ailleurs


Marseille : foire du livre anarchiste les 21-22 septembre 2019

mis en ligne le 11 juillet 2019 -

Toujours là

Toujours là. À se lancer dans l’aventure sans brides de la pratique anarchiste, dans ce cyclone d’idées libres qui tend vers la tempête de l’action déréglée, du jeu sans prix à gagner, de la vie sans médiations. Toujours là. À l’écart et contre les idéologies promouvant des sujets politiques, contre les lunettes embuées du citoyennisme, contre l’imposition de la vie sécuritaire transformée en habitude et obéissance. Toujours là. Malgré les tentatives de récupération et d’anéantissement de l’idée de liberté. Malgré les réalismes, les moralismes et l’intégration de la logique du pouvoir par ses faux critiques, qui visent la réforme de la domination plutôt que sa destruction. Toujours là. À persister dans la recherche de sentiers pour tisser des complicités pour combattre l’offensive technologique en train de renouveler et d’approfondir la domination, pour s’atteler passionnément à la destruction de l’oppression et de l’exploitation, pour regarder au-delà des horizons de ce présent insipide. Toujours là. Même si les dépendances des prothèses technologiques cherchent à nous détourner de l’annihilation en cours de notre sensibilité et de notre imagination. Même si les rapports virtuels cherchent à nous dépouiller de la complicité et de l’humanité. Toujours là. À revendiquer avec amour et fierté les idées anarchistes, dans une époque où intégration et répression vont main dans la main, obscurcissant toujours plus les horizons de révolte. Deux jours pour se retrouver autour de l’anarchisme et de ses propositions, pour les discuter et les approfondir ; autour des livres et de notre presse, témoins de notre patrimoine révolutionnaire, et autour des nouvelles étincelles de papier, prêtes à incendier ce présent tiraillé entre la résignation profonde et la rage occasionnelle. Deux jours et une foire du livre anarchiste, libre de compromis commerciaux et institutionnels. Deux jours trempés d’idées en liberté, loin des anciens et des nouveaux bergers des masses, loin des anciens et des nouveaux suiveurs de troupeaux. Car tout est toujours possible pour celui qui, entre la tension individuelle et la transformation sociale, se sent un individu en lutte réussissant à fusionner les idées et la pratique.

PROGRAMME :

- Samedi 21 septembre

10h / Ouverture de la Foire du livre anarchiste à Marseille avec en permanence distros, tables de presse, stands d’éditeurs anarchistes et exposition autour de la presse anarchiste à Marseille fin du 19e siècle.

11h / Bienvenue : nous saisissons l’occasion de l’ouverture de cet événement pour présenter certains projets anarchistes de Marseille comme le CIRA, Centre International des Recherches sur l’Anarchisme fondé en 1965 et l’imprimerie anarchiste L’Impatience active depuis 2018.

14h / Débat : Restructuration du pouvoir et perspectives anarchistes, intervention de Alfredo M. Bonanno
À la fin des années 1970, en pleine période de fermentation révolutionnaire, la domination entamait une vaste restructuration. Les grands bagnes industriels fermaient leurs portes, la production devenait toujours plus automatisée, les discours d’État étaient saupoudrés de participation citoyenne et d’intégration, les marchés se diversifiaient. Plutôt que de subir ce processus, des anarchistes proposaient alors d’aller du centre à la périphérie. Petits groupes affinitaires, auto-organisation des luttes, organisation informelle, luttes spécifiques et attaques diffuses étaient les éléments de base pour élaborer des projectualités insurrectionnelles contre la restructuration en cours. Nous nous trouvons aujourd’hui face à une nouvelle restructuration, ou plutôt, face à un nouveau processus transformant profondément l’ensemble des rapports sociaux. Si l’axe central de ce processus est constitué par la technologie dans le sens le plus ample du terme, il semble être en train de recouvrir la réalité même d’un fin brouillard, où les capacités caractéristiques de l’être humain (comme la sensibilité et la compréhension de la réalité qui l’entoure) tendent à s’effacer en faveur d’un nouveau paradigme. Dans un monde en proie à des guerres sanguinaires, subissant une dévastation environnementale irréversible et une annihilation profonde des capacités de compréhension de la réalité, qu’en est-il d’une proposition anarchiste d’aujourd’hui ? Réfléchir sur les transformations en cours amène l’anarchiste, cet amant de la liberté, à poser la question de la destruction. Et si la destruction révolutionnaire n’est pas un slogan, si ce n’est pas un simple artifice rhétorique, il faut affronter les problèmes qui font le pont entre l’idée et l’agir : comment se battre, par quels moyens, avec quelles formes organisationnelles et quelles projectualités.

17h30 / Présentation du livre Incognito, Expériences qui défient l’identification, Mutineseditions
Ce livre qui parle de clandestinité projette un rayon de lumière dans l’obscurité. Il propose un saut dans le versant inconnu du secret, dans cette dimension parallèle où, souvent, même ce qui peut être dit ne l’est pas. Par excès de précaution, par peur, ou parce qu’on considère la clandestinité comme une question qui ne nous concerne pas. Ou encore, dans certains milieux, et dans le pire des cas, par pur calcul politique. Et pourtant, même si on observe ce monde superficiellement, il ne se présente pas comme une lande désolée, mais plutôt comme un monde peuplé d’êtres vivants, d’expériences et d’idées qui naviguent à nos côtés, dans les aspects les plus misérables et les plus fascinants de notre quotidien, à côté de nos désirs les plus ardents et de nos rêves éveillés les plus passionnés. Les textes rassemblés ici parlent de ce monde, nous en rapportant quelques voix parmi tant d’autres, des voix dont le ton, les émotions et les messages sont certes variés, mais qui vivent ou ont vécu dans la dimension de la clandestinité. Des expériences qui ont été endurées par choix ou bien pour des raisons extérieures à sa propre volonté, suite à un parcours de lutte révolutionnaire pour les uns ou bien d’une condition sociale pour tant d’autres, par tous ceux qui n’ont plus rien à perdre sur les chemins de l’exploitation et de l’atrocité des frontières, pas même une pièce d’identité.

20h30 / Repas et soirée musicale

- Dimanche 22 septembre

12h / Projection du documentaire “Anarchistes en Russie, Ukraine et Biélorussie”
Le film revient sur les dix dernières années d’action anarchiste dans ces contrées. La projection sera suivie de la lecture d’une contribution écrite par des compagnons russes pour l’occasion, contribution qui propose de revenir sur les tensions sociales, la répression et la conflictualité anarchiste en Russie, ce qui ne manquera pas de soulever une discussion sur la solidarité internationale et révolutionnaire.

14h / Débat : Autour de la révolution syrienne et l’intervention anarchiste
L’État syrien mène une politique d’extermination massive. En répondant à un mouvement populaire de libération, il n’arrête pas de trouver des moyens plus effectifs pour détruire la révolte. Dans le but de parvenir à une nouvelle situation gouvernable sur son territoire, il a massivement déplacé et aliéné ceux qui ne pouvaient pas être mis au pas. La guerre contre-insurrectionnelle a été utilisée comme exemple pour freiner les soulèvements et les révoltes, notamment en Égypte, en Iran et en Jordanie. En plus, cela a créé une situation dans laquelle des États étrangers se disputent davantage du pouvoir politique et où des corporations font leur business au détriment d’une lutte libératrice. Bien que cela semble être un espace attrayant pour la réflexion, la critique et la solidarité anarchistes, cela ne semble pas se matérialiser dans la pensée de ce dernier ni sur le terrain. La question demeure : avec les conséquences massives de la situation en Syrie, pourquoi n’y a-t-il pas eu un engagement égal avec elle d’un point de vue anarchiste ? Outre le soutien matériel envers les réfugiés, pourquoi les aspects, les aspirations et les combats du mouvement populaire syrien ont-ils été ignorés ? Cette discussion s’agit d’une critique des échecs passés et récents à s’adresser à la situation en Syrie d’une perspective anarchiste. C’est aussi une invitation à réfléchir ensemble à l’intervention anarchiste dans des mouvements populaires qui ne revendiquent pas clairement des propositions anarchistes.

17h30 / Présentation du livre Face à face avec l’ennemi, Severino Di Giovanni et les anarchistes intransigeants dans les annees 1920 et 1930 en Amerique du Sud, éditions Tumult et L’Assoiffé
“De sa jeunesse on ne sait que peu de choses, enfant intelligent, vif, intolérant envers l’autorité familiale…”. Severino di Giovanni naît à Chieti en 1901, dès le plus jeune âge il plonge dans les lectures qui ont nourri et enflammé ses tensions anarchistes. En 1922, il émigre à Buenos Aires avec sa famille, emmenant avec lui le lourd bagage de la misère et de la rancœur dues aux persécutions que les fascistes lui avaient réservé. À vingt-trois ans il incite, dans les colonnes d’un journal anarchiste de Buenos Aires, à “détruire les casernes, les tribunaux, les églises et toute idole en papier mâché”. Aussitôt classé par la police en tant que “redoutable agitateur anarchiste”, il se dédie sans trêve à l’anarchisme le plus intransigeant, l’attente étant la chose la plus éloignée de lui : des journaux, des livres et une bibliothèque, pour faire une brèche dans la marée de crève-la-faim italiens qui avaient émigré là-bas. Mais l’agitation de celui qui vit avec la hâte de brûler dans le feu de la révolte absolue, n’est pas seulement faite de discussions et d’encre. Si d’un côté les théories sont un enrichissement utile, les actions dynamitardes et les expropriations à main armée menées avec ses compagnons ont montré qu’attaquer “l’ennemi face à face” n’est pas seulement possible, mais aussi indispensable pour accélérer le processus révolutionnaire au bénéfice de tout le monde. Arrêté alors qu’il sortait d’une imprimerie en plein cœur de Buenos Aires, Di Giovanni répondit à ceux qui voulaient mettre un terme à sa vie en ouvrant le feu avec son Colt 45. Accablé et finalement capturé, il sera fusillé deux jours après son arrestation, à cinq heures dix du matin. C’était le 1er février 1931. Il est mort comme il a vécu, en criant “Vive l’anarchie” devant le peloton d’exécution qui l’a criblé de balles.

La foire se tiendra au 8, rue Venture, 13001 Marseille
foireanarchistemarseille.noblogs.org
foireanarchiste2019@@@riseup.net

Le programme en PDF.