Y


Ya du baston dans la taule (Vol1) Récits de mutineries
(Vol 2 & 3) Chronologies des mutineries dans les lieux de détention français (≈1820-2010)

mis en ligne le 26 octobre 2010 - Collectif

Ya du baston dans la taule est une brochure en trois volumes :
Le premier est constitué de récits, le second et le troisième présentent une chronologie partielle des années 1820 à nos jours, des mutineries dans les lieux de détention français.

Les luttes anticarcérales sont aussi vieilles que l’idée d’enfermement elle-même. Qu’elles se passent à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons, qu’elles soient collectives ou individuelles, clandestines ou légales, elles s’expriment différemment selon la situation, les possibilités, les énergies, les rapports de force, la prise de conscience et l’analyse de chacun.
En prison, la révolte peut, entre autres, prendre les aspects suivants : automutilation, grève de la faim, refus des plateaux repas, raffut, occupation des cours de promenades, prise d’otage, agression du personnel, destruction du matériel, évasion… Pour nous, la plupart de ces formes d’action font partie des mutineries carcérales car se mutiner, c’est « refuser collectivement et ouvertement de se soumettre aux ordres de l’autorité (militaire, policière, …) à laquelle on est assujetti ». C’est cette (large) définition qui a guidé ce projet, et non l’application d’une quelconque hiérarchie dans les types de lutte.
On trouvera, d’abord, la republication de témoignages [1] dont ceux tirés du livre Y a du baston dans la taule  [2], aujourd’hui épuisé, puis une chronologie faisant écho à ces paroles [3], et donnant une brève vision d’ensemble des révoltes des prisonniers contre leurs lieux d’enfermement.
Notre but n’est pas de faire dans le sensationnel mais de mettre en avant ces instants forts et collectifs entre détenu-e-s. Cela est d’autant plus important que la prison, par son fonctionnement, isole et sépare de manière accrue les individu-e-s. Non pas que dans ces instants ils/elles soient tou-te-s des potes [4], mais bien uni-e-s pour créer des brèches et des instants de liberté face à la logique d’enfermement mortifère qu’est la prison . De plus, la mutinerie met en lumière de façon radicale les rapports de force existants, et délimite ainsi clairement autant les termes du conflit que ses protagonistes : les détenus en tant que force collective contre le pouvoir et ses sbires. Cela est d’autant plus frappant lorsque les mouvements se font à l’échelle nationale avec des revendications communes. Il est bon de rappeler qu’en prison, encore plus qu’ailleurs, il n’y a pas d’acquis. Tout ce qui est gagné par les luttes peut disparaître du jour au lendemain.
Il y a, depuis vingt ans, une baisse significative du nombre de luttes collectives. Le chacun pour soi tend de plus en plus à remplacer la force du nombre et l’individualisme et le consumérisme parviennent souvent à balayer certains idéaux politiques forts. De plus, l’évolution du comportement de la population pénale qui se soumet à l’autorité et le renforcement des systèmes de sécurité et d’isolement développés par l’administration pénitentiaire (AP), font que les mouvements sont de plus en plus difficiles à organiser. Espérons que cette tendance ne soit que passagère et qu’il y ait dès lors un renouveau des luttes.
Enfin il nous semble important de faire circuler la mémoire de ces années, assez peu connue, de combat carcéral.

Contre toutes les prisons !

[NB : Il va sans dire que les membres de Black-star (s)éditions ne partagent pas les propos machistes et sexistes que l’on trouve dans certains récits…]

Black-star (s)éditions, Grignoble / (St)-é, octobre 2010 Pour tous commentaires, infos, critiques,
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I
C’était le premier mai, et il faisait beau.
Récit d’une mutinerie à Fleury-Mérogis, le 1er mai 1971. Texte paru dans la brochure du Groupe d’information sur les prisons :
Le GIP enquête dans une prison modèle : FLEURY-MEROGIS [5]

Quand il fait très beau et qu’on est en promenade, on n’a pas envie de remonter. Alors, ce jour-là, on est restés. Ça s’est fait très spontanément. Je n’étais même pas au courant, j’étais en train de discuter avec un camarade qui était à sa fenêtre. Et puis, tout d’un coup, le maton a dit de remonter. Alors il y a quelques types qui ont dit : « On ne remonte pas ». Les autres types qui n’étaient pas au courant, se sont mis autour d’eux et ont discuté et tout le monde s’est trouvé d’accord pour ne pas remonter, parce que c’était marrant et puis c’était une manière de manifester un peu de liberté que de refuser un ordre. C’est le C3 qui a fait ça, les isolés 23h sur 24.
Là-dessus, ont commencé les parlementations. Toute la hiérarchie a défilé. Le petit maton est allé chercher son supérieur hiérarchique : « Qu’est-ce que vous voulez, les gars ? » On ne voulait rien, on voulait rester là. Enfin, tout le monde s’est trouvé d’accord pour dire : « On veut deux heures de promenade. » Mais en fait, c’était un truc inventé sur l’heure, le prétexte pour les faire patienter. Alors évidemment la réponse, ça a été : « C’est pas de ma compétence, remontez en cellule, on en discutera… » Tout le monde a refusé obstinément de remonter en cellule. Enfin, il y a des types qui se sont laissés intimider, qui sont remontés. C’était le but qu’ils recherchaient en discutant avec nous.



Au départ, c’était pas du tout offensif

C’était : « On reste là, on est bien. » Il y avait une unité là-dessus, mais elle était assez limitée. Aussi il y avait des types qui se laissaient intimider ; ils disaient « ça ne mène à rien » et ils remontaient en cellule. Ça a duré comme ça une heure et demie. A ce moment on est restés 20, sur les 50 ou 60 qu’on était au départ. On restait là, on attendait, mais on commençait à prévoir la tournure qu’allaient prendre les événements. Les types qui étaient restés là savaient très bien que s’ils remontaient maintenant en cellule, n’importe comment, ce serait le mitard [6] immédiatement, à la rigueur le passage à tabac. Tout d’un coup, on a vu apparaître au fond de la cour 4 ou 5 matons qui planquaient des matraques sous leur veste. Alors, comme on était les mains nues, ça a provoqué un réflexe d’autodéfense. On s’est tous précipités sur des escaliers en bois qui servent pour la gymnastique. Ils ont volé en morceaux. Ca faisait des gourdins longs d’un mètre, renforcés aux extrémités, des trucs à tuer un bœuf du premier coup. Et à ce moment-là, on s’est réfugiés dans une position dominante, sur un petit surplomb, à deux mètres au dessus de la cour et on a attendu.

A l’intérieur tous les types à leurs fenêtres nous encourageaient

Les matons leur disaient sans arrêt : « Taisez-vous. » Ils étaient complètement fous. Comme on commençait à avoir faim, les types des cellules nous filaient à bouffer par les fenêtres. Une atmosphère très sympathique, quoi… Il y a même eu un épisode assez extraordinaire : il y a un type qui s’était laissé convaincre de remonter et puis il ne voyait rien de sa cellule, mais il entendait les cris et se demandait comment la situation évoluait. Alors il a fait un truc que personne n’a jamais réussi à faire à Fleury : il a cassé le carreau de sa cellule – ce qui est quasiment impossible – et il a descendu les trois étages, pour nous rejoindre, sous les encouragements de toute la prison. Les matons l’ont coursé dans toute la taule. C’était assez dément. Pour finir, il s’est fait coincer, évidemment. C’était un type assez extraordinaire.
Ils ont recommencé à parlementer. Le directeur en personne est monté parmi nous : « Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas ? » L’éducateur-chef est monté aussi et tous les deux se complétaient parfaitement. L’éducateur disait : « Faites-moi confiance ; vous me connaissez ; je suis votre éducateur, patati, patata… » Il avait promis qu’on ne prendrait pas de coups. En fait, on en a pris. En même temps, ils en profitaient pour repérer les « meneurs ». En fait il n’y en avait pas. Il y avait simplement des types qui parlaient plus que d’autres, parce qu’ils étaient plus ou moins inconscients ou simplement parce qu’ils s’en foutaient, parce que quand on va prendre vingt ans de taule, on s’en fout des petits détails comme ça.
De toute façon, il n’y avait plus rien d’autre à faire que de rester. Bien sûr, ça aurait pu se terminer en sanctions disciplinaires. Mais les gars disaient : « Ça vaut pas le coup de se faire enculer, si on remonte, on baisse notre froc, et puis on est des cons, alors on reste là. »
Quand ils ont vu que ça ne marchait pas, ils ont tenté une première charge. Ils ont installé une échelle et ils sont montés par les deux extrémités. On les a repoussés très facilement. L’échelle s’est cassée la gueule. Il y a un type qui était là pour meurtre qui s’est précipité au-devant d’eux. Il a frappé un grand coup. Ça a donné un maton de blessé. Ils se sont retirés. Ensuite, ils ont tenté une seconde charge, mais beaucoup moins résolus… Dès qu’on s’est montrés un peu agressifs, ils ont reflué à toute vitesse.
Après ces deux charges des matons, les gendarmes sont arrivés avec des grenades lacrymogènes. Ils ont fait trois sommations. Les types des cellules nous ont tendu des mouchoirs mouillés qu’on s’est mis autour de la figure. Ils ont grenadé une première fois. Tout le monde s’est mis à tousser mais on est resté. Ils ont grenadé une deuxième fois. Ça devenait irrespirable.
Là, on a manqué d’unité. On est descendus par petits groupes. Moi, je suis descendu du toit et je me suis rendu aux gendarmes. Ils m’ont conduit dans le hall du bâtiment mais, comme il y avait des types à aller rechercher, ils ne m’ont pas accompagné jusqu’au panier à salade qui devait nous emmener au mitard. Ils m’ont poussé dans les bras des matons.

Le Directeur a dit quelque chose comme : « Allez-y cognez ! »

J’ai pris un coup de matraque derrière les oreilles. Je me suis retrouvé par terre. J’ai pris des coups de pieds et j’ai été traîné sur une dizaine de mètres par les cheveux. D’autres mecs avaient la lèvre fendue d’un coup de pied, des trucs assez incroyables. Tandis que les autres types qui sont descendus après ont été protégés par les gendarmes. Ils se sont mis autour d’eux et ils ont dit aux matons, d’un petit air protecteur : « Si vous voulez cogner, c’est pas maintenant, c’était tout à l’heure. »
Ensuite, on ne savait pas très bien ce qu’il allait advenir de nous. On nous a emmenés au mitard, chacun entre deux matons qui proféraient des menaces. Quand ils m’ont poussé dans la cellule, ils ont voulu entrer avec moi. Heureusement, il y a un gradé qui s’est interposé, qui les a empêchés. Sinon c’était bien parti. On s’attendait à ce qu’ils fassent la tournée, mais on a dû les en empêcher.
Au bout de deux jours, on est repassé au prétoire et ils ont distribué les peines : 15 jours à un mois de mitard pour ceux qui avaient participé à l’émeute, mais aussi pour d’autres qui nous avaient seulement encouragés de la voix depuis leurs fenêtres. Un camarade a fait un mois de mitard pour ça.
Au mitard, au début, on était au régime normal, c’est-à-dire manger tous les deux jours et pas de lectures. Au bout de deux jours, il y eut une tentative de suicide. Moi, j’ai piqué une crise de nerfs. C’était pas tenable de rester comme ça à regarder le mur. Alors, ils ont dû adoucir le régime. On mangeait tous les jours et on avait de la lecture à volonté. On me donnait du valium 5. Avec ça j’étais vachement calme… C’est la complicité des médecins dans le système. Le type qui avait essayé de se suicider, il est resté enchaîné au mitard pendant un mois… après il ne marchait plus droit…
Après ça, ils ont mis à l’isolement complet tous les maoïstes qu’il y avait dans la prison, sauf deux, et ils ont accru la répression dans toute la prison. On a vu des types prendre une semaine de mitard pour avoir parlé à leur fenêtre.
Au point de vue pénal, il y eut une quinzaine d’inculpations. Ça a donné des peines s’échelonnant entre deux mois avec sursis à six mois fermes. L’inculpation, c’était : dégradation de monument d’utilité publique…
Tout ça s’est passé dans la cour de promenade de la tripale. Mais on a su ensuite que tous les gars des autres ailes nous soutenaient, et pourtant, ils ne nous voyaient pas de leur fenêtre. Tous, ils se sont mis à crier, à jeter par la fenêtre toutes les choses de leur cellule, même la nourriture qu’ils cantinaient, les livres, tout. Des matelas y sont passés aussi, et des gars ont même mis le feu à des matelas déjà tombés en visant dessus depuis leur cellule avec des objets enflammés. Comme en plus il continuait à pleuvoir plein de saletés des fenêtres, les matons, en bas, tous affolés, ne pouvaient même pas s’approcher pour les éteindre. Ça a duré toute la soirée, et c’est là qu’un mec à réussi à casser sa fenêtre, et à faire l’acrobate devant tout le monde pendant une demi-heure.

L’explication de la révolte ?

Elle est évidente : une prison, fût-elle modèle, ça ne peut qu’engendrer la révolte.
La cause directe, je l’ai dit, c’est que c’était le premier mai, qu’il faisait vraiment très beau et qu’on n’avait pas envie de se retrouver tout seul à s’emmerder dans une cellule.
La cause profonde ? La prison, c’est la répression concentrée. Dans la société, la répression est masquée par l’information, par l’idéologie et tout. Dans les prisons, ce n’est pas possible. Elle est la même dans une prison relativement confortable et qui, à l’époque, n’avait pas un système de répression féroce, du moins pas directement. On ne peut que se révolter, même gratuitement, parce que c’est gratuit de A jusqu’à Z. On savait que ça allait se terminer là. On attendait même les CRS.
Il faut dire que la répression, elle était particulièrement sensible pour les types de cet étage. Ceux qui étaient là, c’était ceux qu’on considérait comme des « asociaux ». Beaucoup étaient là parce qu’ils ne pouvaient pas s’adapter au travail dans les ateliers. Ces types-là, ou bien ils travaillent en cellule, ou bien ils ne font rien. Quand on travaille, qu’on va en atelier ou en classe, on peut avoir une toute petite illusion de la vie normale : métro-boulot-dodo. Là, c’était travail-bouffe-radio, promenade-sport. Comme ça, on peut attendre que ça se passe. Mais là, tout seul toute la journée, à ne rien faire, c’était pas supportable.
Cette révolte, elle a eu le grand défaut – c’était à la fois une qualité et un défaut – d’être spontanée. Elle n’a pas dépassé cette spontanéité. C’est dommage, mais enfin, il y en aura certainement d’autres.

Ce n’était pas un mouvement revendicatif

Ce n’était pas pour réclamer un régime plus doux ou quoi que ce soit, ça s’attaquait au système.
Ce n’était pas exprimé clairement, mais c’était relativement conscient : ça se sentait à certaines réflexions. Il y avait d’ailleurs, chez les jeunes que je côtoyais, une assez grande compréhension des rapports qu’il pouvait y avoir entre leur statut de jeunes voyous, de jeunes truands, jeunes voleurs, et la société, entre la répression sociale et leur révolte. Ils l’exprimaient en disant qu’ils n’avaient pas envie de bosser et que voler, c’était plus facile que bosser.
La preuve, c’est que s’ils n’avaient pas compris ça, ils auraient revendiqué quelque chose. Ils ne revendiquaient rien. C’était pas : « Nous voulons la télé et puis des livres de tous les jours. » Il n’en a jamais été question, ce n’est venu à l’idée de personne. Non c’était des desperados ; par ce mouvement, on exerçait notre droit à la liberté même à l’intérieur de la prison.

II
Mutinerie de la centrale d’Ensisheim (06 avril 1988).
Djellali Mihoubi dit KYOU [7]

Nous foncions vers la cour des sports, ouvrant les grilles devant nous. Les détenus nous regardaient faire, sans intervenir. Au fond sous le porche qui abritait l’escalier, une dizaine de matons alertés entourait le directeur. Sans ralentir, nous courions droit sur eux. Un maton un peu avancé fut cueilli aux jambes par le balayage de Gégé, shooté en plein vol par Baptiste qui suivait et je lui arrachai ses clefs en passant. Nous ne nous étions même pas arrêtés. Ses collègues paniquèrent et ce fut la débandade avant que nous les atteignons. Un coup d’extincteur finit de les affoler et ils s’enfuirent derrière le directeur qui courait sans se retourner.
Je déverrouillai les portes donnant sur la détention avec Baptiste sur les talons prêt à intervenir. A chaque ouverture, je m’attendais à me trouver face à une résistance, mais le passage était abandonné par la matonnerie qui fuyait devant nous.
Quand nous atteignîmes la détention, les derniers matons s’échappèrent par l’autre porte. A nous cinq nous avions fait fuir une trentaine de matons et la taule était à nous.

 C’est la révolution ! Annonçai-je aux détenus en ouvrant les cellules une à une.
Un peu surpris, les gars sortaient timidement des cellules, cherchant dans les coursives la réaction des surveillants. Mais il n’y avait plus personne pour nous retenir. Je compris leur hésitation.

 Attendez, je vais vous expliquer ce que c’est que la révolution !
J’allai m’emparer d’une télé dans une cellule et la balançai dans le vide des coursives. L’appareil s’abima au sol dans un grand bruit. Quelques secondes de silence suivirent, puis les gars comprirent qu’il n’y avait plus de surveillance. La révolte explosa comme un coup de tonnerre dans un ciel calme. Les gars se jetèrent sur les télévisions et les balancèrent dans le vide, le kiosque des matons dans le bâtiment vola en éclat, une veste d’uniforme oubliée fut lacérée L’effervescence s’étendit comme une traînée de poudre. Tous voulaient que nous ouvrions les portes et les gars s’éparpillaient pour investir la taule. Ce n’était pas une révolte, c’était un coup d’Etat. Nous avions pris le pouvoir en faisant tomber l’autorité, puis nous l’avions abandonné à la foule en colère.

 Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda Gégé quand tous les détenus furent libérés.

 On va destroy la taule ! proposai-je.

III
Mutinerie de la centrale de Saint-Maur [8].
(12-13 novembre 1987)

Centrale de Saint-Maur, 1987 : deux murs séparés d’une centaine de mètres, des miradors partout, des grilles plein les couloirs : le poids de la justice mesuré en ferraille et en béton, qui vous écrase l’espoir – l’espoir indispensable, comme un rêve de liberté : évasion ou libération. Pour l’évasion, dur dur... Et ces derniers temps, la libération devenait un sujet de plaisanterie. Remises de peine, libertés conditionnelles, ces mirages qui vous aident à continuer le chemin s’effaçaient, s’effaçaient... On a pris perpète, vingt ans, quinze ans, mais on n’y croit pas. On s’accroche au moindre mensonge, pour ne pas mourir. Il nous faut une chimère en laquelle espérer. Les chefs fonctionnaires raisonnaient autrement : ils nous autorisaient un semblant de confort, télé, sport et bronzage, des prisons douillettes, où l’on nous garderait le plus longtemps possible. Pas question de liberté. À défaut de peine de mort, on s’arrangerait pour nous laisser crever en taule. Ils s’imaginaient que des conditions de vie « agréables » nous permettraient d’accepter. Ça nous rendait nerveux. Même les détenus modèles ronchonnaient sévère. La révolte rôdait, rouge et fumante. La direction s’en tapait, le ministère itou.
Depuis une semaine, des symptômes apparaissaient, précurseurs d’agitation. D’abord un mécontent perché vingt-quatre heures sur la façade du bâtiment A. Flics et pompiers pour le déloger. Deux jours plus tard, tentative d’évasion au bâtiment C : un scieur de barreaux. Ensuite la benne à ordures de 14h17... Ce jour-là, j’essayais de faire une sieste, dérangé par le bruit d’un camion qui manœuvrait :
- Par tous les gonflos ! Il va me laisser dormir, ce con ?
Jetant un œil par la fenêtre, je vis la benne à ordures, celle qui avalait quotidiennement les poubelles de l’établissement.
Trois taulards venaient d’éjecter le chauffeur, de prendre sa place. Ils foncèrent en marche arrière sur une grande porte métallique, qui donnait entre les deux murs, l’envoyant valser à dix mètres. Le camion fila vers la sortie. On entendit le fracas de la porte d’entrée défoncée à son tour, accompagné d’une fusillade. Avaient-ils réussi ? À 15 heures, la radio locale annonça trois évadés. Les cellules criaient de joie. Le mythe de la super prison venait de disparaître, emporté dans la benne avec les ordures.
A Saint-Maur, il y a trois bâtiments : A, B, C ; trois étages par bâtiment, chaque étage divisé en deux « unités », comprenant vingt-cinq à trente cellules, un type par cellule. Je résidais au troisième étage du C, unité C-3I, « l’étage des Corses » ; il comprenait en effet un bon tiers de Corses, dont deux ou trois membres du FLNC [9]. On avait aussi un Palestinien pro-iranien. Ça donnait un genre d’ambiance politisée.
Jeudi 12 novembre 1987, midi, cour de promenade : un taulard, roi des singes, est monté dans un arbre et refuse de regagner sa cage, va savoir pourquoi. Les shérifs bleus tournent autour du tronc. Les têtes aux fenêtres sont éclatées de rire.
Un tronçonneur fou accourt, grand castrateur de phallus feuillus :
- Vous descendez ?
- Non !
Vroum ! Vroum ! La sciure vole, l’arbre pleure. Les fenêtres vouent le bûcheron à la sodomie perpétuelle. L’arbre s’écroule : son locataire saute in extremis  ; aussitôt chopé, rudoyé, il résiste :
- Enfoirés ! Lâchez-moi !
Les geôliers le traînent dans le bâtiment, sous les hurlements du public. Par les mânes de Mesrine [10] ! Quelle arrogance... On monte dans un arbre, ils le coupent... Si quelqu’un grimpe sur le toit, plastiqueront-ils le bâtiment, occupants compris ? Jusqu’où fermerons-nous nos gueules ?
Même jour, 15 heures, « quartier socioculturel » – endroit où se trouvent « les activités » : salle de classe, d’informatique, la bibliothèque, etc. À côté : la salle de culturisme. Du monde, beaucoup plus qu’à l’accoutumée. Ça discute à voix basse, l’œil furieux. Des regards assassins suivent les surveillants. J’y rencontre deux copains :

 Salut, dis-je. Vous avez vu l’arbre ?

 Attends... Eux aussi, ils vont voir.

 On va leur couper les couilles…
Autour, même ambiance, révolution dans l’air. Au matin du 14 juillet 1789, les sans-culottes avaient-ils le même aspect ?
À 16 heures, rien de changé. Des comploteurs complotent, ressassent les derniers événements, les remises de peine fantômes, l’enculerie chronique de l’administration. Deux factions se dessinent : l’une veut parlementer, écrire au ministère, avertir – mais des paquets de lettres sont déjà partis, en pure perte, foutus au panier ; la seconde tendance prône la violence immédiate. Un copain me prend à part, conspirateur en diable :
- Tu redescends à 17 heures ?
- Pourquoi ? Faut descendre ?
Il réfléchit :
- Et puis non, pas la peine. De toute façon, on va ouvrir les portes à tout le monde. Quelque chose de sérieux se prépare.
À l’étage, un pote nommé Aldo m’attend en « salle d’activités ». Dans les unités, les salles d’activités sont des cellules vides, avec une table, quelques chaises et un réchaud électrique, où l’on peut se réunir, pour prendre le café, manger ensemble. Je lui explique la tournure des événements. On wait and see la suite.
Ça éclate juste après 17 heures, à la salle de culturisme. Les barres des haltères se transforment en armes. En avant pour le grand saccage ! En deux minutes, le coin est dévasté, vitres éclatées, appareils de musculation pliés en douze. Les surveillants coincés donnent les clefs. Deux profs, un d’anglais, un de sciences-nat, le pasteur, tous ceux qui traînent par là deviennent des otages.
Non loin, le directeur donne ses audiences. Quel est ce vacarme ? Il s’amène à grands pas, buste bombé, sourcil froncé, un regard à mater la chiourme. Quelques mois plus tôt, un mouvement de protestation s’était produit ; les mécontents avaient gueulé, refusé de retourner en cellule. Le directeur s’était déplacé, avait lâché trois promesses – de quoi satisfaire les trublions. Dès le lendemain, transferts disciplinaires, les meneurs balluchonnés vers d’autres taules. Pensait-il récidiver ? Son apparition crée la surprise : gonflé le mec ! Mais l’étonnement se dissipe ; les mutins remercient le ciel et l’inconscience pour cet otage de choix ! Il émerge de son délire, réalise le danger, détale. Trop tard ! Quelqu’un lui bloque la retraite, barre de fer à l’appui.
Les émeutiers envahissent le bâtiment C, cassent tout, prennent les clefs, capturent les surveillants. Ceux des bâtiments A et B se débinent juste à temps. Depuis notre salle d’activités, on ne voit rien de tout ça, mais on entend fracas et cris barbares. Au loin, par-delà les murs d’enceinte, une nuée de gyrophares bleus nous fonce dessus. L’alerte est donnée. La porte de la salle d’activités s’ouvre. Dans le couloir, un détenu déverrouille les cellules. Arrivent le directeur, une dizaine de surveillants, les deux profs, le pasteur, solidement escortés. Les voilà bouclés dans une salle d’activités.

 Ici, vous êtes en sécurité, leur dit quelqu’un.
Effectivement, vu l’humeur mutine, mieux vaut qu’ils évitent de se balader. L’un des Corses amène le directeur près du téléphone intérieur de l’unité, placé dans le couloir :
- Regardez si ça marche.
Ça marche.
- Appelez le greffe.
- Allô... C’est le directeur... Oui... Nous sommes pris en otages... Je ne sais pas...
Crispé, mais la voix calme.
- Donnez-moi l’appareil, dit le Corse. Allô ! Nous voulons qu’une équipe de FR 3 entre dans la prison, pour lui exposer nos revendications... Quoi ? Oui, nous assurons la protection des otages. Nous voulons...
Dialogue de sourds : l’un parle de revendications, l’autre des otages.

 Qui vous êtes ? s’énerve le Corse. Vous êtes habilité à négocier ? Non, je n’écoute pas ! Allez chercher quelqu’un qui a autorité pour négocier ! Nous vous rappellerons.
Clac. Raccroché. Les otages sont répartis dans différentes cellules du C-3I, le directeur seul dans l’une, deux gardes armés devant la porte. On relâche le pasteur, avec mission de faire passer les revendications. Il s’en acquittera, parlera aux forces de l’ordre, dans les micros, dans les journaux. Son syndrome de Stockholm [11], malvenu, lui vaudra d’être classé indésirable à la centrale.
Toutes les cellules ouvertes, les taulards en vadrouille, le sac de la prison devient sérieux. La buanderie crame ; les cuisines et le magasin sont pillés. Les portes qui coupent les étages en deux éclatent sous les coups des barres de fer. Toutes ces portes défoncées, quel pied d’enfer ! Elles nous emmerdaient depuis tant d’années... La liberté, c’est d’abord de pouvoir se déplacer selon son désir ; on en récupérait un peu, et ce peu nous paraissait beaucoup. Les émeutiers démolissent, une vraie rage ; les installations électriques y passent aussi. Plus moyen d’entendre la radio... Heureusement, j’ai des piles sur mon poste. Je me branche sur la station du coin, dans l’attente des nouvelles. Les pensionnaires du cachot viennent d’être libérés ; ils arrivent sous les ovations, en quasi-héros : l’homme de l’arbre, celui de la façade, le coupeur de barreaux, et d’autres mauvais sujets.
À 18 heures, pour les infos, une quinzaine de mecs s’empilent dans ma cellule. Les journalistes parlent de l’émeute, de façon assez vague. Ils rappellent qu’à Saint-Maur se trouve détenu Georges Ibrahim Abdallah [12], supposé terroriste libanais et condamné à perpète comme tel. D’autres détails dans notre prochaine édition.
La nuit tombe. Au C-3I passent de nombreux visiteurs, pour s’informer des négociations, jeter un coup d’œil aux otages ; certains les insultent – en particulier le directeur –, mais les prisonniers qui les gardent interviennent.
Parmi les négociateurs – et protecteurs des otages –, on distingue deux groupes : l’un à majorité corse et méridionale, principalement les pensionnaires du C-3I ; l’autre, plus composite, avec des détenus de différentes unités. Dans le premier, les membres du FLNC ont la conscience politique contagieuse : pour une bonne organisation, c’est utile. Les seconds semblent moins aptes à résoudre les futurs problèmes. En attendant la suite, avec Aldo et un copain nommé Louis, on décide d’aller se dégourdir les jambes sur le terrain de foot. On enfile quelques pulls : la nuit s’annonce frisquette. Pour les émeutes, mieux vaut l’été. Dans les escaliers, une vraie procession de fourmis : des pillards les bras chargés de cartons, le butin du magasin. Ils se constituent des stocks en cellule. Pas terrible, la conscience révolutionnaire...
Sur le terrain de foot, des non-violents prennent le frais. Partout ailleurs, ça démolit. Aux mutins de la première heure s’ajoute maintenant la presque totalité des détenus. C’est le grand règlement de comptes avec la prison. Tout y passe, même (et surtout) des objets de ce fameux « confort » qui prétend se substituer à la liberté. Reprenez vos gadgets, mais laissez-nous sortir !
Plus tard, le garde des Sceaux [13] devait parler du refus des prisonniers d’assumer les conséquences de leurs crimes, refus d’accomplir leur peine, en réclamant des grâces imméritées. Mais aux assises, les remises de peine sont comprises dans l’addition : pour vous encager dix ans, on vous en file quinze – sur lesquels on fait douze... Si l’on vous sucre les remises en question, y a de quoi râler !
Au rez-de-chaussée du bâtiment C se trouve la porte menant aux ateliers. Depuis le terrain de foot, on voit des types s’acharner dessus. Aucune des clés ne convient, place aux barres de fer ! Mais elle résiste, la chienne. Je m’approche pour observer les travaux.
- Tu veux boire un coup ? me propose-t-on en me tendant un litre de rouge.
En prison, le vin est interdit. Aujourd’hui, les soiffards se rattrapent avec les réserves des cuisines. Je m’envoie une lampée.
- Du blanc, dit un autre en m’offrant une bouteille.
Ne nous privons pas. Gloub ! Une bonne rasade. J’apporte le reste à Louis et Aldo.
- Quand même, dit Louis, ça m’ennuie de ne pas participer politiquement, je me sens en contradiction avec moi-même.
Allons bon... Cinq mètres avant le premier mur d’enceinte un grillage haut de six ou sept mètres cerne le terrain. Derrière ce grillage, dans l’ombre du bâtiment, un détenu se camoufle, observant le mirador à l’angle du mur.
- Qu’est-ce que tu fais là ? lui dis-je.
- Chut ! Chut !
Il s’imagine n’être pas repéré ?
- Tu devrais pas rester là, lui dit Aldo. Si le maton croit que tu essaies de partir, il risque de te tirer dessus.
- Il m’a pas vu.
N’insistons pas. La porte des ateliers tient toujours, entourée d’impatients. Quelqu’un écoute un transistor :
- Les infos ! dit-il.
Les forces de l’ordre encerclent la centrale. Le village voisin vient d’être évacué, le pasteur relâché. Rien de neuf. Je m’octroie encore une gorgée de pinard avant de reprendre la promenade. Comment cela finira-t-il ? Allongés par terre, piétinés de CRS, poinçonnés de coups de crosse, mordus par les chiens ? La présence des otages nous protégera peut-être si les négociateurs exploitent bien cette carte.
La porte des ateliers capitule. Cri de victoire des mutins, qui se ruent.

 On va voir ? dis-je.
Après des passages en sous-sol, on débouche dans le couloir principal des ateliers, vaste, avec des poutrelles d’acier tout là-haut, un décor de SF. Les grandes portes à glissière qui ferment les ateliers cèdent sans discuter. Les sauvages démolissent les machines, récupèrent des armes de fortune. L’un d’eux s’installe sur une meule avec trois tiges d’acier d’une trentaine de centimètres et commence à fabriquer des poignards. Un autre trimbale un chalumeau, lunettes de soudeur sur la tête, tirant les bouteilles sur leur chariot ; il découpe les serrures closes, avec une conviction mystique, investi d’un devoir sacré.
- Arrête, lui dit quelqu’un, avec les barres de fer ça va deux fois plus vite. Il n’entend rien, tout à sa mission.
- Laisse-le, dit un autre. Ça lui fait plaisir.
Certains songent à s’emparer d’un Fenwick [14] pour tenter une évasion en défonçant quelques portes jusqu’à la sortie. Mais, dehors, des garnisons entières guettent les fuyards... Visitant les ateliers, j’arrive à celui de peinture. Un solitaire répand du white spirit :
- Dis aux autres de partir, me prévient-il. Je vais filer le rif.
Avec les produits stockés là-dedans, ça promet...
- Ça va, dis-je, en revenant. Plus personne.
- Barrez-vous ! crie quelqu’un depuis le couloir. Ça crame !
La menuiserie flambe déjà. Des fouinards fouinent, en quête de victuailles ou d’armes. D’autres arrivent. Les nouveaux venus, d’ordinaire taciturnes à mourir, plaisantent avec tout le monde, touchés par la grâce de la solidarité révolutionnaire – et par les litres d’alcool ingurgités... En repassant par la cour de promenade, j’embarque un carton de bières, faute de mieux. Assis par terre, un mec se prépare un joint, mélangeant le shit et le tabac avec une clef piquée aux surveillants - elle ne devrait servir qu’à ça. De retour sur le terrain, je distribue bibines et sucreries à mes potes :
- On la fait cette partie d’échecs ? dis-je à Richard.
- C’est l’heure des actualités régionales. On va voir ?
On arrive juste à temps. Les journalistes en savent peu. Faute d’informations, ils brodent sur Abdallah : participe-t-il au mouvement ? Est-ce un coup du Djihad islamique ? À moins que la révolte ne camoufle une action dirigée contre lui ? Les forces de l’ordre ont consigne de tirer sur tout ce qui dépasse. On s’en doutait.
De retour à notre échiquier, on découvre deux sans-gêne en train de jouer.
- Vous emmerdez pas, dis-je. On fauche une table et un jeu et vous vous installez !
- Normal, répond l’un d’eux, 1 m 65, 42 kilos. C’est la loi du plus fort.
Le ciel courroucé éclate en pluie furieuse. Tant pis pour les échecs. On remonte au C-3I.
Attroupement autour du téléphone. Le négociateur en chef négocie ; il crie dans l’appareil :
- Nous voulons qu’une équipe de FR 3 entre dans la prison... Nous voulons exposer nos revendications à la presse... Oui, j’assume l’entière responsabilité des événements ! Je m’appelle X [il dit son nom] et je revendique l’entière responsabilité !... Quoi ?... Si je contrôle la situation ?... Mais, monsieur, on ne contrôle pas les gens désespérés ! On ne contrôle pas le désespoir !
Clameur d’approbation des désespérés.
Devant les cellules des matons veillent des « gardes armés ». Dans le couloir, un habitué des émeutes carcérales donne des conseils aux néophytes :
- Le mieux, c’est de monter sur le toit quand les CRS vont débouler, c’est le seul endroit pour être en sécurité.
- Et dans la cour, c’est pas bon ? avance quelqu’un d’assez lâche. Quand ils arrivent, on se rend...
- Vaut mieux pas. Que tu te rendes ou non, les premiers en prennent toujours plein la gueule.
- Si on allait voir comment il est ce toit, suggère Aldo.
- Hein ? dis-je. T’as vu ce qu’il pleut ? Et comment tu veux monter ?
- C’est ouvert. Y a une trappe, là-bas.
On grimpe. Vue superbe. D’un côté, les ateliers qui brûlent ; tout autour, le reflet des gyrophares et les projecteurs installés par les flics. Le long du second mur d’enceinte, on distingue de petites taches noires immobiles, tous les vingt mètres environ, les CRS. Et sur le terrain de foot désert, sous la pluie battante, un échiquier solitaire. Plus tard dans la soirée, les « gardiens » amenèrent le directeur sur le toit. Pervers en diable : offrir à un directeur le spectacle de sa prison en flammes. Même moment, même endroit, des excités démolissaient les derniers projecteurs. L’idée de balancer le directeur en bas les effleura. Heureusement, son escorte le redescendit rapidement.
À l’heure du journal télévisé, on se retrouve à une vingtaine dans le petit local vidéo. On allume les deux télés à la fois, zap en main. « Les détenus sont retranchés dans la prison. Certains ont pris position sur les toits. » En réalité, trois cents lascars sur quatre cents s’alcoolisent comme des bêtes. S’il y avait un assaut maintenant, ils n’auraient même pas la force d’éviter les coups de matraque. On nous rappelle que Georges Ibrahim Abdallah, etc. La forteresse tient toujours. Fin du chapitre Saint-Maur. La salle se vide. On reste trois ou quatre, à regarder la suite des actualités. Deux zigotos débarquent :
- Heu... On voudrait prendre les fiches.
- Les fiches ?
- Prends tout ce que tu veux, dis-je.
Ils ouvrent un placard, s’emparent des mystérieuses fiches :
- On va brûler tout ça, disent-ils en repartant.
Apparemment, certains ne réalisent pas que la prison part en fumée, que demain nous ne serons plus là, avec ou sans fiches. Des voleurs volent des trucs, les engrangent dans leurs cellules. Un amateur d’art a même fauché des tableaux peints par un autre détenu. Ces débilos doivent considérer la révolte comme une sorte de récréation : cette nuit on se défoule, on fait la fête et demain le train-train reprendra comme avant... De la bière, toujours de la bière, le beurrage intégral, la super-rigolade. Passent des types en cagoule – premiers rebelles qui ont oublié de se démasquer. Un copain très imbibé me tombe dans les bras :
- Mon vieux, braille-t-il, c’est le plus beau jour de ma vie ! Le plus beau jour de ma vie ! Tiens ! Prends une bière !
Glou glou ! Quelqu’un m’offre un joint : c’est du bon, du black. Les dealers consomment leur stock ; demain, le commerce prendra fin. Je m’assieds sur un banc. Quelques mètres devant moi, un type fixe la nuit, le regard flou, plein de vin ; il tient une barre de fer à la main, comme un bâton de pèlerin. Dans son état normal, c’est un dangereux, de ceux qui vous surinent [15] à la moindre contrariété. Sympathique, mais à ne pas énerver. La boisson ne doit pas l’arranger. Il gamberge, l’allure inquiétante. Arrivent Aldo, Lanis et deux autres, gourdin à la main, sacrifiant à l’armement général.
- Qu’est-ce que tu fais là, vieux rat ? me demande Aldo.
- Méditation transcendantale, dis-je en montrant le joint.

[Ici un fragment d’une page manque dans le manuscrit]
………………………………………………………………………………………………

II se prit une baffe grand format :
- Je vais libérer la France !
Au moment où nous arrivons, ses amis tentent de lui barrer le passage. Il ne les calcule pas, obstiné. Se pointe un grand Black, un voisin de C-3I, 1,90 m, le plus balèze du secteur. La plupart des mecs l’aiment bien et le respectent – et les autres le craignent. Il parvient à raisonner le sauveur de la France ; convaincu, celui-ci s’en retourne vers ses boîtes de bière.
Au C-3I, les détenus se succèdent dans la geôle du directeur, exposant leurs problèmes personnels. On croit rêver.
- Tu veux une audience ? demande-t-on à Aldo. C’est le moment, ce soir il écoute tout le monde.
Un type venant du premier étage traverse le couloir, furax :
- Les enculés ! Ils ont démoli ma cellule ! Si je les chope !
Il disparaît à l’autre bout de l’unité. Vingt secondes plus tard, le revoilà, au sprint, une meute armée à ses trousses :
- Au secours, hurle-t-il. Ne me tuez pas. Ne me tuez pas !
Celui-là ne compte pas que des amis. On s’installe dans une salle d’activités pour boire un café. Des nouvelles circulent « Untel a pris un coup de lame », « Machin s’est fait massacrer »...
- Mais putain ! râle un négociateur, qui est le con qui a cassé le téléphone ?
Des consciencieux continuent le démolissage ; les lignes électriques viennent d’y passer à leur tour. Pour discuter avec les flics, il faut maintenant se rendre à la grille de la détention, près du bâtiment A. On redescend faire un tour. Des nuits comme ça, on n’en vit pas souvent. On ne veut pas en perdre une miette. D’ailleurs, pour beaucoup, c’est l’événement de leur existence. La loi officielle abolie dans notre microcosme, aucune autorité n’a encore eu le temps de se reconstruire ; on croit presque à la liberté. Le socio commence à flamber. Les casseurs sont passés par là. Les ordinateurs explosés, les placards défoncés...
Dans le local vidéo, deux types regardent tranquillement la télé.
- Restez pas là, leur dis-je.
- On attend les infos, pour voir ce qu’ils disent...
En fait, ils regardent le film de Canal +.
- Le socio est en train de cramer, dis-je.
- Merde. C’est chiant.
À contrecœur, ils abandonnent la télé au brasier. On retourne au bâtiment, via le terrain de foot. Il y a maintenant trois types derrière le grillage, dont l’un perché dessus, juste en, face du mirador, en pleine discussion avec le surveillant. Des pyromanes se révèlent. On en voit passer, bidon de white spirit dans une main, briquet dans l’autre. Les cuisines et le magasin brûlent. À la grille de la détention, renforcée d’une barricade, les négociations se poursuivent. La pluie a cessé. Dans les cours, sous la lumière rouge des projos, toujours la fête. Un barbecue improvisé se tient devant le bâtiment B. Des graffitis décorent les murs, stigmatisant le système répressif. Le plus poétique dit : « Faut pas couper les arbres ». Je retourne au QG. La cellule des deux instits est ouverte. J’entre. Beaucoup de monde, ambiance détendue. Un vieux Corse alcoolisé tape sur l’épaule d’un prof, une bibine à la main :
- T’inquiète pas. Tant qu’on est là, y nous arrivera rien ! On s’occupe de tout ! Et gloup ! une lampée de bière.
Le prof d’anglais plaisante sans arrêt, un humour remarquable. Tout le monde se marre. On me demande si je peux trouver quelque chose à manger pour les instits. Je pars aux commissions. Dans les couloirs, on ne voit rien au-delà de trois mètres. On croise des bandes armées de couteaux, de massues, de hachoirs, de n’importe quoi. Quand deux groupes se croisent, ils s’écartent l’un de l’autre, méfiants, prêts au massacre. On sent monter la paranoïa. Impossible de trouver du ravitaillement excepté de la bière, évidemment. Tout semble avalé, ou stocké dans les cellules des pillards. Si le siège se prolongeait, ça poserait un problème. Faudrait demander des plateaux-repas au GIGN [16]. Je déniche quelques boîtes de conserve, un paquet de pain grillé, plus deux ou trois bricoles, mieux que rien. Sur le chemin du retour, je rencontre un copain, Léonard, qui cherche Robert.
- J’étais avec lui, il est dans le bâtiment C mais je ne sais pas où.
On passe les étages en revue. Rien au premier. Au deuxième, on rencontre une foule devant une cellule. Dans l’éventualité d’un assaut des flics, les otages ont été dispersés. Deux surveillants se trouvent dans cette cellule. Robert, avec un autre type, s’est chargé de monter la garde. Un commando d’une dizaine de furieux s’est amené. Armés jusqu’aux dents, complètement ronds. Impossible de les contenir. Leurs intentions sont claires et assassines. Robert fonce chercher du renfort. Le grand Noir et un FLNC déboulent. Les surveillants, couteau sous la gorge, suent à grosses gouttes. Le Black fend la foule, écartant les gêneurs comme des mannequins :
- Qu’est-ce qui se passe ici ? On ne tue pas les matons, compris ?
Il prend par le bras l’un des agités, le plus chaud de la bande :
- Toi, tu restes avec moi.
Il l’emmène hors de la cellule.
- Vous déconnez, les gars, dit le Corse aux autres. Vous voulez que les condés donnent l’assaut ? C’est pas sérieux, merde !
Ivres comme ils sont, ces arguments leur passent loin au-dessus de la tête. Ils veulent casser du maton. Le Noir revient, entraîne les deux surveillants avec lui :
- Laissez passer !
Tout le monde se pousse. Il les ramène au C-3I – unique endroit sûr. On retrouve Robert, qui nous raconte le début de l’histoire :
- Ils sont vraiment fous, commente-t-il. Il paraît qu’au B un type a été égorgé.
- Mort ?
- Non. Il a été évacué. Ils ont aussi fait une descente dans une cellule, ils ont démoli le mec, ils lui ont cassé les deux bras. Ça devient sérieux.
Je livre mes maigres provisions dans la cellule des instits. Devant la porte du directeur, un petit Arabe, très gentil en temps normal, monte la garde, équipé d’une barre de fer plus grande que lui, une boîte de bière à la main, totalement schlass.
- Tu es devenu gardien de la révolution ? lui dis-je.
- Avec moi, personne ne passe ! Si quelqu’un essaye, je le fracasse ! Mais, s’il faut exécuter un otage, pas de problème, je m’en occupe !
Il parle très fort ; si les otages aux alentours entendent, ils doivent se sentir mal à l’aise !
Je rends visite au Palestinien de notre étage. Avec lui se trouvent Abdallah, un Arménien de l’ASALA [17], un Iranien, plus un ou deux sympathisants indéfinis.
- Qu’est-ce que tu viens faire ici, sioniste, me menace l’Arménien, un joyeux drille.
- Je suis en mission pour le Mossad [18].
Je reste quelque temps avec eux, leur donne les dernières informations, et les suppositions des journalistes à propos d’Abdallah, ce qui lui fait hausser les épaules. Il semble vacciné contre les commentaires des médias. En ressortant, j’entame la conversation avec des types qui veillent devant la cellule d’un otage. Quelqu’un me donne un joint.
- Tu veux pas nous remplacer dix minutes ? me demande l’un d’eux, qu’on puisse aller voir ce qui se passe.
- OK.
Je m’assieds sur une chaise, devant la porte. Robert passe dans le coin :
- Tu montes la garde ? dit-il.
- Ça y est. Me voilà gardien de la révolution.
- Tu n’as pas d’arme ?
Ben non. Je décroche l’extincteur du couloir : si des excités se pointent, une giclée de neige carbonique dans les carreaux et la bouteille sur le teston ! Mais je ne sens l’imminence d’aucun assaut. Ici, tout demeure calme.
Robert reste avec moi. On commence à avoir les crocs. Je me souviens d’un morceau de pain, dans ma cellule. Je vais le chercher, prenant une couverture au passage. On la met par terre, on s’installe dessus, grignotant notre croûton. Dans le couloir, les seules lueurs sont celles des incendies. Sur ce fond rougeâtre, à travers la fumée, on voit passer des silhouettes, même plus des hommes, des ombres armées. Vu du ras du sol, avec le hasch en plus : hallucinant.
- On m’avait raconté la révolte de Clairvaux en 1974, dit Robert. Des bandes de mecs se baladaient avec des couteaux, des haches... C’est exactement ça, tout à fait.
- Tu te rends compte, dis-je, si une éducatrice avait été là au moment où c’est parti...
- Là, personne n’aurait pu retenir les mecs, surtout dans l’état où ils sont...
Le toit du bâtiment est vitré – des vitres protégées par des grilles. Je vois une boule de feu monter dans le ciel, à vingt ou trente mètres de haut.
- T’as vu ? dis-je. Qu’est-ce que c’est ?
- Quoi ?
- T’as pas vu ?
Tourné du mauvais côté, il n’a rien remarqué. On se dépêche vers l’autre bout de l’étage. Le feu, en voie d’extinction, vient de se régénérer. Et de quelle façon ! Un commando est retourné aux ateliers. Le premier incendie n’avait finalement pas atteint la peinture. Ils avaient réparé ça. Bonjour l’explosion ! L’odeur de la fumée devient de pire en pire. Cette prison qui flambait dans la nuit, c’était un spectacle fabuleux. Mais sans doute fallait-il être prisonnier pour l’apprécier vraiment. L’art nécessite une initiation, et l’on ne ressent complètement la beauté de la révolte qu’après avoir connu l’oppression. On part à la recherche d’Aldo, Léonard et les autres. Si la situation se dénoue, mieux vaut être ensemble pour l’évacuation : ça nous donnera une chance d’être transférés au même endroit. Tout le monde retrouvé, retour au C-3I. Dans les couloirs, l’angoisse grandit. Les mecs se croisent avec de plus en plus d’appréhension. Quelqu’un a failli se faire planter dans les escaliers, sans raison ; il a évité un coup de lame de justesse. Son agresseur a disparu dans l’ombre et la fumée, sans qu’il ait pu l’identifier.
En arrivant à l’unité, on tombe sur un FLNC :
- Où sont passés les gardes ? demande-t-il.
- Je sais pas.
J’avais un peu négligé mes devoirs.
- Faut pas déconner, dit-il. Je suis revenu ici, y avait plus personne, pas un seul garde. C’est grave, putain ! Vous vous rendez compte, si une bande de barjots était montée ?
Ben oui : heureusement, le C-3I demeure terre d’asile, où nul ne vient porter le fer et le feu. Trois heures du mat’. La fatigue gagne. Je décide de stopper le shit, sinon je vais m’endormir. On se chauffe des cafés super serrés.
Les projecteurs sont démolis, les cours de promenade plongées dans le noir. Les « gardes » disparus pioncent dans les cellules voisines ; allongés pour prendre une minute de repos, ils se sont endormis. Aldo en découvre deux dans son lit. Réprimandés, certains installent des matelas dans le couloir, devant les portes à surveiller, et se couchent là. On nous informe que la douche fonctionne, bien chaude. Plusieurs amateurs en profitent. L’un des négociateurs souhaite prendre du repos :
- Noël, demande-t-il à l’un de ses amis, monte la garde devant la porte. Je vais dormir un peu.
- Monter la garde ? Et pourquoi ?
- On sait jamais.
- T’es fada. Qui veux-tu qui vienne ?
- On sait jamais ! Monte la garde, enfin ! Tu t’assieds devant la porte, c’est tout.
Il finit par accepter. Mais, au bout de cinq minutes, l’autre réapparaît.
- Je suis trop énervé, j’arrive pas à dormir.
Je lui offre un café, histoire de le calmer. Aux dernières nouvelles, deux ou trois blessés, accidentés ou comptes réglés, ont été évacués. Deux types, qui transportaient l’un de ces blessés, ont profité de l’occase pour se rendre aux forces de l’ordre. Maudits soient-ils. Dans le couloir traînent encore des boîtes de bière pleines. Question nourriture, c’est déjà la pénurie, mais on aurait facilement pu passer une semaine sans décuiter. Un négociateur se pointe avec des informations. Il rassemble tous les mecs présents dans le couloir :
- Bon, dit-il. Voilà ce qui se passe. Oh ! crie-t-il pour dominer le brouhaha. Écoutez, merde !
Les bavardages s’éteignent.
- Y a pas moyen d’avoir FR 3. En face, ils veulent pas en entendre parler. Mais voilà ce qu’ils proposent : ils sont d’accord pour qu’un journaliste vienne entendre nos revendications, un journaliste de La Nouvelle République. Dès qu’on commence à relâcher les otages, le journaliste pourra entrer.
- Et pour l’évacuation ? demande quelqu’un. Comment ça se passera ?
- Les détenus commenceront à sortir en même temps que les otages. Deux otages, un groupe de détenus, et ainsi de suite, ils garantissent que personne ne nous touchera.
- Ouais, fait un sceptique. C’est ce qu’ils disent.
- Non, ils tiendront parole. Du moment que les otages sont indemnes, il n’y aura pas de violences contre nous. En plus, on a obtenu que des représentants de la presse surveillent l’évacuation. Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
- Ça semble valable.
- Ils veulent pas laisser entrer la télé ? insiste quelqu’un.
- Ils veulent pas en entendre parler. En face, on a des mecs super déterminés. Ils céderont pas. Alors, je pense, c’est pas mal ce qu’ils proposent.
- Non, dit un irréductible. Maintenant qu’on a commencé, il faut aller jusqu’au bout !
Jusqu’au bout ? Où se situe le bout ? Les surveillants dans les cellules voisines, s’ils écoutent, doivent se sentir le gosier sec.
- On a demandé FR 3, continue-t-il, il faut qu’ils laissent rentrer FR 3 ! Il faut aller jusqu’au bout.
Il a des supporters, mais pas la majorité.
- Ma foi, reprend le négociateur. Maintenant c’est à vous de décider, les gars.
- Tout ce qu’on a fait, continue l’intransigeant, il ne faut pas qu’on l’ait fait pour rien. Il faut qu’ils nous donnent ce qu’on veut !
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’énerve un Corse. Tu dis que des conneries. Ils vont nous envoyer les CRS et qu’est-ce que tu vas voir ? Tu vas l’avoir dans le cul, oui ! Si on va trop loin, on sera pas gagnants. Dehors, y a des CRS partout. S’ils voulaient, ils seraient déjà ici. Moi je dis qu’il faut prendre ce qu’ils nous donnent.
- Ouais, approuvent les tièdes.
- Au fond...
- C’est pas une mauvaise idée...
- Finalement, ajoute-t-on, ce qu’on voulait, c’était faire parler de nous. C’est fait.
- Ça, c’est sûr ! On parle de nous dans toute la France.
- Dans toute l’Europe même !
- Peut-être sur toute la planète ? je suggère.
- Et aux environs, renchérit Aldo.
- Bon, alors ? dit le négociateur. On fait comme ça ? On accepte qu’ils envoient un journaliste de La Nouvelle République ?
Chœur d’approbation. Tant pis pour FR 3. Le groupe se disperse. Je reste auprès du négociateur, avec Aldo et quelques autres :
- La presse écrite, lui dis-je, c’est déjà pas mal.
- Ouais. De toute façon, en face, ils céderont pas. Et puis, ajoute-t-il, ça commence à bien faire. Tu comprends, à la radio ils parlent de quatre cents mutins, mais, en réalité, on est une trentaine ici. Tous les autres, ils dorment dans leurs cellules ! Faut pas exagérer, quand même.
Il n’y a pas trois cent soixante-dix mecs au dodo, mais effectivement une bonne partie des émeutiers cuvent leur houblon, au chaud, chez eux.
- Le problème, reprend le négociateur, ça va être pour évacuer les otages.
Pour arriver jusqu’à la grille de la détention, il faut traverser entièrement la prison.
Avec tous les barbares qui rôdent (preuve que tous ne sont pas couchés), ça s’annonce risqué.
- Va falloir les amener un par un, dit-il. En les escortant. Je vois que ça.
L’aube approche, le dénouement aussi. On va faire un tour à la grille de la détention, voir ce qui se passe. Calme intégral. À travers les interstices de la barricade, on voit trente mètres de couloir, vide. Les négociateurs d’en face se tiennent après ce no man’s land. En attendant la suite, on se promène dans la cour. Par acquit de conscience, Louis achève quelques vitres déjà brisées.
- C’est ça, la conscience révolutionnaire, commente Aldo.
La salle « Arts plastiques » du bâtiment B demeure intacte – salle où les détenus font de la peinture, sculpture, etc. Un dernier commando remarque cet oubli : ils démolissent méticuleusement tout ce qu’ils trouvent, en font un ultime brasier. Cours obscures, tout est silencieux, froid.
- Faudrait être ensemble quand l’évacuation commencera, dit Aldo.
L’un d’entre nous a disparu. Avec Robert, on passe le chercher. On le découvre dans son lit, dormant du sommeil du juste.
- Putain, râle-t-il en se levant. Vous faites chier.
- C’est la révolution, dis-je, et toi tu dors... De retour avec les autres, on s’aperçoit qu’il en manque encore deux. Je repars, avec Louis cette fois-ci. Les deux en question montent la garde devant la cellule d’un surveillant. Ils préfèrent rester là jusqu’à la fin. On s’en retourne sans eux. Le ciel pâlit. Un petit vent frais souffle. On s’abrite dans le couloir, près de la sortie. On se gèle.
- Viens, on marche, me dit Aldo. Ça réchauffe.
- D’accord, mais pas trop vite.
Cette nuit, j’en ai parcouru des kilomètres... Mes jambes fatiguent. Le couloir est envahi de fumée. Les tôles du faux plafond, fracassées, jonchent le sol. Les négociations s’achèvent.
- C’est bon, dit un Corse aux autres révolutionnaires. Allez chercher les deux instits.
Quelques détenus approchent de la grille.
- Reculez ! crie un garde. Personne ne sort pour l’instant ! Compris ? Personne ne sort !
Où serons-nous dans quelques heures ? Sans doute à Fresnes [19]. Comme quatre étoiles, on fait mieux... Un vacarme de tous les enfers arrive du bout du couloir : une troupe marche sur les tôles et crie de rage. Le grand Black émerge de la fumée, une massue à la main, le diable noir des légendes carcérales ; une quinzaine de révoltés suivent, mal rasés, œil farouche ; ils entourent les instits, qui ont les mains posées sur les épaules des types qui les précèdent, comme les boxeurs vont du vestiaire au ring. Dans la faible lumière de l’aube, au milieu du brouillard, du bruit des tôles piétinées, c’est l’image de la révolte humaine qui passe, sauvage et désespérée.
- Dégagez ! Laissez passer !
Tout le monde s’écarte. Le groupe atteint la grille. Les instits relâchés, l’escorte retourne vers le C, chercher deux surveillants. L’évacuation des taulards ne débute pas. Le deuxième convoi arrive, aussi remarquable que le premier. Les détenus devinant la fin proche, sortent de leur tanière, viennent près de la sortie.
- Qui c’est le suivant ? demande un escorteur.
- Pamplemousse. Comme ça ce sera fait. Là, ça risque d’être chaud. Si personne n’avait rien contre les précédents libérés, beaucoup rêvent de découper celui-là en rondelles. Ils partent le chercher.
- Patrick, me dit l’un d’eux. Viens avec nous.
Je les accompagne. Le jour se lève.
Dans le couloir du C-3I : des matelas, des chaises, des couvertures. Ici, toutes les cellules demeurent absolument intactes. Les autres unités ne peuvent pas en dire autant.
Le surveillant, un gros joufflu, est amené dans le couloir. Le convoi se forme, le grand Noir toujours en tête, l’otage bien entouré. Les couloirs, les escaliers, la cour de promenade, tout est désert. Tout le monde se rassemble autour de la grille de la détention. Durant le trajet, le surveillant, plus grand que son convoyeur, garde les yeux rivés au dos du grand Noir, le regard hagard. On rallie la sortie sans problème, pas même une manifestation d’hostilité. Les premiers détenus ont commencé d’évacuer. Je constate que mes comparses, Aldo, Robert et compagnie, ne sont plus dans le coin. Se peut-il qu’ils se soient barrés sans moi ? Je me renseigne ; personne ne sait où ils sont passés. Ils ne seraient pas partis sans m’attendre, me dis-je. Ils doivent se trouver dans le secteur. Je passe dans la cour du B. Personne. Pas un chat non plus dans celle du C. Ils ne sont certainement pas remontés dans un bâtiment. Je retourne près de la grille.
- Je crois que Robert est sorti, me dit-on.
Cruelle évidence : on m’a lâchement abandonné. Est-ce que je peux encore les rattraper ? Je passe la grille. Un Corse qui se trouve dans le no man’s land me demande si les transferts se déroulent bien.
- Impeccable, dis-je. Même pas une insulte, rien.
Mais, les prochains allaient devenir houleux. Le nombre des types aux abords de la grille augmente sans cesse ; l’ambiance devient hostile. Dès le convoi suivant, cris et injures. En voyant arriver le grand Black, ça s’écarte ; mais derrière, le flot agressif se resserre dangereusement. Le directeur est amené en dernier ; y a du lynchage dans l’air : des excités se tiennent tout au long du couloir ; ils l’insultent au passage, suivent en masse compacte. Ça compresse de tous les côtés. Il faudrait une quinzaine de grands Blacks... Les autres convoyeurs ont du mal à contenir la cohue. Un directeur, l’incarnation du système haï... Ah ! se venger sur lui de toutes ces années de taule ! Bien droit au départ du C-3I, il se tasse à mesure que la sortie approche ; à l’arrivée, il a perdu trente centimètres, facile. La grille est presque atteinte ; un petit Arabe se met à remonter la foule, très vite, avec une technique remarquable – tout un art dans la manière de jouer des coudes. Il arrive juste derrière le directeur, lève le poing pour le frapper. S’il le touche, plus possible d’empêcher le massacre, la curée assurée. L’escorteur, qui se trouve derrière, pige la menace ; il pousse le directeur et tous ceux qui sont devant, forçant l’ensemble à accélérer. Surpris, l’agresseur est distancé d’un mètre ou deux. Il revient aussitôt à la charge, mais trop tard : le convoi passe l’étranglement de la porte. La foule reste coincée sur les côtés. Le directeur est relâché. Durant toute la nuit, il n’a pas montré son inquiétude, mais là, il pousse un soupir de soulagement nettement audible.
Les trente ou quarante premiers détenus à quitter la détention avaient été embarqués dans des cars, transférés sur Fresnes et Fleury [20]. J’avais raté le coche. En sortant, nous sommes fouillés trois fois de suite, enchaînés deux par deux, par la cheville ou le poignet. Un surveillant me dit quelque chose :
- T’as fumé ? comprends-je.
Les joints de la nuit se voient-ils à ce point ?
- Fumé de quoi ? demandai-je.
Étonné, il répète sa question.
- Y a de la fumée ?
Décidément, je fatigue.
- Oui, dis-je, y en a partout.
Après le greffe, on nous dirige entre les murs d’enceinte. Cet endroit, près de l’entrée, forme un vaste espace avec de belles pelouses vertes. Des cohortes de gendarmes mobiles nous attendent, casqués, fusil ou matraque à la main. Des maîtres-chiens complètent le tableau, avec leurs bergers allemands. On nous fait asseoir les uns à côté des autres, pour former de grands cercles de soixante détenus, cernés par d’autres cercles de gardes mobiles.
- Vos gueules ! dit un flic chef à deux types qui discutaient. Si vous la fermez pas, on va vous faire taire !
Les forces de l’ordre paraissent frustrées de ne pas nous taper dessus. L’évacuation s’effectue lentement. Il pleut. Dans l’herbe, on a le cul et les pieds au frais. Je suis tellement las que ça me gêne à peine.
- Qu’est-ce qu’ils attendent ? dit mon voisin au bout d’une demi-heure. Ils le commencent ce massacre ? Il parle sérieusement.
- Ils nous toucheront pas, dis-je. Sinon, ce serait déjà fait.
Il n’est pas convaincu. Beaucoup pensent comme lui. Plus tard, ils reprirent du poil de la bête et commencèrent à s’engueuler avec les flics leur donnant un bon prétexte pour s’énerver. Sans les journalistes qui assistaient à l’évacuation, sûr qu’on aurait dégusté. À la pluie s’ajouta le vent, méchamment glacé. Ça me réveilla un peu. Trois hélicoptères tombèrent du ciel, comme des bombes, se posèrent entre les murs d’enceinte, hors de notre vue. Quelques minutes plus tard, deux redécollaient, embarquant Abdallah vers une autre prison.
Au bout de deux heures, plusieurs détenus avaient la vessie près d’exploser – avec toute la bière absorbée...
- On peut aller pisser ? demanda l’un.
- Rien du tout, dit le flic chef.
- Comment on fait alors ?
- Pissez-vous dessus.
- Fallait pas mettre la merde, ajouta l’un de ses collègues.
On remarqua que dans les autres cercles, les types pouvaient aller se soulager, deux par deux. Le flic qui supervisait notre cercle était un enculé de choix. Je l’avais juste en face de moi ; une vraie caricature de Cabu [21].
- Il fait le mariole, dit un détenu, mais chez lui il se fait emplâtrer par sa femme.
- Sa femme ? fit un autre. Son homme, tu veux dire.
- Attends un peu, répliqua l’affreux. Je vais te lâcher le chien sur la gueule...
Tu parles... Chaque fois qu’il passait près d’un des chiens, il manquait de se faire mordre ; les animaux reniflaient la crapule. De l’autre côté du cercle, un copain appelé Philippe se leva :
- Ça va pas, ça. Laissez-nous aller pisser.
Refus des flics.
- Que vous vouliez ou pas j’y vais.
- Qu’est-ce que vous cherchez ? fit le garde mobile le plus proche de lui. Vous voulez prendre des coups ?
- Personne veut prendre de coups. Mais faut pas déconner. Dans les autres cercles, ils s’arrangent. Je vois pas pourquoi vous nous empêchez.
- On n’a pas d’ordres.
- Pas d’ordres ? Qui c’est le chef ici ? Allez chercher un gradé s’il faut des ordres !
- Ça va, dit le flic après une hésitation, allez-y.
En voyant Philippe et son compagnon de chaîne se diriger vers le mur, l’ignoble rugit :
- Hé là ! Où vous allez ?
- On va pisser.
- On pisse pas ! Retournez vous asseoir, en vitesse.
- Oh ! faudrait savoir ! Votre collègue vient de nous autoriser.
Le collègue s’approcha du cerbère. Il lui parla à voix basse, mais j’étais assez près pour entendre :
- Faut pas exagérer quand même. On n’est pas des nazis.
- Ah, d’accord, fit l’autre, ricanant d’un air con. Des nazis...
Il le regarda s’éloigner l’œil haineux.
On resta quatre heures assis ainsi. Des troupes de flics effectuaient des manœuvres absconses. Des militaires se promenaient partout – ils avaient même envoyé l’armée...
Quelques détenus restaient planqués dans la centrale – probablement des types qui s’étaient cachés au début de l’émeute par crainte d’un règlement de comptes. Toujours la pluie, le vent... L’armée vint installer de grandes tentes, pour nous abriter. Mais une fois en place, on se garda de nous y faire rentrer : les flics n’avaient pas d’ordres. L’un des Corses du FLNC s’énerva. Le groupe où il se trouvait était loin de nous, mais il avait une voix puissante :
- Qu’est-ce que c’est que ce bordel ! Vous nous prenez pour des cons ? Pas d’ordres ? Eh bien, allez en chercher, des ordres ! Où sont vos supérieurs ? Appelez-moi un responsable.
Deux minutes après, on était sous les tentes. L’entrée en restait largement ouverte, avec trois gardes mobiles en faction, PM [22] au poing, prêts à rafaler. Leur équipement ne les avantageait guère ; même les plus normaux ressemblaient à des mongoliens.
- C’est pas croyable, dis-je, ils les sélectionnent...
Certains valaient le coup d’œil. Un vrai spectacle... On se marrait comme des bossus. Il y eut une relève. Les nouveaux étaient jeunes, vingt ans au plus. L’un d’eux nous fixait, souriant en permanence d’un air narquois.
- Quel âge il doit avoir ce mec ? dis-je.
- Je ne sais pas... T’y appuies sur le nez, il sort du lait.
- En tout cas, il est girond, notai-je. Un petit CRS comme ça, ça doit être bon à enculer.
- T’es fou ? Sûr et certain qu’il a le sida !
Les tentes protégeaient du vent, mais la température restait glaciale. De plus, trempés et crevés comme on était... Un copain m’offrit un joint, échappé sans problème à la fouille de la sortie. C’était le dernier avant longtemps. Ça me réchauffa les artères. Certains d’entre nous pensaient rester à Saint-Maur.
- Et comment ils feraient ? objectèrent les plus lucides. Y a plus de cuisines, plus rien. Les cellules sont bousillées. Non, on va tous partir.
En définitive, une cinquantaine de détenus devaient rester sur place, nourris pendant vingt jours avec des rations de l’armée.
- Au fait, demanda quelqu’un, c’était quoi les revendications ?
Personne ou presque n’en savait rien. À vous écœurer de la révolution...
Vers 16 heures, l’évacuation finale commença. Les ex-pensionnaires du C-3I furent appelés en priorité. Selon la coutume, on nous enchaîna deux par deux, chevilles et poignets. Je me retrouvai attaché avec le grand Black.
En route pour de nouvelles aventures.

IV
Fleury brûle-t-il ?
Brève relation de l’émeute de Fleury-Mérogis,
le 14 juillet 1987, vue de l’intérieur puis du haut des toits

La garde serrée sur l’enjeu du combat, l’espace
doit être conquis à force de vitesse, l’affirmation
sensible doit assumer le rythme des techniques
meurtrières qui enserrent ses figures.

BOB NADOULEK

Ca faisait bien deux semaines qu’on le sentait arriver. Oh, rien à voir avec une quelconque conjonction néfaste des planètes dans l’espace infini. Un peu comme si le Taureau se pointait chez les Gémeaux sans carton d’invité et se mettait à vider les bouteilles les unes après les autres, sous le nez et à la queue du Scorpion planté là, devant la porte d’entrée. Même qu’au dernier vernissage la bête s’en était prise sans aucune retenue aux dessous de Vénus pour faire diversion et était finalement repartie avec l’argenterie.
Pas de lien en apparence non plus entre la course du Soleil et une émeute de taulards. Sauf si certains gratte-papiers besogneux et un peu branlants du manche préfèrent en appeler à la chaleur ou à la sous-culture ambiante pour expliquer les sautes d’humeur des bagnards : sésame, ouvre-toi ! Et de nous la rejouer à la Albert Londres [23], un ton en dessous, avec des minauderies de vierges effarouchées par la simple vision du slip du diable. Ah ! de temps en temps, il faut bien s’abaisser sur l’animal carcéral, en s’excusant presque de se vautrer dans la fange ! Mais bon, les vieilles locos un peu poussiéreuses qui s’arrêtent à quai toujours à la bourre, les recalés des premières places, ça continue d’intéresser les historiens du quotidien, les moitiés de sociologues pour chiottes de gare. Et ça fait vendre du papier ! Heureusement que la raison doit rester dans le camp de la justice, tout pour la matraque et la matonnerie. Reste l’os à ronger pour les bêtes en cage.
Pourtant, aujourd’hui, c’est aux noirs d’avancer les premiers. Mais après combien de longues journées de prison à se jauger dans les coins sombres, à traquer les balances, à se refiler des papiers qui brûlent les doigts, à chercher les arguments pour motiver les névrosés de l’entente cordiale, les obsédés du consensus de faible intensité ou les grandes frileuses, les mous du genou. Ceux de la pax romana et du chacun chez soi.
De toute façon, il est déjà trop tard pour eux. Le baromètre est monté trop haut. Et puis maintenant l’honneur est en jeu. Les esprits s’aiguisent à la moindre friction. Des bagarres éclatent plus souvent que d’habitude dans cette putain d’usine à liquéfier les esprits. Les petits groupes spontanés deviennent de plus en plus gros, les cours de promenade se transforment en forums de discussion improvisés. Une fièvre inhabituelle triture toutes ces cervelles congelées par plusieurs mois, voire plusieurs années, de frigo. Reste à trouver le bon moment pour faire jaillir l’étincelle, activer le feu qui couve depuis trop longtemps. Fallait pas risquer d’allumer un pétard foireux pour se brûler la gueule en s’y prenant trop tôt, ou trop tard, la fleur au fusil, en pariant par exemple sur la dynamique de groupe. De toute façon, au point où on en était, autant crever en relevant la tête. Ça oui, ça promettait d’être un beau jour pour mourir !
En attendant, on refaisait juste le monde, vite fait, entre deux tranches de pain rassis, dans les dédales des coursives, à l’ombre des miradors. Sans vraiment penser à la suite. Et même si on sentait qu’une chaleur rassurante montait autour de nous, les poings crispés sur le chaos programmé avec soin bien en avance, on restait plus longtemps que d’habitude le front collé à la glace à essayer de déchiffrer les signes avant-coureurs d’un mauvais calcul. L’angoisse de l’éternel perdant avant même d’avoir livré combat. Une gueule de voleur amochée, après tout, qu’est-ce que ça fait de plus ou de moins dans le grand décompte macabre ? Bon, on ne peut pas dire que c’était vraiment de la peur. Ça, non, on ne peut pas le dire. C’est vrai, la partie risque d’être disputée. Même que certains pourront rester les yeux collés au ciel, comme le Dormeur du val [24], poinçonnés par la maréchaussée. Tous les coups sont permis et même vivement recommandés. Remboursement au centuple en cas d’insatisfaction, en insistant bien sur les parties molles : telle est la devise de la maison. Faut bien que les fusils automatiques servent le jour d’ouverture de la chasse aux canards. Tout ça pour dire que, de temps en temps, choisir c’est exister, comme l’affirme le grand Jean-Paul, grand chamane de l’existentiel [25].
Chaque matin, j’affronte cette fenêtre ouverte sur un paysage de barbelés et de barreaux tellement épais qu’ils me mangent la lumière du jour. Et ces murs, ces putains de murs dévorant l’espace jusqu’à l’étouffement, jusqu’aux limites du dicible. Cette porte borgne qui rigole quand elle te lorgne. Aveugle de l’intérieur, voyeuse impudique du côté couloir. Un terreau fertile pour toutes les paranos qui virent aussitôt à l’obsession. Le remède : un bon direct dans le mur, pleine puissance, jusqu’à ce que les phalanges saignent sous les coups. Que ça sorte, que ça pète ! Avoir mal quoi, se donner l’impression d’exister. Évacuer le trop-plein de non-dits dans une sorte de jouissance masochiste, histoire de trahir cette aptitude de façade à la soumission. Tellement marre de cette langueur silencieuse entretenue par des règles absurdes, de ces interdits d’opérette qui nous réduisent à une expression simplifiée de l’être. On a brûlé d’autres temples pour moins que ça ! Ah ! retrouver ces moments de convivialité célébrés sur les ruines fumantes du vieux monde ! Ne manque plus que les allumettes.
Des jours et des jours que ça se bouscule, que ça s’agite dans les coursives et pendant les parloirs. Déjà parce que la fierté, au placard, c’est une question de principe, même si t’es le dernier des derniers, la grosse bête à poils qu’il vaut mieux pas croiser au coin du bois un soir d’hiver. Au moins, on ne se sera pas déplacés pour rien, on n’aura pas goûté du cellulaire juste par habitude. Souvent la sauce était montée par réflexe, sous l’usure des coups et des humiliations. Ce coup-ci, on allait leur faire bouffer leurs putains de matraques. Rien que dans la cour de promenade, des concentrés de rage prêts à exploser, on en trouve plus que nulle part ailleurs.
Je me rappelle bien d’un petit gabarit taillé dans la masse, aussi noueux qu’un modèle pour catalogue de musculature, les bras sculptés par plusieurs années passées à l’ombre. Il donnait l’impression d’avoir appris à marcher sur un tonneau de cent litres, une impression qui était à l’origine de pas mal de ses problèmes : il ne supportait pas la moindre allusion à cette déformation.
D’ailleurs, on ne pouvait pas le manquer avec tous ses tatouages, particulièrement à cause du cylindre de Norton [26] tatoué sur le dos où étaient même indiqués les détails des chromes lustrés : un vrai bijou d’art mécanique. Lui, il n’avait pas supporté d’être assimilé par un maton à un résidu de fausse couche. D’où ce coup de tête appliqué avec savoir-faire sur le nez de l’insulteur gradé. Coup de boule qui restera dans les annales, sanctionné par un K-O. à la première seconde du premier round, sans comptage de l’arbitre. Du travail d’orfèvre qui a laissé quelques traces rougeâtres sur le carrelage et des myriades d’éclaboussures collées au mur où l’on pouvait facilement reconnaître des petits morceaux plus durs. Une victoire sans éclat puisqu’il avait été appelé à méditer sur sa force de frappe pendant quarante-cinq jours au trou. Mitard où il était d’ailleurs arrivé à l’horizontale, sans toucher terre ni sans vraiment savoir comment il était arrivé jusque-là : resté trop de temps dans le coma. Et puis, quand on perd trois dents dans l’histoire et qu’on se retrouve avec trois côtes éclatées, et ne parlons pas du reste, on ne cherche pas trop à entrer dans les détails. C’est à ce prix que l’enquête pour « coups et blessures contre un membre de l’administration pénitentiaire ayant entraîné une incapacité de travail de plus d’une semaine » a été abandonnée. La sérénité de la justice exige une certaine prise de distance avec les faits, sans déconner.
Derrière sa double grille de fer forgé, il pouvait enfin jouir en toute tranquillité de ce silence quasi chirurgical. Protégé de la lumière du soleil dans une cellule entièrement moulée de béton, une sorte de parenthèse de vie où le moindre bruit se transforme en de vagues échos sinusoïdaux. La gamelle pour chien en plastique glissée deux fois par jour en équilibre au-dessus des chiottes avec le dessert qui surnage entre le bouillon aux choux et la salade aux limaces. Aussi vulnérable qu’un lapin jeté au milieu d’une meute affamée pendant une semaine. Et si, par charité chrétienne, tu n’avais pas eu droit à la visite de trois ou quatre crabes bourrés de pastis jusqu’aux oreilles, ou si on t’avait épargné les réveils toniques à la lacrymo ou au jet d’eau... tu pouvais toujours envisager de t’arrêter là, dans ces moments de calme insupportables, comme s’il s’agissait d’un choix incontournable, obligatoire. Un vieux morceau de drap pour en finir une bonne fois pour toutes avec cet enfer. Surtout quand on a pris la mauvaise habitude de répondre aux coups gratuits. Ou quand on rechigne à chaque aller et retour entre quartier disciplinaire et centre médico-psychologique : thérapie de choc pour cas désespéré.
Je me souviens aussi assez bien de ce modèle qui ne dépareillerait pas sur la première page de Vogue Toujours rasé de frais, sapé comme pour aller à un hypothétique entretien d’embauche à moins que ça ne soit pour aller tripoter la gueuse. Malheureusement, il ratait presque tout à chaque retour dans son ghetto de Dope-sur-Zone, pas très loin en banlieue. Entre ses plongeons en apnée dans la poudre et ses descentes explosives sur la capitale dignes de figurer dans le livre des records des voleurs à la tire. Des glissades qui se terminaient par un droit d’entrée en cage délivré gracieusement de plus en plus fréquemment. Oh, bien sûr, il n’avait rien du guerrier urbain des temps modernes, ni de l’Indien métropolitain représentant de la nouvelle androgynie sociale et combattante. Il faut même avouer que, quand ça chauffait un peu, il y avait toujours un coin sombre pour l’abriter. Manque de confiance dans la puissance dissuasive de sa carrure plutôt bâtie sur le modèle Slim Fast. Pourtant, il se doutait bien un peu de ce qu’il avait perdu depuis que la mangeuse d’hommes avait entamé les parties nobles de sa volonté, année après année. Envolés en fumée ses plus beaux projets d’arnaques qui devaient rapporter le Pérou. Une impasse, voilà sur quoi il allait déboucher en mettant le pied dehors. Retour forcé dans une famille branlante, raccommodée par nécessité plus que par réelle affection. Noyée dans le marais du quotidien dans cette putain de cité morose, entre les embrouilles avec tous ces connards de voisins et les provos des lardus [27] new-look, à l’américaine, sportifs à mort, complètement blindés aux amphètes et à la coke. Et tous ces potes d’un soir qui te promettent une amitié éternelle dans les vapeurs d’alcool ou pour un demi-gramme de brown. Alors, quoi de plus à gagner, hein ?
En tout cas, pas grand chose à perdre. Alors qu’aujourd’hui sonne l’heure de la revanche. Il allait rendre les coups. Même ceux qu’on ne lui a pas encore donnés. Pour ne pas crever dans la peau d’un vaincu, comme son père, nulle part chez lui, immigré partout. Le futur, le passé : tout oublier !
En général, quand le maître s’aperçoit que la forteresse des forteresses va céder dans la tourmente, il est déjà trop tard. C’est avant qu’il fallait être capable de mesurer ce lent travail de sape commencé depuis tellement de temps. C’est avant qu’il fallait s’apercevoir qu’un vent de révolte enflait dans le labyrinthe de cette architecture concentrationnaire. Cette mécanique inexorable de la destruction qui avance sûrement, sans pouvoir s’arrêter. Plaisir de détruire comme prétexte à la reconquête des espaces interdits pour mieux gripper le grand broyeur de la machine sociale.
L’après-midi court sur sa fin. La promenade s’étire en longueur, écrasée par la chaleur. Juré, promis : c’est aujourd’hui ou jamais. Et pourtant il y a comme un vague flottement dans l’air, une hésitation de dernière minute. Le relent d’angoisse du coureur de marathon avant le départ. Derrière le mur adossé à la promenade voisine, on entend une espèce de brume sonore qui monte en sursauts. Un murmure sourd enfle et se mêle aux vociférations des haut-parleurs devenus brutalement hystériques.
Y aurait-il du tangage dans les marges ? Le grondement s’affirme, devient plus compact, plus proche, pour finalement éclater en une clameur formidable. Quelque chose ressemblant plus à un cri animal. Soudain, c’est la ruée. Une première porte a cédé. Derrière le grillage, des hordes hurlantes s’en prennent dans un même élan au dernier obstacle qui nous sépare. Il n’y a plus qu’un seul rugissement qui s’échappe de cent gorges : « Un, deux... Han... » Cent bras tendus en un même effort à la limite de la rupture : « Quatre, cinq... » Les deux battants explosent sous la poussée. L’arène est livrée aux fauves. Les matons se précipitent sur les portes d’accès à la cour et les verrouillent encore plus vite que d’habitude : la peur a changé de camp. Il suffit d’ouvrir les grandes portes donnant sur le chemin de ronde intérieur pour avoir accès à toutes les autres divisions rayonnant comme les branches d’une étoile. D’abord essayer de retrouver les clés piquées aux matons pour redonner la liberté aux six mille recalés du système qui attendent dans leurs cellules, chauffés à blanc.
Chacun essaie de s’organiser, de donner du sens à ce retour en pleine lumière, ébloui et suffoqué en même temps par ce trop-plein de liberté tombé du ciel. Profitant de ce léger moment de flottement, deux fous du roi avancent en diagonale comme sur des œufs. Ils en appellent timidement à la raison sans vraiment être convaincus de leur efficacité. Deux magnifiques crabes, des trois-barrettes qui hésitent à mettre le pied hors du court-bouillon. Ils devraient pourtant se rendre compte qu’il y a des moments où le prestige de l’uniforme ne vaut plus grand-chose. Et, en plus, est-ce que personne n’a jamais prétendu que les héros du peuple devaient avoir une gueule de chien de garde ? D’ailleurs, il ne leur faut pas trop de temps pour comprendre qu’ils ne font pas le poids face à la déferlante : l’instinct de survie a pris le pas sur la fonction. Les maîtres du jeu abandonnent la partie. Pour le moment. Les haut-parleurs s’obstinent encore à cracher leurs ordres devenus périmés : « Réintégrez vos cellules tout de suite... Vous avez cinq minutes pour remonter. »
Dans la cour, il ne reste plus qu’une erreur de la nature en uniforme, croisement improbable entre une armoire comtoise et un ours des Carpates. Un produit de l’inconscience connu autant pour sa grande gueule que pour son direct du droit. Adossé à la porte d’entrée, il essaie de saisir les hésitants qui passent à portée de griffes. Un vrai poète ! Pas longtemps parce qu’il doit bientôt éprouver la dureté des barres de fer récupérées sur le bâtiment. Les premiers coups ne donnent l’impression que de le caresser. Un bruit mat étouffé par ses chairs molles accompagne le martèlement de l’acier. Les bras s’abattent avec une régularité effrayante sur les jambes, le ventre, remontent jusqu’à la tête. Les visages s’allument de rictus haineux. Jusqu’à ce que le monstre mette un genou à terre. Puis l’autre. Il finit par embrasser le goudron chauffé à blanc. Une flaque de sang épouse les contours de son corps. Il ne bouge plus. Deux détonations résonnent dans la cohue. Un nuage métallique monte autour du groupe de vengeurs masqués. Toussant, crachant, la cavalerie profite de la confusion pour traîner par le col ce qui reste de leur collègue. Avant que la porte ne se referme, une grenade lacrymo retourne à l’envoyeur. À l’intérieur, l’air se charge de touffeurs acides, l’atmosphère devient irrespirable. C’est le signal du grand départ, de la fuite honteuse.
Devenu zone interdite, le bâtiment est vidé de la clique matonne. Partis en emportant les clés. Les haut-parleurs se sont définitivement enroués.
Qu’étaient donc devenus ces beaux discours sur la contrition, sur la pénitence, sur la dette sociale à payer en échange d’une hypothétique réinsertion ? Jour de deuil pour les archanges de la paix sociale. Les cavaliers de l’Apocalypse sont projetés dans l’arène. Aujourd’hui, la forteresse s’écroule sur sa base, le Code pénal entre les jambes. Aujourd’hui, les proscrits relèvent la tête, pointent leurs doigts vengeurs vers le ciel en insultant tous les flics, tous les juges et tous les matons de la Création. Il n’y a plus qu’un seul muscle qui palpite, plus qu’une seule force aiguillonnée par une volonté insondable. Devant nous, des portes éventrées, des barbelés en berne, plus de grilles et de compartiments en béton étanches. Plus loin, on aperçoit les ateliers, derniers obstacles à des espaces sans limites. Derrière, le vent de la liberté qui souffle autrement que dans les vers des poètes.
Des groupes spontanés se forment. Il y a ceux qui préfèrent s’engager sur le chemin de ronde intérieur pour aller chercher du renfort dans les autres bâtiments. L’émeute doit embraser toute la prison avant que l’incendie ne meure sur lui-même faute de pyromanes. Les autres s’attaquent aux ateliers pour y récupérer des munitions en tout genre : quelque chose à brûler, du matériel à barricades, du dur et du contondant pour assurer les arrières... Encore mieux qu’à la Samaritaine : des bidons d’alcool à brûler de cinquante litres, des bouteilles de soudure oxygène propane, du butane, du vrai. Enfin quoi, tout ce qui possède un pouvoir détonnant intéressant.
Le pillage commence à prendre sacrément de la gueule. Les gentils organisateurs les plus dynamiques n’attendent personne pour mener leur œuvre de démontage systématique. Les entrepôts de mécanique et les stocks de l’entretien sont évalués rapidement et détournés de leur utilisation pour servir à l’émeute. Les touristes de passage sont impitoyablement balayés par l’ouragan. Plus le temps de réfléchir : il faut se mettre sous les vents portants. À l’écart, les renégats et les hésitants sont châtiés de leur indécision. Un barrage préventif d’un manipule de rugbymen empêche toute tentative de remontée dans les coursives.
Dans la cour s’empile un bric-à-brac de chantier. Des chicanes émergent un peu partout, surtout sur les accès réservés aux renforts. Les stocks de linge servent à allumer des feux de la Saint-Jean un peu partout. Des morceaux d’échafaudages, du bois, des outils... Tout ça flambe joyeusement au milieu de la pièce. Dans le hangar, un nuage de gaz compact s’accouple aux vapeurs touffues du plastique brûlé. Deux bonbonnes d’oxygène poussées contre le mur extérieur se vident en sifflant à côté de bouteilles de gaz jetées en tas. À force de se frotter les unes contre les autres comme des molécules d’uranium 232, le gaz entre dans la farandole des flammes et risque bien de satelliser tout ce qui se trouve à cent mètres à la ronde. Mur d’enceinte compris. La cerise sur le gâteau de l’esthétique carcérale. Et plus besoin de jouer à saute-barbelé ou à accroche-hélico. Les perfectionnistes vont même jusqu’à enfoncer des boudins de tissu enflammés dans les robinets de gaz. L’air est saturé de vapeurs irrespirables qui brûlent les poumons. En un instant tout le monde se retrouve à l’extérieur et observe la danse des flammes à distance respectable. Le hangar recrache de gros jets de fumée en volutes serrées par les ouvertures laissées béantes. Un panache de fumée prenant naissance dans les entrailles des ateliers s’élève tel un doigt vengeur : « C’est ici que se tient la fête ! »
Casser. Détruire. Détruire, oui. Par plaisir autant que par nécessité vitale, comme un afflux brutal de sang à la tête. Manquait la viande à faire griller sur le barbecue. Plus loin, juste à côté du sas d’entrée, un camion pénitentiaire n’en finit pas de brûler, tranquillement, l’arrière complètement enfoncé. Même comme bélier improvisé il ne s’est pas révélé efficace. On aura beau dénoncer la qualité en baisse de la production industrielle, mais une porte de prison c’est du 100 % imputrescible et inoxydable. Un des battants de la porte arrière pend par un gond. Les pneus n’en finissent pas de couler en flaques fumantes. La carcasse d’acier hoquette une dernière fois à l’explosion du réservoir.
Deux déflagrations secouent les ateliers presque en même temps, arrachant des vibrations à tout le bâtiment. Une langue de feu lèche de manière obscène le mur extérieur. Mauvais calcul : les gaz n’ont pas été assez comprimés pour libérer toute leur puissance.
Trop d’espace, trop d’oxygène. En tout cas, pas assez pour ébranler les bases du mur d’enceinte ou pour ouvrir une brèche. L’architecte n’a pas mélangé ses doses de ciment à l’aveuglette. Surtout ne pas croire que l’on peut s’improviser dinamitero à la mexicaine en cinq minutes. C’est un vrai métier, avec ses procédures, ses exigences et ses contraintes physiques.
Le feu redouble d’intensité et commence à dévorer la couronne des ateliers. Juste ce qu’il faut pour danser la Carmagnole [28]. Oubliés les coups sournois, les humiliations distillées jusqu’à l’insupportable. Que sonne le réveil des gueux dans les flammes de l’enfer. Loin de la logique des métreurs de bonne conscience, des moralistes et autres prostitués du droit et de la raison. Je garde mon bâton de dynamite derrière l’oreille, bien au chaud. Tout en haut, c’est encore plus beau qu’un coucher de soleil sur le quartier latin, un soir de Mai 68. Fleury vomit des caillots de napalm en fusion comme pour annoncer son agonie.
Les pompiers font une entrée plutôt piteuse par la porte de service et progressent prudemment vers les flammes, assurés sur leur flanc par les gendarmes en tenue de combat. Ils avancent au milieu de tous ces morceaux de prison, entre verre cassé, portes éventrées, carcasses informes, grilles d’acier tordues par une poigne colérique. Vue des toits, la longue file des casques fait penser à un mille-pattes caparaçonné déployant ses dards articulés. Rien ne semble les arrêter : ni les coups, ni les boulons, ni les cailloux, ni les flammes. À les voir passer un par un dans le sas d’entrée, on a l’impression d’avoir à faire à un défilé interminable d’automates à qui on aurait retiré toute volonté. Le premier rang de boucliers organisé selon le principe de la tortue romaine protège les lance-grenades et les fusils déjà prêts à l’emploi. On sent les index nerveux, impatients de titiller la gâchette pour se faire la main sur l’ordure. Les ombres mouvantes des tireurs du GIGN s’agitent sur les toits des ateliers qui nous font face. Ils prennent leurs positions un à un, calculant déjà le meilleur angle de tir, sélectionnant par avance leur future cible. L’assaut ne va pas tarder à être donné, barres de fer contre fusils d’assaut sur fond de règlement de comptes. Combien d’accidents ou de bavures un peu provoquées faudra-t-il comptabiliser ce soir ? L’ordre se paie un coût élevé en ce moment.
D’en haut, je peux voir le grand laminoir de l’ordre se mettre en marche, inexorable et sans faille, avec une force qui ne laisse rien échapper. La haie d’honneur [29] des matons est déjà prête pour accueillir les vaincus. Mains derrière la tête pour offrir le maximum d’espace aux coups vengeurs des gaffes. Malheur à celui qui glisse ou qui ralentit la marche. Perdu dans mes cogitations, je ne pouvais pas deviner le point du viseur laser fixé sur ma nuque.

V
Fleury brûle-t-elle ?
Hélyette Besse [30]

Le rôle de la prison est de remodeler les individus afin de les faire rentrer dans des moules préfabriqués, pour créer des quidams passifs acceptant l’état des choses sans idée de les modifier.
Pour les femmes, en 1984, et probablement encore aujourd’hui à des nuances près, elle visait à façonner des femmes fidèles à l’image traditionnelle : des fées du logis, bonnes épouses et mères de famille. Fleury est alors un étrange pensionnat de jeunes filles, avec des règlements rigides souvent incompréhensibles et des exigences extrêmes. Une tentative de complète infantilisation. On n’y retrouve pas la brutalité des prisons d’hommes, les tabassages y sont rares, la violence y prend des formes plus insidieuses. Le travail de la Pénitentiaire est de culpabiliser les femmes, de leur faire accepter le châtiment qui mène à la rédemption. Dedans ou dehors, si la résistance à l’exploitation unit les êtres, refuser le sexisme et la place prévue par d’autres pour elles dans la société trace une sorte de trait d’union entre les femmes. Mais celles qui sont ou qui ont été en prison excitent la curiosité, les fantasmes. Elles sont un peu sorcières et se sentent sœurs.
En 1984, il y avait quatre cent trente-deux pensionnaires et onze bébés à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pour trois cent dix places officielles. La prison est divisée en quartiers où les détenues sont placées en fonction de critères souvent fantaisistes et arbitraires qu’aucun texte ne prévoit ; seule la directrice en place décide. Groupe A : des détenues récidivistes, mais aussi toutes celles qui travaillent, au service général, à la bibliothèque, à la comptabilité et à la cuisine, qu’elles soient primaires ou récidivistes. Groupe des nourrices : femmes détenues avec leur bébé âgé de moins de 18 mois. Groupe B : avant la visite de Robert Badinter [31], le groupe s’appelait « S », comme « Spéciales » ; le ministre ayant été choqué par cette dénomination, le groupe a été baptisé « B ». Mais seule l’appellation a changé, les critères de sélection qui y conduisent et le régime appliqué demeurent les mêmes. Au groupe B sont toutes celles dont le mandat de dépôt mentionne le délit de proxénétisme, les transsexuelles, les péripatéticiennes et toutes les détenues soupçonnées d’homosexualité à cause de leur aspect physique ou de leur correspondance, plus quelques politiques, puisqu’il s’agit là d’un isolement partiel. Les femmes parquées dans cette division ne doivent pas rencontrer celles des autres divisions. Il s’ensuit l’interdiction du travail et de diverses activités. Groupe C : des détenues primaires, c’est-à-dire séjournant pour la première fois en prison. Et puis, à l’autre bout de la prison, il y a un bâtiment, le D2, la prison à l’intérieur de la prison. Au premier étage, le D2-E : le mitard, avec ses cellules sans air et sans eau, ses filles qui flippent et qui hurlent, surtout la nuit ! Au rez-de-chaussée, le D2-R. Au mitard, on passe un temps prévu, connu. Au D2-R, on reste un temps indéterminé. Il y fait froid, même en été, comme dans une cave. Le soleil n’entre presque jamais. Il fait sombre, les fenêtres ont un double grillage aux mailles serrées qui usent les yeux et qui font presque hésiter à chercher derrière l’herbe verte ou les couleurs du ciel. Les cours sont petites, sauf une, qui est bétonnée. Les autres avaient un carré de terre au milieu, on pouvait y voir quelques herbes sauvages. Elles ont été bétonnées depuis. En mai 1985, après une révolte violente, chez les hommes surtout, la direction fit peindre en blanc les vitres du couloir donnant sur les cours pour nous empêcher de nous voir. Mesquinerie excessive ! Ici, pas de sport, pas d’étude, pas de travail, aucune activité. Les détenues enterrées en ces lieux n’assistent pas même aux distractions pseudo-culturelles accordées aux autres. On y enferme toutes les filles que notre belle société a déjà secouées ou que l’enfermement a déboussolées, les arrivantes toxicos en manque, et les rebelles, politiques ou pas ; mais les politiques y restent.

Septembre 1984

La prison ressemble ces derniers temps à une énorme cocotte-minute. Nous sommes quelques-unes à l’espérer à renversement, comme celle de la rue des Bons-Enfants [32]. Il se peut qu’il n’en sorte que de la vapeur, que le feu s’éteigne. Mais la résignation semble se fissurer de jour en jour, les yeux se font complices. Les filles savent que ça va péter ! La grande récré ! Le prétexte détonateur importe peu, nous plaquerons plus tard des motifs raisonnables sur ce ras-le-bol en forme de raz-de-marée. Il faut profiter de toutes les occasions pour obtenir un peu plus d’espace de vie. Mais il n’y a rien de raisonné ou de raisonnable dans ces instants de joie sauvage vécus intensément. Seulement la volonté de briser le rythme du quotidien, d’assassiner la passivité, de vibrer ensemble, de prouver et d’exercer notre force, de nous moquer des matonnes et, un instant peut-être, de leur démontrer que leur petit boulot de fonctionnaire gardienne de moutons peut se transformer étrangement si nous le voulons. Aucune pensée politique cohérente pour nous canaliser, seules les vagues déferlantes de révolte primitive nous emportent. Profiter de la pagaille pour se faire la belle ? Pourquoi pas ? Joli rêve...

03 septembre

La colère gronde chez les primaires ! Trois d’entre elles ont été isolées. La rumeur dit qu’elles sont « contagieuses ». Ici, ça peut vouloir dire qu’elles ont des poux, la gale ou pire. Toutes demandent de quelle maladie sont atteintes les isolées et refusent de réintégrer les cellules après la promenade si elles n’obtiennent pas de réponse. Les filles des autres groupes manifestent leur solidarité en frappant en cadence sur les portes, en jetant des papiers enflammés par l’espace réduit des ouvertures de fenêtres. Des youyous provocateurs et joyeux, des hurlements d’encouragement accompagnent tout ça. Les CRS prennent position autour de la MAF [33], puis y entrent : jets de gaz lacrymogènes, tabassages. Deux détenues sont évacuées vers l’hôpital de Fresnes, d’autres sont traînées au mitard. La rage au ventre, dans les cellules, celles qui n’ont pu qu’être spectatrices promettent : « C’est pas fini. »
Une prison de femmes, même Fleury-Mérogis, rassemble un nombre de prisonnières équivalent à celui d’une petite prison d’hommes. Tous les individus y sont connus. Si très souvent les femmes débutent un mouvement de révolte, immédiatement repris par les hommes, les émeutières actives sont peu nombreuses et la forme est plus celle d’une provocation que celle d’une révolution. Est-ce la conscience de leur nombre restreint ou tout simplement parce que la violence physique collective n’est pas un réflexe spontané chez beaucoup d’entre elles ? Ce trait prend-il sa source dans leur passé culturel ? Est-ce positif ou négatif ? Toujours est-il que si des papiers flambent, ce n’est qu’un geste symbolique. Il n’y a pas de bâtiment en flammes dans l’histoire des prisons de femmes. Et pourtant nous avons toutes le désir de détruire ces lieux qui nient la vie, nous séparent de tout ce et ceux que nous aimons, et peu à peu nous collent à la peau et nous transforment en mutantes asociales.

04 septembre :
Toutes ensembles au mitard !

Nous sommes toutes des meneuses !

La colère s’est généralisée. Les coups des CRS et les filles au mitard pour vingt jours, dont dix avec sursis, ont embrasé les esprits. Dans presque tous les groupes, les filles refusent de rejoindre les cellules. Évidemment, le groupe des nourrices rentre avec les enfants. Les travailleuses ont peur d’être déclassées. Les tabassages d’hier ont refroidi quelques velléitaires. Au troisième appel, les plus craintives acceptent de rentrer. Mais leurs cris et le vacarme survoltent encore plus celles qui restent. À l’heure du repas, elles lancent par les fenêtres les boulettes infectes distribuées ce soir, écrasées dans du pain, accompagnées de bouteilles d’eau expédiées de la même façon. Pour une fois, nous les trouvons excellentes. Il fait un peu froid et les petites laines atterrissent, sympathique attention de celles qui ne sont pas restées avec nous, craintives mais solidaires !
Dans les cours, quelques murs sont escaladés pour rejoindre les copines et certaines grimpeuses atteignent les toits. C’est pas facile. Un entracte fantastique, une immense provocation, entre rêve et réalité, pourtant bien dans le présent ! Nous rions et nos rires n’ont pas le même son que les autres jours ! Personne ne veut plus rentrer. Les filles enfermées regrettent de ne pas être dehors. Cris, chants, cabrioles, danses. Une page du temps volée à la prison. Des instants entre parenthèses entre ciel et terre. Nous communions dans les cris modulés comme ceux des oiseaux et répercutés par toutes à l’infini. Des chants révolutionnaires s’apprennent et se répètent, les paroles s’inventent. Il semble que la collectivité créée ce soir ne soit pas fissurable. Nous n’avons pas besoin des mots usuels. Nous vivons dans une bulle. Nous savons qu’elle peut éclater à tout moment, mais nous rêvons dans sa rondeur et ses couleurs chatoyantes. Une fraternité nouvelle est née aujourd’hui. Demain sera un autre jour.
Mais nous conserverons au fond de nous ces moments privilégiés qui nous unissent à travers le temps. Pourtant, malgré la fête, l’excitation, la joyeuse pagaille, le bruit, la volonté de clamer que nous sommes des êtres humains, que la prison n’est qu’une enclave dans la société et non une planète d’extraterrestres, par-delà les difficultés à surmonter pour parvenir à ces moments de confrontation et leurs implications dans le futur immédiat ainsi qu’à plus long terme, nous ne faisons qu’attendre les CRS. Comme les manifestants qui occupent une ambassade, une ANPE, ou un lieu public et symbolique quelconque. Comme les ados qui cassent les vitrines et attendent les flics pour jouer à cache-cache, fuir, lancer des pierres et éventuellement - c’est la part de danger incluse dans le jeu - se faire matraquer, tabasser, peut-être même arrêter.
On cherche jusqu’où on peut aller et on tente d’aller plus loin. Ici, il n’y a pas d’alternative. À 19h30, un hélicoptère survole la prison. La tension monte. Nous savons que les CRS suivront. Nous nous regroupons. Mais les chants ne cessent pas. Les filles à l’intérieur hurlent plus fort, mais commencent à penser qu’elles ont eu raison de rentrer. Les CRS entourent la prison, puis rentrent par toutes les portes donnant sur les chemins de ronde... Remake de la veille en plus grand et en plus long. Une sorte de ballet bizarre. Une force haineuse du côté des hommes, une provocation exaltée du côté des filles galvanisées par le face-à-face. Aucune tentative de conciliation ou de négociation n’est envisagée, ni par les uns ni par les autres. Les hommes cognent, hurlent, casques et boucliers en avant, jusqu’à ce que le chef ordonne le repli. Les filles résistent et tentent de se défendre. Dans la confusion, de vieux comptes entre gardiennes et détenues se règlent à coups de poing. Une fille dira plus tard avoir entendu un gradé crier : « Ne frappez pas », avant de recevoir un coup de matraque. Enfin, les prisonnières regagnent les cellules où les plateaux scandent : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat. »
Pour saccager la prison, il faut que l’action démarre de l’intérieur des bâtiments. Il faut ligoter ou terroriser une matonne et s’emparer des clés. Le refus de monter en cellule, c’est une émeute, pas une mutinerie. Les cours nous appartiennent. Nous pouvons même passer les murs si nous n’essayons pas d’escalader ceux d’enceinte. Si nous ne tentons pas de briser les portes qui mènent à l’extérieur, nous pouvons circuler librement dans ce no man’s land momentané. Le temps que la direction comprenne que nous ne rentrerons que par la force, que l’hélicoptère appelé survole les lieux et estime le nombre de CRS nécessaire à faire cesser la fête. Une émeute, pour le pouvoir en place, n’est qu’un signal d’alarme. Au bout de quelques heures, voire de quelques jours, ceux qui se sont permis de réagir sont écrasés. Plus tard, peut-être, fera-t-on des promesses de réformes en affirmant benoîtement que cette révolte était inutile, néfaste même à des projets de modifications depuis longtemps envisagés. Mais aucune amélioration n’a jamais été acquise autrement que par la lutte de ceux qui sont concernés. La solidarité des autres est la bienvenue, elle accompagne notre combat. En prison comme ailleurs.
Échos (je ne l’ai pas vu de mes yeux, mais on me l’a raconté) :
- Mme Ezrhaty, qui est responsable au ministère de la Justice de la condition pénitentiaire et qui est arrivée après la bataille, s’éloigne de la prison entourée des directeurs et des éducateurs. Elle se retourne et, regardant la fumée et la poussière s’élever des pierres grises sous la lueur de la lune, elle s’extasie : « C’est féerique ! » ;
- le nouveau directeur, précédemment à la Santé [34] et sous-directeur de l’École Nationale de l’Administration Pénitentiaire [ENAP], a été cueilli à chaud par la révolte. Les CRS sont entrés à la MAF en même temps que lui. Les revendications collectives l’intéressent peu. Il veut recevoir une à une toutes les détenues ayant participé au mouvement. Constatation étonnée :
« Malgré des revendications aussi étonnantes que le droit au fume-cigarette et au cirage vert (!), la différence marquante avec les prisons d’hommes, c’est qu’ici la délation n’existe presque pas. » Bravo les filles !

05 septembre :
La grève des plateaux

Au mitard, nos compagnes refusent les plateaux-repas. Nous décidons de faire de même. Et la bouffe retourne à la cuisine. Cela dure huit jours, jusqu’à leur sortie du mitard. La méthode de la grève des plateaux ou, plus radicale, celle de la grève de la faim, est nettement moins exaltante que l’émeute ! Moins ludique surtout. Les armes sont toujours à double tranchant, en prison plus encore, et leur choix très réduit. Cette lutte a un côté automutilation, un côté chantage, plutôt déplaisant. Il semble ridicule de dire à l’Administration pénitentiaire, et à la Chancellerie : « Si vous ne prenez pas nos revendications en compte, nous nous laisserons mourir de faim ! », en sachant bien qu’elles ne s’en soucient guère. Mais les luttes en prison n’ont-elles pas un peu toutes la même couleur, y compris l’émeute et la prise d’otages ? Dans ce monde clos, emmuré, grillagé, qui, à la moindre alerte, est survolé par les hélicoptères et investi par les CRS, toute lutte est une gageure ! La seule issue, c’est « la belle » ! Toute autre solution est piégée, reconnaît l’autorité et la légalité, n’est qu’une demande d’application de la loi, ou de grâce. Au mieux un appel à la réforme. Coincés dans nos contradictions, nous ne pouvons pas renoncer aux améliorations du quotidien. Nous sommes toujours partants pour les paris stupides et tenter l’impossible est un jeu que nous aimons. Ici, la résistance est la seule façon de survivre si nous refusons de perdre notre identité.

La grève de la faim

Cette lutte se veut spectaculaire. Elle compte sur le désir d’un ministre de la Justice, voire d’un Premier ministre, de ne pas paraître exagérément inhumain ; ce qui est aléatoire. En 1974, Michel Poniatowski [35] fait tirer sur les détenus en colère. Dix ans plus tard, Robert Badinter autorise l’extradition des prisonniers politiques basques, les peines de prison sont de plus en plus lourdes, les libérations conditionnelles inexistantes.
La différence entre les régimes pénitentiaires ne dépend pas toujours de l’habituel gauche-droite au pas duquel nous avons l’habitude de marcher. Pourtant, on ne tire plus sur les détenus révoltés, sauf s’ils tentent de s’évader, et la peine de mort est abolie. Malgré ce qu’on peut en dire, ce n’est pas peu ! Ceux qui préfèrent la mort rapide choisissent le suicide. Ce n’est pas rare en prison, même lorsque les peines ne sont pas très longues. La prison est mortifère à court ou à moyen terme. La « mort lente », comme le proclamait la banderole des camarades du groupe Otage [36] devant Fleury-Mérogis en ces jours de 1984, a été instituée depuis que la prison existe ; elle est collée à elle. On ne la supprimera qu’avec elle... Enfin, cette sorte de mort lente.
Le fait d’agir collectivement, même pour ce non-acte qu’est une grève de la faim, est stimulant. Cela anéantit l’aspect « exemplarité non-violente » ; il ne reste que le combat commun. La faim disparaît rapidement et la présentation du chariot fumant et fleurant la cuisine, rite quotidien pour tenter notre odorat, donne bientôt la nausée. On glisse lentement vers l’inconscience. Le temps s’écoule, que l’état de faiblesse grandissant ne permet plus de calculer. Plus tard, de temps en temps, des éclairs de lucidité : « C’est con de mourir volontairement en prison dans un combat immobile. » On s’accroche. Enfin, lorsqu’on est sur le bord de la vie, on nous offre les miettes brillantes de nos exigences, nous en promettant éventuellement d’autres pour plus tard. Et comme nous avons envie de vivre, nous les dévorons en nous disant que les promesses ne seront pas tenues mais que nous recommencerons. Ensuite, les miettes accordées sont reprises en grande partie et, au fil du temps, il faut de plus en plus d’attention et d’énergie pour ne pas se faire manger soi-même par le quotidien anthropophage de l’enfermement.
Cette grève, lancée par cinq militants révolutionnaires d’Action directe incarcérés, commence le 15 septembre. Le 25 septembre, lorsque je suis transférée en urgence de la MAF de Fleury à l’hôpital de Fresnes, six détenues s’y rallient par solidarité, avec des revendications très proches. En même temps, trente prisonnières refusent leur plateau pendant deux jours. Ce mouvement fait boule de neige. À Fleury, six cent trente-six hommes sont en grève de la faim. D’une prison à l’autre, avec des revendications différentes mais gardant des points communs, la grève, fixe ou tournante, s’étale.
À Tours et à la Santé, une militante et un militant anti-impérialistes se sont associés au mouvement, dès le 25 septembre, en précisant qu’ils ne sont pas membres d’Action directe ; ils réclament le statut politique [37]
Réclamer le statut politique, n’est-ce pas demander d’être regroupés sur une île déserte, surveillés et encadrés, où nous pourrions concocter en vase clos des théories applicables dans un futur hypothétique à une population devenue presque inconnue ? Préparation d’une révolution mort-née. Être un individu politisé, avoir œuvré avec d’autres dans le but de démystifier et de démontrer qu’agir dès aujourd’hui est une possibilité offerte à tous ceux qui ont une volonté révolutionnaire, ça n’est pas un titre à faire graver sur nos cartes de visite. C’est une réalité qui peut être camouflée, niée, ou défigurée, mais qui demeure. Nos actes et nos comportements dans le passé en sont le témoignage. La place des révolutionnaires est dans la société et non dans une tour, qu’elle soit d’ivoire ou de béton. Prisonniers sociaux ou politiques, enfermés par la même prétendue justice. Tous hors-la-loi, derrière les mêmes murs, avec une conscience plus ou moins claire de ce qui nous a jetés dans ces cages, de ce monde que certains veulent transformer, dont d’autres veulent exploiter les failles et d’autres encore n’ont fait que subir les plus misérables des travers.
Ce monde, nous en sommes issus et en conservons les tares à des degrés divers. Tous contre l’isolement, pour le droit de voir et de discuter avec ceux qui nous sont les plus proches. Tous contre l’existence même de la prison surtout, mais ceci est une autre histoire qui demande réflexion et volonté comme elle implique analyse et bouleversement de cette société, entraînant le changement de l’homme de la rue lui-même... ou bien est-ce au contraire lorsque l’homme de la rue aura changé que le monde sera différent ?
Cette grève de la faim de 1984 et beaucoup d’autres depuis n’ont apporté aucun changement en ce qui concerne le statut politique et les deux militants anti-impérialistes qui le réclamaient ne l’obtinrent pas. Les grèves de la faim individuelles ou celles de quelques individus impliqués dans une même affaire sont courantes en prison. Mais les jeûnes collectifs sont rares. Surtout de cette ampleur ! Le dernier a eu lieu en janvier 1978. Il regroupait les prisonniers et prisonnières qui luttaient pour l’abrogation des Quartiers de Haute Sécurité [38]

24 octobre 1984

Fin de cet épisode des luttes en prison. Ce mouvement de révoltes multiformes a duré cinquante jours. En mai 1985, une violente mutinerie éclate à Fleury-Mérogis chez les hommes ; les bâtiments brûlent. Elle est reprise par les femmes, plus discrètement.
Un jour d’octobre 1984, à Fleury-Mérogis, Yamina demande audience au directeur de la MAF. Elle attend de longues heures devant une porte. Mais elle n’est pas reçue.
Elle est fatiguée par cette grève de la faim qu’elle a commencée il y a quelques jours. Perturbée par sa sortie prochaine, exaspérée par cette attente vaine. Que s’est-il passé ? Quel a été le déclencheur de cet acte sans retour ? Personne ne le dira jamais ! Le soir, dans une cellule surpeuplée où dorment trois autres détenues sans doute assommées par les fioles colorées de neuroleptiques largement distribuées chaque soir et qui promettent une longue nuit où l’on oublie le lieu et le temps qui passe, Yamina se pend. Personne n’a rien vu, rien entendu.
Son nom restera attaché pour toujours à cette grève de la faim qui l’a peut-être tuée.

Annexe à Fleury brûle-t-elle ?
Exemples de doléances exprimées par les détenus de différents établissements pénitentiaires lors du mouvement de 1987.

A la MAF de Fleury-Mérogis :
Non à l’isolement D2-R et au groupe B ;
Non aux extraditions de Basques et d’autres ;
Regroupement des prisonniers politiques basques ;
Droit de visite pour les ex-détenues à leurs amies encore emprisonnées ;
Solidarité avec les militants d’Action Directe ;
Reconnaissance de leur identité politique ;
Droit au regroupement par affinités.

A Fleury, chez les hommes :
Parloirs libres sans sélection des visiteurs ;
Arrêt de la censure ;
Non aux tabassages et aux autres châtiments ;
Commission d’enquête sur les morts ;
Non à l’isolement ;
Solidarité avec tous les détenus en grève de la faim.

A Fresnes (la MAF n’y existait pas encore) :
Solidarité avec tous les détenus en grève de la faim ;
Enquête sur les morts suspectes ;
Parloirs libres d’une heure ;
Abolition des fouilles ;
Abolition des passages à tabac ;
Non à la censure ;
Respect des races et des religions ;
Assouplissement dans l’attribution des libérations conditionnelles et provisoires ;
Non à l’isolement.

A Loos :
Parloirs vraiment libres ;
Pas de discrimination ni d’exclusive pour les visiteurs ;
Abolition de la censure ;
Création de lieux de vie entre détenus avec des personnes extérieures à la prison.

A Amiens :
Non au mitard ;
Non aux brimades et aux tabassages ;
Pour une commission d’enquête concernant les pratiques fascisantes du personnel pénitentiaire.

A Muret :
Contre les mauvaises conditions de détention ;
Contre les salaires de misère.


Sur les chronologies qui suivent nous tenons à apporter quelques mises au point :

Elle ne prétend pas à l’exhaustivité. Forcément partielle, elle est le fruit du travail d’autres et de nos propres recherches. [39]. Les informations qui suivent proviennent donc en grande partie de la presse (qui souvent ne fait état que de brèves [40]), de témoignages de détenu-e-s ou de personnels de l’AP, de publications militantes, de mémoires universitaires, de travaux spécifiques sur l’histoire d’un établissement en particulier ou d’essais sur les prisons en général.
La Pénitentiaire étant assez avare d’informations sur ce type d’événements, faisant en sorte de les minimiser ou de les cacher tout simplement [41], il n’est pas toujours aisé de savoir ce qu’il s’est passé dans un cas particulier ou durant une période donnée. Ainsi, dans la chronologie, nous avons parfois juste mentionné l’acte sachant qu’il a eu lieu, mais nous n’avons pas toujours réussi, à notre grand regret, à avoir plus de détails.
Elle ne se focalise que sur un aspect (la mutinerie) et non sur l’histoire en de la prison en général [42]. Nous sommes également conscients que le choix de ne se focaliser que sur un aspect présente un inconvénient majeur : il ne permet pas de saisir les actes dans leur contexte. Cela est lié en partie à la forme du document (brochure) qui ne nous le permet pas, faute de place. C’est pourquoi nous encourageons le lecteur / la lectrice à consulter les quelques références que nous lui suggérons [43]. Pour la même raison, nous avons fait aussi le choix de ne traiter que des luttes collectives et non des combats individuels.
Elle n’évoque pas les évasions car nous avons voulu nous concentrer sur la lutte entre les murs. Si nous en parlons, c’est uniquement quand l’évasion (individuelle ou collective) participe à créer la mutinerie ou alors que cette dernière a permis à certains, par le désordre engendré, de se faire la belle.
Elle n’expose pas les luttes ou les actes de soutien venant de l’extérieur. Nous ne nous concentrons que sur les prisonnier-e-s à l’intérieur des murs [44].
Elle ne présente pas non plus l’après-coup, sa répression et notamment les procès des mutin-e-s. Non pas que cela ne nous intéresse pas, mais les trous sont trop importants pour en avoir un aperçu cohérent. Ainsi il faut avoir en tête à la lecture des lignes qui suivent que les détenu-e-s payent toujours très cher leurs luttes (tabassage, transfert – « tourisme pénitentiaire [45] » –, mitard, isolement, suppression des remises de peines, inculpations et procès qui se soldent souvent par des peines de prison en plus).
Pour ce qui est des procès, ils servent à nier le caractère collectif des mutineries et les raisons de la révolte en faisant croire qu’elles sont dues à quelques meneurs / meneuses isolé-e-s et manipulateurs / manipulatrices.
Nous ne mettons pas en lumière les différences caractéristiques des luttes. Qu’elles soient menées par des détenu-e-s dits de « droit commun » ou dits « politiques », pour des droits syndicaux, l’amélioration du quotidien ou pour détruire cette mangeuse d’Homme qu’est la taule, toutes ces révoltes ont leur place dans ces brochures. La lutte reste un moyen efficace pour résister, construire des complicités et tenter de modifier la réalité carcérale. En prison comme ailleurs il n’y a pas de petits combats. Voilà pourquoi nous ne voulons ni les hiérarchiser ni les opposer.
Elle traite des lieux de détention en général. Ainsi même si les structures évoquées n’étaient ou ne sont pas identiques, qu’elles possédaient ou possèdent leurs propres logiques, qu’elles aient été ou soient toujours gérées par l’AP (ou par d’autres), elles étaient et sont en tout cas des lieux d’enfermement et font partie de l’histoire de, comme l’appelait Foucault, l’« archipel carcéral [46] ». C’est pourquoi nous évoquons tant les bagnes (sous ses différentes formes), que les camps d’internement, les prisons ou les Centres de Rétention Administrative [47].

***
Le sens des luttes

En prison, il faut affronter les CRS pour obtenir que soit réglée la température des douches ; il faut faire une grève de la faim pour obtenir l’autorisation de secouer la poussière de ses couvertures.
Aucune revendication, dans ces conditions, ne peut paraître modeste. Mais ce qui reste décisif dans toutes les révoltes récentes, ce n’est pas les revendications d’améliorations matérielles, mais de droits.
Les prisonniers ont refusé d’être des hors-la-loi au nom de la loi ;

 refusé d’être soumis à l’arbitraire total du directeur de la prison ;

 refusé des sévices des surveillants dans les secrets des mitards, sans moyen de contrôle, de défense ;

 refusé d’être exploités dans leur travail sans avoir les mêmes droits et salaires que les autres travailleurs ;

 refusé de recevoir une information censurée ;

 refusé d’être poursuivis hors de la prison par le casier judiciaire, avec lequel il n’y a jamais de libération véritable, il n’y a que des sursis ;

 refusé d’être poursuivis hors de la prison par l’interdiction de séjour.
Actuellement le seul acquis des détenus, c’est leur lutte commune.
On leur promet une réforme. Est-ce plus qu’un moyen de désorganiser leurs luttes, de nous faire croire qu’il n’y a plus qu’à être vigilants, de différer la vraie question : pourquoi des prisons ?

GIP – Groupe Information Prison*
Conclusion aux cahiers de revendications sortis des prisons lors des récentes révoltes, avril 1972.

*Le GIP est un mouvement d’action et d’information né en février 1971 (il s’autodissout en septembre 1972) ayant pour but de permettre la prise de parole des détenus et la mobilisation des intellectuels et des professionnels impliqués dans le système carcéral.

***
Brève présentation des différents centres de détention les plus évoqués dans cette chronologie :

Au 1er janvier 2010, selon les chiffres de l’AP, il y avait 191 établissements pénitentiaires sur le territoire français, dont 106 Maisons d’Arrêt (MA), 37 Centres Pénitentiaires (CP), 24 Centres de Détention (CD), 5 Maisons Centrales (MC), 12 Centres de Semi-Liberté (CLS), 6 Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM), l’Établissement Public de Santé National de Fresnes (EPSNF) et le Centre National d’Observation de Fresnes (CNO) préparatoire à l’affectation en centrale.

Une Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA) « Simone Veil » fut inaugurée le 21 mai 2010 au centre hospitalier du Vinatier de Bron (69). Elle est chargée de la prise en charge psychiatrique des détenus souffrants de « troubles mentaux ». Seize autres établissements sont prévus d’ici à 2011.

Selon les chiffres de l’arrêté du 21 mai 2008, il y a en outre 28 Centres de Rétention Administrative (CRA).

Le bagne (colonie pénitentiaire) : établissement consacré aux travaux forcés. Il y eut les bagnes en métropole mais aussi en Outre-mer (Guyane française, Nouvelle-Calédonie, Indochine et Madagascar). Il y eut les bagnes pour enfants et les bagnes militaires (Tunisie et Algérie).
La maison d’arrêt (MA) : établissement pour la détention provisoire (= en attente de procès) et pour celles et ceux dont le reste de la peine n’excède pas – en principe – un an au moment de leur condamnation.
Le centre pénitentiaire (CP) : établissement mixte comprenant au moins deux quartiers à régimes de détention différents (MA / CD / MC).
Le centre de détention (CD) dont 34 quartiers dans d’autres types d’établissements : pour les détenu-e-s condamné-e-s à une peine supérieure ou égale à un an.
La maison centrale (MC) dont 9 quartiers dans d’autres types d’établissements : pour les condamnés les plus « difficiles » (DPS – détenu particulièrement signalé [48]) et les longues peines.
Le centre de rétention administrative (CRA) : Pour les sans-papiers en attente d’expulsion vers leur pays d’origine. La durée varie officiellement entre deux et trente-deux jours au maximum. Les retenu-e-s sont gardé-e-s par des gendarmes ou la police nationale.

Au 1er juin 2010, selon les chiffres de l’Administration Pénitentiaire, il y avait 61 604 personnes incarcérées dans les prisons françaises.


PREMIERE PARTIE :
1820 – 1987

Années 1820

- Brest (29), Bagne de BREST.
Un commissaire des chiourmes (galères) supprime le léger matelas d’étoupes (le serpentin), qu’il est d’usage de laisser aux condamnés sous un climat humide, craignant que les forçats y cachent des limes et autres objets d’évasion. Aussitôt après cette suppression, une révolte éclate au milieu de la nuit dans une des salles du bagne. Un détachement d’artillerie parvient sur les lieux et procède à quelques arrestations qui mettent fin à la révolte.

- Toulon (83), Bagne de TOULON.
Dans la partie du port de Toulon qu’on nomme le Mouraillon, un complot se trame pour tenter une évasion qui doit rendre à la liberté un grand nombre de condamnés à perpétuité. Un sergent est poignardé, c’est le signal pour la révolte. Plusieurs gardes-chiourmes menacés se réunissent et ripostent par le feu. Les agents de la surveillance interviennent pour les aider. Les révoltés se jettent sur eux pour les désarmer mais les gardes, rangés en bataille, ripostent. Les cadavres jonchent le sol. Contre les fusils, les forçats combattent avec des pierres ou des fragments de fer arrachés de leurs chaînes. Deux compagnies d’infanterie arrivent et mettent fin à la révolte. Il y a quarante blessés et seize morts (en grande majorité des forçats).

1829

Jeudi 26 février :
 Toulon (83), Bagne de TOULON.

Deux cent dix forçats décident de faire obstacle à leur mutation au bagne de Brest.
A la nuit tombée ils complotent. Parmi eux, un forçat moins patient invite ses camarades à la résistance. L’orateur surpris par les gardes est enfermé, non sans résister, dans un cachot.
« Un bonnet vert se dresse, c’est le forçat Bourgeois ; il reproche à ses camarades leur lâcheté, car pas un n’a osé s’opposer à l’arrestation ; il se montre comme drapeau de la révolte, un coup de carabine tiré à bout portant, l’étend mort. Le forçat Besson le remplace sur la brèche, mais à peine a-t-il jeté le premier cri de guerre qu’il n’est plus qu’un cadavre. Une double décharge fait ruisseler le sang ; les rebelles, intimidés, courbent la tête, et au point du jour l’embarquement s’effectue. » [Maurice Alhoy, Les bagnes : histoires, types, mœurs, mystères, G. Havard, 1845]

1836

- Aubusson (23), Prison d’AUBUSSON.
Mutinerie au sujet de l’application du règlement préfectoral d’octobre 1824 sur les heures de sorties et de rentrée des prisonniers.

Vers 1840

- Toulon (83), Bagne de TOULON.
« Le même commissaire des chiourmes, M. Renault, ne dut la conservation de sa vie qu’à un hasard providentiel. Un coup de poignard qui lui était destiné fut reçu par un adjudant. Au cri du mourant, un sous-adjudant accourt à son tour ; blessé mortellement, il tombe, et un troisième sous-officier qui survient reçoit quatre coups de couteau dans la poitrine. C’était au moment de la rentrée dans les salles après les travaux. Les condamnés, enhardis par les meurtres, se répandent sur les quais de l’intérieur du port. Les gardes ne peuvent maîtriser l’émeute ; le forçat Lejoile commande, il a une influence terrible sur ses camarades. Les armes se chargent : Lejoile semble animé par la menace ; il se présente au-devant des carabines, une balle le frappe, elle semble rebondir sur son front, qu’elle n’entame pas ; il jette en riant un lazzi [plaisanterie moqueuse] à celui qui l’a ajusté, et faisant allusion à la vie civile qu’il a perdue, il crie en ricanant : “On ne tue pas les morts” ; il essuie de nouveau plusieurs coups de feu sans être atteint, enfin, poursuivi et acculé contre un mur, un garde-chiourme le perce d’un coup de baïonnette ; il tombe, mais la vie lui reste encore. » Traduit devant la cour maritime, il sera exécuté. [Maurice Alhoy, ibid.]

1847

- Guéret (23), Prison de GUERET.
Grève de la faim de plusieurs détenus pour protester contre la qualité et la quantité de nourriture qu’on leur sert et pour obtenir des vivres du dehors.

1848

Mardi 5 septembre :
 Loos (59), Maison Centrale de Force et de Correction de LOOS.

Une mutinerie éclate. Les détenus « se refusent à obéir aux ordres qui leur sont donnés ; ils poussent des cris furieux, chantent la Marseillaise et réclament du tabac et la liberté ; d’autres, moins exigeants, demandent le retour de l’ancien directeur » parti à la retraite. « Devant l’ampleur de la mutinerie, le préfet, qui a envoyé des émissaires, promet que “la sédition n’aura pas de suite et que trois gardiens seront renvoyés”. La mutinerie repart de plus belle. La nuit venue, la troupe intervient et les détenus remontent en rechignant dans les dortoirs. Ils brisent leurs lits, veulent démolir le mur les séparant des femmes, certains grimpent sur les toits. Le préfet requiert les sapeurs-pompiers et les gardes nationaux de Loos, Haubourdin et Lille. Ceux-ci tirent sur les mutins, deux d’entre eux sont grièvement blessés et les autres finissent par se rendre. Des militaires armés occupent les corridors, la garnison chargée de la garde extérieure est renforcée de vingt-cinq soldats supplémentaires, les détenus sont séparés par groupes de trente. Cinquante mutins sont placés au cachot. »
La Gazette de Flandre et d’Artois du 10 septembre 1848 commente : « C’est une révolte morale sans autre voie de fait que le refus de se plier à la discipline réglementaire comme par exemple de garder le silence ou de se tenir en rang. Ils annoncent d’ailleurs que tout n’est pas fini et menacent de se révolter à la première occasion. »
[Christian Carlier, « Les prisons du Nord au XIXe siècle », sur < http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article647.html >. Page consultée le 15 octobre 2010.]

1852

Mardi 6 avril :
 Loos (59), Maison Centrale de Force et de Correction de LOOS.

Le soir, au réfectoire, les détenus trouvent la soupe mauvaise quand le gardien-chef la trouve bonne. Les écuelles lui volent à la tête, il doit se sauver. Un détachement de soldats intervient, dont les baïonnettes blessent grièvement plusieurs détenus.
Le lendemain, le préfet et le procureur adressent une sévère admonestation [remontrance à caractère solennel] à la population pénale assemblée. L’Écho du Nord s’étonne de « la répugnance extraordinaire » manifestée par les détenus pour cette prison et demande le contrôle de l’autorité judiciaire ainsi que des enquêtes publiques. La Gazette de Flandre et d’Artois loue au contraire « le zèle, l’intelligence et l’humanité » de l’Administration de la prison. Les mutineries sont le fait, selon le journal, de la « perversité des détenus » et non des « vices du système pénitentiaire ». [Christian Carlier, ibid.]

1850-1860

- Aléria (20 – Corse), Pénitencier agricole de CASABIANDA.
 Ajaccio (20 – Corse), Pénitencier agricole de CASTELLUCCIO.
 Coti-Chiavari (20 – Corse), Pénitencier agricole de CHIAVARI.

Mutineries à répétition dans ces prisons corses.

1862

Mercredi 1er janvier 1862
 Ajaccio (20 – Corse), Colonie horticole SAINT-ANTOINE DE CASTELLUCCIO.

22h, dans un dortoir, les détenus adultes demandent à deux employés accompagnés de deux gardiens que leurs soient rendus trois de leurs camarades mis en cellule pour des infractions à la discipline. Les gardiens leur demandent de cesser le bruit et de se coucher. Au lieu d’obtempérer, les détenus poussent des cris et s’arment des planches de leurs lits, l’un d’eux brandit un poignard. Pour mater la révolte, un des gardiens fait usage de son fusil et blesse deux détenus, dont un succombe de ses blessures.

1866

Mardi 2 octobre :

 Île du levant (83), Pénitencier pour enfants (bagne) de L’ILE DU LEVANT.

« Le 28 septembre 1866, 65 enfants provenant de la colonie horticole de Saint Antoine de Castelluccio à Ajaccio débarquent sur l’île du Levant. Cette colonie venait de fermer ses portes et le pouvoir avait décidé de déporter certains des jeunes enfants sur le continent. Leur arrivée porte l’effectif de 223 à 288 détenus. Dès les premiers jours, les nouveaux arrivants se plaignent de la nourriture et des horaires de travail trop longs. Le 2 octobre, à la tombée de la nuit, des chants séditieux appellent à la révolte. Les insurgés abattent les cloisons du dortoir et veulent aller piller la demeure du Comte, absent ce soir là. Armés de haches et autres outils, les révoltés défoncent neuf cachots. Les neuf gardiens, le directeur, sa famille et l’aumônier partent sur un bateau. Sous l’effet de l’alcool, chauffés à blanc, ils décident de s’en prendre aux espions, une quinzaine d’enfants, parmi les plus jeunes, qui survivent en collaborant avec les gardiens en les informant de ce qui se passe dans la colonie. Un des meneurs met le feu au bâtiment où ils sont réfugiés.
L’incendie se propage dans le pénitencier et dure jusqu’à l’arrivée des militaires du 9ème régiment d’infanterie et de deux brigades de gendarmerie, le 4 octobre au matin. La chasse à l’homme se poursuivit sur l’île. 37 jeunes furent arrêtés, embarqués sur le vapeur “Hector” et évacués vers la maison d’arrêt de Toulon.
Les médecins légistes eurent du mal à dénombrer les victimes. On ne sut jamais si 13 ou 14 enfants périrent dans cet [nous tenons à ajouter : dramatique] incendie. Le procès dura du 2 au 6 janvier 1867. Les 16 accusés, âgés de treize à dix-neuf ans, furent condamnés à des peines diverses, dont quatre d’entre-eux aux travaux forcés à perpétuité. »
[Dans < http://faitsdivers.blog4ever.com/blog/lire-article-287239-1190652-l_ile_du_levant_et_les_bagnes_pour_enfants.html > Page consultée le 15 octobre 2010.]

1887

Janvier :
 Campestre-et-Luc (30), Colonie pénitentiaire du LUC.

Les enfants mettent le feu à la partie des bâtiments affectés au logement des colons et l’atelier de fabrication de chaussures. Une trentaine d’enfants profitent de l’incendie pour s’évader. « Ils pillent deux fermes mais la population de Campestre et des environ organise la chasse à l’enfant avec l’espoir de toucher les 15 francs [franc germinal, pièces en argent], prix de la capture des fugitifs, mais les évadés se rendent en rejoignant la colonie, privant ainsi les villageois de ce modeste pactole » [Jacques Castan, Le jardin, La Mirandole, 1992]. Les deux tiers des détenus sont alors dirigés sur Aniane. Soixante restent au Luc.

1892

Lundi 1er et jeudi 25 août :
 Rouen (76), Prison BONNE-NOUVELLE.

Divers actes de mutineries assez sérieux ont lieu dans le quartier correctionnel de la prison. Deux agressions sont commises en réunion contre des gardiens ; les coupables, déférés à la justice, sont transférés dans des maisons centrales et au dépôt des forçats de Saint-Martin-de-Ré (17), suivant la nature des peines infligées.

1894

Lundi 22 octobre :
 Îles du Salut (97 – Guyane), Camp (bagne) de L’ILE DE SAINT-JOSEPH.

Le surveillant Mosac, qui avait tué un forçat anarchiste un mois plus tôt, part le lendemain de Saint-Joseph pour le Maroni. Les anarchistes décident de venger leur compagnon avant que le bourreau ne parte libre…
« “A peine Boubou, un contremaître nègre, levait-il la lanterne, précédant le surveillant de ronde, Crétallaz, que la poignée des plus décidés [des forçats anarchistes] fonçait sur celui-ci [le surveillant] comme un éclair, le criblant de coups de couteau.
Le surveillant Mosac qui se tenait prudemment sur le seuil tira à l’aveuglette un coup de revolver, frappant Garnier [un des forçats] au front, l’étendant à terre mort et cherchant ensuite à rejoindre de toutes jambes le contremaître Boubou qui, dans le désordre, avait réussi à s’esquiver et courait rendre compte de l’événement au service intérieur.
Cependant, surveillant Mosca, le compagnon Thiervoz s’était jeté sur lui avec l’élan d’un tigre, le désarmant, le jetant à terre, lui portant dans les flancs une demi-douzaine de coups de couteau.
Pendant ce temps, Simon [un autre forçat] armé du revolver enlevé au surveillant Crétallaz allait de chambrée en chambrée, cherchant à en forcer les portes et à adjoindre à la poignée des insurgés les hommes de bonne volonté qui ne manquaient pas parmi les transportés et les compagnons qui étaient disséminés dans les diverses cases. Dans une rencontre avec le surveillant Dard, Simon fut blessé à la main, mais deux contremaîtres tombèrent sans plus se relever.
Au service intérieur, réveillé par les cris de Boubou et par l’écho répétés de revolver, le commandant Bonafal organisait la répression, faisant appel sans retard aux marins qui furent envoyés, débarqués la nuit même, ivres comme des porcs et lâchés de tous côtés avec la consigne précise de ne pas faire de quartier recommandation du reste inutile et superflue pour cette bande d’abrutis.”
Liard-Courtois lui aussi rapporte ce qu’on lui a raconté (il n’arrive au bagne qu’en mai 1895) :
“Le 22 au matin, la troupe se divisa en deux pelotons.
Le premier fut chargé de la garde des cases qu’avaient réintégrées les condamnés aussitôt que les surveillants avaient quitté le camp. Les fantassins à qui incomba cette tâche s’en distrayaient en injuriant grossièrement et en menaçant de leurs Lebel (fusil) les hommes parqués là sans défense.
Le second peloton se déploya dans l’île, en tiraillant à la recherche des anarchistes qui n’avaient pas regagné leurs cases.
Ce fut une véritable chasse à l’homme. Tous les replis de terrain furent inspectés, toutes les cavités de la roche visitées et fouillées.
“Pas de quartier !” avait ordonné le chef de camp. Et les malheureux troupiers, chez qui l’ivresse avait détruit la raison, remplirent à leur honte cet odieux programme. Ils ne s’attardèrent pas à parlementer ou à faire des prisonniers ; le forçat qu’ils rencontraient dehors à leur portée était impitoyablement fusillé.” »
[Marianne Enckell, Moi Clément Duval : bagnard et anarchiste, L’Atelier. 1991]
Certains s’écroulent aux cris de « Vive la liberté ! Vive l’anarchie ! ». Quand le massacre prend fin on dénombre au moins douze morts parmi les révoltés, qui, tous, finirent dans les ventres des requins lors de cérémonies dont l’assistance était principalement composée des gardiens et de leurs familles…

1897

Mardi 2 novembre :
 Aniane (34), Maison centrale de force et de correction d’ANIANE.

La veille, un jeune pupille tente de se suicider pour mettre fin à ses souffrances, souffrances dues à la sévérité des surveillants à son égard. Alors qu’il tente de se noyer dans le bassin qui se trouve dans la cour, il est repêché par ses camarades in extremis sous l’œil des gardiens qui au lieu de lui porter secours, rient comme des fous. Devant 400 jeunes détenus, un surveillant le traîne par la jambe jusqu’à la salle de police et, une fois arrivé, lui donne un énorme coup de pied dans les reins. Face à cela, dix-huit enfants décident de s’évader de la colonie pour aller déposer une plainte à Montpellier. Ils se font arrêter, deux jours plus tard, à 8 km de la colonie par les gendarmes lancés à leurs trousses, revolver au poing. Ramenés à la centrale, on leur rase la tête et ils sont punis au cachot d’une durée de 60 à 120 jours. Durant leur séjour, ils subissent violences, privations et vexations.

1898

Samedi 24 décembre :
 Aniane (34), Maison centrale de force et de correction d’ANIANE.

« Les colons repus de coups et d’humiliations se mutinent, brûlant en particulier les ateliers honnis. Les rebelles ne purent être réduits que par l’emploi d’une force publique importante, complétée par l’intervention des pompiers et de leur pompe à incendie : les douches et la cellule en vinrent à peine à bout ». Soixante-douze des rebelles sont envoyés à la colonie correctionnelle d’Eysses (47) et cinq autres à Belle-Ile (56). « Les révoltes se succèdent à Aniane, l’une terrible en 1899, deux autres encore en 1900. Des surveillants qui ne sont pas choisis au hasard, sont roués de coups, le directeur, insulté ». [Christian Carlier, La prison aux champs. Les colonies d’enfants délinquants du nord de la France au XIXe siècle, Ed. de l’Atelier & Ed. Ouvrières, 1994]

1908

Août :
 Charvein (97 – Guyane), Camp (bagne) de CHARVEIN.

« Grave mutinerie. » [49] [Nous n’avons pas réussi à trouver plus d’informations sur le sujet, on peut néanmoins imaginer le pire sachant le peu que l’on connaît sur ce camp aux détenus classés « incorrigibles ». Considéré comme « le camp des représailles », brutalités et assassinats de la part des gardiens y étaient monnaie courante.

1909

Lundi 12 avril :
 Gaillon (27), Colonie correctionnelle du GAILLON.

« Vers cinq heures les pupilles de la colonie dans les cours se révoltent contre leurs surveillants qu’ils frappent avec des briques, des morceaux de bois et de fer arrachés aux fenêtres de l’établissement. A la faveur du désordre, quinze s’échappent en franchissant le mur d’enceinte, peu élevé. Les autres, au nombre de cent sept, pénètrent de force dans l’atelier de cordonnerie, s’emparent de trente-cinq tranchets, d’alênes, de grandes limes servant à la confection des chaussures et bravent le personnel de la colonie. Les gendarmes et une partie du bataillon d’infanterie en garnison à Gaillon sont aussitôt réquisitionnés par le directeur de l’établissement et les pupilles se font enfermer dans le réfectoire où ils passent la nuit. Le directeur de l’établissement, après de longs pourparlers avec les mutins, obtient d’eux la promesse que le matin ils abandonneront leurs armes en sortant du réfectoire. Mais il n’en est rien ; ils sortent en masse dans la cour et ce n’est qu’avec les plus grandes peines que les plus dangereux sont acculés dans le coin d’une des cours où ils sont appréhendés et désarmés l’un après l’autre. » Ils sont tous mis en cellule avec les menottes et l’ordre est rétabli. De nombreux gardiens sont blessés dont quatre assez grièvement. Parmi les évadés, sept sont repris dans la nuit par la gendarmerie. Le directeur du Gaillon n’est pas favorable à un procès en cours d’assises : « nos mutins seront heureux de parader à peu près impunément [...] outre qu’il [le détenu] appellera de nouveau l’attention publique sur des faits qu’il y a intérêt à laisser tomber dans l’oubli. » [Christian Carlier, La prison aux champs, op. cit.]

1928

- Cadillac (33), Maison d’éducation correctionnelle de CADILLAC.
« Les prisonnières mettent le feu au château et une grande partie de la décoration de l’appartement royal est, soit détruite comme les décors peints des plafonds, soit terriblement endommagée, comme les cheminées de la salle et de l’appartement du roi au 1er étage. » [Jacques Castan, Le jardin, op. cit.]

1931

Du Mercredi 10 au lundi 29 juin :
 Saint-Laurent-du-Maroni (97 – Guyane), Camp de relégation (bagne) de SAINT-JEAN.

Neuf cents relégués [50] décident de se mettre en grève et remettent une série de revendications au gouverneur de la colonie. Ils demandent notamment que la relégation soit un temps [51] et que l’on modifie le régime de cette peine qu’ils considèrent comme de l’esclavage. Ils exigent également « le départ immédiat du chef du dépôt et du chef de centre, la suppression des coups et blessures de la part des surveillants, la suppression des armes aux porte-clés et l’interdiction faite à ces auxiliaires de l’Administration Pénitentiaire de monter seuls dans les cases, une nourriture saine et suffisante, une augmentation des salaires, un meilleur habillement ainsi qu’un meilleur couchage.
Dans un premier temps, le directeur de l’Administration Pénitentiaire se rend sur place et tente d’apaiser les esprits en nommant un nouveau commandant de la relégation, M. Limouze. Ce dernier vient s’entretenir avec les grévistes et tente de les raisonner, mais les relégués refusent de mettre un terme à leur grève sans toutefois opposer de signes de violence à l’encontre des représentants de l’Administration Pénitentiaire.
Le 24 juin au matin, le commandant de la relégation et le directeur de l’Administration Pénitentiaire, escortés par la troupe et par des surveillants armés, se rendent à Saint-Jean. Dès qu’ils les aperçoivent, les relégués sortent de leurs cases et se regroupent autour du relégué Manège. Ordre est donné une dernière fois d’obtempérer. Les relégués ne cillent pas. Le commandant décide alors de les séparer par groupes de dix afin de les fouiller. Aussitôt, la foule se fait plus dense et forme un cercle afin de protéger les meneurs. Le commandant ordonne alors aux tirailleurs sénégalais de disperser le groupe. Face à l’assaut, les relégués pris de panique se réfugient où ils le peuvent, la plupart dans les champs alentour ou bien dans la prison où les aiguillent plus ou moins les baïonnettes et les crosses des tirailleurs. Au final, la situation est rétablie à la nuit tombée et pas un coup de feu n’a été tiré. Trente relégués sont blessés dont dix nécessitent une hospitalisation à Saint-Laurent-du-Maroni. Soixante relégués sont arrêtés et, après une fouille du camp et la réintégration progressive des relégués dans leurs cases, le travail reprend le 29 juin. » [Jean-Lucien Sanchez, « Identifier, exclure, régénérer : la relégation des récidivistes en Guyane (1885-1938). Une loi à l’épreuve de sa mise en œuvre », < http://www.cmh.ens.fr/hopmembres.php?action=ficheperso&id=112&id_rub >. Page consultée le 15 octobre 2010.]

1934

Lundi 27 août :
 Belle-Île-en-Mer (56), Maison de redressement de BELLE-ÎLE-EN-MER.

Après que les moniteurs aient tabassé un pupille, les jeunes détenus organisent une véritable insurrection, mettent la prison à sac et s’enfuient. Pendant que les pêcheurs se précipitent sur les bateaux pour éviter que les jeunes ne s’évadent à leur bord, les vacanciers et les habitants enrôlés par le directeur du pénitencier, organisent une battue... Une prime de 20 francs (anciens) est offerte à quiconque capture un fugitif. Ils sont tous repris sauf un dont la trace se perdra à jamais. Cette mutinerie a servi de sujet à l’un des poèmes de Jacques Prévert : « La chasse à l’enfant ». Elle déclenche une importante campagne de presse demandant la fermeture des bagnes d’enfants. Il ne fermera qu’en 1977. Aujourd’hui les bâtiments existent toujours, et accueillent à la belle saison… des colonies de vacances !

1938

Samedi 24 décembre :
 Aniane (34), Maison d’éducation surveillée d’ANIANE.

Révoltes et tentatives d’évasion massives marquent l’histoire de cette maison de correction, notamment en 1898 (alors maison centrale de force et de correction), en août 1937 (on parle de révolte meurtrière pour qualifier les événements) et de nouveau le noël de cet année.
« La colonie d’Aniane, une espèce de château fort, était située au milieu du bourg, les habitants pouvaient donc entendre, lors des diverses rébellions, les cris des mutins. L’imaginaire de ce doux village est ainsi traversé de révoltes, de flammes et de sang. » [Alexis Violet, La fabrique de la haine, L’Esprit Frappeur, 2002]

1939

- Mettray (37), Colonie Pénitentiaire de METTRAY. .
Une révolte éclate. Les jeunes colons mettent le feu aux bâtiments et des matons sont tués. Soixante-trois sur trois cents sont envoyés à la centrale d’Eysses (47) pour dix ans.

1941

- Saint-Martin-de-Ré (17), Centre Pénitentiaire de SAINT-MARTIN-DE-RE.
« Le centre pénitentiaire fonctionna sous la direction exclusive des autorités françaises. Il n’y eut aucune ingérence de l’occupant jusqu’au 13 août 1941, sauf une fois afin de réprimer une mutinerie. »
[Le Centre pénitentiaire de Saint-Martin-de-Ré – 1939-1945, sur
< http://www.afmd.asso.fr/IMG/doc/LE_CENTRE_PENITENTIAIRE_DE_SAINT_MARTIN_DE_RE.doc >. Page consultée le 15 octobre 2010.]

Mercredi 31 décembre :
 Lyon (69), Fort de MONTLUC.

Alors qu’ils sont au poste de distribution de la cantine, deux détenus en profitent pour enivrer et ainsi exciter la masse de détenus (alors tendue par l’annonce de l’arrivée des Allemands à Lyon et le risque d’un transfert outre-Rhin) en distribuant des rations sans retenue. Pendant ce temps, un de leurs associés placé au mitard se met à essayer de défoncer la porte de sa cellule. Une vingtaine de matons ouvrent la porte pour voir ce que fait l’énergumène. Celui-ci se débat avec les gardiens et en assomme un avec sa tinette. Alors que les matons commencent à porter la main sur leur arme, un autre détenu fait rentrer dans la galerie la foule de prisonniers enivrés pour aider leur compagnon.
« Les gardes firent face, sans grande conviction. Hurlant, se bousculant, s’excitant, les mutins dévalèrent dans le couloir et devant eux tout plia » [Maurice Joyeux, Mutinerie à Montluc, La Rue, 1971]
Certains matons se font rosser et désarmer. Ils sont ensuite placés dans les mitards. Dans la prison, c’est la pagaille. Une centaine de mutins décident de défoncer la porte de la détention à l’aide d’un énorme tonneau pour pouvoir gagner les dépendances. Avertie par le bruit, la garde extérieure intervient des chemins de ronde du fort, armée de mousquetons [fusils] et met en joue les têtes qui sont à présent visibles à travers le bois défoncé. Après un moment de flottement où les mutins essayent de raisonner les soldats, un groupe de détenus les prend à revers après avoir escaladé le mur de séparation par les cantines et s’être armés d’objets des plus divers. Les soldats encerclés sont désarmés. Certains rebelles décident d’aller piller la cuisine et de rendre les coups à certains gardiens qui y sont barricadés. D’autres se font la malle par le portail de la prison grand ouvert ! [Quand le surveillant de garde vit la horde débouler du chemin de ronde, la panique le saisit, il ouvrit le portail et se sauva en hurlant]. Par la suite, les prisonniers politiques (communistes), qui étaient contre le mouvement, auraient prêté leur concours aux gardiens pour ramener le calme. Tous les détenus en cavale se feront reprendre.

1944

Samedi 19 février :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Maison Centrale d’EYSSES.

Sous l’occupation, cette prison est le lieu de rassemblement le plus important de prisonniers politiques du sud de la France condamnés par le régime de Vichy. Mille deux cents résistants de toutes nationalités se rendent maîtres des lieux dans l’espoir de gagner le maquis du Lot-et-Garonne. Après plus de dix heures de lutte, la mutinerie échoue. Le 23 février, douze mutins sont condamnés en cour martiale et fusillés. Les autres sont remis à la division SS Das Reich et déportés trois mois plus tard au camp de concentration de Dachau (Bavière – Allemagne).

Lundi 10 avril 1944 :
 Loos (59), Maison Centrale de LOOS-LEZ-LILLE.

« A 0h40, pendant 35 minutes, trois vagues d’avions déversèrent 2 200 tonnes de bombes sur les 140 hectares des voies de triage de la gare de Lille-Délivrance. 48 bombes explosèrent à proximité de Loos, dont 28 sur la prison même : “La grille de fermeture a été entièrement arrachée et brisée […] Les portes des cellules ont été certes endommagées par le souffle des projectiles mais brisées dans leurs panneaux supérieurs par les détenus dans la proportion de 904. […] Ces destructions, tant des portes des cellules que de la grille de fermeture à l’extrémité de la galerie, ont permis l’évasion de nombreux détenus qui, s’étant répandus, d’abord dans les couloirs, se sont dispersés ensuite, en franchissant les brèches ouvertes du mur d’enceinte […] Les évadés sont au nombre de 225 dont 27 terroristes [résistants].” Sur les 225, 196 avaient réintégré la prison dans le cours de la semaine qui suivit. » [Archives Départementales du Nord, 93W52152-16. Christian Carlier, « Histoire des prisons de Loos – Loos pendant la Seconde Guerre mondiale » :
< http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article520.html >. Page consultée le 15 octobre 2010.]

Vendredi 14 juillet :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Les détenus politiques qui veulent fêter la fête nationale brandissent hors des murs de leur quartier trois banderoles avec des symboles de la République, des drapeaux français et des croix de Lorraine tout en chantant la Marseillaise.
La révolte couve chez les droits communs qui ont appris la nouvelle du débarquement et la progression des Alliés. Le soir, les détenus du 2ème et 3ème étage des sections 9 et 12 déclenchent une mutinerie. Les politiques ne suivent pas, jugeant cela trop aventureux. La mutinerie est réprimée par la Milice (six tués), et vingt-huit « meneurs » seront exécutés dans le chemin de ronde après condamnation par une cour martiale milicienne le lendemain.

Vendredi 1er septembre :
 Loos (59), Prison cellulaire de LOOS-LEZ-LILLE.

Le chef d’établissement informe le directeur régional des événements de la veille qui ont conduit à l’évasion de deux cents quarante-neuf personnes : « Hier, vendredi 1er septembre 1944, à 21 heures, une révolte a eu lieu à la prison, section française, après le départ des Allemands [52], par les détenus de droit commun. Les portes ont été démolies, les tuyaux de plomb des conduites d’eau arrachés… Malgré les avertissements donnés aux détenus par Monsieur le surveillant chef de service et les surveillants de garde de nuit de rester calme et de ne pas créer de désordre, toute la population pénale a été déchaînée… Différents objets tombaient sur et autour du personnel et on entendait des cris : “à mort les gaffes”. En voyant qu’il n’y avait rien à faire contre cette mutinerie, j’ai retiré tout le personnel, y compris les gendarmes, devant la grille d’entrée, pour garder la sortie de la prison. Les détenus, une fois dans le couloir, ont fait un grand trou dans le mur qu’on a construit provisoirement au fond de la section vers les préaux et un grand nombre a pris la fuite. La grande partie s’évadait par la porte en bois que les Allemands avaient fait dans un mur anciennement allemand et seulement quelques-uns sont partis par la petite brèche qu’on avait laissée dans le mur reconstruit pour permettre de sortir les débris [la prison fut pas mal endommagée par les bombardements des Alliés durant la guerre]. » [Archives Départementales du Nord, 42 W 39351-8. Christian Carlier, « Histoire des prisons de Loos », ibid.]

1947

Mercredi 11 juin :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Maison Centrale d’EYSSES.

[La prison centrale d’Eysses ainsi que son annexe, le camp de Carrère (Cf. jeudi 25 septembre 1947) servent à la détention de personnes condamnées majoritairement pour faits de la collaboration. Plus de deux mille prisonniers sont répartis entre les deux établissements.]
Après le départ du directeur muté dans une autre prison, les détenus tiennent tête aux gardiens, et refusent d’effectuer certains travaux.
Un cahier de revendications est remis au nouveau directeur et également transmis au préfet de Lot-et-Garonne. Ils demandent que la ration de pain soit augmenté, ils réclament des aliments plus variés qui ne soient pas constamment des choux, des raves et des navets ; l’autorisation de fumer dans les cours, et la permission d’écrire à leurs familles des lettres qui ne portent pas sur l’enveloppe la mention « contrôle de la maison centrale d’Eysses ». Après l’exposé des doléances, les internés commencent à invectiver leurs gardiens, leur disant que bientôt les rôles seront inversés.
Par crainte d’un mouvement séditieux, on décide alors du transfert des « meneurs ». Les détenus s’opposent à leurs départs malgré les injonctions du directeur départemental de la police. Puis ils entonnent le « Maréchal nous voilà ! [sic] » et « La Marseillaise ». La veille, certains avaient chanté « l’Internationale ».

Dimanche 14 septembre :
 Mauzac (31), camp de détention politique de NOE.

Témoignage du nouveau préfet de Haute-Garonne, Eugène Pelletier, publié dans ses mémoires en 1974 :
« En 1947, étaient détenus au camp de Noé ceux qui désiraient l’être et le rester après jugement [sic]. Ils étaient au nombre de plusieurs centaines [1 300 prisonniers]. Or un certain dimanche d’août [septembre], sous la conduite d’un certain colonel de l’armée, une véritable mutinerie éclata. Sous les regards de leurs gardiens impuissants, les détenus, en formation militaire, forcèrent les barbelés et se rendirent pour y manifester, tant à l’église qu’au monument aux morts. [Les détenus ont voulu rendre un honneur public (une messe, puis le chant de la Marseillaise devant le monument) à un de leur camarade, tué dans la nuit d’une balle dans le cœur par un gardien, alors qu’il tentait de s’évader – il est abattu alors qu’il s’était rendu – : “En une seconde, toutes les portes des baraques cédèrent sous la poussée des hommes ; le camp fut débordé. Les sentinelles (…) s’enfuirent (…) La direction fut envahie (…) Le corps de Labat fut retrouvé. Un immense cortège alors se forma (…) La cohorte silencieuse et disciplinée fit le tour du camp d’abord puis descendit au pas cadencé jusqu’au village (avec le corps sur une civière et recouvert de fleurs) qui se trouvait à deux kilomètres (…)” – témoignage de l’acteur Robert le Vigan.] Les gardiens les suivaient mais furent ramenés au camp par les mutins eux-mêmes leur tenant les oreilles. Alerté, je me rendis sur place en uniforme avec une compagnie de CRS, requise à temps. A mon arrivée, les rebelles commençaient à mettre le feu aux bâtiments de bois. Je pus réunir les responsables et, après une courte harangue, leur faire les sommations. Les CRS restèrent dans les lieux et tout rentra à peu près dans l’ordre (…) L’affaire fit un grand bruit. » [Eric Malo, Le camp de Noé, 1941-1947, Cairn, 2009]
Une cinquantaine de détenus profitent de l’occasion pour se faire la malle, quinze seront rattrapés.
Le camp est fermé et tous les détenus sont dispersés dans diverses prisons de France.

Jeudi 25 septembre :
 Villeneuve-sur-Lot (47), camp de détention politique de CARRERE.

A 22h30, la mutinerie part de deux baraques situées près de la porte d’entrée. Les mutins la font sauter hors de ses gonds en même temps qu’ils provoquent un court-circuit en jetant sur le fil électrique de l’enceinte un paquet de couvertures ou de vêtements. Le camp se trouve plongé dans l’obscurité et un groupe de trois cents détenus renverse la première clôture et fait irruption dans l’enceinte extérieure du camp aux cris de : « Liberté ! Liberté ! ». Du haut d’un mirador un garde tire alors deux coups de feu en l’air, alertant ainsi le poste de CRS. Malgré la vive opposition des gardes et des surveillants, soixante-seize détenus réussissent à gagner la campagne, les autres sont refoulés et face aux menaces des gardiens stoppent le mouvement. Un important dispositif de barrage de policier et de gendarmes est mis en place dans toute la région et une douzaine de fugitifs sont repris.

[Les deux mutineries dans ces camps d’internement sont suivies d’importantes conséquences. Les camps vont être progressivement fermés et Paul Amor, alors premier directeur de l’Administration Pénitentiaire française, est évincé.
Ce type de structures sert à cette époque (l’épuration) pour les collaborateurs. Avant ils avaient servis pour d’autres : résistants, juifs, républicains espagnols, tziganes, etc. – en fonction de leurs localités. Si elles ferment ce n’est pas par humanisme, mais car elles sont considérées par le gouvernement et l’AP, du fait notamment de ces deux événements, trop peu sécurisées !]

Dimanche 9 novembre :
 Caen (14), Maison Centrale de CAEN.

A 15h50, alors que la surveillance se trouve réduite du fait du repos dominical, une cinquantaine de détenus réussissent à franchir le mur d’enceinte et se dirigent par le chemin de ronde vers le porche où se trouve seulement un surveillant et un garde des CRS. Ces derniers sont vite neutralisés (l’un des deux a un poignet tailladé par la lame de rasoir d’un détenu). Les mutins coupent alors les fils téléphoniques, prennent les clés, ouvrent la porte donnant sur la route Paris-Cherbourg et s’enfuient dans la campagne voisine. Quelques-uns sont repris aussitôt par… des promeneurs [!], mais le gros de la troupe se disperse rapidement.
Toute la nuit gendarmes, policiers et… civils bénévoles [!] battent la ville et la campagne pour les retrouver. Au matin, il ne reste que six fuyards à reprendre.
Ils sont alors placés sous la surveillance du personnel pénitentiaire et d’une cinquantaine de CRS venus à Caen à la demande du préfet du Calvados.

[La plupart des rebelles appartiennent au groupe de la centaine d’internés des camps de Noé et de Carrère qui avaient été amenés à Caen les dernières semaines.]

Lundi 15 décembre :
 Baugé (49), Prison de BAUGE.

Ce jour-là, il n’y a que quelques gardiens pour assurer la surveillance de quatre-vingt quatorze condamnés qui viennent d’être transférés. Ces jeunes gens se trouvaient précédemment au camp de redressement de Struthof (ancien camp de concentration Nazi) près de Strasbourg (67) : jugés plus « difficiles » que leurs camarades, leur éloignement avait paru s’imposer aux autorités du camp.
Une heure après la visite du directeur régional de l’AP, les détenus réussissent à ligoter trois surveillants et à gagner la campagne. Avant que ne soient coupés les fils téléphoniques, un gardien peut cependant alerter la brigade de gendarmerie de Baugé. Un adjoint arrivé aussitôt, tint en respect, sous la menace de son revolver, les prisonniers qui n’ont pas encore pris la fuite. Quelques instants plus tard, toutes les brigades de police et de gendarmerie sont alertées et des renforts de CRS appelés de Rennes (35), Tours (37) et Nantes (44) mettent en place un véritable dispositif militaire encerclant ainsi la région de Baugé. Le lendemain soir, trente-cinq des trente-neuf évadés sont repris.

1948

Dimanche 10 octobre :
 Epinal (88), Pénitencier de la VIERGE.

A l’issue de l’office religieux, cent cinquante prisonniers (sur les mille cent condamnés pour fait de collaboration), profitant du départ du pasteur, tentent de forcer un barrage de gardiens. Une bagarre s’ensuit à la faveur de laquelle huit détenus parviennent à s’échapper. L’arrivée des renforts ramène l’ordre. Sept des fuyards sont rattrapés dans la journée.

1949

Mercredi 26 janvier :
 Béthune (62), Maison d’Arrêt de BETHUNE.

Le matin, des incidents se produisent lors de la visite des familles à la prison où sont détenues pour fait de grève environ cent cinquante personnes. Il semble qu’il faut en chercher l’origine dans la stricte application de l’interdiction de recevoir des colis contenant du vin ou de l’alcool. Cette décision a été prise parce que deux détenus s’étaient enivrés une semaine avant au parloir. Les prisonniers expriment à haute voix leur mécontentement. Dans presque toutes les cellules des cris et des appels à la révolte sont poussés. Des judas sont brisés et des barreaux des cellules ébranlés. L’alerte est aussitôt donnée et un détachement de CRS et de gardien de la paix arrive à la MA et ramène rapidement le calme.

Mercredi 16 mars :
 Aix en Provence (13), Maison d’Arrêt d’AIX-LUYNES.

Le matin, un prisonnier, après avoir assommé et bâillonné solidement un gardien, s’empare de son trousseau de clés et ouvre les portes des cellules. De nombreux prisonniers se répandent alors dans la prison qui est bientôt en état d’effervescence. Cependant, le gardien du 1er étage réussit à donner l’alarme en tirant deux coups de semonce. Les mutins, intimidés, regagnent leurs cellules. La police et la gendarmerie interviennent en même temps et rétablissent le calme. Sept prisonniers qui auraient tenté de s’évader sont mis au fer.

1950

Vendredi 13 janvier :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Maison Centrale d’EYSSES.

Sur les huit cents détenus politiques qui purgent leurs peines dans cette maison centrale, trois cent vingt font une grève de la faim. Cette manifestation est décidée en signe de protestation contre les dispositions trop restrictives du projet d’amnistie présenté par le gouvernement.
Trois jours plus tard, le mouvement prend fin, après que l’AP a transféré une trentaine de « meneurs » sur un autre établissement pénitentiaire.

Dimanche 26 novembre :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Pour protester contre l’interdiction qui leur est signifiée de circuler librement dans leurs divisions respectives, des prisonniers politiques se livrent à diverses manifestations, descellant notamment les gonds de leurs cellules et exprimant leur volonté de faire la grève de la faim. En réaction, le samedi suivant, cent trente détenus (dont quarante-sept Allemands) sont transférés à la prison de la Santé (75).

1957

Mardi 16 juillet :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Mutinerie des détenus, dont des Algériens du FLN [Front de Libération Nationale], à l’occasion d’un mouvement des gardiens. Mécontents de ne pas recevoir leurs repas, ils organisent un chahut et brisent quelques cellules. Huit escadrons de gardes républicains et de gardes mobiles sont envoyés pour mater les rebelles, dont certains lancent des briques depuis les toits. Le directeur venu parlementer s’en prend une sur le coin de la tronche. Il s’agit de la première grande mutinerie depuis la libération de Paris.

1958

Mardi 15 avril :
 Lyon (69), Maison d’Arrêt de SAINT-PAUL.

« 18 heures venait de sonner lorsque les portes de cellules occupées par les détenus nord-africains [Algériens] commencèrent à vibrer sous les coups. Les sept surveillants, surpris, poussèrent hâtivement les verrous : une révolte éclatait. Les portes cédaient et cinq cent quatre-vingts prisonniers déferlaient dans les couloirs.
Débordés, les gardiens se replièrent vers le rond-point où convergent les travées Acculés à la dernière grille, ils réussirent toutefois à donner l’alerte. Les huit gendarmes de garde à la caserne Suchet, proche de la prison, armés de leurs mousquetons, accoururent à l’aide des surveillants et firent face à la meute hurlante et forcenée qui brisait tout et tentait de gagner la sortie. Les Nord-Africains étaient munis d’armes de fortune faites de pieds de chaise ou de table, de lames acérées arrachées à leurs sommiers.
Après les sommations d’usage, les gendarmes tirèrent plusieurs coups de feu en l’air, puis dégagèrent les abords de la porte à coup de crosse de mousqueton. Cependant les surveillants lançaient dans l’enceinte des grenades lacrymogènes. Les mutins reculèrent et regagnèrent les couloirs. A ce moment des renforts de police, cent quatre-vingts hommes environ : CRS, gendarmes mobiles et inspecteurs arrivaient. Des détachements de gendarmes cernaient le quartier de Perrache.
Une véritable bataille s’engagea à l’intérieur de la prison. Elle ne dura pas moins d’une heure et quart. A 19h30 le calme était rétabli, mais les forces de l’ordre avaient dû récupérer les locaux cellule après cellule. Le dernier flot de résistance était situé à l’extrémité de la prison. Une demi-douzaine de membres du FLN y tinrent encore plus d’une demi-heure dans une cellule où ils s’étaient retranchés. » [Le Monde, 17 avril 1958]
Les locaux sont dévastés suite à la mutinerie. On compte dix blessés (sans gravité) chez les forces de répression et cent huit dont quatre grièvement chez les rebelles. La vingtaine de condamnés métropolitains de la prison n’a pas pris part à la rébellion. Dans la prison voisine, Saint-Joseph, se trouve une soixantaine d’algériens du MNA [Mouvement National Algérien] qui, eux, n’ont pas bougé.

Lundi 27 octobre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Parce qu’ils sont considérés comme des droits communs et non des prisonniers politiques, et qu’ils sont à l’isolement, des détenus algériens entament une grève de la faim qui durera deux semaines. Une fois la santé retrouvée, ils seront transférés à Fresnes (94).

1959

Jeudi 29 janvier :
 Grenoble (38), Maison d’Arrêt SAINT-JOSEPH.

Une soixantaine de détenus algériens se soulèvent pour protester contre la mise en cellule d’un des leurs. La Direction appelle des renforts de police pour un retour au calme.

Jeudi 18 juin :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Début d’une grève de la faim entamée par des détenus algériens (un détenu sur trois est à cette époque nord-africain) en vue d’obtenir le statut de prisonnier politique.
- Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.
La grève de la faim est également pratiquée dans cet établissement pour les mêmes motifs.

[ En juillet : le mouvement culmine s’étendant à vingt prisons dans lesquelles sont incarcérées des personnes détenues pour des faits en relation avec la guerre d’Algérie ; celles-ci se verront accorder un régime de détention particulier – détenus de catégorie A : un prisonnier sur cinq en 1960.]

1961

Jeudi 2 novembre :
Nouvelle grève de la faim de quinze mille prisonniers algériens de dix-huit jours suite à la détérioration du régime spécial qu’ils avaient obtenu et pour appuyer la négociation algérienne alors que commencent les tractations des accords d’Evian.

1962

Vendredi 20 avril :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

« En fin de journée, la quartier haut est en ébullition. Une rumeur circule : “Salan a été arrêté”, “Il vient d’arriver à la Santé”. La nouvelle est exacte. Le commandant en chef de l’OAS [53] a été localisé et arrêté le matin même, rue Desfontaines à Alger, sur trahison d’un certain Lavanceau qui avait réussi à avoir le contact avec lui sous couvert de négociations avec le MNA de Messsali Hadj. L’Organisation aux abois cherchait des alliés. Cette recherche a été fatale au chef de l’OAS bientôt dirigé sur Paris par avion spécial.
Son arrivée ne passe pas inaperçue. Dès 19 heures, des renforts de gardes mobiles pénètrent à l’intérieur de la prison. A l’extérieur, la rue de la Santé est rigoureusement interdite. Des fenêtres des cellules, des cris commencent à fuser : “Algérie française”, “Libérez Jouhaud [54]”, “Salan au pouvoir”. […] Un peu après l’arrivée de Salan, des manifestants des deux bords se heurtent sur la boulevard Arago. Des coups sont échangés avant que les gardiens de la paix ne dégagent la chaussée et ses abords. Au quartier haut, la présence proche du grand patron, inculpé d’attentat et complot contre l’autorité de l’Etat, déclenche un tohu-bohu général. Mais les portes des cellules sont à l’épreuve des coups les plus rudes. Quelques-uns essaient de les enflammer. Ceux qui réussissent à sortir (huit cents, annoncera le rapport de l’Administration Pénitentiaire, mais ce chiffre paraît élevé, il serait à diviser au moins de moitié) se heurtent vite au mur implacable des gardes mobiles. » [Pierre Montagnon, 42 rue de la Santé, Une prison politique, 1867-1968, Pygmalion Editions, 1996]

« Les prisonniers du quartier haut “politiques” et “droits communs” mêlés ont enfoncé les portes de leur cellule, se sont égaillés dans les couloirs. Après avoir accueilli gendarmes et CRS avec des projectiles divers, ils ont allumé un incendie dans la 3e division en mettant le feu à des paillasses. Huit voitures de pompiers munies de grandes échelles arrivent sur les lieux, mettent des lances en batterie.
Le sinistre ne sera circonscrit qu’à 1 heure du matin. Les bagarres ont fait une quinzaine de blessés parmi les détenus et cinq du côté des forces de police, qui ont rétabli l’ordre. » [Le Monde, 22-23 avril 1962]
Le transfert d’une centaine de détenus vers une autre prison est envisagé.

1965

Vendredi 8 janvier :
 Loos (59), Maison Centrale de LOOS-LEZ-LILLE.

Grève de la faim de trois cents détenus pour protester contre la nouvelle circulaire ministérielle qui interdit aux détenus la détention de plaquette d’alcool solidifiée pour les réchauds dont ils disposent dans leurs cellules. Cette décision les oblige à acheter des plats cuisinés à la cantine de la prison ou à se contenter de l’ordinaire.
Alors que les prisonniers poursuivent leur grève de la faim, deux jours plus tard, la fouille des cellules provoque un incident, durant celle-ci en effet, un jeune détenu porte deux coups de couteau à un gardien.
- Nîmes (30), Maison Centrale de NIMES.
Des détenus relégués [les récidivistes qui étaient alors jadis envoyés au bagne d’outre-mer] se soulèvent contre le régime qui leur est appliqué en centrale car ils n’ont rien à faire dans ce type d’établissement. Les « meneurs », entre 9 à 10, sont mis au quartier cellulaire.

Vendredi 30 juillet :
 Nîmes (30), Maison Centrale de NIMES.

Début de la grève de la faim de cent neuf détenus pour protester contre une fouille particulièrement violente qui s’est produite quatre jours plus tôt. Ces événements furent à l’époque qualifiés de « Semaine sanglante » de la centrale de Nîmes [55].
« Les grévistes furent enfermés dès le début dans leurs cages à poules avec un cruchon de 1 litre ½ d’eau par jour, sans aucune possibilité de se laver.
Le samedi 7 août, 18 cages étaient occupées, 11 autres grévistes avaient été transportés à l’infirmerie et il y en avait deux autres au quartier cellulaire.
Dans ce quartier, plein à craquer, à raison de trois détenus par cellule, régnait une puanteur indescriptible [Il n’y a qu’une tinette et pas d’eau courante dans les cellules]. C., dont la tête avait été matraquée dans les conditions écrites plus haut [il avait le visage très tuméfié], ne commença la grève de la faim que le 4 au matin seulement. Toutefois, il se trouvait 3 jours après dans un tel état de faiblesse qu’il dut être transporté en brancard à l’infirmerie. Je pense qu’il était atteint en fait d’une commotion cérébrale secondaire aux coups dont il avait été victime.
Un détenu de nationalité belge C.C. dut également être admis à l’infirmerie après avoir été sauvagement matraqué le samedi par les surveillants qui avaient accompagné l’inspecteur, avant que ces derniers ne quittent la centrale. [Certains détenus grévistes auraient été placés dans une cour, surveillés par une brigade, arme à feu en joue].
Pendant cette même période, trois hommes, trois relégués tentèrent de se suicider : C. se pendit au quartier cellulaire, D. au dortoir, et D. ingéra du verre pilé au quartier cellulaire.
Heureusement ces tentatives avortèrent-elles, car trois suicides réussis auraient peut-être tout de même provoqué un certain scandale. [sic] » [Docteur Georges Salan, op. cit.]

1967

Mardi 1er août :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

« C’est en effet dans la partie la plus encombrée et la plus déshéritée de la maison d’arrêt, appelée le “quartier haut”, qu’a pris naissance, mardi, un mouvement collectif qui devait s’amplifier au cours de la nuit de mardi à mercredi et qui a consisté en un “chahut” comme il s’en produit parfois dans les prisons.
La cause en était la vague de chaleur, qui a fait régner dans les cellules des températures d’autant plus difficilement supportables au “quartier haut” que les cellules y sont occupées parfois chacune par six ou sept détenus. En effet, si la prison de la Santé compte actuellement un effectif de 3 120 prisonniers, le seul “quartier haut” où sont affectés les Nord-Africains et les autres étrangers, en rassemblait environ 2 700 réparties en 572 cellules. Chacune de ces cellules est aérée par une fenêtre haute et n’a pour toute installation sanitaire qu’un water-closet sans siège dont la cuvette doit faire office également d’évier pour la vaisselle et de lavabo pour la toilette.
En raison de la chaleur, quelques plaintes furent d’abord formulées auprès des surveillants et de la direction. Puis la protestation s’amplifia et se traduisit par une grève de la faim. Enfin, ce fut mardi soir le grand tapage : coups dans les portes, cris et chants aux fenêtres, déprédations diverses à coups de tabourets, projections dans les cours des paillasses et de couvertures, etc. Des forces de police ont dû intervenir [durement] pour prêter main forte aux surveillants. Devant cette situation, qui nécessita le déplacement sur les lieux de M. Raymond Morice, directeur de l’Administration Pénitentiaire, un certain nombre de mesures ont été prises pour dégager les cellules les plus encombrées. Trois cents détenus ont été ou vont être transférés dans d’autres prisons dépendant de la direction générale de Paris. Une partie de ceux-ci ont été dirigés sur la maison d’arrêt de Fontainebleau, d’autres sur Fresnes, où des cellules se trouvent disponibles dans les locaux du Centre national d’orientation. A l’intérieur même de la Santé, une nouvelle répartition des prisonniers est en cours.
Dans ces conditions, le calme semble être revenu, et les visites, y compris celles des avocats, qui avaient été suspendues, pourraient reprendre dès jeudi. […] » [Le Monde, 4 août 1967]
Quelques jours plus tard, l’AP affirme à demi-mot dans un communiqué que les détenus se sont fait dérouiller : « Un certain nombre de blessés ont été pansés à l’infirmerie de Fresnes. Deux blessés ont été gardés. L’un sortira incessamment. »
Des hebdomadaires de l’époque (notamment Paris-Match et Minute) font état de la mort de trois prisonniers au cours des violents incidents survenus au début du mois d’août, mais l’AP dément : « Dans un article de son numéro du 7 septembre, intitulé “Où sont les morts de la Santé ?”, l’hebdo. Minute demande ce que sont devenus trois détenus : Roger Duquesnois, Joël Larigot et Jacques Montfort, qui auraient été mortellement blessés le 2 août dernier.
Interrogé à ce sujet, le Ministère de la Justice déclare que les vérifications immédiates faites à la MA de la Santé et à la prison de Fresnes ont permis d’établir que depuis 1963, aucun détenu portant les noms cités par l’hebdo n’a été écroué à la Santé et que les numéros d’écrou cités par Minute correspondent à trois autres détenus qui ont été libérés dans le courant de l’année 1966. Le Ministère de la Justice avait d’ailleurs précisé au lendemain des incidents qui avaient éclaté au début du mois d’août à la prison de la Santé [voir Le Monde du 4 août] qu’il n’y avait eu aucune victime. » Ce qui laisse ainsi planer le doute sur la véracité de ces informations ! [Le Monde, 9 septembre 1967]

Vendredi 17 novembre :
 Saint-Martin-de-Ré (17), Maison Centrale de SAINT-MARTIN-DE-RE.

Pour protester contre les mesures prises au pénitencier, suite à l’évasion de l’activiste Claude Tenne [56], et dans l’attente de la discussion sur le projet de loi d’amnistie de l’assemblée nationale le 28 novembre, une quinzaine de détenus politiques sur quarante-six en tout sont en grève de la faim jusqu’à cette date.

1968

Lundi 8 avril :
 Nîmes (30), Maison Centrale de NIMES.

Le matin, les huit cents prisonniers incarcérés dans l’ancien fort de Vauban refusent de se rendre aux ateliers pour protester contre une mesure disciplinaire prise à l’encontre de l’un d’eux. Pour éviter les incidents, la direction demande la protection de gardiens de la paix et de CRS.

Mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

A cause de la grève générale qui secoue le pays, il y a un manque de tabac et de pain en prison. Les détenus n’ont droit qu’au tabac brun et non blond. Or il ya une pénurie de tabac brun, ce qui fait qu’ils n’ont plus rien. Dans la cour de promenade, une centaine de détenus décident de ne pas remonter et se regroupent sur le terrain de sport afin de protester contre ces restrictions. Les matons présents sont pris à partie par le groupe. Leurs casquettes volent et ils se prennent des coups de pieds au cul. Les détenus ne cherchent pas à les frapper mais à les avilir pour inverser les rôles. Les détenus scandent « du pain, du tabac ». Pour ramener l’ordre, un gardien leur promet qu’il fera tout ce qu’il peut pour leur trouver du tabac. Le soir tout le monde a des blondes.

Lundi 16 septembre :
 Brive-la-Gaillarde (19), Maison d’Arrêt de BRIVE.

Vers 23h30 quarante-cinq détenus, après s’être armés de barres de fer arrachées à leur lit, forcent les portes de leurs cellules et font irruption dans les couloirs. Ils sont arrêtés par les grilles, derrières lesquelles se sont réfugiés les gardiens. Des renforts de police et de gendarmerie sont alors envoyés. Après plusieurs heures de négociations, les détenus retournent dans leurs cellules.

1970

Mars ou avril :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

La détention décide de faire une grève de la faim illimitée pour des améliorations de leurs conditions de détention (meilleure nourriture, permission de recevoir des livres d’étude, des colis de linge de corps, l’augmentation des mandats, …). Après quatre jours de grève, leurs revendications sont satisfaites.

Dimanche 15 mai :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Dans la nuit, six détenus tentent de s’évader par les égouts. A l’intérieur de la détention, tout le personnel de nuit commence les recherches par plusieurs contre-appels successifs dans toutes les cellules. Après avoir entendu un bruit sourd qui se répète (les évadés, avec une barre à mine, tentent de desceller une grille de protection qui leur bloque la sortie), un gardien comprend qu’ils sont dans les égouts. Ils décident alors d’ouvrir les vannes afin d’obliger les détenus à ressortir s’ils ne veulent pas mourir noyés « comme des rats », selon l’expression tenue par plusieurs surveillants. A la sortie, une haie d’honneur composée de plus de trente matons armés de fusils, de matraques, de bâtons les attend. Et les coups pleuvent ! Ils subissent quelques violences, mais c’est surtout au bureau central des surveillants où ils sont aussitôt conduits qu’ils sont violemment frappés à coups de poing, de matraques et de crosses. Ils sont alors enchaînés et doivent subir ce matraquage sans pouvoir y opposer la moindre résistance. Même le directeur y participe, à tel point qu’après il doit se laver les mains pleines de sang dans un lavabo du poste de garde.
« Nous dans la détention, des fenêtres de nos cellules, nous les voyons passer et assistons au massacre ! Tout le monde gueule des insultes, des menaces aux bourreaux ! Des coups de pied, de tabouret, sont donnés dans les portes. Ça fait un bruit effroyable ! Il est 2 heures du matin et il s’en est fallu d’un cheveu pour que ce soit la révolte. Si une seule porte avait sauté, c’était fini, toutes les autres sautaient ensuite. » [Témoignage d’un détenu au GIP, Jean-Marie Domenach, « En finir avec les prisons », Esprit n°415, juillet-août 1972]

Mardi 1er septembre :
 Prisons de LA SANTE (75), LA PETITE ROQUETTE (75), FRESNES (94), RENNES (35), SAINT-NAZAIRE (44) et ROUEN (76).

Grève de la faim de trente-sept membres incarcérés de l’ex-Gauche prolétarienne [organisation maoïste dissoute par Raymond Marcelin, alors ministre de l’Intérieur] pour obtenir le statut de prisonniers politiques. Ils arrêtent leur mouvement au bout de vingt-cinq jours mais seuls quelques détenus passibles de la Cour de Sûreté de l’Etat bénéficient d’un régime spécifique.
[Les renseignements généraux comptabilisent à cette époque soixante et onze grèves de la faim, mêlant motifs politiques (les militants du Front de Libération de la Bretagne [FLB], par exemple, ou les objecteurs de conscience) et individuels, menées par quatre cent quatre-vingt-six personnes].

1971

Jeudi 14 janvier :
 Prisons de LA SANTE (75), FRESNES (94), d’EPINAL (88), MONTBELIARD (25), TOULOUSE (31), NANTES (44), BORDEAUX (33), MARSEILLE (13), METZ (57).

Vingt-et-un militants emprisonnés de l’ex-Gauche Prolétarienne (parfois les mêmes qu’en septembre 1970) et de Vive la Révolution (autre groupe maoïste) entament de nouveau une grève de la faim pour le même motif (quatre à Toulouse depuis le 5 janvier). Certains prisonniers suspendront leurs grèves de la faim au bout de trente-quatre jours.

Février :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Grève de la faim contre la longueur de la détention préventive.

Samedi 1er mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Les détenus refusent de remonter de promenade au D3 (Division 3). Ils s’affrontent avec les surveillants et les CRS venus en renfort. Les rebelles seront condamnés à des peines allant de deux mois avec sursis à six mois ferme, sous l’inculpation de « dégradation de monument public ». [57]

Mercredi 5 mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Huit détenus du deuxième étage, qui appartiennent au groupe scolaire 2A, se révoltent. Ils découpent du papier, beaucoup de papier et le balancent par les fenêtres. Le sol en est complètement recouvert. Sur certains on peut lire des inscriptions : « Nous ne sommes pas des bestiaux, nous sommes des hommes », « Plus on nous enfermera, plus nous nous révolterons »… Les matons arrivent et seuls quatre continuent. Ces derniers sont placés au mitard pour une nuit avant d’être déplacés dans d’autres bâtiments où le régime est plus sévère.

Mardi 10 août :
 Grenoble (38), Maison d’Arrêt SAINT-JOSEPH.

Grève de la faim de l’ensemble des soixante détenus contre les conditions intolérables de détention (absence de service médical sérieux, durée des visites trop courte, ...). La grève se termine sur un succès dès le quatrième jour...

Mercredi 1er et jeudi 2 septembre :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Contre les surveillants, les prisonniers se mettent en grève et sabotent des ateliers.

Du Vendredi 24 au mardi 28 septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Suite à l’affaire de Clairvaux (21-22 septembre 1971) ayant entraîné la mort d’un surveillant et d’une infirmière pris en otages par deux détenus, certains prisonniers du Groupe Scolaire n°1 (GS 1) sont privés de promenade depuis 48 heures (la promenade étant la seule activité que l’Administration leur procure). Lors de la distribution des repas, lorsque la porte de sa cellule est ouverte, « un détenu fait mine de sortir en réclamant sa promenade. Il reçoit un violent coup de louche sur la tête et une dizaine de matons le maîtrise. […] Suite aux cris de celui-ci, […] tous les jeunes du couloir protestent aussitôt en cognant contre leur porte de cellule. Le vacarme se prolonge tout l’après-midi, gagne d’autres bâtiments, quelques vitres sont brisées, des bouts de matelas enflammés volent par les fenêtres.
19h30 […], les détenus réclament le rétablissement de la radio. Une cinquantaine de matons, la plupart en civil et hors service, pénètrent contre tout règlement à l’intérieur des bâtiments de détention. Certains ont des matraques. Ils ouvrent les unes après les autres les portes des cellules du GS 1 et à cinq ou six tabassent la plupart des jeunes détenus. Au bout d’une demi-heure, ils repartent comparant l’état de leurs poings, certains couverts de sang.
Le 25, […] sept ou huit détenus blessés sont transportés au quartier disciplinaire D3, au grand mitard. D’autres détenus, frappés dans les autres bâtiments, ont été conduits dans les “petits mitards”. Quinze détenus ont été déclassés (ont perdu leur emploi). »
Le 28, « au mitard les détenus [du 25] sont frappés quotidiennement. Notamment le soir, lorsqu’ils traversaient un couloir pour aller retirer leur matelas (crocs en jambe, coups de matraque). L’un d’eux a été attaché trois jours par des sangles sur son lit. Pour protester contre ces traitements, les détenus ont fait grève de la faim pendant toute la durée de la punition.
Les détenus entament une grève de la faim contre les brutalités des matons. » [Rapport du GIP, bulletin spécial de l’APL – Agence de Presse Libération, 16 octobre 1971]
La grève durera jusqu’au 5 octobre, où la plupart des détenus tabassés sortent des mitards. Des transferts ont lieu le 2, vers Toul (54) et Ecrouves (54). Il y a une tentative de révolte dans un car qui est vite matée.

Dimanche 14 novembre :
 Draguignan (83), Maison d’Arrêt de DRAGUIGNAN.

Protestation d’une centaine de détenus durant trois heures contre leurs conditions générales de détention et en particulier contre la qualité de la nourriture.

Dimanche 21 novembre :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Durant quatre jours, quatre cents détenus font une grève du travail et de la faim. Les grévistes protestent contre la circulaire Pleven [le ministre de la Justice a supprimé le traditionnel colis de noël pour les détenus, sous la pression des syndicats pénitentiaires suite à l’affaire de Clairvaux], les conditions de détention et demandent une augmentation des salaires. Vingt-deux prisonniers seront transférés à Fresnes.

Vendredi 26 novembre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Contre la circulaire Pleven, le détenu Lacombe entame une grève de la faim. Le 1er décembre, cette grève est presque générale au quartier haut. Le mouvement s’étend à Lyon (69), Nîmes (30), Grenoble (38), Draguignan (83), Fresnes (94) et Poissy (78).

Du dimanche 5 au lundi 13 décembre :
 Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.

A 17 heures, deux cent vingt-cinq détenus sur trois cent vingt refusent de réintégrer leurs cellules. Ils organisent un sit-in dans la cour de promenade afin d’obtenir le départ du directeur de l’établissement, coupable à leurs yeux d’être un tortionnaire [rappelons que le directeur en question, Mr Georges Galiana, était alors directeur de la centrale de Nîmes au moment de la Semaine sanglante en 1965. A Toul, comme en Algérie, où il officia comme ancien directeur de la prison d’Alger pendant la guerre d’indépendance, des surveillants ont tout simplement « rendu leurs casquettes », étant scandalisés par ces méthodes.] Deux jours plus tard, ils se mettent en grève du travail. Le lendemain, le procureur de la République vient les sermonner et leur promet les pires ennuis si l’agitation continue.
Le 8, vers 17 heures, vingt jeunes détenus refusent de réintégrer leur cellule. Après des discussions avec l’abbé de la prison, ils regagnent leur quartier.
Le 9 décembre, en arrivant aux ateliers, les prisonniers du bâtiment C s’arment de leurs outils, expulsent les gardiens et se rendent maîtres du quartier des adultes. Ils brûlent la bibliothèque et les ateliers. Au quartier des jeunes, le bâtiment est entièrement détruit. Leur violence ne s’est jamais dirigée contre les bâtiments où ils étaient traités correctement. Une pancarte apposée sur la porte de la chapelle indique : « Nous respectons ceux qui nous traitent avec humanité ». Les mutins chantent « La Marseillaise » et « l’Internationale » et lèvent le poing. Ils dressent une barricade dans la cour et exigent le renvoi du directeur, du gardien-chef et de deux surveillants. Ils demandent également la fin des sévices et une augmentation des salaires. Ils obtiennent une promesse orale de la part de la direction pénitentiaire.
Le 10 décembre, les jeunes sont transférés, mais les détenus se rendent compte que le directeur et le surveillant-chef sont encore là. Le 13, en protestation, une nouvelle mutinerie éclate vers midi. Une soixantaine de détenus cassent leurs cellules ; les gardes mobiles et les CRS (un escadron pour le premier corps et deux pour le second), toujours présents dans l’enceinte de la prison, matent violemment et rapidement la révolte. Une vingtaine de mutins sont blessées, dont quatre gravement.
« Ce fut une intervention très rapide et très énergique », selon le préfet de l’époque, Maurice Lambert. Un surveillant dira « avec un brin de fierté dans la voix » à une journaliste du Nouvel Obs’  : « C’est solide pourtant un fusil ? Eh bien on en a cassé un sur un détenu ! » [Katia D. Kaupp, « le “malentendu” de Toul », dans Le Nouvel observateur, 20 décembre 1971]

Vendredi 10 décembre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Deux cents détenus se mutinent à la suite d’une grève de gardiens. Les portes des cellules sont enfoncées et des incendies se déclarent dans plusieurs ateliers. Huit escadrons de gendarmes mobiles sont envoyés sur les lieux pour rétablir l’ordre.

Samedi 25 décembre :
 Bussac-Forêt (17), Camp de relégués de BUSSAC-FORET.

Révolte dans ce camp pour longues peines.

Lundi 27 décembre :
 Besançon (25), Maison d’Arrêt de BESANÇON.

Chahut à l’intérieur provoqué par une manifestation de militants « gauchistes » qui manifestent devant la prison.

Mardi 28 décembre :
 Besançon (25), Maison d’Arrêt de BESANÇON.

Quatorze détenus se mettent en grève de la faim.

1972

Lundi 3 et mardi 4 janvier :
 Nîmes (30), Maison Centrale de NIMES.

Sur quatre cent quatre-vingt-cinq détenus employés dans les ateliers, quatre cent trente se mettent en grève afin d’obtenir une commission d’enquête sur leurs conditions de travail et de détention, notamment sur l’insalubrité des locaux, leur vétusté et leur exiguïté. Les CRS interviennent deux jours plus tard, les « meneurs » sont transférés à Avignon (84), les autres aux Baumettes (13).

Lundi 10 janvier :
 Loos (59) et Amiens (80), Maisons d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE et d’AMIENS.

Grève du travail dans ces deux prisons et transfert des « meneurs ».

Mardi 11 janvier :
 Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.

Mouvement contre la qualité de la nourriture.

Vendredi 14 janvier :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Une centaine de détenus refusent de réintégrer leurs cellules au bout d’une heure de promenade. Ils réclament le droit de pouvoir cantiner [acheter en prison] du tabac et de la bière (cette dernière étant autorisée pour les majeurs) et deux heures de promenade au lieu d’une par jour. La négociation avec l’Administration ne débouche sur rien. Les prisonniers dans les étages commencent à casser les vitres. Le calme revient avec l’intervention des gardes mobiles.
- Ecrouves (54), Centre de Détention d’ECROUVES.
Huit détenus manifestent contre les salaires et les horaires de gymnastique.

Samedi 15 janvier :
 Nancy (54), Maison d’Arrêt Charles-III.

Les détenus font parvenir leurs revendications depuis les toits : suppression de la tutelle pénale et de l’interdiction de séjour, fin de la censure des journaux et amélioration des conditions de détention. Ils dévastent la prison et résistent pendant six heures aux assauts des policiers qui finissent par faire intervenir un hélicoptère.

Mercredi 19 janvier :
 Saint-Martin-de-Ré (17), Maison Centrale de SAINT-MARTIN-DE-RE.

Une quinzaine de détenus tentent de se mutiner vers les 17h30. Intervention des CRS.

[Suite aux mouvements de Toul (59) et de Nancy (54), un manifeste de prisonniers est diffusé fin janvier à l’extérieur des prisons de Melun (77) et de Muret (31). Dans les semaines qui suivent, des mouvements se produisent en détention : Saint-Martin-d’Hères (38), Mulhouse (68), Fresnes (94), Chartres (28), …]

Lundi 7 février :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Manifestation de quatre cents détenus.

Mercredi 9 février :
 Chartres (28), Maison d’Arrêt de CHARTRES.

Brève mutinerie en fin de matinée.

Mercredi 16 et vendredi 18 février :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Cent vingt détenus de l’atelier de brochure et de l’imprimerie administrative, soit plus d’un tiers des effectifs, poursuivent un mouvement de grève pour obtenir des augmentations de salaire.

Mercredi 23 février :
 Flers (61), Foyer de Semi-liberté de FLERS.

Grève de la faim d’une cinquantaine de jeunes qui demandent une commission d’enquête sur les conditions d’hébergement. Ils obtiennent la suspension du directeur et des éducateurs.

Mercredi 24 mai :
 Toulouse (31), Maison d’Arrêt SAINT-MICHEL.

Dans la soirée, mouvement de révolte dans le quartier n°4, réservé aux jeunes délinquants.

Jeudi 8 juin :
 Nancy (54), Maison d’Arrêt Charles-III de NANCY.

En solidarité avec les six inculpés qui passent en procès, cinquante détenus refusent de prendre leur petit-déjeuner.

Mardi 20 juin :
 Metz (57), Centre Pénitentiaire de METZ-QUEULEU.

Agitation dans le quartier d’isolement. Intervention des forces de répression.

Lundi 31 juillet :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Les détenus font la grève des repas pour dénoncer le suicide d’un détenu quatre jours plus tôt.

Vendredi 22 décembre :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Agitation et grèves intermittentes jusqu’au 15 janvier 1973. Présence des CRS au bout de trois jours : répression et transferts.

1973

Jeudi 5 avril :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Quarante détenus se révoltent contre les conditions de détention ; le mouvement est bientôt suivi par deux cents prisonniers. L’un de leurs slogans est : « Rendez nous nos gosses » [revendication de parloirs rapprochés]. Après une violente répression, cent soixante-dix-sept prisonniers se mettent en grève de la faim pendant cinq jours.
- Lyon (69), Maisons d’Arrêt SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.
Une quarantaine de prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules, après la promenade, afin de protester contre les conditions de détention. Ils demandent l’amélioration de la nourriture et l’obtention de parloirs rapprochés (qui leur permettraient de meilleurs contacts avec leurs enfants), la réduction de la durée des détentions provisoires et de meilleures conditions générales de détention, notamment au niveau de l’hygiène. En représailles l’AP suspend toutes les visites.

Vendredi 6 avril :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.

Dans la nuit, des prisonniers démontent leur lit pour se faire des barres de fer. Au matin, les gardiens empêchent le service des petits-déjeuners et réclament l’assistance de la police. Les forces de répression prennent position dans les cours de la prison. Le mouvement reste non violent et cent cinquante prisonniers sur six cent cinquante que compte la prison se mettent en grève de la faim. Leur mouvement se termine le 13 avril après que des promesses leur soient faites et suite au transfert de nombreux détenus vers Fresnes (94) et Saint-Etienne (42).

Mardi 8 mai :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.

Les promesses faites en avril n’ayant pas été tenues, des détenus montent sur les toits en fin d’après-midi. Comme lors des manifestations précédentes (5 et 6 avril 1973), les revendications avancées par les prisonniers restent les mêmes. Depuis les toits les mutins crient entre autres : « Nous voulons embrasser nos gosses ! Nous, prisonniers, nous sommes aussi des hommes ! », « CRS assassins », … Pour couvrir leur voix des Lyonnais venus apporter leur soutien, les CRS à l’extérieur font tourner les moteurs de leurs véhicules.
A 20 heures, ils donnent l’assaut avec des tirs de gaz lacrymogènes et chargent violemment les gens qui sont venus soutenir les mutins.
De nombreux prisonniers sont blessés, d’autres sont transférés et toutes les visites sont supprimées. Les dégâts des installations endommagées sont évalués à environ un million de francs [≈ 150 000 €].
- Melun (77), Maison Centrale de MELUN.
Durant quinze jours, les détenus déclenchent des débrayages des ateliers, de trois quarts d’heure à deux heures par jour. Ils revendiquent le SMIC dans les ateliers de la RIEP (Régie Industrielle des Établissements Pénitentiaires), l’augmentation des salaires des apprentis et l’arrêt des saisies sur le dernier mois de salaire précédent la libération (l’AP saisit 80 % du salaire : 20 % pour les frais de justice et 60 % vont au Trésor).

Vendredi 25 mai :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Révolte contre les conditions de détention.

Samedi 15 septembre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Quinze détenus montent sur les toits. Ils s’automutilent et écrivent leurs revendications avec leur sang (amélioration des conditions de détention). Ils forment le Comité d’action pour la défense des intérêts des détenus. Certaines de leurs revendications aboutissent : douches, cinéma, meilleure cuisine, transistors, cigarettes...

Mercredi 24 octobre :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Quatre cents détenus refusent de se rendre au réfectoire, à la sortie de l’atelier. Quelques heures plus tard, certains occupent les toits de la centrale. Ils revendiquent une meilleure nourriture et une surveillance moins stricte au parloir. Des chants et des clameurs s’élèvent et s’entendent de l’extérieur. A 22 heures, l’assaut est donné par trois escadrons de gardes mobiles, un détachement de CRS et des sapeurs-pompiers.
A 0h30 le calme revient dans la prison. La répression est féroce et plusieurs détenus sont tabassés. La nuit même, une cinquantaine sont transférés.

[D’autres mouvements sporadiques se produisent dans l’année à Poissy (78), Bonneville (74) et Varces (38). Partout ce sont à la fois les conditions de détention et le fonctionnement de la justice qui sont mis en cause.]

1974

Lundi 7 et mardi 8 janvier :
 Melun (77), Maison Centrale de MELUN.

Trois cents détenus refusent de rentrer en cellule. Ils avaient adressé une lettre de revendication quinze jours plus tôt à Taittinger, Garde des Sceaux, lui demandant une amélioration des soins médicaux, un accroissement des salaires et une application réelle des textes concernant les libérations conditionnelles et les sorties. Le mouvement prend fin à trois heures du matin.

Mercredi 6 et jeudi 7 mars :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Centre de Détention d’EYSSES.

Mutinerie provoquée par la décision du nouveau directeur de supprimer les activités sportives et de loisirs.

Vendredi 3 mai :
 Périgueux (24), Maison d’Arrêt de PERIGUEUX.

Les jeunes détenus montent sur les toits et la révolte se généralise rapidement à l’ensemble de la maison d’arrêt.

Mardi 14 mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Mouvement de cent cinquante mutins. Intervention de la police et du GIGN [Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale].

Jeudi 16 mai :
 Périgueux (24), Maison d’Arrêt de PERIGUEUX.

Dans la nuit, soixante détenus montent sur les toits et demandent l’accélération des procédures de jugement. Violente répression.

Vendredi 17 mai :
 Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM.

Cent détenus refusent de remonter de promenade : ils demandent une permission de sortie pour l’un des leurs.

Samedi 18 mai :
 Saint-Étienne (42), Centre de Jeunes Détenus de LA TALAUDIERE.

Dix-sept mineurs refusent de remonter de promenade, soutenus par l’ensemble des détenus.

Mercredi 5 juin :
 Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM.

Deux cent cinquante prisonniers manifestent suite à l’arrêt du programme radio diffusé par haut-parleurs.

Mercredi 26 juin :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Trois cents détenus refusent de remonter de promenade et montent sur les toits. Certains se tailladent les veines. Ils réclament des parloirs libres, plus de promenades, le respect, ... Violente répression.

Entre mai et juin :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Quatre jeunes détenus grimpent sur le toit afin de réclamer des promenades plus longues. Ils y restent trois jours jusqu’à l’intervention des CRS.

Juillet :
 Avignon (84), Maison d’Arrêt SAINTE-ANNE.

Les détenus campent dans les cours pendant un mois sous la surveillance des CRS.

Vendredi 12 Juillet :
 Valence (26), Maison d’Arrêt de VALENCE.

Mutinerie dans cette maison d’arrêt.

Jeudi 18 et vendredi 19 juillet :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Après une mobilisation pour réclamer la levée du mitard infligé à un détenu à la suite d’une altercation, une révolte débute dans l’un des bâtiments de la centrale. Les surveillants s’enfuient devant l’ampleur des troubles, laissant la prison aux mains des détenus. Deux cent cinquante prisonniers prennent position sur les toits ou dans les cours. Les cellules sont dévastées. A 22 heures, des forces importantes de gendarmerie arrivent de Reims, Chaumont et Langres ainsi que le GIGN. A minuit, elles donnent l’assaut et, en riposte, les insurgés mettent le feu aux ateliers.
A 6 heures du matin, le directeur lance un ultimatum qui provoque la reddition de deux cents détenus. Une centaine d’autres se retranchent dans un atelier et refusent de se rendre. La bataille fait rage jusqu’à 8h30. De nombreux prisonniers sont blessés dans cette mutinerie et deux en meurent.
La répression de la révolte est d’une brutalité extrême comme le montre ce témoignage d’un détenu de Clairvaux, transféré ensuite à Fleury-Mérogis (91) : « J’ai vu un type arriver au premier étage. Ayant résisté aux CRS, il s’était fait matraquer. Il est arrivé soutenu sous les bras, la gueule en sang, méconnaissable. Les CRS lui ont ordonné de lever les bras mais déjà à demi-mort, il ne comprenait plus rien. Un flic est arrivé par derrière et d’un coup de crosse lui a fendu le crâne. J’étais à cinq mètres mort de peur, pleurant de désespoir et de douleur ; j’ai vu ce type s’effondrer, un liquide gluant et visqueux s’écoulant de son crâne complètement défoncé. Le cauchemar ne s’est pas arrêté là pour ce garçon, puisqu’un salopard de flic l’a retourné avec son pied et lui a écrasé la figure à coup de talon. Cela était horrible. Tu ne peux pas imaginer. » [Christophe Soulié, Liberté sur paroles, contribution à l’histoire du Comité d’action des Prisonniers [CAP], Analis, 1995]

Samedi 20 et dimanche 21 juillet :
 Nîmes (30), Maison Centrale de NIMES.

Une cinquantaine de détenus refusent de regagner leurs cellules lorsqu’ils entendent en direct les déclarations de Lecanuet : « Il ne peut être question aux yeux du ministre de la Justice de laisser la violence et la révolte s’établir dans les prisons. La fermeté et la rigueur ne sont pas contradictoires mais complémentaires d’un effort profond d’humanisation. » Le chahut se transforme en émeute. Les détenus deviennent maîtres des lieux, ouvrent les cellules, pillent l’économat et mettent le feu au bâtiment administratif et aux ateliers. Le 21 juillet, après l’intervention de la police, la centrale est pratiquement détruite, il y a deux morts et une dizaine de blessés parmi les prisonniers et de nombreux transferts.

Mercredi 24 et jeudi 25 juillet :
 Caen (14), Maison d’Arrêt et Centre de Détention de CAEN.

Deux cents prisonniers refusent de reprendre le travail afin d’obtenir le SMIC et de meilleures conditions de détention. Le soir, le mouvement pacifique se transforme en révolte. Les toits sont occupés et ils commencent à mettre le feu. Le 25 juillet, les CRS et le GIGN interviennent avec un hélicoptère et réduisent la révolte.

Jeudi 25 juillet :
 Loos (59), Maison Centrale de LOOS-LEZ-LILLE.

À 14 heures, soixante détenus refusent de réintégrer leurs cellules. Ils se répandent dans l’établissement après avoir subtilisé des clés à des surveillants, sans cependant les retenir en otages. Ils ouvrent les portes des cellules à leurs camarades puis incendient la salle de cinéma, le cabinet médical et la lingerie. Une quinzaine d’entre eux gagnent le toit qu’ils saccagent, ce qui attise encore les brasiers notamment dans les différents ateliers (forge, mécanique automobile, électricité, cartonnages, etc.). Dès leur arrivée, la centaine de sapeurs-pompiers essuie des jets de projectiles et ne peuvent attaquer l’incendie qu’à partir de la cour d’honneur de l’établissement, protégée par de hautes grilles. A 16 heures, plus de quatre-vingts CRS donnent l’assaut, précédé d’un déluge de gaz lacrymogènes. Bilan : cinq blessés chez les flics, trois du côté des détenus. Un quart d’heure plus tard, les toits sont vidés de leurs occupants. A 16h30, les mutins décident de se rendre, laissant la place aux pompiers.

Vendredi 26 juillet :
 Loos (59), Maison Centrale et Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

A 16h15, deux cent cinquante policiers donnent un nouvel assaut à quatre-vingt-cinq mutins qui se sont barricadés. Ils sont rapidement maîtrisés et évacués un à un. A 18h20, les quatre autocars du service national des transferts de Fresnes transportent quelque cent vingt détenus vers la maison d’arrêt d’Évreux (27) dont les quatre-vingts occupants qui avaient été déplacés vers la maison d’arrêt de Rouen (76), la veille.
Les dégâts sont très importants : on les estime à plus de dix millions de francs [≈ 1 520 000 €].
Vers 21 heures, par solidarité, une partie des sept cents détenus de la maison d’arrêt font du tapage et enflamment des couvertures et des draps qu’ils passent à travers les barreaux. La réaction de l’Administration ne se fait pas attendre : à 22 heures, les foyers d’incendie sont éteints par les pompiers encore postés sur le domaine pénitentiaire alors que les « meneurs » sont placés à l’isolement.

Samedi 27 juillet :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Emeute au quartier haut de la prison. La répression fait un mort.

LUNDI 29 juillet :
 Saint-Etienne (42), Maison d’Arrêt de la TALAUDIERE.

Les prisonniers refusent de remonter de promenade. Un détenu, Gilles Besnard, est tué d’un coup de fusil, tiré par le surveillant-chef alors qu’il se trouve sur le toit avec ses camarades révoltés. Les détenus mettent le feu au dernier étage. Intervention des CRS.

Mardi 30 juillet :
 Saint-Martin-de-Ré (17), Maison Centrale de SAINT-MARTIN-DE-RE.

Un détenu s’empare des clés d’un gardien et ouvre les portes de deux cents cellules. Les mutins mettent le feu à trois bâtiments. Dans l’un d’entre eux, des bouteilles d’acétylène explosent. Après l’assaut des policiers, on compte deux morts.

[La Chancellerie dénombre, pour le seul été 1974, quatre-vingt-neuf mouvements de révoltes collectives ; onze établissements ont été partiellement ou totalement détruits. On décompte officiellement sept morts chez les mutins. Les mouvements sont suivis d’une grève des surveillants qui réclament des hausses de salaires : 17 milliards de francs [≈ 2 600 000 000 €] sont débloqués pour qu’ils reprennent le travail.]

1975

Dimanche 20 juillet :
 Nîmes (30), Maison d’Arrêt de NIMES.

Importante mutinerie.

1977

Dimanche 6 mars :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Cent dix détenus rejoignent le mouvement lancé à Fresnes (94) ; ils demandent l’abolition des QHS [Quartiers de Haute Sécurité], trois mois de grâce annuelle [trois mois de remise de peine par an] et les parloirs libres.

Lundi 7 mars :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Cinq détenus du QHS appellent à une grève de la faim illimitée contre leurs conditions de détention. Ils arrêtent au bout de huit jours suite aux promesses de la Chancellerie… qui ne seront pas tenues.

Samedi 22 octobre :
 Brest (29), Maison d’Arrêt de PONTANIOU.

« A 17 heures, une quarantaine de détenus se sont révoltés. Après une séance de télévision, ils ont refusé de regagner leurs cellules, retenu deux gardiens, à qui ils ont subtilisé les clés, ont ensuite ouvert les cellules d’une vingtaine de leurs camarades et se sont barricadés derrière une barrière de fortune faite de tables, de chaises et de lits. Très rapidement, les policiers du commissariat central de Brest sont intervenus mais, accueillis par les jets d’eau de lances d’incendie allumées par lés détenus, ils ont dû rebrousser chemin. C’est à l’occasion de cet “assaut” que, dans la confusion, les deux gardiens retenus par les prisonniers, ont réussi à s’échapper. Vers 18 heures, les gendarmes mobiles, en tenues de combat, arrivent. Mais tout se termine déjà ; après que l’Administration ait réussi à faire couper l’eau, un policier, grimpé tant bien que mal sur une barricade, projette des grenades lacrymogènes sur les prisonniers. Aveuglés, ceux-ci sont alors reconduits dans leurs cellules de force.
A 18 h 30, tout est terminé ; il n’y a eu officiellement aucun blessé, ni parmi les prisonniers, ni parmi les forces de police.
Les détenus ont remis, lors de leur action, une motion au substitut du procureur de la République. Ils demandent, selon le parquet, (le texte de ta pétition n’a pas été remis à la presse), une amélioration des conditions d’hygiène et d’alimentation, protestant contre l’attitude des surveillants, dénoncent la lenteur des procédures d’instruction et les trop rares mesures de liberté provisoire. […] » [Libération, 02/11/1977]
Douze personnes considérées comme « meneurs » passent en jugement pour ces faits.

Dimanche 6 et lundi 7 novembre :
 Cergy-Pontoise (95), Maison d’Arrêt d’OSNY-PONTOISE.

Refus des plateaux de cent soixante-dix-sept détenus qui protestent contre les conditions d’hygiène et la qualité de la nourriture.

Mardi 29 novembre :
 Gradignan (33), Maison d’Arrêt de GRADIGNAN.

Un certain nombre de détenus observent une grève de la faim collective. Elle durera onze jours. Ils publient un manifeste dans lequel ils demandent que soit respectée la loi, principalement l’application des réformes de 1975 qui avaient été adoptées après les grandes mutineries de 1974.

1978

Lundi 9 janvier :
A l’initiative de huit prisonniers en lutte contre les QHS, un mouvement de grève de la faim regroupe plus de mille détenus de Fresnes (94), Fleury-Mérogis (91), la Santé (75), Mende (48), Evreux (27), Clairvaux (10), Saint-Martin-de-Ré (17), Angoulême (16), Nice (06), Bonneville (74), Lyon (69), ...

Mardi 17 janvier :
 Paris (75), Maison d’Arrêt de PARIS LA SANTE.

Cent vingt trois détenus entament une grève de la faim (certains l’ont déjà commencée le 14). Ils réclament des promenades plus longues ainsi que des « salles d’activités récréatives » et dénoncent la censure qu’exerce le directeur sur certains journaux. Le vendredi, le mouvement s’amplifie et ils sont 250 dans la lutte. Ils réclament l’application de la réforme de 1975 et dans un communiqué un certain nombre d’entre eux exigent entre autres : l’élargissement des sorties hors cellule, la suppression des QHS et des passages à tabac au quartier cellulaire.

1979

Mercredi 10 janvier :
 Château-Thierry (02), Centre Pénitentiaire de CHÂTEAU-THIERRY.

Après le déjeuner, dix-neuf des cent détenus du centre d’observation de Château-Thierry refusent de sortir du réfectoire, réclamant « un meilleur café » et « un film de plus » par semaine. Ils manifestent pendant plus de deux heures avant d’être délogés par les policiers à l’aide de gaz lacrymogènes.

Février :
 Toulouse (31), Maison d’Arrêt SAINT-MICHEL.

Refus des plateaux-repas pendant deux jours pour demander l’amélioration de l’hygiène et de la nourriture. Satisfaction partielle des revendications.

Mai :
 Fresnes (94) et Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maisons d’Arrêt de FRESNES et de FLEURY-MEROGIS.

Nouvelles grèves de la faim collectives contre les QHS.

Juillet :
 Riom (63), Maison Centrale et Maison d’Arrêt de RIOM.

Grève de la faim collective contre les conditions de détention : manque d’hygiène, racisme des surveillants, brimades.
Les grévistes demandent des permissions de sortie plus nombreuses. Le 14 juillet, les CRS interviennent et isolent « les meneurs ».

jeudi 27 septembre :
 Saint-Martin-de-Ré (17), Maison Centrale de SAINT-MARTIN-DE-RE.

En fin d’après-midi, refus collectif de remonter de promenade. Leurs revendications portent sur les salaires de misère, le régime de la libération conditionnelle, les permissions de sorties et les remises de peines. Deux pelotons de la gendarmerie mobile interviennent. Le calme revient en début de soirée. Les trois « meneurs » désignés sont envoyés au QHS d’Evreux (27).

1981

Du dimanche 10 au mercredi 13 mai :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Cent prisonniers refusent de remonter de promenade pour protester contre leurs conditions de détention. Le 11, les CRS interviennent pour évacuer la cour, un détenu est blessé. Durant les deux jours qui suivent, les prisonniers sont de plus en plus nombreux à refuser de remonter.
L’Administration procède au transfert de cent détenus vers Fleury-Merogis (91) le vendredi 15, et ce sous les coups des matons.

Dimanche 24 mai :
 Dieppe (76), Maison d’Arrêt et de correction du POLLET.

Douze détenus réussissent à monter sur les toits pour protester contre l’étroitesse des cellules et le manque de loisirs. Les CRS cernent la prison. Transfert en masse vers la prison de Rouen (76).

Jeudi 11 juin :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Quinze mutins sont arrêtés par le GIGN.

Samedi 13 juin :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Quatre-vingt détenus se mettent en grève de la faim pour réclamer l’abolition des QHS, d’avantage de permissions de sortie, des conditionnelles et des parloirs, l’application de la réforme de 1975… Le mouvement cesse le 17 juin. Les « meneurs » sont transférés dans des QHS de province.

Jeudi 25 juin :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Plus de quatre cents détenus participent à une grève de la faim contre les QHS et les conditions de détention ; ils réclament aussi une refonte des procédures pénales et d’amnistie. Le mouvement s’arrête le 28 juin et les trois « meneurs » sont transférés dans des QHS de province.

Dimanche 28 juin :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Fleury-Mérogis prend le relais du mouvement de La Santé. Des détenus du bâtiment D2 refusent de réintégrer leurs cellules. La direction fait par deux fois appel aux CRS qui tabassent les prisonniers dans les couloirs. Pour contester, dans chaque bâtiment, soixante prisonniers refusent les repas.
Au 1er juillet, ils sont trois cents en grève de la faim.

Août :
 Lyon (69), Maison d’Arrêt SAINT-JOSEPH.

Quinze détenus grévistes de la faim, pendant cinq jours, pour protester contre le tabassage d’un des leurs.

Septembre :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Le Comité d’Intervention des Détenus (CID – comité clandestin de Fresnes. Celui-ci diffuse ses tracts à 1 000 exemplaires dans la détention !) publie une liste de revendications dans la presse : abolition des QHS, des QSR [Quartier de Sécurité Renforcée] et du mitard, instauration d’un service juridique pour les familles et les détenus.

Jeudi 15 octobre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Des prisonniers font une pétition pour demander la libération de l’un d’entre eux, malade du cancer.

Dimanche 8 novembre :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Trois prisonniers protestant contre leur mise en QHS sont tabassés et envoyés au mitard ; ils entament immédiatement une grève de la faim pour protester contre les sanctions prises à leur encontre. Leur action est tout de suite relayée par cinq détenus du QPGS (Quartier de Plus Grande Sécurité) de Fresnes (94).

1983

Jeudi 13 janvier :
 Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.

Révolte des prisonniers. Les toits sont occupés.

Samedi 15 janvier :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Quarante et un détenus se coupent les veines au bâtiment D4 pour protester contre la lenteur des réformes. Ils demandent des parloirs libres, l’abolition du mitard et du prétoire, la reconnaissance du droit d’association…

Mercredi 19 janvier :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.
.
Trois cents rebelles montent sur les toits pour agir en faveur des parloirs libres pendant plus de deux heures. Ils n’en partent qu’à l’arrivée des CRS.

Jeudi 20 janvier :
 Nîmes (30), Maison d’Arrêt de NIMES.

Cinquante détenus refusent de remonter de promenade pour les mêmes motifs qu’à Marseille.
- Melun (77), Centre de Détention de MELUN.
Cent quatre-vingts détenus font la grève dans les ateliers.

Vendredi 21 janvier :
 Bastia (20 – Corse), Maison d’Arrêt SAINTE-CLAIRE.

Trente prisonniers refusent de remonter de promenade et manifestent dans la cour.

Samedi 22 janvier :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.
.
Le mouvement reprend avec deux cent cinquante prisonniers qui montent sur les toits. Intervention des CRS qui fait douze blessés. Les parloirs sont refusés aux familles et les remises de peine pour bonne conduite annulées.
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maisons d’Arrêt (des Femmes et des Hommes) de FLEURY-MEROGIS.
Deux cents détenu-e-s (dont soixante-dix femmes) refusent de remonter de promenade et cinquante-sept (dont quatorze femmes) s’automutilent pour demander des parloirs libres et l’amélioration des conditions de détention. L’Administration allie la négociation avec la force pour un retour au calme.

Dimanche 23 janvier :
 Beauvais (60), Maison d’Arrêt de BEAUVAIS.

Trente détenus refusent de remonter en cellule.
- Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Cent prisonniers montent sur les toits, déclenchant l’intervention des CRS. Comme pour Beauvais, les exigences sont les mêmes : parloirs libres et amélioration des conditions de détention. Les familles témoignent dans la presse des violences exercées contre les prisonniers.
[À la fin d’une semaine de mobilisation, vingt-neuf détenus de Fleury qualifiés de « meneurs » sont transférés et cinq détenues de la prison pour femmes de Fleury sont déclassées [perdent leur emploi]. La Chancellerie supprime les grâces.]

1984

Dimanche 15 janvier :
 Nîmes (30), Maison d’Arrêt de NIMES.

Les mutins s’affrontent à coups de pierres avec les CRS en soutien de l’un des leurs retranché sur les toits.

Mars :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt de SAINT-PAUL et SAINt-JOSEPH.

Les détenus déposent soixante-dix demandes de liberté provisoire pour protester collectivement contre la surpopulation carcérale.
- Colmar (68), Maison d’Arrêt de COLMAR.
Même initiative qu’à Lyon de la part de cent détenus.

Mardi 24 juillet :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

Cent trente grévistes de la faim contre les conditions de détention.

Jeudi 9 août :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Six détenus s’automutilent. Ils dénoncent la prison et la justice dans un texte adressé à Badinter [ministre de la Justice].

Début septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt pour Femmes de FLEURY-MEROGIS.

Les détenues protestent devant le mutisme de l’Administration qui refuse de donner des nouvelles de certaines malades. Après une intervention violente des CRS, dix « meneuses » prennent dix jours de mitard et refusent de s’alimenter. Leurs revendications portent sur l’abolition des QI [Quartiers d’Isolement], du quartier spécial (dit groupe B) et sur l’absence de visites médicales. [58]

Samedi 15 septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Des détenus politiques débutent une grève de la faim pour le droit au regroupement et pour protester contre leurs conditions d’isolement.

Vendredi 21 septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Après avoir refusé de prendre leurs plateaux-repas de façon tournante, les détenus du bâtiment D1 décident de ne pas réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade. L’affaire se règle dans le « calme ».

Mercredi 3 octobre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

C’est au tour des détenus D3 de refuser de remonter dans leurs cellules. Intervention des forces de répression et réintégration dans le « calme ».

Samedi 6 octobre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Toujours au bâtiment D3, la moitié des détenus récidivent et attaquent les gardes mobiles qui répliquent par les gaz lacrymogènes.
Le soir même, affrontement entre les détenus du D4 et les gendarmes. On compte une vingtaine de blessés chez les mutins et sept blessés légers chez leurs adversaires.
Sur les sept cents rebelles de ces derniers jours, douze sont placés au quartier disciplinaire pour des durées allant de 20 à 30 jours. Leur mouvement fait suite à celui lancé par les politiques pour le droit au regroupement par affinité pour tous et l’amélioration des conditions de détention en général.

1985

mercredi 27 février,
 Havre (76), Maison d’Arrêt du HAVRE.

Pour protester contre la mise à sac de leurs cellules durant une fouille qui a eu lieu le matin, quarante-trois détenus refusent de manger à midi. Dans la soirée, sept détenus s’infligent des coupures aux bras, pendant que d’autres font du boucan. Pour se plaindre également du fait qu’ils n’ont plus d’eau chaude, ceux-ci provoquent une inondation au rez-de-chaussée. Les détenus qui frappent sur divers objets ne cessent leur mouvement qu’une fois la police appelée en renfort, mais cette dernière n’a pas à intervenir.

Dimanche 5 mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Vers 11 heures du matin, les prisonniers en promenade du bloc D4 de cette « superforteresse » se mutinent. Ils refusent de remonter de promenade. Selon un scénario qui désormais fera recette lors des autres mutineries, ils s’emparent des clés et retiennent pour un moment un maton qui sera ensuite relâché. Ils libèrent la plupart de leurs huit cents codétenus du bloc. Ils se livrent ensuite au saccage systématique du D4 : cellules, infirmerie, parloirs, vestiaires, vitres cassées, paillasses incendiées, système de sécurité détruit ; en tout 8 millions de francs [≈ 1 200 000 €] de dégâts et le bloc momentanément inutilisable. Dès le début de l’après-midi les CRS et les gardes-mobiles interviennent massivement et brutalement ; vingt-deux personnes seront hospitalisées.
- Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.
Vers 19h30, un raffut de plusieurs heures à l’annonce des événements de Fleury au journal télévisé a lieu.
Vers 23 heures, trois détenus s’ouvrent les veines ; l’un d’eux, Patrick Burodo, meurt faute d’empressement dans les secours. Suivant l’antique système de la décimation, les “meneurs” sont jetés au mitard, les grâces sautent, les coups, les transferts, les mises à l’isolement pleuvent… Les forces de l’ordre resteront plusieurs jours dans et autour de la prison pour éviter que les prisonniers des autres bâtiments ne se rebellent.

Lundi 6 mai :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Trois cents mutins refusent de remonter de promenade au D1 ; l’infirmerie est incendiée. Les CRS interviennent et des bagarres éclatent.

Mardi 7 mai :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Une quinzaine de mineurs montent sur les toits : ils y resteront jusqu’au 9 mai grâce à l’aide des autres détenus.
« Près de deux cents gendarmes mobiles super-équipés approchent des bâtiments, reçoivent des cailloux, quelques détritus, reculent (…). Toutes les cellules visibles sont agitées. Bruits de gamelle, en roulement de tambour incessant sur les barreaux (…). Ceux du toit enlèvent leurs vêtements, les nouent ensemble pour faire une longue corde, une main la saisit et y attache nourriture, boissons… On communique. Les premières banderoles apparaissent “Y’en a marre : à trois dans 8 m2”, “Des grâces en plus”, “Liberté”, “justice pour tout le monde. Les riches et les pauvres” ou encore “ils veulent nous tuer”. Ils hurlent des slogans : “Badinter enculé”, “on brûle la prison”, “vive la rébellion”, “CRS-SS” ». [Libération, 9 mai 1985]
- Metz (57), Centre Pénitentiaire de METZ-QUEULEU et Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Ces prisons connaissent diverses « agitations » (raffut de gamelles, débuts d’incendies...)

Mercredi 8 mai :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

Vers 15h30, certains prisonniers en promenade refusent de remonter en cellule. Après négociations, certains les regagnent mais une dizaine montent sur les toits pour plusieurs heures.
- Grasse (06), Maison d’Arrêt de GRASSE et Bastia (20 – Corse), Maison d’Arrêt SAINTE-CLAIRE.
Grève des plateaux dans ces deux prisons qui se poursuivra jusqu’à la fin de la semaine. A Bastia, ce sont une vingtaine de prisonniers politiques qui rejoignent le mouvement lancé par soixante-dix droits communs pour protester contre leurs conditions de détention et en solidarité avec les détenu-e-s du continent. A Grasse, ils sont une centaine à jeûner et souhaitent que l’argent de leurs repas du soir ainsi économisé soit envoyé à des associations humanitaires luttant contre la faim dans le monde !

Jeudi 9 mai :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

En fin de matinée, quatre cents rebelles montent sur le toit. Les CRS interviennent et c’est l’affrontement entre grenades lacrymogènes et tuiles. Un détenu, Alain Pinol, touché par une grenade en plein visage, chute dans la cour et meurt peu après.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Pendant deux jours consécutifs, une cinquantaine de détenus du quartier des mineurs utilisent le même mode d’action, tandis qu’une quarantaine saccagent leurs cellules, en solidarité avec Fresnes.
- Compiègne (60), Maison d’Arrêt de COMPIEGNE.
Six détenus montent également sur les toits.
- Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.
Cinq prisonniers grimpent sur le toit (deux ne se rendront que tard dans la nuit). Affrontement bref avec les CRS. Ils seront lourdement condamnés.

Vendredi 10 mai :
 Amiens (80), Maison d’Arrêt d’AMIENS.

Quarante détenus sur les toits pour protester contre les refus de parloir.
- Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Après des « chahuts » toute la semaine, soixante détenus parviennent à accéder aux toits. Pendant les affrontements avec les CRS, ils sont rejoints par une vingtaine de mineurs.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Trente prisonniers tentent de se rebeller.
- Béziers (34), Maison d’Arrêt de BEZIERS.
Cent trente détenus prennent en otage trois surveillants et un infirmier durant plusieurs heures.

Samedi 11 mai :
 Évreux (27), Maison d’Arrêt d’ÉVREUX.

Vingt détenus montent sur les toits.
- Lyon (69), Maisons d’Arrêt de SAINT-PAUL et SAINt-JOSEPH.
Echec d’une tentative de mutinerie.
- Saintes (17), Maison d’Arrêt de SAINTES.
Trente prisonniers montent sur les toits. Ils réintègrent leurs cellules sans affrontement.
- Coutances (50), Maison d’Arrêt de COUTANCES.
Trente-huit mutins se barricadent dans leurs cellules d’où ils sont délogés après affrontement avec les forces de répression.

Dimanche 12 mai :
 Saint-Brieuc (22), Maison d’Arrêt de SAINT-BRIEUC.

Occupation des toits et affrontement avec les flics.
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.
Appel à la grève de la faim, pour une semaine au moins, signé « Les meneurs de Fleury », et contresigné par dix-huit détenus, afin de réclamer la levée des sanctions tombées en masse sur les mutins et affirmer leur solidarité avec la lutte des détenus et leurs revendications.

Lundi 13 mai :
Refus des plateaux : d’après les chiffres donnés par l’Administration Pénitentiaire, ils sont soixante au D2 à Fleury (91), soixante-dix à la maison d’arrêt de Fresnes (94) [où ils protestent en particulier contre le transfert de quatre de leurs camarades], quarante à la prison d’Auxerre (89), soixante à la maison d’arrêt de Saint-Paul (69), vingt-deux à Saint-Malo (35), un certain nombre à Montauban (82) [en solidarité avec les condamnés de Douai (59)]. D’autres un peu partout, au Centre de Jeunes Détenus de Fleury (91), à la Santé (75), suivent le mouvement. Néanmoins celui-ci ne parviendra pas à faire tache d’huile à cause des difficultés de circulation de l’information mais aussi du fait du boycott lancé par l’ASPF (Association Syndicale des Prisonniers de France) par sa voix, Radio Libertaire, semant le désarroi parmi les grévistes.

Dimanche 19 mai :
 Montpellier (34)], Maison d’Arrêt de MONTPELLIER.

Vers 14 heures, des détenus s’emparent des clés et « libèrent » leurs deux cent trente-sept codétenus. La prison est détruite par les rebelles. Affrontement avec la police prise à revers par la foule dehors. Après de longs pourparlers, les forces de répression investissent la prison dans la soirée, et commencent l’évacuation et le transfert des révoltés (il n’y a plus qu’une vingtaine de cellules utilisables pour deux cent quarante détenus). La prison, classée monument historique, devra être rénovée… ce que demandaient entre autres les mutins !

[Saccages et débuts d’incendie dans plusieurs prisons cette même journée.]

Lundi 8 juillet :
 Chaumont (52), Maison d’Arrêt de CHAUMONT.

Quinze détenus montent sur les toits pour manifester leur angoisse à l’approche de la grâce présidentielle du 14 juillet qui s’annonce particulièrement ladre. Affrontement avec les flics. Quatre seront lourdement condamnés.

Dimanche 14 juillet :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt de SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.
.
Une vingtaine de détenus se révoltent au bâtiment « psy » qu’ils saccagent et incendient.
- Chaumont (52), Maison d’Arrêt de CHAUMONT.
Une quinzaine de détenus montent sur les toits.

Mercredi 14 août :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

Des dizaines de détenus montent sur les toits.
- Pointe-à-Pitre (97 – Guadeloupe), Maison d’Arrêt de POINTE-A-PITRE.
Durant les émeutes qui secouent la Guadeloupe, une trentaine de détenus s’évadent de la prison à la suite d’une mutinerie.

Lundi 16 décembre :
 Saint-Etienne (42), Maison d’Arrêt de la TALAUDIERE.
.
Vers 18h30, environ soixante détenus refusent de quitter la cour où ils se sont groupés pour jouer à la pétanque. Ils font également un feu à l’aide de journaux.
Ils réclament l’installation immédiate de postes de télévisions individuels. Après 1h30 de vaines discussions avec les responsables pénitenciers, ces derniers appellent la police. Les récalcitrants sont alors réintégrés par la force dans leurs cellules par une cinquantaine de policiers.

1986

Mercredi 14 mai :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Les détenus relevant de la catégorie DPS sont en grève de la faim depuis quatre jours. Ils protestent contre une sanction infligée à l’un d’entre eux et contre le statut de DPS.

Samedi 24 mai :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Trois cents mutins refusent de regagner leur cellule pendant vingt minutes pour protester contre les sévices infligés à un prisonnier.

Lundi 23 juin :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Ils sont quatre cents à refuser les plateaux en soutien aux initiatives contre la loi Pasqua. Ils expliquent leur mouvement par ce texte : « Le 16 juin, les JALB, Jeunes Arabes de Lyon et sa Banlieue, ont entamé une grève de la faim illimitée pour protester contre le projet de loi du gouvernement concernant les émigrés. En signe de solidarité, et surtout pour manifester notre volonté de résistance, nous avons décidé un refus des plateaux lundi 23 juin. Nous signifions ainsi notre refus face aux projets de loi prévoyant le retrait de la carte de résident au motif de “menace à l’ordre public”. Tout comme face au projet de loi visant à expulser tout étranger ayant été condamné à trois mois de prison, et donc au principe de la double peine. Aussi notre démarche dépasse-t-elle le cadre de l’opposition à ce seul projet de loi et se porte-elle plus globalement contre ce qui attente au statut de l’immigration, contre le développement de l’Etat policier, contre une toujours prétendue résolution des problèmes économiques et sociaux par l’exclusion carcérale ».

Lundi 6 octobre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt des Femmes de FLEURY-MEROGIS.

Une vingtaine de détenues refusent les plateaux en solidarité avec deux prisonnières espagnoles en grève de la faim.

1987

Du vendredi 10 au lundi 13 juillet :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt des Femmes de FLEURY-MEROGIS.

Plusieurs dizaines de détenues refusent de remonter de promenade pour protester contre les vingt transferts disciplinaires intervenus peu de temps auparavant. Chaque soirée, les prisonnières refusent de réintégrer les cellules ; environ deux cents mutines participent au mouvement.
Le 12, les gardes mobiles interviennent brutalement et font plusieurs blessées.

Lundi 13 juillet :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt des Femmes de FLEURY-MEROGIS.

De nouveau, cent quatre-vingt-une détenues refusent de regagner leurs cellules au terme de la promenade, et de nouveau les gardes mobiles interviennent brutalement.
- LOOS (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.
Six détenus montent sur les toits, les autres décident de ne pas remonter de promenade.
- Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.
Plusieurs dizaines de détenus occupent les toits.

Mardi 14 juillet :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt (des Femmes et des Hommes) de FLEURY-MEROGIS.

Suite à dix-huit transferts vers Rennes (35), deux cents détenues de la maison d’arrêt de femmes refusent de remonter de promenade, provoquant l’intervention des CRS. Plusieurs centaines de prisonniers des Dl, D2, D4, D5, restent dans la cour aux cris de : « Non à la mort lente ! » Ils brûlent la chaufferie, les matelas et la literie, l’infirmerie est saccagée. Une vingtaine d’entre eux parviennent à monter sur les toits où ils resteront jusqu’à 20h30. Intervention des gendarmes mobiles, des CRS et du GIGN [59].

Mercredi 15 juillet :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Cent trente détenus forcent une porte et s’introduisent sur le chemin de ronde pendant trois quarts d’heure avant d’être refoulés par les gardes mobiles. Au D4, dans la soirée, une quarantaine d’entre eux tentent en vain de monter sur les toits.
- Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.
Des détenus montent sur les toits.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Une centaine de prisonniers montent sur les toits pour protester contre la qualité de la nourriture et le surpeuplement ; un début d’incendie éclate dans les ateliers.

Jeudi 16 juillet :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Deux cents rebelles montent sur les toits pendant quatre heures. Une banderole : « on veut une commission d’enquête des droits de l’homme » Plusieurs centaines se mutinent à l’intérieur. Un atelier de menuiserie brûle et le bâtiment B est presque détruit. Intervention extrêmement violente des CRS qui fait de nombreux blessés.
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.
Des détenus du D3 tentent de libérer leurs camarades du D2 mis au mitard ; ils cassent les grillages séparant les deux cours, ceux du chemin de ronde, mais ne parviennent pas à aller plus loin et doivent réintégrer les cellules.

Vendredi 17 juillet :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Mouvement de toute la prison contre les sanctions. Sont réclamés plus de parloirs, dont des parloirs sexuels, et plus de douches. La tentative de mutinerie est vite étouffée du fait de la présence des CRS devant la prison.
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.
Trois cents détenus refusent de regagner leurs cellules, trente d’entre eux montent sur les toits et une camionnette est incendiée.
- Amiens (80), Maison d’Arrêt d’AMIENS.
Une tentative de révolte de soixante détenus est vite réprimée.

Samedi 18 juillet :
 Amiens (80), Maison d’Arrêt d’AMIENS.

Une trentaine d’insurgés refusent de remonter de promenade. Ils regagnent les cellules « sans incident » après l’intervention des forces de répression.
- Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.
Une trentaine de détenus refusent de remonter de promenade.
- Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.
Ouverture d’une information judiciaire contre les mutins du 16 et 17 juillet ; huit inculpations pour les événements du 16 et sept autres pour les événements du 17. Ils doivent passer en flagrant délit pour « rébellion et dégradation volontaire ». Dans la soirée, la CRS 54, présente dans la prison pour « garder » les prisonniers, se livre à des violences contre les détenus : coups, humiliations, tabassages, saccage des affaires personnelles, insultes, etc. Ces agissements durent toute une partie de la nuit.

Dimanche 19 juillet :
 Aix en Provence (13), Maison d’Arrêt d’AIX-LUYNES.

Quarante-quatre prisonniers font la grève de la faim en solidarité avec ceux des Baumettes.
- Colmar (68), Maison d’Arrêt de COLMAR.
Après la promenade du matin, une quarantaine de détenus refusent de réintégrer les cellules. Ils incendient les literies, brisent le mobilier, les portes, etc. À l’origine de cette mutinerie, la mort d’un prisonnier. En fin de matinée, intervention des policiers.
- Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Des détenus montent sur les toits, l’un d’eux en profite pour s’évader.

Lundi 20 juillet :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Mouvement de grève de la faim à la suite de la mort du détenu Selliah Chandrabose (au bout de six mois de grève de la faim).

Samedi 25 et dimanche 26 juillet :
 Rennes (35), Centre Pénitentiaire pour Femmes de RENNES.

Cinquante prisonnières se mettent en grève de la faim pendant deux jours, pour obtenir de meilleures conditions de détention et des soins médicaux décents. Adressant un courrier à la Chancellerie, elles protestent également contre la mort de Selliah Chandrabose.

Mercredi 29 juillet :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Cent cinquante prisonniers écrivent au juge pour demander à être eux aussi inculpés tout comme les sept d’entre eux qui comparaissent en flagrant délit, étant tous solidaires du mouvement du 17 juillet.

Du mardi 11 au lundi 17 août :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Grève des plateaux des détenus particulièrement signalés.

Jeudi 13 août :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Des détenus s’emparent de clés et saccagent des cellules. Des affrontements avec les forces de répression s’ensuivent. La répression est violente, il y a officiellement dix-neuf blessés. Ils réclament l’amélioration des conditions de détention (douches supplémentaires).

Jeudi 12 et vendredi 13 novembre :
 Saint-Maur (36), Maison Centrale de SAINT-MAUR.

La centrale s’embrase. Les insurgés demandent plus de remises de peine, de conditionnelles et de permissions de sortie. Ils s’emparent de douze otages (neuf surveillants, le directeur et deux enseignants). [60]

Dimanche 22 novembre :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Incendies dans les cellules pour protester contre les conditions de détention.

Vendredi 4 décembre :
 Besançon (25), Maison d’Arrêt de BESANÇON.

Vingt-deux détenus du quartier d’isolement (QI) prennent en otage trois surveillants et détruisent les locaux. Ils réclament l’arrêt des transferts et la suppression de l’isolement, c’est-à-dire la suppression effective des QHS [rebaptisés QI], leur réintégration en centrale et une rencontre avec la presse. Après vingt-quatre heures de discussion, les otages sont libérés par le RAID [Unité Recherche, Assistance, Intervention et Dissuasion ; unité d’élite de la police nationale].

Lundi 7 décembre :
Début de la grève de la faim de Joëlle Aubron, Nathalie Ménigon, Jean-Marc Rouillan et Georges Cipriani, militants d’Action Directe emprisonnés. Leurs revendications : contre les mesures d’isolement, pour le droit au regroupement des prisonniers politiques. Robert Pandraud, ministre délégué à la sécurité, déclarera le 17 février 1989 à leur sujet alors qu’ils étaient à leur quatre-vingtième jour de grève de la faim : « Faire la grève de la faim, c’est leur droit. On peut toujours faire des régimes d’amaigrissement ».
- Bourg-en-Bresse (01), Maison d’Arrêt de BOURG-EN-BRESSE.
Grève de la faim d’une trentaine de détenus pour protester contre les sanctions prises à l’encontre de quatre de leurs camarades pour chahut et contre des tabassages des matons.


Deuxième partie :
1988 – 2010

1988

Janvier :
[Poursuite de la grève de la faim des quatre d’Action Directe.]

Lundi 29 février :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt pour Femmes de FLEURY-MEROGIS.

Refus des plateaux de plusieurs dizaines de détenues en solidarité avec les quatre d’Action Directe (toujours en grève de la faim et en procès), et contre l’isolement.

Lundi 14 mars :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Grève des plateaux à l’initiative d’un groupe de détenus « droits communs et politiques mêlés pour en finir une fois pour toute avec l’isolement ».

Mercredi 06 avril :
 Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM.

Ils sont deux cent soixante-dix à réduire en cendres les trois quarts des bâtiments.
Ils dénoncent la politique d’aménagement des peines les poussant à la révolte (pas ou peu de remise de peine, de conditionnelles), et la destruction par l’isolement. Cinq « meneurs » sont inculpés. [61]

Lundi 20 juin :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Deux détenus montent sur les toits, où ils resteront près de quarante-huit heures, pour protester contre la lourdeur de leur peine ; cent vingt de leurs camarades refusent de regagner leurs cellules en signe de soutien.

Mercredi 22 juin :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt de SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.

Les huit cents prisonniers organisent un chahut contre la maigreur du projet d’amnistie.

Lundi 27 juin :
 Toulouse (31), Maison d’Arrêt SAINT-MICHEL.

Quarante détenus refusent de remonter de promenade pour protester contre les conditions de détention.

Jeudi 4 août :
 Lyon (69), Maisons d’Arrêt de SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.

Six cents détenus font la grève des plateaux en solidarité avec Mouloud Aissou, présumé membre d’Action directe et toujours en grève de la faim depuis le 20 juin.

Samedi 6 août :
 Saint-Martin-de-Ré (17), Maison Centrale de SAINT-MARTIN-DE-RE.

Cinquante détenus refusent de remonter de promenade suite à une tentative de suicide de l’un des leurs et s’emparent de la citadelle. Intervention des CRS et du GIGN. La Chancellerie refuse de donner des informations, les journalistes sont écartés.

Mercredi 10, lundi 22 et mardi 23 août :
Grève des plateaux chez les DPS de la 3ème division de Fresnes (94), puis à la Santé (75), à la maison d’arrêt des Femmes de Fleury (91), ainsi qu’au quartier d’isolement (QI) de Fleury. Publication d’une plateforme pour l’abolition de l’isolement et du statut de DPS, du mitard, du prétoire, de la censure ; pour l’amélioration des parloirs et des rencontres avec les familles.

Lundi 22 et mardi 23 août :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

Mouvement tournant de refus de rentrer de promenade. Refus d’être emmené au tribunal pour protester contre les conditions de détention et la lenteur de la justice.

Samedi 10 septembre :
 Prisons de FRESNES (94), FLEURY-MEROGIS (91), LA SANTE (75).

Début de la grève de la faim de neuf militants basques, pour la cessation de l’isolement, et la grâce médicale pour un de leur camarade : Etxeveste, grièvement blessé à la colonne vertébrale (il est invalide). Le 14, ce mouvement est rejoint par quatre autres militants basques.

[Dans cette chronologie, il n’est fait mention que de quelques mouvements de prisonniers basques. Cependant ceux-ci sont régulièrement en lutte, et ce, encore aujourd’hui. Cf. mars 2010]

Du dimanche 11 au mardi 13 septembre :
 Muret (31), Centre de Détention de MURET.

Deux cent prisonniers refusent chaque jour de réintégrer les cellules. Revendications : suppression du mitard, du prétoire, des peines à perpétuité et amélioration des conditions de détention (cantine, parloirs intimes…).

Mardi 13 septembre :
Plusieurs milliers de prisonniers participent à une journée nationale d’action dans toutes les prisons de France. Près de six mille, selon le Ministère de la Justice, vraisemblablement près de dix mille en réalité [l’AP à tendance à minorer les chiffres quand ceux-ci vont contre son intérêt] ; soit un cinquième de la population pénitentiaire. Refus d’accepter les plateaux-repas, refus de remonter de promenade, grève des prisonniers employés aux ateliers : l’action a pris des formes multiples. Mais jamais, de toute leur histoire, les prisons françaises n’ont connu un mouvement de lutte coordonnée d’une telle ampleur. Des plateformes sortent de nombreuses prisons dès le mois d’août. Les revendications reprennent celles énoncées lors des mouvements : suppression de l’isolement, du prétoire, du mitard, application des libérations conditionnelles, des grâces et des remises de peine, uniformisation des règlements intérieurs, abolition de la censure, abolition du statut de DPS, SMIC pour tous les travailleurs, parloirs sexuels, levée des sanctions contre les mutins.

Mardi 15 novembre :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Deux cent cinquante détenus occupent la cour pour protester contre les conditions de détention.

1989

Mercredi 8 mars :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Trois cent quarante-cinq prisonniers envoient simultanément une demande de mise en liberté, espérant que tous les dossiers ne pourront être traités dans les délais légaux et que certains seront ainsi automatiquement remis en liberté.

Mardi 11 avril :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Trois cents détenus prennent en otages huit surveillants pour protester contre la mise au mitard d’un détenu.
- Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.
Cent prisonniers maîtrisent quatre surveillants pour protester contre les conditions de détention.

Mardi 18 avril :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Deux cents détenus manifestent dans la cour.

Dimanche 4 juin :
 Pointe-à-Pitre (97 – Guadeloupe), Maison d’Arrêt de POINTE-A-PITRE.

Les détenus incendient le bâtiment.

Lundi 12 juin :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Suite à une rixe entre un prisonnier et des matons, des détenus sur le terrain de sport refusent de remonter de la promenade. Une tentative de mutinerie échoue et les gardes mobiles investissent le terrain. Sans violence, les révoltés se dirigent alors vers la porte, mais huit sont mis à part et tabassés par les surveillants (haie d’honneur) devant les gendarmes. L’un d’eux subira une fouille rectale… à l’aide d’une clé (!), avant de prendre quarante-cinq jours de cachot comme ses camarades.

Jeudi 15 juin :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Six cent cinquante détenus refusent de remonter de promenade.
- Caen (14), Maison d’Arrêt de CAEN.
Cent vingt refusent de remonter de promenade.
- Saint-Étienne (42), Maison d’Arrêt de la TALAUDIERE.
Ils sont cinquante à faire de même.
- Lannemezan (65), Centre Pénitentiaire de LANNEMEZAN.
Cent soixante à ne pas quitter les cours.
- Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.
Soixante-dix procèdent de même.

[Tous protestent contre l’insuffisance des mesures d’amnistie et des réductions de peine.]

Vendredi 16 juin :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Refus de remonter de promenade.

Lundi 19 juin :
 Yzeure (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Les contestataires refusent de remonter de promenade. Intervention des CRS.
- Lyon (69), Maison d’Arrêt de SAINT-PAUL.
Les mêmes événements se produisent dans cette prison.

Vendredi 30 juin :
 Yzeure (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Des détenus refusent pour la troisième fois dans le mois de remonter de promenade avec de nouveau l’intervention des CRS, sans assaut ni violence. Trois jours plus tard, sept détenus désignés comme « meneurs » sont transférés à la maison d’arrêt voisine de la centrale et placés en isolement.

Lundi 17 juillet :
 Saint-Maur (36), Maison Centrale de SAINT-MAUR.

Sept surveillants sont pris en otages pendant trois heures par une soixantaine de prisonniers du bâtiment B pour protester contre une sanction infligée à un détenu qui avait insulté un gardien. Ils exigent par la même occasion la satisfaction des exigences formulées dans la plateforme nationale dite des « cinq points » (fermeture des QI, abolition du prétoire et du mitard, suppression du statut de DPS, un statut unique pour tous, amnistie pour tous les « mutins » condamnés et le SMIC pour les travailleurs). Dans la soirée, après une négociation avec le procureur de la République de Châteauroux, les matons sont libérés et les mutins regagnent leurs cellules.

Jeudi 20 juillet :
 Saint-Maur (36), Maison d’Arrêt de SAINT-MAUR.

L’un des sept isolés suite au mouvement du 30 juin est expédié au mitard après une altercation avec un surveillant. Ses six camarades l’y rejoignent par solidarité et se mettent en grève de la faim contre les quartiers d’isolement. Huit jours plus tard, les détenus de la maison d’arrêt refusent les plateaux-repas en soutien aux grévistes. Le 2 août, ils sortent du cachot et retournent en centrale.

Mercredi 26 juillet :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Deux cent soixante treize mutins refusent de remonter en cellule et occupent les toits. Ils demandent la fermeture des Quartiers d’Isolement et dénoncent la mort d’un des leurs, intervenue dans des circonstances suspectes. Ils réussissent à s’adresser aux passants au moyen d’un micro et d’un ampli à partir des toits. Intervention des CRS.

Mardi 5 septembre :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Les DPS de la troisième division refusent de prendre leurs repas et cessent de cantiner toute nourriture. Au bout d’une semaine, le mouvement s’étend aux quartiers DPS des deux autres divisions de la prison. Ils demandent la cessation des mesures vexatoires, le respect des engagements pris par la direction lors des précédents mouvements, le droit à la santé et l’hygiène, la suppression du prétoire et du mitard ainsi qu’un régime unique pour tous. Le mouvement continuera sur une vingtaine de jours et touchera également une partie de la détention « ordinaire ». Quatre DPS considérés comme « meneurs » seront transférés à Fleury-Mérogis et placés à l’isolement.

Lundi 11 septembre :
 Yzeure (03), Maison Centrale de Moulins-Yzeure.

Dix prisonniers refusent de se faire fouiller par palpation systématiquement à chaque entrée et sortie de cellule. Quatre d’entre eux sont expédiés au cachot. Le lendemain, pour manifester leur solidarité et leur refus des fouilles, dix détenus refusent de remonter de promenade. Un seul est expédié au mitard (puisqu’il n’y a que cinq cellules de mitard dans cette prison), les autres prennent des rapports (qui entraînent un passage au prétoire). Pendant la durée de leur isolement, deux détenus sont gazés et frappés par les matons.

Jeudi 28 septembre :
 Draguignan (83), Centre Pénitentiaire de DRAGUIGNAN.

Deux cent vingt portes de cellules sont ouvertes à la maison d’arrêt et à la centrale. Les dégâts sont importants, les policiers donnent l’assaut le 29 au matin. Ces troubles résultent de la grève des surveillants et de la suppression des parloirs qu’elle avait entraînée.

Lundi 2 octobre :
 Rennes (35), Maison d’Arrêt de RENNES.

Suite à un appel lancé par les DPS de Fresnes, les détenus procèdent à une grève des plateaux-repas.

Mercredi 29 novembre :
 Yzeure (03), Maison d’Arrêt de MOULINS-YZEURE.

En solidarité avec un détenu placé en quartier disciplinaire, les détenus de la prison refusent de prendre leurs plateaux-repas et frappent longuement contre les portes de leurs cellules. L’AP désigne cinq « meneurs » qu’elle place au mitard.

Vendredi 1er décembre :
 Yzeure (03), Maison d’Arrêt de MOULINS-YZEURE.

Les détenus de la maison d’arrêt refusent de nouveau les plateaux et une vingtaine d’entre eux décident de ne pas réintégrer leurs cellules après la promenade du matin. Ils exigent la sortie du mitard de leurs cinq camarades. L’AP leur promet une sortie pour le 5 décembre, jour du prétoire.

1990

Lundi 5 février :
 Yzeure (03), Centre Pénitentiaire de MOULINS-YZEURE.

Les prisonniers en lutte participent à une « journée morte » en soutien aux 12 mutins de Saint-Maur qui passent en procès à Châteauroux à la fin du mois. 90 % de la détention y prend part. Ce pourcentage est quasiment équivalent dans la maison d’arrêt voisine. Le mouvement de refus des plateaux-repas déclenché dès le 3 février s’étale sur plusieurs jours avec un égal succès. L’AP réagit par plusieurs transferts disciplinaires et la mise en isolement de 18 rebelles.
- Versailles (78), Maison d’Arrêt pour Femmes de VERSAILLES.
Toujours en soutien avec ceux de Saint-Maur, plusieurs détenues refusent leurs plateaux-repas durant trois jours.

Lundi 12 février :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Sept détenus du quartier d’isolement mènent une grève de la faim illimitée pour dénoncer le recours systématique à l’isolement total contre les prisonnier-e-s rebelles et mettre en avant des exigences précises : le droit à être deux en promenade ainsi que le choix de la personne et l’accès à la salle de sport. Trois jours plus tard, ils obtiennent satisfaction sur le premier point de leurs exigences et pourront ainsi être deux en promenade. Ils arrêtent donc la grève.

Février :
 Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.

Pour protester contre la lenteur des procédures d’instruction, quatre détenus en préventive entament une grève de la faim. L’un d’eux entame ce mouvement en se cousant la bouche.
En solidarité avec les quatre grévistes, la grande majorité des deux mille quatre cents détenus que compte la prison adressent une lettre ouverte au garde des sceaux dans laquelle ils exigent « une réorganisation du système judicaire afin d’être jugés dans des délais corrects ». Le 23, ils font un mouvement de refus des plateaux-repas pour 24 heures.

Mercredi 28 mars :
 Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.

Trois cent trente-cinq prisonniers déposent le même jour une demande identique de mise en liberté, cherchant par là à dénoncer la longueur des détentions préventives et à prendre l’appareil judiciaire à son propre piège. Un an auparavant, un millier de détenus de cette prison avait, de concert, récusé leurs avocats pour protester contre le fait que les droits de la défense sont constamment bafoués. A chaque fois un vent de panique s’empare des instances judiciaires locales et nationales.

Mardi 3 avril :
 Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.

Le mouvement entamé aux Baumettes fait tache d’huile : cent trente prisonniers déposent des demandes de mise en liberté en même temps. En outre, cela fait plusieurs jours qu’ils refusent de remonter de promenade. L’AP, en guise de représailles, suspendra les parloirs à toutes les familles des détenus concernés.
- Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.
Cent cinquante prisonniers prennent la même initiative.
- Ajaccio (20 – Corse), Maison d’Arrêt d’AJACCIO.
Les quarante détenus que compte la prison font eux aussi la même démarche.
- Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Vingt-sept détenus refusent de rejoindre leurs cellules au terme de la promenade, une quinzaine d’entre eux occupent les toits durant deux heures.
- Béthune (62), Maison d’Arrêt de BETHUNE.
Les prisonniers effectuent la « grève escargot ». Elle consiste à retarder d’une demi-heure les retours en cellule à l’issue des promenades.

Samedi 7 avril :
 Nantes (44), Centre Pénitentiaire de NANTES.

Sept mineurs en détention préventive passent la nuit sur le toit de la maison d’arrêt afin de réclamer leur libération. Ils obtiennent finalement une rencontre avec le procureur de la République, qui ne donnera rien puisque trois d’entre eux récidivent quatre jours plus tard.

Jeudi 12 avril :
 Nantes (44), Centre Pénitentiaire de NANTES.

Quatre mutins montent sur les toits de la maison d’arrêt et réclament leur libération immédiate. A peine ont-ils quittés les toits que l’AP fait installer des barbelés provisoires. Un des quatre sera retrouvé pendu dans une cellule du quartier disciplinaire neuf jours plus tard. Celui-ci n’avait manifesté aucune intention d’un tel acte et, deux jours plus tôt, il avait reçu la visite de l’aumônier et d’un médecin à qui il n’avait nullement semblé perturbé d’une quelconque manière. Il rejoint la longue liste des morts suspectes en prison.

Lundi 23 avril :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt pour Femmes de FRESNES.

En solidarité avec les prisonniers de Saint-Maur qui comparaissent devant le tribunal de Châteauroux, les prisonnières organisent un mouvement collectif de refus de la gamelle pour les trois jours d’audience (le 23, 24, 25 avril). A cette occasion, elles élaborent une plateforme revendicative unitaire qui est transmise au Ministère de la Justice.

Fin avril :
 Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.

Environ six cents détenus participent au mouvement collectif de dénonciation des lenteurs judiciaires entamé le mois dernier.

Samedi 28 avril :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de Loos-lez-Lille.

Cent trente-sept prisonniers de la section D de la maison d’arrêt refusent de remonter de promenade. Ils sont rejoints par trois cent soixante-dix détenus du bâtiment central. Après avoir saccagé le garage et l’atelier de menuiserie, soixante-seize rebelles montent sur les toits d’où ils bombardent flics (policiers urbains, gendarmes, CRS, GIPN [Groupe d’Intervention de la police Nationale] – presque deux cent hommes !) et pompiers accourus en masse. Ils protestent contre le surpeuplement, la durée de détention préventive et exigent des améliorations de la vie quotidienne (chauffage, douches, draps propres). Les insurgés passent la nuit sur les toits et ne se rendent qu’après avoir obtenu la garantie qu’il n’y aurait pas de représailles. Une trentaine de détenus finissent au quartier disciplinaire, dont seize « meneurs » au quartier d’isolement, et transfert pour certains. Les dégâts sont considérables, ils se chiffrent à dix millions de francs [≈ 1 500 000 €] : téléviseurs, serrures et sanitaires détruits, cent soixante-quinze cellules dévastées, etc.

Dimanche 29 avril :
 Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.

Cinq cent quarante détenus incendient un baraquement et grimpent sur les toits. Ils se rendent dans la soirée. Leurs revendications portent sur les conditions de vie et d’hygiène, ainsi que sur la lenteur des procédures judicaires.

Lundi 30 avril :
 Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.

Le mouvement reprend avec cent cinquante prisonniers qui refusent de remonter de promenade et qui montent sur le toit d’un préau. Leurs revendications portent à la fois sur des problèmes locaux et sur les principales exigences communes au mouvement carcéral national. Après une rencontre entre une délégation des détenus avec le procureur de la République et le sous-préfet, la police donne brutalement l’assaut. En solidarité, les détenus de Loos-lez-Lille déclenchent immédiatement un « chahut ». Vingt-cinq rebelles sont transférés à Fleury-Mérogis (91) et Rouen (76) et sont placés au mitard.

Mardi 1er mai :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Ils sont cent dix-neuf à refuser de remonter de promenade. L’intervention de deux cent cinquante CRS et gendarmes fait quatre blessés bien que les détenus n’aient manifesté aucune agressivité. Treize d’entre eux sont immédiatement placés en isolement et certains sont transférés.
- Metz (57), Centre Pénitentiaire de METZ-QUEULEU.
Une trentaine de détenus parviennent à monter sur les toits.
- Angers (49), Maison d’Arrêt d’ANGERS.
Des prisonniers tentent d’accéder aux toits mais ils échouent. Affrontement avec les forces de répression.

Jeudi 3 mai :
 Draguignan (83), Maison d’Arrêt de DRAGUIGNAN.

Quarante-neuf prisonniers refusent de regagner leurs cellules.
- Bourgoin-Jallieu (38), Maison d’Arrêt de BOURGOIN-JALLIEU.
Vers 16 heures, quatorze détenus refusent de regagner leurs cellules pour protester contre la qualité de la nourriture et le nouveau régime des parloirs où il n’y a plus d’intimité pour les familles. Sans tarder, les forces de police et de gendarmerie prennent position autour du bâtiment et entament des négociations avec les rebelles. Les autres détenus refusent leurs plateaux-repas pour les mêmes raisons.

Lundi 28 mai :
 Saint-Maur (36), Maison Centrale de SAINT-MAUR.

Le jour de la sentence contre les mutins de Saint-Maur, les détenus ont appelé à une journée « prison morte » consistant à refuser de se rendre aux ateliers et en promenade, à refuser la cantine et les plateaux-repas. La grève des ateliers est totale et la moitié refuse les plateaux-repas.

Mardi 29 mai :
 Yzeure (03), Maison Centrale de Moulins-Yzeure.

Suite au verdict du procès des mutins de Saint-Maur où six sont condamnés à des peines d’emprisonnement supplémentaires, une grève totale des activités, du travail et des repas est suivie pendant plusieurs jours en solidarité.

Fin mai :
 Lannemezan (65), Centre Pénitentiaire de LANNEMEZAN.

Un militant politique basque du Sud libéré de la centrale en fin de peine se retrouve le soir même dans les geôles de la Guardia civil à Madrid. Les prisonniers de la centrale en solidarité contre cette extradition font aussitôt un mouvement de solidarité qui est réprimé par l’AP. Quatorze d’entre eux finissent au mitard et plusieurs sont transférés vers d’autres établissements.

Vendredi 1 juin :
 Grasse (06), Maison d’Arrêt de GRASSE.

A 15h30, une soixantaine de détenus refusent de quitter la cour pour exprimer leurs revendications : des activités plus nombreuses et un aménagement des parloirs. Après l’intervention d’une soixantaine de gendarmes et policiers, les rebelles regagnent leurs cellules vers 17 heures.

Lundi 4 juin :
 Saint-Mihiel (55), Centre de Détention de SAINT-MIHIEL.

Révolte de détenus contre la cherté du coup de la vie en détention qui est plus élevé que dans les autres centres pénitentiaires (il s’agit d’un nouvel établissement du programme des 13 000 [62]) et pour la liberté de circulation entre les bâtiments et le libre accès aux équipements sportifs. Une soixantaine sur les cents prisonniers que compte le centre ont refusé de réintégrer leurs cellules. Ils remontent après cinq heures de négociations. L’escadron de gendarmes mobiles de Reims, appelé en renfort, arrive après la bataille.

Mercredi 20 juin :
 Joux-La-Ville (89), Centre de Détention de JOUX-LA-VILLE.

Vers 17 heures, mettant à profit un rassemblement collectif organisé pour un concert, quelque cent soixante-dix prisonniers chassent les matons de la salle, qu’ils incendient ensuite avant de s’emparer d’une partie des bâtiments. Deux matons sont légèrement blessés au cours des échauffourées.

Samedi 23 juin :
 Caen (14), Maison d’Arrêt de CAEN.

Vers 01h30, un détenu met le feu au mobilier de sa cellule pour protester contre la permission de sortie qui lui a été refusée dans la journée. Par solidarité, une cinquantaine de prisonniers incendient papiers et matelas qu’ils jettent dans la cour. Une vingtaine de surveillants épaulés d’une vingtaine de policiers avec gaz lacrymogènes et cinq chiens investissent la détention et extraient rudement les insurgés un à un de leurs cellules. A 04h30, la reprise en main est achevée. Quatorze rebelles sont illico transférés vers d’autres établissements et placés en quartier disciplinaire.

Vendredi 6 juillet :
 Muret (31), Maison Centrale de MURET.

Les détenus, protestant contre les conditions de détention, refusent de remonter en cellule. Intervention des forces de police.

Dimanche 22 juillet :
 Villeneuve-lès-Maguelone (34), Maison d’Arrêt de VILLENEUVE-LES-MAGUELONE.

Dans la matinée, une centaine de contestataires refusent de quitter les cours de promenade pour protester contre les conditions de détention qui leur sont imposées : cherté de la cantine, limitation du nombre des douches, etc. Ils regagnent leurs cellules en fin d’après-midi suite à l’arrivée des forces de police. Treize présumés « meneurs » sont transférés le lendemain.

Du mercredi 25 au mercredi 31 juillet :
Une vague d’agitation soulève les prisons françaises à l’annonce de la grâce d’Anis Naccache [militant libanais pro-iranien, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1982 pour avoir tenté d’assassiner l’ancien premier ministre du Chah d’Iran, il est libéré avec quatre autres dans le cas de tractations politiques entre Paris et Téhéran] en l’absence de grâces collectives. Des mouvements éclatent dans les prisons : Angers (49), Tarascon (13), Tulle (19), Aix-en- Provence (13), …

Mercredi 25 juillet :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Trente détenus protestent. L’intervention des CRS est brutale et plusieurs prisonniers sont blessés.

Jeudi 26 juillet :
Muret (31), Centre de Détention de MURET.

Deux cent quatre-vingts prisonniers refusent de réintégrer leur cellule après la fermeture des ateliers à 19h30. Le mouvement est poursuivi jusqu’à 20h30 après avoir obtenu l’ouverture des portes durant la nuit afin de favoriser la ventilation des cellules surchauffées par la canicule.

Samedi 28 juillet :
 Caen (14), Centre de détention de CAEN.

Dans l’après-midi, cent trente prisonniers refusent de remonter de promenade. Après avoir réussi à se saisir de deux matons et à leur piquer les clés, ils ouvrent les cellules de leurs camarades et s’attaquent aux installations. Intervention brutale des CRS. Vers 23 heures on relève six blessés chez les rebelles, dont un doit être hospitalisé. Plusieurs sont expédiés au mitard.
- Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM. .
Il faut cinq heures de négociations pour que les soixante-dix insurgés rejoignent la détention.
- Douai (59), Maison d’Arrêt de DOUAI.
Alors que trois détenus sont sur les toits, une centaine de leurs camarades occupent les cours pendant plusieurs heures.
- Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES .
Soixante-dix prisonniers protestent contre une sanction disciplinaire prise à l’encontre de l’un d’eux.
- Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.
Cent cinquante détenus manifestent.
- Saint-Quentin-Fallavier (38), Centre Pénitentiaire de SAINT-QUENTIN-FALLAVIER.
L’agitation gagne aussi cette prison.

Samedi 28 et dimanche 29 juillet :
 œrmingen (67), Centre de Détention d’ŒRMINGEN.

Soixante-quinze détenus mettent le feu à plusieurs bâtiments (infirmerie, cuisines, salle de sport). Les installations socio-éducatives, l’atelier de menuiserie et le garage sont sérieusement endommagés. Le mobilier, les portes et fenêtres connaissent un sort semblable. Trente prisonniers tiennent tête aux policiers toute la nuit à coup de pierres et de tuiles. Un détenu tente de défoncer le grillage de l’enceinte de la prison avec un engin de chantier mais les flics ripostent par un tir de barrage. Reddition des neuf derniers rebelles occupant le toit le lundi 30 à midi, après dix-huit heures de lutte.

Dimanche 29 juillet :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de LOOS-LEZ-LILLE.

Cent vingt détenus reprennent le mouvement et détruisent un sas de sécurité séparant les cours de la détention. Après un gazage massif des matons, l’intervention des CRS, des gendarmes et du GIPN restaure un calme précaire.
- Toulouse (31), Maison d’Arrêt SAINT-MICHEL.
Vers 17 heures, quarante-trois détenus en détention préventive refusent de quitter la cour de promenade. Quarante policiers, dont plusieurs de la brigade canine, les contraignent à retourner en cellule.
- Strasbourg (67), Maison d’Arrêt de STRASBOURG-ELSAU.
L’ensemble des deux cents prisonniers présents dans les cours entre en mouvement et occupe les toits. Ils reprennent en cœur quelques mots d’ordre : « On veut des grâces, comme Naccache ! », « Députés marrons, amnistie bidon ! ». Les détenus restés en cellule expriment leur solidarité en reprenant ces slogans et en frappant sur les barreaux des cellules. Vers 21 heures, quelques dizaines de CRS prennent position, accueillis aux cris de « CRS trafiquants, retournez au Liban » et « CRS en prison ». Après avoir obtenu par négociation que les présumés « meneurs » ne soient pas sanctionnés, les détenus regagnent leurs cellules par groupe de dix.
- Caen (14), Maison d’Arrêt de CAEN.
Affrontements. Cinq agents pénitentiaires sont blessés dont le sous-directeur.

Lundi 30 juillet :
 Strasbourg (67), Maison d’Arrêt de STRASBOURG-ELSAU.

Quatre-vingts prisonniers quittent les cours et grimpent sur les toits après avoir investi les ateliers et le magasin de vivre où plusieurs foyers d’incendie sont allumés. Intervention des forces de répression qui tirent massivement des lacrymogènes en riposte aux divers projectiles jetés par les mutins. Un détenu touché chute du toit. Il est emmené par les pompiers sur une civière. Après la capture de leurs délégués, les prisonniers décident de se rendre sans résistance. Trois « meneurs » sont expédiés en quartier disciplinaire.
- Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM.
Comme la veille, les détenus prolongent la promenade de plusieurs heures.
- Valenciennes (59), Maison d’Arrêt de VALENCIENNES.
Les prisonniers manifestent.
- Varces (38), Maison d’Arrêt de VARCES-GRENOBLE.
Cent huit détenus occupent la cour jusqu’au soir pour protester contre « la justice à deux vitesses ».
- Colmar (68), Maison d’Arrêt de COLMAR.
A 17h30, une cinquantaine de détenus refusent de quitter la cour. Policiers, gendarmes et CRS donnent l’assaut vers 22h40.
- Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.
Cent cinquante détenus du bâtiment D manifestent durant une heure tandis qu’une trentaine arrachent les grillages de la cour et menacent les matons avec des boules de pétanques.
- Ecrouves (54), CENTRE DE DETENTION d’ECROUVES.
Quatre-vingt-douze des cent quatre-vingts prisonniers refusent de quitter le terrain de sport où ils sont regroupés.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Manifestation d’une vingtaine de détenus.
- Avignon (84), Maison d’Arrêt de SAINT-ANNE.
La quasi-totalité des trois cent cinquante prisonniers refusent de prendre les repas en solidarité avec le mouvement en cours.
- Varces (38), Maison d’Arrêt de VARCES-GRENOBLE.
Quatre-vingt-onze prisonniers retardent de plusieurs heures la remontée en détention et une vingtaine d’entre eux menacent d’y rester la nuit entière si des mesures ne sont pas prises.
- Bastia (20 – Corse), Maison d’Arrêt SAINTE-CLAIRE.
Manifestation des détenus contre la longueur de leur détention. Vers 17 heures, ils s’emparent des clés des sas et des cellules, et enferment les gardiens dans le hall d’entrée. Le soir, quinze des quarante prévenus occupent encore les toits et annoncent leur intention d’y passer la nuit, pendant qu’une cinquantaine de leurs camarades circulent dans le bâtiment. Les rebelles mettent fin au mouvement deux jours plus tard, vers 13 heures, après que des engagements furent pris concernant une accélération des procédures judiciaires en cours et l’absence de sanctions contre eux.

Mardi 31 juillet :
 Ajaccio (20 – Corse), Maison d’Arrêt d’AJACCIO.

Au moment où ceux de Bastia rejoignent la détention en fin de matinée, les prisonniers d’Ajaccio prennent le relais. Ils libèrent une cinquantaine de leurs camarades et reconduisent les matons jusqu’aux portes. Dix-sept d’entre eux montent sur les toits où ils font flotter le drapeau corse. Ils se rendent dans la soirée aux cris de « on a gagné » après avoir obtenu les mêmes engagements qu’à Bastia.
- Avignon (84), Maison d’Arrêt SAINTE-ANNE.
Poursuivant leur mouvement de grève de la faim, les détenus décident de passer au cran supérieur. Cent trente d’entre eux occupent la cour pour exprimer leurs revendications. « Dialogue difficile » entre les rebelles et le Préfet et le substitut du procureur de la République. A 18h30, la prison s’embrase : draps et sommiers sont incendiés. A l’intérieur, aux cris de « on veut des grâces ! », la colère se déchaîne contre les installations, notamment la salle de musculation. Une quinzaine d’entre eux harcèlent les forces de police depuis l’un des toits à l’aide de tuiles et de boules de pétanque. Policiers et CRS donnent l’assaut, qui est brutal. A 19 heures, l’établissement est repris en main.
- Lyon (69), Maison d’Arrêt SAINT-PAUL.
Les revendications mises en avant portent, en plus des exigences nationales, sur le mitard et la détention des mineurs. Trente détenus s’emparent des clés de deux gardiens stagiaires. Ils ouvrent les cellules de deux des trois étages du bâtiment. Ils sont deux cent onze prisonniers à prendre contrôle du quartier H, établissant des barrages dans les coursives avec le mobilier des cellules qu’ils incendient. Un important dispositif de forces répressives cerne la prison tandis que des membres du GIPN prennent position à l’intérieur. Des pourparlers sont engagés. Vers 22h30, les rebelles acceptent de se rendre. La plupart passent la nuit dans les locaux dévastés.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Soixante prisonniers occupent la cour durant deux heures.
- Perpignan (66), Centre Pénitentiaire de PERPIGNAN.
Cinquante détenus qui procèdent de même seront reconduits dans leur cellule par les forces de police.
- Béthune (62), Maison d’Arrêt de BETHUNE.
Sept prisonniers gagnent les toits durant la promenade.
- Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.
A 17 heures, plusieurs détenus manifestent leur mécontentement dans la cour de promenade. Puis ils sont huit à squatter les toits jusqu’à une heure trente du matin, après huit heures et demie de négociations ponctuées d’un « concert carcéral » organisé par les autres prisonniers depuis les fenêtres de leurs cellules.

Mercredi 1er août :
 Saint-Etienne (42), Maison d’Arrêt de la TALAUDIERE.

Soixante et un détenus organisent un sit-in de plusieurs heures dans les deux cours. Ils regagnent leur cellule qu’après qu’une délégation a pu s’entretenir avec un substitut du procureur de la République.
- Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.
Soixante-quatre prisonniers organisent également un sit-in dans la cour. Ils n’y mettront fin que dans la nuit.
- Marseille (13), Maison d’Arrêt des BAUMETTES.
Cinq cents détenus ne regagnent leurs cellules qu’après l’intervention des CRS en fin de soirée.
- Rouen (76), Maison d’Arrêt BONNE-NOUVELLE.
Les forces de police délogent une vingtaine de rebelles qui se sont retranchés sur les toits.
- Béthune (62), Maison d’Arrêt de BETHUNE.
Même situation qu’à Marseille.
- Nantes (44), Maison d’Arrêt de NANTES.
Cinquante prisonniers manifestent contre la longueur de détentions préventives.

Jeudi 2 août :
 Yzeure (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Une cinquantaine de prisonniers refusent de rejoindre leurs cellules.

Vendredi 3 août :
 Toulouse (31), Maison d’Arrêt SAINT-MICHEL.

Trente-neuf détenus refusent à leur tour de quitter la cour durant des heures, attendant calmement les forces de police.

Dimanche 2 septembre :
 Neuvic-sur-L’isle (24), Centre de détention de NEUVIC-SUR-L’ISLE.

A 18h30, une soixantaine de prisonniers refusent de rejoindre leurs cellules : trente-deux montent sur les toits pendant qu’une trentaine de leurs camarades occupent les couloirs des bâtiments. Les prisonniers rebelles ne regagneront la détention que le lundi matin à 07h30 suite à l’arrivée d’une soixantaine de CRS venus prêter main forte à la quarantaine de leurs collègues gendarmes. Les mutins exigeaient la libre circulation entre les bâtiments et le libre accès aux équipements sportifs.
- Metz (57), Centre Pénitentiaire de METZ-QUEULEU.
Révolte des prisonniers.
- Angers (49), Maison d’Arrêt d’ANGERS.
Révolte également dans cet établissement.

Lundi 3 septembre :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Mutinerie et prise d’otages. Intervention du RAID.

Jeudi 20 septembre :
 Bastia (20 – Corse), Maison d’Arrêt SAINTE-CLAIRE.

Une brigade spéciale descend de Paris afin d’effectuer une fouille de la prison, probablement suite à la révolte du 30 juillet et d’une tentative d’évasion de six détenus le 19 août de cette même année. Parce que les détenus savent ce que signifient ces « fouilles ministérielles » (cellules mises à sac, linge et nourriture mêlés, photos et lettres déchiquetées, etc.) cinq détenus se barricadent dans une cellule pour protester contre ces procédés. Au terme de plusieurs heures de négociations et de l’intervention d’une vingtaine de policiers, ceux-ci se rendent. Ils sont immédiatement placés au mitard.

Vendredi 21 septembre :
 Muret (31), Centre de Détention de MURET.

Deux tiers des deux cent trente prisonniers travailleurs refusent de prendre leurs postes dans les divers ateliers. Ils restent dans les cours de promenade ou dans leurs cellules. Ils revendiquent une rémunération plus décente de leur travail.

Mercredi 26 septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Mouvement collectif de protestation de deux cent dix-huit prisonniers du D3 (Division 3). Deux militants basques faisant partie du groupe de délégués des détenus qui remettent la plateforme de revendications à la direction seront transférés à la maison d’arrêt de Fresnes quelques jours plus tard. Leurs proches, évidemment non prévenus du transfert, feront un grand déplacement depuis le Pays-Basque inutilement !

Lundi 1er octobre :
 Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.

Cent dix-neuf détenus refusent de remonter de promenade. L’intervention de la police fait quatre blessés.

Vendredi 12 octobre :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Cinquante prisonniers refusent de regagner la détention en soutien avec un détenu d’origine arabe (né en France) qui proteste contre la mesure d’expulsion du territoire prise à son encontre malgré les promesses contraires qui lui auraient été faites. Pour payer leur acte de solidarité, onze détenus seront transférés quelques jours plus tard vers d’autres centres de détention.

Lundi 22 octobre :
 Ecrouves (54), Centre de Détention d’ECROUVES.

à 18h30, refus d’une large partie de la détention de remonter de promenade. Ce débordement de colère est motivé par la multiplication des accrochages physiques avec les matons. Après une entrevue avec la direction locale, les mutins feignent de réintégrer leurs cellules, ce qui leur permet de gagner les coursives et d’investir les bâtiments. Une soixantaine de prisonniers dont certains armés de couteaux de cuisine se postent sur les toits et balancent les tuiles sur les matons. Vers 22h30, les forces de répression donnent l’assaut de la prison. Le toit est alors aspergé de gaz lacrymogènes, mais cela ne vient pas à bout de la résistance. Les insurgés sont finalement délogés vers minuit. Des blessés et du mitard pour les rebelles.

Samedi 27 octobre :
 Luynes (13), Maison d’Arrêt d’AIX-LUYNES.

En fin d’après-midi, cent vingt prisonniers du bâtiment B refusent de remonter de promenade et entreprennent la destruction des installations. Les grilles, les vitres et les caméras de surveillance sont des cibles privilégiées. Par leur action qui laissa derrière eux une facture de 300 000 francs [≈ 45 500 €] de dégâts, ils entendaient protester contre la sévérité extrême de la discipline, l’omniprésence des systèmes de sécurité, la cherté de la cantine ainsi que la présence trop rapprochée des surveillants lors des parloirs. Ils exigent également un nombre plus important de téléviseurs. Le lendemain, c’est au tour des prisonniers du bâtiment A qui refusent de remonter de promenade et qui exigent d’être reçus par le directeur pour lui exposer leurs revendications.

Dimanche 4 novembre :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Centre de Détention d’EYSSES.

Trente-deux détenus refusent de regagner leurs cellules au terme de la promenade de l’après-midi. Ils n’acceptent de rejoindre la détention que vers 21 heures, après plusieurs heures de négociation avec les autorités. Par leur mouvement, ils entendent protester contre l’insalubrité de l’établissement.

Mardi 6 novembre :
 Ajaccio (20 – Corse), Maison d’Arrêt d’AJACCIO.

Une vingtaine de détenus refusent de remonter en cellule et campent dans la cour plusieurs heures. Ils mettent fin à leur mouvement après des négociations avec la direction.

1991

Mardi 2 avril :
 Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.

Deux cents prisonniers refusent de remonter de promenade, protestant contre les règles de discipline et les fouilles intégrales.

Lundi 15 avril :
 Lannemezan (65), Centre Pénitentiaire de LANNEMEZAN.

Huit détenus agressent trois surveillants à coups de barreaux de chaises métalliques. Ces incidents font suite au bouclage des cellules pendant la journée.

Vendredi 17 mai :
 Varces (38), Maison d’Arrêt de VARCES-GRENOBLE.

Suite à la mort d’un détenu abattu par un maton alors qu’il s’apprêtait à franchir le mur d’enceinte, une grande majorité des prisonniers refuse de réintégrer les cellules à l’issue de la promenade. Un incendie est allumé dans un atelier du rez-de-chaussée, et les détenus se barricadent dans une cour avec de la ferraille et le matériel de la salle de musculation (« ultra moderne », nous précise bien le journaliste du Dauphiné Libéré !), dévastée tout comme les ateliers de travail. Les soixante-quinze gardes mobiles, après s’être frayés un chemin à coup de gaz lacrymogènes jusqu’à la cour, chargent les détenus. Ces derniers sont remontés en cellules cinq par cinq.

Août :
 Muret (31), Centre de Détention de MURET.

Deux jours de refus des plateaux et de refus du travail pour exiger que les portes soient ouvertes dans tous les bâtiments. L’AP procède à une dizaine de transferts vers les prisons de Tarbes (65) et Lannemezan (65) et des mises au mitard, ce qui met fin au mouvement.

Mercredi 14 août :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt de FRESNES.

Nouvelle mutinerie avec prise d’otages. Le RAID intervient de nouveau comme en 1990.

Dimanche 1er septembre :
 Val-de-Reuil (27), Centre de Détention des VIGNETTES.

A 09h30, trois prisonniers sont sur les toits. Ils exigent leur transfert rapide de cet établissement « pilote ». Vers 16h30, arrivée d’une quinzaine d’hommes du GIPN, venant renforcer le dispositif policier déjà sur place : une centaine de gendarmes et de forces de polices. A 20 heures, à la tombée de la nuit, trois hommes du GIPN et un chien parviennent sur les toits par hélicoptère pendant qu’une autre équipe arrive en escaladant le bloc où se trouvent les rebelles. Les insurgés tentent de se défendre à l’aide de barres de musculation. Grenades paralysantes et lacrymogènes, coups, morsures. Les prisonniers rapidement maîtrisés sont immédiatement placés en quartier disciplinaire.

Mardi 3 septembre :
 Ensisheim (68), Maison Centrale d’ENSISHEIM.

A 18h45, quarante-huit prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules au terme de la promenade. Intervention de soixante-cinq gendarmes qui procèdent à la réintégration des prisonniers sous les coups et en plaçant certains au quartier disciplinaire à 23h15.
- Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.
Vers 13 heures, deux surveillants sont frappés par des détenus au cours d’une altercation à l’entrée d’une cellule. L’un est blessé à la jambe, l’autre souffre de contusions multiples au visage. Ils sont tous deux hospitalisés. Pratiquement tous les jours de l’été, plusieurs détenus refusent de regagner la détention au terme de l’après-midi, mais sont « contraints par la force de le faire ».

Mardi 24 septembre :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Environ deux cents prisonniers refusent de remonter de promenade pour protester contre la dégradation de leurs conditions de vie suite aux différents mouvements revendicatifs des matons.
- Nantes (44), Maison d’Arrêt de NANTES.
Une initiative similaire à Fleury est menée par quatre-vingts prisonniers.

Mardi 15 octobre :
 Nice (06), Maison d’Arrêt de NICE.

Quarante prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules pour protester contre le durcissement des conditions de détention et prennent en otage le directeur et le chef de détention.
- Saint-Maur (36), Maison Centrale de SAINT-MAUR.
Deux prisonniers du quartier d’isolement, armés d’un couteau, prennent en otage un maton. Ils entendent dénoncer leur isolement total et demander leur transfert. L’un d’eux avait, avec quelques autres, entamé en janvier dernier une grève de la faim de plus de cinquante-quatre jours pour la fermeture des quartiers d’isolement.

Lundi 30 décembre :
 Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.

Après la mort d’un détenu atteint de diabète (diabète dû à l’incarcération) par manque de soin*, plus de cent prisonniers adressent une lettre collective au directeur de l’AP à Paris, au directeur régional des services pénitentiaires de Strasbourg et au directeur de la prison dans laquelle ils exposent des revendications portant sur tous les aspects de la détention. Ils sont trois cent soixante-dix à refuser de remonter en cellule suite à la mort de Mohammed Chara.
[*Consulté quatre jours plus tôt après de vives douleurs, un médecin lui avait diagnostiqué un « état grippal ». Le dimanche, le détenu s’était plaint de fortes douleurs poitrinaires et le médecin de l’établissement avait refusé de se déplacer prétextant qu’il n’était pas d’usage de parcourir les cinq cents mètres qui séparent l’infirmerie du bâtiment où se trouvait le détenu.]

Mardi 31 décembre :
 Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.

Le personnel de l’établissement doit bloquer toutes les portes de la détention pour permettre la fuite du docteur venu en consultation. Divers prisonniers voulaient le prendre en otage et le menaçaient de mort.

1992

Mercredi 1er janvier :
 Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.

Suite au décès d’un des leurs, les prisonniers refusent une nouvelle fois de remonter de promenade et exigent la démission du directeur de la prison et le départ du médecin. Ils collectent sur leurs pécules disponibles la somme de 40 000 francs [≈ 6 000 €] afin que la famille puisse rapatrier le corps du défunt en Algérie.

Samedi 4 janvier :
 Gradignan (33), Maison d’Arrêt de GRADIGNAN.

Plusieurs dizaines de prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules au terme de la promenade.

Lundi 6 janvier :
 Salon-de-Provence (13), Centre de Détention de SALON-DE-PROVENCE.

Plus de soixante détenus refusent de quitter la cour de promenade durant toute la journée, en solidarité avec une douzaine d’entre eux qui doivent être conduits au quartier disciplinaire pour l’exemple. Vers 17 heures, l’établissement est investi par les CRS. Les détenus remontent en détention sans heurts. Six sont immédiatement placés au cachot, puis quatre d’entre eux sont transférés vers la maison d’arrêt de Luynes (13). Le lendemain, les prisonniers récidivent et l’AP procède à une trentaine de transferts disciplinaires.
- Arles (13), Maison Centrale d’ARLES.
Mouvement collectif d’une cinquantaine de prisonniers.

Mercredi 8 janvier :
 Toul (54), Centre de Détention de NEY-DE-TOUL.

Décès d’un second détenu transféré dans cette prison cinq jours plus tôt. La veille, se plaignant de douleurs, on lui avait fait absorber un « analgésique banal ». Il succombe dans la nuit à une hémorragie cérébrale. Les détenus continuent alors leur mouvement, qu’ils ont entamé depuis fin décembre, et ce quotidiennement tout le long du mois de janvier : grève des plateaux-repas, des activités, du travail et refus de remonter de promenade. Face à ces actions, la direction plie sur de nombreuses revendications des prisonniers.

Jeudi 16 janvier :
 Ajaccio (20 – Corse), Maison d’Arrêt d’AJACCIO.

Cinquante-sept rebelles prennent en otage trois surveillants et une infirmière, puis détruisent une partie des installations, suite à un refus d’accorder des soins à un détenu malade.

Samedi 18 janvier :
 Muret (31), Centre de Détention de MURET.

Refus d’une centaine de détenus de remonter de promenade.

Dimanche 8 mars :
 Cergy-Pontoise (95), Maison d’Arrêt d’OSNY-PONTOISE.

Peu après 16 heures, quelque deux cent trente prisonniers parviennent à franchir plusieurs des murs intérieurs et à se regrouper sur le terrain de sport après avoir refusé de réintégrer la détention au terme de la promenade. Ils entendent protester contre le nouveau règlement intérieur qui remet en cause les maigres conquêtes gagnées depuis deux ans. Deux hommes tentent de s’échapper en escaladant le mur d’enceinte, en y appuyant la barre horizontale d’une des cages de but du terrain de football. Un des deux y parvient et est rattrapé, après une centaine de mètres de liberté, par la police. Le second est stoppé dans son ascension par un coup de feu tiré du mirador qui le blesse. Dans le quartier des femmes, les prisonnières manifestent leur solidarité avec la révolte en allument plusieurs incendies à l’aide d’éléments de literie. Intoxiquées par la fumée, plusieurs d’entre elles doivent être transportées au centre hospitalier de Pontoise. Peu après 18 heures, une cinquantaine d’hommes d’une section d’intervention de la direction départementale des polices urbaines et un peloton de gendarmerie investissent le bâtiment et parviennent à refouler les insurgés, non sans quelques affrontements qui font plusieurs blessés. La reddition se fait à 19 heures.

Mardi 24 mars :
 Riom (63), Maison Centrale de RIOM.

Le soir, mouvement collectif d’une soixantaine de prisonniers.

Jeudi 23 avril :
 Amiens (80), Maison d’Arrêt d’AMIENS.

Protestation suite au refus d’une demande d’un détenu, qui voulait une brève permission de sortie pour assister aux obsèques de son grand-père.
Vers 17h30, une soixantaine de prisonniers refusent de remonter dans leurs cellules et allument un feu dans la cour. Celui-ci est alimenté par des couvertures, draps, matelas, … jetés depuis les fenêtres par d’autres révoltés qui n’ont pas pu quitter leurs cellules. A 21h30, les CRS interviennent, investissent les lieux vers minuit et s’affrontent avec les détenus qui se défendent avec des pieds de chaise. Au terme d’un violent et bref affrontement, les cellules du mitard sont remplies. Vers une heure du matin, transfert de six présumés « meneurs ». Le lendemain nouveau refus de remonter d’une trentaine de prisonniers pour protester contre les sanctions consécutives au mouvement de la veille.

Mardi 21 juillet :
 Tarascon (13), Centre de Détention de TARASCON.

Suite à la mort suspecte d’un détenu au mitard, une soixantaine de prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules au terme de la promenade de l’après-midi. Exigeant des éclaircissements sur les conditions du décès de leur camarade, ils demandent – en vain – à rencontrer le procureur de la République. Après cette manifestation, ils acceptent de regagner la détention.

Mercredi 22 juillet :
 Tarascon (13), Centre de Détention de TARASCON.

Vers 17h30, comme la veille, les détenus renouvellent leur initiative. Cette fois-ci, ils sont cent trente (sur les quatre cent soixante-deux détenus que compte la détention) à ne pas regagner leurs cellules et à infliger quelques dommages aux installations : ils arrachent une grille qui sépare la cour de promenade des couloirs de circulation, forcent quelques portes et grimpent sur le toit du bâtiment des ateliers. Au passage, le bureau du chef de détention a pris feu. Dans la soirée, d’importantes forces de police, dépêchées de Marseille, investissent les lieux.
A 22h45, l’ordre règne de nouveau.

Vendredi 24 juillet :
 Tarascon (13), Centre de Détention de TARASCON.

Suite aux mouvements, les matons se mettent en grève pour demander le transfert immédiat de quarante présumés « meneurs », la suppression des cabines téléphoniques dans les cours de promenade et l’engagement immédiat des travaux de réfection de ces cabines en détention, avec un contrôle effectif de celles-ci. Les matons n’ont en effet pas apprécié que les prisonniers utilisent ces cabines, lors de leur mouvement, pour communiquer avec la presse et les magistrats. A cause de la grève, les petits déjeuners et les repas de midi ne sont pas servis aux détenus, qui restent enfermés toute la journée dans les cellules. De même, les permissionnaires et les libérables ne sortent pas. Les prisonniers manifestent bruyamment leur colère en frappant avec divers objets sur les portes et les barreaux des cellules.
Les matons obtiennent ce qu’ils veulent. D’une part pour les cabines, mais aussi pour le transfert de trente et un prisonniers vers d’autres établissements de la région.

Dimanche 2 août :
 Lyon (69), Maison d’Arrêt SAINT-PAUL.

A 16 heures, pour protester contre un mouvement de grève des surveillants, les deux cent vingt prisonniers du bâtiment H commencent à cogner aux portes et crier aux fenêtres. Au même moment, treize détenus mineurs qui tournent dans l’une des courettes du bâtiment K, défoncent trois portes. Puis à l’aide de chaises, ils saccagent deux bureaux de surveillants. Vigoureuse intervention des forces de police.

Lundi 3 août :
 Lyon (69), Maison d’Arrêt SAINT-JOSEPH.

Une centaine de prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules au terme de la promenade de l’après-midi. De nouveau, intervention des flics.

Mardi 4 août :
 Lyon (69), Maison d’Arrêt SAINT-JOSEPH.

Alors qu’une quarantaine de détenus ont récidivé quant à l’occupation de la cour, ils sont rapidement imités par une quinzaine dans une cour voisine. Ils entendent dénoncer leurs conditions de détention. La police revient encore une fois.

Mardi 18 août :
 Gradignan (33), Maison d’Arrêt et Centre de Jeunes Détenus de GRADIGNAN.

Blocage de la prison particulièrement strict par un mouvement de matons qui manifeste suite à la mort d’un de leur collègue par un détenu à Rouen deux jours plus tôt. Ceux-ci refusent d’assurer les promenades du matin. Mais face au tintamarre des détenus, la direction décide l’ouverture des portes des cellules. A 09h30, les prisonniers décident de rester dans les cours. Une soixantaine d’entre eux détruisent une clôture dont ils récupèrent les piquets métalliques, puis forcent un local sportif afin de se doter d’autres armes de fortune et prennent position. De leur côté, vingt-huit prisonniers du CJD s’insurgent et occupent leur cour. Les forces de police encerclent l’établissement. Leur arrivée fait monter la tension : insultes et projectiles fusent, pendant que quelques rebelles tentent d’utiliser un filet de tennis comme échelle de corde pour passer le grillage de la cour. Vers 12h30, les CRS et gendarmes (une centaine) investissent la détention et parviennent à réduire la rébellion. Une heure plus tard, ce sont les insurgés du CJD qui sont maîtrisés. Les révoltés obtiennent de la direction l’engagement qu’aucune sanction ne soit prise à leur encontre. Toute la journée, le chahut se poursuit dans les cellules, afin de protester contre la suppression du courrier, des parloirs et de la promenade de l’après-midi.
- Neuvic-sur-l’Isle (24), Centre de Détention de NEUVIC-SUR-L’ISLE.
Les prisonniers refusent eux-aussi de remonter de promenade pour les mêmes motifs.

Mercredi 19 août :
 Mulhouse (68), Centre de Détention de MULHOUSE.

Vers 16h30, un prisonnier a un accrochage avec un maton. Une bousculade s’ensuit. Un des collègues du maton veut intervenir : tous deux se retrouvent encerclés par soixante détenus qui s’emparent de leurs clés. Très vite, la détention est libérée et ils sont deux cents insurgés à se rendre maîtres des trois bâtiments du centre. Une trentaine occupent les toits pour faire valoir leurs exigences. Ils demandent entres autres le départ de la nouvelle directrice qui a durci les règles de discipline. Plusieurs banderoles proclament « Dehors la directrice ! ».
A 17h30, la police fait des tirs de sommation depuis la MA voisine, qui n’est pas touchée par la révolte. Pourtant, vers 18h, deux départs de feux partent de celle-ci mais sont rapidement maîtrisés.
A 17h50, depuis les toits du bâtiment central, une vingtaine d’insurgés bombardent les flics et les matons à coups de tuiles, boîtes de boisson, briques et objets divers, à quoi s’ajoute le contenu d’extincteurs. A 19 heures, Christian Héby, un détenu isolé sur un toit depuis une heure, glisse jusqu’à la gouttière et ne parvient pas à se retenir. Il chute de plus de dix mètres et meurt peu après. A 20 heures, la directrice passe dans la rue avec une escorte policière. Quolibets et protestations repartent de plus belle, ponctués par les jets de projectiles les plus divers. 20h20, les hommes du GIPN et de la gendarmerie (cent quatre-vingts hommes) se préparent à intervenir. Un hélicoptère est réquisitionné. Une demi-heure plus tard, un incendie se déclare dans le premier bâtiment, qui abrite les locaux administratifs, l’atelier de menuiserie et, dans les combles, les réserves de matelas. Les hommes du GIPN attaquent la prison depuis l’hélicoptère en lâchant des grenades offensives à effet de souffle. D’autres foyers d’incendie se développent dans d’autres bâtiments. Les forces de répression donnent l’assaut. Vers 23 heures, tous les rebelles sont regroupés dans la cour, parqués entre deux rangées de gendarmes mobiles. On dénombre vingt-trois blessés dont certains par balles en plastiques ou intoxiqués par la fumée. Le lendemain, les sanctions tombent...
- Marseille (13), Centre Pénitentiaire des BAUMETTES.
Les détenus provoquent un chahut monstre en tapant sur les barreaux et les portes, et en jetant par les fenêtres des papiers et chiffons enflammés.
- Lyon (69), Maisons d’Arrêt SAINT-PAUL et SAINT-JOSEPH.
Pour protester contre la suppression des douches, les prisonniers calfeutrent le bas des portes de cellule, ouvrent les robinets puis, lorsque l’eau a atteint un certain niveau, la laisse se répandre brutalement dans les coursives. Suite à cette agitation, les tabourets sont ôtés des cellules et sept rebelles sont conduits au quartier disciplinaire.
- Gradignan (33), Maison d’Arrêt de GRADIGNAN.
Cinq ou six cellules sont brûlées.
- Evreux(27), Maison d’Arrêt d’EVREUX.
Vers 15h30, vingt-sept prisonniers escaladent les toits à la fin de la promenade et n’acceptent d’en redescendre qu’au bout de deux heures, au terme de négociations.

[Suite à la grève des surveillants, agitation et interventions policières à Maubeuge (59), Béthune (62), Val-de-Reuil (27), au CD de Fleury-Mérogis (91), Draguignan (33), Nice (06), à Vannes (56), Montbéliard (25), Toulon (83) et à Saint-Denis de la Réunion (97-la Réunion). Dans cette dernière, les détenus mettent le feu au mobilier.]

Jeudi 20 août :
 Nanterre (92), Maison d’Arrêt de NANTERRE.

Intervention des gardes mobiles où les prisonniers entreprennent la destruction de leurs cellules.
- Besançon (25), Maison d’Arrêt de BESANÇON.
Dans la soirée, neuf détenus montent sur le toit, d’où ils ne redescendent qu’après négociations avec les autorités.
- Neuvic-sur-l’Isle (24), Centre de Détention de NEUVIC-SUR-L’ISLE.
Les prisonniers jettent par les fenêtres tout ce qui peut l’être et détruisent une centaine de cellules.
- Niort(79), Maison d’Arrêt de NIORT.
Agitation dans cette prison. Un détenu en profite pour tenter de s’évader.
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.
Dans l’après-midi : refus de remonter de promenade.
- Bois-d’Arcy (78), Maison d’Arrêt de BOIS-D’ARCY.
Les détenus restent dans la cour.
- Ploemeur (56), Centre Pénitentiaire de PLOEMEUR.
Même action qu’à Fleury et à Bois-d’Arcy.

Mardi 8 septembre :
 Yzeure (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Révolte des prisonniers, suite à une grève de surveillants après l’agression mortelle d’un des leurs à la maison d’arrêt de Rouen. Les détenus sont totalement privés d’activités, de courriers, de parloirs… Une sanction infligée la veille à un détenu sert de détonateur. Les détenus prennent vingt surveillants et un professeur en otages. La centrale est détruite par les prisonniers. Le GIGN donne l’assaut le 9 au matin.
L’Administration procède à cent soixante douze transferts dans la nuit. Tous les autres prisonniers seront transférés par la suite.
La mutinerie a causé 70 millions de francs [≈10 600 000 €] de dégâts et la fermeture momentanée de l’établissement. Les prisonniers de la centrale s’expliquent dans une lettre au procureur : « La révolte des prisonniers a été générée par les provocations des surveillants activistes et revanchards après l’échec de leur mouvement du 18 au 24 août 1992… »

Samedi 12 septembre :
 Nîmes (30), Maison d’Arrêt de NIMES.

Cinquante détenus excédés par la suppression des petits-déjeuners et des parloirs enfoncent les portes des cellules, allument plusieurs incendies et gagnent les toits. Après un rude accrochage avec les forces de répression qui fait cinq blessés, ils se rendent.
- Dunkerque (59), Maison d’Arrêt de DUNKERQUE.
Pour protester contre la suppression des parloirs, quarante détenus détruisent vitres et mobiliers.
- Nancy (54), Maison d’Arrêt CHARLES-III.
Trente prisonniers refusent de remonter de promenade et affrontent la police.

[Les mouvements de septembre sont liés au mouvement des matons. Dans la plupart des établissements, seule la distribution des repas est assurée par la police. La Chancellerie expédie sept cents lettres de mise en demeure et des décisions d’exclusions. Les surveillants usent alors d’un nouvel artifice : les arrêts maladie. Quatre surveillants suspendus entament une grève de la faim. Le 18 septembre : cent dix-sept prisons sont encore perturbées et cinquante neuf fonctionnent avec l’aide des forces de police. À Toulouse et à Muret, ce sont des militaires d’unités parachutistes qui remplacent les gardiens. Le 22 septembre : les négociations interrompues le 15 septembre reprennent. D’emblée, le garde des Sceaux propose la levée des sanctions et l’ouverture de discussions sur la sécurité. Le 28, une trentaine d’établissements poursuivent le mouvement et entament une grève du zèle : « Si le mouvement se termine comme ça, nous jouerons les détenus » prévient un surveillant « Nous n’avons aucun autre moyen de pression sur le gouvernement. S’il faut des mutineries pour que le dossier pénitentiaire avance, il y en aura ».]

1993

Lundi 20 septembre :
 Draguignan (83), Centre Pénitentiaire de DRAGUIGNAN.

Les détenus refusent de réintégrer leurs cellules après le décès de l’un d’entre eux.

1994

Mercredi 9 mars :
 Varces (38), Maison d’Arrêt de GRENOBLE-VARCES.

Refus de remonter de promenade. Intervention policière brutale.

1995

Jeudi 11 mai :
 Neuvic-sur-l’Isle (24), Centre de Détention de Neuvic-sur-l’Isle.

Une centaine des cent quatre-vingts détenus refusent de regagner leurs cellules pour protester notamment contre la nourriture qui leur est servie.

1996

Mardi 2 avril :
 Arles (13), Maison Centrale d’ARLES.

Soixante-dix détenus refusent de remonter en cellule. Intervention des CRS et du GIPN.

Dimanche 7 avril :
 Dijon (21), Maison d’Arrêt de DIJON.

Vers 17h15, au retour de la promenade, « un détenu ceinture l’unique gardien, qui jette ses clés. Un autre prisonnier, ravi, empoche. A l’intérieur, un groupe différent chasse les surveillants (onze ce jour-là) du rond-point, lieu stratégique qui commande l’ouverture des portes. La Pénitentiaire se replie à l’abri dans le désordre, les détenus libèrent les copains qui brisent menu tout ce qui leur tombe sous la main et brûlent le reste. » [Liberation.fr, < http://www.liberation.fr/france/0109176896-les-mutins-voulaient-parler-a-la-directrice-neuf-detenus-ont-ete-juges-mercredi-pour-le-saccage-de-la-prison-de-dijon >, 26 avril 1996. Page consultée le 15 octobre 2010.]
Deux foyers d’incendie sont allumés, l’un dans la cour de la prison et l’autre dans le centre de détention où se trouvent les cellules.
La centaine de mutins (sur trois cents prisonniers) encerclent pendant plus de trois heures deux gardiens qui se sont retranchés dans une pièce.
Vers 19 heures, un important dispositif de police est mis en place : une quarantaine de policiers, une cinquantaine de gendarmes, accompagnés de maîtres-chiens tandis que d’importants effectifs de pompiers mettent des lances en batterie pour tenter de circonscrire le sinistre.
La répression est violente. Le soir, après avoir été rassemblés sur le stade de foot de la MA, les rebelles se font passer à tabac.
De multiples certificats médicaux de détenus qui émaillent le dossier lors du procès des mutins font état de sept traumatismes crâniens, des mains et des côtes cassées, ainsi que des fractures de toutes sortes.
Deux bâtiments sur quatre sont détruits et les trois cents détenus sont transférés.
La mutinerie fait 10 à 15 millions de francs [≈ 1 500 000 € à ≈ 2 300 000 €] de dégâts.
Dans le tas, ils sont neuf à passer en procès. Pourquoi eux ? « Ça doit être par ordre alphabétique », ricane un avocat lors du procès qui se tient à la fin du mois d’avril. Deux d’entre eux, plus bavards que les autres, expliquent à l’audience leur sentiment de liberté retrouvée durant la mutinerie.
Quatre surveillants, constitués parties civiles pour avoir été molestés par les détenus, reçoivent des dommages et intérêts d’un montant variant entre 5 000 et 10 000 francs. [≈ 760 € et ≈ 1 500 €]
Trois détenus sont relaxés et les six autres prennent des peines de un an à deux ans de prison.

Mardi 11 juin, et le mardi 22 et mercredi 23 octobre :
 Nantes (44), Maison d’Arrêt de NANTES.

Des émeutes ont lieu durant ces journées pour dénoncer les conditions de détention.

Samedi 23 novembre :
 Saint-Mihiel (55), Maison d’Arrêt de SAINT-MIHIEL.

Trois cent soixante-cinq détenus, réclamant une meilleure nourriture, plus de loisirs et des contacts avec les éducateurs, refusent de remonter de promenade. Ils détruisent les télévisions, les frigos et les fenêtres. Cent quatre-vingt-dix-huit détenus sur trois cent trente-six sont transférés. Quinze parmi eux, pris au hasard, passeront en jugement.

Samedi 5 et dimanche 6 avril :
 Neuvic-sur-l’Isle (24), Centre de Détention de Neuvic-sur-l’Isle.

Vers 19 h 30, dans ce centre de détention ultramoderne, une centaine de détenus se révoltent pour protester contre leurs conditions de vie. Ils provoquent des dégâts matériels sur les quatre niveaux d’un bâtiment.
Des CRS venus de Bergerac (24) et d’Agen (47) interviennent vers 4 heures du matin, pour maîtriser la situation. Une heure après, le calme est de retour.
Quatre détenus sont blessés, neuf autres, soupçonnés d’être à l’origine du mouvement, sont transférés à Poitiers (86), Angoulême (16) et Bordeaux (33).
« Je ne parlerai pas de mutinerie, ce sont des désordres », précise la sous-préfet Christine Boehler.
« L’Administration Pénitentiaire est fautive. On ne devrait pas laisser des détenus détruire un établissement pendant des heures par plaisir », reproche Alain Guillemet, maton et responsable syndical (FO), aux autorités qui ont tardé à faire intervenir les forces de l’ordre.
La préfecture signale pour sa part que les autorités pénitentiaires et préfectorales ont essayé de mettre fin à la rébellion par le dialogue. L’intervention des forces de l’ordre fut demandée lorsque des détenus se sont livrés à des règlements de comptes entre eux.

1999

Mercredi 7 avril :
 Neuvic-sur-l’Isle (24), Centre de Détention de NEUVIC-SUR-L’ISLE.

Les détenus saccagent le matériel sur les quatre niveaux du centre de détention.

Lundi 5 juillet :
 Remire-Montjoly (97 – Guyane), Maison d’Arrêt de REMIRE-MONTJOLY.

Les prisonniers détruisent cent cellules.

2001

Lundi 30 juillet :
 Grasse (06), Maison d’Arrêt de GRASSE.

A 09 heures, une centaine de prisonniers se révoltent afin de demander des comptes à la direction sur la mort, la veille, d’un jeune de 17 ans étouffé au quartier disciplinaire. Dans la cour de promenade, ils se mettent à jeter des pierres. Certains cassent les guérites dans lesquelles se trouvent les matons, qui quittent leurs postes impuissants. Certains des rebelles restent dans la cour, d’autres occupent les bâtiments ou les toits. Ils saccagent une partie de la prison. Les locaux de l’infirmerie sont retournés. Au premier étage du bâtiment B, toutes les portes sont enfoncées ou cassées. Deux bâtiments sur les trois sont sens dessus dessous. Il y a des trous partout, tous les fils sont coupés, les grillages arrachés, les portes défoncées. Intervention brutale de quatre-vingts CRS et de quatre-vingts gendarmes appuyés par des hommes du GIPN (matraque et balles de caoutchouc). Une vingtaine de prisonniers sont blessés dont quatre grièvement. Le soir même, cinquante détenus sont transférés.

2002

Jeudi 24 janvier :
 Poissy (78), Maison Centrale de POISSY.

Suite à une altercation avec un surveillant, un jeune détenu est traîné au mitard. Des demandes d’explications sont souhaitables, mais le directeur ne veut rien entendre. Il se fait alors arracher ses clés par des détenus. La salle informatique, la bibliothèque, le gymnase, la cuisine et le poste de contrôle central sont alors détruits par le feu. Vingt-deux personnes seront transférées en représailles.

Vendredi 2 août :
 Valence (26), Maison d’Arrêt de VALENCE.

Les forces de répression interviennent en tenues de combat pour déloger cinq hommes barricadés dans plusieurs cellules. Ces derniers incitent les autres détenus à se révolter en tapant sur les portes.
Les cinq, faute de troubles, se rendent et sont transférés vers d’autres établissements pénitentiaires.

Lundi 12 août :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Vingt-deux détenus passent la soirée dans une cour de promenade pour dénoncer leurs conditions de détention. Ils regagnent d’eux-mêmes leur cellule à l’arrivée des renforts de CRS.

Mardi 3 septembre :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Quatre-vingt-sept détenus occupent la cour de promenade.
Ils se sont installés dans la cour vers 18h30 pour demander de meilleures conditions de détention, en particulier l’accès à des parloirs libres. Ils regagnent leurs cellules dans le calme lorsque les forces de répression pénètrent dans la cour.

Dimanche 22 et lundi 23 décembre :
 Nîmes (30), Maison d’Arrêt de NIMES.

Emeute de quatre-vingt prisonniers pour protester contre des mises au mitard et pour demander que personne ne reste au cachot pendant la période de Noël. Les ateliers sont partiellement détruits, ainsi que les grilles qui séparent les deux cours de promenade.
Les matons, craignant que les mutins n’atteignent le mur d’enceinte, tirent des balles plastiques et les maintiennent en joue en attendant l’arrivée des CRS. Le soir même, trente taulards sont transférés. Le lendemain une petite centaine de prisonniers profitent à nouveau de la promenade pour ne pas remonter en cellule et continuer à exprimer leur révolte, s’en prenant désormais aux ateliers et à la salle de sport, en général réservée à quelques privilégiés. Cette fois-ci, les CRS investissent complètement la prison, tabassent, gazent et remplacent les matons jusqu’au lendemain. Le soir, il y a de nouveau une quarantaine de transferts dans des mitards d’autres établissements lointains, ceux de la région étant déjà combles.

2003

Lundi 3 février :
 Toulouse (31), Maison d’Arrêt de SEYSSES.

Une semaine après son ouverture, mécontents notamment de la nourriture, d’un manque de convivialité [sic] et de l’organisation des parloirs, une soixantaine de détenus refusent de remonter en cellule. Ils détruisent portes, fenêtres, caméras et grilles. Les « meneurs » sont évacués vers d’autres établissements.

Samedi 8 février :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Dans le bâtiment A, une cinquantaine de prisonniers saccagent le bâtiment, vite déserté par les matons : surveillance vidéo, réfectoire, système électrique, feu aux matelas, le tout afin de protester contre les sanctions prises contre deux d’entre eux. Ils fracturent aussi des portes de cellules, brisent des fenêtres, inondent les coursives et tiennent sept heures avant l’assaut des CRS et des gendarmes mobiles. Le bâtiment, devenu insalubre, est vidé de ses tumultueux occupants... Pour le dire autrement : balluchonnage pour tous, dans des maisons d’arrêt de la région parisienne et du nord-est de la France, et en sus, pour certains, le quartier d’isolement. Ce n’est qu’en septembre que la cinquantaine de mutins sont renvoyés à Clairvaux ou dans d’autres centrales.

Mardi 1er avril :
 Saint-Maur (36), Maison Centrale de SAINT-MAUR.

Une centaine de prisonniers refusent de remonter de promenade pour dénoncer la longueur des peines, la quasi-disparition de leurs aménagements et la disparition des permissions et des conditionnelles.

Mercredi 16 avril :
 Bayel (10), Maison Centrale de CLAIRVAUX.

Cette fois-ci, la révolte part des ateliers du bâtiment B, qui sont incendiés par quatre-vingts prisonniers, qui s’insurgent notamment contre la fermeture stricte des cellules le jour dans toutes les centrales suite à l’agression d’un membre du personnel. Un gardien et deux civils responsables de la Régie sont pris en otage. Suite à l’intervention des forces de répression en fin d’après-midi, treize prisonniers sont transférés les jours suivants. Retour en maison d’arrêt, et quartier d’isolement pour certains. Il y en aurait pour 5 millions d’euros de dégâts.

Lundi 14 juillet :
 Loos (59), Maison d’Arrêt de Loos-lez-Lille.

Cent trente détenus refusent de retourner dans leurs cellules après leurs repas. Quelques détenus sont parvenus à prendre le contrôle de certains couloirs menant vers la cour. Ils demandent un allongement de la durée du parloir et des douches supplémentaires (à cause de la chaleur).
La rébellion est matée par l’envoi de plusieurs compagnies de CRS.

Dimanche 16 novembre :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Une dizaine de prisonniers refusent de remonter de promenade jusqu’à l’arrivée des ERIS (Equipe Régionale d’Intervention et de Sécurité [63]).

Samedi 22 novembre :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Des détenus refusent de remonter de promenade. Intervention d’une trentaine d’ERIS pour les y contraindre. Deux prisonniers sont placés au quartier disciplinaire. De leur fenêtre, ils crient qu’ils se sont fait frapper par les matons cagoulés.

Lundi 24 novembre :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Trente-trois détenus prennent vers 10h30 le contrôle de l’atelier de marqueterie. Trois surveillants et un membre du personnel technique sont pris en otages. Ce mouvement est lié à un récent durcissement des règles pénitentiaires (fermeture des portes, conditionnelles non octroyées…). Les captifs sont libérés après intervention du GIGN. Ces derniers, avec les ERIS et des surveillants, répriment avec une extrême violence les deux détenus preneurs d’otages, André Allaix et Cyril Bastard, alors qu’ils n’opposent aucune résistance.

2004

Mardi 2 mars :
 Moulins (03), Maison Centrale de MOULINS-YZEURE.

Alors qu’ils contestent la décision de placement de deux prisonniers au mitard et d’un autre au quartier disciplinaire, des détenus se rendent en délégation auprès de la direction. Résultat : et de six de plus au quartier disciplinaire !
Pour exprimer leur solidarité et exiger la sortie de leurs codétenus, des prisonniers entament une grève de la consommation et du travail. Le mouvement s’amplifie dans les jours qui suivent : plusieurs dizaines de détenus se mettent symboliquement au mitard : ceux qui travaillent aux ateliers et aux cuisines refusent de se rendre sur leurs lieux de travail, et plus de la moitié des soixante-quinze qui peuvent se payer des réfrigérateurs et des téléviseurs les sortent des cellules pour les abandonner sur la coursive. Ils cessent le travail, les activités, les promenades, etc.

Mardi 18 mai :
 Cergy-Pontoise (95), Maison d’Arrêt d’OSNY-PONTOISE.

Vers 15 heures, près de deux cent cinquante détenus refusent de réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade. Un mouvement de protestation lié à la suppression de séances de sport. Peu après 18 heures, près de cent cinquante policiers entrent en colonnes à l’intérieur de la maison d’arrêt pour forcer les mécontents à regagner leurs cellules. Ils sont accueillis par les cris de plusieurs jeunes du quartier des mineurs dont les cellules donnent sur la porte d’entrée.

Jeudi 10 juin :
 Valence (26), Maison d’Arrêt de VALENCE.

Une émeute a lieu pour protester contre une fouille musclée dans une cellule et en solidarité avec un prisonnier. Environ quarante prisonniers participent au mouvement. Retour au calme, après intervention des forces de répression.

2005

Dimanche 30 janvier :
 Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.

Vers 14 heures, au cours d’une fouille assez rude dans une coursive du D1, un détenu est frappé par un maton. S’ensuit une bagarre où le détenu finit traîné au cachot sous une grêle de coups et ce, sous les yeux de ses camarades. A la fin de la promenade de l’après-midi, deux cents prisonniers refusent de remonter en signe de protestation. Après un dialogue de sourds avec la directrice où ils exposent « une plateforme de doléances basée sur les violences et autres atteintes à la dignité des personnes, sur l’insalubrité des cellules et leur crasse », arrivent les CRS, les ERIS et des matons en nombre. Face à ce déploiement de force, les rebelles regagnent leurs cellules. Quatre d’entre eux, considérés comme « meneurs », sont transférés dans d’autres bâtiments de Fleury.

Mardi 15 mars :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Les prisonniers basques effectuent une grève de la faim pendant douze jours. Certains pour le statut politique, d’autres contre les conditions de détention dans cette prison.

Vendredi 10 juin :
 Nantes (44), Maison d’Arrêt de NANTES.

Une trentaine de détenus refusent de réintégrer leurs cellules après s’être barricadés dans la cour. Ils détériorent la cour de promenade, arrachent la guérite de surveillance et des plaques de béton. Intervention des forces de répression pour un retour au calme.

Dimanche 28 août :
 Colombier-Saugnieu (69), Centre de Rétention Administrative de LYON-SAINT-EXUPERY.

Une soixantaine de détenu-e-s se mettent en grève de la faim. Ils et elles veulent dénoncer, selon le Collectif 69 de soutien aux sans-papiers, « les refus massifs de leurs demandes de régularisation et les rejets quasi systématiques de leurs recours auprès des préfectures, de l’OFPRA [Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides], des tribunaux. Ils refusent l’engrenage infernal dans lequel ils sont entraînés, alors qu’ils ne cherchent qu’à refaire leur vie grâce à leur travail et à accéder à plus de sécurité en France ».
Le mouvement se termine le jeudi, brisé par les agents du CRA à force de violentes intimidations par le biais de convocations individuelles, de menaces, de chantages, et de reconduites rapides en commençant par les « meneurs ». Plusieurs grévistes sont expulsé-e-s dans les jours suivant la grève de la faim.

2006

Vendredi 6 janvier :
 Pau (64), Maison d’Arrêt de PAU.

Deux détenus enfermés dans une cellule disciplinaire mettent le feu à leur matelas, provoquant un début d’incendie.

2007

Samedi 3 novembre :
 Mulhouse (68), Maison d’Arrêt de MULHOUSE.

Environ soixante-dix détenus refusent de regagner leurs cellules à l’issue de la promenade de 17h30. Ils mettent le feu à un matelas et à des vêtements dans le gymnase.
Rapidement, les ERIS ainsi qu’une demi-compagnie de CRS arrivent sur place, ainsi que la vice-procureure de permanence, le sous-préfet de Mulhouse et un adjoint au maire. Les détenus récalcitrants finissent par être ramenés dans leurs cellules dans un “calme relatif”, selon une source pénitentiaire, vers 20h45. L’incident aurait pour origine, selon l’AP, une rumeur “infondée” qui a circulé dans la journée dans l’établissement selon laquelle un détenu hospitalisé pour des problèmes de diabète serait décédé.

Samedi 15 décembre :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Des détenu-e-s entament un mouvement de protestation : cahiers de doléances, revendications écrites sur les vêtements, refus de rentrer dans les chambres, grève de la faim.

Lundi 24 décembre :
 Saint-Denis (97 –La Réunion), Centre Pénitentiaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION.

« […] Lundi, vers 23 heures, en faisant sa ronde de routine, un gardien découvre, avec stupeur, plusieurs dizaines de détenus dans une coursive. Il ferme la grille et donne l’alerte. Rapidement, les [quatre-vingt-quatre] mutins prennent le contrôle d’une aile entière de la prison. Très vite la police arrive sur place, ainsi que le procureur de la République de Saint-Denis et son substitut. En quelques minutes le GIPN, dans sa totalité, est sur les lieux de la révolte. Pendant que les forces de l’ordre se préparent à l’assaut, à l’intérieur de l’aile de la prison occupée par les mutins, c’est, aux dires des surveillants, un véritable cyclone qui est en train de dévaster les lieux. Les prisonniers en révolte détruisent tout sur leur passage, défoncent les murs à coups de barreaux de lits démontés, fracassent les caméras de surveillance, enlèvent les grillages... Mais les prisonniers, malgré leur mutinerie, ne peuvent s’échapper de la prison. Ils se retrouvent en révolte, mais sans espoir d’évasion. Des négociations vont avoir lieu entre les autorités sur place et les mutins. La raison de cette révolte semble toute simple : “On souhaite protester contre nos conditions de détention. On n’est pas des animaux”. C’est en clair ce qui a déterminé les mutins. C’est la première phrase prononcée par les prisonniers au moment des négociations. Deux heures de longues et âpres discussions. Et peu à peu la pression retombe. Les mutins se rendent. Un à un. Le calme revient. Une dizaine de “meneurs” sont transférés vers le Centre Pénitencier du Port. Trois détenus sont placés en garde à vue, puis très vite replacés en détention. L’heure semble à l’apaisement. La seule charge retenue contre eux : “dégradation de biens d’utilité publique” [sic]. On ne parle plus du côté de la justice de mutinerie, d’émeute, de révolte. […] »
Le Journal de l’Ile de la Réunion, 26/12/2007, cité par Le Post.fr :
< http://www.lepost.fr/article/2007/12/26/1073457_mutinerie-de-la-prison-de-saint-denis-de-la-reunion-on-n-est-pas-des-animaux.html

Jeudi 27 décembre :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Certain-e-s des détenu-e-s commencent une grève de la faim : « Nous refusons d’être traités comme des sous-hommes et appelons l’ensemble des gens qui pensent encore que nous sommes des êtres humains à dire “Stop” à cette politique raciste. » Un détenu considéré comme « meneur » du mouvement est transféré au CRA de Vincennes.
- Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».
Les détenu-e-s entament à leur tour une grève de la faim et refusent de rentrer dans leurs chambres. Dans la nuit, cent cinquante CRS font irruption dans le centre pour forcer manu militari les rebelles à rejoindre leurs chambres. La répression est très violente et des détenu-e-s sont grièvement blessé-e-s.

Samedi 29 décembre :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Le mouvement s’étend dans les deux centres de Vincennes où de nombreux sans-papiers rejoignent la grève de la faim et refusent de rentrer dans leurs chambres. Les CRS entrent pour la troisième fois pour mater la révolte et des mises à l’isolement sont décidées. Mais les grévistes continuent d’exprimer leur détermination à ne pas céder. Ils et elles demandent l’arrêt de la politique du chiffre, des rafles et des expulsions. Les CRS restent jusqu’à 04 heures du matin.

Dimanche 30 décembre :
 Saint-Denis (97-la Réunion), Centre Pénitentiaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION.

Les détenus protestent contre leurs conditions de détention. Vers 23 heures certains forcent la porte de leurs cellules, puis dans un mouvement de révolte libèrent d’autres prisonniers. Le GIPN se rend sur place. Une heure après leur intervention, la situation redevient calme.

2008

Mercredi 2 janvier :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Les sans-papiers détenu-e-s font savoir par communiqué qu’ils poursuivent la grève de la faim qu’ils ont entamée le 27 décembre.

Jeudi 10 janvier :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Ne voyant aucune libération, contrairement à ce qu’il leur avait été promis par la police cinq jours plus tôt en contrepartie de l’arrêt de leur grève de la faim, les détenu-e-s refusent d’être comptés et de descendre au réfectoire.

Lundi 14 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Une vingtaine de personnes refusent de s’alimenter pendant au moins trois jours.

Mardi 22 janvier :
 Fresnes (94), Maison d’Arrêt pour Femmes de FRESNES.

Suite au décès d’une détenue faute de soins de l’AP, les prisonnières font un « concert » de casseroles en tapant sur les portes et les barreaux. Elles appellent à un refus des plateaux-repas le dimanche midi en sa mémoire.
- Palaiseau (91), Centre de Rétention Administrative de PALAISEAU.
Depuis le matin, vingt sans-papiers (sur les vingt-neuf présents) sont en grève de la faim pour obtenir leur libération.
- Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».
À minuit, les détenu-e-s refusent d’être compté-e-s et de rentrer dans leurs chambres. Ils et elles essayent de dormir dehors. Les CRS interviennent pour les obliger à réintégrer leurs chambres. Tout le monde crie « liberté ! ».

Mercredi 23 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Des détenu-e-s mettent le feu à leurs chambres, en brûlant des papiers. La police et les pompiers interviennent.
- Nantes (44), Centre de Rétention Administrative de NANTES.
Six personnes sont en grève de la faim.

Jeudi 24 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Certains détenu-e-s refusent de manger et jettent la nourriture par terre.

Vendredi 25 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

18h30, les sans-papiers se battent contre la police. Ils commencent par refuser de se rendre au réfectoire pour protester contre les traitements indignes qu’on leur inflige tous les jours.
21 heures, le député-maire de Montreuil vient rencontrer les détenu-e-s : « Il nous a dit qu’il fallait respecter les policiers. Il nous a dit qu’ils n’étaient pas responsables et que les décisions venaient de plus haut. Les gens lui ont répondu qu’ils ne cherchaient pas à améliorer leurs conditions de détention, ils veulent la liberté. ». Une chambre a déjà été incendiée. Sur place, on parle d’émeutes.

Samedi 26 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

A midi, un premier feu prend dans les toilettes et deux chambres sont brûlées. Les détenu-e-s refusent de manger et empêchent l’accès au réfectoire en bloquant les portes. La police finit par les dégager et seulement une minorité va manger. A 18 heures, arrivée d’une soixantaine de CRS dans le centre qui fouillent toutes les chambres. Deux personnes sont transférées dans l’autre bâtiment.

Dimanche 27 janvier :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Affrontements directs entre sans-papiers et policiers dans l’après-midi. Deux départs de feux nécessitent l’intervention des pompiers. Vingt policiers viennent violemment chercher quatre personnes qu’ils mettent en garde à vue, accusées d’avoir mis le feu au centre. Le lendemain, quatre autres personnes considérées comme « meneuses » sont extraites du centre et placées en garde à vue pour les mêmes faits.

Lundi 28 janvier :
 Saint-Jacques-de-la-Lande (35), Centre de Rétention Administrative de SAINT-JACQUES-DE-LA-LANDE.

Une grève de la faim débute dans ce centre.
- Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».
Trois détenu-e-s s’ouvrent les veines et sont momentanément transférés à l’Hôtel Dieu.

Vendredi 1er février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Une quinzaine de détenu-e-s déchirent leurs cartes (qui servent à la fois à avoir accès à la bouffe, au médecin, à la Cimade [64], mais aussi à être contrôlé-e-s à chaque instant et compté-e-s à minuit) et les jettent dans le couloir.

Dimanche 3 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Au CRA 2 des détenu-e-s refusent de manger car la bouffe est périmée. Ils et elles se réunissent alors pour écrire une lettre au commandant du centre. Cinq policiers tentent d’isoler la personne qu’ils jugent être à l’initiative de cette lettre. Les détenu-e-s s’opposent. Les flics reviennent en force (une vingtaine) et frappent les détenu-e-s. Deux d’entre eux sont mis en isolement, un autre a le doigt cassé. Après une mobilisation de leurs camarades, les isolé-e-s sont relâché-e-s.
Comme presque tous les jours, il y a des refus de comptage de façon plus ou moins déterminée.

Mardi 5 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Manifestation durant vingt minutes de certains détenu-e-s au CRA 2 en solidarité avec l’un des leurs qui est placé à l’isolement suite à une rixe. Ce dernier retourne en régime normal le lendemain.

Mardi 12 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Vers 23h30, la police vient provoquer les détenu-e-s en leur éteignant la télé sans explication. Le ton monte vite et les policiers veulent placer quelqu’un à l’isolement. Les détenu-e-s les empêchent de le prendre. Il leur est alors demandé de regagner leurs chambres pour le comptage, ce qu’ils et elles refusent. Intervention brutale de policiers et de CRS (une cinquantaine) qui les tabassent dans l’escalier, dans le couloir et les chambres. La police fait usage de Taser. Il y a plusieurs blessé-e-s. Des personnes sont conduites à l’hôpital, d’autres placées en isolement.
A 04 heures, départ de feu dans deux chambres au CRA 1. Une demi-heure plus tard, les flics viennent « fouiller » les chambres qu’ils saccagent. Les détenu-e-s sont tous sortis dehors pendant une demi-heure dans le froid.
Quatre personnes considérées comme responsables des violences sont transférées au CRA 2.

Mercredi 20 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Après avoir rédigé un communiqué destiné à la Cimade, les détenu-e-s entament une grève de la faim qui doit durer quatre jours. Le mouvement s’essouffle le lendemain après que la police a convaincu une trentaine de personnes d’aller manger. Une vingtaine continuent.

Samedi 23 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Mobilisation des détenu-e-s en soutien à l’un des leurs qui n’est pas libéré alors qu’il a dépassé les délais légaux de rétention (32 jours). Les rebelles tapent sur les tables à l’accueil et crient « liberté ». Une heure après, la personne est libre.

Mercredi 27 février :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Une vingtaine de personnes continuent la grève de la faim au CRA 1.
Au CRA 2 : quelques détenu-e-s sont en grève de la faim, dont un depuis vingt-huit jours.

Samedi 26 avril :
 Porcheville (78), Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs de PORCHEVILLE.

Dans la nuit, six détenus saccagent leurs cellules. Ils sont transférés en Centre pour Jeunes Détenus de Nanterre (92) et de Fleury (91). L’AP porte plainte contre trois d’entre eux pour « dégradation de biens d’utilité publique ».

Mardi 29 avril :
 Dijon (21), Maison d’Arrêt de DIJON.

Révolte des femmes. L’arbitraire, la rétention du courrier par l’Administration, les promenades trop courtes et le mépris affiché par le personnel en sont les causes. Tout a commencé lors de la sortie en cours ; des détenues décrochent le filet de volley pour en faire un hamac, ce qui provoque une première altercation avec les matonnes. Plus tard, une détenue refuse de restituer son plateau et se voit brutalisée pour être emmenée au mitard ; frappée puis transférée de force, ses hurlements se font entendre dans l’ensemble du quartier, ce qui ne manque pas d’interpeller ses codétenues. Ne comprenant pas trop ce qu’il se passe, prises de panique et par solidarité, elles commencent par taper aux barreaux avec leurs plateaux, puis certaines jettent leurs matelas par la fenêtre et y mettent le feu. Intervention musclée des ERIS qui ramène le calme. Quatre détenues sont présentées au parquet pour une comparution immédiate. L’une d’entre elles refuse. Résultat pour les trois autres : deux prennent trois mois ferme, l’autre est relaxée. Transfert disciplinaire à la MAF de Chalon-sur-Saône (71) pour les quatre mises en cause.

Dimanche 4 et Lundi 5 mai :
 Saint-Quentin-Fallavier (38), Maison d’Arrêt de SAINT-QUENTIN-FALLAVIER.

Une soixantaine de prisonniers bloquent le retour de promenade. Les ERIS sont appelés pour un retour à l’ordre.

Lundi 19 mai :
 Paris (75), Maison d’Arrêt PARIS LA SANTE.

Vers 17 heures : soixante-dix détenus bloquent la promenade pendant un quart d’heure. Ils demandent que soient décalés les horaires de parloir pour avoir au moins une promenade par jour (voire plus), et pour plus de cantine. Ils obtiennent gain de cause sur la première revendication.

Jeudi 5 juin :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

Au CRA 2, à midi, après deux jours de grève de la faim qu’ils et elles ont arrêtée, des détenu-e-s refusent de manger car la nourriture est mauvaise. Intervention des policiers casqués qui leur frappent dessus. Deux personnes sont placées à l’isolement.
Au CRA 1, une grosse majorité continue la grève de la faim qu’ils et elles ont commencée deux jours plus tôt.

Dimanche 22 juin :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, dit « CRA de VINCENNES ».

L’ambiance est assez tendue suite à la mort, la veille, d’un détenu tunisien, Salem Essouli, faute de soins médicaux. Tous les détenu-e-s ont dans la tête de protester contre ce décès même si les avis divergent sur la manière de procéder. Les détenu-e-s attendent donc la fin de la prière de 14 heures pour regrouper tout le monde et commencer une marche silencieuse.
Au CRA 2 : les détenu-e-s ne peuvent effectuer leur marche puisque la police intervient immédiatement. Après l’arrestation d’une première personne, les autres s’attaquent à la grille du camp et les forces de répression ripostent avec des gaz lacrymogènes. Le retour dans les chambres ne se fait pas calmement. Certain-e-s réussissent à ressortir avec des matelas qu’ils et elles entassent dans la cour.
Au CRA 1 : la tension monte également, les détenu-e-s crient « liberté ». Des agents au CRA 2 s’empressent alors dans l’autre partie du camp. Les rebelles se font à leur tour cogner dessus puis gazer.

Des débuts d’incendie partent vers 15 heures. Les détenu-e-s s’affrontent aux policiers avec des morceaux de ciment. Ces derniers les abandonnent à leur sort face à la montée des flammes, les rebelles détruisent tout ce qu’ils et elles peuvent. Intervention des CRS et de pompiers qui n’arrivent pas à arrêter l’incendie.
La répression est féroce, il y a des blessés graves. Une fois les bâtiments évacués, tous les détenu-e-s se retrouvent dans la cour, bien encadré-e-s, puis conduits dans le gymnase de l’école de police mitoyen du centre de rétention. Une fois à l’intérieur, le rideau de la porte du gymnase est abaissé et les enfermé-e-s se font gazer (il n’y a pas de fenêtre). Ils et elles y passent plusieurs heures avant d’être emmené-e-s à l’hôpital pour certain-e-s, et transféré-e-s dans différents CRA de France pour les autres. Celui de Vincennes n’est plus que cendres après six mois de mouvements de protestations (refus de comptages, départs de feu, refus de rentrer dans les chambres, manifestations....).

[Le plus grand CRA de France est reconstruit à l’identique un an plus tard et dix détenus sont condamnés à des peines de prison allant de six mois à trois ans ferme en février 2010.]

Samedi 2 août :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Une partie du centre est incendié par des détenu-e-s. Deux personnes sont inculpées puis relaxées.

Lundi 25 août :
 Villeneuve-sur-Lot (47), Centre de Détention d’EYSSES.

Deux détenus en viennent aux mains entre eux. La bagarre éclate et l’intervention des surveillants est immédiate. Sauf que lorsque les gardiens interviennent, les deux font front contre les matons. La tension monte de plus en plus et les autres détenus présents s’en prennent eux aussi aux surveillants. L’affrontement dure une bonne dizaine de minutes. Les coups pleuvent, les détenus sont séparés mais dans la bataille, quatre surveillants du centre de détention sont blessés et conduits au service médical de l’établissement. Dans la foulée, une dizaine de détenus secouent dangereusement l’une des grilles qui donne accès à l’extérieur, mais ils ne parviennent pas à la faire tomber.

Lundi 29 septembre :
 Varces (38), Maison d’Arrêt de VARCES-GRENOBLE.

Vers 17h30, juste après l’assassinat d’un détenu pendant sa promenade, dans la cour de la prison, par un sniper [le tireur a agi depuis une colline qui surplombe la prison, il s’agirait d’un règlement de comptes. Un autre détenu est blessé à l’avant-bras en portant secours à celui pris pour cible, une mutinerie éclate. Les détenus mettent le feu à la prison – des matelas et des vêtements sont brûlés –, et d’autres agitent des bandes de tissu blanc depuis leur cellule, alors que d’autres poussent des cris. Intervention d’une centaine de gendarmes et de pompiers. L’incendie est maîtrisé aux alentours de 22 heures.

2009

Lundi 19 JANVIER :
 Bordeaux (33), Centre de Rétention Administrative de BORDEAUX.

Les détenu-e-s mettent le feu à des matelas. Le centre, partiellement détruit par les flammes, est inutilisable. Les détenu-e-s sont transféré-e-s à Toulouse. Deux personnes sont inculpées.

jeudi 29 janvier :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Dans la nuit, des détenu-e-s s’indignent de l’état dans lequel un étranger d’origine algérienne est ramené au centre, après avoir refusé sa reconduite à la frontière, et se mettent en colère. Quelques personnes sont alors frappées et se réfugient dans le bâtiment trois, puis elles brûlent des affaires dans deux chambres. Le début d’incendie est vite circonscrit par les gendarmes présents.

Samedi 14 février :
 Palaiseau (91), Centre de Rétention Administrative de PALAISEAU.

Une vingtaine de sans-papiers sur trente entament une grève de la faim pour exiger leurs libérations et leurs régularisations.
Un détenu considéré comme « meneur » est transféré au CRA d’Oissel (76). Le mouvement durera une dizaine de jours.

Mercredi 18 février :
 Toulouse (31), Centre de Rétention Administrative de TOULOUSE-CORNEBARRIEU.

Un détenu pour lequel un embarquement est prévu par bateau le lendemain s’automutile avec une boucle de ceinture. Lorsque les policiers chargés de la surveillance du centre veulent intervenir, des codétenus bloquent la porte d’accès avec des matelas et mettent le feu à une chambre. Vers 4 heures du matin alors que la fumée envahit le secteur incendié, les autorités du centre regroupent tous les détenus, soit environ quatre-vingt-dix personnes, dont quatre femmes, dans un secteur unique. Dans la précipitation, trois de ces quatre femmes n’ont pas eu le temps de se vêtir comme elles l’auraient souhaité. Le mutilé est transféré à l’hôpital et sept personnes sont placées en garde à vue.

Lundi 6 avril :
 Mulhouse (68), Maison d’Arrêt de MULHOUSE.

En fin d’après-midi, au moins soixante-six détenus refusent de regagner leurs cellules après la promenade. Leur mécontentement serait dû aux réductions de peines et certains voudrait changer de MA. Soixante policiers, une unité canine ainsi que les ERIS interviennent pour mettre fin au mouvement de grogne. Les détenus acceptent finalement de réintégrer les cellules et le calme revient vers 21h00 après quatre heures de tension. L’incident se solde par quelques dégradations. Il n’y a pas d’interpellations.

Jeudi 7 mai :
 Cergy-Pontoise (95), Maison d’Arrêt d’OSNY-PONTOISE.

Vers 09h30, un détenu monte sur le toit de surveillance de la prison et détériore les caméras. Les cent quatre-vingt-six détenus qui se trouvent dans la cour refusent de remonter dans leurs cellules en solidarité. Intervention d’une centaine de policiers et de cinquante ERIS pour faire descendre celui qui se trouve sur le toit et obliger les récalcitrants à réintégrer leurs cellules.

Samedi 20 juin :
 Amiens (80), Maison d’Arrêt d’AMIENS.

Dix-sept détenus refusent de remonter de la promenade. Ils veulent des heures de promenade supplémentaires et des frigos dans leurs cellules. Intervention des ERIS. Trois « meneurs » sont transférés.

Vendredi 12 juin :
 Perpignan (66), Centre de Rétention Administrative de PERPIGNAN.

Suite à un incendie dans une chambre, la cour de promenade du centre est fermée la nuit. Un détenu parvient à y accéder en faisant la courte échelle et ouvre les portes. Plusieurs détenus s’y engouffrent. Pendant ce temps, un autre retenu retourne dans sa chambre et met le feu à son matelas. A cause de la fumée, l’ensemble du bâtiment est fermé. Intervention de la police et six détenus sont transférés au centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu (31).

Mardi 30 juin :
 Paris (75), Centre de Rétention Administrative de PARIS 1, CRA de VINCENNES.

Suite à une énième tentative de suicide, les détenu-e-s se réunissent et décident collectivement de faire une grève de la faim. Ils rédigent aussi une liste de onze revendications dont la dernière est : « fermeture des centres de rétention et régularisation des sans-papiers ». Chaque jour les détenu-e-s se réunissent pour décider de la suite à donner. La grève se termine brutalement, le mardi 7 juillet, après l’expulsion de deux grévistes de la faim.

Mardi 14 juillet :
 Mesnil-Amelot (77), Centre de Rétention Administrative du MESNIL-AMELOT.

Une partie des détenu-e-s débute une grève de la faim pour protester contre les violences policières dont a été l’objet l’un des leurs au moment d’une tentative d’expulsion. Ils se rassemblent sur le terrain de foot avec des matelas et font une manifestation. Ils se retranchent ensuite dans les bâtiments 4 et 5 et refusent de regagner leur chambre. Ils rédigent une lettre à l’intention du préfet signée par quatre-vingt-neuf détenu-e-s (sur cent treize). Le lendemain, la salle télé du bâtiment 4 prend feu, rendant une partie de l’édifice inutilisable.

Lundi 31 août :
 Salon-de-Provence (13), Centre de Détention de SALON-DE-PROVENCE.

Le matin, vingt-cinq détenus se barricadent dans le bâtiment qu’ils occupent en bloquant l’accès avec des matelas, des lits et des chaises. Il y a deux départs de feu qui sont rapidement maîtrisés.
L’AP fait intervenir les ERIS pour un retour à la normale qui ne viendra que vers midi. La révolte aurait pour origine un mouvement de solidarité envers un autre détenu que l’Administration avait décidé de changer de cellule.

Jeudi 15 octobre :
 Colombier-Saugnieu (69), Centre de Rétention Administrative de LYON-SAINT-EXUPERY.

Soixante-huit détenu-e-s entament une grève de la faim. Ils et elles annoncent et expliquent leurs revendications dans une lettre adressée au directeur du CRA :
« 1 - Le Gouvernement empêche la CIMADE de faire son devoir selon la loi.
2 - On conteste les décisions des Juges, (Bonjour, 15 jours) [Quand le juge les reçoit au tribunal, il ne les écoute jamais. Il leur dit seulement bonjour, puis il prolonge automatiquement leur rétention de quinze jours, jusqu’à ce que la reconduite à la frontière soit effective] qui sont basées seulement sur une politique du chiffre, de 28 000 expulsés par année.
3 - On conteste les prolongations automatiques sans examiner du tout nos situations administratives.
4 - On conteste les fausses informations de reconduites aux frontières. Nous ne sommes pas du tout informés de notre départ en direction de nos pays.
5 - Certaines personnes sont renvoyées dans des pays qui ne sont même pas le leur, tandis que d’autres sont renvoyées dans leurs pays sans l’autorisation du consulat des pays concernés.
ON EXIGE NOTRE LIBÉRATION, ICI, MAINTENANT, TOUT DE SUITE.
6 - On demande l’intervention d’une organisation neutre, pour revendiquer nos Droits selon la Justice, la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. La plupart des cas : nous sommes jugés sur la forme et non pas sur le fond.
7 - On demande à la Préfecture de réexaminer nos situations cas par cas.
8 - Certains détenus ont été frappés par la PAF [Police Aux Frontières] d’autant plus qu’il y avait des mineurs, et nous trouvons cela inhumain, humiliant, il y a de quoi se révolter face à des actes semblables.
9 - Nous nous plaignons des soins, des médecins. Nous sommes dans un pays laïc, tandis que nos repas ne sont pas cachère, le racisme règne aux centres de rétention. La laïcité n’est pas respectée [même si c’est bien là une définition erronée de la laïcité !].
10 - Il faut procéder par une méthode de réadmission des retenus et prendre en considération leurs attachements familiaux. »

Octobre :
Sortie du rapport 2008 de la Cimade sur les conditions de rétention : « L’enfermement mais aussi l’angoisse d’une possible expulsion conduisent de plus en plus souvent à des mouvements de colère et à des gestes de désespoir. Tentatives d’incendies, grèves de la faim, automutilations, tentatives de suicide sont presque quotidiennes. »

Dimanche 22 novembre :
 Corbas (69), Maison d’Arrêt de LYON-CORBAS.

Vers 15 heures, les deux cents prisonniers en promenade dans les six cours de la maison d’arrêt refusent simultanément de regagner leurs bâtiments. Après deux heures de négociations, les prisonniers présents dans trois cours acceptent de réintégrer leurs cellules. Intervention des ERIS jusqu’à 21 heures dans les autres cours pour forcer les détenus à réintégrer leurs cellules. Cinq détenus sont placés en quartier disciplinaire.

Dimanche 29 novembre :
 Corbas (69), Maison d’Arrêt de LYON-CORBAS.

Quarante-cinq prisonniers refusent de réintégrer leurs cellules après la promenade. Intervention des ERIS. Le calme ne revient que vers 17h30.

Dimanche 29 novembre :
 Corbas (69), Maison d’Arrêt de LYON-CORBAS.

Nouvelle intervention des ERIS suite au refus d’une vingtaine de prisonniers de réintégrer leurs cellules.
Ces trois mouvements consécutifs sont dus aux conditions de vie dans cette nouvelle maison d’arrêt (qui remplace les prisons Saint-Paul / Saint-Joseph et Montluc). Ils protestent contre les problèmes de parloirs, de courriers, de mandats en retards, et contre les tensions générées par leurs relations avec certains surveillants...
Transfert d’une centaine de détenus vers les prisons de Villefranche (69) et Saint-Quentin-Fallavier (38).

2010

Dimanche 10 janvier :
 Saint-Quentin-Fallavier (38), Maison d’Arrêt de SAINT-QUENTIN-FALLAVIER.

Une cinquantaine de détenus refusent de réintégrer leurs cellules pendant plusieurs heures après la promenade du matin. Ils réclament notamment une amélioration du service privatisé des cantines et plus d’activités.
Intervention des ERIS pour ramener l’ordre.
Un détenu, considéré comme meneur, est transféré le soir même à Villefranche-sur-Saône (38). Trois autres détenus se verront infliger des sanctions de confinement en cellule ainsi que des sanctions « avec sursis » pour avoir « jeté des boules de neige en direction des personnels » !

Mars :
[Les militants basques de certaines prisons entreprennent différentes formes de mobilisations selon les endroits et les semaines : refus de sortir de la cellule (txapeo), grève des visites, grève du courrier, jeûnes, grève de la faim, rassemblements, poses d’affiche, refus de cantine, etc.
En janvier, le Collectif des Prisonniers Politiques Basques (CPPB – environ 750 prisonniers dont 160 dans les prisons françaises) avait annoncé dans un communiqué une année de lutte (à partir du début du mois de mars, ils entament un cycle d’actions tournantes).
Leurs revendications concernent la reconnaissance du statut de prisonnier politique ainsi que le respect total de leurs droits individuels et collectifs :
 la libération immédiate des prisonniers atteints de maladies graves et incurables :
 la libération immédiate des prisonniers ayant fini leur peine et de ceux correspondant aux critères de la conditionnelle ;
 la fin de la dispersion ;
 la fin de l’isolement ;
 la vérité sur Jon Anza (militant de l’ETA qui a disparu lors d’un voyage en train entre Bayonne et Toulouse en avril 2009, et dont le corps ne fut retrouvé qu’un an plus tard. Ses proches pensent qu’il aurait été victime d’une opération policière secrète espagnole : séquestration, puis exécution).
- Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Maison d’Arrêt de FLEURY-MEROGIS.
Onze détenus basques du D5 entament une grève illimitée. Ceux qui doivent arrêter le mouvement pour des raisons médicales se mettent en txapeo. Une partie du D2 mène une grève de la faim pendant quinze jours, pendant que les autres refusent de sortir de leurs cellules pour la même durée. Ensuite ils inversent : ceux du D1 mènent une grève de la faim pour quinze jours.
- Chauconin-Neufmontiers (77), [Centre Pénitentiaire de MEAUX-CHAUCONIN-NEUFMONTIERS.
Grève de la faim des détenus basques pour tout le mois, à raison de tours de quinze jours pour chaque groupe.

[Leur mouvement touche aussi les prisons de Bois d’Arcy (78), Fresnes (94), La Santé (75), Nanterre (92), Osny (95), Villepinte (93), et Versailles (78).]

Dimanche 11 avril :
 Nîmes (30), Centre de Rétention Administrative de Nîmes.

Sept détenus entament une grève de la faim.

Samedi 8 mai :
 Cornebarrieu (31), Centre de Rétention Administrative de CORNEBARRIEU.

Au secteur A, minuit, c’est l’heure habituelle des fouilles. Un détenu fait sa prière. Brusquement, il est interrompu par les gardes qui entrent dans sa chambre et le frappent violemment. Sous prétexte d’exécuter leur travail de « fouilles », les gardiens le molestent. Ses codétenu-e-s du secteur A décident de se mettre en grève de la faim. Le lendemain, ils et elles sont suivi-e-s par tous les détenu-e-s du centre.

Vendredi 28 mai :
 Lesquin (59), Centre de Rétention Administrative de Lesquin.

Vingt sans-papiers débutent une grève de la faim. Certaines personnes affirment avoir subi des traitements humiliants et dégradants de la part des policiers, en particulier lors des tentatives d’expulsion avortées.

Samedi 29 mai :
 Villeneuve (34), [Maison d’Arrêt VILLENEUVE-LES-MAGUELONE.

Vers 11 heures, alors que plusieurs adolescents et jeunes majeurs participent à la traditionnelle promenade matinale, neuf d’entre eux, âgés de 16 à 18 ans, décident de ne pas remonter dans leurs cellules. S’opposant aux gardiens, ils se dirigent vers les installations sportives, arrachent les poteaux des paniers de basket afin de bloquer l’entrée de la cour et de se confectionner des barres de fer. Parmi leurs revendications, ils avancent le manque d’activités au quartier des mineurs et l’ennui qu’ils éprouvent dans leurs cellules.
Aussitôt alertés, le préfet et les responsables de la prison font appel aux ERIS et à la gendarmerie. Une trentaine d’agents sont rapidement déployés sur place.
Vers 15h30 et après de longs échanges, les neuf détenus décident de mettre un terme à cette mutinerie. Aussitôt, quatre d’entre eux sont placés en quartier disciplinaire, tandis que deux autres sont transférés dans deux établissements de la région.

Dimanche 30 mai :
 Plaisir (78), Centre de Rétention Administrative de PLAISIR.

Des détenu-e-s entament une grève de la faim et de la soif.

Mercredi 28 et jeudi 29 juillet :
 Orvault (44), Etablissement Pénitentiaire pour Mineurs d’ORVAULT.

Peu après minuit, au sein du quartier arrivant de l’établissement, un détenu de 17 ans met le feu à sa cellule. Les matons procèdent alors à l’évacuation des six cellules occupées du quartier et sortent les détenus dans la cour de promenade. Profitant de l’agitation, quatre des détenus cassent des vitres, puis investissent un bureau qu’ils mettent à sac. Alors que l’on tente de les arrêter, un des jeunes expédie une bouilloire sur le bras d’un surveillant et deux autres se réfugient sur le toit de la taule. Intervention des pompiers et de la police appuyée par les ERIS dépêchés de Rennes. Le calme revient vers 3 heures du matin et les quatre rebelles sont placés en quartier disciplinaire en attente de leurs transferts.

Dimanche 8 août :
 Saint-Mihiel (55), Centre de Détention de SAINT-MIHIEL.

Une soixantaine de détenus « ont cassé du matériel de l’administration ainsi que leurs téléviseurs, ils ont enflammé des draps qu’ils ont jetés par la fenêtre, et ils ont aspergé un surveillant d’eau de javel avec une allumette enflammée » selon un syndicaliste maton. La révolte serait liée à une opération anti-drogue menée aux parloirs par la gendarmerie...
- Bapaume (62), Centre de Détention de BAPAUME.
Vers 18 h, deux détenus refusent de regagner leurs cellules et se révoltent : explosion de vitres, de portes, notamment dans la salle de sport jets de projectiles (comme des barres de fer arrachées des cages de foot) sur les surveillants, menaces de mort... Un noyau d’une dizaine de détenus est aussi plus véhément qu’à l’accoutumée.
Vers 21h30, les rebelles sont matés après que le capitaine de détention et le lieutenant de permanence, renforcés par huit agents, ont fait usage du pistolet « gomcogne » (chargé de balles de défense).
Les deux individus sont transférés à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille (59).
Le syndicat UFAP-UNSA parle de « guérilla ». Il déplore que des agents du centre de détention aient dû agir à visage découvert et dénoncent « l’abandon de la direction interrégionale », dont l’équipe ERIS qui ne serait arrivée qu’une fois les détenus menottés et mis au quartier disciplinaire... !

Pour conclure cette brochure, finissons avec cette note d’information de La section française de l’Observatoire International des Prisons (OIP – Communiqué du 21 janvier 2010) sur le dernier mouvement à Saint-Quentin-Fallavier, note dans laquelle l’AP donne sa vision des luttes de prisonniers… ça se passe de tout commentaire !
« Pour la direction interrégionale, “la légitimité des revendications des détenus ne justifie pas les moyens employés”. L’Administration considère en effet qu’un tel mouvement, même pacifique,“constitue une faute disciplinaire”et n’est “pas entendable”. Elle estime que d’autres moyens sont donnés aux détenus pour faire connaître leurs griefs de manière individuelle. Et indique qu’en 2010, “dans le cadre des Règles pénitentiaires européennes”, des “bornes automatisées de traitement des requêtes”doivent être mises en place dans tous les centres de détention en France et donneront automatiquement au détenu un accusé de réception et lui“indiqueront un délai de réponse”. L’Administration convient cependant que, en prison, l’expression collective des revendications et notamment les pétitions, ne sont “pas particulièrement autorisées”. De fait, une pétition diffusée au sein du centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier en février 2007 [évènement non référencé dans la chronologie] avait donné lieu à sanctions. Elle faisait déjà état du faible nombre d’activités, notamment en matière de formation professionnelle. »

C O N T R E------T O U T E S------L E S------P R I S O N S------- !

[1Les notes de bas de page, sauf indication contraire, sont de nous.

[2Editions L’Insomniaque, décembre 2000. Les témoignages du recueil correspondent aux trois derniers de la série.

[3Attention, celles-ci ne sont représentatives que d’un lieu particulier, à un moment et dans un contexte donné. Toute mutinerie a sa propre histoire ! De plus, il faut bien avoir en tête que ces récits sont et reste le point de vue de la personne qui l’écrit.

[4Comme peut en témoigner le récit de la mutinerie de Saint-Maur dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1.

[5Editions Champ Libre, 1971.

[6Quartier disciplinaire. « Les cachots du mitard sont conçus pour détruire la personne, pour l’isoler du reste du monde. On y envoie le détenu avec un but clair, celui de lui faire perdre sa force. […] Un lit, si on peut le nommer ainsi, de béton, une table et un WC turc. Des cachots sans fenêtres, avec des barreaux et des filets métalliques qui limitent l’intensité de l’éclairage artificiel. La nuit, par contre, on éteint rarement la lumière. Des cellules sales et puantes. […] L’hiver, le froid est glacial. L’été par contre, la chaleur à supporter est étouffante. Le détenu reste 23 heures enfermé dans le cachot. Une heure de “promenade” dans une cour de 8x2 mètres à tour de rôle. Cette cour est de plus couverte d’une maille métallique. » (<http://prison.eu.org/article249.html> )

[7Pour un témoignage complet de cette mutinerie : A ceux qui se croient libres. Thierry Chatbi, 1955-2006. Nadia Menenger, L’Insomniaque, 2009.

[8Pour un autre témoignage de cette mutinerie : Daniel Koehl, Révolte à perpétuité, La Découverte, 2002.

[9Le Front de Libération Nationale de la Corse apparaît le 05 mai 1976 suite à la fusion de deux mouvements clandestins, le Fronte Paisanu Corsu di Liberazione et Gujustizia Paolina. Principale organisation armée clandestine, le FLNC connaît des divergences durant les années 90 qui verront émerger de nouveaux groupes clandestins nationalistes : Resistenza, FLNC canal habituel, FLNC canal historique, FARC, Armata Corsa, Fronte Ribellu, etc.

[10Braqueur français, plusieurs fois évadé de prison, il est considéré dans les années 70 comme l’ennemi public numéro 1. Il est assassiné par la police, au volant de sa voiture, le 02 novembre 1979 à la porte de Clignancourt à Paris.

[11Le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers.

[12Communiste révolutionnaire libanais et militant de la cause palestinienne, il est arrêté le 24 octobre 1984 à Lyon. Présumé membre des Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL – responsables des assassinats, en France, en 1982, d’un attaché militaire à l’ambassade américaine et du responsable du Mossad [les services secrets israéliens] à Paris), il est condamné à la perpétuité le 28 février 1987 par la cour de sûreté de l’Etat. Il est actuellement toujours en détention. Site de soutien : <http://liberonsgeorges.over-blog.com/>

[13Ministre de la justice. Il s’agit ici d’Albin Chalandon qui est de 1986 à 1988 le garde des Sceaux du gouvernement de Jacques Chirac, pendant la première cohabitation. Dès les premières semaines de la législature, quatre projets de lois sécuritaires sont élaborés par le Ministère de la Justice et celui de l’Intérieur : les contrôles d’identité sont facilités, une loi durcit les dispositions relatives à la période de sûreté et la comparution immédiate, une troisième facilite la répression des faits de terrorisme (notamment en instaurant une Cour d’Assises spéciale composée de magistrat-e-s professionnel-le-s), une quatrième enfin restreint les possibilités de remise de peine. Validées par le Conseil constitutionnel, les quatre lois seront promulguées dès septembre 1986. Le changement de politique est affiché dès les premières semaines du nouveau gouvernement : le ministre convoque les procureurs généraux pour leur déclarer : « Il faut savoir réprimer et pas seulement prévenir ».
Le 23 septembre 1986, une conférence de presse du ministre relative au traitement judiciaire de la toxicomanie déclenche une polémique. À côté de peines accrues pour les trafiquant-e-s, le ministre évoque les consommateurs/trices : pour lui, « l’usager est d’abord un délinquant ». S’il refuse de se soigner, il conviendra donc de l’incarcérer - Albin Chalandon évoque le projet de créer 1600 places de prison adaptées aux toxicomanes. Ses déclarations provoquent l’indignation de l’opposition de gauche et de médecins ou éducateurs/trices, mais aussi des protestations dans la majorité, notamment de l’ancienne ministre de la Santé Simone Veil. Le projet est finalement abandonné.
Le 19 novembre 1986, il présente un projet de loi en Conseil des ministres pour autoriser le financement et la gestion privés d’établissements pénitentiaires. Ce projet, au vu des réactions négatives qu’il provoque, est revu. En son état final, les prisons pourront être bâties par des entreprises privées, mais leur gestion restera publique. L’engrenage de la privatisation est enclenché.

[14Charriot élévateur.

[15Suriner : poignarder en argot.

[16Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, unité d’élite de l’armée française spécialisée dans les opérations de contre-« terrorisme » et de libération d’otages.

[17Armée Secrète Arménienne de Libération de l’Arménie, groupe militant d’inspiration marxiste-léniniste, issu de la diaspora arménienne, pratiquant la lutte armée contre l’Etat Turc responsable du génocide arménien.

[18L’une des trois branches des services secrets israéliens. Le domaine d’action du Mossad est le renseignement, les opérations spéciales et la lutte anti-« terroristes », à l’extérieur d’Israël et des territoires palestiniens occupés.

[19La prison de Fresnes est une maison d’arrêt située dans la banlieue sud de Paris. Elle dispose d’un hôpital pour les détenu-e-s de France.

[20La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, située dans la banlieue sud de Paris, est le plus grand centre pénitentiaire d’Europe.

[21Dessinateur français de bande dessinée et caricaturiste pour de nombreux journaux. Il créa le mot et le personnage du beauf.

[22Pistolet Mitrailleur.

[23Albert Londres (1884-1932), journaliste et écrivain français, à beaucoup écrit entre autres sur les bagnes : Au bagne (1923), Dante n’avait rien vu (1924), L’Homme qui s’évada (1928). Textes édités séparément par les éditions Le serpent à Plume ou réunis dans les Œuvres complètes (éditions Arléa).

[24Poème d’Arthur Rimbaud écrit en 1870 mettant en scène un soldat allongé dans l’herbe et jouant sur la ressemblance entre le sommeil et la mort.

[25Jean-Paul Sartre (1905-1980), philosophe et écrivain français (dramaturge, romancier et nouvelliste) proche des maoïstes français. L’existentialisme, pour faire très bref, est un courant philosophique et littéraire plaçant au cœur de la réflexion l’existence individuelle, la liberté et le choix personnel.

[26De James Lansdowne Norton, créateur de moteurs et fabricant de motocycles.

[27Flics en argot.

[28La Carmagnole est une chanson révolutionnaire datant de 1792.

[29La haie d’honneur en prison (souvent pratiquée après une rébellion des prisonniers) est une pratique consistant à faire traverser les mutins à la file indienne entre deux rangées de matons qui les assènent de coups de poings, de pieds et de matraques.

[30Militante d’Action Directe (AD – organisation communiste-libertaire qui a pratiqué la lutte armée entre 1979 et 1987), arrêtée en 1984, elle passera six ans derrière les barreaux.
Sites de soutiens aux militants d’AD :
< http://nlpf.samizdat.net/spip.php?article84 >,
< www.action-directe.net/ >

[31Ministre de la Justice à cette époque.

[32Le 8 novembre 1892, l’anarchiste Émile Henry, pose une bombe (une marmite en fonte contenant des explosifs) dans l’usine de la Compagnie des Mines de Carmaux. Le concierge trouve la bombe et la rapporte au commissariat de la rue des Bons-Enfants, à Paris, où elle explosera faisant quelques morts chez la police. Cet évènement inspira une chanson, La Java des Bons-Enfants, qu’on attribue à Guy Debord.

[33Maison d’Arrêt des Femmes.

[34La maison d’arrêt de la Santé est une prison parisienne située dans le XIVe arrondissement.

[35Ministre de l’Intérieur à cette époque.

[36Groupe anti-carcéral lillois qui produisait un journal du même nom et faisait une émission de radio « Accusés levez-vous » dans les années 1980-1990.

[37[Note d’Hélyette Besse] Celui-ci était accordé jusqu’en 1981 aux militants politiques et aux espions dépendant de la Cour de sûreté de l’État qui réglait les infractions « de nature à nuire à la Défense nationale et aux relations de la France avec l’étranger, celles contre la sécurité et la paix intérieure, c’est-à-dire les attentats et complots contre l’autorité de l’État, ou tendant à troubler l’État par le massacre et la dévastation, la formation de bandes armées, les mouvements insurrectionnels, les atteintes à l’intégrité territoriale de l’État, etc. ». Si des circonstances atténuantes étaient admises, des peines de détention pouvaient être substituées à la peine de mort. Celle-ci était exécutée par fusillade. Lors des arrestations, la garde à vue était de six jours. Les perquisitions et les saisies pouvaient avoir lieu en dehors des heures dites légales. Pendant leur détention préventive, les inculpés étaient regroupés dans une division spéciale. Mais les militants d’une même organisation n’en bénéficiaient pas moins du droit de réunion et tous avaient des parloirs quotidiens d’une heure minimum.
Un condamné pouvait être soumis au régime politique non seulement si l’infraction commise était de nature politique, mais aussi s’il avait été condamné pour un crime de droit commun par la Cour de sûreté, saisie du délit en raison du mobile politique de l’acte. De la même façon, pourtant condamnés par des tribunaux de droit commun, certains prisonniers pouvaient également être soumis au même régime en raison du caractère politique de leur mobile.
La grève de la faim des détenus condamnés et des prévenus révolutionnaires en 1971 fut à l’origine de la reconnaissance du statut politique à un certain nombre de prisonniers. Cette « conquête » pénitentiaire a disparu. Nous ne pouvons qu’être satisfaits de la suppression de la Cour de sûreté de l’État par les socialistes en 1981. On nous a alors inculpés d’association de malfaiteurs. Au début prévue pour les bandes organisées qui sévissaient dans les campagnes à la fin de la Révolution, cette inculpation fut utilisée contre les organisations anarchistes, non hiérarchiques, ayant pour but la propagande par le fait. Aujourd’hui, elle sert pour tous ceux qui préparent ou exécutent des actes hors la loi en commun. Depuis quelques années, l’accusation de terrorisme est apparue, les délits restant de droit commun. On a gommé l’existence de prisonniers politiques. Mais, rebelles, capables de généraliser et de concrétiser les révoltes individuelles, de conscientiser les détenus, ils méritent l’isolement jusqu’à leur départ en maison centrale. Non regroupés, mais isolés.

[38Les Quartiers de Hautes Sécurités (QHS) étaient des quartiers de sécurité renforcée où les détenus étaient séparés jours et nuits. Supprimés en 1982 suite à de nombreuses luttes de prisonniers, ils feront leur réapparition sous un autre nom : les Quartiers d’Isolement (QI).

[39Notamment la brochure : Une succincte histoire des luttes anti-carcérales depuis l’intérieur des prisons. Mise en page par Hobolo et disponible sur < http://infokiosques.net >, nous l’avons revue, nettement augmentée, (parfois) corrigée et nous ne nous sommes concentrés que sur l’aspect mutinerie.

[40Il est intéressant de noter que la parole n’est jamais donnée aux détenu-e-s elles / eux-mêmes mais que les faits sont souvent expliqués par l’AP et les syndicats de matons. Ainsi il fut parfois mentionné dans les journaux que les détenus s’étaient rendus sans résistance alors que dans les faits ils s’étaient fait détruire la gueule par les CRS. Par ailleurs, il est également important de noter que depuis plus de 20 ans, les mutineries servent à l’AP (la matonnerie se servant des détenus comme arme de grève) à demander plus de moyens, plus d’effectifs et plus de prisons. En faisant des recherches, nous sommes tombés sur l’information suivante ; L’AP y gonfle les chiffres de façon grotesque :
« Les chiffres fournis par l’Administration Pénitentiaire sont éloquents. Les incidents collectifs recensés (refus de remonter de la promenade, mutineries, grèves de la faim, etc.) ont augmenté de 155 % entre 2000 et 2004, et les agressions contre les personnels de 53 %. Sur les neuf premiers mois de 2005, ces chiffres sont déjà dépassés pour les premiers (257 mouvements collectifs) et la mesure des seconds ne laisse présager aucune amélioration (457 agressions contre les personnels) ». (Nathalie Guibert, La marmite carcérale et ses débordements, Le Monde, 23 octobre 2005).
Bien que ces chiffres soient complètement délirants, Black-star (s)éditions aurait bien aimé en savoir plus sur ces événements afin d’étayer sa chronologie, qui présente seulement sept faits pour les années 2004-2005 !

[41Quand le fait est trop important et ne peut être caché, l’AP s’adapte. Cf. note précédente.

[42Cette histoire est brièvement décrite dans la brochure citée à la note n°4.

[43Entre autres, nous recommandons vivement les ouvrages suivants :
 Au pied du mur, 756 raisons d’en finir avec toutes les prisons, L’Insomniaque, 2000.
 Nadia Menenger, A ceux qui se croient libres. Thierry Chatbi, 1955-2006. L’Insomniaque, 2009.
 Le journal L’Envolée [< envoleejournal@yahoo.fr >. 43, rue de Stalingrad, 93000 Montreuil].

[44Une chronologie des luttes anti-carcérales à l’extérieur des prisons de 1971 à 1989 est parue dans le journal L’Envolée n°8 [disponible sur <http://lejournalenvolée.free.fr> ]. Un des points faibles de cette chronologie est qu’elle met trop en avant les luttes radicales et laisse de côté les autres types de luttes. Il est alors bon de rappeler que des groupes ou collectifs ont soutenu et soutiennent les prisonniers dans leurs mouvements par d’autres formes d’actions. De plus, durant des mutineries, les familles et les proches, quand ils l’ont pu, se sont mobilisés pour soutenir les révolté-e-s.

[45Contrairement au but recherché, la pratique du transfert fut parfois bénéfique aux détenu-e-s en lutte puisqu’elle leur a permis de propager des idées et des pratiques rebelles dans d’autres établissements.

[46Ces institutions ne sont pas le centre des dispositifs de contrôle mais leur forme la plus criante. Il en a existé, et il en existe d’autres que celles citées dans cette brochure.

[47Nous avons fait le choix de désigner les sans-papiers enfermé-e-s sous le terme de « détenu-e-s » plutôt que par celui de « retenu-e-s » qui est à nos yeux hypocrite. Bien que l’enfermement d’un-e retenu-e soit différent de celui d’un-e prisonnier-e, ils et elles sont, quel que soit leur statut, enfermé-e-s dans des centres de détention. Certes, d’un point de vue juridique, les centres de rétention ne sont pas des prisons : leurs locaux ne relèvent pas de l’autorité pénitentiaire, et l’enfermement, qui ne nécessite pas de décision de justice préalable, est décidé par le préfet. Mais il n’est pas anodin que les sans-papiers parlent, souvent eux-mêmes, de prison pour évoquer leurs lieux d’enfermement.
Nous renvoyons à la lecture de deux brochures qui nous ont aidés : Chronologie des derniers événements dans les centres de rétention, 2008 (mise en page par Hobolo) et Centres de rétention : récits de révoltes et de solidarité – Eté 2009, disponibles sur le site < infokiosques.net >. Nous recommandons également la lecture des autres brochures relatives aux sans-papiers.

[48Ou « détenu particulièrement surveillé ».

[49Dans « Les surveillants militaires des bagnes coloniaux », < http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-33634583.html > Page consultée le 15 octobre 2010.

[50La loi du 27 mai 1885, dite “loi sur la relégation des récidivistes” ou “loi Waldeck-Rousseau de relégation”, du nom du ministre de l’Intérieur de l’époque, entraîne « l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises » des délinquants et criminels multirécidivistes. L’enjeu de cette loi est d’épurer le sol de la France métropolitaine des petits délinquants et des vagabonds. Les récidivistes, notamment ceux condamnés au bagne, sont, selon un certain barème, jugés incapables de s’amender, et relégués dans les colonies où ils sont assignés à résidence. On espère qu’en plus de débarrasser le sol français de ces indésirables, cette loi contribuera au peuplement des colonies, sur le modèle des convicts d’Australie. Elle est restée appliquée jusqu’en 1970.

[51Avant de mourir ! Derrière, le discours fallacieux du peuplement des colonies comme nous l’expliquons dans la note précédente, la relégation [= appliquée à partir de 1885 aux délinquants multirécidivistes, condamnés en correctionnelle], mais aussi la déportation / transplantation [= pour les condamnés politiques, jugés par les conseils de guerre (loi du 8 juin 1850) et ce jusqu’en 1870] et la transportation [= pour les auteurs de crimes, condamnés à la peine des travaux forcés par des cours d’assises (loi du 30 mai 1854)] les trois raisons réelles de cet éloignement du territoire étaient :
1- Pour remplacer par les travaux forcés la main d’œuvre perdue suite à l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848.
2- C’était une réponse hygiéniste destinée à éradiquer les foyers de contagion de la délinquance. C’est à cette même époque que le baron Haussmann, l’urbaniste officiel de Napoléon, commence ses travaux d’envergure sur Paris afin d’assainir et de sécuriser la ville contre les foyers des « classes laborieuses ». Ces concepts urbanistiques feront des émules dans presque toutes les villes de province.
3- Le but est encore plus inavouable : la Guyane est un camp d’extermination avant la lettre. On est allé parfois jusqu’à reconnaître ce but implicitement poursuivi. Par exemple, dans le Bulletin des lois et décrets de 1894, on retrouve cet aveu : « la relégation n’est pas l’exclusion pure et simple, elle implique privation de liberté et, souvent, la destruction lente par l’action du milieu où elle est subie. » En effet, la sous-alimentation et le manque d’hygiène affaiblissaient l’organisme du forçat qui ne pouvait lutter longtemps contre les maladies qui l’assaillaient de toute part. Le paludisme, la fièvre pernicieuse, la dysenterie y étaient monnaie courante. Les infections de l’intestin (par des vers), la lèpre qui régnait sur un petit contingent, ainsi que le scorbut, étaient des phénomènes banals. Le climat très rude (chaud et humide) mais aussi les serpents, les crocodiles et insectes en grand nombres étaient autant de facteurs qui faisaient que la durée de vie d’un bagnard était estimée à cinq ans ! A chaque arrivée le nombre de nouveaux forçats compensait à peu près ceux qui étaient morts ou qui avaient disparus depuis le convoi précédent. Ainsi la machine à éliminer de l’homme accomplissait sa principale fonction et la population pénale ne dépassait jamais le plafond prévu. Depuis 1852, sur plus de soixante-dix mille personnes qui ont été envoyées en Guyane, les trois quarts sont mortes. Cinq milles bagnards à peine sont revenus libres, neuf mille se sont évadés (6 %) mais sur ceux-ci bien rares sont ceux qui ont survécu. Les derniers n’ont été rapatriés qu’en 1954. Les condamnés appelaient cette extermination à la française, la « guillotine sèche ». D’autres la nommaient le « Goulag équatorial ».
A propos de l’expression « extermination à la française » : référence au titre du livre paru aux éditions L’insomniaque (2000). Il présente les lettres de prison et du bagne que le cambrioleur anarchiste Alexandre Jacob écrivait à sa mère. Nous conseillons vivement la lecture de cet ouvrage et notamment son préambule, qui reprend les faits décrits dans la note ci-dessus. Ledit préambule est réédité par Black-star (s)éditions : Extermination à la française, disponible sur < http://infokiosques.net >, novembre 2010.

[52[Ce même jour, de 05h30 à 17h30, huit cent soixante et onze détenus des trois prisons de Loos (de la maison centrale, de la prison cellulaire pour les hommes et de son annexe de Saint-Bernard pour les femmes) sont déportés vers les camps en Allemagne. Un pasteur, Marcel Pasche, et le consul suisse, Fred Huber, arrivent à la prison cellulaire vers 10 heures et parviennent à donner la liberté à entre quatre cents et six cents hommes et femmes condamné-e-s à moins de trois mois. Du « train de Loos », il n’y aura que 275 survivants !]

[53Organisation Armée Secrète - organisation politico-militaire clandestine d’extrême droite, qui lutta pour garder l’Algérie française.

[54Général d’armée aérienne en 1958, il est chef d’état-major de l’armée de l’air, puis, en 1960, inspecteur général de l’armée de l’air. Il prend le commandement de la 5e région aérienne en Algérie en 1957 et devient adjoint interarmées au général Salan, commandant supérieur interarmées en Algérie. Il participe au coup d’état d’Alger (21-25 avril 1961) avec les généraux Challe et Zeller bientôt rejoints par le général Salan. Après son échec, il plonge dans la clandestinité et devient l’adjoint du général Salan à la tête de l’OAS, en charge de la région d’Oran. Arrêté le 25 mars 1962, il est condamné à mort le 13 avril 1962 par le Haut tribunal militaire. Il échappe de très peu à l’exécution, sa peine étant commuée en une peine de détention criminelle à perpétuité le 28 novembre 1962 après plus de sept mois passés dans une cellule de condamné à mort. Libéré de la prison de Tulle en décembre 1967, il est amnistié en 1968 et réintégré dans ses grades et prérogatives en 1982. Il est élu en 1969 à la présidence du Front National des Rapatriés.

[55Suite au harcèlement du directeur de la centrale qui aurait reçu des lettres d’injures et de menaces et suite au suicide d’un détenu qui aurait été persécuté par une « mafia » (exactions et racket), une grande opération de dépistage et de détection des membres de cette mafia aurait été organisée, trois semaines plus tard. Le matin du 26 juillet, à 5 heures, l’inspecteur général de l’Administration Pénitentiaire, accompagné d’une vingtaine de surveillants marseillais et parisiens, le tout protégé par plusieurs escadrons de gardes mobiles (150 gendarmes) investissent la prison.
« Les 600 détenus de la centrale de Nîmes ont vécu, du 26 au 31 juillet 1965, une semaine telle que nul prisonnier n’en a connue en France depuis la mort d’Hitler.
Après qu’ils aient été jetés nus hors de leurs dortoirs, une fouille générale de tous ces locaux fut minutieusement poursuivie avec une brutalité certaine et au mépris évident des lois les plus élémentaires de la dignité et du respect humain.
Les pauvres biens personnels, bien souvent intimes, dont disposaient ces hommes, tels que lettres et photos de famille, lunettes, bondage herniaire, brosses à dents, etc, etc, furent alors déchirés, dispersés, détériorés.
De même furent jetés aux ordures les denrées alimentaires telles que saucissons, beurre, huile, chocolat, biscuits, etc. qu’ils avaient achetés régulièrement en cantine. Denrées dont l’acquisition représentait plusieurs milliers d’anciens francs, le plus souvent très péniblement gagnés grâce à un travail assidu.
Mais là n’est pas le pire car en même temps se poursuivait une séance de matraquage dont depuis que la Gestapo à quitté nos murs on n’avait plus eu d’exemples dans une prison française.
Ces sévices administratifs à l’égard de prisonniers désarmés a Auraient été nécessités, selon l’Administration, pour leur arracher des révélations.
De ces matraquages, de nombreux malheureux ont porté assez longtemps les traces pour que la justice, si elle avait bien voulu se mêler de cette affaire, ait eu tout loisir de s’assurer de leur gravité. » [Docteur Georges Salan, 33 ans de Centrale, 1938-1980, Nîmes, Lyon-St-Paul, Clairvaux, Les Baumettes, Presses contemporaines, 1971]
Bilan de l’opération : quelques millions de francs anciens, un transistor et quelques postes à galène trouvés !
Vingt-quatre prisonniers soupçonnés d’être des « meneurs » de cette affaire de « mafia » sont transférés dans d’autres centrales. Suite à la grève de la faim, une quinzaine de fonctionnaires (dont le sous-directeur, le surveillant-chef et trois brigadiers) de la centrale est déplacée d’office !

[56Pied noir et légionnaire, il participa au putsch des généraux d’Alger, d’où son incarcération. Le 3 novembre, il se fait la malle… dans une malle ! Il est alors recherché par cent cinquante mille hommes ! Un réseau Algérie française l’aide à passer en Suisse, puis en Espagne franquiste où il rejoint les rangs de l’OAS avec laquelle il fera des attentats. Il ne reviendra en France qu’en 1968, après l’amnistie des condamnés de l’OAS.

[57Cf. Témoignage de la mutinerie dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1, récit 1 : « C’était le premier mai et il faisait beau ».

[58Cf. Témoignage de la mutinerie dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1, récit 5 : « Fleury brûle-t-elle ? de Hélyette Besse ».

[59Cf. Témoignage de la mutinerie dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1, récit 4 : « Fleury brûle-t-il ? Brève relation de l’émeute de Fleury-Mérogis, le 14 juillet 1987, vue de l’intérieur puis du haut des toits. »

[60Cf. Témoignage de la mutinerie dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1, récit 3 : « Mutinerie de la centrale de Saint-Maur, 12-13 novembre 1987 ».

[61Cf. Témoignage de la mutinerie dans la brochure Y a du baston dans la taule, volume 1, récit 2 : « Mutinerie de la centrale d’Ensisheim (06 avril 1988) par Kiou. »

[62Le Programme 13000 [places], régi par la Loi du 22 juin 1987, concerne les établissements pénitentiaires dont la construction, l’entretien, l’hôtellerie, le travail, la formation professionnelle et la santé des personnes détenues sont confiés à des groupements privés. L’Administration Pénitentiaire conserve les fonctions de direction, de greffe et de surveillance.

[63Matons cagoulés qui rétablissent l’ordre, c’est-à-dire qui tabassent les détenus. Lire sur Infokiosque.net la brochure « Quelques documents d’information sur les ERIS »
< http://infokiosques.net/spip.php?article344 >.

[64Comité Inter Mouvements Auprès Des Évacués. Il s’agissait jusqu’au 2 juin 2009 de la seule ONG autorisée par la loi à entrer dans les centres de rétention administrative (et ce depuis 1984. Aujourd’hui elles sont cinq à collaborer avec la machine à expulser, viennent s’ajouter : ASSFAM, Ordre de Malte, Forum Réfugiés et France Terre d’Asile) afin de surveiller les conditions de rétention, et d’apporter l’aide juridique nécessaire aux personnes en voie d’expulsion.




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