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Génocide et Spectacle
mis en ligne le 10 juin 2014 - anonymes
Rio de Janeiro, futur hôte de la Coupe du Monde de 2014 et des Jeux Olympiques de 2016, est une métropole emblématique construite autour d’un écosystème paradisiaque et admirable [1]. Ses quartiers et ses rues contiennent le contraste du royaume marchand : disséminés autour des différentes parties de la ville, la pauvreté criante, la profonde décadence, l’abandon administratif dans leurs états les plus crus… et à d’autres endroits, le luxe hygiénique sert de toile de fond à un scénario simulé et superficiel de consumérisme et de vie confortable, constamment sous l’œil des caméras et d’une forte présence policière. Cette terre de tant d’anecdotes qui font "l’histoire du Brésil" est l’endroit où se produisent des extrémismes à caractère urbain et qui ne peuvent qu’être vécus en ce lieu, du moins dans les proportions dans lesquelles ils se manifestent.
Selon l’Indice de Développement Humain (IDH) - une mesure internationale comparative pour classifier le "développement" économique d’un territoire - il existe dans la ville de Rio une coexistence d’IDH de certains des quartiers les plus riches du monde, équivalents à ceux qu’on peut trouver dans certains endroits d’Europe, alors que plusieurs favelas ont un IDH égalant ceux de certains des pays les plus pauvres du continent africain. À l’origine de tout cela, le fait que ce fut toujours une ville où richesse extrême cohabite avec extrême pauvreté et que ce fut l’un des ports majeurs pour les humains enlevés en Afrique puis revendus comme esclaves. Malgré tout, pendant 12 ans elle fut la capitale de l’empire portugais et après l’"indépendance" elle fut la capitale du Brésil jusqu’au milieu du XXe siècle. Si autrefois les contrastes encerclaient les palaces de la noblesse et les quartiers noirs, aujourd’hui cette différence se perçoit entre les quartiers riches opulents – de vrais Beverly Hills - et les nombreuses favelas.
La question raciale est intrinsèquement reliée à l’histoire de Rio de Janeiro. Si aujourd’hui il existe une politique si violente assiégeant cette ville, c’est sûrement parce que d’elle descend directement du régime esclavagiste. Cela date de la création d’un pouvoir public autonome et de la propre constitution de l’État brésilien. Avec l’arrivée de la famille royale du Portugal en 1808, la police de Rio fut fondée pour édifier un nouvel ordre public qui cherchait à affronter dans les rues la population réduite en esclavage, terrorisant les noirs et les pauvres avec des châtiments corporels en public et des éliminations physiques. Dans le même temps, elle combattait la résistance qui était apparue de différentes manières, à la fois de nature politique et culturelle, organisée ou non : depuis les équipées rebelles et les formations consécutives des quilombos - communautés rebelles noires [2] - à la capoeira, une technique de combat développée dans les rues et un outil inséparable des rebelles noirs organisés qui ont combattu lors de révoltes organisées durant toute cette période. La favela est la fille et la nièce de cette résistance, berceau de ces magnifiques manifestations culturelles de descendance africaine et bastion de ceux qui n’ont jamais séparé le combat du sourire.
L’origine des favelas de Rio de Janeiro émane du milieu du XIXe siècle lorsqu’avec la fin de l’esclavage une partie des affranchis migrèrent vers la capitale fédérale, s’installant de façon informelle dans des lieux qui seront connus après sous le nom de Favelas. Le premier de ces endroits à être appelé favela fut Morro de Providência [Colline de la Providence], qui se trouve près de la zone portuaire dans le centre de Rio, occupé en 1897 par des soldats noirs de l’armée brésilienne qui revenaient de la Guerre des Canudos et qui avaient cessé de toucher leurs soldes ; sans moyens financiers, ils allèrent vivre sur la colline dans des baraques temporaires. Le terme favela vient du camp de Canudos qui se situait dans la province de Bahia et qui fut construit sur une colline où poussaient beaucoup de plantes d’une espèce populairement connue sous le nom de Favela ou Faveleiro. Cette plante fut aussi trouvée à Morro de Providência, ce qui lui valut le nom de Morro da Favela [Colline de Favela]. Avec le temps, le terme commença à être utilisé comme façon de désigner les lieux d’habitation populaire. La favela, d’un point de vue urbain, est la descendante des quartiers d’esclaves [senzalas], et apparaît comme l’un des représentants majeurs du ségrégationnisme aigu, de l’isolement, des déchets humains, dans un régime qui avait substitué le travail d’esclave à l’esclavage salarial, vu que les temps avaient changé et qu’il y avait un besoin de formes différentes d’exploitation.
D’autre part, la favela est la représentante de la résistance culturelle noire qui a continué à se développer dans des manifestations culturelles comme la samba, la capoeira et les religions d’origine africaine (comme la candomblé et l’umbanda), en plus d’être l’habitat naturel de l’authentique système D brésilien. Ainsi le policier de Rio est le "capitão-do-mato" moderne (ceux qui capturaient les esclaves et les ramenaient à leurs maîtres), qui a juste substitué le fusil au fouet. Si avant, le mépris de la vie se traduisait dans l’image de l’esclave noir, aujourd’hui il se reflète dans la figure de l’habitant de la favela.
La réalité d’aujourd’hui
Ce qui se vit actuellement c’est une guerre civile à un niveau de conflit urbain armé inconnu en Amérique latine, camouflée en "guerre contre le trafic de drogue". Les favelas ont toujours été contrôlées par les trafiquants de drogue ou par les milices locales [3] et plus récemment par la police qui utilise un large arsenal pour défendre son territoire. Les balles sont aussi quotidiennes que le riz et les haricots (la base du régime brésilien).
Sans aucun doute l’économie de Rio tourne autour du tourisme et bien sûr la ville est l’une des destinations touristiques les plus prisées de la planète. La "merveilleuse ville" est pleine de richesses pour tous ceux qui ont les conditions économiques pour les consommer. Une spéculation foncière et un embellissement rendu nécessaire pour le maintien d’une atmosphère de ville confortable pour ces gens. Cette situation mène à une constante et chaque fois plus grave criminalisation de la pauvreté, qui apparaît sur différents fronts et zones dans le contexte actuel, déguisée en réformes urbaines et améliorations de la qualité de vie de la population. Mais en réalité ce sont les voies vers des projets économiques mégalomanes entrepris par une série de partenariats public-privé.
La réalité sociale de Rio de Janeiro rend chaque fois plus explicite la ligne étroite articulée autour de différentes stratégies de gestion étatique, se trouvant quelque part entre la dictature et la démocratie. Au final, torture, élimination physique et incarcération (qui ont gagné de la visibilité lors de la dictature militaire afin de toucher des secteurs de la classe moyenne) ont toujours été une réalité pour les noirs, les pauvres et les habitants des favelas. Dans une période démocratique si acclamée il y a des faits qui deviennent de plus en plus présents. Plusieurs tactiques bien distinctes ont été utilisées, découlant de la nouvelle politique administrative de l’État (dans les mains de Sérgio Cabral Filho depuis 2006) et de la préfecture de la ville (tenue par Eduardo Paes depuis 2009), des initiatives qui viennent de différents endroits :
1) La guerre informelle contre les vendeurs à la sauvette qui, face à cette réalité, choisissent l’un des plus importants moyens de survie pour ceux qui sont sans le sou.
2) La reprise du contrôle de zones précédemment contrôlées par le trafic de drogue.
3) Les programmes de développement urbain, comme la revitalisation des environs du port.
4) L’écrasante présence de drogue comme le crack, ou plus récemment l’oxi [Ndt : mélange de pâte de cocaïne, d’essence, de kérosène et de chaux vive, qui se fume comme le crack], qui renforce le contrôle sur la population.
En plus de tous ces éléments, l’extermination actuelle de civils par la police, morts justifiées comme des dommages collatéraux dans une supposée guerre contre le trafic de drogue et souvent passée sous le coup de la dénommée Autos de Resistência – lorsque les assassinats de la police sont considérés comme étant la faute des victimes [4] - pour camoufler des exécutions sommaires. Ce qui se passe dans la pratique est un génocide silencieux qui loin de viser les groupes qu’il a pour cible - dans ce cas-ci les barons de la drogue - affecte surtout toutes les couches populaires qui se trouvent dans la zone du conflit. Le nombre de morts dans les mains des forces de police de Rio de Janeiro est extrêmement élevé. Prenons les trois dernières années pour exemple : en 2008 il y a eu 611 morts, en 2009 ils étaient 495, en 2010, 545 - chiffre qui équivaut plus ou moins aux victimes des pluies qui ont touché la région montagneuse au-dessus de la ville de Rio de Janeiro, en janvier 2011, considéré comme le "plus gros désastre naturel" de l’histoire du Brésil.
Avec de sinistres chansons qui glorifient la guerre et qui sont partie intégrante de sa formation, le BOPE (Bataillon d’Opérations Spéciales de Police) ne s’embarrasse d’aucun doute quand à ses missions d’après la chanson qu’ils chantent : "Homme en noir / Quelle est ta mission ? / C’est d’envahir la favela / De laisser des corps sur le sol", voire : "J’infiltrerai une favela / Avec un fusil dans ma main / Je combattrai l’ennemi / Provoquerai la destruction". Le BOPE a été conçu et entraîné pour être une machine de guerre et exterminer les habitants des favelas. Le fait qu’ils aient un crâne comme logo n’est pas du pur symbolisme.
L’un des projets pilotes de l’actuel gouvernement au pouvoir, faisant partie de la logique de restructuration et d’embellissement de la ville, ce sont les machiavéliques UPP (Unités de Police Pacificatrice). Ce sont des unités de la police qui par des invasions permanentes reprennent le contrôle des communautés qui étaient précédemment sous la coupe des barons de la drogue.
Coïncidence ou non, toutes ces communautés sont des favelas qui se situent dans des zones à fort intérêt économique, telle la zone au sud et les terrains nobles de la zone nord, ainsi que des zones d’intérêt touristico-économique [5]. Les UPP apparaissent comme le point culminant de la "guerre" contre le trafic de drogue, et marquent un moment où l’État donne finalement une réponse plus efficace et énergique aux trafics. La présence permanente de la police dans la communauté signifie qu’elle peut agir en toute impunité (une sorte d’état d’exception non-déclaré), agissant sans scrupules grâce à l’inconstitutionnalité, envahissant sans cesse les maisons et terrorisant les habitants. L’ironie est que dans aucune des communautés où l’UPP agit en ce moment le trafic de drogue n’a disparu ; bien au contraire, le commerce se développe, même si les trafiquants fanfaronnent moins avec leurs armes et donnent des pots-de-vin à la police afin de poursuivre en toute tranquillité leur business.
Les UPP sont profondément en lien avec le processus de nettoyage socio-économique des quartiers qui se déroule dans plusieurs parties de Rio de Janeiro, agissant comme les précurseurs d’un processus innovant de gentrification [6] des aires des favelas. Comme champ de leur intervention, les branchements clandestins sur les réseaux électriques ou d’eaux ont été coupés, causant un accroissement drastique du coût de la vie quotidienne pour les plus pauvres et renforçant ainsi une sorte de processus d’expulsion graduel.
Dans le sud, des baraques sont vendues et louées à des prix incroyablement élevés et dans le même temps des assainissements sanitaires sont pour la première fois introduits. Mais pour qui exactement ces "améliorations" sont-elles faites ? Logiquement elles sont destinées aux nouveaux hôtels (et autres sortes de marchés privés) et aux nouveaux visiteurs de ces espaces : les touristes et les individus de la classe moyenne.
Ces opérations de meurtre de masse organisées par l’État et ses partenaires privés sont seulement rendues possibles par l’insertion dans les communautés du bras gauche de ces interventions : les ONG. Partie intégrante du processus pour limiter les dommages, les institutions non-gouvernementales sont chargées d’infiltrer les favelas sous l’apparence de projets de fond pour le développement social. La présence de ces organisations dans les communautés est, à son tour, marquée par l’ambiguïté. Alors que ces institutions "facilitent" le développement socioculturel au niveau local, derrière leurs implantation il y a, depuis le début, le caractère pacificateur et les profits générés grâce aux exonérations d’impôts et aux investissements transnationaux, qui sont souvent une source de revenus, en plus de leurs activités dans le recensement et le fichage des résidents, les incitant aussi à assumer le rôle d’indics dans la communauté. Il existe des cas similaires qui concernent les programmes plus récents du gouvernement fédéral, près des zones urbaines classées comme "à risque" (elles sont touchées par le programme pilote appelé Fica Vivo [Rester en Vie]).
C’est dans ce décor général de revanche et d’invasion ostensiblement militaire que le Choque de Ordem [Choc de l’Ordre] s’intègre. Un projet crée depuis début 2009 par le maire en poste Eduardo Paes, organisé par le Secrétariat à la Sécurité Publique, rassemblant différentes composantes comme la police municipale, la police civile et militaire, l’entreprise de collecte des déchets Comlurb et le Secrétariat au Logement, pour lancer des actions coordonnées en vue du "rétablissement de l’ordre dans la ville". L’opération se concentre surtout sur la lutte contre les camelôs [vendeurs à la sauvette], sur l’expulsion par la force des sans-abris - que ce soit des accros au crack ou non - et sur les innombrables expulsions de maisons considérées comme illégales ou n’ayant pas les papiers en règle, comme c’est le cas des squats urbains, des favelas ou de parties de favelas qui sont déplacées car situées dans le chemin de ces réformes.
Le projet Porto Maravilha [Port Merveille]
L’un des projets actuels majeurs de ré-urbanisation de la ville de Rio de Janeiro est, bien entendu, la revitalisation de la zone portuaire, appelée Porto Maravilha et qui est l’initiative publique-privée la plus importante du Brésil. C’est une société formée par la municipalité, l’État, la région et des initiatives privées. Toute la région du port s’est privatisée, passant dans les mains de trois entreprises privées pour les quinze années à venir. Les mots du maire lui-même : "Quel est le rêve de chaque entreprise privée ? Faire de grands profits constants dans le temps et sans risque. La ville de Rio réalise le rêve de trois d’entre elles : OAS, Odebrecht et Carioca Engenharia, qui ensemble forment le consortium qui gère Porto Maravilha. L’ingénieux partenariat public-privé ne peut pas être vu d’une autre manière : un transfert d’argent public à trois grandes entreprises privées, sans avantages apparents pour l’État."
Le projet couvre une superficie de 5 millions de mètres carrés, dont les limites sont les avenues Presidente Vargas, Rodrigues Alvers, Rio Branco et Francisco Bicalho. Il passe par quatre quartiers : Centro, Santo Cristo, Salud et Gamboa. Les investissements incluent la création et l’implantation de musées, la construction de luxueux mouillages pour les croisières touristiques, la construction d’immeubles d’habitation pour la classe moyenne, la construction de l’aquarium le plus grand d’Amérique Latine, en plus de nouveaux sièges de banques, qui incluent la Banco Central. La première phase de construction a débuté en 2009 et est toujours en cours, avec des mises en œuvre basiques comme l’installation de nouveaux réseaux hydrauliques et la ré-urbanisation de Morro da Conceição. La nouvelle phase de travaux a commencé en 2011 et inclut des réalisations plus importantes comme la démolition du viaduc du Perimetral, situé au-dessus de l’avenue Rodrigues Alves. L’objectif est de terminer tous les projets de ré-urbanisation pour 2015.
En toile de fond de ce projet une série d’opérations répressives et de violations de la dignité des personnes sont menées jour après jour. Durant de nombreuses années le quartier du port a été une des zones les plus négligées et méprisées de la ville de Rio de Janeiro, lieu de presque quatre siècles d’histoire d’effusion de sang et de résistance politique et culturelle, de nombreuses fois un refuge et une alternative pour ceux qui trouvent dans l’occupation d’immeubles vides une forme pratique pour accéder à un logement. On ne compte plus les expulsions qui ont concerné les squats, en plus de maisons à Providência qui ont été détruites pour construire un téléphérique.
La favela de Providência a depuis avril 2010 sa propre UPP qui garantit la "sécurité" pour le bon déroulement des projets. En plus de tout cela, de mystérieux incendies ont touché des squats, des communautés (comme celle de Rato Molhado dans le nord) et des commerces informels (comme celui qui fut probablement le plus important de ces incendies et qui a consumé le marché ouvert de Central do Brasil le 26 avril 2010). On remarquera que ce marché populaire était situé très près de la caserne de pompiers de Rio de Janeiro, et malgré ça, les secours ont mis plus d’une heure à arriver. Ce n’est pas un hasard si la mairie avait déjà des plans de "revitalisation" pour ce lieu.
Dans la pratique ce projet n’est rien de plus qu’un des pivots du processus de maquillage que la ville est en train de faire. C’est la préparation pour les grands événements à venir : le mondial de foot en 2014 et les Jeux Olympiques en 2016. À l’instar de toutes les opérations hygiénistes, il s’agit de la prise, par la classe la plus riche, d’une zone antérieurement occupée par les classes plus pauvres.
Il n’est pas possible de savoir avec certitude sur quoi vont aboutir ces opérations si atroces et soudaines. Mais, de fait, on peut déjà faire des prévisions, suggérées par ce qui est évident pour n’importe quel œil observateur. Les questions les plus inquiètes restent noyées par les années "prometteuses" des mégas événements de 2014 et 2016, dans un scénario désastreux d’ignorance, de peur et d’égocentrisme touristique.
La confusion est apaisée par le fanatisme insensé d’un esprit sportif chaque fois plus publicitaire, piégé dans une vague de marketing belliqueux, qui déclare à l’ordre du jour l’extermination ouverte pour satisfaire les objectifs des marchés financiers incarnés par les travaux publics et la spéculation immobilière. Dans un futur pas si lointain, après l’hébétude des Jeux, nous ferons face à des questions auxquelles il n’y a eu que des mauvaises réponses délibérées, des choses accumulées laissées de côté par négligence, que seulement la guerre sociale déclarée peut combler [7].
Jusque là et dès maintenant, nous assumons déjà une position : notre refus est inflexible, le futur est déjà maintenant.
Le squat Flor do Asfalto
« Les vauriens déambulent d’un port à l’autre. Face à la machinerie lourde, ils observent avec consternation les nombreuses faces d’un futur laissé pour plus tard. Des rumeurs d’effondrement, des jours de guerre… des minutes de passions arrachées des souterrains, des îles et des rues. Le quai est là, mais il y a aussi des ports hallucinés / Dans le chaos du port flotte, fait de tissu noir décoloré, un drapeau pirate, agité par la brise de la mer et la vitesse des machines… et nous savons que c’est par là-bas qu’errent ces renégats. De port en port, "ils crachent la fumée de cigarette " : peut-être qu’il y a plus à tirer d’un crachat même que de n’importe quelle morale civilisée. » (Collectif Casa Aberta - Les pirates malades ne disent rien…)
Issue de l’initiative de plusieurs personnes du milieu libertaire, la Flor do Asfalto a été occupée le 17 octobre 2006, sur l’avenue Rodrigues Alves, ayant comme objectif, en dehors d’être un lieu de vie collectif, de se convertir en un espace de création politique et contre-culturel. Depuis lors, diverses initiatives et projets ont commencé à germer dans ce lieu, comme la mise en place d’une bibliothèque, d’ateliers d’art et de sérigraphie, un herbier, parmi différentes pratiques visant un mode de vie plus respectueux et en plus grande harmonie avec la terre, comme l’entretien d’un jardin potager et d’un système agro-forestier. Durant ces 5 ans il y a eu beaucoup d’initiatives et d’activités développées à la Flor, depuis des ateliers et des discussions jusqu’à des fêtes et des concerts. La Flor assume publiquement sa posture de confrontation avec la réalité existante, ses relations de pouvoir et ses politiques oppressives, en mettant en avant la nécessité de la réappropriation de la vie pour ceux qui s’investissent en son sein et la guerre vécue à chaque moment de l’existence.
Les différentes ruptures et alternatives avec ce monde ne se font pas seulement comme alternatives en elles-même, mais comme confrontation, intervention dans la réalité et positionnement radical au milieu de l’œil du cyclone. Actuellement, le squat voit ses jours comptés car il se situe juste dans la zone qui comprend la nouvelle phase de travaux du projet Porto Maravilha. Ce sera l’une des prochaines cibles des attaques qui précèdent les travaux. En maintenant le refus ferme de l’existence de l’État et de ses appareils répressifs, comme la police, on n’envisage pas la possibilité de dialoguer ou de trouver un accord. Y compris en considérant, dans certaines occasions, une telle possibilité, il faut toujours garder en tête que le jeu des lois fait partie du jeu de l’ennemi.
Se bouger, ne pas rester dans l’inertie, ça a été la stratégie utilisée pour contrecarrer ce moment. C’est pour ça que depuis l’intérieur du squat des communiqués sont vociférés, expliquant les positions de ses occupants, visant la création de liens de solidarité qui crient et résonnent au-delà des lignes imaginaires de la ville de Rio de Janeiro, vu que ces liens, dans des moments comme celui-ci, sont sans hésitation le meilleur arsenal que peuvent trouver les opprimés rebelles.
Version originale publiée en portugais en septembre 2011, sur le blog diasemcompras.wordpress.com.
Ce texte a été traduit en français une première fois sur Contra Info en juillet 2012.
Annexe 2014
Pour plus d’infos sur les luttes contre la coupe du monde 2014 et plus largement sur les luttes sociales au Brésil, voir ici :
– Squat.net
https://fr.squat.net/tag/bresil/
– Contra Info
https://fr.contrainfo.espiv.net/tag/bresil/
– Le Jura libertaire
https://juralib.noblogs.org/tag/bresil/
– Le Chat Noir Émeutier
http://www.lechatnoiremeutier.antifa-net.fr/tag/bresil/
– Brèves du désordre
http://cettesemaine.free.fr/spip/rubrique.php3?id_rubrique=143
Et en portugais :
– Cumplicidade
http://cumplicidade.noblogs.org/
– Squat.net
https://pt.squat.net/
– Autogestao.org
http://autogestao.org/
– Contra Info
https://pt.contrainfo.espiv.net/tag/brasil/
– Dia sem compras
http://diasemcompras.wordpress.com/tag/copa-do-mundo-2014/
Pour d’autres brochures sur le même thème, consultez la thématique "Sports" sur Infokiosques.net.
Au sujet du squat Flor do asfalto il y a cet appel à solidarité qui avait été publié en juin 2011 en français sur Indymedia-Paris.
[1] L’écosystème où se situe la ville de Rio de Janeiro est la Mata Atlântica (forêt tropicale de l’Atlantique), qui a été la seconde forêt tropicale la plus grande d’Amérique du Sud et qui comprenait toute la zone de la côte du Brésil jusqu’à l’Argentine et le Paraguay. Actuellement il ne reste que 10% de tout ça. Et même ainsi cela reste l’un des écosystèmes les plus diversifiés de la planète.
[2] Les quilombos sont des zones autonomes qui existent dans beaucoup d’endroits du territoire brésilien, avec de grandes concentrations de descendants d’Africains faits esclaves pendant des siècles. Crées par les anciens esclaves fugitifs et rebelles, normalement dans des zones plus éloignées des villes mais aussi dans les périphéries urbaines, basées sur une économie de subsistance, mais maintenant aussi un conflit et des attaques constantes contre le régime esclavagiste. Le premier, et certainement le plus remarquable, a été celui de Palmares, situé dans la Serra da Barriga, Alagoas, et qui a duré plus de cent ans (entre les XVIe et XVIIe siècles). Il y a encore beaucoup de personnes qui possèdent la légitimité de l’héritage de ces terres, reconnues sur des papiers et légitimées à travers les luttes de ces gens. Certains des projets récents de ré-urbanisation se basent sur l’intolérance déclarée envers ces données et preuves historiques, et trahissent littéralement ces communautés quilombos, en les expulsant de leurs terres sans aucune considération envers ces écrits ni envers l’histoire de la résistance quilombo.
[3] Les milices sont des groupes paramilitaires formés par des ex-policiers et pompiers, entre autres, qui ont pris le contrôle clandestin de plusieurs favelas.
[4] Juridiquement ça serait la justification pour la police d’exercer des violences. L’exécution serait la conséquence de la résistance offensive du "criminel".
[5] Il y a des projets spécifiques pour le complexe d’Alemão, parmi d’autres quartiers, qui incluent l’installation de téléphériques dans les communautés, pour que les touristes aient une vue panoramique.
[6] Gentrification ou embourgeoisement (de l’anglais gentry) : intervention urbaine qui fonctionne à travers la réoccupation de parties de la ville, sur la base des plans "d’embourgeoisement urbain", l’expulsion des plus pauvres pour que la classe moyenne repeuple le lieu. Un terme aussi très utilisé, spécialement par les mouvements de résistance contre ces opérations, est celui "d’hygiénisation/nettoyage", qui met en évidence l’aspect classiste de nettoyage social inclus dans ces mesures. Ces politiques urbaines sont accompagnées d’autres mesures sociales pour assurer leur efficacité, qui avec fréquence se convertissent en une guerre déclarée contre les pauvres qui habitent ces zones, un vrai massacre annoncé. Certains urbanistes ont utilisé le terme ambigu et dangereux de "régénération", parce que, au-delà de sa connotation de classe, dans certaines villes ces mesures ont un caractère évidemment raciste. Les programmes de gentrification sont la même chose que ce que les gouvernements et leurs partenaires privées appellent "revitalisation" et qui à Rio de Janeiro sont identifiés par le terrifiant processus de "choc de l’ordre".
[7] Il faut garder en tête que ce texte a été écrit en 2011, car bien évidemment depuis 2013 il y aurait beaucoup de choses à rajouter sur la tension sociale provoquée par les expulsions, la violence policière et les projets faramineux développés pour la coupe du monde et les Jeux Olympiques.
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