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La tactique du blocage En défense du "pragmatisme révolutionnaire"

mis en ligne le 4 août 2019 - Allumette et Serhildan

UN MANIFESTE DE 269 LIBÉRATION ANIMALE

« 269 LIBÉRATION ANIMALE est l’étincelle
qui a mis le feu aux poudres... »

(Dixit un procureur de la République
lors d’un énième procès contre l’association)

La victoire d’un mouvement, c’est de construire pas à pas l’insurrection, pas
d’obtenir sa réformette suite à un tour de prestidigitation électorale. Il y a deux ans, la tactique du blocage d’abattoir faisait irruption avec fracas. Elle a d’emblée donné au mouvement antispéciste une « perspective » révolutionnaire, l’a politisé et crédibilisé
mais surtout cette tactique a largement encouragé une pratique autonome de l’action
directe : revenons, en quelques points, sur son importance stratégique.

LE BLOCAGE, UN PRÉALABLE INDISPENSABLE

Nous avons entrevu dans le blocage de l’économie spéciste et l’anéantissement
de la passivité dans laquelle l’activisme animaliste sommeillait depuis trop longtemps,
l’étincelle d’une lutte prometteuse et surtout efficace à quoi rien ne nous fera renoncer,
quoi qu’il advienne. Le blocage des abattoirs n’est pas seulement un moyen de
PERTURBATION du système spéciste et une PRISE DE POSSESSION DE LIEUX
D’OPPRESSION stratégiques : il est aussi un PRÉALABLE INDISPENSABLE, le
moyen pour les bloqueurs.ses de se former, de se fédérer et s’organiser, d’ouvrir la
porte à de nouvelles situations, d’engendrer le rapport de force et de défendre partout la
pratique de l’action directe.

Dans un monde où la vie de chacun.e est régie par un cycle économique
perpétuel, le parti de l’insurrection ne peut être que le parti du blocage, du BLOCAGE PHYSIQUE DE LA PRODUCTION (et spécifiquement pour la lutte antispéciste, du
blocage des industries de mort que sont les abattoirs). Attaquer physiquement ces flux productifs pour couper les vannes de la « production », en n’importe quel point, c’est
donc attaquer politiquement le système dans sa totalité. Le mouvement permanent, celui de la circulation de tout (y compris des corps opprimés), est la condition du maintien
en l’état de la machinerie capitaliste : l’INTERRUPTION de son fonctionnement est la condition de tout début d’un réel bouleversement.

SORTIR DE L’ALTERNATIVE EMPOISONNÉE : « PACIFISTE VERSUS RADICAL »

Le développement d’une pratique de l’action directe constructive (c’est-à-dire
engendrant des effets concrets qu’il s’agisse de dommages infligés à l’industrie spéciste
et/ou du développement de programmes sociaux pour l’autonomie et l’autodéfense
politique des opprimé.e.s par le biais de la création de territoires en lutte) assortie d’un
discours encourageant la fabrique de liens et communes insurrectionnel.le.s a pour but
de délivrer les militant.e.s d’une alternative empoisonnée entre deux tares jumelles
aussi néfastes l’une que l’autre : LE PACIFISME ET LE RADICALISME.

Le pacifiste ment, et se ment, en faisant de la discussion publique et de
l’assemblée le modèle achevé du politique. Il promeut les modes de contestation
issus de la DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE pour rationaliser sa propre lâcheté et
justifier qu’il faut s’en remettre à d’autres pour changer le monde. En effet, le système de la démocratie représentative repose sur l’inaction des individus puisque celleux-ci délèguent leur pouvoir d’action à leurs représentant.e.s. On ne peut s’empêcher de
citer Emmeline Pankhurst sur le sujet : « Nous n’avions pas de constitution ni de
règlement intérieur ; rien à modifier ou à bricoler, aucun sujet sur lequel nous
disputer lors d’une assemblée générale. En effet, nous n’avions pas d’assemblée
générale, pas de séances de travail, pas d’élections des représentants. Nous étions tout simplement une ARMÉE DE SUFFRAGETTES sur le terrain ».

Une armée ? Oui et ce n’est pas un gros mot... Le pacifiste commet deux
erreurs : il refuse de dire que c’est une véritable GUERRE qui est menée au peuple
animal et réduit « la guerre » au conflit armé. La guerre n’a rien de militaire et se
trame dans le quotidien même si elle demeure invisible pour les dominant.e.s que nous sommes. Le pacifisme témoigne ainsi d’une profonde mauvaise foi, mais des décennies de pacification des masses ont fait de ce dogme la conscience politique spontanée du citoyen.ne.

En réponse à cela, les milieux militants et les médias ont fabriqué la figure du
RADICAL. Radical et pacifiste ne sont que les deux faces d’une même médaille : tous deux aspirent à la pureté, l’un par l’action violente, l’autre en s’en abstenant. Pacifistes et
radicaux sont unis dans un même refus du monde sensible et progressivement la question MORALE DE LA RADICALITÉ s’est substituée à la question STRATÉGIQUE DE
LA RÉVOLUTION. La révolution a ainsi été privatisée : elle est devenue une occasion de valorisation personnelle, dont la radicalité est le critère d’évaluation.

Quiconque à déjà jeté un oeil sur la bible du mouvement animaliste (c’est à
dire pour l’heure Facebook) s’étonne d’abord du hiatus qui règne entre les discours
et les pratiques, entre les mots et les actions proposées. On y trouve pléthore de mots radicaux et d’images « choc », pourtant dans les faits il ne se passe pas grand chose de l’autre côté de l’écran et les quelques démonstrations organisées se cantonnent au
registre SYMBOLIQUE, autrement dit des performances qui, comme le disait Günther Anders, « ne portent pas de coup réel, mais provoquent seulement un choc comme au théâtre ». On ne tarde pas à comprendre que les animalistes qui s’auto-proclament
radicaux ne sont pas occupé.e.s à construire une réelle force révolutionnaire mais à
entretenir une course à la radicalité qui se suffit à elle-même. On craint dans ce milieu
de ne plus être radical, comme on redoute ailleurs de ne plus être cool ou branché. Le radical ne se définit plus que comme producteur de discours radicaux et ne perçoit la révolution que comme l’accumulation d’actes de révolte individuelle.

On s’épuise ainsi dans un militantisme qui n’embraye sur rien et ne parvient
pas à gagner en nombre, on se livre à un CULTE DE LA PERFORMANCE où il s’agit
d’actualiser son statut radical.

L’une des pistes pour sortir de cette PRIVATISATION DE LA RÉVOLUTION
passe peut-être par l’adoption de l’ANONYMAT qui prend tout son sens avec
l’omniprésence des réseaux sociaux et du culte des « leaders » dans le mouvement animaliste. Nous avons longtemps écarté cette pratique par crainte de « désincarner » la
pratique de l’action directe et donc de la faire passer pour une voie élitiste et clandestine.
Aujourd’hui nous sommes moins affirmatif.ve.s sur ce point et se développe au sein de 269 Libération Animale une tendance à l’EFFACEMENT DES VISAGES ET DES INDIVIDUALITÉS qu’iels figurent derrière le port du masque, de la cagoule et de la capuche. À travers cette réflexion, nous tentons de développer un usage politique de la dés-identification, quelque chose qui excède le simple geste défensif. N’être
socialement rien n’est pas nécessairement une condition humiliante ou la source d’un
tragique manque de reconnaissance ; au contraire, cela peut être la CONDITION D’UNE
LIBERTÉ D’ACTION MAXIMALE. L’anonymat peut être une position offensive.
Si à coup sûr, le masque a pour fonction de neutraliser les techniques d’identification
policières, nous essayons aussi de montrer que se joue dans son usage d’autres manières
de s’offrir à la perception, de se constituer comme sujet, d’être et de construire un
NOUS collectif. Un NOUS qui inclut surtout les opprimé.e.s car si celleux-ci sont
rendu.e.s invisibles par nos sociétés spécistes mais aussi par le mouvement animaliste
lui-même, la stratégie de co-résistance et de « défense pour autrui » que nous avons à
coeur de mettre en place ne nous impose t-elle justement pas de renoncer volontairement
à notre individualité ? Renoncer à nous pour elleux comme le disait si joliment René
Char : « Les oiseaux libres ne souffrent pas qu’on les regarde. Demeurons obscurs,
renonçons à nous, près d’eux. »
(Les Matinaux, 1950).

BLOQUER L’ÉCONOMIE OPPRESSIVE : UN GESTE RÉVOLUTIONNAIRE

En réponse à cette alternative « pacifiste vs radical », nous avons cherché
à proposer des ACTIONS CONCRETES capables de nous amener à une véritable
SITUATION RÉVOLUTIONNAIRE. Un geste est révolutionnaire, non par son contenu
propre, mais par l’ENCHAÎNEMENT DES EFFETS qu’il engendre. C’est la situation
qui détermine le sens de l’acte, non l’intention des auteurs. Assumer la guerre qui est
là, agir stratégiquement suppose de la comprendre, de saisir les rapports de force qui la
configurent et les polarités qui la travaillent. C’est par le sens qu’elle prend au contact
du monde qu’une action est révolutionnaire ou pas. Les blocages sont stratégiquement
essentiels car ils permettent à tout un peuple potentiel d’anonymes d’entrer en guerre.

L’oppresseur n’entend pas ce que dit son opprimé comme un langage, mais
comme un BRUIT. Il n’entend pas non plus les discours ou cris de celleux qui co-
résistent aux côtés des opprimé.e.s. Rien de surprenant... C’est la définition même de l’oppression !

Aussi est-il vain de se poser comme VICTIME. Quand l’opprimé.e (et celleux
censé.e.s les aider à se défendre) se rend compte de cela, il.elle sort les couteaux, les dents ou les griffes. Là on comprend qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pas avant. L’usage d’une VIOLENCE DÉFENSIVE (« pour autrui » dans le cadre de la lutte antispéciste) sous n’importe quelle forme est la seule façon de définir les personnes
animales comme « opprimé.e.s ». La seule communication audible.

C’EST LE PREMIER PAS HORS DU CERCLE DE L’OPPRESSION ET IL EST
ABSOLUMENT NÉCESSAIRE !

Malheureusement les gestes défensifs des opprimé.e.s sont niés, invisibilisés et
réprimés avec une telle sévérité que toute révolte semble impossible. Alors « ARMER » les opprimé.e.s avec nos corps, nos chaînes ou toute autre « arme par destination » qu’il s’agisse de pavés qui brisent, de pieds de biche qui ouvrent, de fourches et râteaux qui
préparent les territoires pour accueillir, est un geste éminemment RÉVOLUTIONNAIRE.

C’est parce que, dans un contexte qui le permettait, pour la première fois des
personnes se sont placées entre les victimes et les couteux que les blocages sont en soi des actions révolutionnaires. Ils sont arrivés au MOMENT PROPICE comme un GESTE DÉCISIF.

Le geste décisif est celui qui se trouve UN CRAN EN AVANT DE L’ÉTAT
DU MOUVEMENT et qui rompt ainsi avec le statu quo. Ce geste ce peut être celui
de bloquer, d’occuper, de caillasser, etc ; c’est l’état du mouvement qui en décide. Est révolutionnaire ce qui engendre effectivement des révolutions. La véritable question pour les révolutionnaires est de FAIRE CROÎTRE LES PUISSANCES vivantes, de MÉNAGER LES DEVENIRS-RÉVOLUTIONNAIRES afin de parvenir enfin à une situation révolutionnaire : les blocages d’abattoir ont permis cela.

UNE TACTIQUE NÉE DU CONSTAT D’ÉCHEC

Nous sommes, malgré nous, les héritier.e.s de l’échec du mouvement
antispéciste qui depuis 30 ans s’est illustré par une impressionnante inefficacité et
l’absence totale d’influence sur le terrible sort réservé aux animaux dans nos sociétés.
De cet échec, nous avons tiré les leçons. La première d’entre elles porte sur les médias.
En se faisant écho du mouvement, les médias en deviennent de fait une composante
qui, lorsqu’elle se retire vient provoquer son effondrement. La force d’un mouvement
est sa PUISSANCE EFFECTIVE, non ce qui s’en dit, les ragots sur son compte.
Le mouvement doit se garder par tous les moyens, fût-ce par la force, de l’emprise
médiatique et élaborer une parole qui lui soit propre. Ainsi s’ouvre désormais pour nous un chantier nouveau : combattre cette diffamation de la lutte antispéciste par l’auto-médiatisation et le développement d’outils de diffusion autonomes.

Les blocages sont ainsi nés d’une VÉRITÉ (l’échec de la stratégie de persuasion
morale, une stratégie collaborationniste et légaliste), d’un CONSTAT (tant que nous
serons assimilé.e.s à des gens qui se tournent juste vers des produits “vegan” qui
souvent correspondent à un marché de niche problématique et privilégié, l’antispécisme
continuera d’être perçu comme un suppôt du libéralisme et de l’égoïsme débridé et
par conséquent, aucune alliance avec les autres luttes ne sera envisageable) et d’une RÉFLEXION STRATÉGIQUE SYSTÉMIQUE (tant que nous nous contenterons de cibler l’opinion publique avec des modes de contestation conventionnels et contrôlés
par l’Etat, nous serons inefficaces). Nous avons absolument besoin de PUISSANCE
POLITIQUE, de gagner en crédibilité et surtout de se montrer moins frileux.ses sur
nos cibles. Prendre conscience de cet échec et l’admettre fut un premier pas qui nous a
conduit à réfléchir sur des modes d’action plus ambitieux et efficaces.

L’information ou la culpabilisation des non-véganes (par l’éducation, le choc
ou la pédagogie) sont des méthodes qui ne feront pas adhérer les gens à la révolution antispéciste et qui ne construisent pas de puissance. Une bonne « éducation » peut guider les efforts d’un mouvement social renforcé, mais l’information elle-même ne changera rien.

VISER LE POUVOIR SPÉCISTE EN SON COEUR

Dés lors, notre priorité n’a plus jamais été de convertir au véganisme ; mais
de METTRE EN DÉROUTE LE POUVOIR SPÉCISTE PAR UNE OPPOSITION
CONCRETE (et non plus seulement symbolique) à l’exploitation animale. Pour nous, seules des pratiques éprouvées par l’histoire des luttes et qui mènent un HAUT NIVEAU DE CONFLICTUALITÉ vis-à-vis des responsables de l’exploitation animale, sont efficaces : une conflictualité permanente, capable de freiner la récupération de certaines
pratiques de la part des institutions car si aujourd’hui la plupart des associations et
collectifs animalistes ne mesurent l’efficacité de leur choix stratégique qu’en terme de gains institutionnels, ces institutions ne représentent pour nous que « des bancs tout au long du chemin de la révolte, des bancs où nous pourrions peut-être nous asseoir et nous reposer un moment, avant de les brûler et de continuer. Des lieux de repos qui ne devraient jamais être défendus ni justifiés, et qui deviendraient de moins en moins nécessaires à mesure que nous entrons dans un monde différent » (John Holloway).

A ce sujet, nous attirons depuis longtemps l’attention sur les dangers d’une
récupération de la cause antispéciste par les partis politiques et clamons notre refus
global de l’institutionnalisation. Notre stratégie est celle d’une POLITISATION DE
LA LUTTE ANTISPÉCISTE PAR L’ACTION DIRECTE EN LIEU ET PLACE
D’UNE CONCEPTION DE NICHE AU SEIN D’ORGANISATIONS POLITIQUES généralistes ou spécifiques. Nous pensons que l’institutionnalisation des causes de justice sociale implique nécessairement leur repositionnement dans le champ politique les insérant dans des partenariats institutionnels réglés. Les conséquences à craindre sont
nécessairement un affaiblissement de leur portée transformatrice et leur « routinisation », qui se soldent par la révision des objectifs de départ, le choix d’un répertoire de l’action
plus conventionnel et la perte inévitable de l’identité initiale...

Mais où trouver ce POUVOIR SPÉCISTE que nous souhaitions viser par
notre activisme ? Concrètement, que fallait-il bloquer pour l’atteindre ? Presque
instinctivement, on a tendance à le chercher dans les parlements, les ministères et autres lieux du pouvoir institutionnel qui exercent sur les révolutionnaires une attraction quasi-magnétique. Pourtant aujourd’hui, nous faisons tou.te.s le constat que ce sont des lieux
vides de pouvoir, de simples décors, et que les politicien.ne.s elleux ne sont plus là
que pour nous distraire. Le pouvoir ne réside plus dans cette mise en scène théâtrale et parisienne : le pouvoir réside désormais dans les infrastructures économiques et les industries de ce monde. Le pouvoir est économique, il n’est plus institutionnel. Le pouvoir spéciste réside dans cette ORGANISATION INDUSTRIELLE du massacre
des animaux, dont les abattoirs constituent un maillon essentiel et symbolique, celui qui fait passer « de vie à trépas » des milliards d’individu.e.s. C’est donc là qu’il nous fallait frapper.

BLOQUER POUR RÉINSTAURER L’ACTION POLITIQUE

Il nous a semblé primordial également de réinstaurer « l’agir politique »
dans le mouvement antispéciste car S’EXPRIMER POLITIQUEMENT ET AGIR
POLITIQUEMENT SONT DEUX CHOSES DIFFÉRENTES... Descendre dans la
rue ou tout autre lieu pour clamer ou montrer son “désaccord” par la manifestation,
le happening, l’intrusion, la marche, la veillée ou autres démonstrations puis rentrer
chez soi : c’est tout à fait légitime mais ce n’est pas agir politiquement (une réflexion
stratégique appuyée par les mots éclairants du sociologue Geoffroy de Lagasnerie - interview pour Alohanews à écouter ici).

L’ESPACE DE LA CONTESTATION est peut-être l’un des plus codifiés de la
vie sociale : des institutions, solidement installées, structurent le temps et l’espace de la
contestation démocratique et nous vivons dans un champ politique tel que l’expression
de la dissidence est déjà inscrite dans le système et donc en un sens programmée par lui.
Ainsi, nous devons nous interroger sur ce que nous faisons lorsque nous utilisons les modes institués de la contestation démocratique. Est-ce que nous agissons réellement ?
Le système de la démocratie représentative nous encourage évidemment à user de ces outils convenus et attendus qui se cantonnent au registre de l’expression, pourtant ils
conduisent à l’inefficacité et il faut se souvenir de la phrase de Mario Tronti : « Le
mouvement ouvrier n’a pas été vaincu par le capitalisme, mais par la démocratie »
.

Il nous tenait à coeur d’ouvrir des CHEMINS DE RÉSISTANCE NON
CONTRÔLÉS PAR L’ÉTAT et de faire comprendre que la véritable puissance politique
d’un mouvement, résulte de sa capacité à PASSER A L’ACTION CONCRETE. Les
blocages d’abattoir sont en cela l’exact opposé des vigies organisées par « The Save
Movement » : illustration parfaite de la différence fondamentale entre l’action politique
et la simple expression de nos émotions aussi nobles soient-elles. Ces vigies où l’on
reste aux portes des abattoirs (auto-discipline nauséabonde) à regarder avec pitié les
condamé.e.s être conduit.e.s à l’échafaud, sans rien entreprendre de concret pour arrêter
cette insupportable réalité, plongent les militant.e.s dans une passivité monstrueuse et
impriment au mouvement un paralysant affect d’IMPUISSANCE. Témoigner, pleurer,
photographier les condamné.e.s : que peut-il ressortir de positif d’une telle posture passive
et subie pour un mouvement qui souffre déjà de ne parvenir à aucun résultat concret ?

Selon Voltairine de Cleyre, l’action indirecte « détruit tout sens de l’initiative,
étouffe l’esprit de révolte individuelle, apprend aux gens à se reposer sur quelqu’un
d’autre afin qu’il fasse pour eux ce qu’ils devraient faire eux-mêmes »
. C’est
exactement de quoi il nous faut sortir...

Si les un.e.s pleurent et s’apitoient, les autres ont choisi de s’organiser.

L’INSPIRATION STRATÉGIQUE VIENT DE NOS EXPÉRIENCES

Méprisant l’échelon local, alors que les « communes offensives » à même de
passer à l’action doivent se créer et survenir partout, le mouvement animaliste s’épuise en événements et assemblées parisiennes où l’on vient réciter son couplet et arborer sa
bannière. Ces rassemblements et réunions interminables enferment le mouvement dans un INDÉPASSABLE POINT DE DÉPART.

LES RÉVOLUTIONNAIRES DOIVENT PARTIR DE LEURS PROPRES
EXPÉRIENCES, des lieux qu’iels habitent, des territoires qui leur sont familiers,
des liens qui les unissent. C’est de la vie qu’émanent l’identification de l’ennemi, les stratégies et les tactiques efficaces, et non d’une profession de foi préalable. Ainsi, c’est d’une expérience personnelle dans un abattoir à côté de chez nous (celui de La Talaudière appartenant au groupe Sicarev) qu’est née l’idée du blocage des abattoirs.
Souvent l’intelligence stratégique vient du coeur et l’idéologie pure, coupée du terrain,
fait écran entre la pensée et le coeur : « Quand je parle de résistance, je parle d’une résistance politique organisée. Je ne parle pas seulement de quelque chose qui va et vient. Je ne parle pas d’un sentiment. Je ne parle pas d’avoir dans le cœur plein d’idées de ce qui pourrait se faire. Je parle du moment où l’on met au diapason son corps et son esprit, où l’on s’engage dans des années de lutte pour changer la société dans laquelle on vit. Une résistance politique s’active jour et nuit, clandestinement et ouvertement, là où on la voit et là où on ne la voit pas. Elle est enseignée. Elle est encouragée. Elle est intelligente. Elle est pleine de bon sens. Elle est engagée. Et à un moment, elle va gagner. » (Andrea Dworkin)

L’antispécisme est pour nous une lutte révolutionnaire car nous ne nous battons
pas pour l’avènement d’un « CAPITALISME VEGAN », mais pour L’ÉMANCIPATION D’UNE CLASSE SOCIALE OPPRIMÉE ET INVISIBLE.

Notre lutte ne s’arrête pas aux parcours République-Bastille autorisés en
préfecture et s’enracine partout, ici et maintenant.

DE LA PROPAGANDE PAR LE FAIT : DES ACTIONS QUI FONCTIONNENT PAR « L’EXEMPLE »

On ne construit pas un mouvement révolutionnaire sans multiplier les « foyers
insurrectionnels », sans innover dans les modes d’action, sans propager le sens et
le goût de l’action directe. Il serait naïf de penser que les blocages d’abattoir ciblés
peuvent changer quelque chose en soit à court terme : il s’agit de propagande par le fait. L’usage de l’action directe offensive contre les industries spécistes permet d’exprimer une DÉSAPPROBATION RADICALE A L’ÉGARD DU SYSTEME POLITIQUE ET
ÉCONOMIQUE et de ternir l’aura sacrée qui entoure la propriété privée dans notre
société. Le blocage est une TACTIQUE et non un traité de philosophie politique.

C’est une forme de « pragmatisme révolutionnaire » : de petites actions
qui fonctionnent par l’exemple et ont une efficacité très importante car porteuses de
puissance politique. Le blocage comme l’occupation, la grève et le sabotage forment
(et ont toujours formé) la grammaire politique élémentaire d’une vraie révolution. Ce
n’est pas la faiblesse des luttes qui explique l’évanouissement de toute perspective
révolutionnaire ; c’est l’absence de perspective révolutionnaire crédible qui explique la faiblesse des luttes. Obsédés que nous sommes par une idée politique de la révolution, nous avons négligé sa dimension technique. Les blocages veulent s’ancrer dans la réalité.

La haute et forte conflictualité de notre activisme ne consiste pas à instituer
un nouveau pouvoir (rétablissant un pouvoir là où elle prétendait abolir la domination), mais au contraire à placer nos corps même au milieu des infrastructures oppressives
à travers lesquelles le pouvoir organise la destruction des vies animales. Il y a bien là une forme nouvelle de révolution, une révolution qui mobilise la classe sociale la plus opprimée : celle des animaux épuisé.e.s par le travail forcé, le pillage de leurs corps et retenu.e.s prisonnier.e.s dans des élevages.

REDÉFINIR NOS OBJECTIFS : UNE NOUVELLE PENSÉE DE LA POLITIQUE

Aujourd’hui intéresser, affecter les médias est devenu le « ba-ba » de
l’activisme : en espérant jouer « du bras de levier » et à dix ou quinze espérer toucher des millions - stratégies archimédiennes avec des effets très volatils. Toutes les causes luttent pour la CAPTATION DE L’ATTENTION et elles sont si nombreuses qu’elles se partagent des miettes.

Qu’il s’agisse de happenings, de manifestations ou autres : ces moyens visent
avant tout l’OPINION PUBLIQUE, ciblent la demande, les individu.e.s et demeurent
dans une logique de sensibilisation du public (par la pédagogie ou le choc) et/ou de lobbying vis à vis de l’Etat. Les premières interventions, les premiers happenings, certainement impressionnent et parviendront peut-être à engendrer le sursaut médiatique espéré, mais d’impressions qui, dans la compétition acharnée pour la capture de
l’attention, s’évaporeront rapidement si elles ne sont pas renouvelées.

L’emploi de ces outils contestataires traduit une pensée extrêmement restrictive
de la POLITIQUE où elle est « d’emblée en prise avec une ÉCONOMIE DE LA
VISIBILITÉ, que chaque cause s’efforce de remanier ou de distordre à son profit
pour rendre visible, ou plus visible, ce qui ne l’est pas ou pas assez »
(Frédéric
Lordon). En cela, ces modes militants nous semblent très insatisfaisants.

Nous ne devrions jamais oublier que « LA POLITIQUE EST UNE
QUESTION DE VIE OU DE MORT »
(Edouard Louis). Nous voulons ainsi nous
opposer aux « imagistes » qui font de la politique par l’image ou le choc dans l’unique but de capter l’attention de l’opinion publique. L’opinion publique, qui oriente la façon
dont ces dernier.e.s agissent, est une chimère. Notre champ de bataille à nous se situe dans les abattoirs, les élevages, les laboratoires, sur ces terres libérées que nous appelons « sanctuaires », pas dans les médias.

Lorsque la simple discussion ou expression du désaccord ne parvient plus à
contribuer à la participation sociale, le passage à l’acte signifie qu’il y a un renoncement à poursuivre avec l’instrument du dialogue pour entrer dans une relation en acte. Il s’agit dès lors non plus de discuter pour participer à l’action collective, mais de s’opposer en acte concrètement.

PASSER DU SYMBOLIQUE AU CONCRET

Le blocage relève de la stratégie d’action directe. L’action directe CIBLE
L’OUTIL DE PRODUCTION capitaliste et n’a pas pour objectif de sensibiliser le
consommateur, elle cible l’offre plutôt que la demande et son objectif premier est de
peser concrètement sur le problème concerné : préjudices pour l’économie spéciste, libérations d’opprimé.e.s, création de sanctuaires, etc, pour passer du symbolique au
concret. Notre activisme a ainsi changé de destinataire. La stratégie d’appel à la vertu (ou à la sensibilisation) des non-véganes est intrinsèquement culpabilisante : cette position libérale et individualiste fait porter tout le poids de la responsabilité sur la demande des consommateurs, plutôt que sur l’offre des entreprises subventionnées par l’État.

L’action directe est une théorie politique selon laquelle il faut AGIR SOI-MÊME afin de peser directement sur un problème rencontré, sans passer par des
intermédiaires : médias, politiciens, partis traditionnels, bureaucratie étatique, etc.
L’action directe permet d’installer un rapport de force : « Ils devront apprendre que
leur pouvoir ne réside pas dans la force de leur vote, mais dans leur capacité à paralyser la production »
(Voltairine de Cleyre). Affranchie de la médiation institutionnelle et politique, l’action directe libère le militantisme des pièges symboliques de la loi, de la représentation et de la négociation.

ACTION DIRECTE ET PRAGMATISME

Nous, les activistes de toutes les luttes confondues, avons aujourd’hui beaucoup
de mal à orienter les choix de nos gouvernements. Bien sûr, il n’y a rien de nouveau à ce que les Etats soient animés par des logiques contre lesquelles nous nous battons. Mais ce qui est spécifique, c’est notre incapacité à influencer le cours des choses : lorsque nous intervenons, lorsque nous protestons, lorsque nous manifestons, cela débouche de moins en moins sur des transformations effectives... La pratique de l’action directe permet de renouer avec un militantisme efficace, capable d’IMPACTER concrètement nos cibles.

Ainsi les blocages engendrent des dégâts bien réels pour les abattoirs :
« L’occupation des abattoirs Bell à Oensingen, près de Soleure, a provoqué des
dégâts pour un montant proche de 100 000 francs, fait savoir le groupe bâlois actif
dans la transformation de produits carnés. Une centaine de militants antispécistes
avaient pénétré sur le site il y a une dizaine de jours et bloqué les activités. Le
groupe, interrogé par AWP, a déclaré s’atteler à chiffrer précisément l’étendue
des dommages. Les premières estimations font état de dégâts dans la fourchette
supérieure d’un montant à cinq chiffres, au minimum. »
(Source : lematin.ch)

INVERSER NOTRE RAPPORT A L’ÉTAT

Si nous voulons mettre en crise l’Etat, ne devons-nous pas inventer des modes
de protestation qui surprendraient l’Etat et ne seraient plus prescrits par le système ? Très simplement, pour changer un système basé sur la coercition et la violence, un
mouvement doit constituer une MENACE, sans quoi il n’y parviendra jamais. Toute
lutte contre l’oppression passe par un CONFLIT AVEC L’ÉTAT.

L’action directe attaque la domination de l’Etat sur l’espace et le temps de la
contestation. L’action directe est dangereuse pour les institutions en place parce qu’elle réinstaure la puissance propre des individus et les extirpe de la passivité dans laquelle
les maintient le militantisme plus traditionnel...

Par son usage, nous instaurons une nouvelle TEMPORALITÉ de la contestation :
nous faisons le temps politique en imposant NOTRE PROPRE CALENDRIER et
forçons l’Etat à réagir à nous puisqu’il est pris par surprise par les actions menées.

GAGNER EN PUISSANCE POLITIQUE

Le sens général de l’activisme, mais il faudrait peut-être dire de l’activité
politique tout court : c’est s’efforcer pour rendre puissantes des idées au départ
impuissantes.

Les idées politiques ne se transmettent pas seulement via l’intellect mais aussi
et surtout à travers la pratique. Les idées, aussi vraies soient-elles, ne peuvent rien en tant que telles. Il nous faut les « INCORPORER », les transmettre pour que les corps se mettent en action. On ne peut espérer engager un réel combat contre un système oppressif, en se contentant d’exprimer publiquement notre désaccord ; car la politique n’existe que par l’action et la vibration des corps.

Les actions directes sont capables d’« empuissantiser les idées », elles sont en
cela absolument nécessaires pour la construction d’un mouvement antispéciste fort et puissant.

LEVER LE TABOU DE LA VIOLENCE ET RÉAFFIRMER QUE LA VIOLENCE EXERCÉE PAR OU POUR LES DOMINÉ.E.S N’EXISTE PAS

Alors qu’ils incarnent des actions non-violentes (puisque les dégradations de
biens matériels ou la violation de domicile ne peuvent être considérées comme des
gestes violents selon nous), les blocages ont permis de lever le tabou de la violence stratégique. Ils ont remis le sujet sur la table et petit à petit, la « question de la violence » apparaît pour ce qu’elle est : une diversion. Tant que nous continuons à parler de ça, et surtout à en parler en termes moraux ou idéologiques, nous n’affronterons pas les vrais problèmes stratégiques.

Il nous faut être capable de déconstruire la conception morale de la violence
ou de la non-violence de notre pratique et lui rendre son caractère tactique. Quelle
que soit notre pratique, ce qui importe pour des militant.e.s révolutionnaires, outre son
critère d’efficacité, c’est la massification, l’entraînement des « masses » dans la lutte et
la légitimation des moyens d’action par celles-ci. Discuter de la violence ou de la non-violence en soi, sans parler d’une pratique précise, déconnecté d’un contexte, c’est de
l’idéalisme.

SE PLACER ENTRE LES COUTEAUX ET LES VICTIMES : UNE PRAXIS DE LA « DÉFENSE POUR AUTRUI »

Intervenir pour perturber le massacre là où il se passe, là où il se décide, est
un acte indispensable : il illustre réellement la détermination d’un mouvement à obtenir
gain de cause. En s’interposant entre les couteaux et les victimes, 269 Libération
Animale a inventé une praxis de la « défense pour autrui » et brisé cette ligne de partage spéciste opposant les corps dignes d’être défendus à ceux qui, désarmés et violentables,
sont laissés sans défense.

La stratégie de la violence défensive s’apparente à une dynamique
insurrectionnelle seule capable de modifier en profondeur les rapports de pouvoir. C’est la défense des personnes qui sont niées en tant que telles, en tant que sujets. Derniers obstacles entre les victimes et la mort, les corps des activistes deviennent des armes
politiques et les révélateurs d’une guerre qui ne dit pas son nom : celle que l’espèce
humaine mène contre toutes ses espèces soeurs.

CONSTRUIRE UN CORPS COLLECTIF ET AMORCER L’ANONYMAT

La communauté ne s’éprouve jamais comme identité, mais comme pratique,
comme pratique commune. L’identité revient au galop chaque fois que la pratique se retire. Là où l’on occupe, là où l’on bloque, là où l’on libère, il n’a jamais été question de notre provenance sociologique, de la couleur de notre peau, de notre sexe...

Par la constitution d’un BLOC OFFENSIF et l’usage d’une certaine violence
purement esthétique (la tenue noire adoptée pour les blocages est aujourd’hui une
« image » de l’antispécisme offensif, elle permet d’incarner une identité radicale et une disponibilité militante à la lutte), notre but était de construire un corps collectif. Cette charge symbolique offensive est d’autant plus forte qu’elle signifie : « ensemble, nous sommes prêt.e.s pour la révolution ! ». La tenue noire permet de « désindividualiser » la
pratique de l’action directe (pas de militant.e.s différencié.e.s ou érigé.e.s en héros.ines) et nous « anonymise » un minimum.

FABRIQUER DU LIEN INSURRECTIONNEL ET MULTIPLIER LES COMPLICITÉS OFFENSIVES

Dans l’horreur de ces lieux les plus obscurs, dans la froideur de ces nuits
blanches, sur ces parkings désertiques où nous nous réunissons pour aller bloquer, occuper ou libérer, dans ces couloirs de la mort où nous avons résisté “bras dessus, patte
dessous” avec les opprimé.e.s, sous les bottes des flics qui nous gazent et matraquent,
sur les bancs des cellules de garde à vue où tant de mains se sont jointes, où tant de corps épuisés se sont étreints, dans les sanctuaires où nous avons manié la fourche et le râteau,
dans tous ces lieux se sont noués des liens aujourd’hui indéfectibles.

S’organiser efficacement, c’est avant tout nouer des liens, des liens qui ne sont
pas neutres, des liens terriblement orientés. La réelle puissance politique vient de cette aptitude au partage et c’est cette capacité à « lier » qui effraie les institutions spécistes,
bien plus que les dégâts matériels ou économiques engendrés par les actions directes.

C’est dans chaque foyer créé, chaque amitié, chaque couple, chaque union ou
groupe que se prépare l’insurrection. Autant de petites « communes » qui préparent dans le secret des alcôves une révolte et qui cheminent ensemble. C’est là que se situe le tour
de force de 269 Libération Animale : avoir multiplié les « foyers insurrectionnels » et
engendré du « lien insurrectionnel ». Les actions directes ont ceci de redoutable qu’elles sont chaque fois l’occasion de multiplier les complicités offensives.

ENCOURAGER UNE PRATIQUE AUTONOME DE L’ACTION DIRECTE

Les blocages ont surtout eu cet effet de massification, d’enrôlement, de
cheminement, de conscientisation politique et forcément de formation technique des militant.e.s à la pratique de l’action directe.

Les activistes ont une conscience très claire des limites de ce type d’action
et ne croient pas que le « Grand Soir » soit au bout d’une évacuation après le blocage d’un abattoir. On fait ce qu’on peut pour imprimer une perspective révolutionnaire
au mouvement, pour convaincre le plus de personnes de la pertinence de cette voie
stratégique, de l’antispécisme comme lutte de justice sociale, pour développer notre mouvement en alliance avec d’autres et aider les gens à se prendre en main et à développer un sens de la solidarité, pour visibiliser davantage les opprimé.e.s et résister aux différents systèmes de domination.

Car la révolution s’enseigne.

A toi, camarade.

Cette brochure recopie intégralement et sans modifications un texte publié par 269
LIBÉRATION ANIMALE sur sa page Facebook le 13 janvier 2019. A l’exception d’ajout
de gras sur les citations et les titres, ajout de photos prises à l’occasion du blocage d’un
abattoir à Turin qui a eu lieu dans la nuit du 28 janvier 2019 et de visuels créés par des
artistes pour 269 LIBÉRATION ANIMALE.

269 LIBÉRATION ANIMALE est une association antispéciste
pratiquant la désobéissance civile et l’action directe dans le but
de créer un réel mouvement social contestataire apte à affronter le système spéciste.



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