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Louis Rimbault et "Terre Libérée", 1923-1949
École de Pratique végétalienne et de Retour à la Terre
mis en ligne le 8 juin 2006 - Shalazz
Anarchisme, illégalisme et végétalisme
Début du Xxème siècle. Une mouvance nouvelle s’affirme dans les milieux anarchistes : les anarchistes individualistes décident de vivre, sans attendre, leur anarchisme et pour cela transforment parfois radicalement leur mode de vie, refusant le salariat et le conformisme bourgeois. Poursuivant leurs attaques contre les autorités quelle qu’elles soient (l’Etat, le patron ou la morale bourgeoise), ils sont illégalistes, milieux-libristes, végétaliens, buveurs d’eau, faux-monnayeurs, partisans de l’amour libre, nudistes ou naturiens.
Louis Rimbault a une trentaine d’années lorsqu’il découvre ce milieu. Né à Tours le 9 avril 1877, dans une famille pauvre de huit enfants et dont le père est alcoolique, il a d’abord appris la tôlerie puis il "trimarde". Suit un emploi dans un hôtel restaurant, d’où il s’enfuit avec la fille des patrons, alors enceinte. Ils reviennent, se marient, montent une quincaillerie à Livry-Gargan (Seine-et-Oise). Rimbault travaille ensuite comme serrurier. Vers 1903, il est élu conseiller municipal sur une liste radicale-socialiste. Et puis, en 1908, il devient abstentionniste en matière d’élections sans être à proprement parler anarchiste. Son frère, Marceau Rimbault vécut alors quelques mois à son domicile. Ce dernier écrit dans l’anarchie , journal anarchiste individualiste. Et Louis Rimbault commence à fréquenter les individualistes.
Attiré par les "Milieux libres", il vit quelques temps à Bascon (Aisne) avec Georges Butaud et Sophia Zaïkowska, les plus fervents batisseurs de milieux libres. Il tente également sa propre expérience aux Pavillons-sous-Bois (Seine), avec son frère et Garnier, futur allié de Bonnot. C’est à cette période (vers 1910) qu’il devient végétarien. Les récits sur ce milieu libre manquent, lui-même n’en narrant après coup que les âpres querelles entre carnivores et végétaliens : " Dans ce milieu, essentiellement libertaire, il y eu, entre carnivores et végétariens, des luttes violentes (...) Le budget de la colonie était difficile à boucler par les exigences coûteuses et les pratiques démoralisantes des buveurs de vin, de bière, de café, de thé, par les mangeurs de viande de boucherie, de charcuterie, de poissons, de volaille, de conserves, par les gourmands d’oeufs, de lait, de beurre, de fromage, de chocolat, de pâtisserie, de confiserie, etc., etc. Ces faux besoins plaçaient les colons dans l’obligation de recourir à leur propre exploitation, au "tapage" ou à des expédients peu dignes d’hommes vivant pour un exemple de libération " [1]
Chez certains individualistes, l’opposition classique entre un ordre social et un ordre naturel se renforce dans l’idée qu’il y aurait des lois de la Nature, physiques et biologiques, dictées par la science et la raison. Et ainsi des besoins "factices" et des besoins "naturels". Cette conviction donne lieu à la mise en place de luttes contre des aliments et des substances toxiques. Ainsi au journal l’anarchie , le végétalisme ou l’anti-alcoolisme sont de mise avec des propagandistes tels que Libertad ou Paraf-Javal. Les "Bandits tragiques" sont connus pour leur régime alimentaire et leur hygiène de vie.
Ces restrictions alimentaires, outre la justification théorique, sont aussi un moyen de mener une vie à moindre coût, et de prendre, parfois, ses distances avec l’esclavage salarial... Mais le végétalisme n’y suffit pas toujours. Ce besoin d’une libération immédiate, en particulier du travail salarié, qui reste une idée très forte chez Rimbault jusqu’à sa mort, s’accomode parfois mal de la grande pauvreté de certains individualistes.
Une des idées de Rimbault pour gagner de l’argent est de créer les C.O.S. (Conseil d’Ouvriers Syndiqués), "application du communisme économique en pleine société bourgeoise". Il va exposer son projet à plusieurs reprises, , notamment à Tours où il rencontre Victor Coissac (futur fondateur de la colonie "L’Intégrale") en 1911, puis en 1919, au moment de la grande grève des cheminots. L’association disposerait d’ateliers où chacun pourrait venir travailler gratuitement le samedi après-midi. « On ne peut envisager l’émancipation des producteurs qu’en modifiant les conditions économiques qui saturent et pourrissent les hommes les plus fiers, les esprits les plus libres ; par exemple : réserver une part des cotisations syndicales à monter tous établissements dans lesquels ils pourraient aussi travailler à assurer leurs besoins les plus immédiats, tout en s’affranchissant d’un patronat qu’ils priveraient graduellement de sa propriété en lui retirant la main d’oeuvre. [...] c’est là toute la théorie des « C.O.S. » » [2]. On retrouve là l’idée chère au milieu libre de vivre par ses propres moyens. Seulement, peu de producteurs semblent emballés par l’idée de travailler plus en attendant et la proposition n’est guère au goût de la C.G.T qui l’accuse d’être un agent provocateur....
L’illégalisme va être une solution nettement plus prisée par les anarchistes, et Rimbault n’y échappe pas : en 1911, il va être impliqué dans le procès des « Bandits tragiques » et incarcéré deux ans pour complicité. Emprisonné, il simule la folie. Et lorsqu’il comparaît, il est acquitté et libéré.
Cette recherche d’une libération, d’une émancipation immédiate, le refus du salariat et dans une certaine mesure de la société industrielle et l’hygiène de vie adoptée avant-guerre dans les milieux anarchistes vont marquer Rimbault de manière durable. Après guerre, Louis Rimbault mûrit peu à peu l’idée de fonder une cité végétalienne...
Le projet d’une cité végétalienne
Dans les milieux anarchistes, Georges Butaud et Sophia Zaïkowska sont les premiers à ériger en théorie la réduction des besoins individuels comme moyen de s’affranchir de la logique de production et de consommation. Le végétalisme devient leur principal cheval de bataille. Dès 1917, ils animent une école pratique végétalienne à Bascon dans l’Aisne (à l’endroit même où ils avaient déjà tenté plusieurs milieux libres), à laquelle Rimbault et sa compagne Clémence participent. Rimbault s’occupe même des relations entre Paris et Bascon par la réception de matériel et l’organisation d’excursions.
En 1922, toujours avec Butaud et Zaïkowska, mais aussi avec des naturiens comme Henri Zisly ou Henri Le Fèvre, Rimbault collabore au journal le Néo-naturien qui prône un retour à la nature par le biais de l’alimentation. Il commence à écrire et faire des conférences en faveur du végétalisme (il fait notamment une tournée de conférence en collaboration avec Hervé Coatmeur, rédacteur du Sphinx à Brest). Enfin, il fréquente le foyer végétalien rue Mathis. Proche des milieux naturistes, il est désormais un fervent végétalien comme en témoigne le récit suivant : « Au foyer végétalien, un nommé Rimbaud était encore plus entier que Butaud et ne pouvait souffrir la société de ceux qui n’étaient pas végétaliens, les « carnivores » ou les « cimetières ambulants », comme il les appelait. Malgré l’alimentation rationnelle qui était sa règle, il attrapa un jour un phlegmon et bon gré mal gré fut obligé de se rendre à l’hôpital pour y subir une opération. Mais se posait le problème de manger : le végétalisme, on ne connaissait pas cela à l’Assistance publique. Rimbaud accepta du bouillon de légumes, s’en délecta et lorsqu’il eut tout avalé, l’aveu lui fut fait que ce bouillon de légumes était de la soupe aux choux. Il y avait eu du cadavre dans ce qu’il avait ingurgité ! Quelle horreur ! Rimbaud était en ébullition. Jamais les infirmières n’avaient contemplé une telle explosion d’indignation. Vingt jours après sa sortie d’hôpital. Rimbaud était encore malade de cette soupe aux choux qu’il avait mangée. Ils ont voulu m’empoisonner tonitruait-il au milieu du Foyer végétalien » [3].
Outre la création des foyers végétaliens, de nouveau, dans les années 20, l’idée circule de fonder des milieux libres. Et Rimbault ne sera pas en reste... " Le Néo-Naturien, l’en-dehors , précédés déjà de Par delà la Mêlée , le Plagiaire , les Vagabonds , le Réveil de l’Esclave , pour ne citer que la France ont consacré quelques trop courtes lignes aux études des plans d’évasion raisonnée " [4]. Seulement, les milieux anarchistes sont faibles et divisés à la fois par la guerre puis par la Révolution russe. Ceux qui en ont les moyens préfèrent alors quitter la France, l’Europe pour partir au loin, vers des terres qui leur semblent plus clémentes. De nombreux camarades partent pour l’Amérique du Sud dans l’espoir de fonder des colonies naturistes, caractérisée par une vie simple et végétalienne. Mais, raconte Rimbault " beaucoup de nos amis s’embarquent à Nantes, à Bordeaux pour gagner les "terres promises" d’Amérique du Sud ou d’ailleurs et disparaissent sans qu’aucun contrôle ne puisse nous renseigner sur ce qu’ils furent, sur ce qu’ils devinrent, sur leurs fins, malgré les recherches qu’on fit pour retrouver même leurs traces" [5]. En effet, un certain nombre d’entre eux vont finir misérablement, trop démunis pour pouvoir rentrer. Un petit nombre, peut-être, du moins c’est ce que soupçonne Rimbault, se transforment en nouveaux exploiteurs, en nouveaux colonisateurs, usant de leur argent pour faire travailler les autochtones à leur place. D’où l’idée de Rimbault de créer, en France, un lieu, une "Cité" pouvant être une étape avant un départ plus lointain : " Nous aurons probablement le bonheur, à Tours, d’arrêter un instant ces hommes dans leur course inconsciente vers l’inconnu et leur donner ce qui leur manque pour apporter, à tout milieu, où ils feront escale, une garantie de leur désir de fraternité " [6]. Et effectivement, des camarades, une fois Terre Libérée sur pied, demanderont à faire des "stages" avant de partir pour l’Amérique du Sud !
Dans les expériences menées avant-guerre, que Rimbault a connu - à Bascon, Pavillons-sous-Bois ou encore à "La Ruche" - le végétalisme existait déjà mais sans avoir une place centrale : " On verra, à la "Ruche" de Rambouillet, une végétarienne recevoir à bout portant et en plein visage, un coup de revolver pour le crime de végétarisme ! " [7].
Et pour ce qui est des expériences en 1923, il y a bien « l’Intégrale », créée un an plus tôt par Victor Coissac, que Louis Rimbault a connu à Tours avant guerre, "se débattant dans un fatras de chiffres que, seul, un équilibre peut échafauder, empilant dettes sur dettes, ne vivant que de pitoyables tapages (ceci dit sans aménité, rien que pour en souligner la misère) " [8]. On relève dans le budget " 1100 francs de vin et une suite de dépenses stupides, qui ne peuvent être dictées que par des appétits de bourgeois mal éduqués " [9]... Coissac et Rimbault seront donc solidaires dans leurs réalisations, ce dernier souhaitant " sceller une amitié efficace entre les deux îlots d’idéal flottant sur l’Ocean désemparé des douleurs humaines " [10] ! Et cela bien que leurs conceptions soient contradictoires : Coissac souhaite que chacun puisse jouir des charmes de l’existence bourgeoise, alors que Rimbault veut réduire les besoins pour se libérer au plus vite...
Enfin, il y a Bascon, dont il a déjà été question plus haut : " Bascon, m’a-t-on dit, est une belle oeuvre ; beaucoup lui doivent le bien-être, la santé, la liberté et d’autres la vie, mais elle s’adresse plus spécialement à ceux qui s’initient au végétalisme ; les hommes qui, déjà depuis sa fondation y ont apportés un concours actif, demandent pour l’individu en voie d’accomplissement, la création d’une oeuvre sérieuse et durable, sans tendance, consacrée à l’étude de la libération individuelle la plus entière et la plus immédiate " [11] Terre Libérée viendra donc compléter et achever l’oeuvre de Bascon : mener à la libération réelle les végétaliens déjà initiés, pour ne plus se contenter de propager l’idée mais la mener à sa fin. " Bascon est une école où l’on passe, et Tours, c’est la sélection, permettant un recrutement de choix, parmi les hommes ayant déjà profité de l’enseignement végétalien [...] Bascon et Tours seront solidaires dans la besogne, éducatrice et régénératrice, que ces deux institutions poursuivent conjointement " [12].
C’est ainsi que Louis Rimbault décide de passer à l’action à son tour : en 1923, il annonce dans le Néo-Naturien son idée de fonder une Cité végétalienne. De ce projet naîtra "Terre libérée" à Luynes, à 11 kilomètres de la ville natale de Rimbault. Durant une dizaine d’années ce dernier va multiplier écrits et réunions pour répandre ses conceptions, tout en accueillant à « Terre libérée » les adeptes de son végétalisme.
Terre Libérée, les buts
Libération immédiate
Créer "une oeuvre sérieuse et durable, sans tendance, consacrée à l’étude de la libération individuelle la plus entière et la plus immédiate" [13].
Par le végétalisme, le projet de Terre Libérée doit permettre d’apporter à chacun les moyens de son évasion, son autonomie et sa régénérescence : " je vais donc travailler à l’édification de ce centre d’individualisme éclairé, conscient et idéal, attendu de tant d’amis qui restent inactifs et s’enlisent faute d’une initiative autorisée, d’une volonté et d’une compétence mûries dans l’expérience, qui leur permettent de contenter facilement le désir d’évasion qu’ils caressent depuis longtemps déjà " [14]. Rimbault veut se donner à lui et aux autres les moyens d’une libération immédiate. Pour cela, il faut perfectionner l’homme en le dégageant des entraves économiques et sociales et modifier profondément sa sensibilité : " que l’individu puisse, en se libérant définitivement, se suffire à lui-même sans le secours de l’industrialisme qui restreint plus la liberté et l’individualité qu’il n’en donne " [15].
Observation, étude et soins
Outre la libération immédiate des sociétaires, ce sera également un champ d’observation et un lieu d’éducation. Rimbault veut mettre en application une médecine nouvelle et une pédagogie novatrice : " enseignement clinique de la valeur alimentaire, thérapeutique et régénératrice du végétalisme ", " enseignement de la pratique culinaire végétalienne ", de la " médecine de prévention ", de la puériculture et de l’Eugénisme, " enseignement clinique de la Pédagogie nouvelle non livresque ". On y accueillera des enfants " normaux et anormaux ", des vieillards et des malades pour des soins et une éducation végétalienne. Terre libérée sera donc un centre pour convaincre des bienfaits du végétalisme, par des cours mais aussi par l’exemple donné par les soins. On pourra également s’y initier à la cuisine mais aussi au mode de vie végétalien.
Terre Libérée, dispositions générales
Les financements
Afin d’éviter toute aide officielle, aussi intéressante soit-elle, une souscription de 3000 francs est demandée à chacun des sociétaires. Comme le fera remarquer un des soutiens de l’expérience : " La coopération, c’est l’arme des gens bien casés " [16]. En effet, il faut payer pour avoir sa propre terre ce qui n’est pas à la portée des " vrais miséreux ". Pour la suite, la Cité compte fonctionner d’elle-même grâce aux industries utilitaires sur ses terres, aux soins payants prodigués aux malades, aux pensions des visiteurs, aux publications issues des recherches menées sur place, et aux heures de travail journalières des sociétaires. Ces heures de travail seront fixées collectivement (deux heures journalières dans le projet) et augmentées sur le consentement des sociétaires et en fonction des urgences. Il y aura des ateliers libres en dehors des heures consacrées aux entreprises et industries de la Cité.
Fonctionnement
La Cité pourra accueillir 20 adultes maximum, hommes et femmes. " Les deux sexes sont égaux en droit et en obligations. La compagne, considérée comme indépendante, possédera, si elle le revendique, sa part individuelle, en toute autonomie " [17]. Les enfants sont pris en charge par la Cité jusqu’à leurs 18 ans mais " les mères, de préférence employées au préventorium d’enfants, pourront, si elles le désirent, élever leur enfants jusqu’à l’âge de deux ans " [18]...
Deux conseils permettront d’administrer les lieux : le conseil des coopérateurs (souscripteurs) qui administre financièrement la Cité jusqu’à l’installation de 10 sociétaires. Puis le conseil des sociétaires, conseil hebdomadaire réunissant tous les sociétaires et désignant à tour de rôle un administrateur de semaine. Un autre administrateur est délégué pour six mois pour représenter la cité à l’extérieur, pour les formalités administratives ou juridiques et pour la comptabilité. L’exclusion est une possibilité envisagée dans le projet de départ : elle se fait au ¾ des voix des inscrits aux conseils. Sont exclus de droit tous ceux qui exploitent ou consomment des animaux et qui salarient un autre homme. Il est décidé qu’il n’y aura pas de recours à la justice officielle.
L’aménagement
Des habitations particulières seront édifiées avec le concours du sociétaire. Chaque sociétaire bénéficie d’une jouissance à vie, sans loyer mais aucune sous-location n’est permise. A cela s’ajoute un potager individuel de 1000 à 1800 mètres carrés selon qu’on est seul ou en ménage.
Dans le projet sont prévus : un pavillon de malades pensionnaires, un préventorium et une école pour les enfants de l’intérieur et de l’extérieur, un pavillon de visiteurs, un pavillon pour les vieillards sans ressources. Dans une Cité végétalienne, sont exclus les "commerces coupables", "industries pernicieuses et meurtrières", hôpitaux, asiles d’aliénés et prisons pour "faméliques, prostitués, surmenés toxicomanes et dégénérés", casernes et bagnes militaires, abattoirs, manufactures de tabac, lieux d’agiotage, de prostitution, de jeux de hasard, officines pharmaceutiques, sanatoriums de tuberculeux et " t o ute autres institutions s’échaffaudant sur les faux besoins, le surmenage, la maladie, la fraude, l’exaction et l’ignorance par dessus tout " [19].
Rien ne permet de dire si Terre Libérée fonctionne effectivement comme tel...
Terre Libérée, historique
L’aventure débute à la fin de 1923, Louis et Clémence Rimbault parcourent la Touraine pendant un mois pour trouver "la terre féconde" (fin 1923). A la même période, une grande conférence publique est organisée à Paris en novembre. Intitulée " Le meilleur chemin de la libération ", elle accueille comme orateur Han Ryner pour disserter de la " libération morale ", le Dr Legrain pour la " libération physique " et enfin Rimbault pour la " libération économique ".
C’est à Luynes, un village proche de Tours que s’installe la cité végétalienne. Un terrain situé au lieu dit « Le Pin » à 2 km 500 du village de Luynes est acquis pour 16000 frs de l’époque. Implantée sur une des parties les plus élevées du pays, la colonie comprend dix hectares de bonne terre (dont 2 ha de vignes et 6 de terres cultivées ou prés cultivables) situés sur un coteau abrité des vents par une ceinture de bois de sapins et de châtaigniers. Il y a de nombreux arbres fruitiers et un petit ruisseau passe à l’extrémité de la propriété qui comprend en outre plusieurs pièces d’eau et un bon puits. Des bâtiments d’une ancienne ferme seront " à remanier selon la conception architecturale et artistique propres à une vie rationnelle et vraiment libératrice " [20], " une architecture nouvelle, des Cités et de l’habitat, cadrant avec une vie harmonieuse ne polluant plus l’atmosphère, ne souillant plus la source " [21]...
Les pionniers partent le 18 février 1924. Sur Paris, des réunions se tiennent tous les mardis soirs au siège de la S.E.T.E.G. (Société d’Etudes Techniques et d’Enseignement Général), une société créée par Rimbault et installée à son ancien domicile à Paris, rue Pelleport. Tours n’est pas en reste car dès 1924 et pour une dizaine d’années, Rimbault fait des causeries éducatives sur la Santé à l’Hôtel de Ville. Enfin, des visites sont organisées à Terre Libérée tous les jours avec des démonstrations pratiques culinaires végétaliennes. C’est la camarade Gaby, auteure de nombreuses recettes végétaliennes, parue notamment dans le Néo-Naturien , qui tient la cuisine...
Après quelques mois d’existence, un premier bilan annonce la venue de 150 visiteurs (Luynes est relié journellement à Tours par un tramway). Des déjeuners sont servis chaque dimanche aux voisins les plus immédiats. Et pendant les fêtes du 14 juillet, les boys-scouts naturiens de Tours ont campé à TL. Terre Libérée peut se féliciter des bienfaits qu’elle apporte : " Les pionniers qui sont partis, après le temps qu’ils pouvaient consacrer, étaient en parfait état de santé ; leurs corps bronzés à l’extrême, leur mine épanouie " [22]. Du côté des cultures, Terre Libérée est en mesure de répondre aux commandes en raisin, pommes, noix et poires. Des essais de fabrication de jus de fruits devraient être tentés.
Après 10 mois de vie, un second bilan est un peu plus amer... Le nombre de visiteurs s’élève désormais à 300 mais les premières querelles font leur apparition. Des demandes de remboursements et des menaces de poursuites judiciaires de certains coopérateurs... Les premiers problèmes financiers... Les premiers racontars... Il est vrai que Rimbault a la langue bien pendue, souvent franc et direct (comme en témoigne sa correspondance avec Armand). Et qu’il a sans doute tendance à se mettre en avant... comme le montre l’article du Néo-Naturien où est tenu le bilan : « Nous avons eu à déplorer un accident de travail survenu à Louis Rimbault et qui a failli le priver de la main droite. Il n’a dû qu’à ses connaissances en pratique médicale, à son audace, par une opération sauvage qu’il tenta sur lui et aussi par l’énergique décision qu’il prit de partir seul, en pleine fièvre, pour gagner à temps la clinique parisienne où il fut par deux fois opéré de sauver sa main » [23] !
Outre les querelles autour de Terre Libérée, les "théoriciens" et praticiens du végétalisme se brouillent : Rimbault critique vertement la sortie du Végétalien (décembre 1924), nouveau journal de Georges Butaud et Sophia Zaïkowska, qui ferait concurrence au Néo-Naturien . Dans les colonnes de ce dernier, s’adressant à Le Fèvre, Rimbault écrit : " Que penses-tu de ce coup de poignard dans les reins du Néo-Naturien qui criait au secours ? " Du coup, Rimbault se coupe du soutien du Végétalien et de ses auteurs : jamais un article de Rimbault ou sur Terre Libérée n’y figurera. La camarade Gaby alimente elle aussi le différend par des considérations plus...alimentaires : elle réfute le terme innovant de Butaud de " crudivégétalisme " et attaque indirectement Butaud et Zaïkowska en accusant leur salade "Niçoise" de n’être qu’une basconnaise sabotée ! Henri Le Fèvre, lui, écrit : " Le Végétalisme, mouvement naissant, est déjà rongé par des questions de personnalités "...
Malgré tout, Terre Libérée continue son chemin. Déçue du peu d’attrait qu’elle suscite pour les "forts", la cité accueillera donc les "rescapés". Un préventorium végétalien pour les enfants, les malades, les surmenés et les convalescents est créé. Pour les biens portants, les repas réparateurs sont toujours de mise. A l’extérieur, Terre Libérée adhère en 1926 à l’A.P.A. (Association Paysanne Anarchiste) créée autour de l’en-dehors et administrée par Armand. Elle continue à faire parler d’elle dans l’en-dehors , la parution du Néo-Naturien étant de plus en plus aléatoire et les relations entre Rimbault et Le Fèvre de plus en plus tendues.
En décembre 1926, coup dur à la cité, Clémence Rimbault, la compagne et première épouse de Louis meurt. Malade depuis plusieurs années, Clémence ne s’était guère remise du traumatisme subi lors de l’affaire des "Bandits Tragiques" (à l’arrestation de Rimbault, le domicile avait été assiégé, gazé puis perquisitionné et Clémence vivement interrogée). Elle décède des suites d’une tuberculose.
Et à partir de 1927, Rimbault note une certaine désaffection de la cité. Les relations avec Armand se brouillent elles aussi : certaines communications de TL ne sont pas insérées dans l ’en-dehors, Armand refuse de vendre une brochure sur le tabac, Rimbault lui reproche de cultiver le vice etc. Pourtant l’activité à Luynes se poursuit, au moins jusqu’en 1933 : parution et diffusion de brochures, conférences un peu partout (et notamment en 1928 une conférence publique et gratuite sous les auspices de la Société Végétalienne de France à la Mairie du VIe à Paris intitulée « Les origines de la vie humaine révélées par la pratique du végétalisme intégral. La vie à Terre Libérée »), des visiteurs continuent à passer (200 en 1929) et de nombreuses correspondances se nouent " avec les camarades plus spécialement attachés à la terre ou susceptibles de s’y attacher (...) nos méthodes de culture, basés sur notre méthode de vie végétalienne sont discutées et commentées avec fièvre " . TL " existe par ses propres moyens, vit dans l’abondance sans un sou de dette " [24].
Le bilan de l’année 1931 paru dans l’ en-dehors résume ainsi l’activité, diversifiée et dynamique (du moins selon ses auteurs) de Terre Libérée : " Eugénisme, nudisme laborieux, vie sans jalousie, pédagogie instruite du fait vécu, pratique des artisanats bienveillants sans le secours de la machine ni des matériaux neufs, études médicales d’action préventive, lutte contre le stupéfiant par des actions publiques, conférences publiques et gratuites sur la santé, recherches sur les plantes alimentaires sauvages " [25].
Mais un dernier événement vient mettre un frein définitif à toutes ces activités : en septembre 1932 " un accident pénible survenu au cours d’une leçon de construction de bâtiment (...) valut à LR de perdre l’usage des membres inférieurs et du bassin ". Rimbault restera paraplégique jusqu’à sa mort. Hormis le tragique de l’accident, le récit cocasse qui en est fait mérite d’être rapporté ici. L’accident est survenu à cause d’un élève distrait et maladroit qui quelques lignes plus loin s’avère être " un Russe blanc, fasciste, mystique, fanatique qui se sauva après l’accident " [26]. De bien curieuses fréquentations pour un lieu anarchisant... Bien des années plus tard, l’accident est devenu, des propos de Rimbault " un attentat anticommuniste devait me laisser pour mort en septembre 1932 et se faire cause occasionnelle de mon « allongement » définitif. Malgré cela, se sera porté sur manucycle et stylaut ma douloureuse infirmité que je continuerai d’assurer la direction technique de cette école naturarchiste - la seule au monde - portant enseignement d’hygiène de la conscience, par la possible surveillance, pour chacun y collaborant, du retentissement, économique et social - et donc moral - de ses journalières actions " [27]. En 1933, Rimbault est moins ambitieux. Il se propose alors de vendre le lieu à qui voudraient en faire un lieu de camping, de repos ou de soins naturistes ou encore d’études libératrices de l’individu. D’autant que la même année, sa compagne, la fameuse Gaby l’abandonne et part avec sa fille (Solange ?). " Je me dois de déclarer pour, un peu, de la défense de ma compagne, qu’elle fut victime, facile, des manœuvres « enveloppantes » ayant pour but mon abandon et la ruée sur le domaine et son contenant (qui s’organisaient de pair), œuvre d’un voisinage hostile au « beuveur d’eau » et de « l’homme qu’écrit », mais, lui-même, ce voisinage manœuvre par les industriels du malheur et les riches capitalisants, ces mendiants puissamment organisés, auxquels nous refusions, exemplairement, l’aumône " [28].
Ces témoignages de Rimbault laissent à penser que l’ambiance à Terre Libérée n’est pas celle qu’il voulait laisser paraître jusqu’ici : querelles internes et difficultés de voisinage sont au rendez-vous. Pourtant, malgré la tentative de vente et les difficultés, Rimbault continue à vivre (seul ?) à Luynes. Il rédige son autobiographie (dont je n’ai pu retrouver trace...) : " 300 pages émouvantes et documentaires sur la vie tragique des guides de l’humanité ", où il revient notamment sur l’affaire des "Bandits tragiques". Plusieurs brochures paraissent encore. Et puis Rimbault se marie à nouveau en mars 1938 : curieuse idée pour un ancien anarchiste individualiste ? Il ne se laisse pas démonter et il justifie son acte ainsi " Le mariage n’est qu’une simple formalité de prudente garantie contre l’exaction des hommes et de leurs lois " [29]... L’heureuse élue est Léonie Pierre, dont la description faite par Rimbault laisse perplexe : " une jeune fille orpheline, que Clémence Rimbault et moi avions recueillie, puis relevée des malheureuses conséquences d’un hérédité de noceurs alcooliques. Et cela se continuera par mes soins, et de 23 ans de constante observation de cette arriérée, mais qui, de tout ce temps, s’était appliquée, avec une constance rare - chez un pauvre être qui aurait dû en être privé - à prouver la bonté de cet adage qui veut « qu’un bienfait ne fut jamais perdu », en s’attachant, dès 1927, à ma vie autant que j’avais consenti par l’étude et le fraternel appui à lui apporter dans la lutte pour la vie, à me donner au réveil de son esprit, malgré l’incurabilité officiellement déclarée et avec un succès qui permit au tant regretté docteur Legrain de classer le fait dans la nomenclature des « guérisons célèbres » " [30]...
Pendant la guerre, de nombreux amis vinrent vivre avec eux. En particulier au moment de l’exode de juin 40, ils accueillent une vingtaine de personnes. Dans le voisinage, tout cela fait jaser : " nous recevions des « ceusses qu’on ferait bien de renvoyer manger du pain dans leu pays » ; des « bous à rin » ; des « espions » et moi-même « un mangeur d’herbe trop feignant pour gagner son tabac » ; « anarchisse de la bande à Bonnot », etc. " La guerre puis la collaboration aidant, les relations avec l’entourage ne s’arrangent guère. Rimbault subit plusieurs "attentats " du voisinage : menaces de mort, dévastation de récoltes, vols de matériaux et outillage et parfois règlement de comptes qui en viennent aux mains. " un lâche et sauvage attentat de plus - le 4ème - ayant pour objet de retourner mon manucycle les roues en l’air, Ninette s’y opposant en faisant face à l’aggresseur (une brute soularde bien choisie pour s’être déjà fait la main sur l’assassinat de sa femme, mère de famille de 6 enfants), brave Ninette fut seule blessée, à coups de poings, mais sans autre conséquence que devenir sourde de l’oreille droite. " [31] D’un côté, on le surnomme le "boche" pour n’avoir pas souscrit à l’édition du portrait de Pétain, de l’autre Terre Libérée est perquisitionné après une dénonciation pour dépôt d’armes.
Enfin, "A l’avance américaine et F.F.I., un véritable « cordon sanitaire » [...] devait s’établir avec menaces de mettre feu à nos « cabanes » - de très jolies et fort confortables constructions - par moyen de poteaux, haut de 3 mètres, scellés en terre au bord des routes nous avoisinant, et portant inscriptions en vernis noir sur panneaux de bois, de 60*50 environ, nous désignant nominalement, le nom suivi de la croix gammée avec flèche montrant direction du lieu à une meute hurlante soulée à souhait pour nous faire un mauvais parti. Le flot montant devait cependant cesser de déferler par l’audacieuse et courageuse entreprise dont Ninette Rimbault, ma seconde épouse, pris initiative d’abattre les poteaux indicateurs et les brûler, pendant qu’armé seulement d’une trique, je tenais tête aux plus hardis aboyeurs quoique ne pouvant bouger de mon manucycle." [32]...
Dans les dernières lettres que Rimbault écrit à Armand et dont sont extraits ces récits mouvementés, on voit que ce " guide d’humanité " ne perd rien de sa véhémence ni de sa mégalomanie. Il paraît même de plus en plus farfelu. Il garde sa verve critique (il traite à plusieurs reprises Armand de "chameau") et il est toujours préoccupé par ses sujets favoris comme le tabac... Il meurt à 72 ans le 10 novembre 1949 et est enterré à Luynes. Sur sa tombe on peut toujours lire :
Ecole de pratique végétarienne
A qui il consacra sa vie dans le but
d’une régénération sociale
Le végétalisme de Louis Rimbault
Auteur d’une série d’articles dans le Néo-Naturien , Rimbault écrit également plusieurs brochures dans l’entre-deux-guerres. Il y expose à chaque fois sa conception du végétalisme, les raisons de s’y adonner et les moyens de le faire.
Reprenant des arguments traditionnellement développés dans les milieux libertaires pour le végétarisme au début du siècle, il justifie son végétalisme sur plusieurs plans. D’un point de vue éthique bien sûr, il rappelle la cruauté humaine envers les animaux et leur abattage, " surmené, harassé, affamé, maltraité, terrorisé ". Il rappelle le peu d’hygiène de cette viande de mauvaise qualité dû à l’élévage de l’animal, " toujours nourri, engraissé artificiellement au moyen de produits infects, nocifs, dangereux " et aussi au stress de son abattage. Il reprend des explications physiologiques classiques, tel le fait que le système digestif de l’homme est celui d’un frugivore, en développe d’autres plus poussées, comme la toxicité de la viande, pleine des poisons sécrétés par le corps.
Enfin, il ajoute l’argument économique du régime végétarien moins coûteux. Pensons à toutes ces cultures, comme les vignes, les céréales (pour le tabac et l’alcool) " malfaisantes, nuisibles, homicides ", au commerce " nécrophage " ! Autant de faux besoins, de non-aliments qui coûtent tant " de peine, de privation, d’esclavage, de misère et de souffrance pour ce seul résultat : la dégénérescence de l’humanité ! " [33]. Car plus que le simple coût quotidien d’une " alimentation sanglante ", celle-ci est cause d’une " dégénérescence de la race " sur plusieurs générations. " Le café et la viande compromettent une race, au bout de quatre générations (trois, disent certains auteurs) (...) Une génération de travailleurs qui a mangé de la viande, usé de toxiques, de produits industrialisés, de produits concentrés, a changé l’état colloïdal de son sang et altéré sa puissance physique et son pouvoir intellectuel et moral, et rien ne prouve que l’on pourra remonter cet état de déficience ! " [34]. Après le développement des idées, voici venu la passage nécessaire et vital à la pratique : " Syphilis, tuberculose, cancer, encéphalite léthargique, alcoolisme, cocaïnisme, morphinisme, tabagisme, caféïsme, etc., voilà le résultat de quelques milliers d’années consacrées au triomphe des "idées" - peut-être - mais certainement au détriment de l’individu, qui entraîne la bête dans sa dégénérescence, dans sa perversion, dans sa course vers la mort " [35]...
Rimbault utilise aussi un argument moins courant : l’homme primitif était -on s’en serait douté- végétalien [36] : végétalien mais surtout refusant " tous désirs les diminuant dans leurs facultés sensibles ". Bien sûr, il n’est pas question de revenir à " l’état intellectuel primitif " mais de s’inspirer d’une vie alimentaire rationnelle, saine et naturelle qui permet une vie libre et harmonieuse.
Pour cela le végétalien s’appuie sur la médecine et la science. Mais Rimbault est très critique quant à ces dernières. Il attaque la médecine curative, qui se contente de faire des constatations et d’enseigner comment l’on meurt et non comment l’on vit. " Le médecin, lui aussi "industrialisé", est intéressé à ce que les maladies soient fréquentes, l’état sanitaire défectueux et la mentalité des individus absurde et exploitable à merci " [37]. Pour lui, la maladie est " un état de fièvre réagissant contre le mal enfin constitué ou sur le point de l’être " [38]. Elle n’est que l’aboutissement du " vice de mal vivre " [39]. Il propose une médecine préventive et en lutte contre ces modes de vie néfastes par un enseignement large de la thérapeutique végétalienne. En effet, le végétalien est " le type du bien-portant par excellence " [40]. Sa prescription est donc de s’établir tous hygiénistes et tous végétaliens et de proclamer la fin des médecins, guérisseurs et hygiénistes... De sa critique de la médecine découle une critique de la science officielle qui " a prôné et édifié des croyances, des lois, des morales, des dogmes, des politiques " [41]. Surtout, Rimbault répugne à céder à l’" abstraction laboratoriale ", propre à bien des scientifiques. Pour lui, il s’agit bien de poursuivre ses expérimentations pour progresser vers une " libération immédiate ".
Moyen de libération individuelle comme de régénérescence de l’humanité entière, le végétalisme est conçu comme la solution, le but ultime à atteindre. Il faut donc répandre non pas le végétarisme mais le végétalisme qui " ne conçoit pas qu’on évolue à moitié " [42]. C’est-à-dire qu’on ne consomme ni viande, ni lait, ni beurre, ni fromage ou oeufs. Mais également que l’on renonce, du moins dans la vision de Louis Rimbault à de nombreux autres aliments toxiques comme le café, le thé, le vin, le tabac, etc. Son végétalisme n’est pas seulement une astreinte alimentaire mais implique tout une hygiène de vie.
La vie saine implique également la vie au grand air, à la campagne, le retour à la terre. Comme l’écrit un des soutiens de l’entreprise : " il faut ramener l’individu à la possession du sol ", car la disparition de l’artisan et du petit cultivateur signe la fin de la possibilité de vivre indépendant. Il faut " ramener les humains à l’amour de la terre " [43] non seulement car elle assure une certaine indépendance mais également pour faire des cultures saines. " Quelques hommes clairvoyants ont cependant réagi, et, de cette situation, presque désespérée, est né, sous leurs efforts et l’exemple de leur vie saine, bienveillante et logique, LE VEGETALISME régénérant physiquement, moralement les hommes, EN LIBERANT LA TERRE DE SES MAUX " [44]. A Terre Libérée -on ne cultive que fruits et légumes, bien sûr- des expérimentations ont lieu, ressemblant probablement à ce que l’on nommerait aujourd’hui culture biologique : " ces essais d’apport de terres variées, en matière de jardinage, ont donné des résultats encourageants par l’excellence et l’abondance des productions, curieuses, obtenues par ce moyen, bien naturel, de traiter la terre qui ne recevra donc pas le fumier des écuries esclavagistes, contaminantes et encore moins l’engrais chimique" [45].
Notons également que persiste chez lui le refus de l’industrialisation, refus commun à un certain nombre d’anarchistes et de naturistes, et contrairement à la mouvance socialiste, désormais acquise à la modernité industrielle : " Terre Libérée a enseigné toutes les techniques utiles à la vie rationnelle, libre et solidaire, sans le recours de la machine et des matériaux neufs, afin qu’un homme puisse vraiment se libérer sans le secours des moyens coûteux de la technique industrielle contemporaine"
Végétalisme, retour à la terre, nudisme également, pour Rimbault, tout tourne autour de la recherche d’une vie saine et rationnelle. Mais son discours ne se limite pas à un discours alimentaire, hygiéniste, médical et eugéniste. C’est aussi un discours qui se veut émancipateur, puisque le végétalisme seul peut permettre d’atteindre une autonomie individuelle et une meilleure organisation sociale (par la suppression de faux besoins). C’est " une conception nouvelle de vie rationnelle, utile, libre et fraternelle ". C’est un discours qui invite à la désertion du système de production et consommation capitalistes. Prenons par exemple la brochure sur les plantes sauvages alimentaires : il s’agit de donner les moyens à chacun de " se nourrir gratuitement et plus sainement ". Cette brochure présente ainsi un grand nombre de plantes alimentaires et médicinales que chacun peut trouver sur sa route. Chaque végétalien se devant bien sûr de semer et planter sur son chemin ses graines et ses savoirs auprès des " misérables ", " pauvres vieux abandonnés " et " journaliers malheureux " [46]... On retrouve également dans les brochures la suggestion que si la cuisine végétalienne prend du temps pour sa préparation, ce temps est toujours moindre qu’une journée passée à trimer au travail pour se payer une alimentation toxique... Rimbault continue donc à prôner l’évasion, du salariat mais aussi de tout un mode de vie.
Médecine naturelle, alimentation végétalienne et bains de soleil. Le bilan de l’année 1931 paru dans l’en-dehors résume ainsi Terre Libérée : " Eugénisme, nudisme laborieux, vie sans jalousie, pédagogie instruite du fait vécu, pratique des artisanats bienveillants sans le secours de la machine ni des matériaux neufs, études médicales d’action préventive, lutte contre le stupéfiant par des actions publiques, conférences publiques et gratuites sur la santé, recherches sur les plantes alimentaires sauvages " [47]
Le végétalisme permet finalement à Rimbault de mêler individualisme, anarchisme et naturisme dans la justification et la poursuite de son projet...
Des anarchistes, des naturistes, des végétaliens...
Ainsi, Terre Libérée a des amis végétaliens, naturistes, naturachistes et anarchistes individualistes... mais " se place au-dessus de toutes les religions, les philosophies et les morales établies " [48]. Les influences de Rimbault sont multiples, issues de l’individualisme anarchiste comme du monde médical. Faisant preuve d’un rationalisme et d’un scientisme inébranlable (comme beaucoup de ses compagnons d’avant guerre) il a en effet suivi des études à l’hôpital et à l’asile d’aliénés. Il cite ainsi un certain nombre des scientifiques, généralement liés aux anarchistes d’avant-guerre par une commune appartenance aux milieux végétaro-naturistes [49]. Le Dr Legrain par exemple, médecin-aliéniste, conférencier, va soutenir Rimbault dans son projet [50]. Parmi ses connaissances ou ses références on peut encore relever Paul Carton [51], Demarquette [52], Marcel Labbé [53], Jean Morand [54] ou Ch. Richet [55]. Un mélange de différentes tendances médicales qui vont du moralisme à l’ésotérisme en passant par l’eugénisme. Notons que si Rimbault reprend largement certaines de ces théories, en particulier celles de Paul Carton, il supprime toute trace ésotérique ou théosophique. Citons finalement l’influence décisive de Georges Butaud, à qui il attribue sa conversion définitive au végétalisme : " Il y avait une dizaine d’années que j’usais mes fonds de culotte sur les bancs des amphithéâtres lorsqu’un jour la réflexion me vint de me demander ce que je pourrais bien faire d’un tel enseignement pour vraiment prévenir le mal.
Lorsque je tombais bêtement malade - ce qui arrive à tout bon médecin qui se respecte - ou qu’un des miens souffrant s’adressait à ma... science, je n’avais plus que le médicament à prendre ou à indiquer et cela de complicité avec un médecin de mon choix qui, comme moi, avait appris comment on meurt, mais pas comment on vit.
Ce ne sera qu’au contact de Butaud que je saurais enfin ! quoi faire des mes connaissances qui commençaient à bougrement m’embarrasser. A partir de ce moment je me livrerai à quelques recherches permettant une mise au point sérieuse du végétalisme idéal et laboratorial de cette époque en lui le principe raisonné, immédiatement et facilement contrôlable de l’infinie variété " [56]. Pendant quelques années, il fait route commune avec Butaud et Zaïkowska. Puis, malgré une admiration persistante, Rimbault se brouille avec son " Maître en végétalisme " [57].
Sans oublier le caractère ombrageux, farfelu, mégalomane de Rimbault, il semble rompre petit à petit les liens avec les uns et les autres. Le crime d’anarchisme semble lui faire ombrage. Vivre intégralement , journal naturiste soutenu par K. de Montgeot et Charles-Auguste Bontemps, la revue Hygie de la Société Végétarienne de France et même Régénération , journal du "Trait d’Union" grignottent ou refusent progressivement ses articles. Parmi les naturistes et végétariens beaucoup s’intéressent à la réforme des modes de vie, bien peu à la subversion du monde qui les entoure : "Le mouvement végétalien [...] prend en France et un peu partout à l’extérieur, une importance sérieuse. Le naturisme cherche à endiguer le mouvement végétalien qui est « non coopérateur » aux forces du mal sur lesquelles reposent l’Etat et le naturisme sanctionne les situations acquises, le naturisme n’engage à rien et le politicien y foisonne. Nous végétaliens, sommes sabotés et nos articles refoulés, nos publications renvoyées. Nous sommes pour ces gens là des « anarchistes en action » Ceux là ont vu clair !" [58]. Rimbault se refuse peu à peu à faire du naturisme ou du végétarisme : seul compte pour lui le végétalisme, moyen de se libérer immédiatement et de mettre en acte son anarchisme.
Anarchisme, révolution et évasion
Critique envers le naturisme et le végétarisme, Rimbault ne l’est pas moins envers l’anarchisme. Il faut bien dire que Rimbault se proclame contre toutes les chapelles, religieuses ou non, et même anarchistes et s’en prend à tous les " conducteurs de troupeaux blancs, rouges ou noirs " [59]. S’il a été plus particulièrement attiré par l’anarchisme individualiste, c’est sans doute par son côté constructeur, mise en pratique : vivre l’anarchie, sa révolte au quotidien sans remettre au lendemain. Ce qui rebute Rimbault par dessus tout, c’est l’IDEALISME et tous ceux qui ne parlent que de leur idéal sans jamais passer à l’action.
D’autant que pendant l’entre-deux-guerres, la mouvance anarchiste (du moins du côté "orthodoxe") s’enlise dans des querelles théoriques à propos de l’organisation. Ces anars orthodoxes reprochent à Terre Libérée un végétalisme exclusif. "Le Libertaire s’est refusé à publier nos articles cependant sollicités parce que nous faisions « double emploi » parce que nous faisions « déviation » parce que nous faisions des « éclaircies dans les rangs de l’organisation »". Jusque là rien de bien surprenant puisque les individualistes sont peu à peu relégués des groupes anarchistes en mal d’organisation...
Mais même Armand, pourtant plus proche des idées naturistes que le Libertaire , lui reproche d’être peu dangereux pour l’ordre social ou bourgeois ! A cela Rimbault lui répond : " Il n’y a qu’E. Armand, cependant du métier, pour ne pas voir que le végétalisme n’est pas qu’une question d’hygiène alimentaire pour constipés comme le végétarisme (avec lequel il ne faut pas le confondre) pour ne pas voir que c’est une pratique de non-coopération formelle et absolu contre toutes les forces sur lesquelles repose l’Etat et ses satellites : Eglise, Argent, Salariat, Armée, Justice. "
Tout l’anarchisme de Rimbault repose sur ce principe de non-coopération. Les végétaliens sont " des anarchistes en actions, qui ne coopérent en rien que ce soit, par notre méthode de vie, aux forces sur lesquelles reposent le principe d’Etat ou de simple autorité ; c’est ainsi que font les végétaliens qui cependant ne se réclament pas de l’anarchie : un mot pour tant de dillettantes " [60]. Car ce qu’il reproche à Armand, en particulier mais qui s’applique également à d’autres, c’est assurément son manque de passage à l’acte. " L’abruti individualiste vaut l’abruti de l’église, tous deux cotisent et usent leurs fonds de culottes pendant 2 ou 3 ans sur des bancs de bois pour entendre les menus boniments sans jamais se libérer de leurs curés qui se garderaient bien de les sevrer de leurs vices les soudant aux abrutissoirs. Bien mieux, pour ce qui te concerne tu as le courage de diviniser le vice quel qu’il soit et c’est du reste ce qui t’a enfin fait connaître le succès ! Le végétalisme libéré, ta philosophie vit des chaines subtiles dont elle entortille tous ceux qui aiment à composer avec leurs vices, leurs défaillances et satisfaire à leurs appétits déchaînés au détriment de ceux qui sont condamnés à ne pouvoir penser et se défendre. " [61] Il est fort probable que Rimbault était agacé par le manque de mise en acte de ses idées par Armand, et par bien d’autres. Dès avant 1914, dans les milieux individualistes, Armand fait plus figure d’intellectuel avec ses parutions, tandis que Rimbault est plus un réalisateur.
Face à la désillusion quant au grand soir, il semble ne jamais cesser sa poursuite d’une libération immédiate, dans les milieux libres, par l’illégalisme puis par le végétalisme : " Quand l’homme a compris que le milieu économique, social, ne peut être transformé par son vouloir ; que son idéal ne peut y être réalisé, de ce jour il doit chercher à s’en évader. Il ne se considère plus que comme un prisonnier, comme un pauvre, comme un misérable isolé qui veut se libérer de l’oppression, de la misère, de la solitude. Il n’est plus solidaire du reste du monde bourgeois ou ouvrier, il prépare son évasion pour gagner un terrain sec où il ait le pied sûr pour qu’il puisse fonder sur le roc l’association économique, sociale, résultat du groupement des évadés " [62].
Ce qui ne veut pas dire qu’il a abandonné l’idée de révolutionner la monde... Rimbault attend le changement de l’évolution des individus, voilà son individualisme. Il n’attend plus rien des masses et a abandonné le combat révolutionnaire et l’action directe. " Les plus belles pages de l’histoire révolutionnaire n’ont été inspirées que par l’acte individuel ; il n’y a rien à attendre des foules. Travailler à la régénération de l’individu pour l’amener à la perfection de son être et du milieu, voilà le seul acte révolutionnaire qui compte " [63]. Seule l’éducation et la propagande comptent désormais pour lui. Un éducation par le vécu. Rimbault est un "exemplariste". Et par la diffusion du végétalisme, et la remise en cause des faux besoins, l’Etat et le capitalisme seraient de fait mis en danger, par la perturbation des systèmes de consommation et de production. L’homme ayant besoin de peu, plus de moyens de l’exploiter !
Pour finir, quelques mots d’Armand, qui sont comme une réponse aux ambitions de Rimbault : " La tendance "naturienne" et "néo-naturienne" apparaît sympathique en tant que considérée comme réaction contre le surmenage fièvreux, insensé de l’industrialisme et du commercialisme spéculateurs et rationalisés. Mais que cette tendance prétende représenter l’individualisme anarchiste, c’est ce qui ne saurait se concevoir ! (...) Ce que les individualistes entendant par naturisme , c’est la réalisation de leur nature individuelle ; c’est la faculté, la possibilité - la liberté - de vivre, chacun d’eux, selon leur nature ou, ce qui revient au même, selon leur conception particulière et personnelle du "naturel" (...) Il y a un naturisme individualiste qui revendique pour chacun de ceux qui le veulent "le droit" de vivre sa vie selon sa nature (tempérament, instincts, goûts, imagination, etc.), à ses risques et périls, sous réserve de la réciproque à l’égard d’autrui et sans empiéter sur la façon de vivre de cet autrui (...) sans se soucier si cela ne concorde pas avec le critère moral des salariés de la haute ou basse police des sociétés - sans se soucier si c’est ou non d’accord avec le naturisme des ascètes, des abstinents, des réformateurs des moeurs publiques ou privées, dont le moins qu’on puisse dire est qu’on ne les voit jamais désavoués par les dirigeants politiques et les profiteurs économiques " [64].
QUELQUES TEXTES DE RIMBAULT
Avec le Progrès, on voit crever les plafonds des maisons d’habitation sur plusieurs étages, pour y abriter, dans un débordement de luxe épicier, des mannequins de cire, par centaines de milliers, ainsi que nous le révèlent les chiffres fournis par les intéressés.
Des mannequins, par centaines de mille, habillés richement de vêtements les plus divers, portant fourrures, bijoux, armes, jumelles, "faisant canne", chaussés luxueusement, cravatés, chapeautés, entourés de magnifiques meubles d’appartement, de bureau, de jardin, munis d’ustensiles et d’outils de cent industries différentes, d’instruments de laboratoires, de cliniques, d’accessoires de T. S. F., de théâtre, d’objets pour le voyage, le tourisme, la plage, la montagne, les sports !
Mannequins couverts de falbalas attirant le "surin", de falbalas sentant le crime et faits pour des êtres mis au monde pour manger de l’homme et plus spécialement de la femme !
Pendant que le "client" loge dans les taudis, les meublés (?) de quartiers "démocratiques et sociaux", le mannequin a conquis les sous-sols, le rez-de-chaussées, l’entre-sol et les étages-terrasse des avenues les plus neuves, les plus larges, les plus fleuries, pour y vivre dans une oisiveté provocante et exempte d’impôts, comme toutes les oisivetés en général. On apprendra aussi au mannequin à gesticuler, à bonimenter pour duper son frère inférieur : l’homme civilisé ! Chauffé, éclairé, les pieds posés sur le moelleux tapis, plus surveillé la nuit que ne le sont les malades des hôpitaux, coiffé, fardé par des as-merlans, habillé, déshabillé, brossé, parfumé par des employés-valets, le mannequin occupe parfois pour lui seul, l’espace suffisant à la vie d’un ménage ! Voilà un des mille accidents du Progrès, aidé par la science sans conscience ! [65]
"LA BASCONNAISE "
Salade composite, complète, d’infinie variétés
La salade basconnaise sera composée de toutes verdures potagères, de toutes salades et légumes verts coupés fins, après lavage à l’eau salée d’abord, et rincés à l’eau courante.
Les racines crues, carottes, navets, rutabagas, radis noirs, panais, raves, betteraves, pommes de terre, topinambours, etc., simplement brossés - un légume, un fruit épluchés perdent jusqu’à 8 parties sur 10 de leur valeur nourricière - sans être épluchés, il seront donc nettoyés à la brosse à main dans l’eau courante, si possible, et coupés par le travers du fruit - afin que le fil soit coupé menu - avec un couteau de ferblanc, dit "couteau à la julienne", vendu communément 0 fr. 65 dans les bazars. Ce couteau, garni de petites encoches, produit une julienne qui fait s’entrelacer, dans un coloris appétissant, puis se confondre, tous les éléments en présence.
Le radis rose et le salsifis, seront coupés en petites rondelles à l’aide de l’extrémité du couteau, réservée à l’épluchage de la pomme de terre.
Les fruits, tels que tomate melon, seront coupés fin en petites tranches, le melon, débarassé de sa pelure ; le concombre, la pomme, ces deux derniers lavés avec soin et non épluchés, seront débités en julienne, pépins enlevés.
D’autres fruits tels la cerise - noyau sorti - la groseille à grappe, la framboise, l’amande, la noix, la noisette et le marron - ces quatres derniers coupés en petits morceaux - agrémenteront la basconnaise, suivant ce que la saison fournira de fruits.
Les légumes secs : haricots, lentilles, fèves, pois, cuits dans les soupes (au moyen de la boule à riz ou d’un petit sac de toile) seront ajoutés dans la proportion d’une cuillerée à bouche ou deux par personne.
Les haricots verts coupés fins, les fèves fraiches coupées en petits morceaux et le petit pois, peuvent entrer, pour une petite part dans la composition de la basconnaise.
Le chou-fleur (cuit et cru), les légumes verts cuits, les croûtons de pain au four - supprimant le pain sur la table - et la pomme de terre cuite (2 en moyenne par personne), seront également ajoutés.
Le blé grillé (doré seulement) et passé au moulin à café, le maïs également, remplaceront avantageusement les croûtons de pain grillé ou dorés à l’huile chaude à la poêle.
Toutes les variétés de choux crus, coupés très fins, sont tout spécialement recommandés pour leurs principes minéralisateurs ; le chou cuit est à écarter de la basconnaise.
Les amandes et le blé trempé dans l’eau avec quelques gouttes de jus de citron, pendant 12 heures au moins, et passés ensuite au hache-viande, font de la basconnaise un aliment complet, de soutien et de force.
Condiments associés au choix : poireaux, ciboulette, oignons, ail - vert de préférence - pourpier, oseille, persil, cerfeuil, estragon, fenouil, sariette, raiponce, pimprenelle, champignons crus et fleurs de luzerne, de trèfle, de sanfoin ou capucines, de roses, de genêts.
La salade pourra être assaisonnée de citron en remplacement du vinaigre - quelques gouttes de vinaigre peuvent détruire une part importante des principes minéralisateurs - d’huile de bonne qualité, au choix des variétés, et de sel.
Si la femme dit gagner du temps en faisant cuire une entrecôte, un poulet, une cervelle, ou en présentant des huîtres, des confitures, des fromages, des pâtisseries, du café, etc., il lui faudra penser que son éternel exploité de mari, pour gagner toutes ces saletés, en perdra, lui, du temps, de la liberté, de la dignité, de la vie, en entretenant du même coup, les commerces et les industries ennemies de la vie, pourvoyeuses de la misère et de la guerre !
POT-AU-FEU VEGETALIEN
Le pot-au-feu végétalien est fait de la même proportion d’eau que l’ordinaire pot-au-feu, qu’il remplace auprès des gourmets et des gourmands les plus difficiles, avec avantages nombreux et des plus inattendus.
Jeter à l’eau froide : laurier, romarin ou thym, ail coupé menu ; puis à l’eau tiède : navets, carottes, topinambours, coupés en quartiers, chou-rave, radis noir, en rondelles minces, et céleris-rave et panais en julienne.
A l’eau bouillante : poireaux, bette, petits pois, haricots verts, fèves vertes coupées en petites tranches, oignons, salades, fanes de carottes, de salsifis, de radis, de navets coupées menus.
Ajouter dans l’ordre, suivant saison : salsifis, pommes de terre, une pomme ou deux coupées en rondelles, potiron ou tomate, asperges, et en dernier : oseille, un coeur de chou ficelé, persil et cerfeuil.
Après cuisson de deux heures, maximum, et à tous petits bouillons, retirer les légumes, les mettre sur un plat et semer sur le tout : persil, ail, échalotte, fenouil, pimprenelle, estragon, ciboulette, coupés fin et assaisonnés d’huile, de sel et de citron. Mélanger et servir chaud. L’hiver, le pot-au-feu pourra être préparé avec des légumes secs, mais la cuisson sera plus longue et débutera 35 à 40 minutes à l’avance par celle, spéciale, des légumes secs, trempés au préalable.
Le blé, doré au four ou à la poêle sèche, et ensuite passé au moulin à café, donne une agréable saveur au bouillon, tout en le rendant plus nourrissant.
Si l’on tient à donner le change et faire croire à l’ordinaire pot-au-feu, on pourra teinter le bouillon à la chicorée (qu’on peut obtenir soi-même en coupant de petites parcelles, grosses comme de petits maïs, de racine de pissenlit ou de chicorée sauvage, torréfiées au four ou à la poêle sèche et ensuite passées au moulin à café).
Le bouillon, servi après le plat de légumes assaisonné, l’huile restant au fond des assiettes, donnera l’illusion du bouillon de viande... du bouillon de cadavre plutôt.
Si l’on ajoute, au bouillon, 25 minutes avant de servir et par personne, une assez forte pomme de terre lavée avec soin, sans être épluchée, et râpée sur la râpe à sucre, on obtiendra une parfaite imitation du potage de tapioca (de tapioca non falsifié s’entend).
GALETTE DE PAIN INTEGRAL
Sur 20 cuillerées à bouche de farine et de semoule de blé, n’ajouter que 4 cuillerées de son.
Pétrir avec eau tiède, légèrement salée, ajouter soit estragon ou romarin ou fenouil coupés très fins.
L’eau de pétrissage pourra être agrémentée par le trempage de figues ou de pruneaux ou de jus de fruits.
Pendant l’opération de pétrissage et de feuilletage, il sera ajouté, en plusieurs fois, trois cuillerées à café d’huile blanche ou d’olive. Durée de pétrissage, 20 minutes environ. Former une galette peu épaisse. La cuisson se fera avec un appareil spécial, fort simple, qui pourra être façonné très facilement et du modèle suivant :
Confectionner, suivant les dimensions d’une marmite assez grande, une bague de tôle noire, haute de 8 à 10 centimètres, bordée ou non. Sur la moitié de la hauteur et à l’intérieur de la bague, par moyen de pattes rivées ou de trous percés, suspendre un treillis grillagé qui portera la galette à cuire.
Placer cet appareil couvert, contenant la galette, sur le fourneau, tous tampons fermés et sur bon feu. La cuisson s’opère en retournant de temps en temps la galette, qui sera humectée vers la fin de la cuisson sur les deux faces,par moyen d’un linge imbibé d’eau salée.
[1] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[2] Louis Rimbault, « Pour ne jamais fumer », Le Néo-Naturien, n° 22, août-octobre 1927 (extrait d’une brochure parue en 1920.
[3] LEFEBVRE André, Le Milieu libre de Bascon, texte dactylographié de la conférence faite à la Société historique de Château-Thierry, septembre 1963
[4] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Lettre de Rimbault à Armand, [1929-1930 ?], I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[9] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[10] RIMBAULT L. Cité dans L’Exercice du Bonheur. Ou comment Victor Coissac cultiva l’utopie entre les deux guerres dans sa communauté de l’Intégrale, Champ Vallon, Seyssel, 1985, p. 188
[11] RIMBAULT Louis, "Coopérative : "La Terre Libérée"", Le Néo-Naturien, n° 14, octobre-novembre 1923
[12] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[13] RIMBAULT Louis, "Coopérative : "La Terre Libérée"", Le Néo-Naturien, n° 14, octobre-novembre 1923
[14] Ibid.
[15] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[16] TROUSSET Auguste, "L’Aurore", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 24
[17] « Extrait des dispositions générales sur le fonctionnement de la Cité Végétalienne "Terre Libérée" », Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 1924
[18] Ibid.
[19] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[20] "Extrait des dispositions générales sur le fonctionnement de la Cité Végétalienne "Terre Libérée", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 1924
[21] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[22] "L’action de "Terre Libérée"", Le Néo-Naturien, n° 19, juillet-août 1924
[23] « Deux mots de « Terre libérée » », Le Néo-Naturien, n° 20, janvier-février 1925
[24] Lettre à Armand, non datée (sans doute 1929-1930), I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[25] "Terre Libérée", l’en-dehors, n° 222-223, 15 janvier 1932
[26] "Terre Libérée", l’en-dehors, n° 266, mi-janvier 1934
[27] Lettre de Rimbault à Armand, 20 mars 1945, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[28] Ibid.
[29] Voir la carte d’annonce du mariage, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[30] Lettre de Rimbault à Armand, 20 mars 1945, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[31] Ibid.
[32] Ibid.
[33] RIMBAULT Louis, "Le Problème de la viande", Le Néo-Naturien, n° 4, avril 1922
[34] Ibid.
[35] RIMBAULT Louis, "Appel", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 1923-janvier 1924
[36] RIMBAULT Louis, Les Origines de la Vie humaine révélées par la pratique du NATURISME intégral : le VEGETALISME, Largentière, 1929, 28 p.
[37] RIMBAULT Louis, "Le Problème de la viande", Le Néo-Naturien, n° 3, mars 1922
[38] RIMBAULT Louis, Les Secrets bienfaits de la maladie. Les Soins reléguant médecine et médecin, Orléans, La Laborieuse, 79 p.
[39] Ibid.
[40] Ibid.
[41] RIMBAULT Louis, Les Origines de la Vie humaine révélées par la pratique du NATURISME intégral : le VEGETALISME, Largentière, 1929, 28 p.
[42] RIMBAULT Louis, "Le Problème de la viande", Le Néo-Naturien, n° 12, juin-juillet 1923
[43] TROUSSET Auguste, "L’Aurore", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 23-janvier 1924
[44] RIMBAULT Louis, "Appel", Le Néo-Naturien, n° 15, décembre 1923-janvier 1924
[45] Article de L. RIMBAULT, novembre 1929, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 400
[46] RIMBAULT Louis, Plantes Sauvages Alimentaires, Luynes, Septembre 1937, 16 p.
[47] "Terre Libérée", l’en-dehors, n° 222-223, 15 janvier 1932
[48] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[49] Sur la "nébuleuse végétaro-naturiste" voir l’ouvrage d’Arnaud BAUBEROT, Histoire du Naturisme. Le mythe du retour à la nature, Presses Universitaires de Rennes, 2004, 348 p.
[50] C’est un aliéniste qui prône un individualisme constructif : "le véritable individualiste est celui qui extraira de son individu ce qui est le meilleur pour l’entourage et pour le milieu social à régénérer". Pourfendeur de l’alcoolisme et de la "dégénérescence" dès les années 1890, il appartient à la Société Végétarienne de France. Après-guerre, il dirige les Annales Antialcooliques et participe au journal Génération, organe du "Trait d’Union" (voir note 52).
[51] Etudiant en médecine. Malade à 26 ans, il commence alors à s’intéresser à la question alimentaire et il s’associe à la Société Végétarienne avant la guerre. Il s’éloigne ensuite de la mouvance végétaro-naturiste tout en poursuivant ses travaux sur les "aliments meurtriers". Sa médecine naturiste est imprégnée d’ésotérisme. Passéiste et réactionnaire, Paul Carton avait pourtant une certaine sympathie pour Butaud et Zaïkowska...
[52] Fondateur du "Trait d’Union", association prônant le "naturisme intégral", mélange d’hygiénisme, de réformisme libertaire et de spiritualisme mystique. Le "Trait d’Union" avait fondé le foyer végétalien, rue de Tolbiac (Léo Malet en parle dans Brouillard au pont de Tolbiac) et le centre naturiste à Chevreuse.
[53] Chef de laboratoire à la clinique Laennec, auteur avec son frère et Louis Landozy d’une étude sur l’hygiène alimentaire des ouvriers parisiens (1905). En relation avec la Société Végétarienne de France. Tenant d’un certain "moralisme sanitaire".
[54] Secrétaire générale de la Société Végétarienne de France.
[55] Prix nobel de médecine en 1913 et membre fondateur de la Société française d’eugénique. Il s’intéresse pas ailleurs au magnétisme, aux phénomènes métaphysiques et à la responsabilité du psychisme dans la maladie.
[56] RIMBAULT Louis, "Le problème de la viande. Thérapeutique végétalienne", Le Néo-Naturien, n° 17, mars-avril 1924
[57] RIMBAULT Louis, Les Secrets bienfaits de la maladie. Les Soins reléguant médecine et médecin, Orléans, La Laborieuse, 79 p.
[58] Lettre de Rimbault à Armand, 16 février 1930, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[59] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[60] Lettre de Rimbault à Armand, 18 août 1926, I.F.H.S., Fonds Armand, 14 AS 211
[61] Ibid. Lettre à laquelle Armand aurait sans doute répondu que les vices et les vertus restent pour l’individualistes des conventions arbitraires..."Les Individualistes pour décider si tel geste de consommation (...) leur est nuisible, etc., ne s’en rapporteront ni à la morale sociale ni à des théories aprioristiques ; ils décideront, chacun pour soi, selon leur expérience, ou leur capacité d’assimilation ou encore leur degré de résistance individuelle. Il s’agit pour eux d’une question de tempérament, non d’une question de règlement. (...) les campagnes menées en vue d’obliger l’individu de s’abstenir de tel soi-disant "vice" n’intéressent pas plus les Individualistes que les propagandes qui visent à amener, par suggestion, les individus à renoncer à telle "passion". Les Individualistes veulent la vie passionnée, ardente, surabondante en expériences de toutes sortes, dionysiaques"... Le Naturisme individualiste, in Sa vie, sa pensée, son oeuvre, La Ruche Ouvrière, Paris, 1964, p. 362-367
[62] BUTAUD Georges cité par RIMBAULT L., "Le Problème de la viande", Le Néo-Naturien, n° 4, avril 1922
[63] RIMBAULT L., "Libération économique", Le Néo-Naturien, n° 16, février 1924
[64] E. ARMAND, Le Naturisme individualiste, (suppt à l’En-dehors, n° 212-213, 15 août 1931) in Sa vie, sa pensée, son oeuvre, La Ruche Ouvrière, Paris, 1964, p. 362-367
[65] RIMBAULT Louis, Les Secrets bienfaits de la maladie. Les Soins reléguant médecine et médecin, Orléans, La Laborieuse, [s.d.], pp.56-57
[66] RIMBAULT Clémence et Louis, Camarade GABY, "Théories et recettes culinaires végétaliennes", Le Néo-Naturien, Août-octobre 1927, n° 22
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