis la première fois où nous avons pris la rue en signe de vengeance, nous avons allumé la mèche de la vie politique new-yorkaise autour de trois questions vitales à la survie lesbienne : nous avons mené une campagne contre l’effacement des lesbiennes et des gays du programme scolaire multiculturel, une campagne pour le boycott du Colorado, et une campagne contre la violence que nous subissons, comme par exemple dans le cas des meurtres de Hattie Mae Cohens et de Brian Mock, une lesbienne Noire et un gay blanc handi, qui ont été brûlé-es vif-ves en Oregon le 26 septembre, alors que l’état se préparait à voter sur la Mesure 9, une mesure homophobe, qui a ensuite été rejetée de justesse. Ces trois problèmes se terraient dans une relative obscurité jusqu’à ce qu’ON ALLUME LA MÈCHE.
Depuis septembre, nous avons distribué des ballons violets sur lesquels était inscrit « Posez des questions sur la Vie des Lesbiennes » à des écolier-es du Queens, au son de la chanson « When the Dykes Come Marching in » jouée par la FANFARE DES JUSTICIÈRES. Et nous avons mis un beau désordre dans la shopping-mania du samedi quand nous avons pris la Cinquième Avenue avec des torches enflammées pour protester contre les meurtres qui ont eu lieu dans l’Oregon. Nous avons tenu pendant 5 jours, 24h/24, un campement dans West Village devant un autel dédié aux personnes assassinées dans l’Oregon et ailleurs, et nous avons organisé une prise de parole sur la violence à l’encontre des lesbiennes, à laquelle de nombreuses personnes sont venues assister. Nous avons manifesté deux fois devant le Conseil Scolaire, nous avons participé à des réunions de conseils d’école locaux, nous avons créé un groupe vidéo de Justicières, et nous avons organisé trois fêtes fabuleuses – la quatrième et la plus fabuleuse étant la soirée de Nouvel An que vous seriez vraiment bêtes de rater.
Alors n’est pas se vanter que de dire que NOUS SOMMES LÀ, BIEN OCCUPÉES, ET CHAUDES COMMES LA BRAISE. Et oui, Marie : NOUS AVONS BESOIN DE TOI. Nous avons besoin de toi si tu cherches la revanche. Si tu en as marre et que tu es fatiguée d’être invisible. Si tu refuses d’être bafouée et piétinée une fois encore. Si tu as soif de REPRÉSAILLES. Si tu es prête et impatiente à l’idée de prendre la rue !
NOUS AVONS BESOIN DE TOI. Quand tu sera prête, bien sûr. Et nous te proposons plusieurs options. Tu peux : A) VENIR À UNE RÉUNION DU MARDI (20h au Centre Gay et Lesbien, 208 W 13th St) ; B) APPELER LA HOTLINE DES JUSTICIÈRES (212-967-7711 x3204) et laisser un message pour recevoir des informations sur le prochain endroit où les Justicières mettront le désordre, ou simplement se montreront ; ou C) continue à venir à nos fêtes fabuleuses et exténuantes jusqu’à ce que tu sois prête pour l’option A ou B.
Ah, et si tu es très riche, ou juste un petit peu, il y a aussi une autre option, l’Option D : fais nous un chèque. On accepte aussi les espèces, les virements, les chèques vacances et les bijoux de familles, surtout s’ils sont gravés avec des noms comme « Xerox » ou « Sony ».
RÉFLÉCHIS-Y. Être gentille ne te mènera nulle part. Les filles sages et obéissantes finissent toujours couchées sous la table du maître, comme les chiens, à manger ses miettes. ES-TU NÉE POUR TE CACHER ET BOUILLONNER ? NON.
De toute façon, avec la droite religieuse là dehors qui nous cherche, il n’y a pas vraiment d’endroits où te cacher. Nous n’avons rien d’autre à perdre que nos frustrations. Sois turbulente ! SOIS INDISCIPLINÉE ! PRENDS TA REVANCHE ! REJOINS LES JUSTICIÈRES LESBIENNES ET REJOINS LA RÉBELLION. ON RECRUTE.

À un des ces jours.
Les Justicières Lesbiennes.


COMMUNIQUÉ N°2
— DES NOUVELLES DU FRONT —

FÉVRIER 1993 - L’année a commencé de manière fracassante avec la fête du Nouvel An des Justicières Lesbiennes. Pendant que les go-go girls laissaient derrière elles la vieille année en ondulant, des centaines de gouines palpitantes et sexy dansaient vers la nouvelle et ont permis de récolter 5000 dollars pour la vengeance de cette année.
L’argent récolté n’a pas disparu dans nos poches. La même semaine, les Justicières Lesbiennes étaient fièrement de sortie pour défendre le Programme Scolaire Arc-en-Ciel. Le 6 janvier, environ 50 Justicières ont bravé le froid pour enseigner l’ABC du respect aux membres de la Fédération Unie des Enseignant-es (FUE) qui se rassemblait à l’occasion de la réunion de ses délégué-es générales-aux. Arborant des pancartes avec des slogans basés sur les lettres de l’alphabet, les Justicières ont distribué des centaines de tracts à celles et ceux qui arrivaient à la réunion ou qui la quittaient, les exhortant à soutenir le programme arc-en-ciel, leurs collègues queers, et les enfants queers. Cette action a permis de mettre la pression sur la FUE, et plus particulièrement sur sa présidente Sandra Feldman qui fait traîner la mise en place du Programme, en rappelant que nous sommes nombreuses-eux à soutenir le Programme Arc-en-Ciel, du CP à la Terminale.
Dans un monde homophobe, le travail d’une Justicière Lesbienne n’est jamais terminé, et c’est ainsi que seulement 3 semaines plus tard, ces gouines éclatantes en remettaient une couche. Cette fois-ci, notre but était la destruction de Soi. Ces grands garçons de Self Magazine [Self = Soi en français, ndlt] pensaient évidemment que personne ne regardait quand ils ont décidé de partir en vacances de neige faire du ski à Aspen, dans le Colorado, tout en ayant pleine connaissance du fait qu’en novembre cet État a fait passer le haineux Amendement 2, qui prive les citoyen-nes queers d’une protection de leurs droits civiques. Mais, prouvant encore une fois le vieil adage selon lequel nous sommes partout, les Justicières Lesbiennes étaient là pour leur monter que l’intolérance et la haine ne sont pas bonnes pour les affaires. À 11h30 du matin, une douzaine de Justicières Lesbiennes ont pris d’assaut les bureaux chics de Conde Nast sur Madison Avenue pour protester contre le séjour proposé dans l’État de la Haine. En scandant les slogans « Boycottons le Colorado » et « Nous somme là, nous sommes queers, et nous n’irons pas skier » et en arborant des tracts explicatifs sur l’Amendement 2, les Justicières ont semé la peur et l’effroi dans le cœur des passant-es en laissant courir le bruit que Self faisait de la manutention d’armes à feu. Pendant que les agents de sécurité en costumes gris montaient discrètement la garde et que la rédactrice Alexandra Penney se retranchait dans son bureau, les Justicières tenaient bon. Quand Penney a filé vers sa limousine peu de temps après, elle a du passer à travers une ligne de Justicières qui tenaient le piquet sur le trottoir dehors. Le voyage a été annulé le jour suivant.
Des salles de réunion aux salles d’audience, les Justicières Lesbiennes sont toujours sur leurs gardes. Lors de l’annonce du verdict reconnaissant Freddy Garcia coupable d’être un casseur de gouine, le/la Juge Madden s’est lancé-e dans un discours inspiré sur l’héroïsme de la victime uniquement dans le but de laisser repartir Garcia avec rien de plus qu’une tape sur les doigts. C’est alors que des Justicières enragées ont explosé dans la salle d’audience. Garcia a été condamné à 200 heures de travaux d’intérêt général à effectuer dans le bureau de Marjorie Hill, la déléguée du Maire en lien avec la communauté lesbienne et gay, soi-disant sur sa recommandation à elle. Les Justicières Lesbiennes se sont rendues au bureau de Hill pour lui demander des explications. Hill a nié avoir fait cette recommandation et était d’accord sur le fait de ne pas laisser Garcia, ni d’autres casseurs de gouine/pédé reconnus coupables, travailler dans son bureau.
Toutes les actions des Justicières ne finissent pas forcément dans ta face. Certaines arrivent aussi directement dans ton pif. Le 12 février, les gens qui se sont entassés à l’heure du midi dans l’ascenseur pestilentiel du Bar Building n’ont pas eu à attendre longtemps pour savoir d’où venait la puanteur. Quand les portes de l’ascenseur se sont refermées, elles firent apparaître des autocollants géants sur lesquels on pouvait lire que « l’Homophobie Pue », spéciale dédicace des Justicières à Jack Hale, l’avocat de l’Archidiocèse. Des attentats à la bombe puante ont aussi eu lieu au Centre de Recrutement de l’Armée de la 42ème Rue et à la Cathédrale St. Patrick. Il s’agissait là des premières vagues de la guérilla de la St Valentin menée par les Justicières Lesbiennes en février. La veille de la St Valentin, les Justicières ont organisé un skate-in à la patinoire du Centre Commercial Rockefeller ; des gouines patinaient bras dessus bras dessous face à la foule ébahie du samedi après-midi. Cette nuit-là, les Justicières ont bravé le froid pour chanter une sérénade à Mary Cummins, l’ennemie fanatique du Programme Scolaire Arc-en-Ciel, devant sa maison dans le Queens. Et le jour même de la St Valentin, 250 gouines se sont rassemblées pour assister à l’inauguration d’une statue de Alice B. Toklas à Bryant Park, là où elle a été réunie à son amante Gertrude Stein. S’en suivirent des lectures par d’éminentes autrices lesbiennes, suivies de grandes et joyeuses valses lesbiennes dans la neige scintillante. Cette action, qui a attiré la foule et l’attention des médias, a clôturé le parcours éprouvant, efficace et payant que les Justicières Lesbiennes ont mené durant les six premières semaines de l’année. Et maintenant nous avons quatre nouveaux groupes locaux de lesbiennes qui font Justice – à Atlanta, Durham, Austin et Tucson.
À maintes reprises, les Justicières Lesbiennes ont prouvé qu’en faisant des actions politiques pertinentes, on pouvait aussi passer des moments agréables. Et maintenant, tu dois te demander : « Comment puis-je faire partie de ce groupe de gouines fabuleuses, super classes, rayonnantes, féroces et explosives ? ». Un peu d’argent c’est toujours bon à prendre, alors viens à notre soirée dansante qui met l’eau à la bouche et qui aura lieu le 20 mars (samedi 20 mars, 21h, 119 Avenue D, 2ème étage). LAISSE NOUS TE METTRE SUR LA VOIE DE LA REVANCHE.
NOUS AVONS BESOIN DE TOI. Si tu en as marre d’être ignorée, de te battre pour les droits de tout le monde sauf les tiens, alors viens et rejoins les Justicières. Il y a plein de choses que tu peux faire. Viens assister à une réunion du mardi (20h au Centre Gay et Lesbien, 208 W 13ème rue). APPELLE LA HOTLINE DES JUSTICIÈRES LESBIENNES AU 212-967-7711 x3204 et laisse un message en demandant des infos sur la prochaine cible des Justicières. Encore mieux, rejoins nous pour coordonner la première action nationale sponsorisée par les Justicières Lesbiennes qui aura lieu lors du week-end de la Marche sur Washington, DC (le 24 avril). Puis rejoins-nous pour la marche elle-même, où nous serons là au grand jour, pleines de force et PLEINES DE PUISSANCE. Et si tu veux être à la mode, les T-Shirts des Justicières Lesbiennes sont seulement à 10 dollars. (Notre vidéo est juste à 13.95 dollars.)
EXPRIME TA COLÈRE ! PRENDS TA REVANCHE ! REJOINS LES JUSTICIÈRES LESBIENNES ET REJOINS LA REBELLION. ON RECRUTE.


COMMUNIQUÉ N°3
— DES NOUVELLES DU FRONT —

MAI 1993 – Presque un an depuis notre explosion collective dans le monde de l’action directe et les Justicières Lesbiennes mettent toujours un désordre de tous les diables, allument toujours des mèches et brisent toujours des cœurs. Notre fête de soutien du 20 mars a fait battre nos tendres cœurs de gouines. Une fois de plus, des centaines de fêtardes lesbiennes ont vibré à la vue et au son de la fièvre dansante des go-go girls, permettant de récolter des centaines de dollars pour nos exploits de Washington, DC. Alors que de nouveaux groupes locaux des Justicières naissent dans tout le pays, les plus récents se trouvant à Minneapolis, Boston et Houston, les gouines de New York continuent à taper sur les lesbophobes pour que vous en ayez pour votre argent.
Le jour de la St Patrick, de nombreuses Justicières, trempées mais déterminées, ont rejoint l’Organisation Lesbienne et Gay Irlandaise pour protester contre leur exclusion de la parade, que le Maire Dinkins semble avoir institué comme une politique de la ville en ordonnant deux (donnez-moi en 2 !) injonctions contre l’OLGI. Alors que les Justicières étaient menottées et entassées dans les paniers à salade, des personnes nous soutenant répliquaient avec des chansonnettes irlandaises entraînantes. Et quand nous sommes arrivées en prison, le son de « As Irish Dykes are Smiling » résonnait encore dans nos oreilles.
Mais les arrestations ne freinent pas les Justicières. Nous avons redoublé de vigilance lors des réunions lesbophobes des conseils scolaires et avons pris la défense des gamin-es queers et des mères lesbiennes. Nous avons zappé un forum des écoles publiques de New York et avons montré aux éducateur-ices sectaires les vraies raisons de la colère des Justicières. Ensemble, avec d’autres militant-es queers courageux-ses, nous avons envahi les locaux du Parti Conservateur de Brooklyn pour montrer notre indignation face à la récompense que ce parti a attribué à Mary Cummins, grande incitatrice à la haine et opposante notoire aux programmes scolaires multiculturels. Des écoles aux prisons, les Justicières se battent en tous lieux pour les gouines. Après avoir assisté au tracé de l’autoroute de la peine de mort pour Aileen Wuornos, la « tueuse en série lesbienne », un groupe de Justicières a contacté Wuornos pour lui apporter son soutien par rapport à son affaire. Les Justicières ont reçu une réponse de Wuornos, qui est actuellement dans le couloir de la mort en Floride, et sont en train en travailler à rendre publique son affaire et à dénoncer l’homophobie et la misogynie du système judiciaire de Floride.
Notre heure de gloire est venue lors de notre week-end d’actions à Washington, D.C., du 23 au 26 avril. Lors de notre premier jour à D.C., les Justicières ont rejoint la division lesbienne de ACT-UP NY devant le bâtiment des Services de Santé pour demander que soient faites des recherches sur les lesbiennes vivant avec le SIDA. Pendant que 350 gouines bruyantes et agacées se rassemblaient à l’extérieur et que des lesbiennes vivant avec le SIDA prenaient la parole pour parler de leurs vies, 19 femmes d’ACT-UP et des Justicières, dont 16 étaient des lesbiennes vivant avec le VIH, rencontraient Donna Shalala, la responsable des Services de Santé. Shalala a été si impressionnée par ces femmes solides et convaincantes qu’elle a reporté d’une heure et demi la réunion prévue 5 minutes plus tard, écoutant les lesbiennes présentes parler de recherche, de traitement, de logement et d’homophobie.
« Mais, attendez ! », dites-vous. Est-ce que ces impérieuses Justicières Lesbiennes ne se sont pas amusées un peu ? Si vous avez participé à notre Dyke March de D.C. le 24 avril, vous connaissez la réponse. En collaboration avec des gouines de tout le pays, les Justicières Lesbiennes ont organisé la plus grande marche lesbienne de l’histoire. Nous avions distribué 8 000 flyers avant la marche, mais même en sachant ça nous avons été submergées par l’affluence. Presque 20 000 gouines rayonnantes, féroces et explosives ont pris le contrôle de D.C. ce samedi soir, dans un cortège s’étalant de Dupont Circle à la Maison Blanche. Pendant qu’une foule de lesbiennes remplissait les rues, des Justicières incandescentes ont dévoré du feu devant la Maison Blanche, ont pris la parole sur l’Ellipse et, le temps d’une nuit, ont transformé la capitale du pays en une galaxie lesbienne scintillante. Nous avons distribué des centaines d’exemplaires de notre « Dyke Manifesto » –une brochure incendiaire appelant les lesbiennes à se réveiller et à agir. Le jour de la Marche sur Washington, les Justicière Lesbiennes s’étaient vêtues pour l’occasion de capes de super-gouines et de t-shirts aux couleurs des Justicières. Des gouines sont venues de pleins d’endroits, du Montana au Maine, nous rejoignant pour semer la révolte et poursuivre le recrutement. Et aucun voyage à D.C. digne de ce nom ne peut se faire sans une petite invasion des lieux de pouvoir. Le lendemain, 7 ou 8 Justicières se font introduites dans la Chambre des Représentants et sont montées à la tribune. Elle ont lâché des bombes puantes et ont collé sur les murs des autocollants «  l’Homophobie Pue », pendant que 2 cars entiers de Justicières, de membres d’ACT-UP et de diverses autres militantes étaient arrêtées par la police à l’extérieur, alors qu’elles manifestaient pour exiger une égalité d’accès aux soins médicaux. Mais à chaque percée en avant, on risque un retour de manivelle. Rentrées à New York, nous avons appris que Dee DeBerry, une gouine visible vivant avec le VIH qui avait été menacée de voir sa caravane incendiée si elle se rendait à Washington, était rentrée chez elle à Tampa, en Floride, et y avait effectivement retrouvé son foyer détruit. Son courage nous a inspiré, et une fois de plus nous avons soif de vengeance, pour elle et pour toutes les gouines. Les Justicières se préparent à descendre sur Tampa pour soutenir Dee et toutes les lesbiennes qui vivent avec la menace de la violence. Le dimanche 13 juin, nous allumerons des bougies pour une veillée qui aura lieu à l’endroit où Dee vivait, et le lundi 14 juin, nous organiserons une action au centre-ville de Tampa pour faire savoir aux homophobes que nous ne laisserons pas leurs actions passer inaperçues. Les Justicières Lesbiennes poursuivront leurs efforts sans relâche jusqu’à ce que toutes les gouines aient été vengées.
Et nous ne nous arrêterons pas avant d’avoir montré au monde que « les Lesbiennes ont Soif de Pouvoir ! ». Nous démarrons le week-end de la Lesbian & Gay Pride par une marche célébrant le désir lesbien. Rejoins-nous le 26 juin pour pratiquer l’art de la séduction massive en léchant, tortillant, caressant, gémissant et embrassant tout au long du chemin qui mène de Bryant Park à Broadway, où nous rejoindrons la Marche des Fiertés au niveau de Union Square.
La nouvelle se répand. De Newsweek au New York Magazine, de Deneuve Magazine à Mademoiselle, de Radical Chick à CNN, le pays se réveille afin d’être prêt pour l’heure des Justicières. La vengeance a bon goût, tout comme les impétueuses militantes lesbiennes. Si tu en as marre de l’invisibilité et de la lesbophobie, rejoins-nous ! Viens à une de nos réunions du mardi, à 20h au Centre Gay et Lesbien, 208 W. 13ème Rue). APPELLE LA HOTLINE DES JUSTICIÈRES LESBIENNES AU 212-967-7711 x3204 et laisse un message en demandant des infos sur la prochaine cible des Justicières, ou sur les groupes locaux de Justicières qui pourraient exister près de chez toi. Enfile un t-shirt des Justicières Lesbiennes (toujours seulement à 10 dollars) avec fierté et colère.
Les Justicières Lesbiennes sont un groupe d’action directe centré sur les questions vitales pour la survie et la visibilité lesbiennes.
EXPRIME TA COLÈRE ! PRENDS TA REVANCHE ! REJOINS LES JUSTICIÈRES LESBIENNES ET REJOINS LA REBELLION. ON RECRUTE.

[1NDLT : À New York, l’espagnol est la 2ème langue. En France, on peut traduire en diverses langues méditerranéennes et européennes. De plus, la présence à différents endroits de communautés partageant une ou plusieurs langue(s) précise(s) est aussi à prendre en compte dans les traductions proposées.

[2NDLT : On peut aussi prévoir une équipe médicale composée de Justicières et de sympathisantes au sein de la manifestation, pour gérer ces situations et assister/évacuer les personnes blessées/malades sans faire appel à la police.

[3NDLT : Pour éviter toute collecte d’infos intempestive de la part de la police, la coordinatrice de l’assistance juridique peut aussi simplement être en contact avec une autre personne restée sur le lieu où sont stockés en sûreté tous les exemplaires des fiches d’infos légales. Cette personne transmet les informations en temps réel à la coordinatrice, évitant ainsi que la police ait directement accès aux données personnelles de toutes les participantes en cas d’arrestation de la coordinatrice.


CRÉDITS (version originale)

Texte du manuel par
Sarah Schulman

Texte additionnel par
Kelly Cogswell
Marlene Colburn
Ron Goldberg, Amy Bauer, Andrew Miller et Alan Klein
ZAP / Action Teach-In Outline
Ellen Levy
Phyllis Lutsky
Carrie Moyer
Sue Shaffner
Gene Sharp
The Politics of Non Violent Action
Maxine Wolfe
Checklist and outline for Actions

Édité par
Kelly Cogswell
Amy Parker
Ana Simo

Photographie de couverture par
Carolina Kroon

Graphisme des documents des New York Avengers par
Carrie Moyer

Conception du manuel / Caractères par
Amy Parker

© 1993, 2011 Lesbian Avenger Productions

The Lesbian Avenger Documentary Project
www.lesbianavengers.com

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CRÉDITS (version française)

Première édition française par
La Grimoire (publiée dans les années 90)

Traduite par
Danièle Avril
Elisabeth Knebelmann
Josiane Alatinte
Nadine Laroche
(le texte de cette édition est en bonne partie basé sur leur traduction)

Deuxième édition française par
Badasses Press (2015)

Mises à jour / Retouches / Traductions additionnelles par
Noomi B. Grüsig

*** Cette deuxième édition française est publiée avec l’aimable autorisation du Lesbian Avenger Documentary Project ***



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