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(Se) protéger et (se) soigner en manif : réflexes individuels et collectifs Mais que fait la police ? Ça crève les yeux !

mis en ligne le 29 avril 2019 - Des médics

Point vocabulaire : les mots tels que « urgent » et « grave/signes de gravité » entendent une urgence médicale induisant un risque important voire vital pour la personne, et nécessitant donc très probablement une évacuation par du personnel soignant habilité.

AVANT LA MANIF

Préparation

> Être en bon état général = avoir dormi, avoir mangé, avoir bu et avoir de l’eau + de la bouffe avec soi.

> Porter des fringues confortables qui protègent, quitte à avoir chaud, couvrant toutes les parties du corps, épaisses, imperméables, en coton (le synthétique ça brûle et ça fond).

> Prévoir un haut de rechange, protégé dans un sac étanche, en prévision des fringues pleines de lacrymo à la fin de la manif.

> Porter des chaussures confortables avec lesquelles tu peux courir, lacées et si elles sont montantes c’est mieux pour protéger tes chevilles.

> Avoir un masque (anti-particules fines), des lunettes de protection (étanches) et des élastiques si tu as les cheveux longs.

> Si tu portes des lentilles, préviens tes pote-sse-s, prends le nécessaire pour les enlever et tes lunettes de vue (la lacrymo passe sous les lentilles et aggrave son effet).

> Le jour J, ne mets pas de crème sur le visage ni sur le corps (le gras fixe l’acidité des gaz).

> Ne pas boire d’alcool avant ou pendant la manif, c’est toujours mieux. Ça peut mettre soi ou les autres en danger. Soit sûr-e que les flics en feront une circonstance aggravante en cas d’arrestation.

> Si tu portes des lunettes, accroche-les avec une ficelle pour pas les perdre et prends un boîtier.

> Si t’es asthmatique, préviens tes pote-sse-s et prends ton traitement avec toi.

> Si t’as une maladie particulière, préviens tes pote-sse-s et prends ton traitement avec toi.

> Si tu es l’humain-e d’un animal, protège-le en le laissant à la maison.

Si tu es street medic, organise-toi à plusieurs, faites passer le mot/ dites à un micro qu’il y a une/des équipes medics, décidez ensemble si vous êtes en action ou en street médic, si vous prenez votre Carte Nationale d’Identité ou pas, etc.

Le brassard ne protège pas de la police ! Si tu n’as pas de formation médicale, évite le brassard croix-rouge (ça a été un chef d’inculpation au printemps 2016).

Le portable c’est pratique pour appeler des renforts (le checker régulièrement parce qu’en action on ne le sent/l’entend pas, pré-appelle pour avoir le numéro direct de tes co-équipièr-e-s mais n’oublie pas de l’éteindre si t’es arrêté-e. De plus, il peut être surveillé : attention aux infos pouvant inculper les manifestant-e-s.

Matos (pour les street medics) (non exhaustif)

> Ne prends pas le stock et protège ce que tu emmènes dans des sacs étanches et refermables.

> De l’eau, des sucres, une frontale, un stylo.

> Gants jetables (plutôt en vinyle, pas mal de gens sont allergiques au latex), 1 sac plastique qui servirait de poubelle, un flacon de solution hydro-alcoolique (pour se laver les mains sans eau).

> Sérum physiologique en dosettes, mouchoirs, « Maalox maux d’estomac » (celui contenant de l’hydroxyde d’aluminium + hydroxyde de magnésium), eau.

> Pour le Maalox, mélange le à 50/50 avec de l’eau, c’est pratique d’avoir un spray, mais ne le prépare pas à l’avance, et ne le garde pas d’une manif sur l’autre.

> Les lingettes pour bébés permettent de bien nettoyer la lacrymo en gel.

> Pansements, compresses stériles, antiseptique (préfère la Biseptine car il y a moins de risque d’allergie), sparadrap, (bandes si tu sais les mettre, attention aux types de bandes qui se resserrent une fois posées).

> Une paire de ciseaux à bouts ronds (attention, tout ce qui est pointu et/ou tranchant peut être considéré par les flics comme une arme, que ce soit légal ou non).

Même si tu n’est pas en médic, prends au moins tout ce qui sert contre la lacrymo, il n’y a jamais trop de personnes qui ont du matos. Ça permet d’avoir toujours de quoi soigner même si certaines personnes se font confisquer leur matos. Et puis tout ça a un coût alors ça peut devenir financièrement compliqué pour les street medics... Autonomise-toi ! Merci :)

Attention : il arrive fréquemment que le matériel de soin ou de protection, principalement les masques/lunettes, sérum phy, décontaminant, maalox, soit confisqué par les flics lors de fouilles (avec ou sans raison légale). Il peut être utile de le cacher.

PENDANT LA MANIF

Attitude(s) à avoir

> On n’est pas des warriors ! On ne peut pas tout faire tout le temps, et ça ne fait pas de nous des mauvais-es militant-e-s.

> Connaître ses limites (peur, stress, gestion des charges, vue du sang, connaissances, etc.) et en informer ses co-équipier-e-s.

> Même en soin, si on ne le sent pas, on passe la main à quelqu’un-e d’autre.

> Être au clair sur ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas (même si on « devrait » savoir et que le stress fait oublier). C’est du médic, on fait pas n’importe quoi. Par exemple on ne donne jamais un traitement à quelqu’un-e, sauf si c’est le sien et qu’il faut qu’ille le prenne à ce moment-là.

Si une personne est déjà prise en charge :

> Aller voir si il y a besoin d’aide, demander sans s’imposer ni insister. Si la-e soignant-e est en panique prends le relais si t’as les connaissances suffisantes ou fais appeler un-e autre médic.

> Sécuriser la zone à plusieurs pour un espace de soin suffisant : on forme un cercle autour de la zone de soins, en regardant à l’EXTERIEUR, pour anticiper les mouvements de foule/de flics. Pas besoin de regarder la personne qui est en train d’être soignée (ça stresse).

> Surveiller les flics (charges, tirs de lacrymos, Lanceur de Balle de Défense).

> Aller chercher du matos s’il y en a besoin.

> Appeler les secours si besoin (demande au médic), les diriger à leur arrivée.

Prendre en charge :

> Être calme, ou faire en sorte d’être perçu-e comme calme.

> Rassurer, éviter tous les termes subjectifs par exemple « c’est grave !/punaise ça pisse le sang ! » : ça ne peut qu’aggraver la situation pour le-a blessé-e, le-a médic et les personnes autour.

> Fais ce que tu dis et dis ce que tu fais.

> Éloigner le bruit, focaliser la personne sur ce que tu lui dis/fais.

> Si tu dois partir, trouve une personne calme qui te remplace.

Alerter les médics

> En début de manif, aller repérer qui et où illes sont.

> Appeler « Medic » en donnant le lieux où il faut qu’illes viennent.

> Aller ou envoyer quelqu’un-e la-e chercher.

> C’est toujours bien d’avoir un peu de matos sur soi même si on n’est pas médic.

PREMIERS SOINS DE BASE, SIGNES DE GRAVITÉ, APPEL AUX SECOURS

> Si on doit appeler le 15 (SAMU)  : Donner le lieu où l’on est, décrire la personne blessée (âge, état, soins effectués…) pas besoin de raconter ce qui l’a amenée là (les CRS ont chargé blablabla, personne n’a besoin de le savoir). NE PAS RACCROCHER, ne pas s’énerver, une chronologie existe dans le protocole des secours et doit être respectée. L’ambulance est souvent déjà partie lorsque tu réponds aux questions. Garder le portable qui a servi à donner l’alerte, laisser la ligne disponible.

> Repérer LES dangers en présence (flics, circulation, feu, mouvements de foules, relous...).

> Signes de gravité : l’inconscience, la personne est tombée de plus haut que sa hauteur, + signes décrits dans matraques/saignements/brûlures, accumulation des blessures (exemple : chute+coups+brûlure) -> voir infos plus bas.

> Si la personne est inconsciente, fouiller ses poches et son sac à la recherche d’infos (médocs, carte signalant un traitement/un problème particulier).

CONSENTEMENT

Tant qu’une personne est consciente et cohérente, elle est décisionnaire (ses décisions ont de l’importance). Par exemple on ne peut pas appeler le SAMU si la personne le refuse.

Rien ne t’empêche de faire part de ton point de vue et de tes connaissances mais le sien est sa décision et prévaut sur le tien.

FACE AUX LACRYMOS

> Il en existe 4 sortes, 2 sont principalement utilisées actuellement en fRance : CS et poivre (voir pdf sur l’armement de la police en fin de document).

> Jus de citron ou vinaigre pour imbiber les vêtements proches du visage, en prévention. Ne pas en mettre sur la peau, le mélange avec les gaz est toxique.

> Plus t’es couvert-e / protégé-e, moins tu dégustes.

> Pulvérisation de Maalox dilué sur le visage et les parties du corps à nu (50-50, ça marche quand même avec moins de Maalox).

> Serum physiologique en unidoses stériles pour rincer les yeux : maintenir la tête en arrière, penchée sur le côté (à droite pour l’œil droit, à gauche pour l’œil gauche), bien rincer avec un jet (pas de goutte-à-goutte) de l’intérieur vers l’extérieur de l’œil (le sérum physiologique contaminé ne doit pas passer dans l’autre œil) et si par mégarde tu touches l’orifice d’ouverture avec tes mains (sales), jette la pipette (les yeux sont sensibles et fragiles, on fait très attention à ce qu’on met dedans).

> Les lacrymos se fixent partout : vêtements, peau, cheveux. Se frotter augmente leur effet, voire en remettent sur les zones sensibles (yeux, bouche, nez). Si tu as les cheveux longs, il vaut mieux les attacher...

> Respirer calmement.

> Rester calme.

> Ne pas hésiter à demander de l’aide.

> Pleurer +++, ouvrir les yeux, cracher, morver, vomir, va t’aider à évacuer les gaz.

> Garder en tête que l’effet passe.

> Essayer de se mettre à l’écart pour reprendre ses esprits, loin du risque de charge/tir/interpellation par la BAC.

> Repérer, aller chercher, guider, mettre en sécurité celleux qui ont pris cher.

> C’est de s’être préparé-e qui permet d’agir rapidement.

> ATTENTION à celleux qui portent des lentilles de contact (les enlever vite mais attention à la lacrymo sur les mains) et/ou qui ont de l’asthme (mettre hors gaz, prise du traitement et surveillance de la respiration).

CHOCS (MATRAQUES, LBD...

> Prévention : les vêtements solides et épais amortissent les coups

> Sur les coups = glaçons à mettre dans un linge (les glaçons direct sur la peau, ça brûle) : en demander dans les bars, restos, etc.

> Vérifier si la blessure est ouverte (plaie) ou fermée ?

Signes de gravité

> Si ça a touché une articulation.

> Déformation (indice de fracture).

> Insensibilité, vérifier si la personne sent toujours (gratter doucement autour de la zone touchée, le faire sur la main ou le pied si c’est un membre qui a été touché).

> Perte de mobilité : la personne peut-elle bouger les articulations du membre touché ou du tronc ? (On vérifie en bougeant doucement et peu, pas besoin de faire de grands gestes, ça fait mal.)

> Attention : après un coup, surtout dans une situation de stress, on ne ressent pas toujours la douleur, de même après application de froid, il faut en tenir compte pour ne pas aggraver la blessure.

> A la tête : demander à la personne de prévenir si elle ressent des nausées, des vertiges, des maux de têtes, des bourdonnements, des sensations bizarres quelles qu’elles soient, saignement des oreilles. Y a-t-il eu perte de connaissance ? Combien de temps (demander aux témoins éventuels) ?

> En cas de doute, ou si une des réponses est positive, appeler le 15 et/ou street médic expérimenté-e, personnel médical car c’est grave.

SAIGNEMENTS

> Mets des gants !

> Pas de panique ! Ne flippez pas et ne faites pas flipper la personne qui saigne. Certains endroits saignent beaucoup : tête, nez, arcade, lèvre, mains. Même quand ce n’est pas grave.

> Pour déterminer la gravité : est-ce que le saignement se stoppe de lui même dans la minute ?

Signes de gravité

> Le saignement très abondant ne cesse pas et imbibe rapidement les compresses/tissus.

> Saignement en jet  : urgence absolue. Vomissement de sang (différent de cracher du sang qu’on a dans la bouche).

> Saignement des oreilles : urgence absolue.

> JAMAIS de garrot, y’a que dans les mauvais films d’action que ça sauve des gens, en vrai ça les met en danger.

> Allonger la personne, surélever le membre touché par rapport au cœur.

Compresser la plaie avec compresse/linge propre, sur toute l’étendue de la plaie, quitte à utiliser plusieurs mains. Vérifier au bout de 5 minutes si ça continue à saigner ou pas en soulevant légèrement le linge. Si ça continue, on continue de compresser sans arrêter (si c’est en jet pas besoin de vérifier, on compresse en continu).

> En cas de blessure à la tête on compresse AUTOUR de la plaie.

> En cas de blessure au cou ou de saignement très important, où comprimer la plaie ne suffit pas, appeler le 15 et/ou street médic expérimenté-e, personnel médical (nécessite un point de compression).

> Présence de corps étranger dans la plaie (ex :éclat de grenade) : on ne l’enlève pas (peut aggraver le saignement), on ne compresse pas, on appelle le 15 et/ou street medic expérimenté-e, personnel médical.

BRÛLURES

> Faire couler de l’eau à température ambiante en filet (pas en jet) sur la brûlure pour la refroidir pendant longtemps (jusqu’à ce que ça ne brûle plus : si ça brûle, ça cuit !) PAS DE GLACE, c’est beaucoup trop froid.

> On ne met rien d’autre sur une brûlure tant qu’elle brûle encore, même un tout petit peu.

Signes de gravité

> Taille de la brûlure supérieure à la main de la victime, brûlure circulaire (en anneau autour d’un membre), au visage, au cou, à l’abdomen, proche d’une articulation, qui cloque immédiatement, qui ne fait pas mal du tout : appeler le 15 et/ou street médic expérimenté-e, personnel médical.

LIENS UTILES

(Attention, la loi évolue, les pratiques aussi, fais attention à la date/lieu de provenance des documents que tu lis !)

> Guide d’autodéfense juridique (2008) 

> Les armements de la police (2012) (contient des liens vers d’autres guides street’medic utiles) 

> Manuel pour un peu plus d’autonomie face aux premiers secours (dans nos lieux) (2005) 

Ce travail, réalisé collectivement, est un partage : étoffe-le, diffuse-le, discute-le !

Prendre soin de nous est aussi primordial que d’empêcher les arrestations, aussi important que de balancer nos pavés. Parce qu’on ne peut décidément pas leur laisser nos ami-e-s blessé-e-s.

Des médics

Publié initialement le 10 mai 2017 sur Paris-luttes.infos.



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