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Actions directes - mode d’emploi

mis en ligne le 10 mars 2004 - Les Pokemons Activistes

Quelques remarques de base sur la préparation d’actions directes contre le système capitaliste pour faire suite au
petit texte « qu’est-ce que l’action directe non-violente ? »

Ce texte ne prétend pas apprendre grand chose aux personnes qui ont l’habitude de faire ce type d’actions, plutôt
rappeler quelques bases. Gardez en tête qu’il faut savoir être quelquefois audacieux/se, spontané/e et tout ce
que vous voulez, et que l’on soumet ici plus une série de conseils simples qu’une liste de conditions
indispensables à respecter pour qu’une action réussisse. Juste une série de choses pour se donner des chances
que cela marche le mieux possible en minimisant les risques pour celles/ceux qui y participent.

Quelles formes d’actions sont concernées ? :

En particulier toutes les actions qui frôlent ou franchissent très franchement les limites de la légalité dans notre
société : que ce soit des occupations, sabotages, blocages, détournements publicitaires, bombages, subversion
d’un meeting, fête de rue, des interventions théâtrales et tout ce que vous voudrez bien imaginer de plus fun et
efficace qu’un défilé ou une distribution de tracts. Et même si l’action prévue paraît tranquille, déjà vue, déjà faite
et sans problème, n’hésitez pas à relire ce petit texte avant, on sait jamais.

Préparer, scénariser et discuter :

La base, c’est qu’une action se prépare, que cela demande du temps (mais vraiment ce que l’on appelle du
temps) et une implication collective avant, après et pendant pour qu’elle ait quelque chance de réussir et que l’on
ait envie d’en refaire.
Le repérage précis des lieux est extrêmement important, ainsi que de ne pas se faire repérer au repérage. Soyez
imaginatif/ve, déguisez-vous, trouvez de bonnes excuses, ayez du culot et vous pourrez vous introduire incognito
dans les lieux pour obtenir des renseignements utiles.

Liste non exhaustive d’informations utiles :

 la distance par rapport aux commissariats et flics les plus proches
 la localisation d’entrées, de sorties de secours, d’ascenseurs, d’escaliers
 la présence de caméras de surveillance
 les heures d’ouverture et de fermeture des locaux, ce qui s’y passe
 le nombre de personnes qui y travaillent, où elles se trouvent
 si c’est un local public, les heures de plus grande affluence, etc.

Ne jamais cibler un lieu (par exemple un consulat) sans avoir été voir un peu à l’intérieur.

Dans l’action en elle-même, chaque personne doit avoir des rôles assignés et savoir quoi faire (même pour les
trucs qui peuvent sembler les plus idiots ou les plus susceptibles d’être fais spontanément comme porter la
banderole, distribuer des tracts, rassurer l’employé-e). Certes, cela nuit à la spontanéité, mais permet d’éviter des
situations catastrophiques... Il semble que le plus souvent, c’est en prenant d’abord l’habitude de s’organiser de
manière très précise sur les rôles à tenir que la confiance vient et qu’il est ensuite possible de spontanément
extrêmement difficile et donne des réflexions prises à la va vite et qui ne sont pas toujours les meilleures. Avant
une action, il faut se donner des objectifs précis, se donner des temps pour chaque étape de l’action, fixer le
moment et la façon pour quitter les lieux et tout faire pour s’y tenir. Mettre en scène une action au préalable,
vérifier par la pratique les temps nécessaires à chaque étape de l’action est une bonne chose.
Il peut aussi être utile de prévoir une action de rechange au cas où l’objectif principal foire afin de pouvoir rebondir
et de ne pas rester complètement désemparé-e-s.

Il faut toujours se réserver une réunion juste avant l’action ou la veille au soir, en plus des autres réunions de
préparation pour une mise au point générale avec tout-e-s les participant-e-s et un inventaire du matériel. C’est
un moment nécessaire en particulier pour celles/ceux qui n’ont pu participer aux réunions de préparation et vont
donc se joindre au dernier moment. Cette réunion doit permettre de les mettre en confiance à tous niveaux, de
leur faire connaître leur rôle et éventuellement de faire connaissance avec les personnes ayant préparé l’action.

Communication pendant les actions :

En présence des flics, il est bon de prévoir des systèmes préétablis et simples de code de communication (du genre "les carottes sont cuites" et tout ce qui s’en suit, vous voyez ce que je veux dire) sur les décisions
importantes à prendre.

Sur des actions où les gens sont dispersés à différents endroits et ne peuvent communiquer directement, il est
très utile de prévoir un système de communication par portable, que ce soit en mettant en place un ’central’
(numéro où tout le monde appelle, et qui transmet les informations aux personnes concernées), ou alors un
réseau où tout le monde envoie des messages à tout le monde.

Attention pour toutes les actions chaudes, les portables peuvent aussi permettre de localiser les gens qui les
utilisent ou au besoin être brouillés sur un certain périmètre par la police.

Il est très utile de s’accorder à l’avance sur le mode décisionnel à employer durant l’action : peut-être, plutôt que
dire que toute décision doit-être prise collectivement, est-il préférable de déléguer sa confiance à un groupe plus
restreint, surtout en cas d’imprévus où il faut réagir rapidement.

La sécurité :

Il est nécessaire de se fixer un nombre de personnes minimum pour l’action et de ne pas hésiter à renoncer à
l’action si le nombre en question n’est pas réuni. Ce nombre peut jouer dans le rapport de force avec des
personnes en face, de la police, de l’impact sur les médias ou la population, mais aussi concernant des
inculpations, sur certaines occupations un peu chaudes par exemple. La police a tendance à prendre quelques
personnes qu’elle isole pour en faire des exemples ; Il est important que tout le monde soit successible de se
faire inculper, pas seulement quelques uns. Le but est d’avoir un impact, pas de jouer les martyres et de se faire
arrêter isolément pour la cause parce que l’on tient à faire son action jusqu’au bout, même si il y a 100 flics et 12 manifestant-e-s.

Il faut soigneusement peser les risques d’inculpation qui vont avec chaque action, si possible se renseigner
auprès d’un avocat sur les chefs d’inculpation spécifique et les peines encourues. Et, pour éviter le commis
d’office, il est bien que chaque personne soit munie d’un numéro d’avocat motivé à contacter. De même il faut
prévoir un briefing voire un topo sur papier des notions légales de base sur l’arrestation, la garde à vue, etc. et ne
pas hésiter à rabâcher ce que l’on croit connu de tous et qui ne l’est pas ou que l’on a trop tendance à oublier.
Une bonne chose si on a le temps est de prévoir aussi des jeux de rôle préalables entre participant-e-s à l’action,

Documenter ses actions :

Il est important pour ne pas faire une action dans le vide et d’être à même de documenter ses actions et de les
porter soi-même à la connaissance du public, surtout si les grands médias ne sont pas présents.

Par contre les personnes munies d’appareils photos ou éventuellement de caméras devront avoir participé à la
préparation de l’action, savoir exactement ce qu’elles font là et ce qu’elles peuvent filmer ou prendre en photo
pour ne pas risquer de mettre en danger ou d’incriminer les participant-e-s. En règle générale, on ne devrait prendre aucune photo qui puisse servir ensuite de preuve à la police pour inculper quelqu’un-e ou leur donne des
indices sur l’organisation de l’action.

Le mieux est d’utiliser des jetables pour leur discrétion et leur peu de valeur marchande ; De plus il est possible,
comme sur tout appareil photo d’ouvrir la pellicule et de la montrer au jour au besoin.

En dehors de l’aspect purement documentaire, un appareil photo ou une caméra peuvent permettre de garder
des preuves d’abus policiers et chaque fois que cela est possible. Il peut même être très bien de prendre des
policiers en photo pour leur rendre la pareillle et pouvoir les identifier après coup, surtout quand l’action part en grabuge.

Cela dit, caméras et photos ont une influence aléatoire sur le comportement de nos ami-e-s les policier-e-s, qui
peuvent devenir soit extrêmement nerveux-ses et agressif-ves, soit beaucoup plus calmes ;Surtout s’ils sont tenus
par des gens à l’air respectable et doublés par exemple de (fausses) cartes de presse.

 Pour la documentation il est bien d’avoir préparé par avance les bases d’un communiqué/compte-rendu à
envoyer immédiatement ou presque après l’action, et d’avoir une liste prête de relais importants à qui l’envoyer.
Un des outils militants participatifs qui se développe à ce niveau là en France et dans le monde, c’est bien sur
Indymedia (c’est aussi très bien de pouvoir traduire les communiqués dans quelques langues afin d’informer à
l’étranger de ce qui se passe) .

 Pour ce qui est des journalistes, il ne faut bien sûr pas leur faire confiance pour garder le secret d’une action et
ne pas tout révéler à la police avant même que l’action ait lieu. Par contre, il est toujours possible de leur donner
rendez-vous en les appâtant d’une manière ou d’une autre sans préciser exactement ce qu’il va se passer, ou de
les appâter et de les faire venir vite une fois que l’action a démarré.

 Prévoir quelqu’un-e pour envoyer les fax et faire des appels renouvelés à la presse dès le début de l’action si
vous voulez vraiment qu’ils pointent le bout de leur nez et qui puisse assurer aussi une permanence téléphonique
en dehors de l’action

Quelques trucs généraux sur le déroulement des actions :

A chaque fois que c’est possible et même si c’est très sérieux ou que cela peut-être dangereux, une action doit le
plus possible rester quelque chose de fun et d’excitant (c’est une des raisons pour lesquelles les plans à l’arrache
’pour la cause’ sont à éviter).

Militer de cette manière est un choix que l’on a fait parce que c’est autrement plus enthousiasmant que de ne rien
faire, de blablahter, de passer sa journée à écrire de la paperasserie politique ou d’aller de réunion en réunion.

Dans les cas d’actions faites pour durer longtemps, prévoir un rapport avec les passant-e-s. Notamment pour tout
ce qui est occupation, blocage, etc., il est bien de les animer, que ce soit par des chansons, de la musique, des
histoires, des jeux, du thé/café et de la distribution de bouffe.

De même les modes d’action doivent être considérés soigneusement en fonction des façons de réagir de la police
locale. Ce qui s’applique bien dans une certaine ville et passe assez facilement sera peut-être durement réprimé
ailleurs.

Surtout j’espère que tous ces conseils fastidieux ne feront reculer personne devant l’envie d’agir. Il faut y aller
expérimenter, pouvoir dire par son expérience qu’une partie de ces conseils sont peut-être de la merde et que
c’est bien moins compliqué ou bien plus. Malgré les ’il faut’ du texte et le ton professoral et agaçant parce que
c’est plus facile à écrire vite comme cela, on détient surtout pas la vérité et il s’agissait juste de partager un peu
d’expériences.

Just do it.



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