E


Cahier de vacances pour arrêter de fumer

mis en ligne le 11 avril 2024 - Cahier tabac

À qui s’adresse cette brochure ?

À toi, probablement, si tu l’as ouverte.
Plus sérieusement, elle est à destination de tou·tes les personnes qui souhaitent arrêter de fumer, ou qui ont peur de reprendre. Elle est aussi à destination des fumeur·ses qui n’ont pas l’intention d’arrêter tout de suite, et qui sont à la recherche d’informations. Et elle peut aussi être lue par des non-fumeur·ses curieux·ses, ou par des personnes qui souhaitent soutenir les autres dans leur arrêt.

Qui écrit ?

Je ne suis moi-même pas fumeuse mais j’ai travaillé dans un centre d’addictologie. Les personnes que j’ai accompagnées ont pour beaucoup d’entre elles des parcours de vie très cabossés, des pathologies psychiatriques parfois lourdes et/ou des co-addictions. Il n’y a pas de solution miracle, l’idée est de trouver des stratégies adaptées à chacun·e.
Au gré des lectures et des formations, je me suis orientée vers la psychologie solutionniste. Je fais aussi un peu d’hypnose thérapeutique. Il est probable que des personnes pratiquant d’autres branches de psychologie ne seraient pas d’accord avec ce qui va suivre, même si j’ai l’impression que c’est un courant assez consensuel au sein de l’addictologie actuelle.

La thérapie solutionniste

Née dans les années 1980 aux USA, la thérapie solutionniste est une forme de thérapie brève (c’est-à-dire que vous n’allez pas passer 15 ans sur un divan). Comme les autres thérapies cognitivo-comportementales, elle a été fortement influencée par l’hypnose et la psychologie scientifique (c’est-à-dire : des gens ont fait des études qui montrent que ça marche mieux que laisser les personnes se dépatouiller toutes seules). Le langage utilisé par ses créateurs est assez marqué par le contexte libéral de sa genèse (on parle notamment de “client”, de “relation acheteur” etc.) mais elle propose des outils très émancipateurs et propres à développer l’empowerment.

L’idée de base qui soutend notre approche est que les addictions répondent à des besoins ; que ces besoins sont tout à fait légitimes et naturels ; et qu’on va pouvoir trouver d’autres moyens d’y répondre. On part aussi du principe que chaque personne est différente, qu’il n’y a que des cas particuliers, et que la méthode que tu emploieras pour arrêter de fumer sera la tienne. Le but de cette brochure est de te donner quelques clés pour la construire, certaines choses te parleront et d’autres pas, et c’est tout à fait normal. Elle vise également à te donner des informations sur le tabac, et à promouvoir une vision anti-autoritaire et positive de la santé mentale.

Bien entendu, d’autres méthodes pourront convenir à certaines personnes. Par exemple, certaines personnes aiment bien le ton assez directif de Tumer fue (https://infokiosques.net/spip.php?article1749). Si cette méthode ne fonctionne pas pour toi, il faut tester d’autres choses !

Comment utiliser cette brochure ?

Si tu as décidé d’arrêter de fumer, je te conseillerai de fixer une date dès à présent, à un moment où cela n’entre pas trop en conflit avec ton emploi du temps, surtout si tu as un syndrome de sevrage peu agréable.

Dans tous les cas, que tu souhaites arrêter maintenant ou pas, je te suggère d’avoir un support écrit, soit en écrivant sur cette brochure soit en recopiant les tableaux/questions sur une feuille ou un carnet. Ça aide à fixer les choses dans la tête.

Habituellement la thérapie solutionniste se pratique avec un·e soignant·e. Si tu as l’impression que ce contact humain te serait nécessaire, n’hésite pas à te rapprocher de ton médecin traitant ou d’un centre d’addictologie. Les personnes qui y travaillent sont (en général) assez bienveillantes, l’ambiance est assez différente de la psychiatrie. Tu peux venir accompagné·e mais il est possible que la personne qui te recevra veuille te voir seul·e. Tu peux aussi préparer quelques questions. Si tu es trop loin pour te déplacer, il est possible d’appeler Tabac Info Service au 39 89. Si tu as une ALD pour une affection psychiatrique ou une maladie somatique, tu peux peut-être te faire rembourser le prix des transports.

Si cela s’est déjà mal passé dans un centre, tu peux évidemment en essayer un autre, mais parfois il faut donner une adresse dans la zone géographique qui correspond pour être accepté·e...

Si ce n’est pas possible pour toi d’aller voir un·e professionnel·le mais que tu as un·e bon·ne copain·e sous la main, de petits encadrés sont prévus à certains endroits pour proposer des clés pour te soutenir. Qu’iel soit fumeur·se ou pas n’a pas d’importance. Vous pouvez aussi vous soutenir mutuellement dans l’arrêt si vous êtes deux (ou plus) à vouloir arrêter en même temps.

Cette brochure a été pensée pour l’arrêt du tabac mais comprend des stratégies qui peuvent être employées pour gérer d’autres addictions. Cependant, pour les consommateur·ices quotidien·nes d’alcool ou de benzodiazépines, le sevrage peut être dangereux, avec un risque de convulsions, de séquelles neurologiques voire de décès. Pour les personnes addictes à la cocaïne ou à l’héroïne, il peut être très pénible physiquement. Il est préférable de se renseigner à l’avance sur la molécule qu’on souhaite arrêter et (le plus souvent) de se faire accompagner.

L’addiction à la nicotine

Dans le cerveau, la nicotine se fixe sur des récepteurs à la dopamine, activant le circuit du plaisir et de la récompense du noyau accubens. C’est la substance la plus addictive connue, devant la cocaïne et l’héroïne. C’est pour ça qu’on glisse très facilement d’une consommation en contexte festif à une consommation quotidienne, que ce soit avec les cigarettes ou avec les joints.

Quand on est fumeur·se, le cerveau s’est habitué à un seuil de nicotine. En-dessous de ce seuil, on est en sevrage de nicotine. C’est notamment le cas en fin de nuit, 7-8 heures après la dernière cigarette

Le sevrage de nicotine peut causer une irritabilité, une humeur plus instable, une envie importante de fumer (le craving), une constipation, des problèmes de sommeil, une toux, une fatigue, des étourdisssements, la faim, un manque de concentration… Le sevrage brutal en nicotine ne présente pas de risque physique. Les symptômes de sevrage sont généralement maximaux dans les 2 à 3 premiers jours après l’arrêt, puis disparaissent progressivement en 2 à 4 semaines selon les personnes.

Si tu as l’impression que la cigarette t’appaise, cela peut être :
 parce que tu es en sevrage de nicotine ;
 et/ou parce que cela te permet de prendre un moment pour toi, d’avoir un petit rituel dans ton quotidien.

Mais dans le cerveau, la nicotine inhibe aussi des neurones qui vont vers l’amygdale, générant de l’anxiété. Quelques mois après le sevrage, la plupart des fumeur·ses se sentent moins stressé·es qu’avant.

On conseille d’arrêter le tabac d’un coup, car lorsqu’on essaie simplement de diminuer on a tendance à plus tirer sur les cigarettes et à allonger les périodes de manque de nicotine, donc les désagréments du sevrage, et on a souvent tendance à reprendre comme avant.
Comment le tabac a fait un tabac

Avant le 15ème siècle, diverses plantes, dont le tabac, sont fumées un peu partout dans le monde, surtout dans le cadre de cérémonies religieuses. Les colons espagnols qui envahissent l’Amérique du Sud deviennent bientôt addicts au tabac, et en 1561, Jean Nicot (qui donnera son nom à la nicotine), envoie les premières feuilles à la reine de France Catherine de Médicis.

Au XVIIème siècle les premières banques, sociétés par action et compagnies d’assurance -bref, le capitalisme- vont organiser et financer l’import de produits du “Nouveau monde”, dont le tabac, pour la haute société européenne. La traite négrière et le commerce triangulaire se mettent en place, fournissant une main d’oeuvre bon marché pour les plantations de tabac des futurs États-Unis.

La révolution industrielle arrive et en 1880, James Bonsack, un mécanicien, crée une machine capable de rouler 120000 cigarettes par jour. James Duke, fils d’un producteur de tabac, s’associe à lui et se lance dans une opération de marketing massif : publicités dans les journaux, 400000 chaises au nom de la marque offertes aux débitants de tabac des USA et… photos érotiques dans les paquets de cigarettes. La société qu’il fonde tourne si bien qu’en 1911 elle sera scindée en plusieurs compagnies du fait de la loi anti-monopole, donnant naissance à l’American Tobacco Compagny et RJ Reynolds notamment.

La cigarette a longtemps été associée à la virilité (les psychanalystes y voient d’ailleurs un symbole phallique). En 1929, l’American Tobacco Compagny engage Edward Bernays, inventeur du “conseil en relation publique”, pour capter le marché féminin : il engage des mannequins qui allument des cigarettes devant les photographes et raconte à la presse qu’il s’agit de féministes manifestant pour leurs droits. L’image de la “femme libre” clope au bec est née.

La dangerosité du tabagisme est scientifiquement prouvée dès les années 1950. Mais l’industrie contre-attaque : elle finance pour plusieurs centaines de millions de dollars des chercheur·ses qui publieront des résultats allant dans son sens et met en cause la fiabilité des études en sa défaveur. Des physiciens connus sont payés et communiqueront pour elle dans la presse. Cette “stratégie du doute” est d’une efficacité redoutable et sera reprise par les lobbyings climatoseptiques et pro-pesticides. En 2006, l’industrie du tabac sera condamnée aux USA pour avoir sciemment trompée l’opinion publique pendant plusieurs décennies. Mais elle continue de financer des équipes de recherche en France, comme celle de Jean-Pierre Changeux qui prétendait pendant la crise du Covid que la nicotine avait un effet protecteur contre le virus !

Les industriels du tabac vont également faire un lobbying important auprès des politicien·nes, afin de retarder la mise en place de politique de santé publique autour du tabac, et ce partout dans le monde.

Cercle de Prochaska et Di Clemente

Le cercle de Prochaska et Di Clemente est un modèle descriptif de la dynamique des sorties d’addictions proposé par deux psychologues américains dans les années 1980.
Au départ, on passe par une phase de “précontemplation”, qui est plus ou moins du déni : “il n’y a aucun problème avec le fait de fumer, je n’ai aucune envie d’arrêter”, “le tabac ne m’apporte que des choses positives”.

Puis on entre dans la contemplation, on commence à percevoir les inconvénients de l’addiction mais on hésite sur ce qu’on va faire.

Puis vient la décision d’arrêter, la mise en action (par exemple on se débarrasse de son dernier paquet, et/ou on commence à utiliser des substituts nicotiniques).
Puis vient le maintien de l’abstinence et la sortie de l’addiction… ou la rechute.

Mais rechuter ce n’est pas repartir à zéro ! Au contraire, on apprend à chacune de ses tentatives des choses qui seront utiles pour un arrêt définitif. Si tu as déjà arrêté de fumer et que tu as repris, c’est une très bonne idée de se pencher sur ce qui a marché ou pas la dernière fois.

En moyenne il faut 3 à 4 tours du cercle pour arrêter de fumer – mais c’est une moyenne, ce qui signifie qu’il en faut plus pour certaines personnes et qu’un seul peut suffir pour d’autres ! Le but de cette brochure est aussi de bien te préparer dans ton arrêt pour essayer de limiter le risque de rechute.

As-tu déjà fait un ou plusieurs tours de cercle ? Où penses-tu en être actuellement ? Et qu’est-ce qui te permettrait de passer à l’étape suivante (par exemple de la contemplation à la décision) ?

Encadré du soutien

C’est important de comprendre le cercle, et que la rechute fait partie du processus d’arrêt, afin de ne pas te culpabiliser ni culpabiliser l’autre.

Les transferts d’addiction

En addictologie, on se rend compte que souvent les personnes sont passées par différentes addictions, en sont sorties mais pour retomber dans une autre. Quand elles se sont rendues compte que leur addiction précédente posait trop de problèmes dans leur vie, elles ont réussi à arrêter, souvent au prix de beaucoup d’efforts, mais sont passées à un autre produit ou à un autre comportement addictif car elles avaient toujours besoin d’une bouée de sauvetage dans leur vie.

Il peut être intéressant de faire un point sur ce que tu consommes comme autres produits à part le tabac (dont le café !), en te demandant pourquoi tu le fais : est-ce pour le goût, pour te détendre, pour gérer le stress, pour éviter de penser à des souvenirs douloureux ? Est-ce qu’il y a un risque que tu consommes plus ces produits après avoir arrêté de fumer ?

Il y a aussi les “addictions comportementales” auxquelles on pense moins : l’addiction aux écrans, aux jeux vidéos, au sexe (en général c’est une addiction à la pornographie ou à la masturbation, parfois aux sites de rencontre), aux jeux de hasard et d’argent, au travail, au sport et les troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie…).

Il n’est pas toujours facile de faire la différence entre une bonne stratégie pour sortir d’une addiction et une nouvelle addiction. Les questions que tu peux te poser pour faire la différence entre les deux sont : est-ce que ce comportement a des impacts négatifs sur certains aspects de ma vie (amicale, familiale, amoureuse, professionnelle, loisirs...) ? Est-ce que j’ai l’impression de perdre le contrôle, que ce comportement envahit ma vie et m’empêche de faire d’autres choses que j’aurais envie de faire ? Est-ce que j’ai besoin d’augmenter le temps passé à avoir ce comportement ou de l’intensifier pour ressentir le même effet ? Est-ce que ce comportement a déjà pu me mettre en danger ? Est-ce que je me sens mal quand je ne peux pas avoir ce comportement ?

Calendrier des consommations

Si tu fumes actuellement, ça peut être une bonne idée de commencer par étudier tes habitudes liées au tabac. Tu trouveras à la page suivante un tableau que tu peux remplir pendant une semaine par exemple.

Il va être intéressant de noter ce qui te fait consommer et ce qui, au contraire, te fait diminuer ta consommation. Est-ce certaines activités, passer du temps avec certaines personnes ? La consommation d’autres produits joue-t-elle un rôle ? Est-ce que la cigarette est plus ou moins associée à certains moments de la journée, à certaines émotions, à certains souvenirs ? As-tu des petits rituels, par exemple après un repas, avec le café, dans des moments conviviaux ?

Tu peux aussi calculer le prix que cela te coûte, et sachant que 80% revient à l’État si tu achètes ton tabac en France, calculer ce que tu lui reverses chaque année…

Mais tu sais bien que tu en es capable...

L’encadré du soutien
Coucou à toi cher·ère camarade soutien ! Merci à toi d’avoir accepté d’être notre allié·e pour accompagner le·a copaine dans son arrêt du tabac. Pas de pression inutile : aider ne signifie pas que tu es responsable de ce que la personne fera.

Dans cette société très toxicophobe, l’un de nos objectifs est de restaurer l’estime de soi des personnes addictes afin qu’elles se sentent capable de changer des choses dans leur vie.

Chaque jour, trouve un compliment à faire à le·a copaine. De préférence quelque chose en lien avec des changements qu’iel a déjà pu faire dans sa vie, des manières dont elle a évolué positivement, des nouvelles choses qu’il a apprises… Si tu n’es pas à l’aise à l’oral, tu peux lui laisser des mots écrits ou des SMS. Si vous êtes un groupe hyper à l’aise sur vos émotions, vous pouvez faire des tours de parole de compliments mutuels ! Pas besoin de choses exceptionnelles, l’important est d’être sincère. Par exemple, les thérapeutes solutionnistes félicitent souvent les patient·es d’être venu·es au rendez-vous ou de parler de leurs consommations avec franchise malgré la crainte du jugement.

Si tu n’as pas de copain·e sous la main pour te faire des compliments, ou si tu n’es pas à l’aise avec ça, tu peux faire une liste des choses que tu as déjà changé dans ta vie et dont tu es fier·ère (par exemple ton régime alimentaire, ton lieu de vie, ta manière de militer, de gérer des situations stressantes, de communiquer avec les autres...) :

Naissance, vie et mort d’une cigarette

Le tabac est principalement produit dans les pays en voie de développement (Bangladesh, Tanzanie, Kenya, Inde, Thaïlande…).

C’est une plante extrêmement gourmande en potassium, phosphore et nitrates, ce qui implique des très grandes quantités d’engrais et un appauvrissement des sols, donc un besoin constant de nouvelles terres. Par ailleurs, le tabac une fois cueilli est séché au feu bois ; un kilo de tabac nécessite la combustion de 100 à 200kg de bois. 5% de la déforestation est dûe à la culture de tabac dans le monde, et jusqu’à 25% dans certains pays. Les restes du plant de tabac ne peuvent être donnés aux animaux et sont brûlés.
Le tabac est aussi assez fragile et nécessite un fort usage des pesticides, même pour celui supposément “bio”. Outre l’impact sur la faune des rivières, l’usage de pesticides comme le DDT sans protection dans les pays en voie de développement cause des troubles psychiques, des maladies de Parkinson et des cancers chez les employés des productions. La “green tobacco sickness” est une maladie liée à la récolte du tabac à main nue, qui cause des vomissements, des maux de tête et une faiblesse musculaire ; elle touche notamment les enfants, qui sont très souvent employés dans les cultures de tabac.
Le tabac nécessite de grandes quantités d’eau, et ses cultures rejettent des quantités importantes d’eaux polluées par les engrais et pesticides.

Sa production est sous la coupe des géants du tabac qui imposent leurs prix aux paysan·nes, fournissent engrais et pesticides, et se déplacent un peu plus loin quand la terre est devenue inexploitable, y compris pour l’agriculture vivrière.

La production de cigarettes représenterait 35 millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année et des milliers de tonnes de déchets chimiques.

La fumée de cigarettes c’est, à l’échelle mondiale, des dizaines de milliers de tonnes de cancérigènes, de gaz à effet de serre et de toxiques relâchés dans l’air chaque année. Trois cigarettes fumées entrainent une concentration en microparticules équivalentes à celles d’un moteur de voiture diesel allumé pendant 30 minutes.

Un seul mégôt peut polluer 1000 litres d’eau en nicotine et, en laboratoire, des chercheurs ont montré qu’un mégôt pouvait tuer 50% des poissons dans un litre d’eau. Dans une ville comme Berlin, il y a 2,7 mégôt de cigarettes par m².

À la recherche des exceptions

Rentrons dans le coeur de la thérapie solutionniste : trouver ce qui a déjà marché pour toi et voir comment on va pouvoir l’exploiter. C’est un peu flou ? Les questions suivantes ont pour but de t’aider à y voir plus clair ! Je te conseille de répondre à toutes, même si c’est un peu répétitif. Tu peux également t’aider du tableau des consommations, si tu l’as rempli.

Est-il déjà arrivé que tu arrêtes de fumer ou bien que tu diminues ta consommation, ne serait-ce que quelques heures ?

Si oui, comment as-tu fait ?

Qu’est-ce qui t’a aidé à ce(s) moment(s)-là ?

Qu’as-tu fait de différent ce(s) jour(s)-là ?

Comment te sentais-tu à ce(s) moment(s)-là ?

À quoi pensais-tu ce jour là ? Y avait-il quelque chose de différent dans ta manière de réfléchir, de te percevoir ou de percevoir les autres par rapport à d’habitude ?

Est-ce que tes proches avaient remarqué un changement ? Si oui, quoi ?

Sur une échelle de 1 à 10, quelle est ta motivation pour arrêter de fumer (tu peux entourer le chiffre) ?

Qu’est-ce qui te ferait gagner un point sur cette échelle (par exemple passer de 3 à 4, ou de 7 à 8) ?

D’après tes proches, qu’est-ce qu’il te faudrait faire pour gagner un point sur cette échelle ?

Sur une échelle de 1 à 10, à quel point penses-tu que tu es capable d’arrêter de fumer ?

Qu’est-ce qui te ferait gagner un point sur cette échelle ?

D’après tes proches, qu’est-ce qu’il te faudrait faire pour gagner un point sur cette échelle ?
Le but de toutes ces questions est de commencer à te forger ta propre boite à outils personnalisée pour sortir du tabac. Si rien ne te vient, ou si tu as l’impression que tes outils actuels ne suffiront pas, je te partage une petite liste non-exhaustive des stratégies trouvées par mes patient·es ou des copaines pour sortir de leurs addictions et notamment au tabac : boire un grand verre d’eau quand l’envie arrive, faire des mandalas, aller courir, promener le chien, dessiner, regarder la télévision, jouer à des jeux vidéos, écouter de la musique, tricoter, aller à la pêche, faire du code informatique, faire du vélo, regarder des télénovelas brésiliennes, se maquiller en même temps que le café du matin, lire des mangas, faire des mots croisés ou des sudokus, faire du badmington, le bâton coréen, cuisiner, faire de la méditation, faire des câlins à leur chat, des maquettes de bateau, de la moto, du taichi, de la boxe, bricoler, écouter des podcasts, jouer de la musique, appeler des ami·es, jouer avec leurs enfants, faire de la pétanque, jardiner, nager... Bref, si pour le moment rien n’a marché pour toi, il va te falloir expérimenter de nouvelles choses !

Note les idées qui te semblent pertinentes pour toi, et n’hésite pas à y revenir plus tard, au gré de tes expérimentations :

Casser les habitudes

D’après une légende dont la véracité n’est pas bien établie, un jour, un policier en retraite vint consulter le grand-papi de l’hypnose, le psychiatre Milton Erickson, car il n’arrivait pas à arrêter de fumer. Erickson, sachant que les policiers étaient assez bornés et soumis à l’autorité, lui ordonna simplement de ne plus aller chercher ses paquets de cigarette qu’un par un, à pied, dans le bureau de tabac à l’autre bout de la ville. Le policier sortit du cabinet en l’insultant, mais quelques temps plus tard, un de ses amis vint informer Erickson qu’il avait bel et bien arrêté de fumer.

Je suppose que le public de cette brochure sera moins enclin à suivre stupidement des ordres qu’un ex-flic ; néanmoins, peut-être qu’une rupture dans vos habitudes peut vous aider à arrêter de fumer. Par exemple, vous pouvez changer de bureau de tabac, changer de marque de cigarette, de tabac ou de filtre, changer l’endroit où vous fumez (par exemple sortir si vous fumez en intérieur, ou vous éloignez de 20-30 mètres si vous fumiez à la porte de chez vous), changer de rituel associé à la cigarette (par exemple remplacer un café par une tisane, et boire votre café à un moment sans cigarette)… Ou mieux encore, inverser les mains dans tous les gestes liés au tabac (par exemple rouler, allumer et fumer les cigarettes de la main gauche si vous êtes droitier·ère !).

Le tabac et la santé

Le tabac tue 7 millions de personnes chaque année dans le monde. Un·e fumeur·se sur deux décède du tabagisme, que ce soit d’un cancer, d’une insuffisance respiratoire, d’un infarctus ou d’un AVC. Les fumeur·ses perdent en moyenne dix ans d’espérance de vie par rapport aux non-fumeur·ses.

Une cigarette contient environ 5000 substances chimiques dont de nombreux cancérigènes (notamment du benzène, des goudrons, du formaldéhyde…).

Le tabac est classiste. L’industrie du tabac cible aujourd’hui les pays en voie de développement, où vivent 80% des fumeur·ses. Là-bas, la désinformation va bon train, les industriels jouant sur l’image de “bonne qualité” des firmes européennes… et vendent en fait des cigarettes encore plus toxiques qu’en Europe. Dans tous les pays du monde (y compris la France), les personnes ayant les revenus les plus bas sont celles qui fument le plus. Notamment parce que plus on est pauvre, moins on a accès aux soins et à l’information médicale. Le tabagisme touche également plus fréquemment les personnes atteintes de pathologies psychiques.

Par ailleurs, l’exposition au tabac a des effets multiplicatifs avec les expositions professionnelles et environnementales : ainsi, un·e fumeur·se a 10 fois plus de chance de faire un cancer du poumon qu’un·e non-fumeur·se, une personne exposée à l’amiante a 5 fois plus de chance de faire un cancer du poumon qu’une personne non exposée ; mais un·e fumeur·se exposé·e à l’amiante a 50 fois plus de chance de faire un cancer du poumon qu’une personne ni fumeuse ni exposée à l’amiante.

Le tabac est sexiste. Les personnes ayant des oestrogènes et fumant sont encore plus à risque de faire un cancer ou un infarctus que les fumeur·ses ayant de la testostérone. Par ailleurs, prendre des oestrogènes (dans la pillule contraceptive ou pour une transition de genre) et fumer, au-delà de 35 ans, est déconseillé du fait du risque d’embolie pulmonaire.

Le tabagisme passif expose également les non-fumeur·ses partageant le quotidien des fumeur·ses.

Le temps pendant lequel on a fumé compte nettement plus que la quantité de tabac qu’on a fumé sur cette période. Ainsi, mieux vaut avoir fumer 20 cigarettes par jour pendant un an qu’une cigarette par jour pendant 20 ans.

Arrêter de fumer est protecteur à tout âge, mais plus on arrête jeune mieux c’est. Ainsi, arrêter de fumer avant 40 ans réduit de 90% le risque de décéder des conséquences du tabagisme.

L’arrêt du tabac fait-il grossir ?

Oui et non. Certaines personnes peuvent faire un “transfert d’addiction” sur la nourriture. Autrement dit, elles vont s’occuper en grignotant à la place de fumer. Il peut y avoir aussi des transferts sur d’autres produits, ou d’autres comportements addictifs (par exemple, perdre le contrôle du temps passé sur les écrans). D’où l’intérêt de bien préparer son arrêt. Lorsqu’elle se produit, la prise de poids moyenne est entre 2 et 4kg. Mais certaines personnes ne prennent pas de poids voire en perdent à l’arrêt du tabac !

Même en cas de prise de poids importante, le risque d’avoir un problème cardiovasculaire diminue avec l’arrêt du tabac.

Y a-t-il un intérêt à l’arrêt du tabac si j’ai déjà des problèmes de santé ?

Oui ! L’arrêt du tabac est la seule mesure qui limite l’avancée d’une BPCO (bronchite post-tabagique chronique obstructive) ou d’un emphysème. Arrêter le tabac après un infarctus du myocarde diminue également d’un tiers le risque de récidive.

Quels sont les changements que je peux m’attendre à voir rapidement après l’arrêt du tabac ?

Après l’arrêt du tabac, tu vas commencer à avoir plus de souffle en quelques heures à quelques semaines, grâce à la baisse du monoxyde de carbone sanguin et au renouvellement des cellules pulmonaires et des globules rouges. Le goût et l’odorat s’améliorent après 2 jours environ. La peau et les dents peuvent avoir un meilleur aspect dès le premier mois, et la voix devient moins rocailleuse.

Cela peut t’aider d’être attentif·ve à ces changements, et de les noter sur un petit calendrier par exemple.

Patch ou pas patch ?

Avoir recours ou pas à un traitement de substitution nicotinique est un choix personnel : tout le monde n’a pas la même intensité de syndrome de sevrage et/ou ne le vit pas de la même manière. J’aurais tendance à te conseiller une substitution notamment si tu as des sensations vraiment pas confortables ou si tu fumes ta première cigarette très peu de temps après le réveil, et encore plus si tu te réveilles la nuit pour fumer. Des études ont montré qu’il y a deux fois plus d’arrêts réussis avec des substituts que sans ; si tu as déjà repris après un arrêt sans patch, cela peut être une bonne idée d’essayer avec.
L’intérêt des substituts est de casser le syndrome de sevrage en évitant les fluctuations de nicotine, en apportant un taux stable qu’on va pouvoir baisser petit à petit. Ça peut permettre de faire la part entre l’addiction physique à la nicotine et la part “comportementale” de l’addiction.

Les traitements de substitution nicotinique comprennent :
 les patchs, dosés en 21, 14 ou 7mg pour ceux à mettre sur 24h ; et en 25, 15 et 10mg pour ceux à garder 16 heures par jour. J’ai tendance à conseiller ceux qu’on garde 24h/24 (un changement par jour) pour éviter d’avoir une période de sevrage en nicotine dans la journée ou sur la nuit.
 les pastilles (dosées en 1, 1.5, 2mg), les gommes (dosées en 1, 2 et 4mg) et le spray buccal (moins connu). La plupart des personnes préfèrent les pastilles aux gommes. La plupart des gommes et pastilles sont goût menthe mais il existe également de l’eucalyptus selon les pharmacies.

Il est conseillé d’associer patchs en systématique et pastilles, gommes ou spray en traitement d’appoint pour gérer les envies au cours de la journée.

Une cigarette industrielle correspond à peu près à 1mg de nicotine, et une roulée à 2mg de nicotine. Mais c’est très dépendant d’une personne à l’autre ! Si tu fumes un paquet de 20 cigarettes industrielles ou 10 roulées par jour, je te conseille de commencer avec un patch de 21mg. Si tu es trop dosé·e, tu peux ressentir des maux de tête, des nausées, des vertiges, des palpitations, parfois avoir des cauchemars ; c’est tout à fait bénin, il suffit de diminuer la dose. Lorsque tu as envie de fumer, tu peux prendre une pastille, une gomme ou un pschitt de spray buccal. Si tu as tout le temps envie de fumer, mieux vaut augmenter la dose du patch.

On peut mettre plusieurs patchs à la fois (jusqu’à 4 patchs sur la même patiente !), et c’est préférable au début pour pas mal de gens afin de vraiment casser la sensation de manque. La diminution se fait sur quelques semaines ou mois selon les personnes. L’important c’est vraiment d’aller à son rythme, on n’est pas tous·tes fait·es pareil.

On peut aussi découper les patchs en deux pour diminuer les doses très progressivement. Par exemple, si tu es à un patch de 21mg, tu peux passer à un 14mg + un demi de 7 mg, puis à un 14 mg, puis à un et demi de 7mg...

Si tu craques et que tu fumes une cigarette, sois tranquille, on peut fumer avec un patch. Le seul risque est de ressentir quelques effets de surdosage, complètement bénins. N’enlève pas le patch quand tu fumes, ça t’aidera sûrement à ne pas fumer la suivante (et les patchs ne recollent pas bien quand on les enlève). Certain·es patient·es rapportent également qu’au début avec le patch iels fument une ou deux taffs “par habitude” puis s’arrêtent.

Certaines personnes qui ne veulent pas totalement arrêter de fumer commencent par diminuer avec des patchs, avant d’arrêter complètement.

Si tu transpires beaucoup et que les patchs collent mal, tu peux mettre une bande pour les faire tenir. Les patchs peuvent se mettre sur des zones de peau exposées au soleil. Si tu fais une allergie à la colle des patchs, dans ce cas-là tu peux changer de marque, ou ne prendre que des pastilles, gommes ou spray.

Les substituts nicotiniques sont remboursés à 65% sur prescription médicale. Et 100% avec la CMU et certaines mutuelles. Les infirmier·ères, sage-femmes, dentistes et kinésithérapeutes peuvent également les prescrire. Si tu n’as pas de prescription, ils sont en vente libre en pharmacie. Sans remboursement, prévois un budget d’environ 25 euros pour une boite de 28 patchs et de 6 à 7 euros pour une boite de 30 gommes ou pastilles (généralement ça revient à un prix beaucoup plus faible que les cigarettes achetées en France).

Et la cigarette électronique ?

Si tu ne veux vraiment pas arrêter de fumer mais que tu souhaites préserver ta santé, cela peut être une bonne option. Il est possible de diminuer progressivement la dose de nicotine du liquide, mais c’est assez vraisemblable qu’en faisant ça tu vapotes plus intensément, comme on a tendance à plus tirer sur les cigarettes quand on essaie de réduire le nombre sans arrêter complètement. J’ai aussi l’impression que ça ne permet pas de travailler sur le côté “comportemental” de l’addiction au tabac, d’autant plus que la cigarette électronique est mieux tolérée en intérieur.

Il est possible de combiner cigarette électronique et patch, pastilles ou gommes.

La varénicline et la bupropione sont deux médicaments également vendus pour l’arrêt du tabac, mais je ne les prescris pas du fait d’effets indésirables possiblement graves.
Balance décisionnelle

En thérapie solutionniste, on part du principe que les gens font du mieux qu’iels peuvent pour aller bien et être des personnes chouettes. Et faire au mieux, pour bon nombre de personnes, ça peut impliquer prendre des produits à un moment de leur vie.

En centre d’addictologie, on suit énormément de personnes qui ont des traumas plus ou moins graves, une dépression, des troubles du neurodéveloppement (autisme, troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité), une schizophrénie, une bipolarité, une anxiété sociale… pour bon nombre de personnes, les produits sont ou ont été une bouée de sauvetage, une stratégie de survie. Notre travail, c’est d’aider les personnes à construire d’autres solutions pour être plus confortables dans leur vie, répondre différemment à leurs besoins.

Pour le tabac, voilà quelques exemples de besoins auxquels il a pu répondre d’après des patient·es ou des copaines :
 s’intégrer dans les groupes ;
 interagir avec des personnes avec lesquelles on a peu de points communs ;
 avoir un moment pour soi ; faire une pause dans ses activités, dans les relations sociales pour se détendre ;
 se rappeler des souvenirs d’enfance ;
 prolonger le moment du repas ;
 se donner mal à la tête pour ne pas réfléchir aux problèmes ;
 s’identifier à des personnages qu’on trouve stylés dans les films.

Tu trouveras à la page suivante un tableau à remplir pour faire un peu le point sur les côtés positifs et négatifs du tabagisme pour toi. Si tu fumes des joints en même temps que du tabac, je te conseille de faire un autre tableau à part.
Pour remplir ce tableau, tu peux te poser les questions suivantes :
 Qu’est-ce que cela changerait si j’arrêtais de fumer ?
 Que se passera-t-il si je continue à fumer ?

Encadré du soutien

Peut-être pouvez-vous vous poser ces questions : Qu’est-ce qu’on fera différemment ensemble si tu arrêtes de fumer ? Qu’est-ce que ça changera entre nous ? Que fera-t-on de nouveau ensemble sans tabac ?

Si une personne est l’une des premières à devenir non-fumeuse dans un groupe, cela peut avoir un côté effrayant. On peut avoir l’impression qu’on va être mis·e de côté, et c’est important de se rassurer là-dessus.

Points positifs du tabagisme

Points négatifs du tabagisme

Relations amicales

Relations familiales

Relations amoureuses

Rencontres, relations avec des inconnu·es

Santé sur le long terme

Comment je me sens au quotidien (souffle...)

Budget

Convictions politiques

Gestion des émotions

Charge mentale

Image de soi-même

Les colonnes de Beck

Dans les pages précédentes, on a réfléchi d’une part aux besoins auxquels venaient répondre la cigarette (les “points positifs du tabagisme”) et d’autre part à comment se créer une boite à outils pour faire différemment, sans cigarette (pages “À la recherche des exceptions” et “question miracle”). L’idée du tableau de la page suivante est de relier tout cela.

Voilà un petit exemple inspiré de la vraie vie des urgences d’un hôpital (il y a énormément d’urgentistes fumeur·ses) :
 Quand est-ce que j’ai envie de fumer ? Après le gros rush de 18h-minuit, après une situation difficile à gérer émotionnellement ou stressante…
 À quel besoin ou émotion cela correspond-il ? Besoin de faire une pause, de prendre un temps pour soi, d’être (relativement) au calme dehors, de bavarder avec les collègues d’autre chose que des problèmes des patient·es…
 Comment puis-je répondre autrement à ce besoin ? Faire une pause en buvant un verre d’eau, un thé ou un café, aller marcher dehors, mettre de la musique ou papoter dans le poste de soins, s’étirer, faire une micro-sieste sur le bureau...

Si vous cherchez sur Internet, vous trouverez probablement plusieurs versions des fameuses colonnes du psychiatre américain Aaron Beck, grand-papi fondateur des thérapies cognitivo-comportementales. J’ai mis celle que j’utilise avec mes patient·es, mais sens-toi libre de l’adapter comme cela te semble le plus pertinent pour toi.

Faire des pauses : un besoin particulier

Notre niveau d’attention/conscience varie au cours de la journée, même lorsque nous sommes éveillé·es. Généralement, nous maintenons notre attention sur des périodes d’une heure à une heure et demi, puis notre cerveau déconnecte pendant quelques minutes. C’est un état d’auto-hypnose naturel que nous expérimentons toustes plusieurs fois par jour, et qu’il est important de respecter pour rester en bonne santé psychique.
Assez souvent, les fumeur·ses allument leur cigarette dans ces moments-là : la cigarette est un petit rituel qui permet de s’accorder ce moment de pause, de déconnexion. Il est important de réfléchir à des alternatives au tabac pour ces petits temps-là, car il faut bien entendu les conserver !

Quand est-ce que j’ai envie de fumer ?
À quel besoin cela correspond-t-il ?
Comment puis-je répondre autrement à ce besoin ?

La “question miracle”

Encadré du soutien
Vous trouverez ci-dessous un des principaux outils qui est passé de l’hypnose thérapeutique à la thérapie solutionniste. Ça peut être une bonne idée que ce soit ton soutien qui te lise le texte suivant, de préférence dans un moment calme en fin de journée. Tu peux bien entendu le lire seul·e également.

Tout d’abord, tu vas pouvoir prêter attention à toutes les sensations que ton corps ressent en ce moment, que ce soit la sensation des tissus ou de l’air sur la peau, la température, et d’autres choses encore, en partant des orteils, puis en remontant à la cheville, aux jambes, le long du dos et jusqu’au sommet de la tête. Tu peux observer comment la respiration se fait, l’alternance entre inspiration et expiration. Et après ce moment, tu vas faire toutes les choses que tu as l’habitude de faire le soir, comme te changer ou te brosser les dents, ou d’autres choses qu’il y a besoin de faire avant d’aller dormir. Puis tu vas aller te coucher, comme tu en as l’habitude, t’installer confortablement pour la nuit. Maintenant que ton corps est allongé, les oreilles peuvent percevoir les bruits qui t’entourent, comme la peau peut prêter attention à la sensation des draps ou de l’air, à la température de la pièce, et les yeux à certains détails dans l’obscurité qui t’entoure. Puis tu vas fermer les yeux et t’endormir, plus ou moins rapidement, comme tu as l’habitude que cela se passe pour toi. Et quand on dort, il y a des choses dont on ne se souvient pas... Supposons que dans ton sommeil un miracle se produise, quelque part dans ton cerveau… une sorte de déclic… Et comme tu dors, tu ne peux évidemment pas t’en rendre compte tout de suite. Mais ce miracle fait que le problème est désormais résolu, et qu’il va désormais être très facile d’arrêter le tabac. Ni toi ni moi ne pouvons savoir exactement ce qu’il s’est passé, mais quelque chose a bougé, quelque part, qui fait que cela va être non seulement possible, mais très simple d’arrêter de fumer. Puis, après cette très bonne nuit de sommeil, tu vas pouvoir te réveiller tranquillement, ouvrir progressivement les yeux, écouter les premiers bruits du matin et ressentir les premières sensations de ce début de journée.

Maintenant que tu es réveillé·e, quelle est la toute première chose qui te permettra de te rendre compte que ce miracle a eu lieu ?

Et que feras-tu différement aujourd’hui, maintenant que ce petit miracle s’est produit ?

Au niveau émotionnel, qu’est-ce qui est différent ?

Qui se rendra compte en premier que quelque chose a changé ? Et à quoi cette personne le verra-t-elle ?

Qu’est-ce que cette personne pourra-te dire, et qui te montrera qu’elle s’est rendue compte qu’un changement a eu lieu ?

Plan de crise

Peut-être as-tu déjà arrêté de fumer, ou peut-être cela viendra-t-il plus tard. Et peut-être as-tu peur de ce qui se passera si, après ton arrêt, tu as une grosse envie de fumer, ou si tu refumes une cigarette et que tu ne veux surtout pas réenchainer sur les suivantes. L’intérêt d’un plan de crise est de se préparer à ces éventualités, à un moment où on se sent plutôt bien et lucide pour trouver des idées. Tu pourras le ressortir quand ça va moins bien, car dans ces moments-là on a plus de mal à réfléchir à des solutions.

Quelles situations pourraient déclencher une envie de fumer ?

Quels seront les signes qui pourront m’alerter sur le risque que l’envie de fumer arrive (cela peut être des sensations physiques, des émotions, des pensées…) ?

Que puis-je faire seul·e pour me changer les idées à ce moment-là ?

Qui puis-je appeler pour me changer les idées en parlant d’autre chose ?

Qui puis-je appeler pour parler du problème ?

Est-ce que je me sens d’appeler un·e professionnel·le pour en parler, par exemple Tabac Info Service (08 25 30 93 10) ?

Comment puis-je faire pour qu’à ce moment-là le tabac ne soit pas accessible ?

Encadré du soutien
Il peut être intéressant de discuter avec ton soutien du rôle que tu souhaites qu’iel ait en cas d’envie forte ou de rechute : être présent·e pour discuter, te changer les idées, te proposer une activité, mettre à distance les cigarettes, demander aux personnes de ne pas fumer à côté de toi…

Il y a probablement des choses aussi que tu ne souhaites pas qu’iel fasse, et c’est important de lui dire pour que tu ne te sentes pas trop materné·e/fliqué·e.
Bonus : un exercice d’auto-hypnose

Voici un exercice d’auto-hypnose pour décompresser. À utiliser sans modération si ça fonctionne bien pour toi ! Si tu as l’impression qu’avoir une voix qui te parle t’aide, il y a des vidéos trouvables facilement sur Internet. Tu peux aussi réquisitionner ton soutien.

Première étape : se rappeler d’un souvenir agréable. Il faut qu’il soit vraiment safe pour toi, donc en général on déconseille les souvenirs impliquant des personnes décédées ou qui vont mal en ce moment, les personnes avec qui on s’est embrouillé ou les ex’s. Cela peut être un souvenir qui date d’hier ou de plusieurs années en arrière, peu importe tant qu’il est chouette.

Puis tu vas t’installer confortablement dans un endroit où tu ne risques pas d’être dérangé·e et repérer 5 objets, formes ou couleurs autour de toi. Puis tu peux fermer les yeux, et noter 5 bruits autour de toi (cela peut être un chant d’oiseau, un bruit de moteur, la pluie qui tape… ou simplement ta respiration). Puis tu vas repérer 5 sensations que ton corps ressent à ce moment là, comme la sensation des vêtements, le support sur lequel tu es assis·e ou la température de l’air autour de toi.

Puis dans le souvenir agréable, tu vas repérer 5 choses que tes yeux peuvent voir. Puis 5 choses que tes oreilles peuvent entendre, et 5 choses que le corps peut ressentir.

Puis dans l’ici et maintenant, tu peux repérer 4 sons que les oreilles entendent, puis 4 sensations. Et dans ton souvenir agréable, tes yeux voient 4 choses, soient les mêmes que celles qu’ils ont déjà vu, soient 4 différentes. Et les oreilles entendent 4 sons, et le corps se concentre sur 4 sensations.

Puis on fait la même chose avec 3, puis 2, puis 1 chose(s) que les oreilles entendent ou que le corps ressent dans l’ici et maintenant, et que les yeux voient, que les oreilles entendent et que le corps ressent là-bas, dans ce souvenir agréable.

Puis on revient doucement dans l’ici et maintenant, avec 1, puis 2, puis 3, puis 4, puis 5 choses que le corps ressent et que les oreilles entendent ici et maintenant. Et enfin, on rouvre les yeux pour voir 5 choses, formes ou couleurs qui sont dans la pièce.

Bonus numéro 2 : les astuces des psychomotricien·nes

Certaines personnes ont des profils psychiques un peu particulier. Par exemple, on peut avoir souvent du mal à se concentrer et/ou ne pas tenir en place (ça peut être le fameux “Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité” ou TDAH). D’autres personnes peuvent avoir une hyposensorialité, c’est-à-dire une difficulté à percevoir leur sensations corporelles, parfois associé à un TDAH ou à un autisme. Pour ces personnes la cigarette peut être ce petit truc qui ramène aux sensations corporelles et qui permet de se recentrer sur la tâche à accomplir. Si ce n’est pas ton cas c’est peut-être difficile à imaginer, mais oui, pour certain·es faire deux choses à la fois aide à se concentrer !

Voici quelques idées de psychomotricien·nes pour proposer une alternative à la cigarette dans ces situations :
 l’automassage de pied avec un objet comme une balle de tennis, ou plus sophistiqué une balle à picot ou un autre ustensile d’automassage que tu feras rouler sous la plante ;
 avoir une chaise à roulette (type chaise de bureau ou autre) pour faire des petits va-et-vient (moins dangereux que se balancer…) ;
 être assis sur un “ballon de grossesse” ou “swiss ball” au lieu d’une chaise ; cela permet de faire un petit mouvement continu… et est plutôt efficace contre les douleurs dorsales également ;
 avoir un petit objet type toupie à faire tourner dans une main ;
 dessiner pendant les réunions (si si…).
Bibliographie

Tabac info service – site gouvernemental mais plutôt de bon conseil
Les marchands de doute, 2014, Robert Kenner (inspiré du livre de Naomi Oreskes et Erik M. Conway), film incroyable sur les rapports entre le monde scientifique et les lobbyings industriels
Pourquoi fumer, c’est de droite, Olivier Milleron, 2022 – livre écrit par un ancien fumeur cardiologue (probablement le seul cardiologue de gauche de France)
https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/la-face-cachee-de-la-nicotine – pour un peu de neuroscience
Prescrire, revue médicale indépendante des lobbyings pharmaceutiques
Systematic Review of the Link Between Tobacco and Poverty, OMS, 2011
Les baromètres Santé, Santé Publique France
The environmental externalities of tobacco manufacturing : a review of tobacco industry reporting, Yogi Hale Hendlin et al., 2018
Toxicity of cigarette butts, and their chemical components, to marine and freshwater fish, Slaughter et al., 2011
Les cigarettes suisses font un tabac en Afrique, Marie Maurisse, http://stories.publiceye.ch/tabac/
Tumer fue, https://infokiosques.net/spip.php?article1749
Guide pour décrocher des médicaments psychotropes en réduisant les effets nocifs, qui traite notamment de l’addiction aux benzodiazépines, https://infokiosques.net/spip.php?article1217

France, mars 2024

cahier-tabac@@@riseup.net



ce texte est aussi consultable en :
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (661 ko)
- PDF par téléchargement, en cliquant ici (660.7 ko)