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Techniques de désinformation Manuel pour une lecture critique de la presse

mis en ligne le 12 mai 2004 - Collectif

De nos jours l’opinion publique constitue un élément fondamental pour la stabilité ou l’instabilité du système. Et dans une société médiatique, « l’opinion publique est construite jour après jour par le bombardement continu des médias. La vérité est celle qu’ils présentent comme telle. Ce qui n’apparaît pas dans la presse n’existe pas, et ce qui existe, n’existe que dans la forme dont la presse le présente. »

L’importance des médias donne lieu, d’une part, à un fort contrôle de ceux-ci par le pouvoir, et d’autre part, à la nécessité que ce contrôle passe inaperçu pour préserver l’apparence de liberté d’information, préalable indispensable à la définition d’une société comme démocratique. Un troisième aspect est le fait que la majorité des médias sont des entreprises, lesquelles ont des objectifs commerciaux, ce qui aura également une influence sur leur ligne éditoriale. Le résultat de la conjonction de ces trois facteurs est la configuration d’un système de manipulation vaste et subtil, parfois contradictoire, mais qui généralement, plutôt que d’informer, essaye d’imposer une réalité par le moyen d’opinions et d’évaluations présentées comme vérités absolues.

L’inventaire de ces techniques de désinformation est le fruit de trois ans de travail du Groupe d’Apprentissage Collectif (GAC) de Communication Populaire, dans le cadre du projet éducatif et social de l’Ecole Populaire « la Prosperidad ». Trois ans à analyser de manière critique de nombreux articles de presse tirés des principaux quotidiens nationaux espagnols, de façon à, jour après jour, définir et élaborer des critères et des conclusions que nous vous présentons sous la forme de ces techniques.

Elles sont toutes apparues de manière claire et répétée, isolées ou combinées les unes par rapport aux autres. Nombre d’entre elles peuvent être appliquées à d’autres médias, télévision ou radio, mais pas de manière uniforme : tous les médias, étant données leurs différentes caractéristiques, ont leurs propres méthodes de désinformation.

La subjectivité est inévitable dans n’importe quel produit culturel, car une vision de la réalité, pour autant qu’on la veuille neutre et impartiale, ne pourra jamais être totalement objective. La meilleure manière de se rapprocher de l’objectivité est de montrer la réalité depuis différents points de vue, de recueillir l’information sur un même thème auprès de différentes sources et positionnements.

C’est précisément sur ce point que réside un premier et fondamental élément de manipulation des médias : leur prétention à l’objectivité, cette façon trompeuse de nous offrir leur vision de la réalité comme étant la réalité elle-même, en cachant toujours les intérêts qu’ils servent. Pour avoir une lecture critique de l’information, il est essentiel de connaître les intérêts auxquels répondent celles et ceux qui nous la transmettent.

La « réalité virtuelle » construite par les médias est donc partielle et biaisée. En général ceux-ci couvrent en priorité les points de vue de celles et ceux qui détiennent les pouvoirs politique et économique (entreprises, grands partis politiques, gouvernements, grands syndicats, etc.) ; par contre l’optique, les valeurs, les opinions et les intérêts des jeunes, âgé-e-s, travailleureuses, malades, étudiant-e-s, prisonnier-e-s, femmes, immigré-e-s, administré-e-s, organisations populaires,... sont presque toujours tus, marginalisés ou déformés.

La désinformation n’est pas toujours systématique, préparée et écrite de manière consciente et contrôlée. La complexité du processus d’élaboration de l’information, et le vaste champ duquel on la recueille, font souvent de la désinformation le fruit de l’incompétence du ou de la journaliste, par méconnaissance d’un sujet, par manque de temps et d’espace, par préjugés, par application de schémas de travail trop simplistes ou sensationnalistes, etc. Mais il existe de nombreux autres cas de campagnes de désinformation qui répondent à des intérêts économiques ou politiques clairs, du média ou des entreprises qui le financent et le soutiennent.

La grande majorité des nouvelles sont diffusées par des agences de presse internationales. Celles-ci, dès le départ, sélectionnent une petite partie de l’information reçue, et en rejettent 90%.
Autrement dit, ce qui vient à notre connaissance n’est qu’une petite fraction de ce qui se passe dans le monde. Il est donc nécessaire de savoir quels sont les critères de sélection utilisés pour la discrimination de l’information et à quels intérêts ils peuvent répondre.

N’oublions pas que la plupart de ces agences sont des grandes entreprises nord-américaines, européennes et japonaises, en général étroitement liées à d’importants groupes financiers en contact direct avec les gouvernements des pays auxquels ils appartiennent. Logiquement, ils n’ont pas intérêt à ce que se produisent des changements sociaux, ni bien sûr à faire connaître des nouvelles et des situations qui mettent en évidence les dangers et les aspects négatifs du système ou qui remettent en cause sa validité.

Mais ces agences ne sont pas les seules à avoir une influence sur l’information (elles n’en sont que le premier filtre) ; il y a aussi les banques qui financent les médias, les corporations qui possèdent ces médias, les entreprises qui ont des actions ou qui alimentent le journal à travers la publicité. Il ne s’agit d’ailleurs pas que d’entreprises : par exemple, l’Etat espagnol lui-même est l’annonceur qui apporte le plus d’argent aux médias nationaux espagnols, par le biais de publicités (payées avec l’argent public) ; de cette manière indirecte, il peut « punir » ou « récompenser » les médias favorables ou adverses.

Enfin, la ligne idéologique même des journalistes, des rédactrices et des rédacteurs en chef, c’est-à-dire leurs préjugés, leurs intérêts corporatifs, leur excessive spécialisation, leur fidélité à l’entreprise et leur tendance à l’auto-censure, influencent aussi l’orientation de l’information.

La désinformation procède au travers de différents filtres et biais, sans qu’aucun d’entre eux en particulier, sinon l’ensemble du processus, soit la cause d’une information manipulée, déformée, et même souvent consciemment altérée. Ce n’est donc pas seulement dans ce qui est publié que réside la désinformation, mais aussi dans la manière dont c’est publié.

De temps en temps apparaissent des articles critiques et discordants dans les médias. Mais en règle générale ils ne représentent rien de plus que des « fissures contrôlées », qui donnent de la crédibilité au média, en le dotant d’une apparence de pluralité et d’indépendance, et qui sont contrastés par une avalanche d’informations de sens contraire (qui répondent aux différents intérêts du pouvoir) ou par une présentation qui leur donne un caractère lointain ou anecdotique. De plus, la majeure partie de cette information discordante, réellement critique, apparaît sous forme « d’opinion » (chroniqueurs et chroniqueuses, courrier des lecteurs, etc.), ce qui relativise leur importance.

Ce dossier ne se concentrera pas sur les causes ou les origines de la désinformation (structure commerciale du processus médiatique, intérêts politico-économiques, etc.) mais sur les formes par lesquelles cette désinformation se déploie sur le papier, derrière l’apparence d’objectivité et d’exhaustivité d’un journal. C’est pour cette raison que nous l’avons sous-titré : « manuel de lecture critique de la presse ». Parce qu’au delà des inquiétudes théoriques, ce qui nous guide dans ce travail est un besoin concret d’outils pour l’analyse critique.

Les techniques de manipulation qui sont recueillies ici ne sont que quelques-unes des gouttes d’eau d’un courant entier qui déguise la réalité. Malgré tout, nous considérons important d’apprendre à nous défendre des médias, à voir ce que cache leur façade (« lire entre les lignes « ) pour, au bout du compte, poser l’exigence et la nécessité d’une information au service de nos intérêts, et non contre ceux-ci.

Le présent dossier est structuré en trois parties. Dans la première nous verrons comment s’organise et se hiérarchise l’information dans un journal (sections, taille...), le contexte dans lequel sont présentés les articles et comment ceux-ci sont agencés. Dans la seconde partie nous analyserons le langage écrit, photographique et statistique, c’est-à-dire la forme dans laquelle une information nous est présentée, le style narratif, l’utilisation de guillemets, d’adjectifs, etc. Et dans la troisième et dernière partie du travail nous étudierons le contenu des articles : leur provenance, leur falsification, les sujets traités, ceux qui sont omis et ceux qui sont sur-dimensionnés. Suit une annexe avec des articles concrets qui illustrent les points et idées exposés.

A/ STRUCTURE DE L’INFORMATION DANS LE JOURNAL

1. Localisation et étendue de l’information

L’emplacement et l’espace occupé par un article a une influence fondamentale sur la perception qu’en aura la lectrice ou le lecteur, relativise son importance et permet de faire passer une information plus ou moins inaperçue en fonction des intérêts du journal. Derrière leur prétention à informer en détail sur une grande quantité de faits d’actualité, les médias établissent en réalité une hiérarchisation intéressée de ceux-ci, à travers leur localisation et leur taille, privilégiant ainsi certaines nouvelles et marginalisant, voire occultant complètement, d’autres informations.

Il y a plusieurs façons de mettre un article au premier ou au second plan, selon l’espace qu’il occupe et sa taille :

1.1 Selon les pages où il apparaît

Les articles en couverture et dans les premières pages sont ceux qui sont lus en premier : ils sont mis en avant par rapport aux autres comme étant les plus importants. Ils influent donc sur le lecteur ou la lectrice, en lui présélectionnant certains centres d’intérêts au détriment d’autres. De la même façon, on fait ressortir davantage un article si on le présente en page impaire, car l’attention se porte plus facilement sur celle-ci (elle est plus « en vue »). D’ailleurs, insérer une annonce en page impaire coûte toujours plus cher qu’en page paire, car elle est alors plus visible.

1.2 Selon sa position dans la page

S’il est situé, par exemple, dans les angles supérieurs, surtout ceux de droite, un article saute plus aux yeux qu’à d’autres emplacements. La composition finale de la page peut donc servir à privilégier certaines nouvelles et à en occulter d’autres.

1.3 Selon son étendue

L’ampleur d’une nouvelle, c’est-à-dire le nombre de pages qu’un journal lui consacre et le nombre de jours où il reste « d’actualité », sont une bonne mesure de l’intérêt que le journal accorde (et suggère à ses lecteurs et lectrices) à un argument ou événement précis.

Un exemple illustrant les points précédents se trouve dans El Mundo du 27/05/99, qui consacre sa couverture et ses deux premières pages intérieures au procès de Milosevic par le tribunal de La Haye. Le lendemain, le sujet réapparaît en première page et occupe une pleine page intérieure ; les semaines suivantes d’autres commentaires continuent à paraître. Par contre, la requête que la Yougoslavie présente à ce même tribunal contre l’Otan ne mérite dans le même journal, le 03/06, qu’une demie colonne en page (paire) interne.

1.4 Selon la rubrique dans laquelle il apparaît

Tout journal est subdivisé en diverses rubriques, que distinguent généralement deux critères.

 Rubriques générales : Opinion, International, National, Régional, et aussi Local. Elles déterminent l’importance ou la portée d’une nouvelle.
 Rubriques spécialisées : Société, Culture, Economie, Sport, etc. Elles déterminent le caractère ou l’interprétation que l’on fera d’une nouvelle.

Cette subdivision de la réalité ne correspond pas aux faits, mais dépend des critères subjectifs, des choix éditoriaux, de tout journal. En théorie, la subdivision en rubriques est faite pour ordonner l’information et faciliter sa compréhension.

Cependant, au-delà de la question de l’agencement et de l’organisation des différents articles, l’assignation d’une information à telle ou telle rubrique a souvent une influence capitale sur son importance et sa diffusion, ainsi que sur l’interprétation que l’on en fait.

a) Effets sur l’importance et la diffusion

Les rubriques n’ont pas toutes la même importance ni la même portée, elles sont au contraire hiérarchisées. Plus une rubrique est proche des premières pages, plus ses informations sont mises en valeur. L’ordre des rubriques varie selon les journaux mais suit en général le schéma suivant : Opinion, National, International, Société, Culture, Régional (diffusion qui n’outrepasse pas la région correspondante), Economie.
L’emplacement d’une nouvelle dans telle ou telle rubrique, s’il peut souvent apparaître comme raisonnable, s’avère dans d’autres cas arbitraire et discutable. Ainsi le choix d’une rubrique peut avoir l’effet de mettre en valeur ou d’éclipser totalement un événement.

Par exemple, la rubrique Opinion (qui comprend l’éditorial, et dans laquelle s’expriment les chroniqueurs et les humoristes les plus prestigieux) est, de par son emplacement, l’une des plus lues de tout journal. Or, le critère selon lequel un événement méritera ou non d’être commenté dans la rubrique Opinion ou dans l’éditorial (comme « sujet du jour ») est totalement arbitraire. Il s’agit simplement de ce que la rédaction du journal considère comme plus pertinent.

Dans les autres rubriques, si les critères d’emplacement sont habituellement plus clairs, on peut néanmoins observer certains choix arbitraires. La portée nationale attribuée aux innombrables déclarations des politiques, le plus souvent issues de leurs continuelles disputes et stratégies politiques, paraît arbitraire et intéressée, tandis que les mobilisations sociales importantes sont quasiment toujours reléguées à des rubriques plus « discrètes » comme Société, Régional (auquel cas elles ne seront pas diffusées hors de la région en question) voire Economie.

Par exemple le 25/04/00, El Paìs donne une portée nationale (et internationale, pour celles et ceux qui lisent ce journal à l’étranger) aux déclarations du chef politique nationaliste basque Arzallus, alors qu’elles sont tirées d’un discours tenu lors d’une fête régionale. Alors que la contestation des agriculteurs et agricultrices de tout le pays, qui manifestent à Madrid leur mécontentement au sujet de la hausse des prix de l’essence, n’est pas rapportée par le journal Diario 16 du 04/05/99 dans la rubrique « National » mais dans la rubrique « Madrid » : la diffusion et la résonance d’une protestation à caractère national ne dépassera pas, dans ce cas, un cadre régional restreint.

D’autre part, classer un événement dans la rubrique National ou Régional influe logiquement sur l’idée qu’un lecteur ou une lectrice se fera de son importance : l’événement pourra être perçu comme anecdotique, ou comme susceptible d’affecter tout le pays.

On peut cependant constater un effet inverse dans le rapport entre les rubriques « International » et « National ». Même si toutes deux ont la même diffusion, l’insertion d’un article dans la rubrique International peut provoquer un effet d’éloignement avantageux quand il s’agit de questions incommodes et délicates. Ainsi, un fait qui nous concerne peut être présenté comme « distant », étranger à notre réalité la plus immédiate et donc peu important. C’est ce qui se produit souvent avec les réunions et autres accords des organismes internationaux sur des questions militaires (OTAN, OCDE), économiques (FMI, OMC) ou alimentaires (par exemple, les discussions sur les aliments transgéniques résonnent comme un débat « lointain » quand, en réalité, nous en consommons déjà depuis longtemps).

b) Effets sur l’interprétation

Mais c’est avant tout en plaçant une nouvelle dans les « rubriques spécialisées » que le journal en offre sa propre interprétation, chacune de ces rubriques apportant un point de vue particulier. Celles-ci sont diffusées à l’échelle nationale, mais elles occupent toujours une place secondaire par rapport aux « rubriques d’envergure » nationale ou internationale : dans la hiérarchisation des rubriques et des informations, elles se situent toujours en retrait.

En outre, les rubriques spécialisées sont destinées à un public « plus averti, plus ciblé », ce qui les rend encore plus marginales (comme la rubrique Société, véritable « fourre-tout » dans lequel sont mélangées informations d’intérêt social et découvertes scientifiques, curiosités sans intérêt et anecdotes morbides) ou encore plus restreintes (comme la rubrique Economie/Affaires qui utilise un jargon difficile, plein de technicismes).

Ainsi il arrive que l’on donne moins d’importance à certains faits d’intérêt général en les publiant dans des rubriques spécialisées comme Société, ou en limitant leur lecture (et donc leur diffusion) à un « public sélectionné » en les plaçant dans la rubrique Economie.

Par exemple, El Paìs du 30/05/99 publie dans la rubrique Economie/Affaires une page entière dédiée à la Turquie sous le titre « Malgré tout, Expotecnia voyage à Istanbul ». En lisant l’article, on découvre qu’il ne s’agit pas seulement de données économiques et commerciales mais aussi d’informations très détaillées sur le pays en question : situation politique, relations avec l’Espagne, problème kurde, conflit avec le gouvernement basque quant à son intention d’accueillir en résidence le gouvernement kurde en exil... Autrement dit des faits d’un intérêt clairement général, et non purement commerciaux comme le suggère la rubrique dans laquelle est située l’article. A priori, sa lecture est pourtant restée réservée aux économistes et entrepreneurs/euses.

Un autre bon exemple est la découverte de l’application par l’Etat suédois de politiques « d’amélioration raciale de masse » (moyennant la stérilisation de personnes considérées comme inférieures, pour éviter leur reproduction) pendant plus de 40 ans et jusqu’à il y a 4 ans. Un fait plus que scandaleux, que le journal ABC du 29/03/00 relègue à la fin de la rubrique « Société », à côté d’un accident de ski en Autriche et de morbides informations sur les rites criminels d’une secte apocalyptique africaine. Ainsi la nouvelle passe plutôt inaperçue et suggère une interprétation anecdotique et morbide.

En général, l’insertion d’un fait dans une rubrique spécialisée suppose qu’on lui donne un, et un seul point de vue, déterminé, spécifique, écartant par là-même d’autres interprétations qui pourraient être au moins aussi pertinentes.

Par exemple, l’ABC du 01/06/99 inclut dans la rubrique Economie un article intitulé « Appel à la grève des mineurs pour aujourd’hui et demain », donnant un traitement exclusivement économique à l’événement. Ainsi ne sont abordés ni les aspects humains et sociaux de la contestation, ni les conditions de travail des mineurs et mineuses.

Pour résumer, un même fait peut être orienté vers des publics très différents, et interprété de manière très différente, selon la rubrique spécialisée dans laquelle on l’insère.
Pour terminer, une bonne façon de « surdimensionner » un fait et d’attirer l’attention sur celui-ci est de l’insérer simultanément dans plusieurs rubriques du journal, de manière à ce qu’il touche tous les lecteurs et lectrices. Par exemple, en répétant les succès économiques d’un gouvernement à la fois dans Opinion, International, National, Société, Economie, et même dans le supplément du dimanche. De nombreux événements peuvent être affrontés et interprétés sous divers aspects et points de vue, mais les journaux ne favorisent ce large traitement que lorsque cela leur semble particulièrement intéressant.

2.L’environnement ou le cadre de l’article

Le cadre dans lequel s’insère un article, c’est-à-dire les articles qui l’entourent, avec leurs titres et photos, peut largement influer sur son interprétation. Le plus souvent, le choix du cadre est assez aléatoire et répond à la logique des rubriques thématiques, de l’espace disponible, etc... Cependant, plus souvent qu’on ne peut le penser, la mise en page (sélection et emplacement stratégique des articles, photos, rédaction des titres...) est conçue pour influencer la perception d’une information, renforçant ainsi le « message » négatif ou positif de celle-ci, en la démentant, en la dissimulant ou au contraire en la mettant en valeur. La mise en page dans son ensemble peut devenir un mécanisme très subtil d’interprétation de la réalité, jouant sur l’association plus ou moins consciente d’idées et d’informations qui sont formellement indépendantes et ne sont pas explicitement en relation.

Un exemple clair se trouve dans El Paìs du 24/12/98. La première page rapporte “Barrionuevo et Vera sortent aujourd’hui de prison après la remise de peine du gouvernement », c’est-à-dire qu’ils sont libérés malgré la preuve de leur implication dans le terrorisme d’Etat des GAL (organisation illégale mais tacitement tolérée de policier-e-s et de gendarmes espagnols qui se consacrent à persécuter et assassiner des suspect-e-s appartenant à l’ETA). Cet article est placé juste au-dessus de la photo de première page, qui concerne un autre sujet, qui porte la légende suivante : « Désormais, il n’y a plus de détenus de l’ETA sur les îles Canaries », et qui montre une voiture de la “Guardia Civil” (corps de police similaire à la Gendarmerie) à côté d’un avion militaire. Deux articles dans les colonnes latérales complètent le cadre d’ensemble : le premier relate la démission de deux ministres britanniques pour détournement de fonds, le second la condamnation pour corruption de l’ex-vice-président belge.
Cette composition n’est pas dûe au hasard : la remise de peine et la libération de deux ex-membres du gouvernement espagnol pour crime de terrorisme d’Etat est indubitablement un événement scandaleux, que l’on essaye de neutraliser de deux façons différentes. D’une part, on tente d’affirmer que le terrorisme de l’ETA bénéficie de la même bienveillance, de par le rapprochement de certain-e-s détenu-e-s. D’autre part, on montre la « normalité » de la corruption des politicien-ne-s, y compris dans des « pays démocratiques » comme la Grande Bretagne et la Belgique.

Un autre cas d’usage manipulateur de la mise en page est l’emplacement habituel des articles sur les squats (expulsions violentes, procès, manifestations conflictuelles...) dans la rubrique nationale aux côtés d’articles sur Jarrai et la “kale borroka” (violences et vandalisme urbains de l’ETA au Pays Basque), selon une technique gouvernementale qui prétend associer ces deux phénomènes différents, insinuant que le mouvement squat est infiltré et contaminé par les protagonistes de la guérilla urbaine basque. De telles techniques de manipulation viennent compenser l’absence de preuves dans ce domaine.

3. Photographies et autres graphismes

Les photos et autres supports graphiques (dessins, schémas, cartes...) sont, autant que les titres, des éléments qui attirent plus particulièrement l’attention sur un article. De fait, la présence ou l’absence d’une photo à côté de l’article, ainsi que la taille de celle-ci, vont mettre en valeur ou en retrait, suivant les cas, l’information rapportée dans l’article. C’est une autre technique que les quotidiens peuvent utiliser pour imposer ce qu’ils considèrent comme des faits intéressants et écarter ceux qui ne les intéressent pas.

Comme exemple très fréquent de cette pratique, il y a les articles qui relatent quelque déclaration officielle ou quelque scandale politique, très souvent assortis de la photo de la politicienne ou du politicien en question, alors que son visage est en général amplement connu des citoyen-ne-s moyen-ne-s. Ainsi la photo ne remplit aucune fonction informative ou vérificatrice, mais sert simplement à fixer l’attention du lecteur ou de la lectrice, et à mettre en valeur l’article en question.

Un bon exemple de ce procédé se trouve dans le journal ABC du 17/05/99, dans un article d’accusations de corruption politique dont le protagoniste est le premier ministre espagnol Aznar ; l’article est accompagné d’une photo du même Aznar. La photo n’ajoute absolument aucune information supplémentaire, car son visage est déjà connu. Qui plus est, elle n’a pas été prise au moment de ces accusations, mais est tirée d’archives. Evidemment, dans ce genre de cas, l’unique fonction de cette photo est de faire ressortir la nouvelle en attirant l’attention du lecteur.

4. La structure interne de l’article ou la "pyramide inversée"

Pour que l’information donnée dans un article soit pleinement compréhensible, elle doit répondre dans la mesure du possible aux six questions basiques : quoi/qui/comment/quand/où/pourquoi ? Les réponses (normalement données dans cet ordre) devraient apparaître au fur et à mesure de l’article, mais les médias ne prêtent pas systématiquement la même attention aux unes et aux autres.

Cette hiérarchisation des questions, qui privilégie l’information que le média considère comme la plus importante, est définie dans le vocabulaire journalistique comme la technique de la “pyramide inversée” : c’est la forme classique de rédaction d’un article, celle que l’on enseigne dans les facultés et écoles de journalisme. La pyramide inversée structure l’information de la manière suivante :
 1. Titre et sous-titres (en gras)
 2. Thème central de l’article
 3. Précédents et conséquences (mise en contexte)
 4. Autres faits complémentaires (élargissement du thème et relations avec d’autres thèmes)

Selon ce schéma, la chose la moins importante est le contexte (le « pourquoi ») dans lequel s’est produit le fait et son interaction avec d’autres questions, c’est-à-dire ce qui, suivant la pyramide inversée, peut être relégué en fin d’article. Etant donné la grande quantité de nouvelles que contient le journal, la plupart des lecteurs ne lisent que les titres et sous-titres, où ressortent le « quoi » et le « qui ». Autrement dit, on tend à décrire un fait isolé, hors de son contexte, coupé des autres faits auxquels il est lié, puisque finalement peu de gens arrivent jusqu’à la fin de l’article (à moins d’être particulièrement intéressés) : le contexte et les autres données complémentaires sont en général condamnés à passer plutôt inaperçus.

D’autre part, quand le rédacteur ou la rédactrice en chef-fe manque d’espace pour faire tenir tous les articles sur une même page, ille taille toujours les textes en commençant par la fin, ainsi la première chose qui disparaît est le contexte et les faits en relation. Cette façon de structurer et de traiter l’article rend difficile la pleine compréhension des faits ; cette logique rédactionnelle tend à mettre en retrait voire à sacrifier les éléments qui devraient normalement permettre de comprendre plus profondément la réalité : causes et contexte des faits, interactions avec d’autres événements et d’autres champs du réel, ...

Par là-même, on tend à souligner exagérément ce qu’il y a de plus anecdotique : le « quoi » immédiat (événement pris de façon isolée), le « qui » (personnification excessive de l’histoire, création de personnages publics d’actualité) et le « comment » (les détails visibles et spectaculaires de l’événement). Ce processus est particulièrement criant dans l’information sur les conflits et mouvements sociaux.

4.1 Titres et sous-titres

Les titres mettent en valeur les aspects de l’article que l’on veut faire ressortir. Avec les photos, ce sont les éléments les plus visibles d’un article, puisqu’ils agissent à la fois comme une synthèse et un appât. En tant que synthèse (une phrase), le titre ne laisse pas d’espace à la nuance, à l’explication, il est toujours assez simpliste. En tant qu’appât, il cherche souvent à créer le scandale dans le but de focaliser l’attention.

Le fait est que, parfois, les titres et sous-titres ne correspondent pas au contenu réel de l’article (le corps du texte), et peuvent aussi finir par falsifier les faits rapportés. Etant donné que, comme il a été démontré, la majeure partie des lecteurs et lectrices lisent principalement les titres et quelques sous-titres (s’il y en a) et ne lisent que peu d’articles entiers, l’idée qu’illes se font de nombreux sujets est déterminée par une lecture très superficielle et peut donc être déformée.

Le fait que les titres soient plus manipulateurs que les textes a donc un important effet de désinformation.
Ce cas est très clair dans El Paìs du 17/04/99. Le titre de l’article dit : “Le Pentagone soupçonne Belgrade d’avoir un arsenal chimique”. Curieusement, le contenu de l’article dénonce la propagande constante du Pentagone, et notamment ses livraisons à la presse de « suspect-e-s » de tout poil (évidemment impossibles à confirmer) afin de diaboliser certaines personnes ou pays (Milosevic en l’occurrence, Saddam Hussein...) et de justifier la guerre aux yeux de l’opinion publique. Mais l’article qui rend compte de cette désinformation réalise en fait la même manipulation, surtout pour la majorité de lectrices et lecteurs qui ne lisent que le titre de l’article.

Un autre bon exemple est le titre de El Paìs du 13/02/99 qui met en avant l’échec de la tentative d’Izquierda Unida de recueillir 500.000 signatures en faveur de la loi des 35 heures. Pourtant, en lisant le texte de l’article, on apprend que le délai imparti pour recueillir les signatures n’est pas terminé : on ne peut aucunement dire que l’initiative est un échec. De fait, trois mois plus tard, le 23 mai, IU avait déjà recueilli près de 700.000 signatures.

4.2 Déconnecter les faits de leur contexte

Même dans les cas où l’article répond aux 6 questions de base nécessaires à la compréhension d’un événement, il arrive que le « pourquoi » se limite à des explications immédiates et accessoires, sans réellement permettre au lecteur ou à la lectrice de comprendre l’origine du fait et son contexte.

La réalité est extrêmement complexe et les événements ne se produisent jamais de façon isolée ; pourtant la presse les présente habituellement comme des faits indépendants, sans rapport avec les autres questions et les autres aspects d’une même réalité qui sont souvent néanmoins leurs causes et origines. Le contexte passé et présent d’une nouvelle est fondamental pour comprendre et analyser une réalité et, à partir de ces analyses, pour évaluer la situation et construire sa propre opinion sur un événement. Dans la mesure où le lecteur ou la lectrice manque d’éléments pour évaluer l’origine et l’ampleur d’un fait et se faire sa propre opinion, il sera plus facile au journal d’imposer la sienne.

On peut déconnecter les faits de leur contexte de deux manières :
 en sortant les faits de leur contexte historique : omission d’antécédents politiques, économiques, sociaux, internationaux,... qui permettent d’analyser et de comprendre les faits et les situations actuels.
 « les nouvelles-puzzle » : dispersion et fragmentation des différents aspects et causes/conséquences d’un même fait, de façon à obscurcir ou empêcher une vision d’ensemble de celui-ci et des effets qui en découlent. Cette fragmentation peut s’opérer tant dans le temps (publication à des dates distinctes) que dans l’espace (en éparpillant le même fait dans les différentes rubriques du journal, en fonction de ses différents aspects), éloignant ainsi l’événement de son contexte actuel.

Un exemple de la façon qu’a cette structure pyramidale de compliquer la compréhension globale des faits se trouve dans Diario 16 du 16/7/99. L’article a pour titre : “Le président de l’Equateur cède à la contestation et baisse le prix de l’essence ». Les quatre premiers paragraphes et une partie du cinquième (et dernier) se contentent de répondre aux six questions de base : en Equateur (où ?) le Président Jamil Mahuad (qui ?), finit (quand ?) par céder à la contestation en réduisant et gelant le prix de l’essence (quoi ? comment ?) avec pour objectif (pourquoi ?) de calmer les tensions sociales et de favoriser la reprise du travail par les routiers en grève, les indigènes, les syndicats et autres secteurs sociaux.

Jusque là, le texte ne fait rien d’autre que compléter le titre avec des données illustratrices mais peu explicatives, comme le pourcentage de la dernière augmentation de l’essence, le jour exact du début de la grève des routiers, le temps de congélation des prix envisagé... Par contre, on explique à peine pourquoi les indigènes sont en train d’assiéger les villes. Ce n’est qu’à la fin, dans les quatre dernières lignes, donc pour les lecteurs et lectrices patient-e-s et intéressé-e-s qui lisent les articles jusqu’au bout, qu’une phrase, « [...] renonce à certaines ajustements », introduit l’idée que les protestations ne concernent pas que la hausse des prix de l’essence, mais bien un plan d’ajustement. Celui-ci est imposé à l’Equateur par des organismes financiers internationaux comme le FMI et la Banque Mondiale et comprend très certainement d’importantes réductions des dépenses sociales et autres mesures agricoles et industrielles qui vont détériorer la situation économique de populations déjà très appauvries.

Malheureusement, nous ne pouvons que supposer toutes ces clefs qui pourraient pourtant nous permettre de mieux comprendre l’origine de ce qui se passe en Equateur, puisque dans ce cas, le journal « n’a pas la place » d’en parler, même lorsqu’il prétend informer sur la « réalité » d’un pays dans une rubrique aussi lue que la rubrique internationale. En fait, certaines données permettant de mieux comprendre les faits se trouvent dans El Paìs du 25/7/99... mais dans le supplément Affaires destiné aux entrepreneurs/euses et autres « spécialistes » économiques. Le conflit politique et populaire y est défini comme un « obstacle à la stabilité économique du pays » (ce qui compte pour les investisseurs/euses). Quelques éléments de contexte apparaissent et permettent de comprendre les causes du soulèvement populaire, comme les accords du pays avec le FMI ou un assainissement financier imposé de 2.500 millions de dollars.

Un bon exemple « de nouvelle-puzzle » se trouve dans El Paìs du 11/11/98 : en première page de la rubrique Economie/Travail apparaît l’article intitulé « Le gouverneur brésilien coupe 40% du budget des dépenses sociales ». L’article, plein de chiffres et de pourcentages, ne décrit pas le moindre élément de contexte. A aucun moment n’est mentionné le « pourquoi » d’une telle restriction budgétaire, c’est-à-dire les antécédents du fait : qu’est-ce qui pousse le gouvernement brésilien à réduire de façon aussi brutale les dépenses sociales ? Il s’agit là d’une nouvelle sortie de son contexte, et pour la majeure partie des lectrices et lecteurs, elle reste une information anecdotique et peu compréhensible.

Quatre mois plus tard, dans le même journal et la même rubrique (El Paìs 09/03/99), paraît un article intitulé « Le FMI durcit les conditions d’aide au Brésil ». De nouveau, il s’agit d’un article très technique, plein de références macroéconomiques sur la situation brésilienne et les conditions imposées par le FMI. Cette fois-ci, le fait est sorti de son contexte dans la mesure où l’article ne mentionne à aucun moment les conséquences sociales des dures mesures économiques imposées par le FMI. Pour cela, la lectrice ou le lecteur ne peut apprécier l’entière portée d’une telle nouvelle, qui reste donc difficilement compréhensible.

Ainsi, si nous joignons ces deux articles, qui se réfèrent à deux faits artificiellement séparés alors qu’ils participent tous deux du même phénomène, nous pouvons recomposer une partie du puzzle et mieux comprendre ce qui se passe au Brésil. Il semble cependant que El Paìs ait voulu éviter ce rapprochement, d’une part en ne faisant aucune allusion à la responsabilité du Fonds Monétaire International dans les draconiennes restrictions budgétaires et, d’autre part, en ignorant les conséquences sociales des mesures imposées par cet organisme international.

B/ LE LANGAGE

1. Le langage écrit

La rédaction d’un article cache souvent, derrière une apparence de neutralité et d’objectivité, l’appréciation du ou de la journaliste et du média pour lequel il ou elle travaille. On peut distinguer diverses techniques pour glisser, par le seul usage de l’expression écrite, l’opinion des rédacteurs/ices dans l’information qu’ils ou elles présentent.

1.1 Ton ou langage orientés

Utilisation, selon les cas, d’un ton triomphaliste, péjoratif ou tranchant, présentant l’évaluation positive ou négative d’un fait comme indiscutable, afin d’empêcher tout doute et tout débat à son sujet.

Une autre façon plus subtile de discréditer quelque chose par le langage repose sur l’emploi des guillemets. Non pas pour retranscrire une déclaration, comme nous le verrons dans le point sur les « sources d’information », mais pour mettre en doute un terme ou un fait.

Par exemple, dans les articles qui traitent des lieux autogérés et squattés, il est courant de mettre entre guillemets l’expression Centre Social, alors qu’on ne le fait jamais lorsqu’il s’agit d’un centre culturel ou social de la commune. On observe la même chose avec l’expression d’Ecole Populaire, qui dans la presse est mise entre guillemets, contrairement aux écoles d’Etat ou privées. De toute évidence, dans ces cas et dans beaucoup d’autres, les guillemets ont pour fonction de discréditer et de mettre en doute leur contenu.

1.2 « Mots magiques »

Création ou imposition d’une opinion à travers ce que nous appelons « les mots magiques », c’est-à-dire des termes à connotation positive (développement, croissance, technologie, Europe, modéré, compétitivité, emploi, flexibilité) ou négative (primitif, radical, illégal, fondamentaliste, protectionnisme). Ils sont utilisés de façon répétée dans certains discours et contextes, à tel point qu’ils finissent par acquérir une « valeur ajoutée » de sens, une connotation qui va bien au-delà de leur simple signification.

Le résultat concret, c’est qu’une fois lancé le « mot magique », il suffit de l’associer avec n’importe quel thème ou événement pour l’imprégner de ses valeurs. Ainsi, pour présenter la liquidation du service public comme quelque chose de positif, il suffit de mettre en avant (si possible dans le titre) qu’elle va générer plus de compétitivité, de croissance, et qu’elle va nous rapprocher de l’Europe. Et pour justifier les investissements multi-millionaires de l’Etat dans l’armement, il suffit d’évoquer la quantité d’emplois que cette politique crée. Par contre, pour diaboliser ou criminaliser toute initiative ou action des mouvements sociaux ou populaires qui remettent sérieusement en cause le système dominant, on use et abuse du terme « radical », avant tout négatif, et associé à des concepts comme « fanatique », « ultra », ou même « terroriste ».

1.3 Associations de mots et de faits

De même certains mots sont associés, de manière répétée, à certains groupes ou personnes (« jeunes radicaux » ou « jeunes violents », « radicalisme basque », « guerre humanitaire », « intégrisme/fondamentalisme arabe/musulman »...), de telle sorte que l’un des deux termes finit par évoquer automatiquement le second.

Dans d’autres cas la manipulation se produit par l’association répétée de certains groupes avec certains événements. Le meilleur exemple est le cas de délits commis par des immigré-e-s, où l’on met très souvent en avant (et en général dans le titre) la nationalité ou la condition d’immigré-e des accusé-e-s. Bien qu’en général les articles n’établissent pas de relation directe et explicite entre le fait d’être immigré-e et celui d’être délinquant-e, on génère par répétition une étroite association entre l’immigration et les actes de délinquance ou de confrontation, favorisant ainsi alarmisme, racisme et xénophobie.

1.4 Euphémismes et technicismes

Ils ont pour effet de banaliser, d’adoucir ou de relativiser la portée d’une expression, en rendant son contenu et son sens flous ou illisibles. Par exemple, en présentant une arme comme un produit de haute technologie, en utilisant des euphémismes tels que « dégâts collatéraux » au lieu de morts de civils quand on parle d’une guerre, « forces de l’ordre » au lieu de forces de police ou forces répressives, « intervention aérienne ou terrestre » au lieu d’attaque, bombardement ou invasion, « mauvais traitement ou violence conjugale » au lieu d’agression ou violence machiste ou masculine, etc.

Un bon exemple se trouve dans un article de El Mundo du 23/12/97, intitulé “Santa Barbara termine la création de l’obus le plus avancé du monde”, qui présente une nouvelle arme comme s’il s’agissait de la publicité du dernier modèle d’une voiture. Le texte, plein de technicismes, souligne ses qualités et ses prestations techniques, sa technologie d’avant-garde, mais ne dit rien de sa capacité de destruction, du prix qu’elle coûtera aux pays qui voudront l’acquérir, des types de guerre et des fins auxquelles on pourra l’utiliser...

Dans d’autres cas, l’emploi d’un langage technique, comme le jargon juridique, administratif ou très « professionnel » rend difficile - voire impossible - à une majorité de lecteurs/lectrices la compréhension du sens de certaines informations. En même temps on essaie, par l’emploi de ces termes techniques et spécialisés, de revêtir l’information d’une teinte (avec l’évaluation et l’opinion que cela peut impliquer) d’autorité et d’objectivité, en s’appuyant sur le caractère indiscutable habituellement attribué à tout ce qui relève du domaine scientifique.

1.5 Expressions orientées

Sans être de clairs euphémismes, ce sont des « expressions toutes faites » qui tendent à se répéter dans le langage journalistique, et qui servent à orienter dans un certain sens la description apparemment objective de certains faits.

Les exemples sont innombrables, bien qu’il vaille la peine d’en souligner quelques-uns.

Ainsi, pour justifier les charges de CRS dans les manifestations, on utilise en général les expressions suivantes : « les forces de l’ordre se sont vues dans l’obligation de disperser les manifestants » ou « ...qui ont provoqué l’intervention des forces de l’ordre ». De cette manière on déplace souvent la responsabilité de la violence sur celles/ceux qui reçoivent les coups de matraque.

Quand il n’y a pas de charges, de nombreux récits de manifestations se terminent par des expressions pareilles à : « ...s’est déroulée sans incident ». La formule n’est pas innocente, car elle évoque une exception. C’est-à-dire qu’en soulignant qu’il n’y a pas eu d’incidents, on laisse entendre que d’habitude il y en a, et on continue subtilement à conférer une image violente à certains groupes ou collectifs.

L’expression « de source sûre » est utilisée en général pour donner crédit à des informations extraites de sources qu’on ne peut ou ne veut pas divulguer, de sources suspectes, ou directement de rumeurs voire d’informations inventées.

Le conflit basque, tant affecté par la désinformation, a lancé la mode, dans les médias officiels espagnols, de l’usage orienté et opposé de deux expressions : « violents » et « démocrates », la première pour englober toutes les expressions du nationalisme abertzale, de l’ETA jusqu’aux votant-e-s et sympathisant-e-s du MLNV (Mouvement de Libération Nationale Basque), et la seconde pour tou-te-s les autres (avec le PNV qui navigue entre les deux étiquettes, selon le moment politique). Un concept aussi vaste et ambigu que celui de « violence »* est attribué de manière si répétée, simpliste et absolue à un mouvement politique (aux tendances, du reste, très variées et parfois contradictoires), dans cette inquiétante campagne médiatique, qu’on arrive à ce que l’adjectif « violents » suffise à identifier l’ensemble du mouvement abertzale, le transformant en synonyme de violence. Et en faisant de tou-te-s ses opposant-e-s un synonyme de « démocrates » ou « pacifistes ».

N’oublions pas que c’est l’Etat qui se réserve le monopole de la violence, comptant des centaines de milliers d’hommes et de femmes entraîné-e-s et payé-e-s pour l’exercer derrière des euphémismes comme « défense » ou « sécurité ». Les CRS sont payé-e-s tant pour contrôler violemment que pour provoquer la violence ; les soldats pour résoudre violemment les conflits internationaux en faveur des intérêts politiques ou économiques des élites. La légitimité institutionnelle et médiatique qui attribue à un groupe ou en exonère un autre de l’adjectif « violent » est donc plus que douteuse et critiquable. Dans ce cas précis, une partie du MNLV comme une partie de l’Etat utilisent des méthodes violentes, entre autres stratégies, pour atteindre leurs objectifs.

1.6 Styles narratifs

Pour retranscrire certaines nouvelles, on utilise souvent divers styles narratifs (épique, lyrique, satyrique, publicitaire) afin d’inspirer un sentiment d’approbation ou de rejet par rapport à des faits qui, s’ils n’étaient pas racontés de cette manière, pourraient susciter chez le lecteur ou la lectrice des impressions malvenues.

Un exemple clair se trouve dans l’article de El Paìs du 30/05/99, « Petite histoire d’un aviateur nocturne », où un style à la fois épique et poétique est employé pour décrire un bombardement. Le journaliste laisse libre cours à son lyrisme, au point de transformer un scénario guerrier en une aventure romantique, cherchant à susciter certaines émotions. Pour cela il n’hésite pas à utiliser des figures de style comme des métaphores ou d’autres tournures chargées en adjectifs. Il réussit ainsi à dédramatiser les dures conséquences de ce qui est en réalité une discutable expédition punitive militaire, tout en exaltant l’opération des agresseurs aériens jusqu’à des proportions cinématographiques.

2.Le langage des images

Les photographies d’un journal remplissent théoriquement deux fonctions de base : vérifier visuellement l’information transmise dans le texte, la rendant plus réaliste, et éventuellement ajouter une nouvelle information qui complète le texte. Mais en réalité la photo est utilisée pour d’autres « fonctions cachées ». Nous avons déjà vu dans le point A/3 qu’étant donnée sa visibilité, la photo pouvait servir à mettre une information en avant. Elle peut également être utilisée pour modifier subtilement le contenu de l’information.

2.1 Images manipulatrices

Une autre « fonction cachée » de la photographie consiste donc à changer le sens de l’article (en l’adoucissant, en le renforçant, en faisant diversion, etc.), pouvant même arriver à le contredire. La photographie étant auréolée d’objectivité (elle est perçue comme un « fragment de la réalité même »), elle peut jouir d’une crédibilité suffisamment solide auprès du lecteur ou de la lectrice et ajouter son « message » au contenu du texte adjacent. Nous ne sommes généralement pas très conscient-e-s du fait qu’une photo se construit et se planifie elle aussi, comme une expression, mais avec son propre langage : les plans, les éclairages, l’utilisation de symboles et d’autres traitements...

Un bon exemple d’allègement d’une nouvelle par l’intermédiaire de la photo se trouve dans l’article intitulé “Seule la moitié des détenus toxicomanes reçoit le traitement à la méthadone”, publié par El Paìs le 18/03/99. Pour illustrer un communiqué de Izquierda Unida qui dénonce les terribles conditions de vie dont souffrent les prisonnier-e-s en Espagne (mauvais traitements, isolement, torture, conditions sanitaires lamentables...), le journal a le toupet de montrer en premier plan la piscine olympique de la prison de Soto del Real (Madrid). Avec une telle photo, on tente évidemment de contrecarrer et de démentir les dénonciations du communiqué, en laissant entendre que les conditions de vie en prison sont « luxueuses » (alors qu’en réalité, la piscine en question ne peut être utilisée que par les gardiens et une minorité de détenus...).

Dans d’autres cas la manipulation procède directement par effets photographiques (le langage photographique cité plus haut), utilisés pour déformer ou arranger une image selon les intérêts du média.

De même, le langage symbolique visuel est finement utilisé pour transmettre certains sens ou impressions, souvent de façon plutôt subliminale.

La photo qui accompagne l’article de El Mundo du 25/4/00 intitulé : “PP et PSOE jugent racistes les paroles d’Arzallus” profite d’un plan pris par hasard lors d’un discours d’Arzallus [Président du Parti Nationaliste Basque ; PNV] pour lui attribuer une pose qui se rapproche de la symbolique fasciste. En effet, sur la photo, le leader basque lève le bras à un moment de son discours, geste qui rappelle immédiatement le salut fasciste, qu’Arzallus n’a évidemment jamais eu l’intention de faire. Pourtant, El Mundo décide de choisir, et sans doute pas par hasard, cette image lourde d’un symbolisme fortuit, parmi ses nombreuses photos du même discours.

Dans certains cas, quand le journal manque d’images, il publie des dessins à la place, avec une totale liberté « d’expression » permettant de recréer et d’inventer la réalité à loisir.

2.2 Campagnes photographiques

Un autre phénomène qui se fonde avant tout sur le langage photographique est ce que nous dénommons « campagnes photographiques ». Il réside dans le traitement photographique donné habituellement par les médias à certains thèmes particulièrement sensibles.

On peut observer, par exemple, une grande uniformité dans l’illustration photographique des pays arabes (souvent sans grand lien avec l’événement retranscrit) ; il s’agit très majoritairement de photos qui expriment violence, fanatisme et sauvagerie, et qui ont pour principaux protagonistes des foules ou des femmes voilées. On met ainsi en relation par répétition (nous appelons cela une « campagne » parce qu’on la tisse jour après jour) la culture arabe et la religion musulmane (qu’en plus on tend à confondre et à mélanger, alors que beaucoup de musulman-e-s ne sont pas arabes, et que tou-te-s les arabes ne sont pas musulman-e-s) avec la violence et l’irrationnel.

Quelque chose de similaire, bien que parfois plus complexe et plus subtil, advient avec beaucoup d’images au sujet du conflit au Pays Basque. Combien de fois montre-t-on l’ertzaina qui charge contre des manifestant-e-s ? Et combien de fois, par contre, voit-on des « jeunes radicaux » masqués et en action ? Si l’on s’en tenait aux photos, on pourrait croire qu’au Pays Basque il n’y a jamais de charges de CRS, ni de répression.

Une campagne plus ponctuelle, mais qui impliqua une impressionnante couverture photographique, fut le traitement visuel réservé aux différentes victimes du dernier conflit en ex-Yougoslavie, ainsi qu’aux différentes armées engagées : les soldats de l’OTAN apparaissaient fréquemment entourés d’enfants kosovar-e-s ou faisant d’émouvants adieux à leurs familles, les guérilléros albano-kosovars de l’UCK étaient blessés ou morts, enfin les soldats serbes étaient toujours présentés sous un aspect particulièrement féroce et cruel.

3. Le langage des chiffres

Nombreux sont les articles qui incluent des diagrammes ou des graphiques statistiques, ce qui les dote de l’objectivité qu’on a l’habitude d’attribuer à la science statistique. Parfois ces graphiques sont confus ou peu compréhensibles, vue leur complexité, mais peu importe : l’effet de rigueur et de crédibilité ne dépend pas tant de leur compréhensibilité, que de combien ils peuvent à eux seuls évoquer la Statistique, la Science.

Parfois les données, les chiffres, forment l’information à eux seuls, et celle-ci acquiert une teinte incontestable, catégorique, sans même mentionner la rigueur ou la fiabilité de l’étude. La statistique est une science dont les résultats finaux dépendent du procédé de recueil des données et du modèle choisi pour les analyser. Dans toute analyse statistique, le fait de sélectionner une population ou une autre, un modèle ou un autre, change les résultats de façon très significative. Souvent on inverse le processus d’étude, c’est-à-dire qu’on part de conclusions ou de résultats finaux fixés a priori en fonction des intérêts du journal ou d’une autre institution, et on construit ensuite un modèle qui les justifie. Ce n’est pas un hasard si, sans avoir à chercher plus loin, le Groupe Prisa, propriétaire du quotidien El Paìs entre autres médias (As, Cinco dìas, Cadena ser, Antena 3 Radio, Canal +, etc.) est également propriétaire de la célèbre entreprise de statistiques Demoscopia.

Un exemple qui remet en question la « fiabilité » de certaines études est la disparité des résultats qu’apportent l’Enquête de Population Active (EPA) d’une part et la Comptabilité Nationale de l’autre, sur un même objet d’étude : l’emploi. Derrière chaque enquête se cachent des intérêts ; par exemple, la publication de certaines données sur les intentions de vote dans les périodes pré-électorales motive ou démotive les votant-e-s d’un parti ou d’un autre. Une autre forme de manipulation statistique concerne la publication d’indicateurs économiques.

Mais outre l’occultation des données ou leur traitement intéressé, la manipulation peut aussi passer par leur interprétation, mettant en avant les aspects positifs de certains résultats et taisant leurs aspects négatifs. Par exemple, souligner la diminution de la croissance des morts d’accidents du travail est une manœuvre pour donner un aspect positif à une réalité sanglante, c’est-à-dire au fait que les accidents mortels du travail continuent à croître de toute manière, quel qu’en soit leur rythme. Ou encore, les triomphalistes campagnes du gouvernement sur la réduction du chômage cachent que cette baisse s’obtient au prix de l’augmentation la précarité de l’emploi, de la dégradation des conditions de travail et du retrait des droits des travailleurs/euses.

Un exemple concret d’utilisation manipulatrice et désinformatrice des statistiques se trouve dans un article d’El Paìs (26/05/2000). En pleine campagne alarmiste, lancée à l’occasion du vote d’une loi sur l’immigration pour justifier une politique restrictive et répressive face aux immigré-e-s, El Paìs titre en première page : « Le nombre d’immigrés reçus par la loi sur l’immigration dépasse toutes les prévisions ». Trois types de données statistiques sont fournies : le nombre de personnes prises en considération (ayant simplement demandé de l’information), le nombre de personnes ayant sollicité une régularisation, et le nombre de cas résolus (sans indiquer s’ils l’ont été de manière favorable, c’est-à-dire si les personnes ont obtenu leur régularisation, ou de manière défavorable, si on la leur a refusé).

Une analyse non tendancieuse de ces chiffres n’observe en aucun cas qu’ils sont supérieurs aux attentes, bien au contraire : les prévisions, entre 80.000 et 100.000, se référent au nombre d’étranger-e-s régularisé-e-s, et à la moitié de la période étudiée, le nombre de cas résolus n’atteint pas 43.000, dont, selon ce que dit l’article, la majorité de façon positive mais pas la totalité, c’est-à-dire que pour le moment le nombre d’étranger-e-s régularisé-e-s n’atteint pas 40.000 personnes, moins de la moitié des prévisions les plus timides.

Pourtant, au lieu de comparer les chiffres adéquats (prévision des régularisations et quantités effectivement obtenues), le journal joue avec des chiffres logiquement bien plus grands : le nombre de personnes ayant sollicité la régularisation, et s’étant même simplement présenté-e-s pour demander de l’information (personnes prises en considération). Ces erreurs, trop élémentaires pour être involontaires, dénotent une volonté manifeste de créer un sentiment alarmiste, en insinuant que par la faute de la loi sur l’immigration, les immigré-e-s sont en train d’envahir le pays, justifiant ainsi la réforme de cette loi, qui était déjà prévue bien avant son entrée en vigueur.

C/ CONTENU DE L’INFORMATION

1. Sélection et utilisation des sources d’information

En journalisme, on entend par sources d’information les éléments qui fournissent au/à la journaliste les informations avec lesquelles il/elle construit son article. Ces sources peuvent être :

- Des personnes (concernées, temoins, expert-e-s)
- Des institutions (politiques, juridiques, police, entreprises, agences/cabinets de presse, etc.)
- Des documents (enquêtes, rapports, études, autres médias, etc.)

Parfois une nouvelle n’a pas de source d’information, car elle est, dans sa totalité, le produit de
l’observation directe des faits par le ou la journaliste. Mais ce cas étant très rare, le rôle des sources d’information reste primordial.

En théorie, on attend du/de la journaliste qu’il/elle recherche les sources susceptibles de lui apporter l’information la plus abondante, désintéressée et diversifiée, et qu’il/elle recoure donc à la plus grande variété de sources. Mais en réalité, la sélection de ces sources répond souvent à une stratégie de manipulation informative dans le sens où, en faisant écho à certaines sources et en ignorant d’autres, le média peut transmettre ses propres points de vue et opinions sans pour autant perdre l’apparence d’objectivité. Le média se présente ainsi comme un transmetteur d’information simple et neutre, alors qu’en réalité il tend à choisir comme sources les personnes, institutions et documents qu’il sait être favorables à ses intérêts ou avec lesquelles il veut maintenir de bons rapports.

D’où l’importance des Cabinets de presse et autres Départements de Relations Publiques, non seulement ceux des institutions et organismes officiels, mais aussi ceux de grandes entreprises et de « personnalités », dont le principal objectif consiste à devenir des sources d’information habituelles des médias. Quelques fois on fait appel aux services d’Agences de Relations Publiques pour qu’elles gèrent l’information sur un événement ponctuel.

Par exemple, en 1991, le gouvernement du Koweït s’est offert pour 10,8 millions de dollars les services d’une des agences de relations publiques les plus prestigieuses au monde, la nord-américaine Hill & Knowlton, avec pour objectif de convaincre l’opinion publique occidentale de la nécessité d’un intervention dans le Golfe.

Ces cabinets et départements sont composés d’expert-e-s en communication (journalistes, publicitaires, psychologues, sociologues, etc.) qui se chargent d’élaborer des stratégies et des produits informatifs très complets et de haute qualité (articles déjà rédigés, reportages, photos, enregistrements, déclarations, etc.), destinés à favoriser les intérêts de l’institution ou de l’entreprise concernée par une affaire déterminée. En offrant ces « produits » aux différents médias, ils se posent en sources privilégiées d’information.

C’était le travail, par exemple, du cabinet de presse de l’OTAN lors du dernier conflit en Yougoslavie, monopolisant l’essentiel de l’information sur la guerre. Ainsi la majeure partie de l’information sur les bombardements diffusée par les médias a été filtrée au préalable par l’OTAN. Les autres sources d’information durant ce conflit ont été principalement les gouvernements alliés et les partis politiques favorables à l’attaque ; ceux qui s’y opposaient ont rarement eu droit de cité.

Il existe de multiples autres exemples de l’usage manipulateur des sources d’information : l’information concernant l’ETA est presque toujours fournie par le Ministère de l’Intérieur, celle sur les prisons provient des administrations pénitentiaires et très rarement des prisonnier-e-s mêmes ou de leurs proches (à moins qu’il ne s’agisse de personnages célèbres), les articles sur les squats (en particulier lorsqu’il y a une expulsion) s’alimentent des informations de la police ou des représentants municipaux, laissant aux déclarations des squatteurs/euses mêmes une place anecdotique (quand ils leur laissent de la place).

Parfois les informations provenant des « sources d’information privilégiées » (c’est-à-dire de celles qui conviennent le mieux au média) citent directement, entre guillemets, des déclarations publiques ou des documents, leur offrant ainsi une diffusion massive et propageant à la lettre leurs arguments et leur langage.

Un bon exemple de l’usage intéressé des sources d’information, ainsi que de l’abus des guillemets, se trouve dans l’article “Almunia félicite Aznar pour l’issue des négociations du gouvernement avec l’Otan” de El Paìs du 23/12/1997. Les deux principales sources d’information choisies pour cet article sont les deux leaders politiques espagnols les plus favorables à l’OTAN. De fait, le texte est une véritable et complaisante retransmission de leur discours, presque littérale, du fait de l’abondance de phrases entre guillemets. Les opposant-e-s à la pleine intégration de l’Espagne à l’Alliance Atlantique sont à peine sollicité-e-s comme source d’information, malgré la protestation croissante qu’ils/elles organisent. Ainsi, diffusant à la lettre les déclarations et les arguments des partisan-e-s de la pleine intégration et marginalisant ses opposant-e-s, le journal choisit son camp sans pour autant perdre son image d’objectivité.

Un autre bon exemple de sélection partiale et manipulatrice des sources est l’article intitulé : “Les supermarchés ont vu leurs ventes augmenter de 9% en 1998 et ont créé 15 000 emplois” de El Paìs du 10/06/99. L’article est une suite de données économiques, provenant dans leur totalité d’un communiqué de l’ANGED (Association Nationale des Entreprises de Grande Distribution), sans doute confectionnées et éditées par son agence de Relations Publiques, qui présente l’impressionnante croissance économique sur un ton absolument triomphaliste, en ayant recours, pourquoi pas, à « l’argument magique » de la création d’emplois. Ne sollicitant aucune autre source d’information (petits commerces, « agent-e-s de surface » et autres employé-e-s, syndicats, associations de consommateurs/ices...), le journal fait de la publicité gratuite aux multinationales de la distribution. On ne dit rien, par exemple, des postes de travail que détruisent les supermarchés, toujours plus nombreux que ceux qu’ils créent (fermeture d’innombrables petits commerces), de leur impact urbanistique, du type de contrats proposés aux employé-e-s, des conditions de travail, des conditions d’acquisition des marchandises imposées aux fournisseurs...

Même si le journal ne ment pas (la présence de toutes ces données dans le communiqué de l’ANGED ne fait aucun doute), il manipule et déforme la réalité des supermarchés et leur impact socio-économique, en se limitant à une seule source d’information et en lui accordant une diffusion massive, acritique et complaisante.

2. Fausse information

Par « fausse information », on entend celle qui a été délibérément inventée pour construire et
transmettre une réalité différente de celle connue des journalistes ou des sources d’information. Falsifier ou inventer l’information est une technique de manipulation moins fréquente que les autres pour une raison très simple : c’est très risqué, puisque dans le cas où la supercherie était découverte, le prestige et la crédibilité du média en seraient très affectés. Inventer une information s’avère trop grossier et risqué, alors qu’il existe, nous l’avons vu, de nombreux autres moyens, plus subtils et sûrs, pour manipuler l’information sans pour autant mentir explicitement.

Mais ça ne veut pas dire que ça ne se fait jamais, surtout quand on veut influencer de façon immédiate et irréversible l’opinion publique (pour que, par exemple, elle soutienne avec urgence le déclenchement ou le maintien d’une guerre, ou une quelconque manoeuvre politique). Les démentis, quand ils sont faits, peuvent toujours arriver après : il est déjà trop tard. Outre leurs effets immédiats, les mensonges médiatiques ont un autre grand avantage : ils s’avèrent très difficiles à vérifier pour les lecteurs et lectrices, qui la plupart du temps manquent de moyens pour le faire. C’est aussi pour cette raison qu’il est compliqué de trouver des exemples concrets et détaillés d’information falsifiée ; seule une petite partie des cas sont finalement rendus publics.

Une autre caractéristique de la fausse information est qu’il résulte difficile d’en connaître l’origine, qui peut être une source d’information (gouvernement, armée, entreprises, cabinets de presse, police, etc.) ou directement le média.

Quoi qu’il en soit, même dans le cas d’une information inventée par la source, le média est habituellement complice, actif ou passif, puisque son travail est de vérifier toute information avant de la diffuser.

2.1 Fausse information écrite

C’est la plus simple à réaliser car il suffit de quelques minutes pour la monter. L’information écrite a néanmoins toujours moins de crédibilité et d’impact que d’autres types d’information.

L’information fausse peut consister dans l’invention d’une nouvelle entière. Par exemple, lors du dernier conflit dans les Balkans, fin mars 1999, le cabinet de presse de l’OTAN diffuse la fausse information de la disparition de nombreux intellectuels albano-kosovars, sous-entendant leur exécution par les forces serbes. Plusieurs mois plus tard (une fois le conflit terminé, comme d’habitude), on apprit que ces intellectuels n’avaient en fait jamais disparu (El Mundo 19/6/99).

Une autre façon de fausser l’information consiste dans l’invention de données et de faits au sein même d’une nouvelle, pour l’orienter selon des intérêts déterminés. Cette falsification est bien plus commune car elle est moins risquée et scandaleuse que l’invention d’une nouvelle entière. Dès lors, si c’est dans leur intérêt, beaucoup de journaux peuvent appliquer le dicton « diffame, il en restera toujours quelque chose ». Pour cela ils ont souvent recours à certaines techniques comme l’invention de sources d’information inexistantes (selon la formule consacrée « sources bien informées ») pour mettre dans des bouches anonymes des accusations fausses ou tendancieuses.

Un bon exemple est la campagne de diffamation menée en 1991 par le journal ABC contre l’Ecole Populaire de Prosperidad. Les activités de l’école se déroulaient dans un local appartenant à l’Archevêché de Madrid, qui l’avait loué à partir de 1943 à la commune de Madrid, qui à son tour l’avait cédé à l’Ecole pour qu’elle puisse y développer ses activités éducatives. Mais en 1990 la commune rompt unilatéralement le bail avec l’Archevêché, lui laissant la voie libre pour qu’il récupère le local en expulsant l’Ecole. L’affaire est portée devant les tribunaux en 1991 et l’Archevêché reçoit tout l’appui du journal ABC qui entreprend alors une violente campagne de diffamation contre l’Ecole. Un article de l’époque peut nous servir d’exemple de fausse information, car il est plein d’inventions, d’exagérations, d’inexactitudes.

Le titre est : « Manifestations organisées par des communistes pour éviter l’expulsion de La Prospe » (28/06/91). D’abord, on attribue l’organisation des manifestations à des « communistes », et plus précisément à la présidente de l’union de quartier Gisela Meyer, membre d’Izquierda Unida. En réalité, la manifestation était organisée par l’Ecole “La Prospe” elle-même, et Gisela Meyer ou IU n’ont rien à voir avec l’Ecole. Dans l’Ecole ont toujours cohabité un grand nombre de courants idéologiques, des marxistes aux anarchistes en passant par les écologistes, les féministes, mais surtout nombre de personnes qui préfèrent ne pas être étiquetées. La Prospe est indépendante de tout parti ou syndicat, raison pour laquelle le titre simpliste et conspirateur de l’ABC est faux.

Parmi les nombreuses manipulations que contient l’article (par l’usage des guillemets, de vocabulaire péjoratif et criminalisant...), il ressort plusieurs contrevérités. Par exemple, on prétend que “les participants de La Prospe ont lancé des menaces” ; ou on décrit ceux-ci comme des « personnes qui se définissent éducateurs, maîtres, assistants sociaux », mettant ainsi ces qualifications en doute, alors que beaucoup sont réelles et que l’Ecole Populaire est reconnue par le Ministère de l’éducation. L’affirmation selon laquelle “la majorité des voisins applaudit la décision municipale [de l’expulsion] et doute de la qualité des activités de La Prospe” est également fausse puisque ce qui s’observe dans le quartier de Prosperidad est l’appui d’un certain nombre de voisin-e-s (dans les manifestations et dans les activités) et l’indifférence de beaucoup d’autres. Le témoignage suivant d’un soi-disant voisin est lui aussi truffé de mensonges : il met en doute qu’on instruise des adultes, qualifie la participation de « médiocre » (à l’époque, le local était fréquenté par près de 250 personnes), affirme que les participant-e-s aux protestations ne sont pas des gens du quartier mais des gens « recrutés » par les « cheffaillons » de l’Ecole (un collectif autogéré comme La Prospe n’a pas de chef-fe-s et ne recrute personne : ce n’est ni une organisation paramilitaire, ni un parti). Même à supposer que ce témoin anonyme existait vraiment et n’ait pas été inventé comme il y paraît (il résume en effet à lui seul l’ensemble des accusations classiques déployées par l’ABC dans sa campagne), le simple fait de diffuser ses propos littéralement et sans les vérifier contribue à la falsification de l’information.

Dans le dernier paragraphe, sous-titré « Réplique », ABC répond à une lettre de protestation envoyée par des membres de La Prospe pour critiquer justement les mensonges de l’article précédent. Pour sa défense, il affirme posséder la preuve de tout ce qui a été affirmé : un mensonge de plus à ajouter au compte.
Ceci n’est qu’un aperçu de la « campagne d’informations », pleine de mensonges et de données fausses, inventées et contreversées que le quotidien ABC a mené pour porter préjudice à l’Ecole La Prospe et défendre les intérêts de l’Archevêché de Madrid.

En général, les informations écrites qui sont totalement inventées proviennent plutôt de la source d’information. Le média s’en rend complice (que ce soit par intérêts de pouvoir, clientélisme, sensationnalisme...) quand il les publie sans les vérifier. Quand la supercherie est découverte, sa responsabilité doit être attribuée à la fois à qui crée la fausse information et à qui la diffuse.
En revanche, la déformation partielle de l’information, bien plus commune et difficile à vérifier, est souvent produite par le journal lui-même qui, partant d’un fait réel, le déforme et l’altère en fonction de ses intérêts.

2.2 Fausse information visuelle

Les fausses informations visuelles sont techniquement plus complexes et plus risquées que la confection de fausses informations écrites. Mais elles ont « l’avantage » d’être plus crédibles, car l’information visuelle est souvent prise pour un reflet de la réalité même.

On peut créer une fausse information visuelle de plusieurs façons :

a) Images inventées. Photos qui ont été directement mises en scène.

Par exemple, au printemps 1999, la presse espagnole a diffusé une photo d’un groupe zapatiste qui remettait les armes à des représentants du gouvernement mexicain, en affirmant “14 rebelles zapatistes désertent l’EZLN” (El Paìs 31/03/99). On apprit plus tard qu’il s’agissait d’une mise en scène, que les hommes cagoulés apparaissant sur la photo n’étaient pas des zapatistes mais des personnes payées pour jouer une fausse remise d’armes, selon l’article de El Paìs du 02/04/99 (bien plus court et sans photo). On peut préciser que la manipulation provient du gouvernement mexicain (la source) et non de la presse, en même temps il est difficile de croire que sa diffusion ait été faite sans la connivence de cette dernière. Quoi qu’il en soit, il est surprenant qu’on n’ait pas pris la peine de vérifier cette information auprès de l’EZLN.

b) Images manipulées. Photos qui, tout en ayant un rapport avec les événements, ont été manipulées de façon à changer leurs sens et implications.

Parfois ce peut être fait tout simplement en coupant la photo de façon à changer son sens, c’est-à-dire en manipulant le cadrage.

Ce fut le cas de nombreuses photos parues pendant la guerre des Balkans : leur cadrage était manipulé pour associer de façon répétée les gestes de Milosevic aux saluts fascistes. Par exemple, sur la photo parue dans El Paìs du 28/05/99, on voit Milosevic avec le bras droit levé et la main tendue, l’autre bras, coupé du cadre, restant invisible. Il s’agit d’une photo d’archives (et donc choisie arbitrairement par la rédaction) qui paraît en première page. Plus tard, après les critiques de divers lecteurs et lectrices, le même quotidien admit que la photo en question avait été coupée et que, sur l’original, Milosevic avait les deux bras tendus, saluant l’atterrissage d’un avion, ce qui donne bien sûr un sens totalement différent au geste.

Mais il est de plus en plus fréquent que la manipulation soit réalisée grâce aux nouvelles techniques numériques.

Par exemple, la couverture d’ABC du 07/07/88 arbore une photo des fêtes de San Fermin (Pampelune, Navarre), où les nombreux drapeaux basques portés par la foule sont manipulés par ordinateur, devenant difficilement identifiables, ce qui permet d’appuyer le sens du titre : « Les Navarrais veulent une fête dans la paix ».

c) Images hors contexte. On trouve parfois des photos qui ne sont ni inventées ni manipulées, mais qui sont totalement et délibérément hors contexte.

Un exemple célèbre paru dans toute la presse du monde durant la Guerre du Golfe est la photo du cormoran moribond maculé de pétrole, présentée par les journaux comme preuve, soi-disant, du pétrole déversé par le malveillant et « éco-terroriste » Saddam Hussein dans le but de ralentir l’invasion « alliée ». On apprit par la suite non seulement que la quasi-totalité des marées noires étaient le résultat des bombardements de pétroliers irakiens par l’armée américaine, mais qu’en plus la fameuse photo du cormoran avait été prise des années auparavant, lors du désastre écologique qui avait suivi le naufrage d’un pétrolier dans la mer du Nord. Dans ce cas précis, l’image est tellement délibérément hors contexte que l’on peut
presque la considérer comme un exemple d’image inventée pour l’occasion.

3. Sélection des thèmes d’information

3.1. La non-information

Dans les chapitres précédents, comme ceux sur la contextualisation ou les sources d’information, nous avons abordé le manque d’information vis-à-vis d’aspects ou de points de vue précis sur un sujet. Ici nous étudierons le manque d’information sur un sujet dans sa globalité.

a) La non-information absolue

Dans tous les pays il y a une liste de « questions réservées », et en tant que telles, censurées et fermées à l’information générale. Questions classées « secret défense », activités et documents des services secrets,... En Espagne jusqu’à récemment, la Guinée Equatoriale figurait dans cette liste. L’utilisation des fonds réservés, elle, non seulement ne peut pas être rendue publique, mais ne peut même pas être contrôlée par le parlement.

Logiquement, les questions sujettes à une censure quasi-totale ne sont pas nombreuses, car l’Etat pourrait être facilement qualifié d’anti-démocratique. Comme nous l’expliquions dans les cas de fausse information, il y a des manières plus subtiles de désinformer. Mais les
quelques thèmes exclus de l’information générale échappent totalement à tout contrôle public, car on ne mentionne jamais l’existence d’une censure, et il est difficile de savoir quels sont les thèmes dont la connaissance est interdite au public par décision politique.

b) La non-information relative

Outre ces questions réservées, il y en a beaucoup d’autres qui, sans être soumises à la censure, peuvent figurer dans ce chapitre sur la non-information. Nous voulons parler de faits ou de réalités au sujet desquels, malgré des publications occasionnelles (sachant que, nous l’avons vu, leur censure totale serait très grossière et facilement critiquable), on nous donne des références si peu nombreuses et si incomplètes (le minimum nécessaire pour que l’on ne puisse pas dire qu’ils sont complètement occultés), qu’en aucun cas on ne peut se considérer réellement informé-e à leur propos.

Le phénomène de la non-information relative a de nombreux points communs avec la sur-information, que nous analyserons plus loin. De la même façon que l’offre d’un quelconque produit, aussi inutile soit-il, si l’on sait le diffuser, finit par générer sa propre demande et se substituer à d’autres produits plus nécessaires, l’offre informative que nous recevons finit aussi par modeler notre demande du « produit informatif », en générant de l’intérêt pour des questions qui sont peu ou pas du tout pertinentes, et en insensibilisant et annulant, par contre, notre préoccupation autour d’autres sujets, dont l’incidence est pourtant très importante sur un ou plusieurs aspects de nos vies.

Par exemple, la majorité des gens admet très probablement que les questions liées à l’alimentation et la santé (qualité et altération des aliments, manipulations génétiques de ces derniers, prix des produits alimentaires, organisation du travail agricole,...) sont beaucoup plus importantes et vitales que ce qui concerne l’industrie cinématographique et sa promotion. Pourtant, l’attention accordée dans les médias à une remise des Oscars est infiniment plus grande que celle accordée à une réunion où se préparent et se décident les critères de contrôle de la manipulation génétique des aliments, leur production et leur distribution (Sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce).

Il y a vraisemblablement un déséquilibre d’intérêts derrière cet état de fait, derrière le vaste étalage médiatique qui précède de quelques mois la remise des Oscars, et derrière la translation limitée voire nulle que, d’un autre côté, les même médias rapportent des sommets d’organisations comme l’OMC, présentés comme des réunions de type « technique » et donc très éloignées du/de la citoyen-ne lambda.

De la même façon, l’attention prêtée (par les médias et donc par le public) à chaque détail, aussi petit soit-il, de la vie quotidienne des « célébrités », comme tel ou tel séjour à la plage, est bien supérieure à celle consacrée aux conditions de vie inhumaines que les détenu-e-s doivent supporter chaque jour dans les prisons occidentales.

Etant donné qu’on finit par adopter l’idée que « ce qui ne se voit ni dans la presse ni à la télé n’existe pas », l’absence d’information systématique sur un sujet élimine la revendication du droit à le connaître : nous ne ressentons pas le besoin de le réclamer parce que nous ne sommes même pas conscient-e-s de l’existence du sujet en question.

Voici un recueil (non exhaustif) de questions propres à la non-information, c’est-à-dire traditionnellement « oubliées » malgré leur importance :

A l’échelle nationale :

 Parmi les thèmes importants, étant donnée leur proximité avec nos intérêts et nos vies, et pourtant ignorés, il faut souligner tout ce qui concerne les mouvements sociaux. Les associations et collectifs qui naissent précisément pour lutter sur les questions les plus vitales et immédiates (associations de quartier, mouvement squat, mouvement féministe, collectifs de soutien aux détenu-e-s, collectifs contre la torture et les abus de pouvoir, etc.) trouvent difficilement un espace d’information, tandis que nous recevons une information vaste et répétée sur les querelles internes des partis politiques.
 Situation dans les prisons : caractéristiques de la population détenue, conditions et types de mesures disciplinaires... Pour qu’il soit brièvement fait référence à ces questions en Espagne en février 2000, il a fallu une grève de la faim de plusieurs prisonnier-e-s en cellules d’isolement et de plusieurs personnes de la coordination de soutien. D’autres thèmes liés aux prisons sont également occultés : conditions de vie dans les prisons pour mineur-e-s, dans les hôpitaux psychiatriques, dans les maisons de retraite...
 Magouilles financières : concernant les finances de l’Etat ou des municipalités, on ne donne jamais d’informations sur la manière dont les marchés publics (travaux, services...) sont attribués, ni sur leurs bénéficiaires, ni sur le mode de distribution et les destinataires des subventions et autres aides publiques. Quand, pour quelque intérêt politique, un scandale financier éclate dans la presse, les articles et les critiques se concentrent sur le/la politicien-ne impliqué-e, ne prêtant quasiment pas attention à l’autre responsable : généralement une grande entreprise ou une banque. On ne diffuse pas non plus trop d’informations sur les « faveurs » que s’offre le gouvernement (ce qu’on appelle les « délits de col blanc », c’est-à-dire les détournements de fonds publics, les grandes fraudes, etc.).
 Commerce d’armes, exportations d’armements (destinataires, bénéfices,...), suivi des entreprises du commerce de la guerre...
 Destination finale des aides au développement, entreprises qui interviennent, formes d’allocation...
 Et bien d’autres sujets que nous ne soupçonnons même pas.

A l’échelle internationale :

 Situation du monde indigène (Chiapas, Guatemala, Brésil...).
 L’Afrique est un continent totalement oublié de l’information, excepté quand il faut parler de grandes catastrophes naturelles ou de guerres sauvages et fratricides (incompréhensibles quand on manque d’information sur le contexte).
 Situation des droits de l’homme dans les « pays alliés » aux grandes puissances occidentales (la Turquie et la question kurde, la situation des femmes et des immigré-e-s au Koweït, la complicité de l’armée et du gouvernement dans la répression sanglante de populations civiles au Brésil, en Colombie, au Guatemala, au Mexique, en Algérie, en Thaïlande, et un long etcaetera).
 Les implications de gouvernements, de multinationales et de banques dans certains des commerces internationaux les plus opaques et les plus lucratifs : armes, drogues, etc.
 Politiques économiques imposées par certaines organisations internationales (FMI, Banque Mondiale, OMC, G8, etc.) et surtout leurs conséquences sociales et humaines. Qui contrôle ces organisations ? Qui décide des politiques à mettre en œuvre, et en fonction de quels critères ?

3.2 « Informations-éclair » : nouvelles qui apparaissent et disparaissent.

Un phénomène commun dans le panorama de l’information est la soudaine apparition de nombreuses nouvelles liées à un même thème ou un même événement (même si celui-ci s’est produit bien auparavant, et n’avait jamais été « couvert »). Durant un certain laps de temps, le public est bombardé par tous les médias de nouvelles, reportages, interviews, etc., autour du thème en question, qui passe alors au premier plan de l’actualité. Puis, à l’improviste, le flux de nouvelles commence à diminuer, finissant par disparaître complètement alors même que le cours des événements n’est pas terminé et n’a atteint aucun dénouement.

On comprend que dans de nombreux cas, ce phénomène ne doit rien au hasard, mais qu’il répond aux intérêts du média et des sources d’informations, souvent non mentionnées.

a) Apparition

Comme dans les cas de fausse information, il est compliqué de déterminer, pour l’information-éclair, si la cause de son apparition peut directement être attribuée au média même, ou si elle relève des sources d’information, qui utilisent alors le média comme relais. Comme nous le savons, les principales sources d’information des médias, mis à part les journalistes, sont les agences de presse internationales (qui sont aussi des multinationales) et les cabinets de presse ou départements de relations publiques d’institutions ou de grandes entreprises. Quand une institution ou une entreprise a un grand intérêt à ce qu’un événement soit rendu public selon son point de vue, il lui suffit d’alimenter les médias d’une information de grande qualité pour que ces derniers s’en fassent écho.

b) Propagation

La propagation par tous les médias de « nouvelles-éclair » ne veut pas dire qu’ils aient tous des intérêts identiques. Souvent intervient un phénomène que nous pourrions dénommer « actualité contagieuse » : si un ou plusieurs médias consacrent beaucoup d’attention à un événement, arrivant à éveiller l’intérêt du public, le reste des médias se devront à leur tour d’informer à son sujet, sous peine de rester à la traîne de l’actualité. Ainsi la propagation de « nouvelles-éclair » obéit souvent à des impératifs économiques de compétitivité dans l’information.

c) Disparition

Une fois que la diffusion massive d’un événement a satisfait les intérêts cachés qui ont commandé son apparition (discrédit voire chute d’un gouvernement, début d’une guerre, etc.), l’information à son sujet disparaît habituellementavec la même rapidité qui l’a vue apparaître, même si la situation n’est pas encore résolue. Dans d’autres cas, la disparition est simplement dûe à un phénomène de saturation du public, lassé d’entendre ou de lire toujours les mêmes histoires sur les mêmes thèmes. Ainsi, même des sujets dramatiques (comme les violences envers les femmes, les massacres en Algérie, les accidents du travail) finissent par se banaliser et par devenir une « part de plus du paysage de l’actualité », perdant intérêt ou pertinence pour le public. Dans ces cas-là, les médias tendent à les faire disparaître (bien que la réalité, elle, ne disparaisse aucunement), au moins pour un certain temps.

Il existe des exemples très parlants « d’informations-éclair ».

Il y a celle du terrorisme d’Etat des GAL, amplement diffusée dans un premier temps par le journal El Mundo, puis comme « actualité contagieuse » par le reste des médias, des années après le déroulement des faits. L’origine de ce bombardement soudain répond à desintérêtspolitiquesetfinanciersplusoumoinsclairs,maisévidemmentjamais expliqués (les médias feignent toujours la neutralité). El Mundo lança une féroce campagne d’accusation du gouvernement « socialiste », dévoilant et donnant écho à la plupart des cas de corruption. Curieusement, depuis la chute du gouvernement PSOE, ce quotidien a notoirement oublié l’affaire des GAL, qui revient difficilement sur le devant de la scène alors que de nombreux procès sont encore en cours.

Un autre exemple est la dictature de Suharto en Indonésie : soutenue par les Etats-Unis et particulièrement sanguinaire, elle a assassiné des centaines de milliers d’opposant-e-s politiques (communistes, indépendantistes de Timor,...), des décennies durant, sous le silence unanime et complice des médias occidentaux. Soudain, il y a quelques années à peine, des articles et des reportages commencent à paraître dans la presse, dénonçant le caractère tyrannique et mafieux du régime indonésien. Quelques mois plus tard éclatent en Indonésie des révoltes étudiantes, largement couvertes par les médias, et suivies de la « démission » de Suharto. Dès sa substitution par Habibi, un de ses bras droits, l’Indonésie disparaît subitement de l’actualité. Qu’en est-il de Suharto ? Et des revendications étudiantes ? Quelle est la politique du nouveau gouvernement ? Et y a-t-il eu un changement réellement démocratique ? Dans cette histoire, l’origine de « l’information-éclair » peut être cherchée du côté des gouvernements occidentaux qui contrôlent la situation politique indonésienne (les Etats-Unis ou l’Australie), ou alors des compagnies pétrolières qui contrôlent l’énorme production de pétrole de ce pays oriental. Les uns ou les autres sont sans doute responsables de la soudaine diffusion et de la brusque disparition de l’information sur l’Indonésie.

Un exemple significatif de soudaine disparition intéressée d’une information est celui du soulèvement zapatiste au Mexique. L’aspect nouveau et spectaculaire de son émergence assura sa diffusion massive début 1994, mais l’attention des médias espagnols se réduit soudain de façon drastique, au moment précis de la visite du président mexicain dans l’Etat espagnol. Aujourd’hui, alors que la répression de l’armée mexicaine se renforce, on ne parle presque plus des zapatistes.

3.3 La sur-information

L’extrême inverse de la non-information ou du manque d’information sur des thèmes précis est le processus de « sur-information » sur d’autres thèmes. Ces procédés constituent tous deux une forme de désinformation, tels les deux faces d’une même médaille. De nombreux/ses expert-e-s en communication, comme Ignacio Ramonet, focalisent une grande partie de leurs critiques des médias sur ce phénomène de sur-information.

La sur-information se manifeste de deux façons différentes :

a) Sur-information sur certains aspects d’un sujet

Le fait d’informer de façon très abondante sur certains aspects d’un sujet est une manière de reléguer au second plan d’autres aspects, souvent plus pertinents, polémiques ou éclairants. Non pas qu’on ne donne aucune information sur ces derniers, mais la place qu’on leur dédie est si mince par rapport aux autres aspects qu’ils passent pratiquement inaperçus aux yeux du grand public.

En même temps on nourrit la sensation d’être largement informé-e-s sur le sujet, que les médias font leur travail, alors qu’en réalité ils nous inondent d’anecdotes et nous donnent trop peu de clefs de compréhension de l’événement. C’est le type de sur-information le plus courant.

Elle se matérialise en général par une avalanche répétitive de certaines informations, données et images (souvent suivant une ligne spectaculaire), sans approfondir réellement la question.
Comme nous l’avons déjà dit, l’excès d’information sur un sujet entraîne paradoxalement un effet similaire à de la non-information. Pour commencer, un grand volume d’information constante nous oblige à une lecture de surface, c’est-à-dire à celle des titres et sous-titres. Et comme nous l’avons vu dans le chapitre qui leur est dédié, ce sont les éléments les plus manipulateurs d’un article. La lectrice ou le lecteur, incapable d’assimiler une telle quantité d’informations, en grande partie délibérément superflue et inutile, finit par saturer, ce qui peut l’amener à ignorer le sujet (si un certain seuil de sur-information est franchi) ou, plus communément, à accepter sans esprit critique la version des faits dont on le/la martèle.

Par exemple, en Espagne l’information abonde sur les attentats de l’ETA et sur les déclarations consécutives de personnalités, mais très peu de choses sont publiées sur le contexte politique et social au Pays Basque, sur l’histoire récente du nationalisme basque ou sur la stratégie de répression policière. Des centaines de pages dans la presse, des heures de retransmissions télé et radio, des débats, des discours, des éditoriaux sont dédiés chaque jour au conflit basque, et pourtant la majorité des gens en ignore presque tout. Quel meilleur exemple de sur-information désinformatrice ?

Un autre exemple plus concret concerne la Guerre du Golfe de 1991 : dans une enquête réalisée à Denver (Etats-Unis) en février 1991 (en pleine guerre, donc), 81% des personnes interrogées étaient capables de donner le nombre exact de missiles Patriot lancés par les « alliés » contre les Scud irakiens le jour précédent, mais seules 2% savaient que les raisons principales pour lesquelles l’Irak avait envahi le Koweït quelques mois plus tôt étaient les manœuvres des autorités du Koweït pour faire baisser le prix du pétrole (exemple tiré du livre Attention aux médias, de Michel Collon). La sur-information revient souvent à informer beaucoup (et superficiellement) sur le comment (dans ce dernier cas, comment la guerre se déroule) et très peu sur le pourquoi (pour quelles raisons cette guerre a-t-elle réellement débuté) ou sur le contexte de l’événement.

b) Sur-information sur des thèmes banals

Certains sujets anecdotiques sont l’objet d’une grande attention de la part des médias, et sont présentés comme des questions de grande importance. On détourne ainsi l’attention du public d’autres événements et réalités bien plus importants pour la vie des personnes et des sociétés, en l’orientant vers des sujets bien moins polémiques, ou en tout cas moins compromettants pour les pouvoirs en place : célébrations nationales, football, scandales du type de « l’affaire Lewinsky » ou de la vie et la mort de Lady Di, etc. Avec l’aide de la télé-poubelle (feuilletons, reality-shows,...), ces thèmes banals et anecdotiques ont gagné le devant de la scène, envahissant même les premières pages de quotidiens et les journaux télévisés.

Ce phénomène de sur-information est intimement lié à l’énorme concentration actuelle des médias : toujours plus de médias sont entre les mains de toujours moins de personnes. Ainsi, une entreprise multimédiatique est capable de diffuser un même événement, ou une même version de celui-ci, à travers une grande diversité de médias, arrivant seule à déployer une véritable campagne de sur-information intéressée. Comme le signalait déjà l’un des premiers théoriciens (et praticiens) de la communication sociale, Göbbels (responsable de la propagande nazie sous la dictature d’Hitler), « le plus grand mensonge répété cent fois devient une grande vérité ». La répétition constante d’une information génère de la crédibilité, et d’autant plus si elle passe par une grande quantité et variété de médias. Ainsi, plus nombreux et différents seront les informateurs et informatrices qui collaboreront dans ce sens (sans faire savoir qu’en réalité ils/elles peuvent tou-te-s appartenir à la même entreprise), plus le récepteur ou la réceptrice tendra à croire à une version des faits, ou à donner de l’importance à un sujet banal.

Par exemple, le groupe de communication espagnol Prisa peut aujourd’hui diffuser un fait ou l’une de ses versions par l’intermédiaire à la fois des journaux El Paìs et Cinco dìas, des radios Cadena SER et Antena 3 Radio, de la chaîne de télévision Canal Plus, d’études de l’entreprise de statistiques Demoscopia ou encore de reportages dans les magazines Alfaguara, Aguilar, Santillana et Taurus. La sur-information peut ensuite s’étendre à d’autres groupes de communication selon le principe « d’actualité contagieuse ».

Le phénomène de sur-information peut avoir plusieurs causes, selon les cas et les circonstances. Souvent la sur-information sur un sujet banal ou sur des aspects banals d’un sujet répond à des intérêts politiques, qui ont pour origine des groupes de pouvoir ou de pression et qui comptent sur la collaboration active des médias. N’oublions pas que ceux-ci sont des entreprises souvent contrôlées par des entités financières et autres multinationales, étroitement reliées aux sphères du pouvoir.

A ces intérêts politiques s’ajoutent en général les intérêts économiques, de telle sorte qu’il s’avère souvent difficile de distinguer les causes réelles d’une campagne de sur-information. Par exemple, la diffusion d’un événement banal mais sensationnel et morbide (qui regroupe par exemple des histoires de sexe, de violence, de personnages célèbres,...) suscite toujours une augmentation notoire de l’audimat ou des ventes de presse. Par ailleurs, la sévère compétition commerciale entre les groupes de communication favorise le principe « d’actualité contagieuse » : si l’une des entreprises arrive à rendre un sujet d’actualité, ses concurrentes se devront de l’aborder elles aussi, sous peine de perdre de l’audience. Ainsi le martèlement médiatique auquel nous soumet un groupe de communication décuple quand ses concurrents « suivent le mouvement pour ne pas rester en retard ».

Il arrive que chaque entreprise donne sa propre version de l’événement, selon ses intérêts (et parfois ceux-ci coïncident), mais de toute manière, tous les médias parlent constamment de la même chose.

Un bon exemple de comment il peut y avoir des intérêts à la fois politiques et commerciaux derrière une même information est l’affaire Lewinsky : les relations sexuelles adultères d’un président (sexe + personnage célèbre) sont diffusées pour des raisons politiques (de la part de l’opposition républicaine, afin de le discréditer) avec une intensité telle, que même les médias alliés (pro-démocrates) se sont vus obligés de traiter le sujet (actualité contagieuse). Dans l’Etat espagnol, pourtant, l’énorme diffusion d’une affaire qui affecte principalement la politique intérieure nord-américaine ne s’explique pas tant par des intérêts politiques que par des intérêts commerciaux, dûs à la portée scandaleuse de l’événement.

Un autre exemple plus proche est l’affaire des trois jeunes filles séquestrées, violées et assassinées à Alcàsser, fin 1992. Un événement évidemment terrible, mais pas beaucoup plus que des milliers d’autres qui se produisent chaque année dans l’Etat espagnol sans atteindre une telle audience. Le triple crime d’Alcàsser a pourtant été diffusé et exploité avec une telle ampleur par les médias qu’en quelques jours à peine le phénomène provoquait un alarmisme généralisé. Cette histoire coïncidait justement avec l’époque où les reality-shows commençaient à gagner une grande popularité dans les foyers, et l’origine de cette campagne de sur-information quasi hystérique était fondamentalement commerciale : ce type d’émission avait trouvé dans une affaire aussi morbide (sexe + violence) le « baptême du feu » grâce auquel il allait pulvériser l’audimat.

Mais par la suite l’affaire fut récupérée par les espaces d’information générale (presse quotidienne et téléjournaux), dans une connivence journalistique sans précédent, sans doute pour des raisons commerciales : il s’agissait d’exploiter au maximum une audience que les reality-shows étaient parvenus à générer. Mais des raisons politiques intervenaient également, puisque l’alarmisme fut tel que le gouvernement PSOE, et son ministre de l’intérieur Corcuera en tête, en profita pour attaquer la magistrature (en l’accusant d’être trop permissive avec les criminel-le-s), et pour introduire, avec le soutien d’une opinion publique très sensibilisée, des modifications qui durcissaient la politique des permissions pénitentiaires du nouveau code pénal en projet.

Même si, selon de nombreux juristes, de telles modifications (qui renforçaient la ligne de Corcuera et de sa controversée Loi de Sécurité Citoyenne : « Loi Corcuera ») fragilisaient l’état de droit, le PSOE s’empara de l’alarmisme généralisé (créé en réalité par les médias) pour mieux les introduire.

Qui sommes-nous ?

 L’école populaire de « la Prospe » est un centre de culture populaire pour adultes.
 Le but de l’éducation populaire est de contribuer à changer les choses au moyen d’un apprentissage collectif et critique.
 Les décisions concernant le fonctionnement de l’école sont prises par tout-e-s les participant-e-s
 L’école est liée à un large réseau de mouvements sociaux
 L’école est un espace ouvert, auquel chacun-e peut participer en apportant ses initiatives et ses projets

L’échange de savoirs

A la « Prospe », nous pensons que l’éducation ne doit pas se limiter à une accumulation de connaissances. Nous pensons qu’un apprentissage participatif et actif est nécessaire pour changer la société, un apprentissage ouvert, novateur, basé sur des échanges interculturels, sur une large participation, sur la découverte....
Nous réalisons les activités suivantes :
 Groupes d’apprentissage collectifs : Nous nous réunissons entre personnes intéressées par un même sujet, nous lisons, débattons, menons des recherches, et essayons de faire en sorte que ce que nous apprenons nous serve pour agir sur la réalité et la changer.
 Ateliers : « lire la vie », « étirer son corps », « le tact », « santé communautaire »...
 Alphabétisation
 Cours d’Espagnol pour les immigré-e-s (différents niveaux)
 Cours de « connaissances de base » (différents niveaux) : nous tentons d’acquérir et d’approfondir les connaissances qui nous permettent d’analyser les problèmes auxquels nous sommes confronté-e-s et de trouver des solutions pour nous défendre. Les moyens utilisés vont d’un apprentissage global à des matières plus spécifiques, telles que les mathématiques, les sciences sociales, la langue, etc.
 Activités culturelles : qui tournent autour des thèmes sociaux, écologiques...
 Bibliothèque, revues, excursions, fêtes...
 Et les projets que vous voulez réaliser...

Qu’est-ce qu’un groupe d’apprentissage collectif ?

C’est un groupe de personnes qui se réunit pour étudier collectivement un thème d’intérêt commun. Ce groupe s’organise selon trois principes :

 Il n’y a ni professeur-e-s ni animateurs/trices, les participant-e-s partagent leurs connaissances et leur savoir-faire. C’est un apprentissage horizontal et égalitaire.
 L’apprentissage n’est pas une simple accumulation de connaissances théoriques : il a pour but de permettre la transformation du réel, que ce soit au moyen de produits (affiches, articles, dossiers comme celui-ci, etc.) ou en passant à l’action (ateliers, discussions, coopération avec d’autres groupes, campagnes d’information, participation à des manifestations, etc.). C’est un apprentissage pour l’action.
 Les thèmes étudiés ne le sont pas de manière classique et scolaire. Il s’agit d’aborder de nouvelles réalités de manière critique.

Les meilleurs exemples sont ceux des groupes actuellement actifs : « femmes », « travailler le travail », « interculturalités », « communication populaire ».

Le groupe sur la « communication populaire »

Nous effectuons une analyse critique de l’information, nous suivons les thèmes d’actualité et faisons des recherches sur les intérêts des médias. Nous réfléchissons et débattons autour de la communication et du phénomène des mass-médias.

Nous élaborons et diffusons des outils utiles à l’apprentissage, à l’analyse et à la critique. Nous recherchons et favorisons d’autres formes de communications collectives.

Nous agissons au moyen d’affichages, d’ateliers d’analyse de la presse, d’articles et de dossiers thématiques, et nous collaborons avec d’autres collectifs.

Autres publications

Notre précédent (et premier) dossier thématique se centrait sur l’analyse des informations parues dans la presse espagnole dans les années 90 au sujet de l’OTAN, de la « nouvelle » armée de métier, et de l’industrie des armes.
Ce dossier comportait une annexe à propos du traitement par la presse espagnole du dernier conflit dans les Balkans et des bombardement de l’OTAN.
Le titre du dossier (auto-édité) est : « Le casse-tête de l’OTAN et le nouveau militarisme espagnol dans la presse » (les personnes intéressées peuvent nous le commander).

Nous réalisons aussi fréquemment des ateliers pratiques d’analyse de la presse.

Escuela Popular de Prosperidad /
c/ Luis cabrera, 19 /
tel : 91 562 70 19 /
28002 MADRID



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