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Carnaval, la fête qui retourne tout Le Carnaval dans l’histoire et à Montpellier

mis en ligne le 8 février 2010 - Nadarlana


1e partie : Histoire du Carnaval

Aussi loin que l’on se projette, il semble que les hommes aient eu besoin de se défouler, de briser l’ordre quotidien régulièrement. Le Carnaval n’est qu’une expression récente, liée au christianisme, de pratiques beaucoup plus anciennes. Les archéologues ont ainsi retrouvé des masques datant du paléolithique (- 15 000 / - 10 000 av. J.C.). Si on ne sait pas avec certitude quels usages les hommes en avaient à cette époque-là, on sait par contre que toutes les civilisations antiques avaient des fêtes orgiaques ritualisant le rythme des saisons et renversant les hiérarchies sociales. Les masques y étaient présents, représentant des esprits païens que l’Église combattra avant de les convertir en saints ou en anges. Ainsi, l’Église a détourné les anciennes fêtes rituelles pour leur donner des significations chrétiennes. Elle n’a par contre jamais réussi, malgré plusieurs tentatives, à empêcher les débordements blasphématoires du Carnaval. La Renaissance, l’avènement du capitalisme et de la société moderne liée à la civilisation des mœurs tentera elle aussi d’interdire et d’encadrer des pratiques carnavalesques où les personnes masquées, en plus de blasphémer, font fi de la sacro-sainte propriété privée. Mais derrière les grandes parades publicitaires subventionnées, il reste partout dans le monde une réalité sociale et populaire d’un Carnaval contestataire toujours combattu et toujours renaissant.

I - Les origines païennes des fêtes chrétiennes

Les êtres humains ont depuis toujours ritualisé les changements de saison. Les solstices d’été (21 juin) et d’hiver (21 décembre) marquent l’inversion du raccourcissement et de l’augmentation des jours. Les passages de l’été à l’hiver et inversement sont également prétextes à grandes fêtes rituelles. La dichotomie hiver/été est sublimée par celle entre la mort et la vie. De la thématique du passage de l’un à l’autre on tire celle du renversement de toute chose. Ainsi, l’ordre quotidien est suspendu, tout ce qui n’est pas permis le reste du temps le devient.

Avant le Carnaval tel qu’on le connaît, il y avait donc des fêtes du même type un peu partout. Les Sacées à Babylone et les Saturnales à Rome inversaient les rôles entre les esclaves et leurs maîtres et un condamné à mort devenait quelques jour roi (avec tous les avantages liés à cette position), avant d’être exécuté le dernier soir. A Rome, le culte de Janus avait fait du jour de l’an (qui se situait en mars) un jour de travestissement. Puis lors de la première pleine lune du printemps on vidait des coupes en proportion des années que l’on souhaitait encore vivre... La fête juive de Pourrim est célébrée pendant le mois d’Adar (qui tombe, selon la lune, en février ou mars) permet elle aussi le déguisement, l’inversion des rôles et la transgression des règles. N’oublions pas le culte d’Isis en Égypte, celui de Bacchus chez les Grecs, celui d’Odin en Scandinavie ou la tradition celte de la Samain, le 1er novembre, qui est à l’origine de la Toussaint et d’Halloween.

Le calendrier chrétien va s’inspirer de toutes ces fêtes. La « feste Toz Sainz », la fête de tous les Saints en ancien français, correspond d’une part aux cérémonies romaines instaurées par l’empereur Auguste en l’honneur de tous les dieux. D’autre part, le choix de la date vient donc de la Samain, fête celtique du nouvel an. Les coutumes païennes n’étant pas éradiquées, on institua au XIe siècle la fête des morts le 2 novembre. Le tout finit par fusionner dans la Toussaint qu’on connaît.
Fêter les morts permettait d’entrer en contact avec eux. Ainsi, dans certaines régions, on ouvrait le lit des défunts pour qu’ils s’y reposent quelques instants ou on leur préparait un repas. La Samain (Samhuin) marquait le 1er jour de l’année celtique qui était divisée en 2 cycles de 6 mois. La Samain se célébrait le 1er novembre mais les Celtes comptaient en nuits et non en jours, de sorte que la célébration devait commencer le 31 octobre au soir. Elle marquait le début du cycle hivernal, celui de la lutte entre les ténèbres et la lumière. En effet, l’hiver avait pour les sociétés paysannes traditionnelles un caractère ambigu et inquiétant (si le soleil ne revient pas), et était une période d’inactivité. Bien sûr des célébrations assez similaires existaient en Égypte et au Mexique, au cours desquelles on célébrait la mort du soleil.

Au cours de la nuit de la Samain, les Celtes suivaient un cérémonial rigoureux afin de s’assurer de la bonne année à venir. Les druides allumaient un feu sacré sur l’autel afin d’honorer Been, le dieu du soleil, pour l’inciter à revenir. Ce feu servait aussi à chasser les mauvais esprits. Ensuite, chaque famille recevait une braise de ce feu avec laquelle elle allumait un nouveau feu protecteur dans son âtre, qui devrait brûler jusqu’à l’automne suivant. La fête s’étendait sur plusieurs jours et des festins étaient préparés.

Cette fête a une fonction d’intermédiaire entre les mondes humains et divins, ainsi que entre les vivants et les morts. Pendant cette nuit, les esprits des trépassés pouvaient revenir dans leur demeure terrestre et les vivants essayaient de les accueillir au mieux. Par exemple, on leur laissait une place autour de la table ou près du feu… Les masques et les déguisements avaient pour fonction de faire peur aux esprits ou de les apaiser en leur ressemblant, voire de s’identifier à eux afin de s’en protéger. On voit donc bien d’où vient Halloween. De même, la coutume des navets, raves ou citrouilles évidées avait pour but d’effrayer les esprits. Mais elle est aussi liée à la légende de Jack O’Lantern, un ivrogne et joueur de cartes qui aurait berné le diable, mais comme le Paradis ne voulu pas de lui, il fut condamné à errer sur terre après sa mort. Jack obtint cependant une braise du diable, qu’il introduisit dans une citrouille évidée, afin de guider sa marche dans les ténèbres.

Noël est une autre entreprise de récupération. Fêtée le 6 janvier, le 25 mars, le 10 avril ou le 29 mai, la naissance du Christ a été variable avant que ne s’impose le 25 décembre. Cette date correspond à peu de choses près au solstice d’hiver qui était déjà fêté par des réjouissances accompagnées de sacrifices, au pied d’arbres consacrés.

La date de l’épiphanie, le 6 janvier, fut pour sa part choisie car on fêtait à cette date l’apparition de Dionysos, dieu des esclaves, des pauvres et des riches (il s’intéresse à la destinée de chacun). Lui aussi lié aux saisons, il meurt avec le déclin de la végétation, pour ressusciter avec la lumière croissante. Dieu de la végétation il est par extension dieu du vin et de la fécondité. La tradition de la galette des rois n’est pas, à l’origine, liée aux fameux rois mages. Il y avait déjà cette coutume à Rome : le prisonnier roi quelques jours avant d’être exécuté était sélectionnée par les gardes à l’aide d’une fève cachée à l’intérieur.

La Saint-Valentin quant à elle est une reprise des rituels liés à la fécondité avant le printemps, saison des amours. Les Romains célébraient Lupercus (nom romain du dieu Pan), le dieu des troupeaux et des bergers, destructeur des loups, présidant aux bois et aux pâturages. Les jeunes filles écrivaient alors des mots doux qu’elles déposaient dans une grande urne. Chaque jeune homme prenait au hasard une de ces déclarations et courtisait celle qui en était l’auteur. Les Luperques, vêtus seulement des peaux des boucs sacrifiés, couraient à travers la ville en frappant avec des lanières de peaux de boucs tous ceux qu’ils rencontraient notamment les femmes. Celles-ci ne cherchaient pas à se soustraire aux coups, parce qu’elles croyaient que cela favorisait la grossesse. Ces Lupercales, assurant le départ d’une nouvelle année, symbolisaient l’intrusion du monde sauvage dans le monde civilisé, celle du désordre dans la vie réglée, celle du monde des morts dans celui des vivants, thématique qu’on retrouve dans le Carnaval.

Une autre pratique païenne liée à la fertilité, reprise par les chrétiens, est celle de la décoration des œufs. Des œufs décorés datant de la préhistoire ont été retrouvé en Ukraine et cela se faisait en Égypte. Pâques, symbole de la résurrection du Christ, est donc dans la continuité du symbole de (re)naissance. De plus, pendant le Carême, l’Église interdit, entre autres, la consommation des œufs. Dès lors, on conservait les œufs jusqu’à Pâques, où on les offrait aux enfants.

Si Pâques est la fin du Carême, Mardi-gras en est le début, 40 jours avant. « Carne Levare », Carnaval, et son apothéose le Mardi Gras, étaient, en février, la période où l’on mangeait pour la dernière fois de la cuisine grasse, avant d’entrer en quarantaine, la « quadragesima », mot qui a donné « quaresimo » puis « carême ».

Le Carnaval ne se limite pas, au départ, à Mardi-gras. Il commence avec l’épiphanie, dès le 6 janvier. Toutes les traditions païennes s’y retrouvent, liées au renouveau printanier. Carnaval représente le chaos primordial avant toute nouvelle création. Le prisonnier, « roi » pendant quelques jours avant d’être exécuté (dans les Sacées et Saturnales), est devenu un « Caramentrant » de paille et de bois, responsable de tous les maux, qui finit brûlé. Parfois c’était un âne et pour ridiculiser l’Église on le revêtait des vêtements épiscopaux et on le faisait officier à l’autel. Or, l’âne symbolise notamment « satan », c’est-à-dire l’inverse de l’ordre assuré par l’Église.

Carnaval a une filiation directe avec les saturnales romaines où les travaux cessaient, les tribunaux et les écoles se fermaient, où il n’était permis d’entreprendre aucune guerre, d’exécuter aucun criminel, ni d’exercer d’autre art que celui de la cuisine. Chacun s’envoyait des présents et s’invitait mutuellement à de somptueux repas. On donnait des spectacles, des combats de gladiateurs et on accordait la liberté à quelques prisonniers. Les esclaves revêtus de toges blanches ornées de pourpre prenaient la place de leurs maîtres ; ils pouvaient les plaisanter, leur dire tout ce qu’ils voulaient et même se faire servir à table par eux.

En tant que négation du quotidien Carnaval permet d’outrepasser les règles morales et sociales. Grâce aux déguisements, aux masques, chacun peut oublier pour un temps la misère, la maladie, la souffrance. Chacun peut changer de condition : les hommes se déguisent en femmes, les enfants s’octroient des droits d’adultes. La réserve qui régit habituellement les rapports sociaux disparaît.

II - Carnaval au Moyen âge : Rapports conflictuels avec l’Église

À cette époque, seuls les hommes pouvaient investir l’espace public ; ils étaient les dépositaires de la morale et des valeurs alors que les femmes étaient seulement chargées de l’accueil dans les foyers. Cela change peu pendant le Carnaval. Certaines se risquent à se masquer mais ne doivent pas être repérées. Mais cette discrimination n’est pas catégorique puisque certains carnavals ont toujours possédé des sociétés mixtes, comme par exemple les Haguettes ou les Longs-nez de Malmedy, ou ont compensé en offrant un jour de liberté complète réservée aux femmes, comme le Jeudi des Femmes à Eupen. On remarque aussi que certains carnavaliers miment la gestation, la mise au monde puis l’allaitement d’un bébé. Il existe même des régions où le Carnaval est placé sous autorité féminine, celle des mères en l’occurrence. Dans ces régions, elles s’habillent en homme et attaquent les mâles en leur faisant sauter le chapeau, les arrosent, les maltraitent. A La Châtre (Indre), les femmes du peuple s’assemblaient le Mardi Gras sur la grande place et y dansaient des rondes en chantant les couplets les plus obscènes. Ailleurs, elles s’occupent d’un immense festin qui se termine par une bataille où l’on se jette les restes dessus.

L’origine du mot « masque » reste aussi mystérieuse que les visages qu’il cache. Il apparaît en 643 et pourrait venir du latin (sorcière) ou de l’indoeuropéen (filet dont on enveloppe les morts). Dans le sud de la Provence, les sorciers seront, jusqu’au XIXème siècle appelés des « masques ». Pour se déguiser, on se contente souvent au Moyen âge de se noircir le visage avec de la suie, de le dissimuler sous une étoffe ou de porter ses vêtements à l’envers, coutures apparentes. Les premiers masques sont taillés dans la tête des porcs tués à Noël (on se cache derrière la peau épaisse et soyeuse ou le groin) ou dans une cagoule de peau de lapin. Les jeunes gens ainsi masqués parcourent bruyamment les rues à la nuit tombée, chahutent les femmes, les filles et les avares. Ils évoquent là encore d’une part les revenants et l’au-delà, d’autre part la nature et le printemps qui va revenir.

Les nuits de pleine lune ces bandes rôdent, s’approchent doucement des maisons pour soudainement crier, lancer des cailloux sur les volets, la porte et le toit, jouer parfois du tambour, entrer dans les maisons et poursuivre les filles en quête de baisers, puis se calmer et se taire, manger des crêpes et des beignets et boire sans jamais révéler leurs visages. Parfois, ces expéditions se font plus furtives afin de dérober un coq ou un cochon qu’on se partage au clair de lune.

Cette ambiance perdure alors jusqu’au soir de Mardi Gras, où l’autorité est ouvertement entre les mains des masques. Les avares et les moralistes sont les premières cibles, obligés d’offrir ripaille aux assaillants. Ceux qui travaillent ce jour-là sont attrapés, juchés sur un âne, promenés et obligés de payer à boire. On pouvait se masquer en plein jour, et le peuple usait largement d’un privilège réservé longtemps aux seuls gentilshommes. Repas solide où figurent comme pièce de résistance une oie ou un dindon, comme accessoires obligés les traditionnelles crêpes, larges beuveries, mascarades sillonnant les villes à grands fracas, bals échevelés, cavalcades...

Les vieilles femmes osaient à peine quitter leurs maisons de peur des attrapes du mardi gras. On plaquait sur leurs manteaux noirs des empreintes de craie figurant des rats et des souris, on attachait à leurs robes des torchons sales. Les théâtres ont conservé longtemps la tradition de jouer les pièces les plus licencieuses dans les derniers jours du carnaval, et la Comédie-Française elle-même représentait le Don Japhet d’Arménie, de Scarron.

Les Arrêts d’Amour (1540, plaidoyer XII) racontent que des troupes de personnes masquées, « en robes retournées, barbouillez de farine ou charbon, faux visages de papier, portant argent à la mode ancienne  », accompagnées de musiciens et de valets tenant des flambeaux, se présentaient dans toutes les maisons où l’on donnait soirée, y entraient sans autorisation, faisaient danser les demoiselles, offraient des dragées aux dames et proposaient des défis aux dés. De telles libertés choquaient fort les particuliers qui, n’osant pas résister ouvertement, « éteignent leurs lumières, répondent qu’il n’y a personne, qu’on est couché, ou font sortir leurs femmes et leurs filles par l’huis de derrière ».

Ces précautions n’évitaient pas toujours les injures, les querelles et les rixes. Les valets des masques profitaient du tumulte pour voler, dévorer toutes les provisions de l’office et débaucher les chambrières. Si bien que le parlement, assailli de plaintes, dut à plusieurs reprises interdire la fabrication et la vente des masques. On se masquait encore pour jouer aux jeux de hasard. Le jeu était d’ailleurs une des licences caractéristiques du Carnaval. Le jour de mardi gras, après l’audience du grand conseil, la cour elle-même jouait aux dés sur le bureau du greffier en présence du public.

Le lendemain du Mardi Gras, le mercredi des cendres, donnait lui aussi lieu à de jolies scènes, comme la « descente de la Courtille », des masques revenant de Belleville le matin avec leurs déguisements ignoblement salis et déchirés, hurlant des obscénités. Jules Janin raconte que cela dure toute la matinée, « ceux qui passent insultent ceux qui regardent passer, les uns et les autres se disent mille injures. »

Si l’Église intègre le Carnaval à sa liturgie, c’est parce qu’elle n’a pas pu l’interdire. Elle essaya régulièrement de réduire sa portée contestataire et ouvertement blasphématoire. Jusqu’au XVIIème siècle, la période de Carnaval couvrait les quatre mois d’hiver. De nombreuse réglementations, tant ecclésiastiques que laïques, tentèrent d’endiguer les excès causés par ces bacchanales et finalement Carnaval fut réduit à trois jours : dimanche, lundi, pour atteindre son apothéose le mardi gras.

Parfois ce sont les circonstances qui rapprochent de l’Église. Par exemple au Moyen âge à Stavelot, les moines « guindaillaient » le jour de la Laetare en se mêlant à la population locale dans des réjouissances mi-sacrées mi-païennes. L’Église est ensuite intervenue pour interdire aux moines de quitter l’abbaye à cette occasion. Il arrivait que l’on danse dans l’église, que l’on chante la messe à l’envers. Un prêtre d’Amiens dénonce, en 1182 : « Dans certaines églises la coutume veut que les évêques et archevêques se démettent par jeu de leurs attributs. Cette liberté de décembre – libertas decembricas – est analogue à celle qui avait cours autrefois chez les païens, lorsque les bergers, devenus libres, se plaçaient sur le même plan que leurs maîtres et faisaient, après les moissons, la fête avec eux. »

Il y eut de tout temps une répression envers Carnaval. Charlemagne tenta de bannir les mascarades de son empire. Il n’y réussit pas et, pendant tout le Moyen âge, le Carnaval, adopté et protégé par l’Église, étala en plein jour ses fantaisies les plus grossières et les plus monstrueuses. Le 9 mars 1399, Charles VI, rappelant d’autres ordonnances qui ont été perdues, défendit « que nul ne portast faux visages, [...] aucun ne batist ou injuriant, ne feist batre ne injurier autres personnes ».

A partir du XVe siècle, les parlements commencèrent à sévir ; mais la fréquence même de leurs arrêts peut inspirer quelques doutes sur leur efficacité. Nous citerons les principaux. Le 14 décembre 1509, le parlement de Paris défend de faire et de vendre des masques, de porter des masques, de jouer au jeu de momon en masques ou avec d’autres déguisements, sous peine de prison et d’amende. Le 26 avril 1514, arrêté portant que les masques et faux visages seront brûlés en public, avec défense d’en porter sous peine de confiscation. Les 26-27 novembre 1535, 9 mars 1539, 2-14 janvier 1562, 8 janvier 1575, 4 février 1592, défense d’aller en masques dans les rues de Paris avec des joueurs d’instruments, sous peine d’être punis comme perturbateurs du repos public. Une ordonnance royale du 9 novembre 1720, et une ordonnance de police du 5 février 1746, interdirent aux masques de porter des bâtons et des épées ou d’en faire porter par les laquais. Des ordonnances de police du 6 décembre 1737 et du 11 décembre 1742, défendirent aux jeunes gens et tapageurs de nuit d’entrer de force dans tous les lieux où il y a des bals et de la musique, de violenter les traiteurs, leurs femmes et enfants et d’obliger les violons à jouer toute la nuit. Malgré tout Carnaval perdure.

A Florence, le moine fondamentaliste Savonarole limite le Carnaval au seul jour du Mardi Gras, et instaure un grand bûcher purifiant les « vanités » : jeux de cartes, livres de musique profane ou de poésie, parfums, masques, costumes, peintures et sculptures qui ont été confisquées chez les habitants... C’était en 1497 et l’année suivante, c’est ce Savonarole qui finira sur le bûcher...

A noter aussi que le Carnaval peut appuyer des révoltes politiques, par exemple à l’époque de l’apparition du protestantisme. A Bâle, en 1529, Mardi Gras voit déferler 300 personnes masquées, conduites par le bourreau, qui envahissent la cathédrale, brisent les statues et le grand crucifix en lançant : « Si tu es un dieu, défends-toi, mais si tu es un homme, saigne ! ». Ils attaquent également l’Hôtel de ville où le Conseil décide d’autoriser le culte protestant. Ces mêmes protestants décideront quelques années plus tard la suppression du Carême, en espérant éliminer avec lui les débordements carnavalesques...

III - Carnaval face à la société marchande

Vient l’époque de la Renaissance, le théâtre prend son essor moderne et s’approprie les masques. En Italie, Carnaval atteint une splendeur et un développement exceptionnels. L’affluence d’étrangers riches, à Rome notamment, peut expliquer la tolérance séculaire de l’Église pour des divertissements profanes que d’aucuns, à vrai dire, jugeaient assez déplacés dans une ville directement soumise à l’autorité des papes. Ceux-ci d’ailleurs protestèrent parfois contre des licences un peu trop vives, mais il ne paraît pas qu’ils aient insisté beaucoup en ce sens et plusieurs d’entre eux ont collaboré aux magnificences de ces fêtes.

Le Carnaval de Venise fut encore plus célèbre et plus fréquenté que celui de Rome, car il le dépassait en licence et durait une partie de l’hiver. Des illuminations féeriques, des feux d’artifice, des gondoles illuminées circulant sur les canaux avec leur équipage de masques et de musiciens, le luxe des déguisements, l’affluence des belles courtisanes et surtout l’autorisation des jeux de hasard, tels étaient les attraits puissants de ces fêtes qui ont beaucoup pâli quand Venise perdit son indépendance politique. Plus encore que le déguisement, le masque est l’attribut essentiel du carnaval vénitien. Le port du masque était si généralisé qu’il fut interdit - en vain - dans les églises. Grâce à lui, et au déguisement, les barrières sociales étaient abolies. L’humble devenait seigneur, le puissant bouffon. Hommes et femmes, jeunes et vieux, chacun pouvait s’abandonner à ses pulsions, vivre ses fantasmes en toute impunité. La ville fusionnait, et ses autorités laissaient faire, sachant fort bien que ce désordre contribuait au maintien d’un ordre plus subtil. Plus qu’une simple fête, il devient un prétexte aux abus et à la rencontre des différentes classes sociales. Les masques prennent toute leur importance, car ils permettent aux fêtards de conserver leur anonymat. Cela est essentiel, surtout pour les nobles, qui malgré leur débauche sont sujets aux règles d’honneur et d’étiquette. Ils peuvent ainsi s’adonner aux plaisirs du jeu, de la boisson, et de l’amour sans être inquiétés.

La Révolution française, interdira elle aussi le Carnaval à partir de 1790. La Gazette Nationale écrit, en 1792, que la municipalité a arrêté : « 1° qu’il est défendu de paraître travesti dans les rues ; 2° que personne ne pourra donner de bal masqué public ; 3° qu’on ne peut étaler ou vendre des masques et habits de déguisement passé onze heures du soir ; 4° que personne ne peut donner de bal public, sans en avoir obtenu l’autorisation de la police ; 5° que ces bals ne peuvent se prolonger au-delà de onze heures de nuit. » (Gazette Nationale, ou Le Moniteur Universel, n° 32, mercredi 1er février 1792, Troisième année de la Liberté).

A partir de cette époque, la police a publié tous les ans au moment du carnaval une ordonnance conçue toujours à peu près dans les mêmes termes. On interdit à tous les masques de se montrer sur la voie publique avec des armes ou bâtons, de se masquer avant 10 heures du matin et après 6 heures du soir, de prendre des déguisements de nature à troubler l’ordre public ou à blesser la décence et les mœurs, de porter aucun insigne, aucun costume ecclésiastique ou religieux, d’apostropher qui que ce soit par des invectives, des mots grossiers ou provocations injurieuses, de s’arrêter pour tenir des discours indécents et provoquer les passants par gestes ou paroles contraires à la morale, de jeter dans les maisons, dans les voitures et sur les personnes des objets ou substances pouvant causer des blessures, endommager ou salir les vêtements, de promener ou brûler des mannequins dans les rues et places publiques.

Il y a quelques variantes intéressantes. Entre 1801 et 1820, l’ordonnance de police défend le port du masque dans les rues et lieux publics. De 1815 à 1820, parmi les mascarades interdites figurent « celles qui rappelleraient les époques malheureuses de la Révolution française  ».

On comprend alors qu’en 1948, à Paris, Carnaval se mêle aux journées révolutionnaires. Lorsque le défilé se présente devant le Ministère, la troupe tire et tue 16 personnes. Celles-ci sont alors disposées sur une charrette pour une « promenade des cadavres » dans le sillage de laquelle s’élèvent les barricades qui mèneront les révolutionnaires vers la IIe République. Le président élu, devenu trois ans plus tard l’empereur Napoléon III, ne tolèrera ensuite que le défilé de la corporation des bouchers, accompagné de quelques chars publicitaires. Même lorsque la IIIe République arrive, le Carnaval renaissant est très vite encadré par les festivités offertes par de grands patrons. Carnaval prend alors le masque de la bienfaisance afin de faire des collectes qui autorisent des défilés de plus en plus fastueux, les bénéfices restant étant solennellement reversés à des œuvres de charité.

Au 20e siècle, Carnaval est de plus en plus spectaculaire, avec un roi qui varie au gré des modes et de l’actualité. En 1967, à Nice, un tyrolien « Roi des loisirs » sera brûlé avant son heure par des « anarchistes » mécontents. Carnaval devient une entreprise à part entière, employant des gens toute l’année. Le maquillage narcissique, beau, visant à attirer les regards, tend à remplacer le masque repoussant. De même, la parade où l’on se montre se substitue au drame joué ensemble. Mais si la programmation officielle voudrait l’oublier, la tradition des hommes sauvages, des revenants, des garçons enceints, des libertés amoureuses, de la verve critique et dénonciatrice demeure en souterrain.

Conclusion

Il n’est pas question, ici, de se lamenter sur le degré de récupération que peuvent avoir les carnavals d’aujourd’hui. Je sais que la répression n’empêchera jamais totalement les besoins de défoulement qu’ont les humains. Le Carnaval n’est qu’un rituel qui sert d’exutoire aux frustrations que l’on connait le reste de l’année. Plus le Carnaval est encadré et plus ce besoin déborde à d’autres moments. Plus on canalisera étroitement ce type de rituel, plus la chance est grande de voir ces pratiques se politiser. Car au-delà du simple besoin de se défouler une fois par an, la question est plus largement celle de la maîtrise qu’on a de nos rituels. L’idée de fêter le renouveau du jour sur la nuit est plaisante. Ridiculiser publiquement le pouvoir le jour du Carnaval doit aussi nous amener à le saper petit à petit le reste du temps.

Mon idée du Carnaval n’est pas focalisée sur les « incidents », les « affrontements » ou la « casse ». Pour moi, ces dégâts matériels et les provocations contre la morale font partie de façon normale de cet évènement qui prône un « renversement », fut-il limité à quelques heures par an.

N’oublions pas que Carnaval c’est avant tout :
- les déguisements, les masques, l’anonymat généralisé
- les maquillages représentant des personnages et des symboles « renversés »
- les chars, symboles contre le pouvoir brûlés à la fin
- le don d’alcool, de bouffe voire d’autres drogues, sans argent
- les pétards, fumigènes et fusées
- la farine, les œufs, et autres projectiles salissants dans des batailles endiablées où n’importe quel passant encravaté peut se retrouver ridiculisé
- la musique, battucadas et autres

Si Carnaval est un renversement, alors Carnaval doit être un moment de liberté, un moment où ceux qui n’ont pas de pouvoir prennent le pouvoir, l’espace, la rue. L’idéal étant qu’il ne se limite pas à ce qu’il a beaucoup été : une soupape, un moment de liberté pour une année de surveillance, de résignation. Carnaval doit plutôt faire prendre goût à la liberté. Il a ce potentiel et c’est pourquoi le pouvoir a toujours cherché à le limiter, le canaliser voire l’interdire.

Pour terminer, voici ce que disait Harvey Cox, en 1971 :

« Comme prévu, évêques et patrons n’en sont guère heureux, mais en tout cas cela a lieu. Cette renaissance de la fantaisie et de la fête, qui commence, est un bon signe. Elle montre que notre époque redécouvre peut-être la valeur de deux composantes de la culture qui, toutes deux, étaient jadis visibles dans la Fête des Fous. La première est la fête en elle-même, importante parce qu’elle remet le travail à sa place. Elle suggère que le travail, bien que rémunérateur, n’est pas la plus haute fin de la vie, mais doit contribuer à l’accomplissement de la personne humaine. Nous avons besoin d’interrompre le travail à date fixe pour nous souvenir que ce ne sont même pas un produit national brut d’un montant astronomique et le plein emploi de tous qui peuvent apporter le salut. Les jours de fête, nous cessons de travailler et nous goûtons ces gestes traditionnels et ces heures de franche gaieté sans lesquels une vie ne serait plus humaine. La fête, comme le jeu, la contemplation et l’amour, est une fin en soi. Ce n’est pas un moyen.

L’autre importante composante culturelle de la Fête des Fous est la fantaisie en tant que critique de la société. Démasquer la vanité des puissants fait toujours paraître leur pouvoir moins irrésistible. C’est pourquoi les tyrans tremblent devant les bouffons, et les dictateurs interdisent les chansonniers. Bien qu’une occasion fixée pour le persiflage politique puisse être exploitée par les puissants pour rendre la critique insignifiante, même une telle occasion ne doit pas exister. Du point de vue de l’oppresseur, la satire risque toujours de lui échapper ou de donner des idées aux gens, aussi est-il préférable de ne pas du tout la tolérer. »

Sources :

- Daniel Favre, Carnaval ou la fête à l’envers
- Harvey Cox, La Fête des fous, Seuil, 1971
- http://www.carnaval-pantruche.org/
- et autres sources internet.


Pour le plaisir : Une protestation contre le Carnaval, en 1844 :

Le Carnaval

Depuis le commencement de notre publication, nous n’avons pas manqué chaque année de protester, au nom de la morale, contre ce qui se passe à Paris dans ces jours de dévergondage et de profonde immoralité que l’on appelle le Carnaval. [...]

Il faut des hommes à la France pour qu’elle soit toujours digne de son nom, pour qu’elle préside encore aux destinées du monde, et que tous la qualifient, avec l’un de ses puissants chefs, de belle, d’héroïque, de grande nation. Ses enfants laborieux le savent, et ils n’iront pas s’amollir et se corrompre dans des fêtes scandaleuses pour devenir semblables à ces Romains dégénérés qui n’avaient plus la force de soulever une lance lorsque la barbarie est venue les envahir.

Au milieu du laisser-aller incroyable qui préside à ces jours à la fois si abominables et si funestes ; encore jeunes et plein d’avenir, mais déjà, pour la plupart, usés par la débauche et glacés par l’égoïsme, il est, parmi les classes dites supérieures, des hommes qui abjurent toute dignité, tout sentiment honnête, et font de l’orgie monstrueuse où ils se vautrent quelque chose de si ignoble et de si vil, de si bas et de si sale, qu’on ne trouve rien à comparer, même dans les derniers rangs des animaux. Oui, c’est à cette jeunesse soi-disant d’élite, c’est à ces fils de famille qu’il est donné de faire renaître parmi nous tout un monde d’antiques turpitudes, et d’offrir en spectacle à nos enfants l’effronterie des cyniques unie à la lubricité des satyres. [...]

C’est un grand crime du Pouvoir que sa tolérance pour des excès si pernicieux et si funestes ; si un mauvais génie avait pour mission de détruire l’espèce humaine, il nous semble qu’il ne choisirait pas d’autre voie. [...]

Ailleurs on est hautain, prétentieux, poli avec ses égaux, dédaigneux envers ses inférieurs, là tout le monde se serre la main, s’embrasse, se tutoie : c’est l’égalité dans toute sa latitude, mais c’est l’égalité du vice. C’est là que l’homme abjure toute retenue, et la femme toute pudeur. Puis quand la bande est bien repue, quand les liqueurs spiritueuses fermentent dans ces cerveaux vides, alors le désordre est à son comble ; c’était affreux, cela devient horrible : ce sont des hurlements prolongés, délirants, frénétiques, qui font que la pitié vous serre le cœur quand on les entend de loin, et qui, de près, feraient croire à une saturnale des démons. [...]

Toute femme qui quitte son ménage et qui insinue à son époux de la conduire à ces réunions avilissantes aura bientôt besoin de lui fermer les yeux sur sa conduite. Quels attraits ces lieux peuvent-ils lui offrir ? Quelle âme honnête et chaste n’éprouve pas de répulsion pour de telles horreurs ? Celle donc qui méconnaît ainsi son devoir n’a plus droit à aucune sorte de respect ni d’égard, car elle se fait, par induction, l’égale des prostituées, dont elle envie les plaisirs obscènes et la licence affreuse. [...].

Texte paru dans la revue "L’Atelier, Organe des intérêts moraux et matériels des ouvriers". « Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger. » Liberté, Egalité, Fraternité, Unité. Mars 1844.


2e partie : Quand Carnaval retourne Montpellier...

Petite histoire du Carnaval à Montpellier

L’histoire qui va suivre est extrêmement incomplète. Elle se concentre surtout sur les trois dernières décennies. Comment cela se passait-il au Moyen Age ? On ne peut qu’imaginer que le Carnaval ressemblait aux autres. Près de Montpellier, à Cournonterral, la fête des Pailhasses reste encore aujourd’hui une tradition où la lie de vin se répand partout dans le village, jusque dans les maisons ou les véhicules qui ne sont pas suffisamment fermés. A part ça on trouve de vieilles cartes postales du début du XXe siècle représentant des chars du Carnaval à Montpellier.

Entre 1978 et 1989, il y avait également un Carnaval organisé par le Comité des fêtes de la ville, avec des chars représentant les différentes corporations. Il y avait notamment un Bacchus vigneron promenant une fontaine à vin. Yves Naquet raconte (Midi-Libre, 11-04-1987) que le comité des fêtes avait déjà tenté de relancer un Carnaval en 1949. « comme aucune subvention n’est allouée, nous organisons un loto monstre qui nous rapporte cinq millions de centimes de l’époque. » Tous les bistrots de la ville avaient participé à l’opération et une cavalcade géante comptant une vingtaine de chars avait eu lieu cette année-là.

Mais l’expérience reste isolée et ce n’est qu’en 1978, grâce à une subvention de la municipalité que ce défilé reprendra. Les archives de l’époque nous apprennent en outre qu’un « char collectif » et des « festivités parallèles » ont eu lieu. Initiatives imprévues qui « n’ont guère fait l’unanimité ». Le journaliste raconte : « Nous avons nous-mêmes reçu, en notre siège, des coups de téléphone de Montpelliérains n’ayant guère apprécié d’être pris pour cible (sacs de farine, œufs pourris) alors qu’ils se rendaient fort gentiment au rendez-vous autorisé. » On trouve également dans ce Midi-Libre du 25-02-1979, ce commentaire : « La résurrection d’un Carnaval à Montpellier est, à coup sûr, un élément appréciable pour l’animation et la vie de notre ville. Toutefois "Midi-Libre" tient à préciser qu’il n’est pour rien dans l’affichage sauvage qui "fleurit" dans tous les coins de Montpellier. Ces affiches reprennent le graphisme de notre titre et le transformant en Midi Ivre constituent malheureusement une contrefaçon flagrante. » Le Carnaval souterrain en avait des idées !

Si la Cavalcade organisée se déroulait le week-end, il y avait aussi Mardi-Gras, qui rendait « la place de l’œuf toute blanche ». Mais en cette année 1982, le journal relate que ce fut l’occasion d’échauffourées au Polygone. « J’estime que c’est grave, commente M. Michel Badie, le directeur du centre commercial. On a vraiment frôlé l’émeute type mai 68. Les quatre portes d’entrée ont été brisées, trois membres du personnel légèrement blessés par des jets de bouteilles et de silex, des lances à incendies coupées... Ce qui me surprend, ce sont les motivations : pourquoi, chaque année, le Polygone est-il visé ? » (24-02-82) On lui répondra que si Carnaval est un renversement, il est normal que le temple de la consommation soit une cible...

On remarque d’ailleurs que Midi-Libre oscille selon les années entre l’indignation contre les débordements et la déception quand le Carnaval est trop sage. « Pauvre Carnaval ! Pour lui, ce Mardi que l’on dit Gras, aura été bien maigre. (...) Après les débordements de l’an dernier qui firent souffler la tempête du côté du Polygone, on l’a bâillonné. Hier, il avait des allures de fantôme déguisé en otage. » (16-02-83) En 1984 la cavalcade officielle se déroule sur deux dimanches, plus d’un mois après Mardi-Gras où « quelques hordes de jeunes maculés de farine ont envahi les artères principales de la cité. (...) Dans la plus grande pagaille, faisant pour certains l’école buissonnière, les jeunes Montpelliérains ont tout de même tenu à demeurer fidèles aux traditions citadines de leurs ancêtres. » (7-03-84) L’année suivante, le journal trouve Mardi-Gras « de plus en plus pacifique. On se souvient en effet que ces dernières années les bagarres de farine avaient parfois dégénéré en véritable pugilat et que quelques casseurs s’étaient glissé dans la sarabande pour accomplir leurs basses œuvres, casser des vitrines de magasins notamment. » (20-02-85)

Une pacification qui finit encore par décevoir : « Quelques centaines d’irréductibles, chargés de l’inévitable petit sachet de farine ont donc "déboulés" hier après-midi sur la vaste place de l’Oeuf pour faire une drôle de bombe... glacée ! Ça pétaradait dans tous les sens et en quelques instants l’endroit a revêtu un blanc manteau qui n’avait rien de très hivernal... (...) Montpellier "la surcoincée", faute de véritables noceurs a très sagement préféré reculer la célébration officielle de Carnaval au 11 et 12 avril prochain... En attendant, peut-être de fêter le réveillon du Nouvel An un 31 juillet... Il y a comme des traditions qui se perdent. Les jeunes excités d’hier entendaient un peu le rappeler à leur manière. Allez les p’tits gars, encore un effort et on risque de redécouvrir les vertus populaires de la fête. Révolutionnaire, non ? » (4-03-87) Or, le mois suivant, ces espoirs sont déçus : « Il n’y a rien à dire, le carnaval de Montpellier a tout pour plaire, mais il lui manque ce petit plus qui fait qu’une fête est réellement une fête. (...) Le soleil était là et le public aussi. Que voulez-vous de plus ? Peut-être tout simplement que ce ne soit pas un spectacle passif, dans lequel seuls les mômes ont encore un brin de spontanéité. (...) Cela étant, encore une fois, le carnaval de Montpellier est comme une poupée neuve qu’on sort de sa boite... Il est joli et bien propret. Mais allez y comprendre quelque chose les enfants lui préfèrent souvent le vieux nounours tout fripé. (...) Le Carnaval, a-t-on dit, chaque année renait de ses cendres. Peut-être faudrait-il souffler un peu sur les braises pour qu’elles nous enflamment. » (12-04-87)

Il faudra deux ans, car en 1988, « Le carnaval se meurt, de sa belle mort, et le pavé montpelliérain n’en a eu que des miettes hier. Œufs et farine étaient au menu du jour, dégustés presque exclusivement au pied des Trois Grâces. Une petite poignée de lycéens ont perpétué la tradition dans la franche rigolade. » (17-02-88) Puis l’année suivante « certaines mères de famille ont dû s’arracher les cheveux mardi soir au moment du retour à la maison de leur progéniture. Imaginez des vêtements, des cartables, et même des chevelures, gluants d’une indéfinissable mixture faite de farine, d’omelette et de crème d’aérosol. (...) Au moins ce Carnaval avait-il le mérite d’être parfaitement spontané et inorganisé, comme le veut son vrai pur esprit. Mais il eut l’inconvénient d’emporter dans la tourmente quelques simples passants, parfois âgés, qui n’appréciaient qu’à moitié. Un instant, les arroseuses municipales prétendirent remettre les lieux en état. Elles contribuèrent plutôt à transformer la dalle en patinoire, rajoutant ainsi à la drôlerie. » (9-02-89).

1990 marque un tournant. D’une part, les subventions allouées au Carnaval du Comité des Fêtes sont supprimées et lui avec. Deux jours après cette annonce, c’est Mardi-Gras et là, c’est « le dérapage ». « Place de la Comédie, les bus ont été pris d’assaut par des jeunes gens armés de sacs de farine, d’oeufs et de bombes à eau. Ca n’a pas fait plaisir à tout le monde... Des voyageurs excédés, des chauffeurs ulcérés, des vitres brisées, des bus souillés, le carnaval des lycéens a dégénéré. (...) "La municipalité n’a donné aucune autorisation pour que se déroule une telle manifestation", a expliqué, François Delacroix, le directeur de cabinet de Georges Frêche. Si la mairie de Montpellier "condamne ces violences", elle tient d’ailleurs à préciser qu’elle a aussitôt fait "intervenir la police municipale sur les lieux de l’incident". » (28-02-90) Rien d’extraordinaire, au vu des années précédentes ne s’était passé et pourtant, cette année-là, c’est l’emballement. « Bernard Toulemonde, recteur de l’académie de Montpellier, a tenu, hier, à présenter ses excuses aux Montpelliérains. "Mardi-Gras a de nouveau, cette année, donné lieu aux manifestations habituelles. Celles-ci sont acceptables tant que les chansons, les chahuts et les jets de farine demeurent dans les limites raisonnables. En revanche, il ne peut être toléré que des élèves, parfois débordés par des personnes beaucoup plus âgées, se livrent à des déprédations – vitres brisées, portes enfoncées – ou menacent physiquement de jeunes élèves, des professeurs ou des passants." » (1-03-90)

Et l’année suivante, les « limites raisonnables  » des « manifestations habituelles » sont fixées. « Cette année, avant son départ pour Toulouse, le recteur avait mis les points sur les i. Les excès de l’année passée, il n’en veut plus, M. Toulemonde. Et pas davantage la mairie. Le premier a promis des sanctions aux élèves absents sans motif valable, ou porteurs de produits interdits ou dangereux. "La fête ne peut porter atteinte aux biens ou aux personnes". Georges Frêche a pris, lui, un arrêté municipal, interdisant "compte tenu des circonstances particulières" les jets de pétard, d’œufs et de farine. (...) Mettre la fête sous surveillance, voilà qui pouvait choquer certains puristes de la liesse populaire. (...) Alors, il faut bien le dire, à part quelques drilles pas vraiment joyeux, quelques irréductibles qui n’avaient pas peur du ridicule, le mardi gras montpelliérain n’a même pas eu hier le goût du fruit défendu.  » (13-02-91) L’année suivante, rebelote. « Carnaval ou pas, silence dans les rangs ! Les chefs d’établissements scolaires de Montpellier, d’un même trait de plume, serrent la vis du Mardi Gras. Histoire de mettre un terme aux excès d’œufs, pétards, farine et autres confettis que ces dernières années, les lycéens en goguette faisaient pleuvoir sur les Montpelliérains qui n’en pouvaient plus. (...) "Les élèves qui seront absents sans motif valable, qui seront porteurs de produits dangereux ou interdits ou qui auront un comportement de nature à troubler les cours seront passibles de sanctions". » (2-03-92)

Ils croyaient l’avoir tué, Carnaval est réapparu quelques années plus tard. En 1995, même Midi-Libre s’enthousiasme pour « le délirant cirque ambulant du Carnaval des anarchistes. Une cohorte d’hurluberlus grimés et déguisés, qui parcourent les rues de la ville au son des tam-tam et de la fanfare, voilà enfin un Mardi-Gras digne d’intérêt à Montpellier. Le rendez-vous de 16h au Peyrou, fixé par les anarchistes, s’est donc poursuivi jusque très tard dans la nuit. En milieu de soirée, la place Candolle (devenue territoire anarchiste depuis quelques mois) s’est retrouvée noire de monde, entre cracheurs de feu et échassiers. Puis le défilé a fait étape devant la cathédrale à 23h avant de rejoindre le Peyrou, point de départ de ce Carnaval débridé. Là, la grosse tête de Charles Pasqua a été enflammée en un habile détournement de la tradition. Une ronde autour des braises, quelques sauts au travers des flammes pour les plus téméraires... Jusque tard dans la nuit, le happening alternatif de 300 fêtards s’est révélé totalement vivifiant. Vivement l’année prochaine. » (2-03-1995)

Et c’est ce Carnaval qui perdure encore aujourd’hui le jour de Mardi Gras. On peut donc laisser tomber la presse bourgeoise pour laisser la parole à des témoins directs :

Petite anthologie partisane du Carnaval de Montpellier

(texte trouvé en 2004 dans une brochure distribuée par le Comité de soutien aux inculpés du carnaval)

Il serait hasardeux et dangereux d’attribuer la paternité du Carnaval de Montpellier à un groupe, une personne, une idée politicienne. Les pouvoirs publics et les médias locaux s’en chargent régulièrement en se répandant en inepties, préjugés et mépris.

Ce Karnaval fut, pour eux, tour à tour celui des « Zanarchistes », des « Zétudiants », des « Zartistes », des « Zapatistes » (et même qu’une fois on y aurait vu Zorro !) mais aussi celui des squatters ou du populo. Et tout dernièrement le « Carnaval Alternatif » s’affiche dans Midi Libre comme une sorte de reconnaissance définitive d’un mouvement toujours indompté.

Et pour finir cette liste extravagante, le tribunal usera d’un incongru « Carnaval des Gueux » (Dégeu !).

Aux dernières appellations il est facile de répondre que pour être alternatif et des gueux il eu fallut qu’il existât un autre carnaval et qu’il fut celui des Riches.

Ce Karnaval est le Carnaval, point !

Laissons les poseurs d’étiquettes s’interroger encore longtemps sur un mouvement incontrôlé, ça leur fera du papier à remplir et des mensonges à diffuser. Ils auront beau chercher des organisateurs, ils n’en trouveront pas, le Carnaval est à celles et ceux qui le font, il n’a rien à dire au Pouvoir et à ses chiens de garde, il n’a qu’à montrer sa présence, sa foule, sa capacité à retourner l’espace public et à renverser les valeurs. Pour une nuit, seulement hélas ! Mais quelle nuit !

Une nuit par an et ce depuis 1995, un rendez-vous est donné à 19h au Peyrou le jour de Mardi Gras. Bien sûr au début existait un Kollectif Karnaval qui pendant 2 ou 3 ans se chargea de rassembler les bonnes et les mauvaises volontés pour réaliser et distribuer tracts et affiches, pour construire des chars, jouer de la samba, déclarer et définir le parcours. Ce collectif avait comme objectif premier sa dissolution rapide et définitive. En effet, quel sens aurait une fête qui se déclare libre, gratuite, inorganisée, incontrôlée, subversive et populaire, si elle conservait à sa tête quelques personnes, seraient-elles de la meilleure composition possible ?

Carnaval peut-il avoir une tête ? NON, il faut la couper ! Mais comme l’Hydre, chaque année apparaissent de nouvelles têtes et tombent la suivante.

Le Carnaval de Montpellier est une idée, et comme toute idée, voire toute chose, elle appartient à celles et ceux qui s’en servent.

Alors voyant que d’années en années la foule se rassemblait sans cesse plus nombreuse, déguisée, festive, accompagnée de chars massifs et ingénieux, le Kollectif Karnaval s’est dissous pour ne plus jamais se reformer et laisser Carnaval vivre ou mourir. Comme bon lui semble !

Il semblerait justement que cette liberté lui semble bonne et depuis 9 ans [aujourd’hui 15 ans], il n’a pas manqué un seul rendez-vous. Seules les traditions peuvent se targuer d’une telle longévité. Mais la tradition n’a rien de bon, c’est une image floue, consommatrice d’un passé, rien qu’un cadavre de souvenir. La tradition ne vit pas, elle ressuscite les morts. Karnaval c’est le contraire, c’est le jour où les valeurs sont inversées, où la fête est gratôs, sans obligation d’achat, sans subvention et sans patron. C’est un mouvement joyeux fait de cris, de danses, de rires, de sons et de créativité. Rien à voir avec la fête de la musique, les férias et autres grandes messes populistes où l’argent, Ricard, Kronenbourg et Merguez Frites sont rois.

Au Carnaval, le roi c’est toi, le roi c’est moi ! C’est Nous !

Les chars ont été préparés en bande, les costumes subtilement étudiés, toujours avec les moyens du bord, et ils sont multiples à qui se sert plus de son imagination que de son porte-monnaie. Seul le rendez-vous est toujours le même et c’est parti !

FAÏ TIRAR MARIUS !

Tout doit circuler, sans papiers ! L’alcool, les chars, les gens, les enfants, les vieux. L’argent lui n’a rien à faire là. Les seuls échanges sont les paroles, les sourires, les bouteilles, les baisers, les bras pour porter les fêtards exténués, pour pousser les chars des autres, les corps et les cris pour soutenir les Batucadas... Ça ce sont des échanges. Le reste de l’année est là pour nous rappeler que tout se vend, que tout s’achète.

Cependant, ces dernières années, même si la foule occupait toujours plus nombreuse la place publique, il y a de moins en moins de chars, de déguisements, de bars gratuits. Carnaval oublie peu à peu de se libérer et se prend pour une tradition. Comme s’il pouvait désormais se pointer avec pour seul apanage son nom, porté comme un titre de noblesse. Carnaval vient aujourd’hui, majoritairement, déguisé en étudiant, en marchand, en d’jeun’s, en flic, en flic déguisé en étudiant (et vice-versa) pour voir ceux qui, en nombre restreint, comme des bêtes curieuses, distribuent sambas, verres gratuits et énergies subversives. Karnaval se regarde passer comme à Nice (à quand les barrières de sécurité ?), se consomme comme un litre de 51, et ne sait même plus pourquoi il est bourré. La tradition gagne du terrain, Carnaval ferait-il la fête par habitude comme on joue au Loto et regarde la télé ? N’a-t-il plus rien à défendre qu’une exception culturelle, une particularité minoritaire ? C’est triste de voir Karnaval encadré par la police, surveillé de si près. Pourtant si inoffensif !

Carnaval devient un jour comme les autres, un soir tranquille, pépère, où le badeau profite du spectacle en toute sécurité au lieu de s’inscrire dans cette réappropriation de la rue.

Et cette année 2004 fut l’apothéose de cette apathie généralisée où la confusion des idées et l’absence de pensée et d’investissement de Karnaval se révéla symptomatique d’une société malade parce qu’incapable de se prendre en main hors du contrôle policier.

En effet, cette année arriva ce que beaucoup attendaient. Depuis trop longtemps peut-être ! Le « dérapage » de Carnaval, comme se plaisent à dire les observateurs « objectifs » ! Une vitrine a cédée sous des coups de pieds enragés et s’en est suivie une intervention musclée de la police et un début d’affrontement entre carnavaliers et forces de l’ordre. Affrontement fait de jets de canettes et d’insultes d’une part, de coups de tonfa, de lacrymos et de terreur automobile de l’autre.

Est-il nécessaire de savoir : Cékikakomencé ? Et Cékikakacélavitrine ?

Ceux qui voyaient en Karnaval une force subversive et séditieuse apprécieront le geste, même symbolique, mais auront manqué de discernement quand à la portée de celui-ci dans un tel contexte : une rue commerçante ultra-fliquée, vidéo-surveillée, envahie par une foule plus préoccupée d’entretenir son taux d’alcoolémie que le feu de la révolte.
Ceux qui voyaient en Carnaval un élément de trouble à l’ordre public, une manifestation hors-la-loi, apprécieront aussi le geste, occasion rêvée de porter atteinte au Carnaval. Et eux aussi manqueront de discernement. Il est vrai que dans les nuages de lacrymos il est difficile de discerner qui est un « méchant » ou un « gentil ». Alors pas de détail, on arrête qui se trouve sur place et on triera plus tard !

Les 6 arrestations et les jugements qui s’en suivront montreront combien tout ça ne fut qu’une tentative de répression avortée d’une occupation de rue libre et sans autorisation. En punir un pour en effrayer ou dissuader cent. Et au milieu de tout ça, quelques « bons citoyens » qui tout en se faisant gazer et frapper par les flics leur dénoncent quelques « troubles-fête » parce que « quand même on est venu pour faire la fête » et que « casser des vitrines, c’est pas festif » et que, c’est bien connu, « la police est là pour qu’on s’amuse dans le calme ». On croit rêver !

Qui aurait cru que cette fête populaire mais surtout libre et gratuite permettrait aux flics de s’y promener tranquillement et d’y agir impunément avec la complicité de délateurs ?

Comme partout, le « bon sens » reprend ses droits même au sein du Carnaval qui ne sera bientôt plus qu’un spectacle, un bal à papa pour jeunes qui croient manifester pour la liberté. Rien que le désir de liberté les effraye, alors ils suivent et plutôt que d’assumer entièrement cette fête, ils laissent (aident même) l’argent, l’ordre à remettre les choses à l’endroit, dans le « bon sens ».

Si Karnaval n’est plus à Montpellier ce qu’une trace de pneu est à un slip blanc alors Karnaval doit mourir. Il ne manquerait plus que Bové s’en mêle pour que Karnaval devienne un SarKoval : on achèterait nos costumes chez Auchan avec maman, on boirait en accord avec les associations de commerçants (c’est pas tous des voleurs ! Y’en a des « équitables » !) et les chars seraient marqués d’un M cher à notre ville.

Systématiquement Karnaval doit refuser ces intrusions du monde marchand et policier. Ce n’est pas parce que ce mouvement vieillit qu’il doit oublier d’être un enfant : libre, gratuit, inorganisé, subversif et populaire.

À tous les sales mômes de se le dire !

Que les autres aillent faire le Beaujolais Nouveau et continuent à voter « Rutile » !

Guru khan (2004)

Carnaval 2004-2009...

Depuis cette année là, pas une fois le carnaval ne se déroula sans arrestation ni intervention policière pour y mettre fin. Cependant, cela n’empêche pas les gens de revenir année après année.
Il y a eu des arrestations pour tags, pour outrages, rebellions, violences sur agent, dégradations de biens publics ou privés, mises en dégrisement... Mais cela, souvent, en faisant porter le chapeau à d’autres...

Lorsque la Mairie a décidé de mettre fin à toute vie nocturne en dehors des lieux et des moments prévus à cet effet, cela s’est soldé par des charges policières à 1h du matin pétante.

Lors du Carnaval, les effectifs policiers se placent désormais sur la place Candolle qui était auparavant le lieu d’arrivée du Carnaval où les chars étaient brûlés et qui fût en 2006-2007 le lieu d’une opposition quasi-quotidienne entre policiers et fêtards (opposition qui s’est soldée par l’installation de caméras et par un réaménagement de la place au profit des bars, avec la suppression de la moitié des bancs ; ainsi que par des arrêtés municipaux interdisant les rassemblement, la consommation et la vente d’alcool en dehors des bars dès 22h... dès 15h le jour du Carnaval !).

La place Candolle n’étant pas fréquentable, le Carnaval tend à se disperser dans tout le centre-ville, avec pour terminus de prédilection pour brûler les chars les places St Anne et St Roch. La répression est aveugle : en 2009, un flic en civil aurait été parmi les victimes de la charge policière.

Mais le danger qui guette vraiment Carnaval est celui qui l’a menacé tout au long de son existence multi-millénaire : celui de son encadrement, de sa normalisation. C’est ainsi que la Mairie ne se contente plus de la répression pure. Elle accorde une autorisation à une association culturelle, laquelle termine au plus tôt le défilé sur la place de la Comédie et invite ensuite les participants à une « after » dans un bar musical.

A chaque fois, ce moment sur la place de la Comédie est inquiétant, car outre les arrestations qui y surviennent parfois, plane le danger que tout s’arrête là. Mais cela n’est encore jamais arrivé. On peut seulement regretter que le cortège, lorsqu’il repart, dédaigne les petites ruelles pour remonter sous l’œil des caméras dans la grande avenue centrale, qui fut précisément tracée au 19e siècle pour aider la police dans sa gestion des troubles...

Ainsi, Carnaval n’est pas mort, mais Carnaval semble toujours en danger.
Est-ce que le besoin ancestral de renverser les valeurs ne se fait plus sentir ?

Alors... que sera Carnaval 2010 ?

Est-ce qu’on va y aller pour regarder ou pour participer ?
Est-ce qu’on va se préparer un peu plus que seulement acheter d’avance de l’alcool à cause des interdictions faites aux épiceries ?
Est-ce qu’on va réfléchir au déguisement qui surprendra tout le monde ?
Sommes-nous toujours capables de faire un char et/ou une batucada avec sa bande de potes ?

Rendez-vous le 16 février !




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