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Révolte 2019

mis en ligne le 13 mars 2021 - projet-evasions

L’année 2019 a été marquée par un grand nombre de révoltes sociales dans différents coins du monde. C’est une constante dans l’Histoire que des personnes se révoltent depuis le bas contre le haut de la pyramide sociale. Rarement pourtant une année s’est écoulée avec autant de mouvements sociaux radicaux et militants différents qu’en cette année 2019. La révolte cible la majorité du temps le système économique capitaliste, le patriarcat et les gens au pouvoir.

Ce petit livre a pour but de donner un aperçu de ces différentes dynamiques de lutte et d’en augmenter ainsi la visibilité. Bien sûr, une seule citation ne permet pas d’avoir une vision approfondie d’un contexte de lutte. A la fin du livre, on trouve les adresses des sites web d’où sont tirées les citations, afin de permettre de s’informer plus profondément sur les différents contextes.

Chaque mouvement insurrectionnel a ses propres dynamiques et n’est donc jamais homogène ou uniforme, bien au contraire. C’est toujours une rencontre de nombreuses tensions sociales, revendications, motivations et pratiques différentes voire contradictoires. Ces citations ne sont qu’une voix parmi des milliers.

Nombre des luttes citées dans ce livre sont toujours d’actualité en 2020, certaines se sont éteintes et d’autres sont apparues dans de nouvelles régions. Ce qui est certain, c’est que les soulèvements s’influencent et se répondent les uns aux autres. Laissons-nous nous en inspirer ; nous pouvons apprendre beaucoup de chacune de ces expériences de conflit.

Algérie

"J’ai fermement confiance dans la suite des événements. Déjà, chez les jeunes et les étudiants, c’est bien parti. Au niveau des quartiers, on commence à comploter ensemble, à se rencontrer la nuit en cachette, ou même à la pleine lumière du jour. Ce que je peux dire, c’est que même si Bouteflika se retire, cela ne s’arrêtera pas, car le peuple redécouvre sa force."

Entretien de la revue Liasons avec un camarade en Algérie

Catalogne

"On ne sait pas ce qui va se passer ensuite. La société a été divisée et la ligne ne trace aucun fossé national ou linguistique. Elle sépare les gens en fonction de la relation qu’ils ont choisie avec le contrôle social : celles et ceux qui soutiennent la police et celles et ceux qui s’y opposent."

Des anarchistes de Catalogne, interviewé*es par Crimethinc

Chili

"Nous pensons qu’il est extrêmement important de s’appuyer sur l’autodétermination, le soutien mutuel, l’action directe et l’organisation territoriale, qui sont les piliers de la transformation sociale. Les pièges institutionnels tendus par la classe politique et libérale par le biais d’accords juridiques doivent être critiqués, car ils ne favorisent que les personnes qui sont au pouvoir.
La révolte et la désobéissance civile de ces derniers jours ont mis au centre de l’attention toutes les injustices, les inégalités et la violence qu’exerce le Chili. La violence politico-sexuelle a elle aussi été dénoncée : le viol, les agressions, les insultes à l’égard des femmes et des dissident*es sexuels. Elle a été reconnue comme une forme de violence utilisée pour tenter d’intimider les personnes en lutte, pour les terroriser, les humilier et finalement les paralyser. Cela montre qu’il existe, tout comme au temps de la dictature, une violence machiste historique intrinsèque à tous les États. Une violence qui s’exerce depuis le début du monde civilisé. Une alliance machiavélique qui persécute toutes celles et ceux qui échappent au système hétéronormatif et offrent une résistance à travers leurs divers modes de vie. Maintenant que le féminisme a gagné en force, il est de notre devoir de développer notre réflexion, de dénoncer cette violence et de la combattre ensemble."

Groupe anarcho-féministe „Ni amas, ni esclavas“

France

"Les évènements se sont enchaînés à une vitesse folle. Chaque semaine, pendant un mois, se déroulaient des dizaines et des dizaines d’actions que le brouillard médiatique avait tôt fait de dissiper aux quatre coins du territoire national, impliquant des catégories de populations très diverses. Chaque situation locale proposait sa configuration complexe.
Personnellement, nous n’avons vécu que peu de moments aussi intenses qu’entre l’Acte II et l’Acte IV sur les ronds-points/péages occupés, où l’on sentait que, si ces occupations perduraient, il pouvait vraiment se passer quelque chose.
En se concentrant sur l’organisation répétée d’un assaut des métropoles et de la capitale pendant 6 mois, est-ce qu’on n’aurait pas assez pris le temps de discuter et de construire ? Est-ce qu’on s’est battu ensemble sans se parler ? Est-ce qu’on aurait dû construire plus de lieux d’organisation ?"

De jeunes gilets jaunes provinciaux

Haïti

"C’est un travail sur le temps. Il ne s’agit pas de passer simplement le flambeau à une autre équipe gouvernante. On ne veut pas réduire notre combat à une lutte contre le pouvoir ; c’est une lutte contre le système. C’est pourquoi on parle de rupture et de transition.
Ce réveil planétaire, c’est aussi un signal que le système capitaliste est – on l’espère – arrivé à sa fin."

Groupe Nou pap dòmi

Colombie

"Aujourd’hui est un jour de protestation massive au sein de la population, avec une grève générale qui se déroule dans les grandes et moyennes villes. La direction initialement syndicale de la grève générale s’est rapidement transformée en une explosion sociale plus large et éclectique à l’échelle de la population. Ce jour entre dans l’histoire des gens d’en-bas de ce pays. Le 21 novembre ouvre une vague de rébellion politique dont l’issue reste ouverte."

Grupo Libertario Vía Libre

Grèce

"C’est un moment où l’État étend les tentacules de sa répression contre les squats afin de répondre aux besoins des touristes, pour remplacer les logements permanents par des airbnb et pour poursuivre sa violente campagne de gentrification. Nous ne reconnaissons pas la notion de propriété et d’appartenance que l’État protège. Nous avons utilisé ces bâtiments vides pour encourager une communauté de désir révolutionnaire, de beauté et de rejet du capitalisme."

Habitant*es du quartier Koukaki
Athènes

Équateur

"C’est dans la capitale Quito que les conflits de rue étaient les plus violents. Mais une immense solidarité s’est également manifestée. Bon nombre de camarades ont parlé de la "Commune de Quito". La vie ne se déroulait plus atomisée entre quatre murs. Les gens se réappropriaient l’espace social, en érigeant non seulement des barricades, mais aussi des centres de collecte, des zones libérées où la liberté, l’auto-organisation et la solidarité devenaient les préoccupations majeures et remplaçaient la concurrence et la forme marchande. Dans toute la ville, les gens mangeaient dans les cantines, il y avait des assemblées partout."

Un regard vers l’Équateur par Ajour-Magazin

Irak

"A partir des expériences historiques de ces dernières années, comme ce qui s’est passé en Tunisie, en Iran et en Irak, nous comprenons que nous devons tous et toutes être solidaires contre le racisme et le sectarisme et compter sur l’autogestion dans les fermes, les lieux de travail, les écoles, les hôpitaux et autres affaires sociales."

Kurdish Anarchists Forum

Chiapas

"Nous savons aussi que la rébellion est interdite, tout comme la dignité et la colère sont interdites. Mais partout dans le monde, dans les coins les plus oubliés et les plus méprisés, il y a des gens qui s’opposent à la machine qui veut les dévorer, qui n’abandonnent pas, ne se vendent pas et ne cèdent pas. Ils sont entourés de nombreuses couleurs, de maints drapeaux, d’innombrables langues - et gigantesques sont leur résistance et leur rébellion."

Les zapatistes déclarent l’expansion des régions autonomes
Chiapas, Mexique

Liban

"Nous n’avons jamais vu une chose pareille. Des gens brûlent les photos et les drapeaux de leur propre parti, insultent les leaders qu’ils ont supportés pendant des décennies. Des rumeurs courent que certains dirigeants essaieraient de fuir le pays. Les chrétiens qui sont descendus dans la rue, les musulmans, les druzes, tout le monde blâme son propre leader. Personne ne va accuser les leaders des autres communautés. My problem is over me, not over you. Les gens réalisent maintenant que la faute revient aux personnes pour qui ils ont voté.
Dans toutes les régions, des routes principales de villages sont bloquées et les maisons des élus et des membres du gouvernement sont attaquées."

Contrepoints
Une voix depuis le Liban

Mexique

"Personne n’a appelé à une marche pacifique, aucune d’entre nous n’est venue au nom d’une autre, nous ne voulons représenter personne, ni être représentées par personne. Nous ne demandons pas justice au bourreau,
La nuit nous a protégées et nous n’avions pas peur de la police ou des rues sombres, nous étions un flot d’inconnues, ensemble, fortes, sauvages et désorganisées, malades de colère et de frustration. Nous avons tout peint sur notre chemin, nous avons détruit tous les symboles des autorités responsables de nos problèmes quotidiens. On a brûlé ce qu’on pouvait brûler.
Je me suis reconnue dans les regards des autres, j’ai pris leur main, puis nous nous sommes serrées sincèrement dans les bras, une étreinte entre femmes, une étreinte entre camarades, après avoir brisé quelques vitres et chassé les curieux et les policiers, chacune de nous a couru chez elle.
Les événements d’hier nous ont permis de nous regarder et de nous reconnaître avec des regards complices, avec des corps couverts de paillettes, nus et vibrants, pour nous montrer que nous ne sommes pas seules... Et nous ne voulons pas continuer à nous cacher et à maintenir un système social mortifère, ni en tant que femmes ni en tant qu’êtres humains."

Prolétaires antidémocratiques de Mexico

Iran

"Des commissariats, banques, quelques séminaires religieux et de nombreuses affiches de l’Ayatollah Ali Khamenei ont été incendiées. Les manifestant*es bloquent les routes. On entend des slogans tels que "L’essence est de plus en plus chère et les pauvres de plus en plus pauvres", "Khamenei est un assassin. La fin de son règne arrive", "Mort au Dictateur", "Mort au gouvernement de démagogues".
La profondeur des crises et l’inhumanité du capitalisme poussent les gens dans la rue, dans le monde entier, pour s’opposer à la pauvreté et à la répression. Nous avons besoin d’actions de solidarité pour lier les luttes ouvrières, féministes, antiracistes et environnementales des pays dans lesquels nous vivons à celles du Moyen-Orient, d’Afrique du nord, de la Chine, du Chili, d’Haïti et au-delà. Nous devons nous opposer à la fois au néolibéralisme et aux modèles capitalistes étatiques comme ceux de la Chine ou de l’Iran."

Iranian Progressives in Translation

Hong-Kong

"Pendant de nombreuses années, on a cru qu’il y avait deux voies dans la lutte sociale : les manifestations pacifiques, civiques et bon enfant accessibles aux familles, aux personnes âgées et à celles qui ne pouvaient risquer d’être arrêtées, et les combats offensifs sur des lignes de front, qui utilisent diverses pratiques d’action directe. Ces deux stratégies sont toujours là, mais ce qui est sans précédent dans la situation actuelle, c’est que les deux sont illégales : le gouvernement refuse les demandes de manifestations et tout rassemblement est de facto interdit, aussi inoffensif soit-il.
Lorsque vous êtes assis*e dans le métro ou dans le bus pour rentrer à la maison, vous ne savez pas si la police anti-émeute ne va pas prendre d’assaut le véhicule et frapper tout le monde à bord, si les triades ne seront pas dehors à patrouiller là où vous sortez le soir. Le militantisme fait de vous une cible qui peut être mutilée, torturée et parfois tuée par ceux dont les actes sont autorisés légalement au nom de "l’ordre". Comme le disent clairement les gardiens de la paix, nous sommes des "cafards", des insectes nuisibles, à exterminer et à éliminer pour que les affaires puissent reprendre comme avant."

Tak Cheong Lane Collectif

Rojava

"Nous ne pouvons pas laisser autrui prendre la décision sur la manière dont nous devons nous battre. Nous ne pouvons pas confier notre avenir à des structures qui sont oppressives. Je pense que l’autodéfense est quelque chose qui nous définit en tant que révolutionnaires et pour les femmes en général, elle a toujours fait partie de nos vies parce que nous avons toujours été l’objet d’oppression par le patriarcat, par l’État, par toutes les institutions sociales."

Une combattante dans la résistance de Serekaniye-Rojava

Soudan

"Beaucoup de femmes manifestent. L’image de la femme en vêtement traditionnel, la "femme Kanthaka", est devenue une icône, le symbole de ces femmes qui se battent. Les femmes soudanaises ne veulent plus rester à la maison : elles veulent se battre.
Les hommes trouvent bizarre qu’une femme puisse discuter, puisse rire, être libre. Mais les jeunes aujourd’hui comprennent. Être libre de ses choix, c’est comme un rêve. Vraiment décider quand se marier, quand avoir des enfants, quand étudier. Les femmes ont une âme de combattante ! Dans les manifestations, les femmes ont montré plus que du courage. Elles n’ont plus peur."

Femmes de la communauté soudanaise Touraine

Inde

"Les nouvelles qui nous parviennent d’Inde depuis quelques jours ont été bouleversantes à plusieurs égards. D’une part, j’ai été étonné et ému par l’ampleur, la diversité, le militantisme et, dans une large mesure, par la vision commune des protestations qui se sont propagées à travers le pays. D’autre part, j’ai été horrifié par la brutalité sadique dont ont été victimes les personnes qui sont descendues dans la rue de la part de la police, de l’armée et d’autres autorités de l’État ainsi que d’organisations réactionnaires."

Sarang Narasimhaiah

Sources

ajour-mag.ch
barrikade.info
renverse.co

...

itsgoingdown.com
crimethinc.com
libcom.org
contrainfos.espiv.net

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reseaumutu.info

...

iranianprogressives.org
contrepoints.media

Février 2020
Projet Evasions
evasions@@@riseup.net
evasions.blackblogs.org



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